Droit de la sécurité sociale Notes de cours (2018-2019) Cours premier – 19 septembre 2018 Introduction Cours introductif. L’intitulé n’a pas bonne presse… L’image dominante est : branche de l’ordre juridique qui est poussiéreuse, fastidieuse, avec des réglementations complexes et pas harmonisées, peu lisibles. L’étude semble dès lors ennuyeuse. Ce n’est pas totalement faux. Le droit de la sécurité sociale est peu lisible. Un peu comme le droit fiscal. Cela dit, il n’empêche que ça mérite de l’intérêt. Pourquoi ? D’abord parce que c’est une branche qui est traversée par des enjeux fondamentaux. Et ça nous concerne de très près, plus que les autres branches sans doute. Pour deux raisons au moins : (1) en tant qu’individu d’abord, parce que la sécurité sociale est omniprésente dans nos vies quotidiennes. La pension, le chômage, les cotisations de sécurité sociale… C’est toujours de la sécurité sociale. Nous sommes tous des assurés sociaux. Nous sommes donc tous des ayants droit à un certain nombre de prestations sociales. Mais en tant que (2) citoyen aussi, dans le sens où c’est très présent dans le débat public, dans les médias, dans les échanges d’idées. On parle toujours et tout le temps de la sécurité sociale : les soins de santé, les pensions, le chômage, etc. Récemment, on parle de plus en plus de l’allocation universelle. L’idée est que notre système est trop complexe, et donc il faudrait remplacer le tout ou une partie par une garantie d’un même revenu de base pour tout le monde. Il y a aussi une grande ampleur financière. Le budget de la sécurité sociale : 100 milliards. C’est 25% du PIB ! Chaque année dans ce pays (et c’est un peu pareil partout), un quart de la richesse du pays est redistribuée par la sécurité sociale : allocation familiale, pension, CPAS, etc. Dans ce cours, on ne prendra évidemment pas position. Mais on verra une série d’outils pour mieux décoder ces débats en maîtrisant les bases de notre système de sécurité sociale. [email protected] 1 Objectif du cours Transmettre et expliquer un certain nombre de données factuelles et de concepts juridiques, qui forment l’ossature de notre système de sécurité sociale. Le cours est assez interdisciplinaire. On aura surtout une approche technique-juridique, mais aussi sociopolitique. C’est un cours de droit avant tout, mais systématiquement, il y aura avant l’exposé un peu sec des normes en vigueur, par des explications empruntées aux autres sciences humaines, surtout l’histoire. Donc on réinscrira le droit positif dans son contexte historique. On n’aura donc pas une approche positiviste qui isole le droit de son histoire. Prérequis Il faut avoir suivi le cours de droit du travail. Et pour rappel, le droit de la sécurité sociale et le droit du travail forment ensemble le droit social. Le droit de la sécurité sociale est moins privé que le droit du travail. Le droit de la sécurité sociale indemnise les risques sociaux, protège la population contre les risques de l’existence. Et ce sont les autorités publiques qui sont en charge. Mais il y a quand même des notions qui viennent du droit du travail. Dispositions pratiques Il n’y a pas de support de cours (ça va venir l’année prochaine). Mais il y a des morceaux de ce petit syllabus, qui seront postés sur l’UV (pour la seconde moitié du cours surtout). Et la matière change parfois. Il y a aussi un plan de cours sur l’UV, avec des indications bibliographiques, avec les deux manuels qui existent en Belgique. Le francophone est très bien fait, est très didactique surtout. Mais le meilleur c’est le néerlandais, c’est la Bible de la sécurité sociale (par un professeur de la KUL). C’est le livre de référence. D’ailleurs, en général, c’est du côté néerlandophone que ça se passe pour cette branche du droit ! À l’examen, ça sera le même type de questionnaires que les années précédentes. La matière n’est constituée que de la matière enseignée au cours oral et des notes écrites pour les parties du cours pour lesquelles elles existent. Dans les notes il y a parfois un peu plus que ce que le prof dit au cours. Pour les étudiants en droit seulement, il faut travailler avec les textes. Aucun sens d’apprendre par cœur… Kluwer édite un Code du droit de la sécurité sociale, fait par le prof et son homologue à l’UCL. Il faut l’acheter. C’est le moins cher, hors commerce, et la sélection recoupe la matière du cours. Il faut prendre l’édition 2018-2019, surtout pas une autre. Le code peut être fluoré, souligné, etc., on peut renvoyer entre dispositions, mais pas recopier le cours ! Le prof a lu dans les Novelles ce qu’on dit sur lui. Il aime la précision, etc. Il faut bien préparer le code et utiliser les termes exacts. C’est vrai. [email protected] 2 Structure du cours Il y aura quatre parties : 1) Introduction générale au droit de la sécurité sociale. Pour le prof, c’est la partie la plus importante. Toute la suite va s’appuyer là-dessus ! C’est l’infrastructure… Il divise cette partie en quatre temps : a) Construction historique. Notre droit de la sécurité sociale est vraiment marqué par son histoire. Pourquoi est-ce comme ça et d’où ça vient ? La réponse c’est toujours l’histoire. b) Concepts fondamentaux. On va essayer de définir la sécurité sociale par contraste avec les assurances privées. c) Aperçu comparé des différentes façons de penser et organiser la sécurité sociale. Après, on viendra sur le système belge, mais ailleurs, ça peut se faire autrement. On va donc se situer dans le paysage international. d) Interactions entre la sécurité sociale et le droit constitutionnel. 2) Triptyque lié : assujettissement, financement et organisation administrative des régimes. Trois questions qui correspondent : qui paye ? Comment on calcule les cotisations ? Qui fait quoi dans l’organigramme de la sécurité sociale ? Et sur ces trois plans, il faudra à chaque fois distinguer la situation des salariés de celle des indépendants (même si exclus du droit du travail). 3) Le cœur du système : on va voir les principales branches du régime de sécurité sociale des salariés (accidents du travail, chômage, pension et soins de santé). 4) L’aide sociale, qui est différente de l’assurance sociale. L’aide sociale c’est les différentes prestations pour les personnes en situation de pauvreté. Mais aussi le droit à l’intégration sociale (alloué par les CPAS). Partie I. Introduction générale au droit de la sécurité sociale Section I Pour retracer la genèse de notre système, on va structurer notre parcours en cinq grandes périodes. On va voir les deux premières aujourd’hui. La toute première chose à souligner c’est que quand on réinscrit la sécurité sociale dans l’histoire, on réalise d’abord qu’elle n’a rien de naturel. Rien d’évident ou de spontané non plus… La sécurité sociale est le fruit d’un très long combat social et politique. Il s’agit d’une construction arrachée par le mouvement ouvrier aux classes possédantes. L’événement déclencheur de la sécurité sociale c’est la grande révolution économique de la fin du XVIIIe siècle : la révolution industrielle. On est dans un contexte où les campagnes sont désertées pour les milieux urbains. Toute une population nouvelle dans les villes… Et qui sont très largement dénuée de moyens de subsistance. Cette concentration dans les villes fournit aux capitaines d’industrie la main-d’œuvre nécessaire pour faire tourner les usines. Le capitalisme prend son envol… [email protected] 3 Avec le développement du capitalisme, il y a un phénomène, un mal nouveau qui fait son apparition : le paupérisme. La sécurité sociale est une réponse à ce phénomène. C’est quoi le paupérisme ? Faut revenir au rapport déséquilibré entre le prolétaire et le capitaliste. Le prolétaire doit accepter le travail pour survivre. Les salaires permettent à l’époque à peine de vivre. Tout au long de cette période, les prolétaires vivent dans un état de pauvreté qui est totale et permanente. On a dit qu’il était épidémique : ça se reproduit de génération en génération. L’ouvrier est pauvre toute sa vie, peu importe son travail, et a priori, sa descendance le sera aussi. C’est cela que désigne le paupérisme : état de privation extrême dans lequel une part considérable de la société a vécu pendant très longtemps. L’abbé Sieyès a, dès la fin du XVIIIe siècle, que les prolétaires étaient « une foule immense d’instruments bipèdes sans liberté. » Bref, immense insécurité d’existence pour une grande partie de la population. C’est dans ce contexte qu’il y a des aléas nouveaux. On sait qu’avoir un travail permet au mieux de survivre. Mais ne pas avoir de travail, c’est pire encore, car on n’a aucun revenu. Si un événement empêche quelqu’un de travailler, de mettre sa force de travail en location, les conséquences sont considérables. Et ça peut arriver facilement alors. Il y a en effet deux risques nouveaux qui n’existaient pas avant. D’abord (1) les accidents du travail, car machinisme et usine. Le nombre des accidents explose ! Et face à ça, les ouvriers sont démunis. Car la seule réponse de l’ordre juridique, c’est 1382. Il y a trois conditions (faute, dommage, lien causal). Mais dans le cadre des accidents de travail, le dommage est bien là : membre en moins, décès… Mais la faute ? À qui la faute ? Souvent on ne sait pas. Et la réalité, c’est le système socio-économique qui fait que… 1382 n’a pas du tout évolué et donc n’offre aucune réponse à ce phénomène. Et en plus, apparaît aussi le (2) chômage. Avant ça n’existait pas (le terme). Pourquoi ça devient un risque ? Car dès qu’il y a une conjoncture économique, on peut licencier les ouvriers. On est mis à la porte et c’est tout. L’industrialisation génère ces deux nouveaux risques de l’existence. Parallèlement, il y a d’autres risques qui prennent une dimension nouvelle. Ainsi, la maladie, la vieillesse et la charge d’enfants. Ce n’est pas nouveau, évidemment, mais le contexte d’alors fait que ça a des conséquences différentes. En cas de maladie ou de vieillesse, on ne pourra plus faire appel aux solidarités communautaires ! (En ville, c’est difficile.) Car ça empêche de mettre sa force de travail en location… Fin du XIXe siècle, la classe prolétaire est confrontée à ces cinq grands risques : accidents du travail, chômage, maladie, vieillesse et charge d’enfants. Et bien, encore aujourd’hui, la sécurité sociale offre en Belgique une protection pour ces mêmes risques. À l’époque, il y avait deux possibilités et deux impasses. On pouvait d’abord faire appel à la bienfaisance. Or, la bienfaisance, ça ne donne aucun droit. Vous recevrez ou pas, un peu ou beaucoup, selon la volonté du donateur. Et c’est même parfois humiliant de devoir tendre la main. Deuxième possibilité : c’est la prévoyance individuelle, qui était perçue à l’époque comme logique dans l’imaginaire du Code civil (et du bon père de famille) : tout un chacun doit se prémunir contre les risques d’insécurité d’existence. Bref, pas de réelles solutions. Et que font alors les pouvoirs politiques ? Rien. Pendant un siècle, ils n’ont rien fait. Ils ne l’ont sans doute pas toute de suite mesurée… Mais à partir du milieu du XIXe siècle, on savait. Pourquoi ? Car il y a eu les premières grandes enquêtes sur les conditions ouvrières. Des médecins, des journalistes, des avocats sont descendus dans les usines et ont répertorié et rendu compte de la misère de la classe laborieuse. [email protected] 4 Pourquoi n’ont-ils rien fait, même quand ils ont pris connaissance de la chose ? Le premier facteur est évident : (1) facteur politique, car le droit de vote était réservé aux hommes riches. On ne voulait pas remettre en cause les avantages de la classe bourgeoise. Ce facteur est important, dit le prof, et on insiste énormément dessus : les classes dominantes avaient intérêt à… Un calcul cynique donc. Mais ce n’est pas la seule raison, car à côté de cela, il y avait aussi un (2) blocage philosophique ou conceptuel. Celui qui a mis ça en évidence c’est François Ewald, dans L’État providence (1986). Il essaye de se replonger dans l’esprit des bourgeois de l’époque, des libéraux éclairés, etc. Ce qu’il montre que c’est quand on fait ça, on voit qu’il y avait une conscience certaine d’un gros problème social. Pour les libéraux, faire la charité, venir en aide aux pauvres, c’est un devoir moral de première importance. Ce qui par contre était totalement inenvisageable, c’était de juridiciser la bienfaisance ! On ne pouvait pas mettre de la contrainte, on ne pouvait pas donner un droit aux démunis d’exiger de… Pourquoi ? On sort de la Révolution française qui a mis fin au système féodal et on a consacré les droits individuels (comme la propriété). La hantise des libéraux c’était alors de perdre les acquis de la révolution. Si l’État descend dans l’arène et réglemente les relations économiques et sociales, le droit va tout envahir, on va mettre à mal les libertés individuelles récemment acquises. D’où le fait de s’être tenu à 1382 seulement. Et donc un imprévoyant ne peut s’en prendre qu’à lui-même… Sociologiquement, les bourgeois savent bien qu’on ne peut pas reprocher aux pauvres leurs situations ; mais juridiquement, ils ne voyaient pas de situation (car on ne peut porter atteinte aux acquis de la révolution). Section II Les choses ont fini par bouger. Le verrou du dogme de la non-intervention a sauté. Pourquoi ? Le déblocage a été politique et philosophique, comme le verrou. Le grand déclencheur politique, ce sont les événements dramatiques de 1886 : les grèves insurrectionnelles ! La conjoncture économique est mauvaise et les grands capitaines des usines vont baisser drastiquement les salaires. Ajoutez à cela le chômage… C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. C’est surtout dans le Hainaut et à Liège que ça éclate. Et ces grèves sont réprimées dans le sang par la gendarmerie et l’armée. Il y a des morts. Et c’est là le point de basculement. À partir de là, la machine va s’enclencher, les choses sont allées trop loin. Léopold II prononce son discours du trône (à chaque début de l’année parlementaire) et, en 1886, il prend le « parti » de la classe ouvrière, ou donne du moins le ton : « Peut-être a-t-on trop compté sur le seul effet des principes, par ailleurs si féconds, de liberté. Il est juste que la loi entoure d’une protection plus spéciale les faibles et les malheureux. » Dès l’année suivante, le gouvernement s’exécute et les premières législations sociales sont lancées. Aussi, le mode de suffrage change : suffrage universel plural, où tout le monde vote, mais la classe possédante a plus de voix. Mais les premiers élus du POB (Parti Ouvrier Belge) font leur entrée au Parlement et vont relayer à la Chambre les revendications des mouvements ouvriers. Ces derniers mouvements se structurent, les syndicats se renforcent. Après la Première Guerre mondiale, c’est le suffrage universel simple : un homme, une voix. Les choses changent complètement. [email protected] 5 Parallèlement, le déblocage a été aussi philosophique. Dans quel sens ? Les conditions intellectuelles se mettent elles aussi en place pour que l’État sorte de sa réserve et ne soit plus juste spectateur. Qu’est-ce qu’il s’est passé sur le plan des idées ? On peut dire que la réalité sociologique a fini par s’imposer. Le paupérisme n’a pas cessé de s’aggraver au XIXe. Et donc il est devenu de plus en plus évident que les grandes libertés individuelles (de la Révolution française) n’avaient pas d’effectivité pour la classe prolétaire. À partir du moment où la pauvreté nous tombe dessus et qu’on ne l’a pas mérité, on ne peut plus continuer à dire « il faut être prévoyant », etc. Ce discours ne tient tout simplement plus. Le discours libéral et l’imaginaire du Code civil a perdu sa crédibilité. L’histoire ne tient plus… Quelle alternative se substitue au Code civil ? L’idée que face aux risques sociaux, aux grands aléas générés par la révolution industrielle, la responsabilité n’est pas individuelle, mais collective. Ce qui tombe sur la victime d’un accident de travail n’est pas de sa faute. Les grands aléas sont générés pas la vie en société, par la vie économique collective. Il faut donc mettre en place des systèmes collectifs aussi. Plus concrètement, une fois que les verrous ont été levés, qu’ont fait les pouvoirs publics ? De la fin du XIXe à la Deuxième Guerre mondiale, il y a deux grandes étapes. Les libéraux et catholiques ont concédé énormément de choses… Malgré la résistance et les conflits. La première phase c’est la liberté subsidiée. Depuis le milieu du XIXe, la classe ouvrière avait pris des initiatives (vu que les pouvoirs publics et les patrons ne faisaient rien) : il y avait les premières caisses de secours mutuel. On verse chacun une cotisation… Et si vous avez un accident ou perdez votre emploi, on vous verse une indemnisation. C’est une mesure d’autoprotection, dans trois grands domaines : vieillesse, chômage et maladie-invalidité. Le succès n’a pas été grand, car les salaires sont très bas, on ne peut se permettre de verser une cotisation à qui que ça soit… Mais elles sont passées à la postérité parce que c’est le mouvement ouvrier lui-même qui a mis ça sur pied. La politique de liberté subsidiée désigne le fait qu’à partir des années 1890 le gouvernement (catholique à l’époque) a commencé à subventionner ces caisses de secours mutuel. Pourquoi ? Ce n’est pas vraiment par conviction profonde… L’idée c’était de « protéger » le paupérisme sans devoir balayer le Code civil, renoncer à 1382. Mais pour la première fois, de l’argent public s’ajoute à l’argent épargné par les travailleurs euxmêmes. Le parti ouvrier belge va revenir à la charge, à partir du XXe siècle, avec une nouvelle demande : l’affiliation aux caisses de secours mutuel doit devenir obligatoire. L’idée c’est qu’on ne pourra pas maintenir le système antérieur basé sur la seule liberté. Pour protéger tout le monde, ça doit devenir obligatoire pour tous. C’était imbuvable pour les catholiques et libéraux, car ça voulait dire renoncer aux idées du Code civil et de la Révolution française. Et donc ça a mis énormément de temps à se mettre en place. Le premier domaine dans lequel où la protection est devenue obligatoire ce sont les accidents du travail. C’est la branche fondatrice en sécurité sociale. Avec un tournant : loi du 24 décembre 1903 sur la réparation des dommages résultant des accidents de travail. Pourquoi cette loi est célèbre ? Car à partir d’elle, on change le principe de base. Fini de devoir prouver une faute, un dommage et un lien de causalité… Désormais il faut établir l’existence d’un accident de travail pour être indemnisé. (On verra la définition.) Dès que [email protected] 6 l’accident de travail a lieu, on a droit à une indemnisation. Peu importe s’il y a faute ou pas, coupable ou pas. C’est tout nouveau, un siècle après le Code de Napoléon… On met 1382 de côté ! Dans les autres branches la future « sécurité sociale » (c’est anachronique évidemment), on a vu progresser le système des assurances obligatoires dans l’entre-deux-guerres, sous l’influence des idées du chancelier allemand Otto von Bismarck. L’Allemagne a avancé dans ces problématiques de manière assez précoces. En Belgique, c’est 1886 pour se dire « il y a un problème qui appelle une action positive… » Mise à l’agenda politique. Et puis ça stagne jusque 1903 et bouge entre les deux guerres. En Allemagne, c’est dès 1880 que les premières assurances sociales obligatoires sont mises en place ! Avec un financement tripartite : travailleur et employeur cotisent, Etat ajoute des subsides. En Belgique, on rend en 1924 (ouvrier) et 1925 (employé) l’assurance obligatoire pour les pensions. Et en 1930, on rend obligatoire l’affiliation de tous les employeurs à une caisse d’allocations familiales. Ces caisses versent aux salariés un supplément de salaire quand un enfant naît. En 1937, on l’étend aux indépendants. (Pendant longtemps, il n’y aura plus rien pour les indépendants… Faudra attendre les années 60 pour s’intéresser aux indépendants. Avant ça, ce n’était que l’allocation familiale qu’ils avaient.) Donc les salariés ont une protection obligatoire contre les accidents de travail (1903), contre la vieillesse (1924-1925), des allocations familiales (en 1930). Mais dans le chômage et dans la maladie-invalidité, il y a un blocage ! Le POB et la gauche du parti catholique (démocratie chrétienne) n’obtiennent pas le basculement dans de l’affiliation obligatoire. Donc on n’a que des systèmes comme avant. Ne sont assurés que ceux qui sont affiliés d’eux-mêmes et payent une cotisation. L’État aide aussi, mais la couverture n’est pas obligatoire. Et on n’a rien si on tombe malade. Pourquoi ? Ce n’est pas de la résistance des partis conservateurs, pour une fois… Les conservateurs savaient que ça allait bien finir par arriver. En fait, dans les années 30, ce qui a retardé le passage aux assurances sociales obligatoires, ce sont des divergences entre socialistes et démocrates chrétiens ! Surtout sur l’organisation de la couverture obligatoire chômage et maladieinvalidité. La question c’est : que faire des organisations privées (mutuelles et organisations syndicales) ? Une partie du mouvement socialiste voulait tout mettre à la poubelle et créer un système unique et public pour tout prendre en charge. Alors que du côté démocrate-chrétien, on considérait important que ces organismes intermédiaires issus du mouvement ouvrier jouent encore un rôle. On voulait un tampon entre les pouvoirs publics et les ouvriers… Bref, quand la Deuxième Guerre éclate, qu’est-ce qu’on a ? On a un paysage mixte. Au début de la première moitié du XXe siècle, on avait la politique de liberté subsidiée avec l’autre système, la technique des assurances sociales obligatoires. On a trois choses donc : un système de protection automatique contre les accidents de travail ; des assurances sociales obligatoires pour les pensions et allocations familiales ; système d’assurance libre subventionnée en chômage et en maladie-invalidité. En 1939, le très long processus de la construction de la sécurité sociale est loin d’être fini. Mais toutes les bases du système sont déjà là, les différentes branches aussi, les organisations syndicalistes et mutualistes, etc. Et à un niveau plus fondamental, il faut voir ce qui se passe : changement de regard de la société sur les problèmes des risques de l’existence. On a enfin basculé d’un système de responsabilité individuelle à un système de responsabilité collective. [email protected] 7 Cours deuxième – 26 septembre 2018 Rappel : la sécurité sociale c’est la réponse de notre système au paupérisme. Les premières traces de protection sociales viennent des ouvriers eux-mêmes (système d’autoprotection). Ensuite, la sécurité sociale se mettra en place de manière très chaotique, c’est une histoire lente et compliquée. Actualité : le gouvernement fédéral veut accélérer la dégressivité des allocations. Article dans Le Soir où des économistes s’y opposent, car c’est dangereux, l’accélération va juste augmenter le taux de pauvreté et non diminuer le chômage. Section III – L’arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs Premier moment clé : 1886 : les grèves dans le sang. L’étape capitale suivante c’est 1944 : c’est le moment de la fondation de la sécurité sociale. C’est vrai et faux en fait… En partie faux, parce qu’en 1944 on n’a pas tout inventé à partir de rien. Existait déjà tout ce dont on a parlé au dernier cours. Pourquoi ? En 1943, des représentants du mouvement ouvrier et des représentants du mouvement patronal sont dans la clandestinité et réfléchissent sur la réorganisation des structures sociales économiques qui devaient voir le jour après la guerre. C’est là que les classes ont pu se rapprocher (c’est l’idée). Naît alors du comité ouvrier-patronal le Pacte social (ou projet d’accord pour la solidarité sociale). C’est un compromis d’ensemble. Le patron accepte que ce soit le travail qui crée la richesse et donc la classe laborieuse doit pouvoir en bénéficier. En contrepartie, le mouvement ouvrier accepte pour la première fois le principe de l’autorité patronale. C’était encore très contesté dans les rangs syndicaux, où on avait encore l’idée d’une appropriation collective des moyens de production. Le mouvement ouvrier y renonce donc lors du pacte social. Bref, d’un côté on maintient le marché et la propriété privée, mais d’un autre côté, on va redistribuer les fruits de la croissance, donc les richesses. Dans ce projet d’accord, il y a un morceau important sur la sécurité sociale. Le comité ouvrier-patronal s’est mis d’accord sur pas mal de choses en cette matière. L’accord des représentants a en fait directement inspiré le gouvernement. En décembre 1944, avant même la libération, le gouvernement a adopté un texte fondamental qui existe toujours : arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale. C’est le texte fondateur ! (Même s’il n’y a plus grand-chose dedans.) Quelles étaient les intentions du gouvernement ? Le rapport au Régent qui précède l’arrêté-loi l’explique bien. C’est quelques lignes sont célèbres, on les ressort souvent. Idée de la répartition plus juste des fruits du travail, de développer la sécurité sociale et de lutter contre la misère de la classe laborieuse. Quel était le contenu proprement dit de cet arrêté-loi ? Il n’a pas créé les choses à partir de rien. Il a pour l’essentiel rationaliser ce qui existait déjà : caisses de chômage syndicales, mutuelles, etc. Il a rassemblé ces différentes initiatives dans une seule loicadre. Et on a mis un label : sécurité sociale (expression inconnue jusque-là, qui vient en fait de Londres (par William Beveridge) où était le gouvernement). Bref, consolidation de ce qui existe déjà. [email protected] 8 Le gouvernement fait deux choses dans cet arrêté-loi : (1) le principe de l’affiliation obligatoire (très controversée) est définitivement généralisé. Jusqu’alors, pour le chômage et maladie-invalidité la couverture n’était pas obligatoire. Première révolution donc, qui a une signification politique forte : définitivement l’État providence va supplanter l’État libéral. On renonce à l’idée de la figure du bon père de famille du Code civil. Le but n’est plus d’inculquer un esprit de prévoyance à tous, mais de sécuriser les conditions d’existence de toutes et tous, ici et aujourd’hui. Et puis (2) on créé tout en haut du système de la sécurité sociale une institution publique qui existe toujours : l’ONSS (Office national de sécurité sociale). C’est l’institution publique qui surplombe et supervise l’ensemble du système de sécurité sociale de travailleurs salariés. L’ONSS collecte les cotisations et reverse à ceux qui en ont le droit et le besoin. On y reviendra. Dans l’esprit du gouvernement de l’époque et des interlocuteurs sociaux, tout ceci est très largement provisoire. Il faut aller vite, la Belgique n’est pas encore libérée, etc. On allait y revenir au Parlement, c’était l’idée. Et on allait viser toute la population : indépendants et fonctionnaires aussi. Ce caractère provisoire a une conséquence très importante qui est toujours d’actualité : encore aujourd’hui, le cœur de la sécurité sociale ne concerne que les travailleurs salariés ! Les autres sont en dehors… Indépendants : à l’époque ils n’ont presque rien, sauf allocations familiales (entre deux guerres). Et les fonctionnaires ? C’est une législation distincte et plus ancienne, en 1944 on n’y touche pas. On a donc à l’époque trois régimes de sécurité sociale parallèles (c’est encore le cas) : (1) régime des fonctionnaires (le plus ancien) ; (2) le régime des travailleurs salariés ; (3) le « régime » des indépendants, qui ne concernent qu’une seule branche (pas vraiment un régime donc) : les allocations familiales, d’un montant bien moindre que les travailleurs salariés… Section IV – de 1944 à 1974 : les Trente Glorieuses, âge d’or de la sécurité sociale La sécurité sociale va grandir et connaîtra beaucoup d’évolution. Ce qui est frappant : ces évolutions depuis 1944 ont été dans deux sens très largement opposés, il y a deux moments. Pendant trois décennies on a un contexte très favorable à l’expansion de la sécurité sociale et des richesses en général (trente glorieuses), et puis très défavorable. Aujourd’hui on a l’impression que soit on a la redistribution des richesses, soit la compétitivité, alors que pendant les Trente Glorieuses on avait les deux. La législation de 1944 devait être provisoire. Mais aujourd’hui encore on attend cette opération… Elle n’aura sans doute jamais lieu. Le provisoire est donc devenu définitif. Depuis 1944 on n’arrête pas de bricoler cette base provisoire. Mais on a quand même essayé plein de projets de réforme ponctuels. Il y a eu deux grandes tentatives pour revoir le système de la sécurité sociale entièrement. Les deux ont échoué… La première tentative a eu lieu tout de suite après la guerre. Le gouvernement a voulu honorer sa promesse, rouvrir le débat, etc. En 1949, le gouvernement nomme deux commissaires d’État à la sécurité sociale (un flamand, un francophone). Ils se mettent au travail, on veut un rapport pour dans un an pour avoir un système clé sur porte. Et évidemment, l’un socialiste, l’autre démocrate-chrétien, ils ne s’entendent pas ! En 1950, il y a un Rapport sur la réforme de la sécurité sociale, mais en fait ça contient des chapitres tantôt signés par l’un, tantôt par l’autre. Bref, c’est raté. [email protected] 9 La deuxième tentative vient bien plus tard, dans un contexte tout autre en 1980. On a cru que ça allait aboutir, mais non. Le gouvernement veut codifier, harmoniser et simplifier la législation. Une commission royale est mise sur pied, avec des parlementaires de tous les partis, des représentants des interlocuteurs sociaux, avec deux professeurs d’université qui chapeautent les travaux du groupe. Cette commission a travaillé pendant 5 ans et, in extremis, on a raté, le but n’a pas été atteint. Pourquoi ? Le parti libéral flamand (actuel Open-VLD) s’est opposé à la conclusion des travaux, car pas intéressé par l’idée de rationaliser et remettre en ordre ce système de sécurité sociale. Pour eux, il fallait mettre fin à l’État providence, il fallait réduire la sécurité sociale. C’est tout autre chose qu’on voulait. Mais tout de même, au final, le président et vice-président (Roger Dillemans (KU Leuven) et Pierre Van der Vorst (ULB), professeurs d’Université donc) ont créé un avantprojet de code de la sécurité sociale en 1985. Seul le président et vice-président ont signé. C’est à ce jour la dernière tentative… Si l’avant-projet du Code n’a pas eu de suites, le législateur a quand même repris des morceaux. Ainsi, l’informatisation de la sécurité sociale provient de cet avant-projet de ce Code. De même pour le droit pénal social ou les allocations pour les personnes handicapées. Bref, ça a eu une influence. Qu’est-ce qu’on peut retirer de ces deux échecs ? Notre système est lesté d’une force de pesanteur très importante. C’est 100 milliards d’euros, ça bouge très difficilement ! Plus la recherche se passe à froid, plus on prend de la distance par rapport aux compromis du passé, plus le résultat semble devoir tomber dans l’oubli… Tout le paradoxe c’est que le droit de la sécurité sociale évolue tout le temps, toutes les semaines mêmes. Mais toutes ces réformes sont marginales ou graduelles. C’est l’accumulation de ces petites réformes qui fait de grands changements. Ainsi, pour le chômage, on a depuis les années 2000 plein de réformes, donc très différent par rapport aux années 90, bien que pas une grande réforme. Trois clivages idéologiques Chaque branche (il y en a trois) évolue de son côté. Mais il y a des traits communs quand même. Trois grands clivages dominent la vie politique belge. Chacun de ces clivages a laissé une marque juridique claire aujourd’hui. (1) Clivage socio-économique : conflit entre capital et travail, ouvriers contre patrons. Au 19e siècle ça a été très fort. Mais il existe toujours… Le monde syndical et patronal n’est toujours pas d’accord. Mais depuis la Deuxième Guerre mondiale ce clivage n’est plus aussi fort qu’avant (comme au 19e siècle). En sécurité sociale, ce qui a permis d’apaiser le conflit capital-travail c’est la gestion paritaire (ou le paritarisme) : dans chaque institution publique de sécurité sociale, à sa tête, il y a un comité de gestion (comme un CA) et sa particularité est qu’il est composé de manière paritaire : représentants syndicaux et représentants patronaux sont de nombre égal. Ils cogèrent la sécurité sociale. Pourquoi ? Parce qu’ils sont les principaux financeurs de la sécurité sociale (avec les cotisations) : les principaux financeurs sont donc les principaux gestionnaires. (2) Clivage philosophique ou confessionnel : monde catholique contre le monde laïc. On a déjà vu des traces de cette opposition avant la Deuxième Guerre mondiale, car au sein du mouvement ouvrier il y avait un conflit entre les socialistes et les démocrates-chrétiens (pour le chômage et la maladie-invalidité). Ce conflit a été en Belgique aussi important que le premier clivage. Pourquoi ? À l’intérieur de la gauche donc, socialistes et démocrates-chrétiens ne partageaient pas la même vision à propos de la forme de la [email protected] 10 sécurité sociale. Du côté socialiste, on a (1) défendu des prestations universelles : ça doit couvrir toute la population. Idée donc de (2) la couverture par l’impôt, tout le monde doit y contribuer (pas que les travailleurs). Et aussi, pour les socialistes (3) la sécurité doit être géré par un service public unique et centralisé de la sécurité sociale. Il faut faire sortir les syndicats et mutuelles, qui doivent être des forces de contestation, mais pas intervenir dans le quotidien du système. Chez les démocrates-chrétiens, on défend tout autre chose. Majoritairement, on veut (1) modèle des assurances sociales adossé au travail. Et (2) c’est donc par les cotisations des travailleurs et employeurs que la protection sociale doit être financé. On rapprocherait les classes. Et enfin, (3) on a toujours été très attaché au maintien dans la sécurité sociale des organismes privés créés par les ouvriers eux-mêmes : mutuelles, caisses d’allocations familiales… Bref, deux visions différentes : l’une, étatiste, à l’instar de Beveridge, et de l’autre, à