CAS D'ECOLE 3: STRATÉGIE D’EXTENSION DE LA GAMME : COMMENT MONTBLANC S’EST IMPOSE COMME UNE MARQUE GLOBALE LA GRIFFE DOMINE LE MARCHÉ DES STYLOS DE LUXE. ELLE NE PEUT PLUS Y GRANDIR. SON AMBITION, DEVENIR UNE MARQUE GLOBALE. PROBLEMATIQUE MERCATIQUE Tout le monde connaît Montblanc à cause du stylo, Mais la plus grande force de la marque pouvait également devenir sa plus grande faiblesse. Richemont (l’entreprise propriétaire de la marque Monblanc) est au coeur des problématiques du luxe : numéro deux mondial du secteur, il est également propriétaire de Cartier, Van Cleef, Lancel, etc. Montblanc risquait de s’étioler. C’est le revers de la médaille de l’identification d’une marque à un produit... Le risque devenait d’autant plus fort que le fameux stylo en résine noire a commencé à s’essouffler commercialement. Les années 1980 avaient fait sa fortune. Mais dix ans plus tard, le constat était déjà plus amer. Les ventes s’effondraient. À la suite notamment de la crise en Asie, des baisses de 20 % ont été enregistrées jusqu’à la fin 2003. Pour aggraver les choses, les courriels et SMS tendent à démoder définitivement le stylo... Enfin, l’entreprise Montblanc souffre des défauts de sa qualité : son propriétaire n’en possède généralement qu’un et le renouvelle rarement ! La position ultradominante dans cette gamme de stylos (50 % du marché en France, 60 % à l’étranger) interdisait toute perspective de croissance. Même Rolex dans les montres n’a pas la domination que montblanc a dans les stylos. La solution a été la diversification. Elle avait commencé timidement dans les années 90, elle s’accélère depuis. Montblanc cherche à devenir une marque globale, tout en conservant cette image de luxe artisanal, de manufacture. VISION STRATEGIQUE Lorsqu’il a fallu déterminer comment compléter la gamme, ce sont les montres et les bijoux qui ont été sélectionnés dans un premier temps. En effet, leur achat relève du même type d’émotion. Et leurs perspectives de développement sont bien supérieures : les marchés mondiaux de l’horlogerie de luxe et de la bijouterie sont respectivement estimés à 7 et 20 milliards d’euros, au lieu de 500 millions d’euros seulement pour les stylos à plus de 150 euros. REPOSITIONNEMENT Il fallait réinventer la gamme. À partir des valeurs essentielles de la marque qui sont la culture, le pouvoir, l’artisanat, l’élégance, l’authenticité et la relation à l’autre. Un esprit que l’on retrouverait aussi bien dans les montres que dans les parfums. Pas question de se diversifier tous azimuts ; Surtout, il s’agit de ne pas trop galvauder l’image de la marque. L’esprit reste assez classique. Par exemple, la couleur noire représente toujours 80 % des ventes en maroquinerie CIBLAGE L’une des premières audaces a été la ligne Bohème, lancée en 2000, et qui avait pour cible les bobos et amateurs de luxe et d’esthétisme. Aujourd’hui, Montblanc ne cache pas ses ambitions auprès des jeunes. Les lignes Starwalker et Timewalker, respectivement en écriture et horlogerie, cherchent à séduire l’élite de demain. C’est un public jeune au pouvoir d’achat élevé mais qui ne veut pas de la montre ou du stylo de papa. DEVELOPPEMENT DE LA GAMME Après quelques tentatives dans la maroquinerie en complément des stylos, les premières montres ont été mises en vente. Le lancement a laissé quelques observateurs sceptiques voire ironiques. Mais, dès l’année suivante, des lunettes ont été commercialisées, avant les parfums, à partir de 2001. La collection de maroquinerie se développe elle aussi. Les accessoires tels que le cordon pour mobile ont parfaitement trouvé leur cible. Les ventes ont dépassé de 30 % les prévisions initiales. Évidemment, il a fallu adapter tout le marketing, à commencer par le prix. Une gamme de produits moins chers a été imaginée, comme les porte-clefs siglé ou le parfum. CONCLUSION UNE MÊME MARQUE pour se parfumer, porter des bijoux, ranger son fouillis dans un sac et... signer contrats ou (gros) chèques ! Le pari a été lancé et réussi par Montblanc. Il y a une douzaine d’années, le nom n’évoquait que les cérémonies de paraphes avec le stylo noir Meisterstuck, que les banquiers de Wall Street appellent « the power pen » (le stylo du pouvoir). Aujourd’hui, le sigle se retrouve dans les rayons de parfumerie. Et dans les quartiers chics, les adolescents l’arborent même autour du cou, grâce au cordon qui permet de garder leur mobile à portée de main... C’est avec ces nouveaux produits que Montblanc retrouve un peu de sa splendeur après avoir frôlé la catastrophe.