Biophysique 2ème M.D DOSIMETRIE Dr. Abdellatif CHOKRI DOSIMETRIE Introduction La traversée de la matière par un faisceau de photons ou de particules aboutit à un dépôt d’énergie. Les effets biologiques des rayonnements ionisants dépendent essentiellement de l’énergie absorbée par unité de volume, du débit de la dose absorbée et de la nature du rayonnement ionisant. La dosimétrie a pour but l’évaluation quantitative de l’énergie absorbée et l’évaluation du risque associé, et ce à afin de : prévoir les effets des traitements en radiothérapie aussi bien sur les tissus sains que les tissus tumoraux ; mesurer l’énergie déposée dans les tissus lorsque les rayonnements ionisants (directs ou indirects) sont utilisés à des fins diagnostiques ; définir des normes de protection individuelle ou collective vis-à-vis de ces rayonnements (radioprotection). I) Grandeurs dosimétriques Deux unités ont été créées pour la mesure de la dose de rayonnement absorbé par la matière et l’évaluation du risque associé à cette dose : le Gray et le Sievert. I.1) Dose absorbée : le Gray (Gy) Au cours de leurs interactions avec la matière, les rayonnements ionisants déposent une partie ou la totalité de leur énergie. La dose absorbée, exprimée en Gray, est définie par le rapport de l’énergie déposée sur la masse de matière. Un Gy correspond à une énergie de un Joule communiquée à un kilogramme de matière. 1Gy J/ Kg I.2) Dose équivalente : le Sievert (Sv) À dose absorbée égale, les effets produits dans la matière vivante dépendent de la nature du rayonnement. Afin d’exprimer par la même unité le risque de survenue de ces effets, on introduit un facteur de pondération du rayonnement (WR) propre à chaque type de rayonnement. Pour une dose donnée D d’un rayonnement exprimée en Gy, on peut calculer une quantité H appelée dose équivalente (ou équivalent de dose) qui s’exprime en Sievert tels que : H (Sv) = D (Gy) × WR Page 1 Biophysique 2ème M.D DOSIMETRIE Dr. Abdellatif CHOKRI Les valeurs approximatives de WR sont données dans le tableau suivant. Rayonnement Facteur de pondération (WR) Photons (X et ) 1 Electrons 1 Neutrons 5 à 20 Protons 5 Particules et ions lourd 20 Les sous-multiples du sievert sont souvent utilisés : le millisievert (1 mSv = 10-3 Sv) et le microsievert (1 Sv = 10-6 Sv). I.3) Dose efficace La sensibilité aux rayonnements ionisants diffère d’un tissu à l’autre de l’organisme, et ce en ce qui concerne le risque de cancer radio-induit. D’autres facteurs de pondérations sont utilisés, ce qui permet de calculer un index de dangerosité des irradiations pour les différents tissus et organes. Un facteur de pondération des tissus (WT) est attribué à chaque tissu, organe ou groupe de tissus. La somme des coefficients de pondération des différents tissus est égale à 1. Pour une population de référence, les valeurs des facteurs de pondération des tissus sont présentées dans le tableau suivant. Tissu ou organe WT Gonades 0,20 Moelle osseuse, côlon, poumon, estomac 0,12 Vessie, sein, foie, œsophage, thyroïde 0,05 Peau, surfaces osseuses 0,01 Autres : cerveau, rein pancréas, rate, thymus, utérus, muscle, glandes surrénales, intestins grêles, partie supérieure du gros intestin. 0,05 Corps entier 1 La dose efficace E est définie comme la somme des doses équivalentes reçue par tous les tissus, pondérée par les coefficients WT. Elle s’exprime aussi en sieverts (Sv). Si un tissu T reçoit une dose absorbée homogène DT, la dose efficace ET sera : ET (sievert) = WT × HT (sievert) = WT × WR × DT (gray) Si l’irradiation du tissu T est partielle, sur une fraction q de son volume, alors : ET (sievert) = q × WT × WR × DT (gray) Page 2 Biophysique 2ème M.D DOSIMETRIE Dr. Abdellatif CHOKRI Pour une irradiation homogène du corps entier (WT = 1), la dose efficace est : E (sievert) = WR × D (gray) ×WT = WR × D (gray) = H (sievert) I.4) Débit de dose absorbée, débit de dose équivalente La notion de débit de dose s’avère très importante pour l’estimation des effets biologiques des rayonnements ionisants. En effet, pour un médicament, 100 grammes d’aspirine ingérés en une prise peuvent causer la mort, alors qu’une dose de 1 gramme par jour pendant 100 jours n’aura aucun effet toxique. À dose absorbée égale, les effets produits par un rayonnement ionisant augmentent dans de larges proportions lorsque la durée d’irradiation diminue. Exemple : une dose efficace de 5 Sv sur le corps entier en quelques heures tue en moyenne un homme sur deux en l’absence de traitement, alors que cette même dose administrée en quelques mois ne cause que des effets biologiques