la manière de Bismarck. Quelle va être la solution ? C’est un compromis, mais c’est plutôt les démocrateschrétiens qui l’ont remporté. Ainsi, dans toutes les branches, sauf les pensions, on a les organismes privés créés par les employeurs et travailleurs. En contrepartie, les socialistes ont eu la création, dans chaque branche, une caisse publique neutre et résiduaire. Par exemple, si on doit s’affilier à une mutuelle et qu’on ne veut pas une mutuelle qui a une couleur publique, on va à la CAAMI. On y reviendra. C’est ce qu’on appelle le pluralisme institutionnel : on a des organismes intermédiaires privés, mais aussi des caisses publiques auxiliaires. (3) Clivage linguistique : c’est le conflit communautaire. Ce troisième clivage n’a pas impacté la sécurité sociale pendant très longtemps, même si dominant dans la vie politique. Pas d’effet juridique donc. Le monde flamand veut majoritairement qu’il faille défédéraliser, au moins partiellement, la sécurité sociale. À la sixième réforme de l’État, en 2014, la demande flamande a reçu une première réponse. Pour la première fois, en 2014, une branche de la sécurité sociale a été complètement scindée : ce sont les allocations familiales ! L’année prochaine, on aura quatre systèmes d’allocations familiales : système flamand, wallon, bruxellois et germanophone… Et s’il y a une septième réforme de l’État, on voudra scinder les autres branches de la sécurité sociale. Peut-être les soins de santé ? Aperçu de l’évolution générale dans chacun des régimes On n’a pas en Belgique un système unique de sécurité sociale qui couvre toute la population, mais bien différents régimes qui existent côte à côte. Même si la tendance est à la convergence, c’est différent. (1) Régime de sécurité sociale des travailleurs salariés. On parle parfois de régime général, c’est le plus important. Depuis 1944, on a eu une marche en avant vers le progrès social, pendant trente ans, et ce dans deux directions : (1) couverture personnelle, c’est-à-dire qui est couvert par ce régime ? Tous ceux qui ont un contrat de travail, mais pas seulement ! On y inclut aussi dans ce régime plein de catégories de travailleurs qui n’ont pas un contrat de travail, mais qui sont dans une dépendance sur le plan socio-économique. Exemple : les chauffeurs de taxi. Ils n’ont pas toujours des contrats, mais si on roule dans un véhicule qui n’est pas le vôtre, que la société vous envoie des clients, etc., même s’il n’y a pas de contrat de travail, il y a une situation de dépendance ! Ils sont inclus dans ce régime, comme si ils étaient des salariés. Ou bien encore : les artistes. Souvent sans contrat de travail. Formellement, ce sont des indépendants. Mais parfois on dépend fort d’autrui. On va alors aussi les [email protected] 11 considérer comme si ils étaient des salariés. C’est la première grande évolution. Et puis, deuxième grande évolution : (2) amélioration de la couverture matérielle. Non pas qui, mais le contenu de la protection sociale. Les prestations ont été revues à la hausse : montant des allocations, périmètre des risques couverts, etc. Ainsi, des jeunes qui sortent des études peuvent avoir le chômage, même s’ils n’ont pas encore travaillé ! Élargissement de la couverture… Ou encore, les accidents de travail : on a inclus dans le périmètre des risques couverts les accidents sur le chemin du travail. Ainsi de suite. Mais tout ça n’allait pas de source. Tout a été compliqué et conflictuel, il ne faut pas l’oublier. (2) Régime de sécurité sociale des agents des services publics. On n’en parlera pas vraiment. Les fonctionnaires statutaires disposent d’un régime propre, spécifique. Renvoi au cours de Droit social de la fonction publique. Retenons juste que ce régime est hybride, car dans certaines branches, comme les pensions, les fonctionnaires statutaires ont leur propre législation, mais dans d’autres, comme les soins de santé, ils bénéficient des législations du régime général (régime des salariés). (3) Régime de sécurité sociale des travailleurs indépendants. C’est bien après la Seconde Guerre mondiale que ça va changer. Pour rappel, au début, il n’y a que des allocations familiales. Pendant longtemps, les organisations représentants des indépendants ne voulaient pas de sécurité sociale, l’indépendant assumait seul. Donc ça a été lent… D’abord, assurance vieillesse obligatoire dans les années 50. Et puis assurance maladie obligatoire dans les années 60. Et dans les années 70 : invalidité. Et globalement, on s’est arrêté là… Encore aujourd’hui, les indépendants ne bénéficient pas de certaines branches. Ainsi, les accidents de travail, pas de couverture pour les indépendants. Assurance chômage ? Non plus, rien. Et dans les trois branches qui se sont développées, il y a eu des différences considérables pendant très longtemps. Ce n’est pas du tout la même assurance que les salariés ! Mais la grande tendance depuis les années 2000 et surtout 2010 (c’est tout récent) est au rapprochement lent (pas de grande réforme) : convergence du régime (1) et (3). De telle sorte qu’aujourd’hui il n’y a plus de différence en matière de soins de santé et en matière d’allocations familiales. Mais pour la pension et l’invalidité, il y a des différences considérables. Aide sociale On a donc les trois régimes contributifs et on a un quatrième et dernier régime : c’est l’aide sociale (avant on disait assistance sociale). À la fin des années 60, début 70. Pourquoi ? C’est l’histoire qui explique. À partir de la fin des années 60, on s’aperçoit que les assurances sociales ont été beaucoup étendues, qu’elles ont relevé le niveau de vie de la majorité, mais certaines personnes passent dans les mailles du filet ! Elles ne bénéficient pas de tout ça, il y a des oubliés de la croissance… On voit alors sur la scène publique une nouvelle question : la problématique des exclus. Pourquoi ? Parce qu’elles ne rentrent pas dans le cadre des assurances sociales : il faut travailler et cotiser pour bénéficier des assurances sociales. Mais certaines personnes n’ont pas pu : en dehors du marché, travaillent par intermittence, etc. Donc la sécurité sociale n’a pas été jusqu’au bout ! (Rappel du rapport au Régent : libération de la misère…) Pour combler les trous, on a mis en place des minima sociaux qui sont non contributifs ! Dans cet esprit-là, il y a cinq prestations qui sont mises en place : [email protected] 12 1) 1969 : revenu garanti aux personnes âgées ; 2) 1969 : allocations pour handicapés ; 3) 1971 : prestations familiales garanties (allocations familiales pour enfants qui ne touchent pas les allocations familiales normales, ouvertes sur la base du travail) ; 4) 1974 : droit à un minimum de moyens d’existence (c’est un moment clé !) : on boucle la boucle, on met en place le minimex. Ce n’est pas pour enfants, personnes âgées ou handicapées, mais pour tous les autres. C’est alloué par le CPAS. 5) 1976 : aide sociale au sens strict, c’est le minimex pour certains étrangers qui n’ont pas accès au (4). Bilan de la période : qu’est-ce qu’on voit ? La sécurité sociale de 44 à 74 n’a pas cessé de s’étendre ! C’est l’âge d’or… Mais ce mouvement d’expansion très marqué n’a pas eu lieu par le biais d’un système unique englobant toute la population ou l’essentiel de la population. L’expansion a été réalisée par le développement parallèle de quatre régimes. Bref, quand on parle de la sécurité sociale, ça ne veut pas dire grand-chose. Section V – 1975 à aujourd’hui : crise de l’État-providence 1974 c’est une autre date clé : c’est l’apogée, mais aussi le début des problèmes. C’est le choc de la désindustrialisation. On y est toujours. Il se passe quoi ? Il y a d’abord la fin du plein-emploi. Mais toute la sécurité sociale après-guerre s’est développée dans le contexte du plein-emploi ! Le chômage était conjoncturel, c’était pour la transition entre deux jobs. Ce contexte va changer… La concurrence entre les États s’accélère et débute la désindustrialisation. Processus très rapide et brutal ! Des dizaines de milliers d’emplois disparaissent et le chômage explose. Début année 80, on est 500.000 chômeurs, alors qu’en 70 il y en avait moins de 100.000. Changement radical des structures sociales économiques. La croissance c’était la condition de la sécurité sociale et de l’État-providence. Tout à coup, les paramètres ne sont plus les mêmes… Depuis, on parle toujours de l’équilibre du système de sécurité sociale, alors que pendant 30 ans le budget grandissait sans cesse. Aussi, changement démographique : c’est le vieillissement de la population. On a moins d’actifs qui peuvent financer la sécurité sociale, mais en même temps le vieillissement accroît la part des inactifs qui ont besoin de la sécurité sociale. Changement idéologique, de manière plus limitée en Belgique sans doute qu’en Angleterre et États-Unis. Les années 80 ce sont les idées néo-libérales, c’est Thatcher et Reagan. Ils ont diffusé le discours du moins d’Etat, moins d’intervention publique. Ces idées en Belgique n’ont pas connu le même succès qu’ailleurs, mais quand même. Ainsi, en particulier lors des travaux de la commission royale en 1980-1985 (qui avait raté) : au final, le parti libéral flamand claque la porte, il veut privatiser les assurances sociales, renvoyer la sécurité sociale au marché en grande partie, etc. Les idées néo-libérales ont fait là une percée en Belgique. Première fois depuis la Deuxième Guerre mondiale un parti important va rompre l’idée du compromis de l’après-guerre. On ne va pas dire que [email protected] 13 ces idées ont gagné l’ensemble des partis politiques. D’ailleurs les socialistes sont revenus au pouvoir juste après. Mais tout de même, c’est symboliquement important. Ce triple changement de contexte a laissé des traces sur notre système de protection sociale. Essentiellement, c’est une politique d’austérité. Et c’est devenu un peu permanent… Parfois fort, parfois moins, mais globalement depuis les années 80 (les débuts) on n’a plus autant de financement qu’avant. Cette politique d’austérité se traduit en droit par un déferlement de réformes depuis les années 80. Sans cesse, on défait et refait tout en sécurité sociale, ça n’arrête pas ! Le but ? Contenir les dépenses, principalement. C’est à partir de là que la qualité légistique des textes va se dégrader. Ainsi, une mesure typique qui est encore importante qui a été prise à l’époque c’est la sélectivité familiale : consiste à différencier les montants et le mode de calcul des allocations selon la composition de votre ménage. Les allocations seront différentes selon qu’on vit seul ou non, avec des enfants ou non, etc. Et on introduit le statut du cohabitant, qui est le moins intéressant… La conséquence générale de toutes ces mesures d’austérité c’est un certain décrochage du niveau moyen des allocations sociales par rapport au niveau moyen des salaires. Les salaires augmentent depuis les années 2000, mais les allocations sociales ne suivent plus la même évolution. Avant, les deux évoluaient en parallèle, mais ça a arrêté à partir des années 80. Tous les sociologues et économistes quantifient ça et travaillent beaucoup làdessus et on voit qu’il y a un affaiblissement de la qualité de la protection sociale, de la capacité de la sécurité sociale à protéger contre les aléas de l’existence (c’était son but). Cela dit, la sécurité sociale des salariés surtout est sous pression, mais malgré tout des améliorations existent dans d’autres aspects de la sécurité sociale (depuis les années 90). Il faut ne pas aller trop vite, ça dépend des secteurs et branches. Par exemple, c’est le cas du statut social des travailleurs indépendants. Ce régime a été considérablement amélioré au cours des dix dernières années. Autre exemple : l’informatisation de la sécurité sociale. C’est la gestion et les relations entre la sécurité sociale et les assurés sociaux. Dans les années 90, ça a été vraiment amélioré… La charte de l’assuré sociale (loi du 11 avril 1995) est un texte de nature transversale qui régit les relations entre les institutions de sécurité sociale (qui ont plein d’obligations procédurales) et les assurés sociaux. Les institutions doivent informer les bénéficiaires, réorienter les mauvaises demandes, etc. Donc ça contrebalance la mauvaise redistribution, le fonctionnement ou la gestion fonctionne tout de même mieux. Et la question qui se pose aujourd’hui : rentrons-nous dans une nouvelle phase de la sécurité sociale ? Trente glorieuses, puis l’austérité… Et aujourd’hui, depuis 2000, on parle d’un nouveau modèle, un nouveau cadre, un nouveau paradigme : d’un Étatprovidence on devrait passer à un État social « actif ». L’idée de certains est que l’Étatprovidence est trop passif : il intervient après les risques sociaux et de manière assez résiliée… Le risque vient, l’Etat donne du cash et puis dit « bonne chance ». C’est ce que disent certains donc. Et donc ça enferme les gens dans la dépendance à la sécurité sociale. Par rapport à ce modèle (indemnisation des risques sociaux), il faut rentrer dans un autre paradigme, l’État social actif qui doit responsabiliser et activer les assurés sociaux. Il faut faire des efforts, toujours plus, pour sortir de la dépendance. Juridiquement, c’est un renforcement des contreparties : vous avez les allocations, mais vous devez faire ça en contrepartie, sinon on coupe. Exemple : la recherche active d’emploi. On a modifié le Code du chômage (par AR) : le chômeur ne doit plus être simplement disponible, mais est aussi tenu de rechercher activement du travail. On renforce ces obligations de contrepartie… Et c’est [email protected] 14 très controversé. Pour les uns, c’est nécessaire, on remet les choses en ordre. Pour les autres, c’est dangereux, ça met à mal l’État-providence. Cours troisième – 3 octobre 2018 On va tenter de (1) définir la sécurité sociale, avant de (2) parler brièvement de la diversité des systèmes de sécurité sociale (nous on ne verra que le système belge) et enfin de (3) voir quelques interactions avec le droit constitutionnel. Mais avant ça, actualité. Hier 30 à 40.000 personnes ont manifesté contre la réforme de pension. Hier, dans Le Soir, le patron de la FEB disait « les jeunes sont favorables à la réforme des pensions. » Mais le prof se demande ce qu’on a vraiment demandé aux jeunes… Définition On part souvent d’une définition assez large qui met l’accent sur la finalité de la sécurité sociale. On met alors l’objectif central en avant : lutter contre l’insécurité de l’existence. Et la sécurité sociale c’est donc l’ensemble des mécanismes ou politiques institué par une collectivité publique pour garantir la sécurité d’existence des individus qui vivent sur le territoire de cette collectivité. C’est assez classique comme définition. Mais c’est assez imprécis comme définition. Si on pousse la logique au bout, on pourrait alors rassembler sous la sécurité sociale bien d’autres choses. La plupart des politiques publiques ont ce but aussi : régulation du marché de travail, etc., ont aussi ce but. On pourrait discuter longuement, mais le prof propose d’adopter une définition pragmatique qui part du constat qu’il y a en Belgique un certain nombre de législations sociales qui coexistent et qu’on rassemble dans la catégorie « sécurité sociale. » Qu’est-ce qui est partagé par toutes ces législations ? Le prof propose comme définition : système qui par le biais d’une certaine redistribution financière garantit à toute ou partie de la population différents types de revenus. Trois types de revenus : (1) de remplacement : ont pour objet de pallier la perte des revenus qui sont normalement tirés de l’activité professionnelle. (2) de complément : permet de faire face au surcoût ou charges additionnelles qui affectent la stabilité. (3) minimums résiduaires : minimum vital aux personnes qui n’ont rien et pas la possibilité d’accéder aux autres prestations de la sécurité sociale. [email protected] 15 Machine à faire circuler l’argent. C’est 25% du PIB, c’est énorme. Les trois types de revenus qui sont octroyés par la sécurité sociale ont cela en commun : ils protègent la population d’un certain nombre de situations qui sont des aléas ou risques sociaux. Reprenons dans l’ordre pour voir quels sont les aléas : (1) Revenus de remplacement : cherchent à répondre aux événements qui impactent négativement la stabilité et continuité du revenu professionnel. Concrètement, c’est quoi ? Deux grands risques : manque involontaire d’emploi et impossibilité physique de continuer à travailler. Quelles sont les prestations que l’ont a pour répondre à ces risques ? On en a beaucoup : les allocations de chômage, les pensions de retraite, les indemnités d’incapacité de travail et de maternité (versés tous les deux par la partie indemnité des assurances soin de santé), les indemnités d’accident du travail et les indemnités de maladie professionnelle. (2) Revenus de complément : pas pour objet de remplacer la rémunération (comme (1)), mais bien de s’ajouter à ou de compléter la rémunération pour faire face à des charges additionnelles qui affectent le maintien de vie. Quels sont les risques ? Ce sont les dépenses médicales et la charge d’enfant. Le but est de pallier en partie ces surcoûts. Prestations correspondantes : les soins de santé (secteur soin de santé de l’assurance) et les allocations familiales. (3) Revenus minimums résiduaires (minimas sociaux) : à partir des années 60-70, dont l’objet est ici de procurer un socle de ressources minimales quand on n’a rien et pas la possibilité de bénéficier aux autres prestations de la sécurité sociale (chômage, pension, etc.). Le risque social qui est visé est unique : c’est la pauvreté. Prestations correspondantes : garantie de revenu aux personnes âgées (pension minimum), allocations aux personnes handicapées, les prestations familiales garanties, le droit à l’intégration sociale (ex minimex) et aide sociale au sens strict. Enfin, dans le paysage international, on a encore aujourd’hui un instrument de référence : c’est une convention de l’OIT, la n° 102 du 28 juin 1952 concernant la sécurité sociale. C’est assez dépassé, mais c’est la seule qui est, sa définition fait autorité et a été reprise ailleurs (au niveau de l’Union européenne et du Conseil). Et donne une définition de la sécurité sociale. La Belgique a ratifié cette convention et le système belge est conforme aux standards de la convention (qui énumère les grandes catégories de la sécurité sociale qu’un pays doit avoir). Mais attention, en Belgique qui a tout ça ? Les travailleurs salariés. Les indépendants n’ont pas toutes ces branches… Pas d’assurance chômage ou accident de travail pour les indépendants par exemple. Il y a une évolution importante que cette convention n’a pas anticipée : ce sont les minimas sociaux ! La convention n’y fait pas du tout référence, parce qu’en 52 ça n’existait pas, les États providences ne connaissaient pas tout ça. [email protected] 16 Deux distinctions cardinales. Deux distinctions qui structurent toute la matière et qu’on va tout le temps retrouver : 1. La sécurité sociale et les assurances privées Il faut distinguer la sécurité sociale de ce qui est autre chose, essentiellement les assurances privées. Il faut revenir à la définition de la sécurité sociale. Comment ça fonctionne ? Au moyen d’une redistribution financière. C’est le point le plus important. Il y a bien une racine commune entre les assurances privées et la sécurité sociale : on chercher à diluer le poids de certains risques sur un groupe de personnes. Mais le point central c’est que cette dilution des risques ne se fait pas du tout de la même manière dans les deux cas. Actualité : on entend souvent que la sécurité sociale ne serait pas tenable sur le long terme et il est très souvent proposé de remplacer une partie de la sécurité sociale par des couvertures privées, typiquement pour la pension. C’est un choix politique qui n’est pas du tout neutre. Développer un système de sécurité sociale ou d’assurances privés, c’est fondamentalement deux choses très différentes. Les assurances privées ont pour (1) but le lucre. C’est clairement dit dans les statuts des assurances. Mais du côté des assurances sociales, on n’a pas cette perspective ! Le but est non marchand, on essaye de faire fonctionner un système de solidarité (entre malades et biens portants par exemple). C’est le but de l’ONEM et des caisses de chômages : faire fonctionner un système de solidarité horizontale, entre ceux qui travaillent et ceux qui en sont involontairement exclus du marché du travail. Et il y a (2) des différences de techniques qui se manifestent à deux niveaux. D’abord en terme de financement : comment l’est-ce ? Mais ensuite au niveau des outputs. Au niveau du financement, l’assurance privée fonctionne par de la sélection sur base du profil de risque. On paie la prime en fonction de notre profil de risque. Si on souscrit à une assurance hospitalisation, on paiera en fonction de notre état de santé. Si on va chercher une assurance RC-auto, ça dépendra de nos éventuels antécédents. Plus la probabilité du risque est élevée, plus la prime sera importante. C’est la segmentation tarifaire : il n’y a pas un seul tarif pour tous. Tandis que du côté de la sécurité sociale, cette segmentation et sélection sur base du profil sont tout simplement interdite. Le montant qu’on doit payer pour financer la sécurité sociale ne dépend jamais de la probabilité qu’on a d’être exposée aux risques couverts. Ici c’est en fonction de la capacité contributive qu’on va payer. Les cotisations et les impôts dépendent de notre niveau de revenus. Et puis au niveau des outcomes, on a une différence importante. Au niveau des assurances privées, c’est en fonction de l’importance des primes qu’on a payées. Plus on va mettre, plus les prestations vont être généreuses. C’est à ce niveau que se situent les couvertures complémentaires offertes parfois par les barreaux d’avocats. Mais du côté de la sécurité sociale, la logique est autre : il y a une déconnexion entre ce qu’on met sur la table et ce qu’on reçoit. Les prestations qu’on reçoit sont calculées en fonction du besoin (tel que défini par les différentes conventions). On accouche d’un enfant, ça donne droit à 150 euros. C’est plus élevé si la famille est monoparentale, car les besoins sont plus importants. Mais qu’importe si elle a cotisé plus ou moins que les autres. Pensez aussi au minimex : on a une coupure radicale entre les cotisations versées (ou pas) et ce qu’on reçoit, car ici il n’y a même pas la condition d’avoir au préalable travaillé et payé les cotisations ! [email protected] 17 Bref, on a une racine commune entre les assurances privées et la sécurité sociale, mais on a deux logiques radicalement différentes : les premières sont dans la logique du marché, la deuxième dans une logique de solidarité. D’où cette formule célèbre : la sécurité sociale fonctionne « de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins. » Aussi, cette différence a été reconnue au début des années 90 en droit européen. On a eu une affaire devant la Cour de Justice. C’est le premier cas, qui a été confirmé à plusieurs reprises, et résume bien l’enjeu du problème. C’est loin d’être théorique. On est en France et deux personnes, M. Pousset et M. Pistre, deux indépendants et soulèvent un argument pas bête du tout : en fait, votre sécurité sociale ne nous intéresse pas. On ne paiera pas nos cotisations… Nous nous réclamons le droit de choisir, de nous affilier chez l’assureur privé qui nous paraît le plus intéressant. L’argumentaire juridique de ces deux indépendants consistaient à dire : les organismes français de gestion de la sécurité sociale abusent de leur position dominante, au sens du droit européen de la concurrente. Ils ont le monopole et on n’a pas de choix ! Il faudrait leur appliquer le droit de la concurrence… Dans son arrêt Poucet et Pistre de 1993, la Cour a dit : les organismes français de gestion de la sécurité sociale ne sont pas des entreprises et on n’est donc pas dans le champ du droit de la concurrence ! Pourquoi pas des entreprises ? Parce que leurs activités ne sont pas de type économique, contrairement à l’entreprise. Ici on a affaire à des activités exclusivement sociales. C’est-à-dire que ces organismes de gestion de la sécurité sociale fonctionnent conformément au principe de la solidarité (tout nouveau dans la jurisprudence). Ce qui est essentiel pour la Cour c’est le deuxième critère qu’on a mentionné : mode de calcul des prestations. Dans la sécurité sociale, on a une déconnexion entre la prestation qu’on recevra et l’importance des cotisations payées ou non. Cette déconnexion explique la redistribution. Certains vont recevoir parfois sans même ne jamais contribuer (minimex) et d’autres vont contribuer énormément et ne vont rien recevoir… La Cour a dit : le principe de solidarité c’est mettre de côté cette logique de dépendance entre l’importance des cotisations et celle des prestations. Et la Cour conclut : c’est indispensable, il faut que ce système ait le monopole, sinon il n’y aurait pas de solidarité. Parenthèse suite à question : la Cour s’en fiche pas mal de savoir si un organisme est privé ou public du point de vue interne. Les mutuelles sont très fortement réglementées pour l’Union européenne. Les mutuelles peuvent être privées, mais n’ont pas de but de lucre. Donc ça limite les concurrences… Là où les mutuelles font concurrence, c’est au niveau des assurances complémentaires. (Et elles agissent d’ailleurs avec deux qualités juridiques différentes.) Autre parenthèse suite à question : dans cet arrêt, ce qui n’a pas été déterminant du tout, c’est le caractère public ou privé des organismes française. Ce qui importe, c’est que ces organismes n’exercent pas une activité de type économique mais bien de type social (car fonctionnent conformément au principe de solidarité). 2. Les assurances sociales et l’aide sociale A l’intérieur de la sécurité sociale, on distingue l’assurance et l’aide. C’est la summa divisio du droit de la sécurité sociale. On va préciser tout ça. [email protected] 18 D’abord on a les assurances sociales : tous les revenus de remplacement et de complément. C’est ce qu’on appelle aussi la sécurité sociale au sens strict. Ces assurances sociales ont trois grandes caractéristiques : 1) Ce sont des prestations contributives (en règle générale) : ouvertes parce qu’on a travaillé et cotisé. 2) Financement (principalement) par cotisations : la cotisation est le déclencheur qui donne accès à la cotisation. 3) Pas de référence à l’état de besoin (en règle générale). Dans les prestations de type assurantiel, on ne fait pas de sélectivité. La première fortune de Belgique aura aussi une pension de retraite… Même s’il n’en a pas besoin. En fait ça tient à la logique des assurances sociales : on veut maintenir le niveau de vie et protéger les acquis. On vous considère donc comme un travailleur. Si le risque se réalise, vous avez le droit à la prestation, peu importe si vous êtes ou pas dans le besoin. Dans l’aide sociale (avant on parlait d’assistance) c’est différent. Ici ça englobe les revenus minimums résiduaires, mis en place dans les années 60. Pourquoi ? Pour les oubliés, ceux qui passaient entre les mailles du filet. 1) Prestations non contributives. Si on va au CPAS et qu’on n’a rien, on ne va pas vous dire : montrez-nous que vous avez travaillé… Il y a des conditions quand même, mais pas de condition contributive. 2) Financement par l’impôt. C’est financé par la fiscalité générale. C’est la solidarité nationale qui finance tout ça. 3) Il faut être dans une situation de pauvreté (donc état de besoin) : les ressources doivent être inférieurs à un certain seuil. Il y a une enquête sur les ressources (c’est la contrepartie du fait que la prestation soit non contributive). On vient voir et on regarde quels sont vos revenus, si vous êtes propriétaires ou pas, etc. Il y a des prestations qui sont à cheval entre ces deux catégories. Exemple frappant : les assurances sociales sont à la base contributives, mais ce n’est pas toujours vrai dans toutes les branches. Par exemple, avec les revenus de compléments (allocations familiales et soins de santé) le principe de la contributivité a été fortement affaibli. Aujourd’hui les soins de santé sont quasiment universels (pour 99% de la population). Mais il y a un cas plus flagrant encore de ce système hybride : ce sont les allocations d’insertion. Ce sont des allocations de chômage qui sont accessibles aux jeunes, qui ont moins de 25 ans, qui ont terminé ou réussi (en fonction de l’âge) des études d’un certain niveau. Ces jeunes n’ont pas accès aux allocations de chômage normal car ils n’ont pas travaillé, mais ont droit à ces allocations d’insertion. On est dans le Code du chômage et dans la réglementation du chômage. Et pourtant, c’est non contributif ! Et on est donc bien du côté des assurances sociales et non de l’aide sociale. C’est financé par les cotisations et il ne faut pas être dans le besoin. Bref, cas de brouillage de la frontière, mais globalement, cette distinction reste importante. [email protected] 19 Chapitre III. La diversité des systèmes de sécurité sociale Section 1. Systèmes bismarckiens vs systèmes beveridgiens On va être bref. Jusqu’ici on a parlé du système belge (et on fera ça dans la suite). Mais il est important de savoir qu’en matière de protection sociale il y a une diversité considérable dans le monde. Le prof a peut-être donné l’impression que la sécurité sociale était une réponse nécessaire ou inéluctable pour les pays industriels. On a toutefois une grande déclinaison de ces réponses. Les choses sont comme elles sont en raison des rapports de force des grands courants politiques en Belgique. C’est donc très historique, il y a plein de facteurs explicatifs. Les choses ne vont pas de soi, c’est différent un peu partout. Par exemple, les soins de santé, en France, c’est différent, alors que c’est juste à côté (en France, on ne choisit pas une mutuelle). On a une grande typologie duale qui est classique, on y revient tout le temps dans les bouquins de sécurité sociale. On a plus de nuances aujourd’hui, mais ça reste la grande distinction. Cette typologie renvoie à deux grands noms. D’abord les systèmes bismarckiens, comme le nôtre, qui a suivi Otto von Bismarck (chancelier allemand conservateur, fin du 19e siècle), c’est le modèle des assurances sociales adossées au travail et cofinancé par travailleurs et employeurs. Dans cette approche, le but central des assurances sociales c’est de garantir le maintien du niveau de vie des travailleurs confrontés à un risque. Et ça rejaillit sur le système de sécurité sociale : 1) L’étendue du champ d’application : ça vise qui ici ? Les travailleurs. On a une solidarité qui est, du moins historiquement, d’abord professionnel. 2) Le financement par cotisations. C’est versé par les travailleurs et les employeurs. C’est un élément d’apaisement du conflit de classe dans l’esprit de Bismarck. 3) Les prestations sont proportionnelles au salaire perdu, sous réserve de plein d’aménagements. Les allocations de chômage sont ainsi X% du salaire perdu. Pourquoi ? Car maintien des acquis. Dans les pays scandinaves et anglo-saxons, on a une autre approche dominante : ce sont les systèmes beveridgiens. Vient de William Beveridge, économiste keynésien du milieu du XXe siècle. Favorable à l’intervention des pouvoirs publics. Il a publié en plein milieu de la Deuxième Guerre mondial : Social security, rapport où il a conceptualisé une autre manière de faire et de penser la sécurité sociale. Dans cette autre tradition, la figure juridique dominante et de référence ce ne sont pas les assurances adossées au travail, mais bien d’un service public national de la sécurité sociale. C’est unique et doit couvrir toute la population. Beveridge est beaucoup plus ambitieux et son système est plus redistributive. L’idée n’est pas de maintenir les acquis seulement, c’est plus large et ambitieux : le but est de libérer toute la population du besoin. Comment ? En incluant toute la population dans un seul système de redistribution qui donne les mêmes conditions de vie à toute la population. Et donc (sans rentrer dans le détail de chaque pays) : [email protected] 20 1) Couverture universelle pour l’ensemble de la population. Tout le monde doit être protégé. Le déclencheur de la solidarité ce n’est pas le travail, mais c’est la citoyenneté. 2) Financement par l’impôt. C’est la solidarité nationale. Tout le monde doit contribuer en fonction de ses ressources. 