Avec le développement du capitalisme, il y a un phénomène, un mal nouveau qui fait son
apparition : le paupérisme. La sécurité sociale est une réponse à ce phénomène. C’est quoi
le paupérisme ? Faut revenir au rapport déséquilibré entre le prolétaire et le capitaliste. Le
prolétaire doit accepter le travail pour survivre. Les salaires permettent à l’époque à peine
de vivre. Tout au long de cette période, les prolétaires vivent dans un état de pauvreté qui
est totale et permanente. On a dit qu’il était épidémique : ça se reproduit de génération en
génération. L’ouvrier est pauvre toute sa vie, peu importe son travail, et a priori, sa
descendance le sera aussi. C’est cela que désigne le paupérisme : état de privation extrême
dans lequel une part considérable de la société a vécu pendant très longtemps.
L’abbé Sieyès a, dès la fin du XVIIIe siècle, que les prolétaires étaient « une foule
immense d’instruments bipèdes sans liberté. »
Bref, immense insécurité d’existence pour une grande partie de la population. C’est dans
ce contexte qu’il y a des aléas nouveaux. On sait qu’avoir un travail permet au mieux de
survivre. Mais ne pas avoir de travail, c’est pire encore, car on n’a aucun revenu. Si un
événement empêche quelqu’un de travailler, de mettre sa force de travail en location, les
conséquences sont considérables. Et ça peut arriver facilement alors. Il y a en effet deux
risques nouveaux qui n’existaient pas avant. D’abord (1) les accidents du travail, car
machinisme et usine. Le nombre des accidents explose ! Et face à ça, les ouvriers sont
démunis. Car la seule réponse de l’ordre juridique, c’est 1382. Il y a trois conditions
(faute, dommage, lien causal). Mais dans le cadre des accidents de travail, le dommage est
bien là : membre en moins, décès… Mais la faute ? À qui la faute ? Souvent on ne sait
pas. Et la réalité, c’est le système socio-économique qui fait que… 1382 n’a pas du tout
évolué et donc n’offre aucune réponse à ce phénomène. Et en plus, apparaît aussi le (2)
chômage. Avant ça n’existait pas (le terme). Pourquoi ça devient un risque ? Car dès qu’il y
a une conjoncture économique, on peut licencier les ouvriers. On est mis à la porte et
c’est tout. L’industrialisation génère ces deux nouveaux risques de l’existence.
Parallèlement, il y a d’autres risques qui prennent une dimension nouvelle. Ainsi, la
maladie, la vieillesse et la charge d’enfants. Ce n’est pas nouveau, évidemment, mais le
contexte d’alors fait que ça a des conséquences différentes. En cas de maladie ou de
vieillesse, on ne pourra plus faire appel aux solidarités communautaires ! (En ville, c’est
difficile.) Car ça empêche de mettre sa force de travail en location…
Fin du XIXe siècle, la classe prolétaire est confrontée à ces cinq grands risques :
accidents du travail, chômage, maladie, vieillesse et charge d’enfants. Et bien, encore
aujourd’hui, la sécurité sociale offre en Belgique une protection pour ces mêmes risques.
À l’époque, il y avait deux possibilités et deux impasses. On pouvait d’abord faire appel à
la bienfaisance. Or, la bienfaisance, ça ne donne aucun droit. Vous recevrez ou pas, un peu
ou beaucoup, selon la volonté du donateur. Et c’est même parfois humiliant de devoir
tendre la main. Deuxième possibilité : c’est la prévoyance individuelle, qui était perçue à
l’époque comme logique dans l’imaginaire du Code civil (et du bon père de famille) : tout
un chacun doit se prémunir contre les risques d’insécurité d’existence. Bref, pas de réelles
solutions.
Et que font alors les pouvoirs politiques ? Rien. Pendant un siècle, ils n’ont rien fait. Ils
ne l’ont sans doute pas toute de suite mesurée… Mais à partir du milieu du XIXe siècle,
on savait. Pourquoi ? Car il y a eu les premières grandes enquêtes sur les conditions
ouvrières. Des médecins, des journalistes, des avocats sont descendus dans les usines et
ont répertorié et rendu compte de la misère de la classe laborieuse.