limités. Le débit de dose absorbée s’exprime en Gy/s ou en Gy/heur, le débit de dose équivalente s’exprime en Sv/s ou en Sv/heur. II) Dosimètre Un dosimètre est un instrument de mesure destiné à mesurer la dose absorbée ou l'équivalent de dose reçus par une personne exposée à un rayonnement ionisant, dans le cadre de son activité professionnelle, d'un accident ou d'une radiothérapie vectorisée. II.1) Classes de dosimètres On distingue deux classes de dosimètres : Dosimètres passifs Ces dosimètres permettent une lecture différée de la dose reçue et fonctionnent comme un film photographique ou selon les principes de la luminescence. Ils permettent de connaître uniquement la dose cumulée durant la période de port du dosimètre. Dosimètres actifs Ces dosimètres donnent des informations, en temps réel, de la dose reçue au cours d’une séance de travail. Ils se présentent sous la forme d’un boîtier électronique avec un afficheur, les données recueillies sont transmises périodiquement à un fichier central. II.2) Principaux types de dosimètres Différents types de détecteurs sont utilisés comme dosimètres. Films dosimètres Ce sont des dosimètres passifs très répandus qui servent à mesurer des doses reçues, pendant une période (deux semaines à un mois), à la suite d'expositions externes aux rayonnements , , à des rayons X ou à des neutrons. Page 3 Biophysique 2ème M.D DOSIMETRIE Dr. Abdellatif CHOKRI Ces dosimètres sont faits d’émulsions photographiques placées dans un boîtier ou un sachet scellé et protégé par des écrans. Ils sont généralement portés à hauteur de la poitrine, ce qui correspond, en général, à la valeur moyenne de l'exposition totale du corps. Dans certains cas d'expositions, ces détecteurs seront mis au niveau de l'organe particulièrement exposé. Après développement, la mesure des densités optiques des émulsions photographiques et la comparaison avec des films étalonnés permet d’obtenir une dose d’exposition externe. Les films les plus sensibles arrivent à mesurer une dose de 0,1 mSv, ce qui les rend utiles pour surveiller des doses cumulées mais non pour des doses instantanées. Dosimètres thermoluminescents Ce sont des dosimètres passifs qui fonctionnent selon le principe de la thermoluminescence. Dans des matériaux à structures cristallines, l'énergie des rayonnements ionisants peut être absorbée pour créer des défauts dans cette structure. Lorsque l'on chauffe le matériau, l'agitation thermique finit par détruire ces défauts et la structure cristalline se rétablit avec émission d'une lumière : c'est le phénomène de thermoluminescence. La quantité de lumière restituée est proportionnelle à la dose reçue. Ces détecteurs sont utilisés aussi bien comme dosimètres individuels (exemple : détecteur bague déterminant la dose reçue au niveau des doigts pour les manipulateurs de radioéléments) que pour la surveillance de zones ou des études sur l'environnement. Leur sensibilité est meilleure que celle des films photographiques, et sont réutilisables jusqu'à plusieurs centaines de fois. L’inconvénient de ces détecteurs c’est que, contrairement aux films, leur lecture n'est possible qu'une seule fois. Chambres d’ionisations Ce sont des dosimètres actifs qui fournissent des résultats instantanés de la dose reçue, ils utilisent des sondes à chambre d’ionisation miniaturisées à parois équivalent air avec des parois en bakélite d’une épaisseur adaptée à l’énergie des photons qui ont le même effet qu’un environnement d’air de grande dimensions. Ces détecteurs destinés en général à la mesure des photons X ou , peuvent être équipées de fenêtres minces pour la mesure des , voir des . Pour la détection des neutrons rapides, la chambre d’ionisation doit être remplie d'éthylène, avec des parois en polyéthylène. Toute mesure avec ces détecteurs doit être précédée par un calibrage avec une source d'activité connue délivrant le même type de rayonnement que celui détecté par la sonde. Dosimètres à diode Ce sont des dosimètres électroniques actifs dont la sonde comporte une diode de silicium sensible aux rayonnements X, et . Les rayonnements ionisants provoquent des dépôts de charge qui sont transformés en impulsions électriques, et converties en équivalent de dose. Ces dosimètres sont le plus souvent équipés d’une carte à puce permettant l’enregistrement en continu de la dose reçue et délivrent une alarme sonore si la dose ou le débit de dose dépassent certains seuils. Ces dosimètres sont capables de détecter des débits de dose allant de 1 µSv/heure à 1 Sv/heure, en sauvegardant l’historique des doses reçues. Page 4