3) Prestations forfaitaires. Ce n’est pas X% du salaire perdu, c’est un standard prédéterminé : c’est autant. Pourquoi ? Car le but ici est de donner à tout un chacun accès aux mêmes standards de vie. Et donc ça doit être forfaitaire. Cette tradition est dominante dans les pays anglo-saxons, mais Beverdige se retournerait dans sa tombe s’il voyait ce qu’on a fait au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. Ce qui ressemble le plus ce sont les pays scandinaves : c’est eux qui vont le plus loin dans la redistribution et la démarchandisation. Aujourd’hui il y a des typologies qui rendent mieux compte de la diversité nationale, mais voir à ce propos le cours de « Droit social comparé. » Chapitre IV. La sécurité sociale et le droit constitutionnel Il y a deux questions très différentes : (1) est-ce que la sécurité sociale est un droit fondamental ? Est-ce qu’il existe quelque chose comme un droit de l’homme à la sécurité sociale ? Et (2) on a plein de niveaux de pouvoirs ici… Qui est compétent pour légiférer en matière de sécurité sociale ? Répartition des compétences ? Première question : est-ce un droit fondamental ? Dans la Constitution, l’art. 23 proclame un droit à la sécurité sociale (introduite en 1994). L’article dit : chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine. Et à cette fin on garantit des droits économiques et sociaux. Et parmi ceux-ci, il y a le droit à la sécurité sociale. Depuis 1994 on a donc les droits économiques et sociaux dans la Constitution, par contraste avec les droits civils et politiques. Pour respecter les libertés civils et politiques, les pouvoirs doivent s’abstenir d’intervenir (ex : liberté d’association, il faut ne pas empêcher de…). Par contraste, pour les droits économiques et sociaux, il faut intervenir. Les pouvoirs publics doivent faire quelque chose. Ainsi, pour garantir le droit au logement, il faut construire des logements. Art. 23, al. 3, 2° : quelle est sa portée juridique ? Peut-on en tirer des effets ou est-ce une simple déclaration ? La réponse doit être nuancée. Sur sa portée juridique, le premier élément à mentionner c’est que cette disposition n’a pas d’effet direct. Donc pas d’aptitude à être invoqué en justice pour qu’en soit tiré des droits. (C’est ça l’effet direct.) Quels sont critères de l’effet direct ? On a deux grands critères cumulatifs : (1) disposition suffisamment claire et précise et (2) la norme soit suffisamment complète et se suffise à elle-même (pas besoin de norme d’exécution). Or cette disposition n’est pas assez claire et précise, ni complète… Pour savoir ce qu’est la sécurité sociale, il faut plonger dans le Code de la sécurité sociale. La disposition ne se suffit pas à elle-même. Mais c’est bien conforme à la volonté du constituant qui ne voulait pas que cette disposition ait un effet direct (1994) ! Il faut s’informer dans le droit de la sécurité sociale. C’est le législateur qui va définir tout ça, qui va faire les arbitrages budgétaires. Il faut voir [email protected] 21 là. Mais est-ce que ça veut dire qu’il n’y a aucune effectivité ? On y répondra au prochain cours. Cours quatrième – 10 octobre 2018 Question : la sécurité sociale est un droit de l’homme ? On a commencé à répondre en analysant le célèbre article 23 la Constitution qui proclame un droit à la sécurité sociale. Mais cette disposition n’a pas d’effet direct (pour la doctrine et jurisprudence). Ce n’est pas assez clair ni précis pour qu’on puisse en tirer des droits. On ne peut pas aller devant le juge avec. Est-ce à dire qu’elle n’a pas grand intérêt ? Symbolique ? La réponse est nuancée. Pas d’effet direct, pas de droit subjectif. Mais l’article a un intérêt quand même. Nous avons aujourd’hui un certain nombre de constructions juridiques qui donnent un peu de consistance à ce droit. Ces constructions compensent en partie l’absence d’effet direct. La première construction c’est l’effet de standstill ou effet cliquet ou principe de non régression. L’idée est simple : le constituant (art. 23) a confié au législateur le soin de réaliser la sécurité sociale. C’est à lui de le faire. Et il a beaucoup de marge d’appréciation. Il doit adopter une réglementation, les institutions, allouer les budgets, etc. Mais si le législateur a cette mission, au minimum ils ne peuvent pas défaire ce droit ! Ils ne peuvent pas revenir sur des acquis sociaux… Ce qui est acquis est acquis. On ne légifère pas à rebours. C’est ça le standstill. Cette obligation de standstill est une interdiction relative et pas absolue ! Si l’interdiction était totale, on le saurait… Mais on évolue dans un contexte d’austérité (comme partout en Europe) et on a amoindrit le niveau de la protection sociale. Pourquoi ? On considère que c’est indispensable pour conserver la séparation des pouvoirs. Le législateur est souverain. Sa marge d’appréciation est large, mais encadrée. C’est par exception au principe qu’on peut, malgré le standstill, revenir en arrière. Le principe c’est l’interdiction donc. Quelles sont les conditions pour revenir sur des acquis sociaux, par dérogation à l’interdiction ? Par exemple pour ne plus rembourser un médicament ou reculer l’âge de la retraite ? Il y en a plusieurs. Il y a les conditions de fond ou substantielles et des conditions procédurales, plus formelles. Dans le fond, il y en a 3 (ça vient de la doctrine, reçu par la jurisprudence (Cass, CE, CConstit.). D’abord, (1) il faut un motif d’intérêt général. Si malgré la promesse du constituant de 1994, il faut un motif d’intérêt général ! Et ça peut être beaucoup de choses… Changer la philosophie du système, augmenter le taux de l’emploi, faire des économies, etc. Juridiquement, ce sont tous des motifs d’intérêt général. Condition facile à identifier. Mais il en faut d’office un. Ensuite (2) le recul opéré doit être apte à atteindre le but d’intérêt général à poursuivre et même nécessaire. Dit autrement, ça doit être pertinent ou approprié. Si on veut faire des économies, faut montrer lesquels. Le fait que ça soit nécessaire rend la chose plus compliquée. Cela veut dire que parmi les différents scénarios possibles, il faut retenir celui qui fait le moins de dégâts ! Donc mesure qui porte le moins atteinte à l’acquis social. Le législateur doit mettre plusieurs pistes sur la table et en retenir une (même s’il a le dernier mot). Et enfin (3) il faut que la [email protected] 22 réforme n’ait pas un impact disproportionné sur les bénéficiaires du droit social. Il faut mettre en balance les avantages pour le législateur et les inconvénients pour les bénéficiaires des prestations sociales. Vu comme ça, on a l’impression que c’est très encadré. En fait, pas tant que ça. Si on rentre dans le détail de la jurisprudence, on voit que les juges ne sont pas très pointilleux sur le contrôle du respect de chacune de ces obligations. Ici c’est un mode d’emploi théorique. Et puis il y a des obligations procédurales. C’est simple : le législateur doit motiver s’il revient sur un acquis social. Le respect de cette condition permet de contrôler les obligations substantielles ! Motiver ça veut dire que le législateur doit s’expliquer, dire quels sont les buts poursuivis (d’intérêt général), qu’il a étudié plusieurs scénarios et a pris le meilleur, qu’il a essayé d’anticiper l’impact de la réforme (sur la pauvreté, sur les personnes concernées, sur l’emploi), etc. C’est à partir de cette motivation que le juge va pouvoir vérifier si oui ou non les exigences du fond sont respectées. Il faut une réelle transparence. Moins le législateur s’explique, plus le juge va risquer de recaler la mesure. Inversement, plus il y a des débats parlementaires, moins le juge va opérer un contrôle pointu (car séparation des pouvoirs !). Cette obligation de standstill est intéressante pour donner de la consistance au droit social, mais attention, ce n’est pas une baguette magique ! Mais on a quand même des cas où les juges ont recalé des réformes, car non conforme à l’obligation de standstill. On prend un exemple : arrêt de la Cour de Cassation de mars 2018. C’était la limitation dans le temps des allocations d’insertion (donc les allocations de chômage un peu particulière qui sont octroyées aux jeunes qui sortent des études (avant on disait allocations d’attente)). On a voulu limiter à 3 ans, alors que c’était illimité avant. La bataille judiciaire est en cours… Mais la Cour de Cassation dans cet arrêt de mars 2018 a considéré qu’il y avait une violation de l’obligation de standstill dans un cas bien précis (ce n’est pas à portée générale). (Dans le cas de figure qui lui était soumis, qui concerne des chômeurs qui travaillent à temps partiel dans le cadre des ALE (agence locale pour l’emploi)). La Cour de cassation a validé l’arrêt de la Cour du Travail qui donnait raison au chômeur. Avait-on un motif d’intérêt général ? Le législateur a dit : faire des économies. Donc oui. Est-ce que la mesure est apte à atteindre l’objectif ? Oui, car il y a une limite, donc ça coûte moins chère. Est-ce que la mesure est la moins dommageable ? La Cour du Travail contourne un peu le problème. Le législateur avait donné très peu d’explications. La Cour du Travail ne s’y attarde pas trop. Mais quant à savoir si le recul n’a pas des conséquences de nature disproportionnée ? La Cour du Travail a considéré que dans le cas du chômeur, oui ! Compte tenu du fait qu’il travaillait depuis très longtemps, il a paru excessif de l’exclure de toute allocations de chômage du jour au lendemain… En plus il faut un statut de chômeur pour travailler dans les ALE. Mais qu’importe le détail, on retiendra que la Cour de cassation a appliqué rigoureusement la grille de lecture présentée (à la suite de la Cour du Travail). Mais bon, ça reste marginal… L’obligation de standstill ne va pas permettre d’annuler toutes les réformes. C’est une première construction tout de même qui donne un peu de vie à ce droit à la sécurité sociale (art. 23, Constit.). Deuxième construction : lecture combinée des articles 23 et 10 et 11 de la Constitution. Les articles 10 et 11 consacrent les principes d’égalité et de non discrimination. Le raisonnement est simple : le législateur est souverain, il n’est pas obligé de mettre en place telle ou telle [email protected] 23 prestation sociale, mais s’il le fait (!) alors il doit le faire de manière égalitaire. Il ne peut pas, s’il avance, se rendre responsable de discrimination. On a des précédents aussi. Dans deux domaines : (1) égalité entre hommes et femmes. Si le législateur met en place certaines prestations en place (même si pas obligé à la base), il ne peut pas créer de discrimination ce faisant ! On a un précédent en matière de pension. Jusqu’à 2009, la durée normale de la carrière n’était pas la même ! 40 ans pour les femmes et 45 ans pour les hommes ! Le législateur consacre le droit à la pension, c’est très bien, mais ses modalités ne peuvent pas traiter moins favorablement un genre (ici les hommes). Autre exemple : (2) égalité de traitement en nationaux et étrangers en séjour régulier. (Les étrangers irréguliers n’ont droit à rien en Belgique, sauf l’aide médicale d’urgence, c’est tout.) Le législateur ne peut pas traiter différemment, a priori du moins, les nationaux et étrangers en séjour régulier. Ici c’est en aide sociale. L’idée de base est que si le législateur met en place une prestation d’aide sociale, il doit le faire de manière égalitaire, il ne peut pas exclure un étranger en séjour régulier. Sauf s’il poursuit un but légitime et si la mesure est proportionnée au regard de cet objectif (c’est l’idée classique de l’égalité et non discrimination). Mais cette possibilité de porter atteinte au principe d’égalité et non discrimination est bien protégée. Seule des considérations très fortes peuvent permettre d’y déroger, donc de considérer qu’on a affaire à un but légitime et mesure proportionnée (c’est les mots de la Cour Constitutionnelle). Autrement dit, a priori, une différence de traitement frappante entre nationaux et non nationaux est très suspecte. Le législateur peut quand même argumenter et dire que la mesure n’est pas disproportionnée par rapport au but poursuivi. Mais de plus en plus les juridictions (CEDH et Cour Constitutionnelle) y sont réticentes ! Sécurité sociale un droit de l’homme ? Très clairement non. Si on se dit qu’un droit de l’homme doit avoir un effet direct, que ça doit être un droit subjectif, alors non. Mais on a tout de même des constructions juridiques qui nuancent cette réponse. Essentiellement ces deux constructions. D’abord, négativement, le législateur ne peut pas défaire ce qui existait déjà. Ensuite, positivement, s’il décide d’avancer, il ne peut pas créer des discriminations. Qui est compétent pour légiférer en matière sociale ? Il y a des notes complètes sur l’UV pour cette partie de la matière ! Qui est compétent ? C’est une problématique au cœur de l’actualité. Dans notre petit pays, il y a des tensions communautaires. La sécurité sociale est un de ces objets de dispute… Chez les Flamands, on veut défédéraliser la sécurité sociale, du moins une partie. C’est récurrent ! Et évidemment, si on parle de défédéraliser, c’est que c’est fédéral à la base, du moins l’essentiel. Pourquoi ? C’est fédéral parce que pendant longtemps ça a été une compétence résiduaire, donc pas octroyée aux entités fédérées. La loi spéciale du 8/8/80 énumère toutes les compétences des Communautés et Régions. Et la sécurité sociale n’y est pas ! Vu que pas octroyé à l’une ou à l’autre, ça revient aux compétences fédérales, car les compétences résiduaires en Belgique sont fédérales. Et depuis la troisième réforme de l’Etat, la loi spéciale du 8/8/80 est considérée comme une exception à la compétence des Régions pour la politique économique ! La politique sociale ce n’est pas de la politique économique dit la loi. Mais il faut tout de suite ajouter deux tempéraments à cela et des exceptions (depuis la sixième réforme de l’Etat). Premier tempérament : le cœur de la sécurité sociale est fédérale, mais il y a toute une série de matières ou politiques, liées à la sécurité sociale, qui ont été [email protected] 24 défédéralisées. On va dire des matières connexes, proches de la sécurité sociale, confiées tantôt à la Région, tantôt à la Communauté. C’est énuméré dans la loi spéciale du 8/8/80. Qui fait quoi ? D’abord les Régions, elles ont une compétence importante : la politique de l’emploi. A ce titre-là, on a confié aux Régions, l’accompagnement des chômeurs. Tout ce qui est aide au retour à l’emploi, c’est de la compétence des Régions. Et ça touche de près les assurances de chômage. Ces dernières sont fédérales : montant, sanctions, etc. C’est l’ONEM. Mais l’aide au retour à l’emploi des chômeurs, c’est les Régions. Et du côté des Communautés, on est compétent pour les matières culturelles et personnalisables. Il y a toute une série de morceaux de la politique sociale qui ont été sorties du giron de l’état fédérale : la formation professionnelle, la politique de santé, la politique du troisième âge, la politique des personnes handicapées, la politique d’aide sociale et la politique familiale. Toutes ces matières là sont confiées aux Communautés ! Et à chaque fois on voit qu’il y a un rapport privilégié avec au moins une branche de la sécurité sociale. Ainsi, la politique de la santé c’est proche de l’assurance maladie. La formation professionnelle c’est proche de l’assurance de chômage. La politique du troisième âge ça jouxte les pensions. Ainsi de suite. Le cœur de la sécurité sociale, c’est fédéral (montant, sanctions, etc.), mais les matières connexes sont passées aux Communautés. Attention au cas de la Communauté Française : celle-ci n’exerce pas ces différentes compétences ! Quand ces matières ont été communautarisés, la CF a dit : moi je n’ai pas d’argent. Ce qui est vrai… Et en vertu de l’article 138 de la Constitution, la Communauté française a retransféré ces compétences à la Région Wallonne et à la COCOF (pour Bruxelles). L’articulation est toujours la même. Par exemple, l’assurance soin de santé, c’est une branche de la sécurité sociale fédérale. Quand on va chez le médecin, le remboursement sera fait par la mutuelle qui relève de la sécurité sociale fédérale. Par contre, la politique de santé (toutes les mesures de prévention par exemple, les campagnes pour vous inviter à ne pas consommer trop d’alcool, etc.) ça relève des Communautés au titre des politiques de santé. Bref, premier tempérament important à la règle : une série de matières liées à la sécurité sociale qui sont régionalisées ou communautarisées. Deuxième tempérament : la Cour Constitutionnelle a compliqué les choses dans une série d’arrêts. Elle a brouillé la frontière entre la sécurité sociale fédérale et les politiques communautaires et régionales d’emploi, d’aide aux personnes, etc. Il faut repartir d’un classique pour comprendre tout ça : c’est l’exclusivité des compétences. Qu’est-ce c’est ? Désigne le fait qu’en Belgique les compétences sont en principe exclusives : ça relève d’un niveau de pouvoir (en règle générale) et seul ce niveau de pouvoir est maître à bord. Si une matière est fédérale, c’est l’Etat fédéral qui est compétent, pas les entités fédérées. C’est le principe. Si on applique ceci au cas de la sécurité sociale, en principe il faudrait s’arrêter là. Pourquoi ? Si on applique ce principe de manière stricte, le cœur de la sécurité sociale c’est le fédéral, et quelques matières connexes relèvent des entités fédérées. En principe, ça doit être tout. Sauf que ça c’est la théorie… On a depuis les arrêts de la Cour Constitutionnelle une frontière entre la sécurité sociale fédérale et les politiques connexes des entités fédérées une zone grise. On ne sait pas qui est compétent. Ou plutôt, plusieurs niveaux semblent être compétents ! C’est contraire au principe d’exclusivité… [email protected] 25 Quelle est l’affaire à l’origine ? C’est la saga de la zorgverzekering. Qu’est-ce ? Ce sont les assurances soins en néerlandais. C’est un dispositif mis en place par la Communauté flamande en 1999. Et ça vise à couvrir les frais non médicaux liés à la dépendance et perte d’autonomie. L’essentiel dans une perte d’autonomie, c’est médical évidemment, et ce sont les assurances de soin de santé qui s’en occupent. Mais ici, en 1999, on vise à compléter l’assurance soin de santé fédérale, en prévoyant au bénéfice des personnes en perte d’autonomie un soutien forfaitaire : pour s’habiller, pour se déplacer, pour se faire à manger, etc. La zorgverzekering est un dispositif qui vise à faire ça en Flandre. (En Wallonie et à Bruxelles on n’a pas ça donc, sauf pour le bruxellois qui s’affilie au système flamand.) Et la question qui s’est posée est : est-ce que la Communauté flamande est compétente pour mettre ce dispositif en place, créer sa propre assurance soin ? Est-ce que cette assurance soin ne doit pas être créé au niveau fédéral ? A l’époque, le gouvernement fédéral était en train de travailler à pareille idée : ajouter une nouvelle branche à la sécurité sociale, celle de la prise en charge de la dépendance. (Les branches évoluent beaucoup en sécurité sociale.) C’est un nouveau risque social, lié à la vieillesse. Et voilà que le législateur flamand adopte un décret. Qu’a décidé la Cour Constitutionnelle ? En fait, c’est la Communauté française qui attaque ce décret flamand devant la Cour, car c’est une compétence exclusive du fédéral estime-t-elle. La Cour (à l’époque, d’arbitrage) a rendu son arrêt en 2001 qui a beaucoup surpris… La Cour a validé l’initiative de la Communauté flamande, ça respecte les règles répartitrices des compétences ! Pourquoi ? Parce que la Communauté flamande est compétente pour l’aide aux personnes (art. 5, L8/8/80). Et la Cour ajoute (c’est ça qui a surpris les francophones) : ce qui n’aurait pas été acceptable et conforme aux règles répartitrices de compétences, c’est que par son initiative, à travers son décret, la Communauté flamande vienne abroger, modifier, etc., des règles fédérales. Si son assurance dépendance avait remplacé (même en partie) l’assurance fédérale, ça n’aurait pas été acceptable. Mais vu que ça n’a pas été le cas, pas de problème pour la Cour. Pourquoi ce raisonnement a surpris ? C’est que le problème était ici qu’on était sur un terrain vierge. La Communauté flamande a agi la première… Mais ça ne devrait pas importer, ce n’est pas en fonction de qui agit le premier ! C’est contraire à l’exclusivité des compétences. Soit on est dans la sécurité sociale, soit on n’est pas. Or, pour beaucoup on était dans la sécurité sociale, car l’assurance dépendance permet à qui a plus de 26 ans et réside dans la Région de langue néerlandais doit obligatoirement s’affilier à une caisse d’assurance soin (et faut payer une cotisation). Et si on est confronté au risque de la dépendance ou de perte d’autonomie, on bénéficie d’une intervention de la caisse d’assurance dépendance. Affiliation obligatoire, paiement d’une cotisation, et si réalisation d’un risque, intervention d’une caisse ou d’un organisme. Tout ça ressemble beaucoup à la sécurité sociale. D’où l’étonnement de certains. Si on regarde ça sous l’angle des attributions des Communautés, on voit dans la LSRI que les Communautés sont compétentes pour beaucoup de choses : aide sociale, personne handicapées, aide à l’intégration des personnes issues de l’immigration, etc. Mais on n’y trouve pas comme tel le soutien aux personnes en situation de dépendance ou de perte d’autonomie. En principe, si ce n’est pas attribué à la Communauté, c’est résiduaire, c’est donc fédéral. S’est posé ensuite la question de savoir quelles sont les conséquences de cet arrêt 33/2001. Les auteurs ont déduit que désormais le niveau de pouvoir compétent pour agir en matière de prise en charge des personnes en perte d’autonomie ce sont les [email protected] 26 Communautés, vu que la Cour a dit que la Communauté flamande peut le faire. Or, vu qu’on est dans un système d’exclusivité, ça ne peut plus être que la Communauté. C’est l’un et pas l’autre. C’est ce qu’on avait cru comprendre. Pareil pour le Conseil d’Etat (sa section de législation) : peu de temps après, il y a une proposition de loi déposée pour créé au fédéral une nouvelle branche dans la sécurité sociale, celle de la prise en charge de la dépendance. Avis unanime du Conseil d’Etat : ce n’est pas possible depuis 33/2001. Et puis coup de théâtre en 2009 (c’est en fait le 4e arrêt dans la saga zorgverzekering), la Cour Constitutionnelle va dire : on ne peut pas déduire de 33/2001 que l’Etat fédéral ne serait plus compétent pour légiférer en matière de dépendance ! La Cour dit donc vous m’avez mal compris… Et la Cour continue : chaque niveau de pouvoir peut agir sur la base de ses compétences propres. Les Communautés peuvent très bien agir sur la base de leur compétence d’aide aux personnes (d’où le décret flamand), mais l’Etat fédéral peut aussi très bien agir sur la base de sa compétence de sécurité sociale. Sur le plan théorique, pourquoi pas… Mais concrètement ? On fait quoi si deux niveaux de pouvoirs mettent le même dispositif en place ? Si l’Etat fédéral demande à tout le monde de s’affilier à une caisse d’assurance dépendance et de payer une cotisation ? On paie deux fois en Flandre ? Et si le risque se réalise, on touche deux prestations ? On ne sait pas. On est dans le brouillard depuis 2009. A la suite de cet arrêt, le Conseil d’Etat, section de législation, avait été saisi pour un nouveau projet de la Communauté flamande. Se posait la question de la compétence… L’avis est assez long du Conseil d’Etat et ça dit : on ne sait pas. Depuis 2009, on ne sait pas qui est compétent pour quoi. Bref, avec les arrêts de la Cour constitutionnelle, la limite est brouillée entre la sécurité sociale fédérale et l’aide aux personnes des Communautés. C’est le second tempérament. En pratique, au niveau fédéral, on ne fait plus grand-chose. Ce sont surtout les Communautés et Régions qui mettent en place de nouveaux dispositifs, et il n’y a plus de conflits et la Cour constitutionnelle n’a pas dû se prononcer à nouveau sur la problématique. Enfin, après ces deux tempéraments, il faut parler des exceptions. Il faut revenir à la sixième réforme de l’Etat (2014). Circonstances un peu compliquées… Plus de 540 jours sans gouvernement, difficulté entre francophones et flamands, etc. On a défédéralisé une branche de la sécurité sociale, pour la première fois dans notre histoire ! Ce sont les allocations familiales. Lors de la sixième réforme, ça a été confié aux Communautés. Nouvelle disposition dans la LSRI. Chaque Communauté met son système en place… Bientôt donc, on aura 4 systèmes d’allocations familiales ! Le système flamand, germanophone, wallon et bruxellois. Le système bruxellois, pourquoi ? Car lors de la sixième réforme de l’Etat, on a communautarisé la matière, mais pour Bruxelles, c’est à la COCOM qu’on a confié la matière. Pourquoi ? Pour éviter que la Communauté flamand et française partagent Bruxelles et qu’on demande, demain, aux bruxellois de choisir entre deux systèmes concurrents… Lors de cette même sixième de réforme de l’Etat, d’autres morceaux moins importants de la sécurité sociale ont été scindés. Ce sont à chaque fois des petits morceaux de la sécurité sociale. Ainsi, certains aspects des soins de santé (maison de repos), des allocations de personnes handicapées, etc. Donc les temps changent. Pendant longtemps, la sécurité sociale était un ciment du fédéralisme belge. C’était quelque chose qui faisait l’unité disons. Eh bien, en 2019 il y aura une septième réforme de l’Etat et sans doute [email protected] 27 que d’autres branches de la sécurité sociale vont être scindées. L’aide au soin de santé sans doute ? Tout ceci clôture la première partie du cours. Partie II. Assujettissement, financement et organisation administrative des régimes Trois problématiques qu’on étudie toujours l’une à la suite de l’autre parce qu’elles sont étroitement liées. L’assujettissement c’est la question de savoir qui paye les cotisations. Car on est dans un système bismarckien, fondé sur le travail, et cotiser c’est la principale porte d’accès. Et puis le financement, on avait dit 25% du PIB, soit 100 milliards. D’où on va chercher tout ça ? Et enfin, l’organisation administrative : qui fait quoi exactement ? On a parlé de quelques organismes, mais il faut préciser. Rappel : la sécurité sociale au sens strict c’est contributif. La sécurité sociale au sens large ça inclue aussi l’aide sociale, c’est non contributif. Tout ce qu’on va dire ici concerne le régime contributif. D’où la différence fondamentale entre les salariés et indépendants, que ça soit pour l’assujettissement, le financement et l’organisation ! Assujettissement – les grands principes Qui doit payer les cotisations sociales ? On distingue les salariés et indépendants. Mais avant ça, notons qu’il y a quatre grands principes. Même s’il y a des textes spécifiques pour salariés et indépendants, il y a des principes généraux qui traversent la matière. Premier grand principe très simple : (1) toute personne qui exerce une activité professionnelle en Belgique doit être assujettie à un régime de sécurité social. Qu’est-ce que ça implique ? On parle de toute personne qui exerce une activité professionnelle, car système bismarckien ! Pour être assujetti, il faut nécessairement exercer une activité professionnelle. Il n’y a pas d’autres possibilités d’accéder à l’assujettissement. C’est la seule condition, mais elle est suffisante. Il ne faut faire rien d’autre que travailler. Et à quoi est-on assujetti ? A un régime de sécurité sociale. Souvent, par facilité de langage, on parle de l’assujettissement à la sécurité sociale, mais dans l’absolu ça ne veut rien dire ! La sécurité sociale n’existe pas… Il faut parler d’un régime. Il y en a deux grands : régime des travailleurs salariés et régime des indépendants. Ou bien le troisième : régime des agents des services publics (mais on n’en parlera pas au cours). Et il faut toujours savoir à quel régime on est assujetti : les prestations sont très différentes ! Il y a beaucoup plus de trous dans la couverture des indépendants, même si on essaye d’équilibrer. Et aussi : le mode de calcul des cotisations ! C’est moins favorable, enfin pour le petit indépendant surtout. Deuxième grand principe : (2) les dispositions légales et réglementaires relatives à l’assujettissement sont d’ordre public. Du moins la plupart. Qu’est-ce que ça veut dire ? C’est une norme qui contribue à protéger ou à consolider les choix de société les plus fondamentaux. Notre système de sécurité sociale fait donc partie des fondamentaux du système belge. Avec comme conséquence : échec à l’autonomie de la volonté. L’assujettissement ne se discute pas, ça ne se discute pas ! Peu importe nos envies… On est assujetti si les règles l’imposent. [email protected] 28 Troisième grand principe : (3) pour une même activité professionnelle, on ne peut pas avoir deux assujettissements à deux régimes. On n’est pas un peu salarié, un peu indépendant, pour une même activité. Quatrième grand principe : (4) en revanche, si on exerce des activités professionnelles distinctes, alors on peut être assujettit à deux régimes. On peut salarié pour une activité professionnelle, indépendant pour une autre. Exemple : indépendant à titre complémentaire. Hypothèse du double assujettissement. Les principes sont simples et élémentaires. Assujettissement – les textes Le premier grand régime est celui des salariés. On parle de plus en plus du régime de sécurité sociale général. Car ce régime a vocation, à long terme, à rassembler l’essentiel de la population ! C’est le régime de base auquel est affilié à la plus grande partie de la population. L’assujettissement à ce régime est organisé par un texte important (dans le Code) : loi du 27 juin 1969 révisant l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs. Dans le contexte des Trente glorieuses, l’arrêté-loi de 1944 a été revue et étendue. Et comme on n’a pas codifié les choses, on en est resté là. La loi du 27 juin 1969 contient plein de règles, plein de cas de figures très particuliers. On ne va pas tout détailler, on va plutôt essayer d’avoir un aperçu général. On va essayer de comprendre le mode d’emploi de cette loi. Le principe de base posé par l’article 1 est simple : sont assujettis à la sécurité sociale des salariés (le régime général) tous les travailleurs et employeurs liés par un contrat de travail ! Et donc ce sont les deux parties qui sont assujettis : travailleurs salariés, mais aussi employeurs. Lorqu’un contrat de travail est établi, la première chose que l’employeur doit faire c’est déclarer à l’ONSS l’établissement du contrat de travail de manière à ce que l’assujettissement puisse avoir lieu. On rentre une déclaration informatique : DIMONA (Déclaration Immédiate – Onmiddellijke Aangifte). Et l’assujettissement aura alors lieu. Cet article 1 n’opère aucune distinction selon que l’employeur relève du secteur privé ou public ! Aucune distinction. Conséquence : tous les fonctionnaires contractuels (par opposition aux statutaires) relèvent de la sécurité sociale des salariés. Cela fait environ 50% des salariés ! Ils ne relèvent pas du régime des agents du service public. Deuxième commentaire sur cet article 1, paragraphe 1er et alinéa 1er : il ne faut pas oublier quand on lit la disposition les textes de droit du travail qui instaurent des présomptions de contrat de travail. Pour certaines professions, le droit du travail présume l’existence d’un contrat de travail, qu’importe ce que disent les parties. Les présomptions sont soit simples soit irréfragables. Du côté des présomptions simples, on le (1) contrat de travail d’étudiant, (2) le représentant de commerce et (3) les pharmaciens qui ne sont pas propriétaires de leur officine. Trois présomptions simples. Et du côté des présomptions irréfragables : (1) les sportifs rémunérés, (2) intérimaire et (3) si on est lié par un contrat de travail avec son employeur, on ne peut pas avoir avec lui un contrat d’entreprise par ailleurs, toute la relation étant une relation de travail. (Et il y a des présomptions sectorielles aussi, en transport et nettoyage notamment.) [email protected] 29 L’ONSS peut se prévaloir des présomptions du droit de travail pour l’assujettissement. Ainsi, on a un étudiant : présomption du contrat de travail. Et donc il y aura assujettissement au régime général. Que fait la loi après, à l’article 2 ? Dit que le Roi peut étendre, limiter ou soustraire à. Etendre ça veut dire que le Roi a reçu la compétence d’élargir l’assujettissement à la sécurité générale, par AR, au-delà de ce qui était prévu. Ainsi, peut y assujettir des personnes qui n’ont pas de contrat de travail ! Ou bien, limitation, en ce sens inverse : le Roi peut faire sortir d’une partie du régime général des personnes qui ont un contrat de travail. L’assujettissement sera alors limité. Enfin, dernière hypothèse : malgré le fait qu’on a un contrat de travail, on n’est pas assujetti au régime général. A manier avec beaucoup de précautions, car ça veut dire qu’on est travailleur salarié et qu’on n’a pas de sécurité sociale. Les cas sont très limités. Et on verra comment le Roi a utilisé cette habilitation prévue à l’article 2. Cours cinquième – 17 octobre 2018 Trois problématiques donc : assujettissement, financement et organisation administrative. Mais avant ça, bref retour aux compétences. Il y a un décret qui vise à dérembourser les soins de santé si une personne est responsable des problèmes de sa santé par sa propre faute. Par exemple, si vous fumez. Qui est compétent pour organiser l’assurance soin de santé ? C’est l’Etat fédéral. On a parlé la dernière fois de l’assujettissement. Il y a des principes généraux. Le plus important : c’est obligatoire dès lors qu’on exerce une activité professionnelle. Puis on a vu les règles dans le régime principal, celui des salariés. Le principe de départ est facile, employeur et employé doivent être assujettis. Et l’article 2 de la loi ONSS habilite le Roi a faire trois choses : étendre le périmètre de la sécurité de sociale, à faire l’inverse, soit soustraire, et enfin soustraire complètement de la sécurité sociale certaines catégories de travailleurs. Notre bon Roi, dès le 28 novembre 1969, a adopté l’arrêté d’exécution de l’ONSS, soit l’AR du 28 novembre 1969. C’est ce texte qui précise les différents cas de figures où on a extension, limitation ou exclusion. Les extensions Les extensions d’abord. C’est intéressant parce que on a ici affaire à des situations sans contrat de travail, mais les personnes bénéficient de la sécurité sociale des salariés ! Elles sont considérées comme si elles travaillaient sur le plan de la sécurité sociale. Dans l’historique, on a dit que la sécurité sociale a connu, au cours des Trente glorieuses, une grande extension, au niveau du champ d’application personnelle : on a inclus plein de personnes qui ne travaillent pas. L’AR du 28 novembre 1969 distingue deux sous-hypothèses : (1) on a des extensions aux personnes qui ne sont pas liées par un contrat de travail, mais qui fournissent des prestations contre rémunérations sous l’autorité d’un tiers. Qu’est-ce ? Les fonctionnaires statutaires. Ils n’ont pas de contrats de travail. Ils sont en partie intégrés dans le régime de [email protected] 30 sécurité sociale des salariés. Pour rappel, on a trois régimes de sécurité sociale contributifs : salariés, indépendants et les agents de service public. Si ces derniers ont leur propre régime, pourquoi l’arrêté d’exécution de la loi ONSS étend l’assujettissement à ces derniers ? Parce que ce dernier régime est hybride : parfois les fonctionnaires statutaires ont de leur propre législation (pour certaines branches), mais parfois ils sont grevés sur le régime des salariés (pour d’autres branches). Ce dernier essentiellement dans l’assurance soin de santé (branche presque universalisée). C’est ce que fait l’AR dans les articles 9 à 15. Pour certains fonctionnaires, l’arrêté d’exécution de la loi ONSS opère une extension pour les soins de santé. Et puis autre hypothèse : (2) situation de dépendance socio-économique limitativement énumérées. Les différents cas de figure visent ceux qui n’ont pas de contrat de travail (souvent parce que, formellement, il n’y a pas de lien de subordination), mais qui, en pratique, dépendent étroitement d’un ou quelques pourvoyeurs de travail ou main d’œuvre. Par exemple, dans le transport. Formellement, on est indépendant, mais on travaille toujours pour quelques mêmes personnes. Et dans cet arrêté d’exécution de la loi ONSS il y a trois dispositions très longues qui énumèrent des situations de ce type. Voyons les exemples. Les mandataires d’association : quelqu’un qui gère une association sans but lucratif au quotidien (directeur ou gérant donc) contre rémunération (on ne parle pas des bénévoles). Ces personnes n’ont pas de contrat de travail, ils sont mandataires. Le mandat exclut le lien de subordination. Pas de lien de subordination. Mais ces personnes consacrent leur quotidien à cette gestion, ils travaillent pour l’association. Pour les besoins de la sécurité sociale, ils vont être assimilés à des travailleurs salariés, alors qu’ils ne le sont pas. Dans le cadre de l’assujettissement, l’association va jouer le rôle de l’employeur : va payer les cotisations, etc. Autre exemple : les artistes. Il y a eu plein de réformes… Comment ça se passe ? Ils n’ont pas de contrat de travail la majorité du temps. (S’il a un contrat de travail, pas de problème, c’est simple, c’est le régime des salariés.) Pas de contrat de travail souvent car prestations très ponctuelles, aléatoires et de courtes durées. Mais il y a quand même souvent des dépendances sur le plan économique ! En pratique, ils sont toujours sollicités par les mêmes personnes. La réglementation ici, travaillée très mal par le législateur pour le coup car c’est dans la loi elle-même de 69 (et non dans l’AR), qui met un article premier bis qui traite du cas des artistes. Et dans la loi, le législateur dit que la sécurité sociale des salariés est étendue à toutes les personnes sans contrat de travail, mais qui fournissent des œuvres de nature artistique. Celles-ci sont assujetties au régime général. Et comment on sait si c’est artistique ? Il y a une commission administrative qui a été instituée au sein de la SPF Sécurité sociale : c’est la Commission Artiste. Et ça examine au cas par cas… Si la Commission Artiste dit oui, alors vous recevez un visa artiste. Dès qu’on a ce visa, on lui dit que ce qu’il fait est de l’artistique, et donc la loi s’applique : cette personne bénéficie de la même couverture sociale qu’un travailleur salarié. Autre exemple encore : chauffeur de taxi. Sont souvent indépendants. Mais quand ils travaillent que pour une entreprise, il y a une grande dépendance. Dès lors, la sécurité sociale dit que tous les chauffeurs de taxi sans contrat de travail bénéficient d’une extension de l’assujettissement à la sécurité sociale des salariés, sauf si on renverse la présomption : s’il montre qu’il est propriétaire de son véhicule et qu’il dispose de la licence d’exploitation (qui coûte très cher). Alors on est considéré comme vraiment indépendant, tant sur le plan des relations du travail que sur le plan de la sécurité sociale. C’est pareil pour les artistes, qui peuvent aussi renverser la présomption en montrant qu’il n’y a pas [email protected] 31 de modalités similaires au travail avec un contrat de travail, donc qu’on ne dépend pas de quelqu’un. Dans ce cas, pas d’assujettissement à la sécurité sociale générale des salariés. Les personnes qui ont une bourse pour la recherche n’ont pas de contrat de travail. Il n’empêche que s’ils travaillent toujours pour un même promoteur… La sécurité sociale fera d’elles, pour les besoins de la sécurité sociale, une salariée. Les gardiens d’enfants aussi, les accueillants qui s’occupent d’enfants chez eux. Pas de contrat de travail, mais vous devez être agréés par l’ONE. Toutes ces personnes agréées sont assujetties à la sécurité sociale des salariés et bénéficient donc d’une couverture sociale de salariés. Les médecins en formation… Les exemples sont nombreux. Tout ça ce sont des extensions. Les limitations On va dans l’autre sens : on a un contrat de travail, mais on assujetti partiellement (limitation) ou pas du tout (exclusion). Quand c’est partiel, c’est que pour certaines branches de la sécurité sociale. Il y a différents articles qui règlent cette hypothèse. Le texte procède à chaque fois de la même manière : ça vise un cas précis, puis ça dit que ce travailleur est assujetti à telle, telle et telle branche. Et par la négative, on en déduit les branches dont il ne bénéficie pas, malgré le contrat de travail. Conséquences pratiques ? Ce sont des travailleurs qui coûtent moins cher ! Vu qu’il ne faut pas payer toutes les cotisations, mais que pour les branches pour lesquelles ils sont couverts ! Il y a de nouveau des tas d’exemples. Ainsi, les travailleurs ALE. On l’avait vu avec un arrêt de la Cour de cassation. Devrait être assujetti à la sécurité sociale, mais ne le sont que très partiellement. Autre exemple : les apprentis. Ils sont assujettis à la sécurité sociale, mais faut voir l’arrêté d’exécution : il y a des limitations. Et il y en a d’autres… Mais raisonnement en deux temps si on a un contrat de travail : d’abord article 1er, paragraphe 1er et alinéa 1er. Mais ensuite, deuxième temps, il faut vérifier dans l’arrêté d’exécution si on n’est pas dans une hypothèse de limitation de l’assujettissement. Les exclusions Ici ce sont des situations où on a un contrat de travail, mais malgré cela pas de bénéfice de la sécurité sociale ! Comme c’est sensible, le Roi, dans les articles 16sq ne peut pas faire n’importe quoi. L’article 2 de la loi ONSS prévoit qu’une exclusion pure et simple ne peut avoir lieu qu’à l’égard des travailleurs engagés dans un emploi accessoire ou de très courte durée ! C’est seulement alors qu’il peut prévoir une mesure d’exclusion. On a plusieurs cas de figure prévus : les pompiers volontaires dont les défraiements ne dépassent pas quelques centaines d’euros ; les moniteurs sportifs qui ne dépassent pas 25 journées de travail sur l’année ; etc. Un cas important : ce sont les étudiants jobistes ! Ils ont un contrat de travail, d’office ! Donc en vertu de l’art. 1, par. 1, al. 1, l’étudiant devrait être assujetti à la sécurité sociale. Mais, 17bis ( ?) de l’arrêté d’exécution : il y a une mesure d’exclusion, tant que ne dépasse pas 475 heures par année civile (avant c’était 50 jours). Il y a quand même une cotisation : on ne paie pas les cotisations ordinaires, mais on paie la [email protected] 32 cotisation de solidarité, pour contribuer un peu à la sécurité sociale (on y reviendra). Dès qu’on dépasse 475 heures par année civile, l’étudiant et l’employeur sont assujettis à la sécurité sociale pour toutes les heures de travail. Pour information, parfois il y a des débats… Certains aiment bien ce système de 475 heures, d’autres pas. Mais d’autres, la FEF notamment, n’aiment pas : plus on facilite, plus on considère que c’est normal pour un étudiant de devoir travailler pour payer ses études. Ce n’est pas anodin. Assujettissement au régime de sécurité sociale des travailleurs indépendants Régime général : 4 millions de personnes environ en Belgique. Indépendants : un million en 2014. Quel texte régit cela ? C’est l’AR n° 38 du 27 juillet 1967 organisant le statut social des travailleurs indépendants. (À nouveau, c’est des années 60.) Il faut bien distinguer le régime des salariés du régime des indépendants. L’AR n°38 ne s’est substitué à rien du tout : il n’y avait rien avant… L’histoire explique beaucoup de choses : les indépendants et la sécurité sociale, il n’y a pas grand-chose avant les années 60. La couverture obligatoire en matière de soins de santé vient dans les années 60. Ils sont alors protégés par trois branches : allocations sociales, pensions et couverture maladie. C’est alors qu’on a voulu mettre en place, en 1967, ce texte qui contient des règles d’assujettissement communes pour les indépendants. AR n°38 Qui est assujetti ? L’AR n°38 dit : les indépendants et les aidants. Il y a deux sortes d’indépendants : il y a les indépendants au sens strict, et puis il y a les aidants. Dans le million, les indépendants proprement dits sont plus de 90%, les aidants c’est 5 à 10%. Et point central à ne jamais perdre de vue : dans le régime général, ce sont les parties liées par le contrat de travail qui sont assujettis ; dans le régime des indépendants, c’est l’indépendant, et c’est tout. Dans le régime général, les cotisations sociales sont partagées ! Dans le régime des indépendants, l’indépendant assume seul toutes les cotisations à payer. Deux grandes catégories donc. Qu’est-ce qu’un travailleur indépendant ? C’est, nous dit le texte, « toute personne physique qui exerce en Belgique une activité professionnelle en raison de laquelle elle n’est pas engagée dans les liens d’un contrat de travail ou d’un statut. » D’abord, c’est une personne physique et non morale ! La société n’est pas assujettie. Et la personne physique doit faire deux choses : (1) exercer une activité professionnelle ; (2) ne pas être déjà couvert par l’un des deux autres régimes existants. Le point le plus important c’est d’exercer une activité à caractère professionnel. La limite n’est pas toujours aisée avec le loisir ou le hobby… Et l’enjeu c’est : payer ou pas les cotisations. L’autre élément (2) c’est simple : c’est le régime plancher, le régime résiduaire ou subsidiaire. Il faut toujours être assujetti à un régime de sécurité sociale, toujours ! Dans la plupart des cas, on a un contrat. Parfois on est fonctionnaire statutaire. Et dans tous les autres cas où on preste une activité à caractère professionnelle, sans être dans l’un ou l’autre régime, on est dans le régime des indépendants, le moins favorable et le moins [email protected] 33 protecteur. C’est qui? Les professions libérales : médecins, avocats, agriculteurs, administrateurs de sociétés commerciales, etc. Mais il faut surtout savoir c’est quoi l’activité à caractère professionnel, c’est un peu moins simple. C’est la condition la plus importante. C’est quoi ? Le législateur en 1967 n’a rien dit… Ce sont les institutions sous contrôle des juges qui ont fini par définir cette notion. C’est jurisprudentiel (juridiction du travail) surtout, mais la définition est stable. Et ça dit : c’est une activité qui habituelle et qui poursuit un but de lucre. Activité habituelle s’oppose à occasionnelle. Habituelle est interprétée de manière très extensive. C’est beaucoup de choses donc. Dans l’idée de faire tomber un maximum d’activités dans le statut social des indépendants (car sinon on n’est dans rien). Habituelle signifie qu’il y a une répétition régulière d’un certain nombre de démarches ou opérations autour d’un même objectif. En vertu de cette définition, l’activité est très vite considérée comme habituelle… Par exemple : Uber. Vous faites partie du système, vous avez votre voiture et l’application Uber, et on peut faire appel à vous avec cette application. Est-ce une activité de nature habituelle ? Sauf si c’est tout à fait ponctuel, vu la jurisprudence aujourd’hui, on va dire que oui ! Pourquoi ? Parce que vous vous mettez à disposition du client potentiel. Même si vous n’en prenez pas beaucoup ou souvent, ça sera une activité habituelle, car vous êtes à disposition, vous êtes dans une base de données et avez une certaine publicité ! Idem pour plein d’autres activités de ce type. Donc paiement de cotisations, si la deuxième exigence est remplie. L’activité doit donc avoir un but de lucre. Attention, ici aussi, c’est compris de manière très extensive. Ce qu’on requiert c’est que la finalité soit lucrative. Même si on ne gagne pas, c’est la finalité qui compte ! Peu importe si c’est peu. Dès lors que le but est de se mettre à la disposition du client et idéalement de gagner de l’argent, on a affaire à une activité à but de lucre. Même si on fait des pertes ! Délibérément on interprète cette deuxième condition de manière très extensive, toujours pour considérer le plus d’activités possibles comme professionnelles (et donc entraînant l’assujettissement). Pourquoi on fait ça ? C’est pour la couverture sociale et payer des cotisations pour éviter la concurrence déloyale avec des personnes qui font une activité proche et qui fait l’objet d’un assujettissement ! Mais on voit bien l’inconvénient : dans les activités déficitaires ou qui amènent peu d’argent. Pour tempérer la rigueur du principe (de l’assujettissement extensif au statut social des indépendants), il existe des collectifs ( ?) dans le calcul des cotisations. Les cotisations sont calculées de manière simple pour simplifier la vie des nouveaux indépendants et qui ont des difficultés financières. C’est au stade du calcul des cotisations qu’on chercher à répondre à ces difficultés. Mais au stade de l’assujettissement, on essaye de faire tomber le maximum de personnes pour éviter les situations où elles ne bénéficieraient d’aucune couverture. Extensions, limitations et exclusions Ensuite, le texte fait des extensions, limitations et exclusions. Mais elles ne sont pas nombreuses ici. Il y a un cas où dès qu’on fait telle activité, il y a assujettissement. Il s’agit des mandataires de sociétés commerciales. Tous les gérants, directeurs, administrateurs de sociétés donc. Dans ce cas, on ne se pose pas la question de savoir si l’activité est habituelle et à but de lucre. On présume que c’est une activité professionnelle, il doit y avoir assujettissement à la sécurité sociale. Ici on veut éviter que des personnes cherchent [email protected] 34 à échapper à l’assujettissement. Sauf que pendant très longtemps, ce qui était prévu par le texte, c’était une présomption irréfragable. À la suite d’une question préjudicielle, la Cour constitutionnelle (alors Cour d’arbitrage) dans un arrêt de 2004 a dit que ça allait trop loin et que la présomption irréfragable était disproportionnée. Si le mandat est gratuit, il devrait pouvoir le prouver. Et tout récemment le législateur a suivi cet enseignement. Aujourd’hui les mandataires de sociétés commerciales peuvent renverser la présomption ! Et donc pas d’assujettissement, pas de cotisations à payer. Depuis 2017, le législateur a inséré dans l’AR n°38 un nouveau cas de figure d’exclusion. Le gouvernement qui veut encourager l’économie collaborative (de type Uber, de particulier à particulier par le biais d’une application en ligne, ce qui ne plaît pas à tout le monde) : si on gagne un revenu par le biais de services fournis à un autre particulier par l’intermédiaire d’une plateforme en ligne, on est exonéré d’assujettissement à la sécurité sociale des indépendants tant que les revenus sont inférieurs à un certain seuil ! Plafond de 3500-4000 euros brut par an environ. En dessous, il n’y a pas d’assujettissement, même si l’activité est à caractère professionnel, que c’est habituel et à but de lucre. Et donc pas de couvertures contre les risques sociaux. Les aidants Les aidants sont toutes les personnes qui assistent ou suppléent un travailleur indépendant sans être lié à cet indépendant par un contrat de travail. Si on a un contrat de travail, on est dans le régime général (art. 1, par. 1, al. 1, loi ONSS). La majorité du temps, les personnes qui aident un indépendant ont un contrat de travail ! On vise quoi ici alors ? On vise surtout les conjoints aidants. En pratique, une personne (souvent une femme) aide son conjoint dans son boulot sans être engagé dans les liens d’un contrat de travail. Exemple : personne qui fait le secrétaire pour son époux. Sur le plan de la sécurité sociale, pendant très longtemps, Mme aide M. dans son boulot, etc. Et puis quand on se sépare… Qu’arrive-t-il à Mme ? C’est le trou noir, il n’y a rien ! Vu qu’elle bénéficiait de ses droits en tant qu’épouse seulement… Pour éviter ça, on a mis en place depuis 2000 un statut de conjoint aidant (art. 7bis de l’AR38). Il y a une présomption : on présume que la personne doit être assujettie au statut social des indépendants dès lors qu’elle est mariée à un indépendant (ou cohabitation légale avec) et n’exerce pas elle-même une activité professionnelle ouvrant des droits propres, elle a le statut, et donc assujettissement à la sécurité sociale des indépendants. Parce qu’on considère que le lien de mariage ou de cohabitation légale et que la personne n’est pas salarié ou fonctionnaire suffisent qu’on présume que vous veniez en aide à votre conjoint. La présomption est simple : par le biais d’une déclaration sur l’honneur renverser la présomption. Et donc pas de cotisations, pas de protection si la présomption est renversée. Petite parenthèse : le contentieux social c’est surtout au niveau de l’assujettissement ! C’est là que ça se joue le plus… Financement de la sécurité sociale De manière totalement différente dans le régime général et dans le régime des indépendants. Ces deux régimes sont très différents. On va devoir regarder d’un côté et de l’autre. Mais avant de plonger dans chacun des régimes, il y a des choses communes. Le budget de la sécurité sociale : à peu près 100 milliards d’euros par an. Entre 25 et 30% du PIB. Un quart de la richesse nationale est donc redistribuée… Et la plus grande partie va aux soins de santé et aux pensions, à eux deux ça fait 2/3 du total. [email protected] 35 Il y a deux grandes sources de financement : (1) les cotisations de sécurité sociale (parafiscalité) et (2) l’impôt (fiscalité). Entre ces deux grandes sources, 2/3 à peu près du budget vient des cotisations sociales. La parafiscalité ça renvoie au système bismarckien, tandis que la fiscalité renvoie au système beveridgien. Ici c’est mixte donc, même si on a surtout du financement à la Bismarck. Mais le point important c’est qu’entre ces deux grandes sources, on a un rééquilibrage progressif du rapport, on va vers ça. La fiscalité occupe de plus en plus de place ! Pensez au taxshift : but était de diminuer les cotisations sociales et de compenser par des prélèvements fiscaux. On fait ça depuis les années 1980. Pourquoi ? Pour deux grandes raisons. D’abord, c’est que depuis les années 1990 et 2000, on assiste à l’universalisation des branches de la sécurité sociale (on a déconnecté l’octroi de la prestation à l’exercice d’un travail qui fait l’objet d’un assujettissement), comme les soins de santé. Dès lors, (1) puisque la couverture est universelle, il n’y a pas de raison que seul les employeurs et travailleurs paient… Ensuite, (2) on considère souvent que le financement par voie de cotisation à tendance à pénaliser l’emploi. On met tout sur les travailleurs et non sur la consommation. D’où l’idée de diminuer le poids des cotisations et de compenser en augmentant des prélèvements de nature fiscale. Bref, système mixte. Régime général des travailleurs salariés Deux canaux de financement donc. Les cotisations sociales, qu’est-ce que c’est ? Dans le régime général (il faut distinguer les deux ( !)) c’est un pourcentage de la rémunération. La question rebondit : c’est quoi l’assiette des cotisations ? Sur quel flux financier l’ONSS vient prélever les cotisations ? La notion de rémunération n’est pas définie par la loi ONSS elle-même. La loi ONSS renvoie à l’autre législation : la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération des travailleurs. Définition par renvoi. Et on arrive à quoi ? La rémunération c’est beaucoup de choses pour la loi de 65 (délibérément) : toutes les sommes d’argent et avantages que le travailleur reçoit de son employeur en raison de son engagement. Tout ça, c’est de la rémunération au sens de la loi de 65, et donc de la loi ONSS. Làdedans, on a bien sûr le salaire. Mais la rémunération est plus large, ça englobe tout le reste, tous les flux financiers qui vont de l’employeur vers le travailleur en raison du contrat de travail. Donc salaire, mais aussi les primes, bonus, gratifications, remboursements qui dépassent les dépenses réelles, les avantages en nature, etc. L’article 14 de la loi ONSS dit d’abord que par rémunération il faut entendre ce que la loi 65 définit comme rémunération, et ensuite la loi habilite le Roi à étendre et limiter le périmètre de la notion de rémunération, soit l’assiette des cotisations. Donc on peut avoir de la rémunération au sens de la loi de 65, mais malgré tout ne vont pas donner lieu au paiement de cotisations de sécurité sociale. Dans ce cadre, s’est développé tout un business : l’optimisation salariale. On va voir un avocat ou une société qui va vous dire : soyez intelligents, prévoyez de la rémunération, mais aussi des avantages complémentaires, parce que ces derniers sont exonérés, en tout ou en partie, du paiement de cotisations sociales. Par exemple : les titres repas. Ne font pas l’objet du paiement de cotisations sociales ! (D’où plein de travailleurs qui ont dans leur package salarial de la paie, le salaire, et des chèques repas !) La condition est que le chèque repas soit octroyé en plus (et non à la place) du salaire. Autre exemple : les voitures de société. On est dans l’arrêté d’exécution de la loi ONSS (art. 19), le Roi a exécuté l’attribution qui lui a été donnée. On a là une disposition qui vient exonérer en partie la valeur des voitures de société. Il est avantageux pour les employeurs de proposer de la rémunération, mais aussi des voitures de société. (La cotisation sur les voitures varie en fonction du taux de CO2 émis.) L’avantage parafiscal est considérable. C’est controversé aujourd’hui… Cet [email protected] 36 avantage est coûteux pour la sécurité sociale ! Tout l’argent donné par les employeurs aux travailleurs par le biais des voitures de société ça fait autant de rentrées en moins pour la sécurité sociale. En Belgique on estime qu’il y a une voiture sur deux qui est une voiture de société. Il y a un impact sur la pollution. Cours sixième – 24 octobre 2018 Comment on calcule les cotisations lorsqu’on est salarié ou employeur qui engage un salarié ? La base de calcul c’est la rémunération salariale. Mais le point clé c’est la manière dont on définit cette rémunération salariale. Il y a toute une série d’avantages exonérés de l’assiette des cotisations. L’ONSS ne vient pas prélever là-dessus. Par exemple, les voitures de société. Dans le régime de sécurité sociale des salariés, il y a (1) les cotisations ordinaires et (2) les cotisations spéciales. Les cotisations ordinaires c’est le cœur, c’est prélevé sur toutes les rémunérations salariales, chez tous les travailleurs et employeurs. Elles servent à financer l’ensemble du régime. Et vu qu’on est dans le régime des salariés, il y a des cotisations ordinaires à charge du travailleur (personnel) et à charge de l’employeur (patronal). Il y a deux composantes pour les cotisations ordinaires donc. (En pratique, ça ne change pas grand-chose.) Et à côté de ça, on a des cotisations spéciales. Moins significatives, mais ça existe. De quoi s’agit-il ? Elles ne frappent que certaines catégories de travailleurs ou employeurs, ou bien tous les travailleurs et employeurs mais sont affectées à des causes bien précises. Par exemple, les voitures de société : elles sont sorties par la loi ONSS (l’arrêté d’exécution) de l’assiette des cotisations (comme si ce n’était pas du salaire), mais il y a une petite cotisation de solidarité. C’est une cotisation spéciale. Ou autre exemple : les étudiants jobistes (moins de 475 heures par an), sont exemptés de l’assujettissement à la cotisation sociale. Mais il y a quand même une cotisation, relativement symbolique, de solidarité, qui est donc une cotisation spéciale. (C’est important à retenir quand même quand on cherche à mesurer le poids réel de la parafiscalité.) Ces cotisations ordinaires et spéciales, comment sont-elles prélevées ? Un point central dans le régime général c’est que le travailleur, depuis 1944, ne doit plus rien faire ! On retient et prélève les cotisations sociales à la source. C’est l’employeur qui retient les cotisations personnelles sur la rémunération totale du travailleur. Il y ajoute ensuite sa part, les cotisations patronales. Il additionne les deux et envoie le tout à l’ONSS. C’est comme ça depuis 1944, système de retenue à la source. (C’est en 1944 qu’on avait rendu obligatoire l’affiliation à toutes les branches de la sécurité sociale. Et on a rendu l’ONSS responsable du tout.) Juridiquement, le seul débiteur, c’est l’employeur ! S’il y a un problème, c’est toujours dans sa poche à lui qu’on va chercher l’argent… Concrètement, l’ONSS est en principe (sauf en cas de fraude) au courant de l’existence de toutes les relations de travail assujetties à la sécurité sociale des salariés (par le biais de la DIMONA), mais aussi des cas visés malgré l’absence d’un contrat de travail (où il y aura aussi des DIMONA). Tous les trimestres, l’employeur envoie une déclaration à l’ONSS et mentionne toutes les données factuelles pour calculer le montant précis des cotisations sociales (combien de travailleurs, nombre heures, montant rémunération, avantages ou pas, etc.). C’est fait par le DMFA ( ?) (déclaration multifonctionnelle), c’est [email protected] 37 électronique. Un mois après la déclaration au plus tard, l’employeur doit verser concrètement l’argent qui est dû, en vertu de toutes les données du DMFA. (La sécurité sociale c’est d’ordre public. On doit payer les cotisations de sécurité sociales. Sinon c’est une infraction pénale.) Dans la pratique, au quotidien, beaucoup d’employeurs ne se chargent pas eux-mêmes de ces formalités (d’envoyer le DMFA et de payer). En pratique, il y a des secrétariats sociaux, qui sont des ASBL (constitués par des organisations patronales). Ce sont des intermédiaires importants entre l’ONSS et les employeurs. Les cotisations de sécurité sociale dans le régime général toujours sont calculées sur la rémunération salariale totale. Pour le calcul des cotisations, les salaires ne sont plus plafonnés, alors qu’avant ils étaient plafonnés. On faisait comme si le salaire s’arrêtait au plafond fixé. C’est encore comme ça dans le régime des indépendants ! Et ça suscite des interrogations… Avant, il y avait des critiques pour les salariés, car avec des salaires plafonnés, on rendait l’imposition (la parafiscalité) dégressive. À la base, la parafiscalité est linéaire, là où la fiscalité (l’IPP) est progressive : plus le revenu est important, plus le taux auquel on est imposé est élevé. On a des tranches, des barèmes d’imposition. Celle qui va de 0 à 13000 euros, sur l’année, on est imposée à du 25%. Sur la tranche qui va de 13000 à 22000 euros, on est imposé à du 40%. Sur la tranche suivante, on est imposé à 45%. La plus élevée, c’est 50%. Mais c’est bien par tranche ! Personne n’est imposé à 50% pour l’ensemble de ses revenus. Du côté de la parafiscalité, on est imposé à du X%. La courbe est droite, linéaire, le taux d’imposition est le même. Quand les salaires étaient plafonnés pour le calcul des cotisations sociales, tout ce qui dépassait le montant, il n’y avait pas de cotisations à payer. On avait donc une imposition dégressive : en proportion de nos revenus, on était moins imposé. Si le taux était à 20%, on était imposé à 20% sur le montant jusqu’au plafond, et au-delà, c’était 0%. Donc au total, plus on dépassait le plafond, moins on était imposé (proportionnellement). Au début des années 1980, on a fait sauter tout ça. Pourquoi ? Car on était dans la crise de l’État providence, il n’y avait pas assez de ressources. Le X% a été prélevé sur l’intégralité des rémunérations salariales. Et c’est quoi ce X% ? Taux de cotisations ordinaire de la sécurité sociale en Belgique ? Le taux des cotisations personnelles c’est 13,07% (depuis très longtemps) du salaire brut. Pour l’employeur, c’est 24,92%. Au total, les cotisations ordinaires sont de 37,99% du salaire brut. C’est le taux facial ou nominal des cotisations. Mais aucun employeur ne paie ça ! Car il existe beaucoup de mesures de réductions des cotisations. Dans la loi, c’est ça, en pratique, c’est différent. Bref, entre la somme nette et ce que l’employeur doit payer, il y a un écart important. La fiscalité et la parafiscalité sont des couches superposées les unes aux autres. Prenons un exemple. Quelqu’un qui a un graduat en assistance sociale et gagne un peu plus que le salaire minimum (RMMMG (revenu minimum mensuel moyen garanti), soit le SMIC français), soit 1600 euros brut par mois. Admettons que ce gars à 1700 euros par mois. Qu’est-ce qu’il va toucher ? Qu’est-ce que l’employeur va devoir payer ? De son côté, l’employeur doit ajouter 24,92% de cotisation patronale. Il paye 124,92% de 1700, soit environ 2120 euros. C’est pour les cotisations ordinaires… Il y a les cotisations spéciales aussi, ça peut s’ajouter, ça dépend du secteur, etc. En général, on dit que le coût salarial total c’est 130% du salaire brut, soit ici 2200 euros. Et du côté du travailleur ? On [email protected] 38 enlève les cotisations personnelles, les 13,07%, soit 86,03% de 1700 euros, soit 1500 euros. Et ici on a le revenu imposable : après l’ONSS (parafiscalité), il y a le fisc (fiscalité). Et ici c’est 25% de 0 à 13000 euros par an, puis 40% jusqu’à 22000 euros, etc. (Et il y a une quotité exemptée d’impôts). On peut dire qu’après passage du fisc, notre assistant social va avoir quelque chose comme 1300-1400 euros. Cet exemple n’est pas conforme à la réalité, car il y a beaucoup de mesures pour diminuer les charges. Ici c’est très théorique. Si ces mesures n’existent pas, on est à 13001400 euros de salaire net, 2200 euros payés par l’employeur. Grande différence. C’est tout le jeu de la parafiscalité et de la fiscalité. Ce qu’il faut avoir par ailleurs en tête, c’est l’ensemble des mesures de réductions, soit les réductions de charge. C’est ce qui fait qu’entre la théorie et la réalité, il y a des écarts. Aucun employeur ne paie 37,99% de cotisations ! Il y a deux types de mesures de réduction de cotisation. Il y a la réduction structurelle et la réduction groupe cible. La réduction structurelle bénéficie à tous les employeurs, mais (!) elle opère en euros et pas en pourcentage ! Tous les employeurs bénéficient chaque trimestre de 400 euros de réduction de cotisations par travailleur. Et en raison de cela, le taux réel n’est pas de 37,99%, il est de moins. Et ce montant forfaitaire est majoré aux deux extrémités de l’échelle salariale. Le montant est fortement majoré dans le bas de l’échelle salariale. Pourquoi ? Car ces travailleurs sont les moins qualifiés et ont du mal avec le marché de l’emploi (c’est l’idée). Pour aider l’embauche, la réduction structurelle est majorée. Mais plus importante aussi à l’autre bout, pour les très hauts salaires. Pourquoi ? Pour lutter contre la concurrence internationale et garder les travailleurs les plus qualifiés ! C’est précisé dans le syllabus : ce raisonnement est contesté par beaucoup d’économistes, que cette majoration est de l’argent gaspillé. Ils pensent qu’il faut concentrer la réduction structurelle tout en bas de l’échelle, pour que, à la limite, le brut égale le net. Notre gouvernement n’a pas du tout voulu faire ça dans le taxshift : depuis 2016, on allège l’imposition du facteur travail et on compense (paraît-il) par d’autres impositions, comme de la consommation. Dans le cadre du taxshift, on veut faire baisser le taux réel des cotisations sociales. Comment ? Le taux nominal n’a pas bougé. En taux effectif, on a diminué les cotisations patronales (on devrait se rapprocher des 24%). Comment ? En augmentant la réduction structurelle, fortement, pour tout le monde. Et ça baisse le coût du travail. Mais ça va coûter cher, disent des économistes, sans avoir des effets notables sur l’embauche. (Le prof relaie ce que des économistes disent.) À côté de la réduction structurelle, on a la réduction groupe cible. C’est quoi ? Réductions de cotisations, exonération de charge, qui sont ciblées sur certaines catégories de travailleurs ou d’employeurs. Il y en a beaucoup et c’est très complexe. On vise les catégories les plus vulnérables : demandeurs d’emploi de longue durée, des travailleurs âgés, des artistes, des articles 60, des ACS, etc. On veut diminuer le taux effectif des cotisations. Au niveau de la répartition des compétences, dans le cadre de la sixième réforme de l’État, toutes les réductions groupe cible établies en fonction des caractéristiques des travailleurs (et pas des employeurs) ont été régionalisées. La réduction pour l’employeur qui procède à sa première embauche, c’est fédéral par exemple. Pour l’embauche d’un artiste, c’est régional. En Flandre, la priorité c’est l’engagement des travailleurs âgés. À Bruxelles, c’est pour les jeunes sans-emploi. C’est différent entre Régions donc. [email protected] 39 Bref, taux nominal très élevé, mais taux effectif ou réel moindre, parfois très bas. Fiscalité et intervention de l’État On diminue la parafiscalité et on augmente la fiscalité. Cette fiscalité est d’autant plus importante que les mesures de réductions ont augmenté. Qui compense ? C’est l’État. On distingue deux choses, deux volets : (1) la dotation à la sécurité sociale et (2) le financement alternatif. La subvention annuelle, c’est simple, c’est une ligne dans les dépenses de l’État, c’est une somme forfaitaire. L’autre post, de plus en plus important, c’est le financement alternatif. C’est quoi ? C’est tout un ensemble de recettes fiscales très hétérogènes qui ont pour point commun d’être directement affecté au financement de la sécurité sociale. Et ça frappe la consommation plutôt que le travail. Depuis les années 1990, ça a énormément grandi (c’était inexistant (ou presque) avant). L’essentiel c’est la TVA et les accises ( ?) (impôts sur le tabac, l’alcool et les jeux de hasard). Financement du régime de sécurité sociale des indépendants La logique de départ est la même : parafiscalité et fiscalité. Mais il faut jouer au jeu des sept différences entre salariés et indépendants. Il y a beaucoup à dire, surtout pour les petits indépendants. Les gros s’en sortent très bien, les petits non ! On a un pourcentage du revenu professionnel (il n’y a pas de salaire). C’est ça l’assiette des cotisations de sécurité sociale dans le régime des indépendants. C’est quoi le revenu professionnel ? Il faut voir le texte de base : l’AR n° 38. Il procède comme la loi ONSS : il ne définit pas le revenu professionnel, il fait un renvoi. Et l’AR n°38 dit : voyez le Code fiscal (Code d’impôts sur les revenus). C’est la loi qui définit donc. Tous les bénéfices et profits réalisés en tant qu’indépendant dans le cadre d’une activité assujettie sont assiettes pour les cotisations de sécurité sociale. Ici on a une seule partie : l’indépendant est seul. Dans le régime général, c’est le travailleur et l’employeur qui paient ! L’indépendant assume seul tout le poids de la parafiscalité… Pour la perception des cotisations, c’est différent aussi par rapport aux salariés. Chez les indépendants, il n’y a pas de retenues à la source. L’indépendant perçoit son revenu professionnel brut et ensuite c’est lui qui doit en enlever toutes les cotisations qui doivent être versées à la sécurité sociale des indépendants. En pratique, c’est très différent ! Le salarié, il s’en fout un peu de son brut… Il veut connaître le net surtout. L’indépendant il touche d’abord tout son brut, il a tout sur son compte en banque, puis il doit enlever de lui-même ce qui doit être versé à la sécurité sociale. Si on est avocat, c’est ça qu’on devra faire. Et à qui il envoie ? À sa caisse d’assurance sociale (une CASTI ( ?)). Il doit verser à cette caisse et c’est elle qui va faire tout remonter vers l’INASTI (institut national d’assurance sociale pour travailleurs indépendants). C’est un peu l’équivalent du ONSS, mais pour indépendants. Comment on calcule ? Là les différences sont très importantes avec les salariés. On prend pour base le revenu professionnel. En règle générale, la rémunération salariale est stable, ici on a des fluctuations (parfois très importantes). Le chauffagiste gagne mieux sa vie en hiver qu’en été. Du coup, que fait la réglementation ? Elle prévoit que les cotisations sont calculées sur l’année. C’est sur cette base de référence qu’on va calculer [email protected] 40 le montant des cotisations, lissage sur l’année. Mais quelle année ? Chez les salariés, le problème ne se pose pas, ça se fait tous les trimestres : on envoie une DMFA par le biais de laquelle on calcule en temps réel les cotisations à payer. Chez les indépendants, il n’y a pas pareille déclaration. C’est pour cette raison que chez les indépendants, jusqu’à tout récemment, l’année de référence pour le calcul des cotisations c’était l’année N-3. On remontait trois ans en arrière. Pourquoi ? Parce que les indépendants, au tout début, on a dit : on ne veut pas de votre sécurité. Si vous nous imposez votre sécurité sociale, on veut le moins de contraintes. Les seules données fiables au tout début c’était les données fiscales. Et il faut trois ans pour avoir les données fiscales définitives. Donc on était en 2014. Pour calculer les cotisations dues pour l’année 2014, on se basait sur les revenus de 2011. (On opérait après coup une régularisation si on connaissait exactement les montants.) C’était ennuyant pour les indépendants… Quid si les choses se passaient moins bien qu’il y a trois ans ? D’où la réforme (gouvernement Di Rupo) depuis 2015 : l’année de référence pour le calcul des cotisations c’est, théoriquement, l’année en cours. Mais ce n’est pas si simple que ça… En tout cas c’est ce qui est dans la réglementation. L’AR n° 38 parle bizarrement cependant. Si on traduit, ça veut dire que les cotisations sont calculées sur base de l’année en cours. Bref, la réglementation a changé : l’année de référence, c’est l’année en cours. Mais le problème persiste : on ne sait pas certainement les revenus. Et l’indépendant ne doit rien déclarer. Donc il y a un système provisoire : par défaut, la caisse d’assurance sociale vous proposera de payer des cotisations sociales sur base des revenus réels d’il y a trois ans. Et après coup, on va régulariser. Comment on fait pour combler l’écart entre 2018 et 2015 ? Il y a trois possibilités : on peut dire oui, je paie ce montant-là ; on peut payer plus, si on sait qu’on gagne plus depuis 2015 ; et on peut, mais il faut être prudent, payer moins (si on est agriculteur et qu’on sait que l’année n’a pas été bonne par exemple). C’est vraiment délicat de payer moins, car si on se trompe, il faudra compenser la différence. Et cette possibilité nécessite une demande auprès de la caisse d’assurance et il faut apporter des éléments objectifs. (Ex : j’ai perdu un grand client, j’ai subi un accident, la saison a été mauvaise, etc.) Donc cotisations provisoires et on peut payer moins ou plus. Trois ans plus tard, quand le revenu est connu avec certitude, on fait une régularisation : le montant provisoire payé correspond-il au montant à payer ? Si on a payé trop, on est remboursé ; si on a payé moins, on paie la différence. Et qu’on ait payé plus ou moins, dans les deux cas il n’y a pas de bonification ou de pénalité, même si on a payé beaucoup moins, sauf si c’est vous qui demandez à payer moins ! Alors il y a une pénalité. Le but est de dissuader l’indépendant de recourir à cette faculté… Et que se passe-t-il pour le nouveau indépendant ? Quand il démarre ses activités ? On paie des cotisations forfaitaires qui sont égales aux cotisations minimums dans le régime des indépendants. Mais si vous pensez que vous gagnez déjà très bien dès le début, on peut payer plus pour éviter une régularisation à la hausse. Il n’y aura jamais une régularisation à la baisse vu qu’on paie le minimum déjà. Concernant le taux, de combien est-il ? Chez les salariés, c’est linéaire : on est imposé à X% sur la rémunération salariale, sans plafond. Chez les indépendants, on a une imposition qui n’est pas progressive, mais qui n’est pas non plus linéaire, mais elle est dégressive. On a trois taux qui se succèdent chez les indépendants. Le premier était de 22%, aujourd’hui à 20,5% (car taxshift), à payer sur une première partie du revenu : sur tout entre 0 et le plafond intermédiaire (environ 58500 euros). Ensuite, entre le plafond [email protected] 41 intermédiaire et le plafond supérieur (86000 euros), le taux est de 14,16%. Et au-delà, le taux est de 0%. L’imposition est donc dégressive. Si le revenu continue, après le plafond supérieur, on ne paie rien ! Dans le statut social des indépendants, on n’a pas seulement deux plafonds, on a aussi un plancher. Le premier taux, de 20,5%, il est toujours infligé sur un revenu annuel brut de 13500 euros. On va considérer que peu importe votre revenu professionnel réel, vous devez bien avoir gagné au moins 13500 euros. Nouvel avocat ou artiste, même si on gagne 3000 ou 9000 euros l’année, on va faire comme si on avait gagné 13500 euros. D’où les cotisations forfaitaires minimums, égales à 20,5% de 13500 euros, soit 720 euros par trimestre. Et c’est ça les cotisations qu’il faudra payer si on démarre son activité. (Rappel : tout ceci ne vaut que pour les personnes physiques, pas les sociétés !) (Parenthèse : le gouvernement vient de (ou va bientôt ( ?)) permettre de réduire les cotisations forfaitaires minimums pendant la première année activité. Car payer 720 de cotisations, alors qu’on ne gagne pas 13500 euros, ça peut être compliqué… Et ça va porter le nom de primo-starter.) Prenons deux exemples concrets. Soit une femme d’affaires qui gagne 10000 euros brut par mois. Comment va-t-elle être imposée ? La base de calcul est annuelle. En moyenne c’est 10000 euros brut. Sur un an, elle travaille pendant 11 mois par an, donc 110000 euros brut par année. Donc 20,5% entre 0 à 55000 euros. Et puis 14,16% entre 55000 et le plafond supérieur (86000). Et puis 0% au-delà. Au total, ça donne environ 16000 euros de cotisations sur une année. Autre exemple. Plombier chauffagiste qui gagne 3000 euros brut par mois. Et il travaille 11 mois par an. Il gagne donc 33000 euros brut par an. Il paie 20,5% sur l’intégralité de son revenu. C’est ça l’imposition dégressive. Son taux effectif sera bien plus élevé que le taux de la femme d’affaires ! Plus son revenu dépasse ce plafond supérieur, plus son taux effectif ou réel d’imposition diminue… Il y a toutefois un petit correctif qui existe par rapport à ceci. C’est le mécanisme de dispenses des cotisations. On mesure bien que l’existence d’un plancher et de manière générale le statut des indépendants apportent des difficultés. On peut, si on est dans une situation de besoin ou voisine de l’état de besoin, on peut demander une dispense temporaire de cotisations. En tout ou en partie, on va être dispensés des cotisations. Il faut s’adresser à la Commission de dispenses des cotisations (pour l’instant au SPF sécurité sociale, mais à partir du 1er janvier ça va être installé au sein de l’INASTI). Il faut prouver que nos revenus sont très faibles. Et la commission peut octroyer cette dispense. C’est un correctif important, surtout que les périodes où on est dispensés des cotisations, on bénéficie encore des prestations sociales, sauf de la pension ! On ne perd pas ça couverture sociale (on est protégé contre la maladie, l’incapacité de travail, etc.), mais on va créer un trou au niveau du calcul de la pension. C’est une vraie-fausse solution. Et à côté de tout ça, on a l’intervention de l’État. C’est comme dans le régime général, l’intervention de l’État est la même (une subvention annuelle (dotation fédérale) et le financement alternatif). Toutes les recettes vont à la sécurité sociale, une partie à celles des salariés, l’autre aux indépendants. [email protected] 42 Organisation administrative de la sécurité sociale Qui est qui ? Qui fait quoi ? Comme d’habitude, l’organisation administrative comme telle ne veut rien dire, car la sécurité sociale n’existe pas. Il faut distinguer entre le régime des travailleurs salariés et indépendants. Quels sont les grands traits de l’organisation administrative dans le régime général ? On est dans un système bismarckien. On n’a donc pas un service unique de la sécurité sociale. On a un ensemble d’organismes publics et privés qui interagissent. Ils ne sont pas agencés de la même manière, ils n’ont pas les mêmes rapports dans les différentes branches du régime. Pourquoi ? Pour des raisons historiques ! Pendant longtemps, on ne pensait pas que les différentes branches constituaient les branches d’un même ensemble, c’était des choses très différentes. Ce n’est qu’en 1944, quand on a dit que tout ça, c’était la sécurité sociale, on a commencé à penser les choses comme faisant partie d’un même ensemble. Tout ça pour dire qu’il n’y a pas une logique très claire dans l’organisation administrative. Si on essaye de voir qui fait quoi, on peut dire que le régime de sécurité sociale est constitué de trois grands niveaux (cf. schéma sur UV). Le premier étage, c’est le niveau du prélèvement des cotisations de sécurité sociale et la redistribution entre les différentes branches. Qui s’occupe de ça ? L’ONSS (établissement public). En dessous de l’ONSS, on à la tête de chacune des branches (accidents du travail, assurance maladie, incapacité travail et pension) un autre établissement public : service fédéral des pensions, etc., qui chapeaute chaque secteur et supervise le bon fonctionnement de la branche. Et enfin, dernier étage, le plus bas, c’est l’étage du paiement des allocations. Qui fait ça ? Dans la majorité des branches, un mixte d’organismes publics et privés. Par exemple, dans la branche santé, il y a des mutualités et une mutualité publique. C’est le pluralisme institutionnel, fruit du clivage entre socialistes et démocrates-chrétiens. Cours septième – 31 octobre 2018 Question terminologie : régime de sécurité sociale générale connaît des organismes de droit privé et de droit public. On a d’un côté les IPSS, les institutions publiques de sécurité sociale (ONSS, ONEM, FAMIFED, INAMI) et des institutions privées (mutuelles par exemple), qui sont les institutions coopérantes de sécurité sociale. Pour les IPSS, il faut avoir un élément en tête : toutes ces institutions publiques sont gérées paritairement. A leur tête, il y a un organe décisionnel, le comité de gestion (comme le CA dans le privé). Dans ce comité de gestion il y a des représentants des organisations syndicales et patronales, en générale à parité. La sécurité sociale est donc gérée ensemble par les représentants des travailleurs et par les représentants des employeurs. C’est un loi de 1963 qui régit ces comités de gestion (c’est dans le Code). Ils servent à quoi ces comités de gestion ? Deux choses. C’est (1) l’organe décisionnel, ils supervisent le fonctionnement de la branche. Mais aussi (2) ils doivent toujours être saisis pour avis pour tous les avant-projets de modification de réglementation qui les concernent. Si le ministre des pensions veut modifier la réglementation des pensions, il [email protected] 43 doit soumettre son projet en premier lieu au comité de gestion du service fédéral des pensions pour avoir son avis sur la réforme envisagée. Le rôle concret des comités de gestion fluctue selon les périodes – parfois les ministres suivent les avis, parfois pas, parfois ils oublient et se font rappeler à l’ordre par le Conseil d’Etat –, mais ils ont un rôle important, même si ignoré. On a là une trace d’un grand clivage qui a marqué toute la politique belge en fait. On avait parlé du pluralisme institutionnel (dans la plupart des branches du moins). Pour rappel, les catholiques voulaient maintenir les organismes privés alors que le monde laïc et socialiste voulait un service public unique – et le compromis c’est le pluralisme institutionnel. Il y a une réflexion qui est en cours au sujet de l’avenir de la gestion paritaire, notamment dans le contexte de la défédéralisation de la sécurité sociale. Les prestations défédéralisées sont financées par des dotations fédérales. Dans ce contexte, la justification historique de la gestion paritaire perd de sa force… Car les travailleurs et employeurs ne financent plus ici. L’adage dit qui paye contrôle. Le débat est en cours. Les Flamands vont sans doute abandonner la gestion paritaire, les autres la conserver. Pourquoi ? Car à Bruxelles et en Wallonie on considère que les partenaires sociaux ont montré par le passé leur utilité. Même s’il y a beaucoup de différends, il y a une capacité à gérer en bon père de famille la sécurité sociale. Rôle des différents organismes dans chacune des branches du régime général – vue d’ensemble On donne d’abord un aperçu très général. D’abord l’ONSS, l’office nationale de sécurité sociale. Qu’est-ce qu’il fait ? C’est l’institution publique de sécurité sociale qui chapeaute l’ensemble de la sécurité sociale. Il collecte toutes les ressources parafiscales et fiscales qui financent la sécurité générale et les redistribue ensuite entre les différentes branches (pension, chômage, etc.). On a connu une évolution importante. A l’origine, en 1944, la gestion des moyens financiers dans la sécurité sociale s’effectuait au niveau des branches. Il n’y avait pas gestion globale des moyens. L’ONSS prélevait les cotisations et les redistribuait en fonction d’une clé prédéterminée. A l’époque, il y avait X% de cotisation pour chaque branche. Avec le temps, on a fini par constater que c’était compliqué et par efficace, surtout à partir la crise de la désindustrialisation (à partir de 1980). Les dépenses de la sécurité sociale ont commencé à augmenter dans certaines branches, surtout dans le chômage. Et ça fluctuait beaucoup. Chaque année il fallait adopter des lois pour opérer des transferts d’argent entre branches. En 1994, c’est le 50e anniversaire de l’ONSS, on est passé d’une gestion sectorielle à une gestion globale. L’ONSS reçoit toutes les ressources et répartit l’argent. Qui fait ça plus précisément ? Un organe de l’ONSS : comité de gestion de la sécurité sociale. C’est lui qui procède aux arbitrages. Et il y a un point important : ce comité n’est pas simplement composé de manière paritaire, mais tripartite : il y a aussi des représentants des pouvoirs publics (du gouvernement). Pourquoi ? Car qui paye contrôle… Et il y a une part de plus en plus importante du budget du régime général qui vient de la fiscalité (pour un tiers environ du budget). On a six plus une branche dans la sécurité sociale. La première : le chômage. A la tête de l’assurance chômage on a l’ONEM. En dessous de l’ONEM, on a des organismes chargés de payer les allocations (et non statuer sur les droits), ce sont les organismes de [email protected] 44 payements (OP dans le jargon). On a trois caisses syndicales : FGTB, CSC, CGSLB. Si on ne souhaite pas être affilié, on va à la CAPAC (caisse auxiliaire de paiement des allocations de chômage), qui est la caisse publique résiduaire. Deuxième branche : soins de santé et indemnité. C’est donc la maladie et l’incapacité de travail. On a à la tête l’INAMI (institut national de l’assurance maladie invalidité), qui est une IPSS, et en dessous de l’INAMI on a des caisses qui versent les allocations aux affiliées : ce sont les OA dans le jargon, les organismes assureurs. Concrètement, ce sont les mutuelles, on en a cinq : mutualité chrétienne, socialiste, libérale, libre et neutre. Cinq unions nationales de mutualité privées. Et il existe la CAAMI (caisse auxiliaire d’assurance maladie invalidité) qui est une caisse publique résiduaire. (Il y a 1% de la population à la CAAMI.) Troisième branche : allocations familiales. Plus pour très longtemps… La défédéralisation des allocations familiales a été décidée dans le cadre de la sixième réforme de l’Etat. 1er janvier 2019, la Flandre et la Wallonie vont exercer la compétence, tandis qu’au 1er janvier 2020 ça sera à Bruxelles. Pour l’instant, c’est provisoire donc, on a une IPSS, FAMIFED (agence fédérale pour les allocations familiales) et en dessous on a des organismes qui portent le nom de caisses d’allocations familiales. Concrètement, ce sont eux qui versent les prestations. Pour l’instant, c’est l’employeur qui s’affilie à une caisse d’allocations familiales. Dans certains cas de figure, c’est FAMIFED lui-même qui joue le rôle de caisse de paiement. Ensuite, on a deux branches dans lequel on a un organigramme beaucoup plus simple : pension et maladie professionnelle. On n’a pas maintenu le pluralisme institutionnel ! On a une IPSS qui exerce toutes les compétences (supervision et paiement des allocations). C’est le Service fédéral des pensions pour les pensions (c’est à la Tour de Midi qui ça se passe, avec 3000 fonctionnaires qui gèrent les 45 milliards d’euros). Et dans la branche des maladies professionnelles, on a une IPSS qui est FEDRIS, l’Agence fédérale des risques professionnelles. Ensuite, les accidents du travail. On a une situation un peu à part… En quoi ? On a une IPSS, qui est FEDRIS également, mais, on le verra, FEDRIS fait très peu de choses en matière d’accident du travail. L’essentiel du job est effectué par des entreprises d’assurance ! Qui verse les indemnités si on est victime d’un accident du travail ? Des entreprises commerciales à but de lucre ! C’est une situation particulière, on y reviendra. Et enfin, la « septième » branche (le prof dit six plus une), pourquoi ? Vacances annuelles des ouvriers. Aux dernières nouvelles, nous sommes le seul pays dans lequel les vacances annuelles des ouvriers font partie de la sécurité sociale. Conceptuellement, ça n’a pas beaucoup de sens, car on n’indemnise pas un risque social. Les raisons sont historiques à nouveau. Quand on prend congé, on a droit à un pécule de vacances (on paie même un double pécule en fait). S’agissant des ouvriers (et des ouvriers seulement), on a une IPSS qui leur verse cela, l’ONVA (office nationale des vacances annuelles). Ceci va sans doute disparaître, car la différence ouvrier-employé est en voie de disparition. La situation des ouvriers sera sans doute alignée sur celles des employés : paiement des pécules par l’employeur et non une IPSS. Régime des indépendants Sur le plan institutionnel, on a aussi un mixte d’organismes publics et privés. La différence entre le régime général et le statut social des indépendants est que dans le statut social des indépendants les organismes privés, qui émanent des indépendants, [email protected] 45 jouent un rôle plus important que dans le régime général, où les institutions publiques ont un rôle assez marqué. Au niveau du statut social des indépendants, on a aussi, comme dans le régime général, une IPSS qui supervise l’ensemble : c’est l’INASTI, institut national d’assurance sociale pour travailleurs indépendants. Que fait l’INASTI ? Pas autant de choses que l’ONSS, car la place des organismes publics est ici moins marquée. L’INASTI ne collecte pas les cotisations. Ce que fait c’est l’INASTI, c’est redistribuer seulement les moyens. Ici aussi, on a assisté à la même évolution : on est passé d’une gestion sectorielle à une gestion globale. L’INASTI reçoit tous les moyens et décide ensuite quelle branche va recevoir quoi. Qui fait ça exactement ? Au sein de l’INASTI, on a le CGG, Comité général de gestion pour le statut social des travailleurs indépendants. Qui siège là-dedans ? Les organisations représentatives des travailleurs indépendants. En face d’eux des représentants du gouvernement, car l’Etat finance une partie croissante des assurances sociales des travailleurs indépendants. En dessous de l’INASTI, on trouve des caisses d’assurance sociale pour travailleurs indépendants. Le rôle est grand. Et ici on a un pluralisme institutionnel. La plupart des caisses sont privées (il y en a une dizaine). Et si on ne veut pas s’affilier à une de ces caisses, il y a une caisse publique résiduaire, la Caisse nationale auxiliaire pour travailleurs indépendants. Tout travailleur indépendant qui démarre une activité a l’obligation de s’affilier à une caisse d’assurance sociale. (Il doit le faire juste avant que l’activité commence.) Soit une caisse privée, soit la caisse publique. Si on ne fait pas le choix, on va être automatiquement affiliée à la caisse publique résiduaire. Alors que les salariés ne doivent rien faire (c’est par le biais des déclarations de l’employeur que ça se fait, par la DIMONA et puis le DMFA tous les trimestres), les indépendants doivent eux-mêmes contacter une caisse d’assurance sociale et s’assujettir. Que font les caisses ? Il faut bien voir qu’elles jouent le rôle peut-être le plus important dans le statut social des indépendants. Concrètement, pour un indépendant, la CASI, la caisse d’assurance sociale, c’est l’interlocuteur privilégié ! Il y a beaucoup d’échanges. Car c’est d’abord cette caisse qui prélève les cotisations sociales. Mais aussi, cette caisse d’assurance sociale est le guichet de base pour toutes les demandes d’informations. Et enfin, troisièmement, la caisse d’assurance verse elle-même certaines des prestations dans le statut social des indépendants. C’est un organe pivot donc. L’immense majorité des indépendants ont affaire à des caisses privées. Les organismes de droit privé jouent un rôle plus marqué. Et les branches dans le statut social des indépendants, comment ça fonctionne ? La protection sociale est plus limitée que chez les salariés. On a les allocations familiales, les pensions, les soins de santé et indemnités. Trois grandes branches, et c’est tout. Il manque quoi ? Chômage surtout ! Mais aussi accidents de travail… Et les maladies professionnelles. Qui s’occupe alors de ça chez les indépendants ? Des assureurs privés commerciaux. Il y a une grande place laissée ici au marché. (On ne s’attarde pas sur les organismes qui gèrent les branches, c’est matière du cours de droit approfondi.) Depuis 1997, on a une quatrième branche quand même : le droit passerelle qu’on appelait autrefois l’assurance sociale en cas de faillite. C’est une forme de mini assurance chômage. Si on a des problèmes et qu’on doit arrêter l’activité économique, on a droit à un petit soutien, le droit passerelle. [email protected] 46 Question d’étudiant (…). Une activité est exercée à titre principal, l’autre à titre complémentaire. Comment ça se passe ? Il faut voir en fonction de chaque branche. Si on est indépendant à titre complémentaire, on ne s’ouvre pas de droits dans le statut social des travailleurs indépendants. On tire sa protection sociale de son activité de salariés ou de fonctionnaires. On ne s’ouvre des droits du côté du statut social des indépendants que si les cotisations dépassent un certain montant (comme un indépendant à titre principal). Question d’étudiant (…). Les assurances sociales dont on parle ici sont contributives. On parle de cela ici. L’aide sociale c’est en dehors de tout ceci. Branches de la sécurité sociale du régime des salariés Dans les 100 milliards d’euros, 97% ce sont des allocations ! Des remboursements de soin de santé, des allocations de chômage… Les 3% c’est pour le fonctionnement de la sécurité sociale (bâtiments, etc.). C’est infiniment moins que dans une assurance privée. Car on fait de grosses économies : on a un système qui gère tout le pays. On ne fait pas de publicité, etc. Assurance contre les accidents du travail – traits généraux C’est une branche intéressante. C’est la première par laquelle on entame une présentation de la sécurité sociale. C’est une branche pionnière. C’est la première branche pour laquelle on a écarté l’application du droit de la responsabilité civile. Avant, s’il y avait un accident du travail, c’était 1382 : il y a un dommage, à qui la faute ? Et souvent, on ne savait pas. Les accidents du travail, c’est la toute première branche de la future sécurité sociale dans laquelle on a écarté 1382. Mais c’est aussi la branche qui ressemble le moins à de la sécurité sociale. Pour plusieurs raisons, ça fonctionne moins comme les autres branches, comme les autres assurances sociales. L’origine de la branche c’est la loi de 1903 sur la réparation des dommages résultants des accidents du travail. On a opéré le grand saut avec cette loi ! On a substitué à 1382 un régime de responsabilité sans faute. Dès qu’il y a un accident du travail, il y a toujours réparation. On ne se pose pas la question de la faute… C’est une grande révolution. C’est une loi de compromis : indemnisation automatique en cas d’accident mais en contre partie le mouvement syndical a concédé au mouvement patronal (et aux libéraux sur le plan politique) que cette réparation n’est pas intégrale mais forfaitaire. Contrairement à 1382, on ne répare jamais l’intégralité du dommage, on ne cherche pas à faire ça. C’est ça le compromis. Les travailleurs ont la certitude d’une intervention, mais les employeurs ont gagné une certaine sécurité juridique. La loi actuelle est de 1971. Grande évolution à cette époque : depuis 1971, tous les employeurs sont obligés de s’assurer contre les accidents du travail. Avant, en vertu de la loi de 1903, les employeurs devaient réparer les dommages. Mais ils n’étaient pas obligés de souscrire à une assurance, même si la plupart le faisaient. Aujourd’hui c’est une obligation. Si un accident du travail survient, c’est entre le travailleur victime d’accident et l’entreprise d’assurance que ça se joue ! L’employeur est hors-jeu… [email protected] 47 Dernier point introductif. C’est le secteur pionnier donc. Réconciliation entre travailleurs et employeurs… Branche à part aussi. Pourquoi ? Car gérée encore aujourd’hui entièrement par des entreprises d’assurances commerciales privées, à but de lucre. C’est tout à fait particulier. Aucune autre branche de la sécurité sociale ne fonctionne comme ça. Pourquoi c’est ici comme ça ? L’histoire encore une fois. En 1903, nouveau marché des assurances qui s’est développé : on disait aux employeurs « attention, vous êtes toujours responsables… », contractez chez nous et on intervient si un accident survient. Un marché important s’est développé. En 1944, on avait prévu de mettre toutes ces entreprises hors du jeu et de leur substituer une institution publique de sécurité sociale, mais le lobby des assurances s’est fort opposé. Le patronat a relayé la demande du secteur des assurances… Comme on était en 1944, on a laissé « provisoirement » le secteur entre les mains des assureurs. Et la situation est toujours la même. En perspective comparée c’est très particulier. Dans la plupart des pays, les accidents du travail sont gérés par une IPSS. C’est le cas en France par exemple. Les Etats-Unis font comme nous par contre. Conséquence concrète de ceci : on n’est pas dans une logique d’assurance sociale pure… Les employeurs souscrivent une assurance auprès d’un assureur privé. Ils ne s’affilient pas à une caisse comme dans les autres branches de la sécurité sociale. On fait son marché et on va où on veut, on signe un contrat. Vous qu’on a affaire à des assureurs commerciaux, le montant des primes varie en fonction du caractère plus ou moins dangereux de nos activités, du nombre de travailleurs à couvrir, etc. On fait de la segmentation tarifaire. Que fait FEDRIS ? Pas grand-chose… Le rôle de l’IPSS dans cette branche, c’est de jouer le rôle de fond de garantie. L’employeur doit souscrire auprès d’une assurance privée, c’est une obligation – sinon c’est une infraction pénale –, mais ça arrive que des employeurs ne le fassent pas. Si ça arrive, FEDRIS va intervenir comme assurance de substitution, pour que le travailleur soit protégé contre les accidents. FEDRIS se retournera ensuite contre l’employeur. La question à se poser à chaque fois est : quel est le champ d’application ? Qui est couvert contre le risque de l’accident de travail ? Parfois c’est très compliqué dans certaines branches… En matière de soins de santé par exemple, on est tous couverts, sauf si on est en séjour illégal. En accident de travail, le champ d’application est défini comme ceci dans la loi du 10 avril 1971 : sont couverts contre le risque d’accident du travail tous les travailleurs assujettis au régime de sécurité sociale général. On a un recoupement presque parfait entre le champ d’application personnel de la branche et le périmètre de l’assujettissement à la sécurité sociale. Qu’est-ce que ça implique ? Toutes les personnes qui ont un contrat de travail ou assimilé sont couvertes. Donc on inclut aussi ceux qui n’ont pas de contrat de travail mais qui bénéficient d’une extension : les artistes, les chauffeurs de taxis, les apprentis, etc. On fait comme si ils étaient salariés. Pourquoi recoupement quasi-total et pas total ? Si on applique le principe jusqu’au bout, ça peut mener à des situations compliquées. Parfois on a un contrat de travail de courte durée. Malgré son existence, la personne ne sera pas assujettie. Exemple : les étudiants jobistes. Ils ne sont pas assujettis à la sécurité sociale. Et donc pas de couverture contre les accidents ? On considère qu’il doit y avoir une protection. Le Roi pouvait étendre le champ d’application de l’assurance contre les accidents de travail et c’est ce qu’il a fait pour les jobistes. [email protected] 48 Une fois qu’on délimite le champ d’application d’une branche, on regarde ensuite les conditions d’octroi. Quel est le risque exact ? Ici, c’est quoi un accident de travail ? La branche des accidents du travail intervient en fait pour deux risques sociaux : (1) accident du travail au sens strict et (2) accidents sur le chemin de travail (depuis 1945). Un point frappant qui différencie les accidents du travail des autres branches de la sécurité sociale est que ce concept d’accident de travail n’est pas clairement défini… Alors qu’ailleurs, les conditions d’octroi sont toujours le centre de la matière et très bien définies. Accident de travail est un concept très ouvert et très plastique : le juge a un pouvoir d’appréciation important ! D’abord il faut un accident. C’est quoi ? La loi de 1971 ne le définit pas précisément, on le déduit de l’économie générale de la loi. On combine différentes dispositions et on arrive à : événement soudain qui cause une lésion. Il faut un événement donc un quelque chose. Il faut pouvoir épingler un fait ou un moment dit la Cour de cassation. Et il faut que ça soit soudain. C’est la jurisprudence qui va dire ce qu’est ce soudain (et on est proche du civil). Evidemment, tous les événements instantanés sont compris. Exemple : un coup, une chute, un effort intense, une agression, etc. Mais le point clé est que ça ne s’arrête pas à ça ! C’est beaucoup plus que ça. La jurisprudence dit que soudain ne se limite pas à instantané, il faut juste une certaine brièveté. Il faut pouvoir identifier dans un laps de temps un quelque chose qui a une certaine brièveté. Bref, soudain est compris largement. L’événement qu’on pointe peut s’être prolongé pendant un certain temps, pendant plusieurs minutes, voir plusieurs heures ! La loi ne s’y oppose pas, la jurisprudence non plus. Les juridictions du travail qualifient de soudain des événements qui ont eu lieu jusqu’à une journée au maximum. Exemple : une journée de travail dans un contexte émotionnel très chargé et tendu avec des collègues peut être constitutif d’un événement soudain. Un enseignant dans une classe peut être victime d’un accident s’il enseigne pendant une heure dans des conditions très compliquées. Soudain ne signifie donc pas instantané. Précision importante : on n’exige pas que l’événement soudain présente une dimension d’anormalité ! C’est capital ! On est dans une logique sécurité sociale… Pendant longtemps, on exigeait que l’événement soit anormal. Donc ça devait se distinguer du cours normal de l’exercice du travail. Cette condition d’anormalité a été très critiquée par la doctrine dans les années 1960 et la Cour de cassation a suivi. Le législateur a ensuite suivi aussi. Pourquoi ? Car si on exige que l’événement soit anormal on pénalise les travailleurs qui ont un travail dangereux ! Ainsi, le démineur est tout le temps exposé à un risque, ça fait partie de son travail. A l’inverse, on favorise les travailleurs qui ont un travail pas dangereux du tout. Donc on ne fait plus référence à cela. Dans la pratique on voit toutefois des assurances invoquer le fait que le risque est inhérent à l’activité. Autre point : le cas du geste de trop. On travaille dans des conditions difficiles par exemple, dans une atmosphère stressante. Un moment on craque, on n’y arrive plus. Est-ce qu’on peut dire qu’il y a un accident du travail ? Ce n’est pas évident mais ce n’est pas exclu non plus ! Car la Cour de cassation et la doctrine s’accordent pour considérer que le geste de trop, la goutte d’eau qui fait déborder le vase, ça peut être l’événement soudain ! Il faut voir les circonstances de l’espèce… On peut indemniser des risques sociaux sur cette base. C’est un point d’actualité et la jurisprudence se développe. Cet événement soudain produise une lésion. Une lésion c’est une atteinte à l’intégrité physique ou une atteinte à l’intégrité mentale. C’est important vu les nouvelles conditions de travail d’aujourd’hui. Attention, à ne pas confondre l’événement soudain et la lésion ! [email protected] 49 L’événement doit être soudain, mais la lésion pas… Ainsi, les stress émotionnels peuvent produire les conséquences plusieurs jours après l’événement. Ce n’est pas un problème. C’est l’événement qui doit causer la lésion. Mais du point de vue du travailleur, ça n’importe pas beaucoup, car la loi le place dans une situation probatoire particulière : le but du législateur a été de faciliter les indemnisations du travail ! Il y a un système de présomption : si comme travailleur on met sur la table un événement soudain et une lésion, on présume qu’il y a accident. Présomption simple. L’assureur peut chercher à renverser la présomption. Mais c’est à lui de le faire, de montrer que ce n’est pas X qui a causé Y. Cet événement qui cause une lésion doit être du travail ou être causé sur le chemin. Un accident du travail est un accident, dit la loi, qui survient à un travailleur dans le cours et par le fait de l’exécution du contrat de travail. Il faut distinguer les deux éléments. L’accident doit être survenu dans le cours de l’exécution du contrat de travail. L’accident doit pouvoir être corrélé à l’exécution du contrat de travail. La manière dont c’est interprété par la jurisprudence est extensive. Car on ne se limite pas à ce qui relève à strictement parler de l’exécution du noyau dur des tâches. L’accident a lieu dans le cour de l’exécution du contrat de travail dès lors que le travailleur se trouve sous l’autorité de l’employeur ! Or, le lien de subordination c’est compris très largement, comme en droit du travail. Le lien de subordination n’implique pas un contrôle constant. C’est un double pouvoir de direction et de surveillance qui est susceptible d’être exercé ! Exemple : typiquement l’accident qui survient pendant une période de repos. Est-ce que c’est survenu dans le cours de l’exécution du contrat de travail ? Habituellement, oui ! Car pendant une période de repos, on ne dispose pas pleinement de sa liberté. Si on est là plutôt que chez soi, c’est parce qu’on a un travail… On va généralement considérer que c’est dans le cours de l’exécution du contrat de travail. Ou bien : on participe à une journée sportive organisée par la boîte. On se fait mal. Est-ce un accident du travail ? On va dire que oui, car la victime est là parce qu’il a un emploi et un employeur et que c’est organisé par l’employeur… Mais si on fait une sortie avec des collègues et qu’on se blesse, il n’y a plus de lien, car l’employeur n’est plus derrière, il n’y a pas – même pas un peu – de lien de subordination. Deuxième élément : l’accident doit être survenu par le fait de l’exécution du contrat de travail. L’accident doit avoir été causé par l’accomplissement du contrat de travail. Il faut plus qu’une simple concordance temporelle entre l’accident et le fait d’être sur le lieu de travail. De nouveau, c’est interprété très largement. Cas régulier : ça se bouscule un peu dans le vestiaire et quelqu’un se fait frapper. C’est bien dans le cours de l’exécution du contrat de travail. Mais est-ce survenu par le fait de ? Il n’est pas dit sur le contrat de travail qu’il faut se frapper… Malgré tout, c’est l’environnement de travail qui a sécrété la situation ! On va donc dire oui, qu’il y a un accident survenu par le fait de. Ce second élément est en pratique moins important que le premier. Car ici aussi il y a un système probatoire particulier. Dès lors qu’un accident (événement soudain causant une lésion) est survenu dans le cours de l’exécution du contrat, il est présumé être survenu par le fait du milieu professionnel. La causalité est présumée. Mais la présomption est simple à nouveau. L’entreprise d’assurance peut essayer de renverser cette présomption : l’événement est soudain, il y a lésion, tout ça a pris place dans le cadre du contrat de travail, mais l’événement n’a pas été causé par le milieu professionnel. Comment l’entreprise pourrait établir ça ? On pense à une situation très fréquente : problème de santé préexistant. Ainsi, l’accident serait dû à une cause purement interne à la victime ! L’accident aurait pu avoir lieu avant ou après, c’est par hasard qu’il a eu lieu durant le [email protected] 50 travail. Mais c’est à l’assureur (qu’on appelle l’assureur-loi) qu’il appartiendra de le prouver. Et le standard de preuve est compliqué à atteindre ! Il faut que l’assureur-loi parvienne à montrer que l’accident survenu dans le cours de l’exécution du travail n’a strictement rien à voir avec l’exécution de ce contrat ! Exemple : un travailleur a une santé fragile, problème cardiaque, on le sait. Il est sur le lieu de travail, quelqu’un l’appelle en criant, une porte qui claque et il fait un infarctus. C’est un événement soudain, c’est facile, il y a une lésion aussi. Et ça a eu lieu sur le lieu de travail. Mais est-ce par le fait de l’exercice du contrat de travail ? Si le milieu de travail est stressant, même un peu, l’assureur ne parviendra pas à renverser la présomption. Mais s’il parvient à montrer que ça aurait pu arriver n’importe quand, alors il pourra. C’est compliqué donc. Et puis il y a les accidents sur le chemin du travail. C’est assimilé à un accident du travail par la loi. C’est quoi le chemin du travail ? La loi dit : le trajet normal que le travailleur doit parcourir depuis sa résidence jusqu’à son lieu de travail et inversement. Dès qu’on sort de chez soi jusqu’à revenir chez soi. L’unique véritable question c’est : c’est quoi un trajet normal ? Dans la vie de tous les jours, on fait des détours, on s’arrête, etc. Jusqu’où s’étend le trajet normal ? Le législateur a réglé lui-même deux cas de figure. Il dit explicitement que si on fait du covoiturage, on reste dans les limites du trajet normal. Et si on va déposer ses enfants à l’école, on reste aussi dans les limites. Tous les autres aléas sont plus problématiques. La jurisprudence procède de manière casuistique, au cas par cas. Sur base d’une ligne de conduite, la jurisprudence tend à accepter tous les détours et interruptions qui sont peu importants. C’est mesuré par rapport à l’ampleur du trajet. On s’arrête pour faire un plein d’essence, c’est un détour anodin. Si le trajet le plus court fait 8,5km et qu’on fait 9,2km en passant par la boulangerie, on reste dans les limites d’un trajet normal. On fait un crochet pour prendre un café ? Pareil. Peut-on aller au-delà de ça ? Non, sauf si ce détour important est motivé par un cas de force majeur ! On rentre chez nous et notre grandmère nous appelle car il y a urgence. On fait un détour de 30km et on se prend un poteau. Notez qu’il est plus facile d’établir un accident sur le chemin du travail qu’un accident du travail ! Puisqu’on cherche une concordance temporelle entre l’accident et le trajet. Il ne faut pas que ça soit causé par, c’est donc plus facile. Cours huitième – 7 novembre 2018 On était rentré dans l’analyse des branches du régime de sécurité sociale des travailleurs salariés. Et on a commencé avec les accidents du travail : un pied dans la sécurité sociale (tous les travailleurs en bénéficie), un pied en dehors de la sécurité sociale par une caractéristique, à savoir qu’à la tête de ces branches on a aussi des entreprises privées ( ?). Et on a vu que les notions ici sont très larges, ça contraste beaucoup avec les autres branches de la sécurité sociale. [email protected] 51 Indemnisation en cas d’accident Ce sont les assureurs-loi et non l’employeur qui s’occupent de cela, même si c’est l’employeur qui s’affilie. Il y a toujours réparation, c’est automatique depuis 1903 (loi qui exclut 1382). Mais la réparation est forfaitaire ! C’est la contrepartie du caractère automatique… Il y a trois interventions prévues : (1) revenu de remplacement : on pallie la perte du revenu professionnel ; (2) les soins de santé ; et enfin (3) rente en cas de décès pour la famille. Le principal objet ça reste le revenu de remplacement. Il faut distinguer totalement deux grandes périodes : il y a l’incapacité temporaire et l’incapacité permanente. Et l’assurance ne remplit pas la même fonction dans les deux périodes ! La période de l’incapacité temporaire est celle durant laquelle les lésions évoluent ou sont raisonnablement susceptibles d’évoluer. Temporaire ne veut pas dire que ça va durer un certain temps, mais bien instable : ça bouge ou ça peut bouger. Dans cette première période d’incapacité temporaire, il faut distinguer deux cas encore : soit l’incapacité est totale (on ne sait pas travailler), soit elle est partielle (on peut travailler en partie). On parle d’ITT ou d’ITP. Incapacité temporaire total (ITT) d’abord. On est cloué au lit, on ne peut pas reprendre le travail. L’assureur-loi va vous verser un revenu forfaitaire de remplacement : 90% de l’ancienne rémunération plafonnée. La réparation n’est donc pas intégrale… Incapacité temporaire partielle (ITP) ensuite. On peut reprendre le travail, soit le même poste, soit un autre plus adapté. On peut faire quelque chose, même si partiellement. S’il y a remise au travail, on touche de son employeur une rémunération. L’assureur-loi ajoute à cette rémunération liée au boulot une indemnité complémentaire qui va venir combler la différence entre la nouvelle et l’ancienne rémunération. Donc ici on ne perd rien ! L’objectif est d’encourager la reprise du travail, vu qu’on ne perd pas d’argent. Et si jamais la reprise est envisageable mais pas possible concrètement – pas d’emploi adapté dans l’entreprise –, on est indemnisé quand même, mais comme si on était en incapacité temporaire totale (90%). En tout cas 90% c’est assez proche de l’intégralité. Mais en incapacité permanente c’est totalement différent ! Parce que ici c’est à vie… Les lésions cessent ici d’évoluer. Il y a une consolidation des lésions. (Si jamais ça évolue quand même, il y a des procédures.) Dans ce cas, on va percevoir une indemnité qui est fonction du taux d’incapacité permanente reconnue. On va toucher son ancienne rémunération multipliée par le taux d’incapacité. Le point-clé c’est ceci : c’est quoi l’incapacité permanente ? Comment on définit ça ? L’incapacité permanente et son taux cherchent à saisir ou capturer votre perte de capacité concurrentielle sur le marché de l’emploi ! L’indemnisation cherche ici à couvrir l’amoindrissement de votre valeur économique comme travailleur sur le marché de l’emploi. Il y a diminution de votre capacité à exercer quelconque travail sur le marché de l’emploi. Donc ici on se détache un peu du travail antérieur : on se demande si, par rapport à l’ensemble des jobs disponibles, quelle est votre capacité à trouver du travail. [email protected] 52 Concrètement ce taux d’incapacité est fixé en fonction de plusieurs critères jurisprudentiels (la loi ne dit rien). Le principal critère c’est l’importance des séquelles. Autre élément : votre âge. Mais aussi : votre formation et votre capacité à vous adapter. En fonction de tout ceci, on va chercher le taux d’incapacité permanente auquel on peut prétendre. La victime va percevoir le reste de sa vie X% de son ancienne rémunération. Pourquoi c’est forfaitaire comme réparation ? Il se peut qu’au lendemain de la consolidation des séquelles on gagne au total mieux sa vie. Par exemple, on a une incapacité de travail de 5% mais on reprend son ancien travail. On va donc toucher son salaire et 5% en plus ! Car on ne cherche pas à savoir si in concreto vous perdez ou pas de l’argent, mais on chercher à neutraliser la perte de capacité concurrentielle. Mais en général, le scénario est perdant : on ne sait plus travailler, on a un travail à mi-temps et on a une petite incapacité, disons à 30%. Au total, on gagne donc moins bien sa vie… Mais on ne se pose pas cette question dans le calcul, peu importe si on gagne plus ou moins (c’est d’ailleurs impossible à calculer sur 20, 30 ou 40 ans…). Concrètement, qui détermine le taux ? C’est l’assureur-loi : l’organisme d’assurance auprès duquel l’employeur est assuré. On fait appel à un médecin, il y a des consultations régulières. Si on voit que les séquelles sont stabilisées après un certain temps, l’assureurloi va vous adresser une proposition : je vous proposer de considérer vos séquelles comme stabilisées et comme valant X% d’incapacité. On reçoit un projet d’accord donc. Ce projet d’accord est systématiquement transmis à FEDRIS (qui est une IPSS). Toujours ! Pour rappel, FEDRIS a deux grands rôles : (1) fond de garantie si jamais l’employeur n’a pas souscrit à une assurance ; (2) d’examiner systématiquement aux propositions d’indemnisation faite par l’assureur-loi. Dès que l’accord est fait et que la victime accepte, celui-ci est envoyé à FEDRIS pour entérinement. Il y a des contrôles aléatoires aussi… C’est une branche particulière donc : pour l’indemnisation des accidents on n’a pas affaire à une institution publique unique ou des organisations non marchandes comme les mutuelles, mais bien à des entreprises commerciales. C’est au niveau de l’indemnisation que parfois ça fait débat. Pourquoi ? Parce qu’on voit dans la pratique que globalement les assureurs, face à des séquelles très graves, se lancent dans des batailles judiciaires très longues pour essayer de minimiser leurs interventions ! Le but est le lucre ! Donc on se demande si ce système est vraiment opportun… Dans d’autres pays il y a bien souvent une institution publique de sécurité sociale qui gère la chose. Indemnisation des dépenses médicales Médicaments, hospitalisations, etc. Avec la particularité suivante : en accident de travail, les frais médicaux sont remboursés de manière intégrale ! Alors qu’en règle générale, on verra plus tard, en assurance soin de santé, on est toujours remboursé que d’une partie des frais (ex : quand on va chez le médecin généraliste, on paye 25 euros, on est remboursé ensuite de 20 euros environ). [email protected] 53 Rente après décès Autre risque : la famille a perdu un risque significatif si on est décédé… En particulier, c’est donné au conjoint marié ou cohabitant légal, ou aux enfants. C’est une rente viagère de 30% pour le conjoint, 15% pour les enfants (aussi longtemps que ces derniers perçoivent des allocations familiales). NOT : quand on parle de rémunération en sécurité sociale, c’est toujours brut. Assurance chômage Branche toujours controversée. On l’appelle souvent « la branche malaimée ». C’est celle qui a le moins de succès parmi la population. Pour le reste, on aime bien, mais pour le chômage, on aime moins : il y a des gens qui trichent, il y a des gens qui abusent dit-on. C’est toujours le cas, depuis très longtemps. Pourquoi ? Une hypothèse très avancée en sciences sociales est qu’une différence entre l’assurance chômage et les autres branches de la sécurité sociale c’est que le risque de chômage est distribué de manière beaucoup plus inégale que les autres risques. Globalement, les risques de santé par exemple semblent être distribués de manière aléatoire (même si un riche aura sans doute moins de problème de santé qu’un immigré). Tout le monde peut attraper un cancer ou le diabète… Pareil pour la pension : tout le monde y passera à 67 ans. Mais le risque de chômage ? Ce n’est pas la même chose pense-t-on. C’est statistiquement établi : le risque de chômage est surconcentré le bas de l’échelle salariale, sur les travailleurs à bas revenus ou très bas revenus. D’où cette hypothèse souvent avancée : le chômage est moins populaire car on s’identifie moins facilement aux chômeurs. Donc on ne s’y projette pas, on ne se dit pas qu’on pourrait aussi y être confronté. Particularité de l’assurance chômage D’où ça sort ? Il y a quelques moments clés. Qui est à l’origine ? Ce sont les syndicats, pas les pouvoirs publics ou les organisations patronales. Ce sont les syndicats seuls qui les premiers, à la fin du XIXe siècle, ont mise en place les caisses de chômage auxquelles on pouvait librement s’affilier et, en cas de chômage involontaire (et involontaire seulement) la caisse pouvait intervenir. D’où, en 2018 encore, les principaux organismes de paiement de l’allocation de chômage sont les organisations syndicales ! Pour 85 à 95% des chômeurs indemnisés, la caisse de paiement c’est l’une des trois caisses syndicales. C’est lié à l’histoire donc. Mais certains pensent qu’il faut mettre les syndicats hors de l’assurance chômage. Pourquoi les syndicats ont mis en place cela ? Pour protéger les chômeurs involontaires. Ce qu’il faut bien comprendre c’est que l’assurance chômage n’a pas été mise en place uniquement pour ça. Un but historique dès le départ c’est de protéger les travailleurs qui sont sur le marché de l’emploi ! C’est encore le cas aujourd’hui. Pourquoi ? Car s’il n’y a pas d’assurance chômage, les employeurs pouvaient faire fluctuer les salaires très librement, il n’y avait pas de régulation ! Et rien n’empêchait de faire dévaluer le coût de la main d’œuvre… Ceci n’a plus été possible à la fin du XIXe siècle où l’assurance chômage est devenue significative. Pourquoi ? Car les assurances chômages, de facto, ont [email protected] 54 joué une forme de plancher ! C’est plus compliqué de baisser les salaires en dessous des allocations de chômage… C’est donc un frein à la diminution des salaires. C’est une branche donc très conflictuelle, depuis toujours ! On a eu des luttes très dures autour de l’assurance chômage, car les enjeux sont énormes : il y a des conséquences tant sur les chômeurs que les travailleurs. En Belgique, le taux de syndicalisation est élevé car ce sont les syndicats qui gèrent l’assurance chômage. Ce taux est, en moyenne, de 2/3 de chômeurs syndiqués. C’est 10% en France. Chez les scandinaves on est à 70 à 80%. Les pouvoirs publics commencent à légiférer au début du XXe siècle. Mais il y a une étape clé : c’est 1945. A ce moment-là on été opéré deux modifications de la réglementation qui ont eu un grand impact sur l’architecture de notre système. Le premier élément : on a illimité dans le temps les allocations de chômage. Des possibilités de perdre ou de sanctionner, il y en a plein ! Mais, ne figure pas, parmi les causes de déchéance des causes de chômage, l’écoulement du temps… Sauf pour les jeunes, on y reviendra.) Et ensuite, deuxième élément, admissibilité à l’assurance chômage aux jeunes qui ont terminé les études mais n’ont pas travaillé ou cotisé. Quel impact ces deux réformes ont-elles eu sur notre système jusqu’aux années 2000 ? Par rapport à nos pays voisins, l’assurance chômage a présenté « l’équilibre » suivant : on était dans un système dans lequel on entrait plus facilement qu’ailleurs en raison de la possibilité ouverte pour les jeunes qui n’avaient pas travaillé ou pas assez. C’est toujours en partie le cas. Seconde particularité : une fois entré dans le système, on pouvait y rester plus longtemps qu’ailleurs, car pas de limite dans le temps. En contrepartie, le grand prix à payer, c’était les conditions d’indemnisation très faibles ! Par rapport aux autres pays, le calcul était peu favorable (on est à la deuxième moitié du XXe siècle). Mais depuis les années 2000 et surtout 2010, aussi bien le gouvernement Di Rupo que le gouvernement Michel, se succèdent les réformes qui limitent l’accès à l’assurance chômage. Au sein de la sécurité sociale, c’est la branche qui subit le plus les mesures d’austérité ! On a beaucoup de mesures prises pour restreindre les possibilités contre les jeunes. Et il est plus difficile de rester au chômage aujourd’hui. Le premier élément du compromis historique est donc moins vrai qu’auparavant. Mais attention, ce double durcissement n’a pas été compensé par une révision à la hausse des allocations de chômage ! Depuis les années 2010, le mode de calcul des allocations de chômage est plus sévère ! C’est la dégressivité renforcée. Celle-ci va être accentué par le gouvernement dans les prochaines semaines encore. Donc on est en train de durcir tous les paramètres : on rentre moins facilement, on reste moins facilement et on est indemnisé à des conditions moins favorables qu’avant. Dernier élément de contextualisation. Le siège de la matière, c’est quoi ? C’est un AR du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, qu’on appelle informellement le « Code du chômage ». Et c’est bien un arrêté royal… et non une loi ! Et du coup, l’arrêté d’exécution est un simple arrêté ministériel. On a une hiérarchie des normes qui est décalée d’un cran ! On n’a pas une loi de base avec son arrêté d’exécution, l’arrêté royal, mais on a juste un arrêté royal et un arrêté ministériel ! Ce n’est pas que théorique. L’enjeu est que c’est le gouvernement qui est aux commandes ! Alors que pour les autres branches, presque toujours, il y a des lois. Ici, toutes les grandes réformes qui touchent le chômage ne sont pas et ne sont jamais discutées par les élus de la Nation. La branche est entièrement aux mains du pouvoir exécutif. Le gouvernement décide seul… Et puisque l’arrêté d’exécution du Code de chômage est un arrêté ministériel (du 26 novembre [email protected] 55 1991), parfois ce n’est pas le gouvernement mais le Ministre de l’Emploi tout seul qui décide. On n’a pas de débats au Parlement, on n’a pas d’exposés des motifs, pas d’avis du Conseil d’Etat, pas de rapport de Commission, etc. Une disposition perdue du fameux arrêté-loi du 28 décembre 1944 sert de base légale. C’est ce fameux texte adopté un peu à la fin de la guerre qui pose les bases de la sécurité sociale de l’après-guerre. Cet arrêté-loi comprenait essentiellement des habilitations pour le Roi. Au fil du temps, l’arrêté-loi a été vidé de sa substance, et on a commencé à avoir une loi sur l’accident de travail, une loi sur les soins de santé, etc. Sauf pour le chômage ! Encore aujourd’hui, l’arrêté-loi prévoit : « l’ONEM paie les allocations… dans les conditions prévues par le Roi. » Sur cette base-là, on a le Code du chômage pris par le gouvernement. Se pose donc la question de la légitimité démocratique. Structure organisationnelle de l’assurance chômage L’assurance chômage c’est la branche qui indemnise les chômeurs. Elle statue sur vos droits et paie les allocations. Mais il faut bien percevoir que dans la logique de la branche, l’indemnisation des chômeurs est liée à l’accompagnement des chômeurs ! On n’indemnise pas pour indemniser… On indemnise que si on pense que vous êtes un chômeur involontaire alors que vous n’arrivez pas à intégrer le marché de l’emploi. Deux volets qui vont de pair. Mais nous sommes en Belgique, et ceci a été coupé en petits morceaux. Et donc l’assurance chômage est une branche de la sécurité sociale qui relève de la compétence fédérale. Qui fait ça ? On a une IPSS qui chapeaute la branche : l’ONEM. Et puis on a des OP, organismes de paiement, qui sont les trois caisses de chômage syndicales et la caisse publique résiduaire (CAPAC). Ce que fait l’ONEM c’est statuer sur les droits. Ce sont les bureaux régionaux (il y en a 30) de l’ONEM qui statuent sur vos droits. Les OP vous versent l’argent. Mais les OP ont aussi un rôle important d’intermédiation entre vous et l’ONEM. C’est avec l’OP qu’on constitue son dossier. Depuis 1980, l’accompagnement des chômeurs relève de la compétence des entités fédérées. Le placement (aide au retour à l’emploi, le coaching, etc.) est une matière régionalisée au titre de la politique de l’emploi. Tandis que la formation (cours, stage) relève de la formation des Communautés. L’indemnisation est par contre fédérale. Il aurait été absurde de démultiplier les interlocuteurs du chômeur… Ce qu’on a fait dès le départ, c’est rassembler le placement et la formation, le régional et le communautaire. On a fait des transferts de compétences très rapidement ! Partout dans le pays, sauf à Bruxelles, on a reconstitué le lien historique entre placement et formation. Si on va dans un service public de l’emploi, on ne fait pas de différence selon qu’on vous transmet une offre d’emploi ou une formation. Et ça donne ceci : en région de langue néerlandaise, la Région et la Communauté ont fusionné. Dès lors, le service public créé peut s’occuper et du placement des chômeurs et de la formation. C’est le VDAB (Vlaamse Dienst voor Arbeidsbemiddeling en Beroepsopleiding) qui fait les deux. [email protected] 56 En région de langue française, la Région Wallonne a créé le FOREM. Ce dernier s’occupe du placement des chômeurs. Et la Communauté Française s’est défaite des compétences en matière sociale et n’exerce pas elle-même la compétence de la formation : elle l’a transféré à la Région Wallonne et à la COCOF (pour Bruxelles). Et donc, la Région Wallonne avec son FOREM est compétence pour le placement et la formation. En région de langue allemande, la Communauté Germanophone a créé l’ADG (Arbeitsamt der Deutschsprachigen Gemeinschaft) qui s’occupe de la formation professionnelle, mais aussi du placement qu’il a reçu de la Région Wallonne. Et enfin à Bruxelles, où tout est plus foireux qu’ailleurs. On a la Région qui a institué ACTIRIS pour l’emploi. Mais ACTIRIS ne transmet que des offres d’emploi ! La formation relève de la Communauté Flamande pour les néerlandophones et de la COCOF pour les francophones (car la Communauté Française s’est défaite de ces compétences pour la Région Wallonne et la COCOF). Pour la formation, le Bruxellois a le choix entre le VDAB ou Bruxelles Formation. Bref, le processus est complexe, mais le résultat est simple (sauf à Bruxelles peut-être). Et petite parenthèse : les soins de santé coûtent bien plus cher que l’assurance chômage. Presque 45 milliards pour les pensions, 25 à 30 pour les soins de santé, le chômage vient loin derrière. La réglementation On a d’abord les conditions d’admissibilité. On pourrait parler du champ d’application personnel ou des bénéficiaires ici. Qui est couvert par l’assurance chômage si le risque est réalisé ? On ne parle pas encore de l’octroi, mais en amont. Les conditions d’admissibilité, dit le Code de chômage, ce sont des conditions de stages, de passé de travail ou d’attente. Le chômeur doit les remplir. Dans notre système, on n’a pas une mais deux grandes portes d’entrée : (1) travail salarié comme partout ; (2) mais aussi réussir des études d’un certain niveau. D’abord le travail. Il faut avoir travaillé et cotisé comme travailleur salarié pendant un certain temps. C’est quoi ici le stage ? Avoir réalisé un certain nombre de journées de travail au cours d’une période qu’on appelle période de référence : X mois qui précède la demande d’allocation. C’est cela le stage, le nombre de jours de travail donc. Et ce n’est pas n’importe quel travail : c’est le travail qui donne lieu à l’assujettissement au régime de la sécurité sociale des salariés. Le travail indépendant n’ouvre pas droit à l’assurance chômage. La durée du stage ? On distingue trois catégories en fonction de son âge. Et parenthèse : tout le Code du chômage parle de travailleur et non de chômeur. Pourquoi ? Un chômeur c’est un travailleur sans emploi. Mais donc trois catégories : en dessous de 36 ans, entre 36 et 50 ans et au-delà de 50 ans. On a des durées différentes : plus vous êtes âgés, plus vous avez eu la possibilité de travailler pense-t-on. Ainsi, en dessous de 36 ans, il faut avoir travaillé 312 jours au cours des 21 mois avant la demande. Si on a cela, on a droit à l’assurance chômage. Mais ça ne veut pas dire qu’au 313e jour j’arrête et je me [email protected] 57 mets au chômage ! On est admissible seulement, mais il faut que le risque nous tombe dessus : c’est le risque involontaire et lui seul. Deuxième catégorie, de 36 à 50 ans : 468 jours de travail au cours d’une période de référence un peu plus longue. Et au-delà de 50 ans, c’est deux ans de travail au cours de 42 mois. Et puis autre base d’entrée depuis 45 : les études. Avant c’était les jeunes de moins de 30 ans. Depuis le gouvernement Michel, ce sont les jeunes de moins de 25 ans. L’impact a été important… Et qui ont terminé ou réussi des études d’un certain niveau. On peut être admis à l’assurance chômage et être indemnisable parce qu’on a réussi ou terminé des études d’un certain niveau, sans même ne jamais avoir travaillé ou pas assez (9 mois par exemple). Quelles sont les études prises en compte ? Le cycle supérieur de l’enseignement secondaire général ou le cycle inférieur de l’enseignement secondaire technique. Il faut avoir terminé ce niveau d’étude là lorsqu’on a moins de 25 ans, mais aussi plus de 21 ans. Terminer veut dire : avoir été jusqu’au bout, pas réussi ! Par contre, pour les réformes récentes du gouvernement Michel, pour les moins de 18 ans, il faut avoir réussi un certain niveau d’études : l’enseignement secondaire supérieur. Il faut distinguer selon qu’on a moins de 21 ans ou selon qu’on a entre 21 et 25 ans. Les moins de 21 ans doivent avoir réussi l’enseignement secondaire supérieur, mais entre 21 et 25 ans on est aussi admissible si on a terminé l’enseignement secondaire inférieur en technique ou professionnel. Le gouvernement Michel a pris cette mesure pour limiter les indemnisations. La logique c’est : il ne faut pas de prime à la paresse… Contreargument : une partie importante des jeunes qui allaient au chômage n’avaient justement pas réussi leurs études ! Pour les jeunes admis sur la base de l’étude, le stage est de un an. Si on a moins de 21 ans et qu’on a réussi les secondaires, pendant un an il ne se passera rien, on ne touche pas d’allocations. C’est la période de carence. Bref, deux bases d’admissibilité. Le Code de chômage organise un système de maintien d’admissibilité ou de dispense de stage. C’est quoi l’idée ? C’est qu’on maintient les droits à l’assurance chômage si on a été admis au chômage par le passé et qu’on est retourné sur le marché de l’emploi ensuite. Vous avez travaillé pendant un an au moins par exemple, puis on perd son boulot, puis on va au chômage, puis on retrouve un travail qu’on reperd ensuite ! Durant les 3 ans qui suivent la fin de l’indemnisation, on maintien votre admissibilité, on ne va pas vous demander de prouver à nouveau le travail effectué. Le but est de protéger ceux qui font des allers et retours réguliers entre travail et chômage. Conditions d’octroi A distinguer de l’admissibilité. Ici on va délimiter ou circonscrire le périmètre du risque pris en charge. Une fois qu’on a travaillé et cotisé, les allocations du chômage ne tombent pas du ciel ! Là, on est seulement assuré. (Pareil si on a fait les études.) Mais pour avoir effectivement les allocations, il faut que le risque pris en charge se réalise. Ce risque c’est le chômage involontaire et uniquement celui-là. Toutes les conditions d’octroi permettent de voir ce qui est involontaire et ce qui ne l’est pas. C’est quoi un chômeur involontaire ? C’est compliqué à déterminer… On a une ligne de démarcation entre le chômeur volontaire (responsable de sa situation) et involontaire (pas responsable de sa situation). Il y a les « méritants » et les « non méritants. » [email protected] 58 Plus précisément, comment on définit le chômage involontaire ? Pour avoir accès aux allocations de chômage, il faut être privé de travail et rémunération, par suite de circonstances indépendantes de votre volonté. Mais aussi : être disponible pour le marché de l’emploi, physiquement apte au travail et en âge de travailler. Ce sont les conditions principales. Toute la logique de la réglementation c’est qu’on prend en charge ceux qui n’ont pas travail et rémunération, mais qui veulent et peuvent travailler. Privé de travail et rémunération. C’est la condition la plus intuitive. Ce qui est important c’est que cette condition est assez exigeante, on est parfois surpris. Un chômeur n’a pas de travail, on s’en doute bien. Le Code du chômage définit ce qu’est le travail au sens du texte. C’est assez contraignant en fait, car on est très vite dans du travail. Et si on travaille, pas d’allocations ! La réglementation distingue : on a l’activité effectuée pour votre propre compte et l’activité effectuée pour un tiers. Celle qui est effectuée pour votre propre compte, pour vous-même, c’est du travail et ça fait obstacle à la perception dès allocations dès lors que l’activité ne se limite pas à la gestion normale de vos biens. Le critère dégagé par la jurisprudence et appliqué par l’ONEM c’est le but de lucre. Est-ce qu’il y a un objectif ou l’intention de dégager une plus-value ? Dans la pratique, on a un cas de figure qui revient tout le temps : le chômeur qui fait des petits travaux. Bien souvent, pour lui-même, qui rénove sa maison par exemple, il fait cela de bonne foi : il « profite » de cette période de latence pour faire quelque chose d’utile. Le chômeur a évidemment le droit d’entretenir son bien… En revanche, dès qu’on fait des travaux un peu plus substantiels pour en dégager un profit, là ça devient suspect. On a une grande maison et on est au chômage, on cherche du travail, mais on ne fait pas ça toute la journée. On décide, au grenier, d’aménager un appartement. A priori, on n’est plus dans la gestion normale de ses biens propres, le but ça va être de percevoir un revenu locatif ! C’est du travail pour le Code de chômage ! S’agissant de l’activité effectuée pour un tiers, la réglementation est très suspicieuse. Pourquoi ? Parce qu’elle prévoit que est du travail incompatible avec la perception des allocations toute activité effectuée pour un tiers qui procure un avantage matériel. Mais la réglementation dit : toute activité effectuée pour un tiers est présumée générée un avantage matériel ! A priori donc, on ne peut pas, c’est dangereux. Il faut comprendre la difficulté… L’obsession de la réglementation c’est le travail au noir. On peut comprendre la logique. Mais il faut bien voir que pour les chômeurs les conséquences sont sévères, car ils ne mesurent pas toujours les conséquences juridiques de leurs actes. Il faut aussi être privé de rémunération. C’est du bon sens. Mais c’est ici aussi exigeant. Les concepts ne sont pas définis en sécurité sociale, chaque branche de la sécurité sociale a sa propre définition. Ici on a une disposition dans le Code du chômage qui dit, ici la rémunération c’est : contrepartie du travail, mais aussi indemnités compensatoires de préavis. Et donc pas de chômage… Si on a six mois de salaire comme indemnités, on n’aura pas d’allocations tout ce temps. On doit être privé par suite de circonstances indépendantes de sa volonté. L’assurance chômage n’a pas vocation à indemniser le chômage volontaire, c’est ça la logique. Donc il y a un certain nombre de comportements sanctionnés. Il y a toute une série de comportements qualifiés d’entrée volontaire dans le chômage. Quels sont les comportements sanctionnés ? Le premier c’est l’abandon d’emploi sans motifs convenables. On part, on démissionne… Sauf si on a un motif légitime. Sinon c’est sanctionné. Le motif légitime n’est pas défini par la réglementation cependant. La pratique de l’ONEM est plutôt très [email protected] 59 restrictive. Cas de figure récurent et pas vraiment tranché : c’est le déménagement. Imaginez, 100km plus loin. Et on quitte l’emploi. Que va faire l’assurance chômage ? Souvent l’ONEM est très réticent, on risque une sanction. Et puis deuxième comportement incriminé c’est le licenciement pour faute ou motif équitable. On n’aura pas le chômage le lendemain, car on va dire que vous êtes responsables. Vous avez fait une faute et vous pouviez raisonnablement vous attendre au licenciement. C’est très sévère, contrairement à ce qu’on pense habituellement. Et troisième comportement incriminé : le refus de l’emploi. ACTIRIS vous transmet, si vous êtes à Bruxelles, une offre d’emploi convenable et vous refusez. Vous êtes alors sanctionnés. Et dernière principale hypothèse (il y en a d’autres) : vous êtes convoqués par le service de l’emploi et de la formation (ACTIRIS, FOREM, etc.) et vous ne venez pas. Ce sera sanctionné comme un refus d’emploi convenable ! La logique est la même. Ce qui est sanctionné c’est l’abandon d’un emploi convenable. C’est quoi un emploi convenable au sens de la réglementation ? Par rapport au sens commun, les critères sont assez restrictifs. Un emploi est facilement considéré comme convenable. Ce n’est pas dans le Code du chômage mais dans l’arrêt d’exécution ministériel. On a quelques critères… Les principaux critères tiennent compte de la formation ou profession du chômeur. Mais attention, on fait ça pendant 5 mois et pendant 3 mois si on a moins de 30 ans. Si on est soudeur et qu’on dit : je veux un travail de soudeur. On ne peut pas avoir le chômage plus de 5 ou 3 mois (si on a moins de 30 ans). Depuis 2018 cela dit, nouveauté s’agissant de la formation ou profession du chômeur, il n’y a plus de protection du tout de la formation ou profession du chômeur si le service public de l’emploi considère que les débouchés sont très faibles dans votre profession ! Si vous êtes au chômage et vous dite que vous êtes gardienne d’enfants, si on est au Luxembourg et qu’on en cherche peu là-bas (exemple fictif), le FOREM peut dire que non, il y a peu de débouchés, il n’y a donc pas de protection de la formation ou de la profession antérieures. Mais sinon, 5 mois au-delà de 30 ans, 3 mois en dessous de 30 ans. Si on a passé la période protégée, il se passe quoi ? Le Code du chômage dit qu’il faut tout accepter, sous réserve qu’on doit tenir compte de vos compétences techniques. Deuxième critère : la rémunération. Ici il n’y a plus de protection… La seule limite fixée par l’arrêté d’exécution c’est qu’on ne peut pas perdre de l’argent. Si en allant travailler on va perdre de l’argent par rapport au chômage, l’emploi n’est pas convenable. Est-ce fréquent ? Pas tant que ça. Car on verra que les allocations ne sont pas très hautes. La principale situation où on va perdre de l’argent c’est si on reprend un emploi à tempspartiel. Troisième critère : distance avec le domicile. Les critères sont assez sévères : un emploi sera réputé non convenable seulement s’il implique une absence de chez soi pendant plus de 12 heures par jour ou si la durée des déplacements dépassent quatre heures. Un emploi qui implique 3h15 de trajet est juridiquement convenable du point de vue de la réglementation du chômage. Et attention, autre exemple de mesures récentes : on ne tient pas compte de la distance si c’est supérieur à 60km ( ?). Dernier critère : c’est un non-critère : les considérations d’ordre familiale. Beaucoup de chômeurs ou chômeuses sont concernées… Peut-on dire que cet emploi ne convient pas parce qu’on a des contraintes familiales, surtout si on vit seul ? Non. La réglementation prévoit que les considérations d’ordre familial sont sans influences. Sauf si ces considérations [email protected] 60 représentent un empêchement grave. Mais qu’est-ce ? C’est uniquement un empêchement temporaire et exceptionnel. Exemple : enfant soudainement et gravement malade. Ultime point : pourquoi ceci ? D’où ça vient ? Le caractère restrictif a historiquement été présenté comme une contrepartie du caractère illimité des allocations de chômage dans le temps. C’est le « prix à payer » donc. C’est discutable évidemment. Cours neuvième – 14 novembre 2018 Question d’un étudiant au dernier cours, réponse du prof : en cas d’accident mortel, il y a une rente pour le conjoint ou cohabitant légal survivant, même si ce dernier se marie à nouveau ( ?). On avait continué avec le chômage. Ici on a une distinction capitale à ne jamais perdre de vue : les conditions d’admissibilité et les conditions d’octroi d’allocations sont deux choses différentes. Les premières, une fois remplies, nous protègent, au sens où on devient susceptible de recevoir les allocations. Mais pour les recevoir effectivement il faut remplir les conditions d’octroi. La sanction est relativement lourde (ou peut l’être du moins). L’ONEM a une fourchette de semaines d’exclusion des allocations de chômage, qui va de 4 à 52 semaines. Le licenciement pour faute c’est 4 à 26 semaines. C’est relativement conséquent quand même. Abandonner son emploi sans motif légitime, refuser une offre d’emploi convenable, ça peut susciter des exclusions d’une semaine. Les conditions d’octroi sont nombreuses. Il faut aussi être disponible pour le marché de l’emploi. Cela veut dire plus de choses que ce qu’on pourrait croire. Il faut non seulement s’abstenir d’un certain nombre de comportements, mais il faut aussi manifester à l’égard de l’ensemble du marché de l’emploi une certaine attitude qui est qualifiée de disponibilité. Il faut se montrer disponible. Dans le contexte des récents changements, se pose la question de savoir si on ne quitte pas le modèle de l’Etat providence au profit d’un nouveau référentiel, l’Etat social actif. Dans cette perspective, on « responsabilise » les acteurs. La notion de disponibilité a été élargie. Avant c’était très passif, aujourd’hui on a rajouté une dimension active. La disponibilité passive ça veut dire concrètement deux choses : (1) être inscrit comme demandeur d’emploi. C’est très important, malgré ce qu’on dit parfois. On n’indemnise que ceux qui ont la volonté de réintégrer le marché de l’emploi. Où fait-on ça ? Dans le service régional de l’emploi et de la formation (cf. dernier cours). Mais aussi, plus compliqué à saisir, il y a une autre exigence : (2) il faut prouver que vous êtes prêts à accepter tout offre d’emploi qui pourrait vous être faite ! Il ne faut pas s’abstenir de refuser telle offre, il faut aussi s’abstenir de soumettre sa mise à l’emploi à des réserves ou réticences (pas acceptables juridiquement), qui laisse à penser qui si on vous faisait cette offre, vous la refuseriez… C’est une restriction hypothétique. C’est ça qui rend la notion compliquée. Si vous dites, de manière générale, je ne suis pas intéressé par tel type de travail, d’horaire, etc., et que ce n’est pas compatible avec les critères de l’emploi convenable, vous pouvez être considéré comme indisponible pour le marché de [email protected] 61 l’emploi ! (Si on invoque des raisons d’ordre familial par exemple.) Bref, ne pas se fermer l’accès à des emplois potentiels. Et puis on ajouté à cela la disponibilité active. On est venu inscrire dans le Code du chômage une nouvelle obligation additionnelle : rechercher activement du travail par soi-même. Il faut être un CE, un chercheur d’emploi. Le respect de cette obligation nouvelle (qui a 10 ans environ) est vérifiée par des suivis et contrôles, assez complexes. Le cadre juridique général de ces contrôles est dans le Code du chômage (compétence fédérale) mais l’exécution de ce cadre relève, depuis la sixième réforme de l’Etat, de la compétence des Régions. Donc aujourd’hui, c’est ACTIRIS ou le FOREM qui vérifient la chose. Le Code fixe juste un cadre général. La démarche globale est la suivante : tous les chômeurs doivent être informés d’abord de leur droits et devoirs. Ensuite chaque chômeur doit élaborer avec le service public un plan d’action : compte tenu de vos profils, vous devez chercher plutôt dans tel ou tel secteur. C’est individualisé. Et ensuite, les agents des services publics convoquent à échéance régulière les chômeurs un à un pour vérifier qu’ils exécutent bien l’obligation de chercher un travail. S’il y a une évaluation négative, des sanctions sont possibles : avertissement d’abord, puis suspension, et puis, si répétition, on va jusqu’à l’exclusion. Cette procédure est très discutée. Parfois on parle de la chasse au chômeur. Le nombre de sanctions a en tout cas augmenté très fortement. Depuis 2010, on prononce beaucoup plus de sanctions (des dizaines de milliers) qu’avant. On arrive à la fin de la liste des conditions d’octroi des allocations de chômage. Le chômeur doit faire partie de la population active. Il y a deux exigences juridiques : (1) être apte à travailler et (2) être en âge de travailler. Le critère est fixé négativement : vous n’êtes pas apte au travail si vous répondez aux conditions pour être reconnu comme invalide. Alors on est indemnisé par l’assurance indemnité qui couvre l’incapacité de travail. Si votre capacité de gain est réduit de deux tiers (66%), vous sortez du chômage et vous relevez de l’INAMI et des mutuelles (partie invalidité de l’assurance maladie et invalidité). Mais aussi, être en âge de travailler : ne pas être dans un âge d’obligation scolaire et ne pas être dans l’âge où on est admis à la pension (65 ans pour l’instant, bientôt 67 ans). Par rapport à l’image qu’on se fait de l’assurance chômage, on a quand même des conditions assez nombreuses et strictes. Mais il est vrai que pour l’instant, dans ces conditions, il n’y a pas la durée du chômage, il n’y a pas de limite. Beaucoup de sanctions chaque année, mais quand on voit les rapports de l’ONEM, on voit qu’il y a beaucoup de sanctions pour rentrer dans le chômage, moins pour rester. Sans doute parce qu’on réalise moins les conséquences lorsqu’on quitte un travail ou qu’on se fait licencier pour faute. Indemnisation A quoi a-t-on droit concrètement ? Le mode de calcul a énormément changé tout au long du siècle passé. On verra un rapide aperçu de l’évolution générale. Ce qui est frappant c’est ceci : dans les années 80, on a assisté à une détérioration des montants. Depuis des années 80, c’est juste après le début de la crise de la désindustrialisation. A partir des années 80, il y a beaucoup de mesures d’austérité qui sont prises. Grosso modo, on a été dans ce sens là pendant 20 ans, jusqu’à la fin des années 90. Au final, on avait des [email protected] 62 allocations de chômage qui avaient rejoint le niveau de l’aide sociale, qui est en fait le minimum ! Parfois on a des allocations inférieures au minimex ! Ce qui n’est pas logique… Dans les années 2000, on a revu et remonté les montants, au nom de l’idée que l’assurance chômage est bien une assurance et non un minimum vital (comme le CPAS). Le but c’est de remplacer le salaire perdu. Et puis, en 2012, avec le gouvernement Di Rupo, on est reparti dans l’autre sens, on a été dans l’austérité : depuis 2012, il y a eu la réforme qui a fait beaucoup de bruits, c’est la dégressivité renforcée des allocations de chômage. Les allocations diminuent beaucoup plus vite qu’avant ! Et parallèlement, pour la première fois depuis 1945, limitation dans le temps des allocations versées aux jeunes de moins de 25 ans qui ont réussi des études d’un certain niveau (qu’on nomme allocations d’insertion). On a deux portes d’accès au système : le travail salarié ou les études. Mais attention tout ceci rejaillit au niveau de l’indemnisation ! On ne touche pas la même chose dans les deux cas. On commence avec les allocations de chômage ordinaires, ouvertes aux travailleurs. C’est combien ? Il faut calculer. Il y a deux grands critères : (1) situation familiale et (2) le passé du chômage. Plus le chômage est long, plus ça diminue. Premier élément, les catégories familiales. On fait de la sélectivité familiale. Ces catégories varient en fonction des branches de la sécurité sociale. En chômage, il y en a trois : (1) les travailleurs chef de ménage (ou en charge de famille) ; (2) les isolés ; (3) les cohabitants. La dénomination chef de ménage prête à confusion. C’est assez restrictif ici en fait. C’est un travailleur qui premièrement cohabite avec un partenaire de vie (marié, concubin, etc.) avec des enfants à charge et qui, en plus, est l’unique source de revenu de la famille. Le partenaire ou les enfants ne perçoivent ni revenus professionnels, ni revenus de remplacement ! Si votre conjoint travaille encore, vous n’êtes pas chef de ménage, vous êtes cohabitant. Pareil si le conjoint touche aussi des allocations de chômage. Ensuite, les isolés. Ceux qui vivent seuls. Enfin, les travailleurs cohabitants. C’est la catégorie résiduaire. Toutes celles et ceux qui ne sont pas dans les deux autres, sont dans cette catégorie. Ces différentes personnes, qu’est-ce qu’elles touchent ? Il faut prendre en compte la durée du chômage. Depuis 2012, depuis la réforme, on distingue trois périodes d’indemnisation : première période est fixe, d’un an, l’allocation est un pourcentage du salaire ; deuxième période, l’allocation est aussi un pourcentage du salaire antérieur, mais la durée de cette deuxième période dépend de votre passé professionnel (plus il est important, plus c’est long) ; et la troisième période, les allocations de chômage n’ont plus aucun rapport avec le salaire antérieur, c’est forfaitaire ! Le gouvernement Di Rupo a rehaussé un peu les allocations en début d’indemnisation mais on a accru la pente ! (Le gouvernement actuel va faire la même chose.) On a fait cela en donnant un rôle important au passé professionnel, vu que la deuxième période s’y réfère. Première période d’indemnisation dure un an. Et pendant cette période, au début, on touche 65% du salaire perdu, peu importe dans laquelle des trois catégories on est, pendant les trois premiers mois. Pendant les trois mois suivants, on passe à 60% du salaire perdu. Pendant les 6 mois qui suivent, on est à 60%, mais le plafond salarial pris [email protected] 63 en compte est plus faible ! Si votre revenu réel est inférieur au plafond, on applique le pourcentage sur le total ; mais si votre revenu réel dépasse le plafond, on va appliquer le pourcentage sur tout ce qui est en dessous du plafond. Au début, on applique le plafond salarial dit supérieur. Environ 2700 euros brut. Ensuite, les mois 7 à 12, 60% toujours du salaire plafonné à environ 2500 euros brut par mois (c’est le plafond salarial intermédiaire). Après un an de chômage, on entre dans la deuxième période d’indemnisation : la durée de cette deuxième période est plus ou moins longue en fonction du passé professionnel. Il y a une partie fixe de 2 mois, auquel on ajoute 2 mois pour chaque année professionnelle ! Si on a travaillé pendant 8 ans, la deuxième période va durer 2 mois et 8 fois 2 mois, donc 18 mois au total. Durant cette deuxième période plus ou moins longue, on touche quoi ? A partir d’ici le mode d’indemnisation varie en fonction des catégories familiales. On touche un pourcentage qui dépend de la catégorie. Si on est chef de ménage, on touche 60% ; si on est isolé, c’est 55% ; si on est cohabitant, c’est 40%. Mais ici on applique le plafond salarial le plus bas ou dit inférieur, environ 2300 euros brut par mois. Cette deuxième période dure au moins 4 mois. Pourquoi ? Il faut avoir travaillé un an au moins, ce qui donne 2 mois de plus que les 2 mois fixes. En fait, de 6 mois en 6 mois les allocations diminuent de 1/5 de la différence entre le montant que vous touchiez en début de 2e période et le niveau du forfait. Et à la cinquième reprise, on finit au forfait. Et à la fin, quelle que soit votre situation, on arrive au niveau du forfait qui est un montant prédéterminé et qui n’a plus aucun rapport avec le salaire antérieur. Environ à 1250 euros pour les chefs de ménage ; 1050 euros pour un isolé (juste en dessous du seuil de pauvreté) ; 550 euros pour les cohabitants. Les niveaux sont assez faibles. 1250 et 1050 euros c’est juste un peu au-dessus du revenu d’intégration (CPAS). Qu’est-ce que signifie cette réforme alors ? C’est une forme de limitation dans le temps des allocations. Car après un certain temps, on finit quand même dans une logique forfaitaire et ça correspond à ce que font les pays voisins, où les allocations de chômage sont limitées dans le temps. Dans les autres pays, après un certain temps, on quitte d’office le chômage et on bascule dans un système d’assistance chômage, où l’on touche un peu plus que le minimex mais un peu moins que les allocations de chômage. C’est grosso modo ce qu’on a fait chez nous ! C’est juste que chez nous on dit qu’on est encore dans l’assurance chômage, alors qu’ailleurs on dit qu’on en est sorti. Le gouvernement a annoncé cet été qu’à partir d’ici la fin de l’année, il allait accentuer la dégressivité. Pour l’instant, il n’y a pas d’explications. S’il y a un avant-projet, ça doit l’être au sein du comité de gestion paritaire de l’ONEM (on en discute peut-être déjà). L’idée c’est qu’on veut accroître la dégressivité : on va encore un peu relever en début d’indemnisation, et puis on va décroître plus rapidement. L’argumentaire c’est l’incitation à la rechercher de l’emploi, pour qu’il en trouve plus rapidement. (Une carte blanche avait été publiée dans le journal il y a quelques temps, où des économistes avaient dit être réticents à l’idée, car on connaît déjà peu les effets de la réforme Di Rupo, vu qu’elle est récente ! Ces économistes disent que c’est dangereux d’avancer dans ce sens sans connaître les effets de cette réforme Di Rupo. On n’en sait rien…) Si ça se fait, ça sera probablement entre Noël et nouvel an (c’est souvent le cas). Et rien au Parlement, le siège de la matière c’est un arrêté royal. [email protected] 64 Et puis il y a les allocations d’insertion, pour les jeunes de moins de 25 ans qui ont terminé ou réussi des études d’un certain niveau. On a une logique qui est tout autre. Les jeunes ne touchent pas allocations ordinaires ! Il n’y a pas de salaire perdu ici ! Ici on touche le montant forfaitaire, qui relève d’une logique d’aide sociale. On va juste prendre en compte la situation familiale : chef de ménage, isolé ou cohabitant. Ils touchent des montants qui, pour le chef de ménage et l’isolé, sont alignés sur l’aide sociale : c’est la même chose, c’est le revenu d’intégration (1200 ou 900). Pour les cohabitants, c’est largement inférieur, soit 450 euros, moins que le CPAS. Par ailleurs, depuis 2012, cette allocation d’insertion est limitée dans le temps à 3 ans ! C’est une rupture majeure par rapport à 1945. Avec un tempérament important pour les chefs de ménage et isolés : la période de trois ans ne courent ici qu’à partir de l’âge de 30 ans ! Donc ils touchent cela jusqu’à 33 ans. Il y a aujourd’hui bien moins de chômeurs qu’avant, mais est-ce qu’il y a plus de travailleurs ? On ne le sait pas. On sait que beaucoup de personnes ont atterrit au CPAS. Sans doute une augmentation de la pauvreté chez les 18 à 25 ans. Les pensions La branche la plus en chantier pour l’instant ! Et ça va sans doute le plus évoluer sous la prochaine législature. On est ici dans des ordres de grandeur beaucoup plus important que l’assurance chômage. On est à 45 milliards d’euros par an environ, c’est 10% du PIB, 1 euro sur 10 ! Au niveau des grands traits, on a l’habitude de dire que notre système connaît trois piliers. C’est quoi ? Le premier pilier ce sont les pensions organisées par la sécurité sociale. C’est la pension légale, c’est les 45 milliards d’euros. Mais on a aussi des pensions complémentaires ou extralégales qui sont de deux types : les pensions complémentaires ou extralégales organisées par les employeurs qui contractent une assurance au profit de leur personnel (deuxième pilier), auquel cas le travailleur aura sa pension légale mais aussi une couverture complémentaire. Et puis, autre type de pensions complémentaires : celles qui sont individuelles (troisième pilier). Ici c’est l’individu lui-même qui alimente son assurance. C’est quoi la différence entre ces piliers ? Les pensions extralégales sont financées par capitalisation, c’est-à-dire qu’on est dans un système d’assurance privé, où vous adhérez à une formule (épargne pension, assurance groupe, etc.) et on verse à échéance régulière des primes à un assureur, banquier, etc. Ces primes vont s’accumuler et former un capital. (On a des formules offensives et défensives.) On est dans une logique de prévoyance individuelle, c’est l’individu ou l’employeur qui va payer les primes. A l’inverse, dans les pensions légales, on n’est pas dans cette logique individuelle, on est dans une logique de solidarité entre les générations ! Ici c’est financé par répartition. On n’épargne pas pour soi-même, les cotisations de sécurité sociale servent à financer les pensions des plus âgés, pas des travailleurs ! C’est immédiatement redistribué. Avec la difficulté que pour ce système soit tenable, il faut un équilibre satisfaisant entre les actifs et les pensionnés. C’est la grande difficulté… Mais son avantage c’est de fonctionner de manière solidaire. Il y a un grand débat depuis pas mal de temps et des points de vue très différents sur le type de pension qu’il faut. Certains défendent les pensions du type du premier pilier, [email protected] 65 d’autres les deux autres. Ce qu’on entend très souvent c’est ceci : du côté libéral et patronal, on dit que les pensions par répartition ne sont pas soutenables (démographiquement) et qu’il faut ramener les pensions légales à des pensions de base avec l’idée qu’il faut encourager la population à souscrire à des pensions extralégales (en encourageant fiscalement et parafiscalement les pensions complémentaires, ce qu’on fait pas mal depuis les années 2000 !). Face à cela, du côté syndical, à gauche, c’est une critique de cette évolution car les pensions extralégales, dit-on, sont beaucoup plus inégalitaires ! La part générale de la population couverte par une pension extralégale augmente, c’est vrai, mais cette évolution obéit à un gradiant social et de genre : la part des travailleurs qui bénéficiera de cette pension est beaucoup plus élevé chez les cadres que dans le secteur du métal par exemple. Mais aussi, il y a plus d’hommes que de femmes qui ont ces assurances complémentaires. On veut ici revaloriser les pensions légales et consolider la répartition, non pas les avantages fiscaux et parafiscaux pour les pensions complémentaires. Et puis il y a des positions plus nuancées évidemment, ici on schématise. On va voir ici la pension des travailleurs salariés (c’est une partie seulement des 45 milliards euros donc). Le texte légal c’est un arrêté royal de pouvoirs spéciaux, le n°50 de 1967. On a aussi un arrêté d’exécution, illisible. Et un troisième et dernier texte, un arrêté royal de 1996. Et puis des dispositions qui se chevauchent, se contredisent, etc. Le plus important c’est l’arrêté royal n°50 relatif à la pension de retraite et de survie des travailleurs salariés La branche pension ouvre en fait deux risques différents : on a bien sûr la vieillesse, qui est couverte par la pension de retraite. Mais il y aussi la pension de survie pour les risques de veuvage. Si on est marié – ici on ne tient compte que du lien de mariage – à un travailleur salarié qui décède, on touche une pension de survie. Mais c’est très peu et on est en train de les démanteler… Bientôt plus personne ne les touchera. On se concentre sur les pensions de retraite. Champ d’application Qui est couvert contre le risque de vieillesse ? Le principe est très simple : ceux qui sont couverts ce sont tous les travailleurs assujettis à la loi ONSS du 27 juin 1969. Donc tous les travailleurs qui ont un contrat de travail ou qui n’ont pas mais qui sont traités comme si. C’est exactement comme dans le cas de l’accident de travail. Il y a un recoupement entre le champ d’application et le périmètre de l’assujettissement au régime général. (En chômage, c’est très différent, vu le cas des jeunes.) Mais il y a quelques autres catégories en plus quand même. Il y a quelques situations qui ne donnent pas lieu à un assujettissement à la sécurité sociale des salariés mais qui vont être considérés comme si elles l’avaient été pour les besoins de la pension. L’AR n°50 permet au Roi d’étendre le bénéfice de la couverture au-delà du périmètre de l’assujettissement. Et il y a quelques cas dans l’arrêté d’exécution. Il y a une situation intéressante : ce sont les années d’études. Pendant les études, le compteur ne tourne pas… On n’ouvre pas des droits à la pension. L’âge de la retraite c’est 65 ans et une carrière complète c’est 45 ans. Dès qu’on étudie au-delà de 20 ans, on a un trou dans la pension. Ici on a un correctif prévu : possibilité de régulariser ou de bonifier les années d’études. On peut faire une démarche auprès de l’institution publique de sécurité sociale compétente, soit en matière de compétence le SFP (service fédéral des pensions) : je veux faire régulariser mes années d’études. Il faut le demander. C’est une extension facultative. Et il [email protected] 66 faut surtout payer une cotisation de régularisation, car pendant qu’on est aux cours, on ne travaille pas, donc pas d’argent qui alimente la sécurité sociale. L’idée est la suivante : autant que possible il faut introduire sa demande dans les 10 années qui suivent la fin des études. Il y a alors une cotisation forfaitaire d’environ de 1500 euros pour chaque année d’étude à faire valoir. Les années d’études qu’on peut régulariser ce sont celles qui ont conduit à l’obtention d’un diplôme ! Si on étudie et qu’on rate, on ne pourra pas le faire comptabiliser. Et on ne peut faire comptabiliser chaque année qu’une fois à l’intérieur d’un programme qui conduit à l’obtention d’un diplôme. (Il faut faire le calcul toutefois, il peut être plus intéressant de ne pas faire bonifier ces années, de choisir peut-être une pension complémentaire.) Conditions d’octroi Il y a d’abord une condition d’âge. L’âge normal du départ à la retraite c’est 65 ans. Mais ça pourra changer… C’est 65 ans pour tout le monde depuis 2009 pour les hommes et pour les femmes ! Pendant longtemps, c’était différent : 65 ans pour les hommes, 60 ans pour les femmes. Par année de carrière, une femme se constituait 1/40e d’une pension complète, l’homme 1/45e d’une pension complète. La Belgique a été condamné par la CJUE. De plus, le gouvernement actuel veut reculer cet âge à 66 ans à partir de 2025 et à 67 ans à partir de 2030. Il y a aussi la possibilité des retraites anticipées. Mais ces dernières années c’est devenu de plus en plus restreint, car on a l’idée qu’il est important d’allonger la durée des carrières et de reculer l’âge de la pension. C’était significatif avant, mais ça a été rendu bien plus sévère. On arrive, à partir du 1er janvier 2019, l’âge de la retraite anticipée sera de 63 ans à condition d’avoir un passé de carrière qualifié de suffisante, c’est-à-dire de 42 ans ! Avant on pouvait partir à 60 ans avec 35 ans de carrière. Attention, on se situe ici au niveau des conditions d’octroi. On n’est pas au niveau du mode des calculs ! Si on a 63 ans, on peut quitter le marché de l’emploi, mais au niveau du montant, c’est bien moindre qu’une carrière complète ! Le FSP calcule mécaniquement la pension et envoie un courrier quand on arrive à l’âge de la pension. On peut alors accepter ou pas. Mais beaucoup quittent le marché de l’emploi à 65 ans car il y a une possibilité largement ouverte de continuer à travailler tout en touchant la pension. Et travailler plus ne va pas augmenter la pension, car c’est 45 ans maximum (les plus favorables). Dernière petite chose : ce qu’on appelait les prépensions, qu’est-ce ? Aucun rapport avec les pensions. Dans les représentations courantes, dans l’imaginaire, les prépensions jouent un rôle important dans l’aménagement des fins de carrière. On peut quitter le marché du travail parfois bien à l’avance. On parle aujourd’hui de chômage avec complément d’entreprise. Cette nouvelle dénomination est plus conforme à la logique du dispositif. Qu’est-ce ? C’est un mécanisme qui relève de l’assurance chômage ! C’est essentiellement un dispositif d’accompagnement social du licenciement. On amortit le choc pour le travailleur âgé qui est licencié. Le système prévu est le suivant : un chômeur avec complément d’entreprise est un travailleur âgé et licencié, qui touche une allocation de chômage (par l’ONEM), avec complément d’entreprise, soit une indemnité complémentaire à charge de l’ancien employeur qui a opéré le licenciement, qui est égal à la moitié de la différence entre l’allocation de chômage et l’ancienne rémunération. En pratique, pendant longtemps, si l’âge effectif de sortie du marché de l’emploi était [email protected] 67 largement inférieur à 65 ans, c’est très largement en raison des prépensions et non des retraites anticipées ! On y a beaucoup recouru depuis les années 80. Aujourd’hui on resserre ces conditions… Tout ça est organisé par une CCT et ça varie donc d’un secteur à l’autre. Cours dixième – 21 novembre 2018 Actualité : le gouvernement actuel va peut-être, en augmentant la dégressivité dans le temps des allocations de chômage, augmenter le plafond pour le calcul. Donc ça sera favorable aux travailleurs sans emploi à haut revenu. Mais on n’en sait pas plus pour l’instant. On parlait des pensions de retraite. C’est 10% du PIB. Champ d’application étroitement lié à l’assujettissement : sont protégés les travailleurs assujettis au régime général. Si on travaille au noir, au niveau des pensions on ne touchera rien du tout. Quelle est la situation concrète qui donne lieu à l’octroi de la pension de retraite ? Il y a deux grandes conditions : (1) l’âge et (2) l’activité professionnelle. Il faudra avoir 67 ans pour être à la retraite (actuellement 65 ans). Il y a des possibilités de retraite anticipée, mais c’est de plus en plus dur d’y avoir droit. Cela étant, il y a un grand chantier en cours, c’est de cela dont on parle beaucoup, c’est la prise en compte de la pénibilité du travail. Syndicats, patrons et ministre s’opposent sur la question. On n’a rien pour l’instant, mais l’enjeu est le suivant : le gouvernement Michel a opéré très vite le report de l’âge légal de la retraite et le durcissement des conditions de retraite anticipée. Mais il avait annoncé à ce moment-là, pour que ça soit plus équitable, qu’il allait prendre en compte la pénibilité dans la réglementation des pensions : permettre aux personnes qui ont eu un travail pénible (qui reste à définir) de partir plus tôt à la retraite. Ce chantier est ouvert et n’aboutira sans doute pas durant les 6 mois de législature qui restent. Le mouvement patronal considère que la pénibilité devrait être interprétée de manière restrictive, alors que les syndicats veulent une conception plus large. L’enjeu est budgétaire. On en vient à la deuxième condition d’octroi : réduire l’activité professionnelle. Mais cette condition commence à disparaître… A moyen terme, on n’aura sans doute plus que l’âge comme condition ! Pour l’instant, cette condition subsiste quand même. Il faut réduire ses activités professionnelles. Précision technique : cette seconde condition est en réalité dans la réglementation une condition de paiement de la pension et non une condition d’octroi. Si on ne respecte pas cette exigence de réduction, on ne perd pas le droit à la pension, mais on perd le paiement : celui-ci est momentanément suspendu. Dans les textes (AR n°50), le principe semble être que quand on atteint 65 ans, on arrête ses activités professionnelles. Celles-ci sont toutes les activités susceptibles de produire du revenu (peu importe sa nature : salarié, indépendant, etc.). L’exception à ce principe c’est l’activité autorisée. Mais l’exception tend à devenir le principe. On peut parfois travailler et cumuler. On a un certain nombre de plafonds fixés qui varient en fonction de différents critères, surtout selon qu’on a ou pas une famille à charge et selon que l’activité qu’on veut poursuivre est de salarié, indépendant ou fonctionnaire. On est entre 10000 et 3000 euros brut par an environ. Ce que le gouvernement a fait en 2015 c’est qu’il a totalement supprimé ces plafonds pour tous ceux qui ont atteint l’âge de la retraite ou qui [email protected] 68 prouvent une carrière complète. Là il n’y a plus de plafond applicable ! On peut cumuler de manière illimité la pension et le travail. Ces plafonds ne s’appliquent donc plus qu’à ceux qui ont moins de 65 ans ou pas une carrière complète. Mais même pour ces derniers, ces plafonds ont été beaucoup relevés et sans doute vont-ils disparaître aussi. C’est quoi l’enjeu ? La position aujourd’hui dominante considère que si les pensionnés veulent sur base volontaire continuer à travailler, qu’ils le fassent, ça fait des cotisations en plus, etc. Du côté syndical, il y a eu et il y a de l’opposition : il y a une crainte que si demain il n’y a aucun plafond, ça aura pour effet qu’on présupposera normal qu’un pensionné continue à travailler à temps-partiel. Puisque le cumul est facilité, on va dire que c’est normal… Et donc ça n’incitera pas à augmenter les pensions. Mode de calcul de la pension de retraite Le principe de base est conforme à la logique « assurantielle » de Bismarck. En Belgique, la pension de retraite est un revenu de remplacement : on remplace dans une certaine mesure le salaire que vous ne touchez plus. Peut-être que plus tard ça sera forfaitaire comme ailleurs. La pension légale de retraite consiste en un pourcentage de la moyenne des rémunérations gagnées au cours de l’ensemble de la carrière. Si on veut le montant, on doit savoir trois choses : (1) qu’est-ce qui rentre en compte dans la carrière ? (2) Le revenu ? (3) La situation familiale du pensionné ? C’est alors qu’on aura le X%. On commence par la carrière professionnelle et sa durée. Qu’est-ce qui rentre en ligne de compte ? Toute période durant laquelle vous avez exercé un travail salarié assujetti à la sécurité sociale. Un point capital est que la durée de la carrière ne se limite pas à ça ! Car s’ajoute à cela, et c’est là le propre de l’assurance légale, toutes les périodes d’inactivité mais qui vont être assimilés à du travail pour les besoins de la pension ! Quelles sont ces périodes assimilées ? On a une longue liste… Service militaire, période de détention préventive si on est innocent, etc. Ce qu’on a surtout dans la liste ce sont les moments durant lesquels on perçoit un revenu de remplacement à charge de la sécurité sociale. Indemnités d’incapacité par exemple, si on est malade longtemps. Pour la pension, on va considérer ça comme du travail pour le calcul de la pension ! Pareil si on est en congé de maternité : on n’est pas au travail, mais pour les besoins de la pension, cette période soutenue par la sécurité sociale va être considérée comme si c’était du travail. Car on considère qu’il s’agit d’un risque social que la sécurité sociale doit indemniser. Les conséquences sont mutualisées par la sécurité sociale. L’aléa va être neutralisé. Idem pour les périodes de chômage indemnisées, les périodes de prépension, le congé parental, etc. On peut aussi faire bonifier les années d’études après le secondaire (en payant une cotisation). Se pose ensuite la question de la durée de la carrière. Il faut voir l’importance de celle-ci. La durée normale de celle-ci, selon la réglementation, une carrière complète qui donne droit au maximum c’est 45 années. On compte en réalité en jour (14040 jours, environ 300 jours par année). Dans le calcul de la pension, ce qui se trouve en-dessous de la barre de fraction, c’est toujours 45. On va diviser votre rémunération totale par 45. Toujours ! Cela veut dire qu’une année de travail comme salarié ou d’inactivité assimilée à, donne droit à 1/45e d’une pension complète. Si on a une carrière complète, on touche 45/45e de la pension complète. Si on a une carrière de moins de 45 ans, le dénominateur ne va pas changer, ça restera 45. Si on a une carrière de 22 ans par exemple, on va la convertir en une carrière de 45 ans : le revenu va être lissé sur 45. En clair, avec une carrière [email protected] 69 incomplète, c’est très pénalisant au niveau du calcul de la pension ! (On verra quelques exemples un peu plus bas.) On a souvent un problème en pratique. La réglementation date de 1967 (le modèle de base du moins). A l’époque, on commençait à travailler assez vite, souvent 20 ans. Aujourd’hui on étudie souvent bien au-delà de 20 ans. Dès qu’on dépasse 20 ans, on arrive à 65 ans avec une carrière incomplète (par hypothèse). Les choses vont s’améliorer un peu : l’âge légal de la retraite a été reculé à 67 ans, mais la durée de la carrière complète n’a pas changé, c’est 45 ans. Le problème va être en partie résorbé. Deuxième variable ensuite pour le calcul de la pension : la rémunération. Sur la base de quoi on valorise chaque année ? Combien d’euros on met dans la pension pour chaque année de carrière ? S’agissant des périodes d’activité professionnelle, ce n’est pas très compliqué : on prend en compte la rémunération réelle sur base de laquelle les cotisations ont été calculées. La question est plus compliquée pour les périodes assimilées (chômage, congé parental, etc.). Un point clé : on a en sécurité sociale une assurance sociale, on a donc une protection importante pour ceux qui ont été des assurés sociaux un moment donné de leur vie. Cette protection c’est que la plupart des périodes assimilées ne sont pas comptabilisées dans la pension sur la base du montant de l’allocation sociale, mais bien sur la base du salaire qu’on percevait avant d’être confronté au risque social indemnisé ! Si on a des périodes de maternité par exemple, on ne va pas valoriser le montant des allocations sociales, mais bien le salaire complet et réel qu’on touchait avant. Pareil pour l’incapacité, l’accident de travail, etc. Mais il y a une exception importante depuis peu ! L’assurance chômage est la branche malaimée disait-on… Illustration : en matière de pension, les années de chômage ne sont pas toutes comptabilisées sur la base du salaire perçu avant de tomber au chômage. Depuis 2012 (gouvernement Di Rupo), les 3e périodes de chômage sont valorisée sur la base d’un montant forfaitaire proche du salaire minimum. A partir de 2019, dans quelques semaines, ce principe va être étendu ! Les textes ont déjà été adoptés… Même principe pour les 2e périodes de chômage et pour toutes les années de chômage avec complément d’entreprise (les « prépensions »). Tous les chômeurs qui dépassent un an de chômage vont être moins bien protégés pour la pension. Le gouvernement va argumenter en disant : il faut valoriser le travail, l’encourager, etc. Et donc on pénalise ceux qui ne travaillent pas. En face, contre-argument : le risque social qui est indemnisé est bien le chômage involontaire ! C’est typiquement une réforme qui va produire de l’effet sur le long-terme (dans longtemps, par hypothèse). Mais on ne fait rien de tout ça pour les accidents de travail ou la maternité, que pour le chômage. Bref, on tient compte des rémunérations réelles pour les périodes de travail, les rémunérations fictives pour les périodes assimilées (avec la spécificité du chômage). Dans les deux cas, on applique un plafond. On ne tient pas compte de toute la partie de la rémunération qui dépasse un certain niveau. Pour 2017, 55500 euros brut. Donc 21002200 euros net par mois environ, ce qui est le salaire moyen en Belgique. Qu’est-ce que ça implique ? Notre système de pension va bien jouer son rôle de revenu de remplacement, d’assurance sociale, pour les bas et moyens salaires. Ces personnes pourraient voir l’intégralité de leur rémunération être remplacée. En revanche, si on a un haut revenu ou très haut revenu, le système va bien moins jouer ce rôle de remplacement. Le X% ne va pas être appliqué sur tout le salaire. Ensuite, on a une mesure protectrice : on réévalue les rémunérations ! Tout ce qui est en dessous du plafond est réévalué. Pourquoi ? Pour neutraliser l’inflation, l’érosion [email protected] 70 monétaire ! Plusieurs décennies après le début de la carrière, le revenu de base a moins de valeur qu’aujourd’hui. On n’achète pas autant avec 5 euros aujourd’hui ou dans dix ans. On applique donc l’évolution de l’indice des prix à la consommation sur les anciens revenus. On regarde comment l’index a évolué entre 1983 et aujourd’hui par exemple. Sur la base de cette évolution, on hausse la rémunération. C’est une mesure de protection capitale ! Troisième et dernière variable, c’est la situation familiale. Le X% du taux de remplacement dépend de la situation familiale. On l’avait vu au chômage, mais ici on a d’autres catégories ! Ici on a deux catégories seulement et en pratique la majorité des gens se trouvent dans la seconde. On a une catégorie ménage et une catégorie isolée. (Ce n’est pas dans les textes, ce sont des dénominations du jargon.) Et c’est mal choisi. Le taux ménage, c’est quoi ? Le X% va correspondre au pourcentage le plus élevé lorsque vous êtes et seulement lorsque vous êtes marié (pas de cohabitation !) à un conjoint qui a cessé toute activité professionnelle et qui ne touche pas un revenu de remplacement. Donc vous touchez une pension au taux ménage quand vous êtes la seule source de revenu du ménage. Dans ce cas là, le taux est de 75%. Dans toutes les autres situations, on applique le taux isolé. Dans ce cas là, le taux est de 60%. On synthétise. Les étapes du calcul sont les suivantes : on prend la rémunération de chaque année de la carrière professionnelle. Si on commence en 1972, on prend chaque année à partir de 1972 jusqu’à aujourd’hui. Réelle ou fictive, mais toujours plafonné : tout ce qui est au-delà, on n’en tient pas compte. Puis on réévalue le résultat. On additionne le résultat de chaque année et on divise le total par 45. C’est toujours par 45. (D’où l’intérêt d’avoir une carrière complète. En pratique, ça impacte surtout les femmes, dont la durée moyenne des carrières est de 30 ans !) Et puis dernière étape : on multiplie la somme obtenue par 0,75 ou 0,60. Avec un correctif important : la pension minimum. C’est une pension plancher. On procède au calcul (dont on vient de faire une synthèse) et ensuite, on vérifie que le montant n’est pas trop bas pour tous les travailleurs et travailleuses dont la carrière est égal au moins à deux tiers d’une carrière complète. Donc 30 ans minimum. C’est environ 1230-1250 euros pour une carrière complète (taux isolé). On ne touche pas une pension de 900 euros si on a une carrière complète par exemple. Si on a une carrière incomplète, on proratise : si on a une carrière de 38 ans, on a 38/45e de la pension minimum complète. C’est une autre protection très importante. Considérations générales et actualité On jette un regard plus transversal sur la pension. On a déjà tous entendu que les pensions légales sont d’un montant pas très généreux en Belgique. Effectivement, ce n’est pas très généreux. Mais il faut distinguer les situations quand même… De manière générale, on ne peut pas dire cela. Le prof pense que ce qu’on voit dans les chiffres, c’est que globalement, le système joue assez bien sa fonction de fournir un revenu de remplacement pour ceux pour qui il a été pensé, en 1967. En revanche, pour d’autres catégories, ceux et celles qui n’étaient pas vraiment visés en 1967, le montant est effectivement problématique. En fait, les pensions sont globalement d’un montant raisonnable pour tous les travailleurs pour qui le système a été pensé en 1967 : les travailleurs qui ont une carrière complète de 45 ans et une carrière qui a été globalement rémunéré d’un niveau proche du [email protected] 71 plafond (donc environ 2000 euros net par mois). Pour ces personnes-là, la pension va atteindre le montant maximal. La pension maximale c’est environ 2400 euros brut par mois (pour une personne isolée). Soit environ 1800 net. Pour ces personnes-là, le montant final qu’on va toucher sera raisonnablement proportionnel par rapport au salaire. Donc là le système fonctionne bien. Mais c’est moins le cas pour les autres ! On pense à deux catégories : les cadres et les travailleurs avec des carrières incomplètes ou à mi-temps ! Là le système joue moins bien son rôle. Le cadre a souvent une carrière incomplète (à cause de ses études) et l’évolution salariale est très ascendante dans son domaine. Il commence avec des niveaux inférieurs au salaire moyen. On va arriver à l’âge légal avec une carrière incomplète et puis toute la partie qui va dépasser le plafond ne sera pas prise en compte. Problème également pour un autre groupe, surtout les femmes, qui ont des carrières incomplètes, avec du temps partiel, etc. On a alors des pensions de quelques centaines d’euros seulement… Ne pas oublier donc : le système a été pensé en 1967 en visant certaines catégories de travailleurs. Enfin, on entend parfois parler du système de pension à points. En 2014, le gouvernement Michel a dit : notre système actuel est compliqué et ne fonctionne pas bien, on va le remplacer par le système de pension à points. Les partenaires sociaux discutent énormément, mais on ne sait que peu de choses. La logique générale du système serait celle-ci : demain, la pension (son montant) correspondrait à un certain nombre de points. On accumule les points donc. Par exemple, une année de travail salarié rémunéré au niveau du salaire moyen, ça vaudrait 3 points. Au niveau minimum, ça serait 2 points. (Les modalités doivent encore être précisées.) Et puis au moment où on arrive à la pension, on multiplierait les points accumulés par un coefficient qui permettrait d’arriver au montant de la pension. Ce coefficient de conversion du point en euros (point déterminant !) serait fonction du niveau des salaires moyens quand on arrive à 67 ans. Un point pourrait valoir 2000 ou 1500 euros en fonction du niveau moyen des salaires par exemple… On détermine ce que la société peut offrir aux retraités. Il y a là un débat aussi. L’avantage, dit le gouvernement, est que ce système permet un pilotage budgétaire sans risque, automatique. Une fois à le retraite, on regarde ce qu’on peut vous donner… C’est confortable pour le budget ! Le grand inconvénient, disent les trois syndicats du pays, on change fort de logique. On sait aujourd’hui anticiper le montant. Demain, on n’aurait pas cette sécurité, vu que le coefficient de valorisation des points n’est pas connu. C’est la réforme sans doute la plus controversée de nos jours… Mais visiblement ça ne va pas aboutir sous cette législature, car le gouvernement a annoncé son intention de passer à ce système dès le début, mais au lieu de s’y adonner, le gouvernement a en parallèle multiplié les réformes à la marge du système actuel (condition de bonification, pension des fonctionnaires, etc.). Les soins de santé Dernière branche à voir ensemble. Ordre de grandeur un peu inférieur aux pensions. Ici on est 30 à 35 milliards. Environ 8/10e des dépenses de soins de santé sont prise en charges par l’assurance soins de santé. La couverture est universelle. Aux Etats-Unis, les soins de santé c’est 17% du PIB. Et il y a 50 millions d’Américains qui n’ont aucune couverture soins de santé ! Cette assurance soins de santé n’est qu’un des deux secteurs d’une branche plus générale : assurance soins de santé et indemnités. Il y a le secteur des indemnités, des incapacités de travail d’une part, et il y a le secteur maladie, soins de santé de l’autre. On a [email protected] 72 dans cette branche un revenu de remplacement (si on ne sait plus travailler) et un revenu de complément. Nous on va s’intéresser au volet santé de l’assurance soins de santé et indemnités, soit au remboursement des dépenses médicales. Ici on est du côté des revenus de complément ! Les allocations ici s’ajoutent aux revenus, car on est confronté à des nouvelles dépenses. (Qu’est-ce qu’on a d’autre comme revenu de complément ? Les allocations familiales.) Au niveau de l’architecture de la branche, c’est très important ! Dans les revenus de remplacement, on avait à chaque fois un champ d’application, un cercle de bénéficiaires, qui était très lié à l’assujettissement. Du côté des revenus de complément (c’est un peu pareil avec les allocations familiales), on a un système unique qui couvre l’ensemble de la population ! Pas que les salariés. La couverture couvre quasiment tout le monde. On dit en général que c’est beaucoup moins couteux que les systèmes où il y a des assurances privées, comme aux Etats-Unis. En Belgique, c’est 8% du PIB, aux Etats-Unis c’est 17% du PIB, en plus de laisser plein de personnes sans couverture… On fait donc de grosses économies. Pour rappel, les frais de fonctionnement de la sécurité sociale c’est 3% du budget, infiniment moins que du côté des assureurs privés. Système unique donc. On a un set d’institutions qui couvrent toute la population. Et pas de distinction entre salarié, indépendant, fonctionnaire, chômeurs, etc. Une IPSS au sommet : l’INAMI. Et en dessous de l’INAMI, on a des OA (organismes-assureurs) qui remboursement concrètement les dépenses médicales. C’est l’une des 5 grandes mutualités privées (mais non marchandes) en Belgique ou une caisse public résiduaire (CAAMI). Les comités de gestion de la sécurité sociale sont en générale paritaires. Du côté des soins de santé, c’est un peu différent. Les organes de gestion les plus importants des assurances soins de santé ne sont pas paritaires mais quadripartites. On a une délégation syndicale et une délégation patronale, mais on a aussi d’autres acteurs, les représentants des prestataires de soins et les représentants des patients (les mutualités). Un aspect capital à avoir en tête : on est dans un système libéral (selon une classification internationale). Pourquoi ? Il y a une double liberté en fait. D’abord, du côté du patient, il y a le libre choix du prestataire du soin. On va chez le médecin qu’on veut… Ce n’est pas le cas partout ! Parfois le choix est plus ou moins contraint sur base géographique. L’autre grande liberté c’est la liberté thérapeutique. C’est du côté du prestataire : il soigne comme il « veut. » Il y a une déontologie évidemment, mais ils ont une marge d’appréciation importante. Et ce caractère libéral de l’organisation des soins de santé est souvent pointé comme un élément qui rend difficile la maîtrise budgétaire du système. Dans d’autres pays, on ne va pas où on veut et la liberté thérapeutique est plus encadrée. Dans ces systèmes, les pouvoirs publics ont une plus grande maîtrise sur l’évolution de l’ensemble du système. Les dépenses augmentent de plus en plus (comme partout), mais c’est plus dur à gérer dans un système libéral. Et on verra plus tard des illustrations des difficultés qu’il y a à garder simultanément la maîtrise budgétaire et la liberté de choisir son prestataire et du prestataire. [email protected] 73 Champ d’application Qui est couvert contre le risque d’un pépin de santé ? Dans les autres branches, la sécurité sociale dit : personnes assujetties aux régime de sécurité sociale des travailleurs salariés. Ici la réponse est très différente, parce qu’on a une couverture quasiment universelle. C’est 99% de la population qui est couverte. Comment on atteint ce résultat ? Malheureusement pour nous, ça serait plus simple par une disposition qui dirait : est bénéficiaire tout qui réside en Belgique. En fait, la loi procède autrement. La loi, de 1994 relative à l’assurance obligatoire de soins de santé et d’indemnité, c’est une longue liste de catégories de bénéficiaires, qui a été étendue. Et quand on additionne tout, au total, 99% de la population est couverte. On a évidemment d’abord la catégorie historique : les travailleurs salariés. C’est eux qui bénéficiaient d’abord de cette assurance. Mais pas seulement ! On a les fonctionnaires statutaires, soit les agents des services publics. Ils sont dans le même système que les travailleurs salariés. Et les indépendants aussi. Jusqu’à il y a dix ans environ, les indépendants avaient une couverture obligatoire contre la maladie (depuis les années 60), mais cette couverture obligatoire ne couvrait que les gros risques. Les commerçant, artisans, administrateurs de société, etc., étaient protégés par la sécurité sociale que contre les gros risques. C’était quoi ? Peu de choses en fait : les accouchements, les hospitalisations et traitement de certaines maladies graves. Tout le reste c’était des petits risques… Pour les petits indépendants, c’était un grand facteur de précarité. Mais depuis 2008, tous les indépendants ont été versés dans l’assurance soins de santé. Il faut bien voir que cette liste est longue, et englobe par exemple tous les bénéficiaires d’un revenu de remplacement à charge de la sécurité sociale. Recevoir un revenu de remplacement nous ouvre des droits aussi dans l’assurance soins de santé ! Les personnes handicapées sont titulaires aussi. Et les étudiants de l’enseignement supérieur également, s’ils n’ont pas accès à l’assurance de soins de santé en tant qu’ils sont personnes à charge d’un titulaire. (La plupart des étudiants sont bénéficiaires en tant qu’ils sont à charge d’une personne qui ouvre des droits comme titulaires.) Cours dixième – 21 novembre 2018 On est dans les soins de santé. La branche est assez intéressante car elle a un côté un peu atypique : il n’y a pas la segmentation habituelle de la population en fonction des catégories socio-professionnelles. On a une assurance unique pour toute la population. On voyait les bénéficiaires au dernier cours. Le résultat final auquel on arrive est qu’il y a environ 99% de la population en Belgique qui est assuré ! Mais ce résultat-là on ne l’attend pas avec une seule disposition simple, mais bien de l’accumulation de beaucoup de catégories. Dans les catégories, il y a deux sous-ensembles : (1) les titulaires et (2) les personnes à charge des titulaires. Les titulaires ouvrent un droit pour eux, en leur nom propre, mais aussi pour les personnes qui dépendent d’eux. [email protected] 74 Les titulaires : travailleurs salariés, indépendants, chômeurs, etc. On a une petite catégorie depuis la fin des années 1990 : toutes les personnes inscrites au registre national des personnes physiques et qui ne sont pas titulaires en tant qu’ils sont travailleurs, etc. D’où sort cette catégorie ? L’idée est de boucler la boucle : catégorie de rattrapage pour toutes les personnes qui ne sont pas salariés, chômeurs, indépendants, prépensionnés, etc. On désigne qui ? Le registre national des personnes physiques c’est une plateforme virtuelle qui rassemble les données des registres de la population des communes belges. Toutes les personnes en séjour légal en Belgique, dont le séjour autorisé est égal ou supérieur à 3 mois, sont dans les registres de la population des communes ! Toutes ces personnes, si elles ne sont pas titulaires (travailleurs, etc.), elles sont quand même titulaires en tant qu’inscrites dans le registre national des personnes physiques. En même temps qu’on a fait ça à la fin des années 90, on a décidé de supprimer toute période de carences. Avant on avait un système de rattrapage pour les personnes non titulaires, mais elles devaient payer une cotisation sociale pendant un certain temps. Ce système n’était pas vraiment adapté vu que les personnes visées ne travaillaient pas, n’étaient même pas au chômage… On pourrait souhaiter de grandes simplifications au niveau législatif, mais on ne fonctionne pas comme ça en sécurité sociale. L’exigence de cotisation persiste néanmoins. Mais la cotisation pour les personnes qui sont titulaires en tant qu’elles sont inscrites au registre national des personnes physiques est dégressive en fonction du revenu : moins on gagne, plus la cotisation est faible. Et si on a un revenu égal ou inférieur au revenu d’intégration (aide sociale du CPAS donc), la cotisation est de 0 euro. En pratique, la majeure partie des personnes couvertes comme ça ne doivent donc pas payer de cotisations. On a les titulaires donc, et puis on a les personnes à charge d’un titulaire : ces dernières ont accès à l’assurance soin de santé sur une base dérivée. C’est qui une personne à charge ? Ce sont les conjoints ou partenaires de vie (concubins, compagnons, etc.), descendants de moins de 25 ans et ascendants. Mais ces personnes doivent être à charge d’un titulaire, et il y a deux conditions à satisfaire pour cela : (1) ne dispose pas elle-même de revenus ; (2) partage la même résidence que le titulaire. Sauf pour les descendants ! Même si l’étudiant ne vit plus chez ses parents, jusqu’à 25 ans, il est à charge de ses parents quand même ! Voilà comment on a universalisé l’assurance soin de santé… Qui n’est pas repris dans ces 99% ? Tous les étrangers en séjour irrégulier, ou en séjour illégal comme le dit la législation. Ces personnes n’ont droit à rien sur le plan de la sécurité sociale, sauf une chose : l’aide médicale urgente (AMU) ! C’est une forme de couverture de santé minimale donnée par le CPAS. Mais c’est tout, rien d’autre ! Et l’autre catégorie : ce sont les personnes étrangères en séjour légal en Belgique mais dont le titre de séjour est inférieur à 3 mois. Elles ne sont pas inscrites dans le registre de la population d’une commune belge, et donc pas inscrite dans le registre national des personnes physiques. Conditions d’octroi En tant que titulaire ou personne à charge, qu’est-ce qu’il faut faire ? Quelle situation est remboursée ? Dans la branche santé, il y a très peu de conditions d’octroi ! Et c’est délibéré bien évidemment : le but ici, contrairement à d’autres branches, ce n’est pas de [email protected] 75 faire la distinction entre ceux qui méritent et ceux qui ne méritent pas, entre les responsables et ceux qui ne le sont pas, etc. Ici le but c’est de toucher le plus de monde possible. Il n’y a que deux conditions d’octroi qui ne pèsent que sur les titulaires. Le sort des personnes à charge dépend donc du sort de la personne titulaire. Une condition a été supprimé à la fin des années 90 : c’était le temps d’attente avant de pouvoir bénéficier d’une première intervention. Contraste avec le chômage donc… Deux conditions : (1) être affiliée à un organisme assureur. Celui de votre choix. C’est qui ? Les mutuelles et la CAAMI. Point important : il n’est pas prévu dans la législation que toutes les personnes qui ne sont pas affiliées à l’une des mutuelles soient affiliées à la CAAMI ! C’est le cas pour le chômage. Ces personnes ne bénéficient donc pas d’une intervention de l’assurance soins de santé. Et puis (2) il faut disposer d’un document de cotisations (ou un bon de cotisations). Pratiquement ça ne signifie plus rien cependant pour les titulaires. L’idée c’est de vérifier que les personnes sont bien en ordre de cotisations. Par le biais de l’informatisation, il n’y a plus aucune démarche à faire par les titulaires, car si, par exemple, un employeur est en ordre de cotisations, l’ONSS le communique directement à l’organisme assureur. Si on a un revenu de remplacement, l’ONEM (et les institutions qui en dépendent) envoie cette information. Par contre, il y a une démarche à effectuer ( ?) pour les personnes qui sont titulaires en tant qu’elles sont sur le registre national des personnes physiques. Intervention de l’assurance maladie dans les dépenses médicales C’est quoi l’étendue des interventions auquel on a droit en tant que bénéficiaire ? Il faut voir ce qu’est l’objet de l’intervention (sur quoi ça porte ?), il faut voir l’hauteur de l’intervention (proportion du remboursement ?) et il faut voir les modalités de l’intervention (comment ça se passe ?). D’abord l’objet de l’intervention : qu’est-ce qui est pris en charge ? On a d’abord dans la loi une énumération des différents ensembles de prestations qui peuvent faire l’objet d’un remboursement de l’assurance de soins de santé. Les soins courants sont un ensemble par exemple : c’est la visite chez le médecin, le dentiste, le kiné, l’infirmier, etc. Mais aussi les hospitalisations, les accouchements, les appareils auditifs, les prothèses, etc. Et c’est le Roi, le gouvernement donc, qui doit préciser ce que contient chacun de ces sous-ensembles ! En toute hypothèse, l’assurance soins de santé n’intervient pas pour les interventions médicales accomplies dans un but esthétique. Mais autre chose est une intervention à caractère esthétique qui doit intervenir après un traitement par exemple. On a dans la loi une liste des ensembles de prestations prises en charge. Le Roi fait exécuter cela : il dit, pour chaque catégories, tous les actes médicaux et paramédicaux qui font l’objet d’une intervention. Dans chaque catégorie donc ! C’est dans la nomenclature qu’on trouve la liste exhaustive de tous les actes médicaux qui font l’objet d’une intervention. Cette nomenclature est très importante. Elle trouve son siège dans un arrêté royal de 1984. Et ça change tout le temps évidemment. La nomenclature va aussi déterminer la valeur relative de chaque acte médical. Chaque acte médical est associé à un numéro à six chiffres et à un code. Si on va chez le médecin, sur l’attestation il y a un numéro à six chiffres : c’est la prestation médicale (ex : 101032, c’est la visite chez le médecin généraliste). Et il y a aussi un code composée d’une lettre et un [email protected] 76 chiffre (ex : N8, « N » pour les médecins généralistes, et « 8 » c’est la valeur relative de la visite, convertie en euros au moyen d’un coefficient). Voilà pour l’objet : il y a quelque chose pour tous les actes énumérés dans la nomenclature. C’est quoi la hauteur de l’intervention ? Qu’est-ce qui est remboursé ? Il faut d’abord déterminer le tarif officiel des soins de santé. On a souvent droit à X% de tel ou tel acte médical. Mais quelle est la base ? 75% de la visite chez le médecin, mais combien coûte la visite ? Le système cherche à combiner deux préoccupations assez contradictoires. La préoccupation première c’est assurer l’accessibilité des soins. Il faut des tarifs plus ou moins uniformes et stables dans le pays. L’autre grande préoccupation c’est qu’on n’est pas dans un système de médecin d’état, mais de système de médecine libérale. Les prestataires de soins sont attachés à leur autonomie et certains souhaitent facturer ce qu’ils veulent. Comment concilier ces deux préoccupations en sens contraire ? On a fait un compromis en 1963 : on a mis en place, dans chaque profession médicale et paramédicale, un système de concertations sociales propre au monde médicale. Il y a une codétermination des tarifs ! (Comme dans le monde du travail avec les partenaires sociaux.) Chez les médecins par exemple, on a tous les deux ans une grande palabre, une grande négociation : l’accord médico-mutualiste. C’est conclu tous les deux ans (comme dans le monde du travail avec les salaires). On fixe alors les tarifs de soins de santé. En vertu de la nomenclature, la consultation chez le médecin généraliste est associée au code « N8 », dans l’accord médico-mutualiste on va déterminer le coefficient qui va convertir ce « 8 » en euros (on est à environ 3 quelque chose). Cet accord est établi au sein d’une commission paritaire qui se retrouve à l’INAMI, où siège les syndicats de médecins et les mutuelles, qui représentent les patients. Le tarif déterminé de la sorte ne s’impose pas à tous les médecins ! (Pareil pour les dentistes, les kinés, etc.) Pourquoi ? Parce qu’il y a l’attachement à la médecine libérale ! Le système est le suivant : l’accord médico-mut conclu, tous les médecins qui ne réagissent pas sont présumées adhérer à l’accord et donc s’engagent à appliquer les tarifs de l’accord. Si le médecin ne veut pas être tenu, il peut par le biais d’une démarche faire part de sa volonté. Le médecin non conventionné a fait une démarche pour ne pas être lié par les tarifs de l’accord. Ce médecin peut facturer ce qu’il veut. Il peut demander 50 euros pour la visite s’il veut. On a une proportion en Belgique de médecins conventionnés relativement haute et constante. C’est environ 90% des médecins généralistes. En revanche, on a un événement de déconventionnement assez marquée chez certains spécialistes ! En chirurgie esthétique c’est déjà le cas. Mais aussi : les dermatologues. Les pédiatres aussi… Et le plus choquant peut-être pour le prof : les gynécologues. Trouver un gynécologue conventionné à Bruxelles c’est très compliqué ! Et ça inquiète les mutuelles. Normalement, on doit avoir une certaine prise sur ceci en tant que patient. On avait prévu dans le texte fondateur que les prestataires de soins choisissent d’être conventionnés ou pas (mais il y a une présomption d’adhésion). (Aussi, les prestataires de soins conventionnés bénéficient de certains avantages sociaux, comme une pension complémentaire par l’INAMI.) A tout le moins, le patient doit savoir si le prestataire est conventionné ou pas. Ce qui est prévu dans la loi est fort peu respecté et ça fait peu de débats. Normalement, dans un cabinet privé, le médecin doit clairement indiquer quelque part s’il est conventionné ou pas. En milieu hospitalier aussi… On a souvent une feuille A4 au mur avec une police 10 la liste des médecins non conventionnés ! Et on a des patients surpris bien souvent ! [email protected] 77 L’INAMI a d’ailleurs une base de données qui permet de consulter tous les prestataires de soins conventionnés ou pas de tout le pays. Quelle est la hauteur de l’intervention de la sécurité sociale donc ? Ce qu’on vient de dire ça permet de déterminer le tarif officiel. La règle générale c’est que les soins de santé ne sont, en Belgique, pas gratuits. C’est la règle. C’est le ticket modérateur : une part est remboursé par la sécurité sociale, une part est payé par le patient. La visite chez le médecin généraliste est remboursée à 75%, et 25% étant la quote-part personnel, le ticket modérateur. Et ce 75% est toujours appliqué au tarif officiel ! Le remboursement de la mutuelle est toujours calculé sur le tarif conventionnel. Imaginons qu’on aille chez un gynécologue et que c’est remboursé à X%. Le tarif est de 35 euros. On est remboursé de X% de ces 35 euros. Si un autre demande 100 euros ? On aura quand même 75% de 35 euros. Il y a toujours une intervention de la sécurité sociale, mais la base de calcul c’est le tarif officiel. On a deux correctifs dans le système. La sécurité sociale est complexe. Pour la limitation des dépenses, depuis les années 90, on a régulièrement relevé les tickets modérateurs. Le but : faire des économies. Mais si on est en mauvaise santé avec des revenus faibles, c’est problématique. On a deux correctifs. L’un joue sur le pourcentage du remboursement : c’est l’intervention majorée. Pour certaines catégories sociales, jugées vulnérables, le taux de remboursement est plus important que le taux normal. Ainsi, visite chez le médecin généraliste, pour les bénéficiaires de l’intervention majorée (BIM) le taux est de 90%. C’est qui ces BIM ? On a une longue énumération. Avant on parlait de VIPO (veufs, invalides, pensionnés, orphelins). Ces catégories ont été étendues. Aujourd’hui il y a deux types de BIM : (1) BIM avantage et (2) BIM revenu. Le BIM avantage reprend toutes les personnes qui perçoivent une allocation d’aide sociale. Si on a un revenu d’intégration du CPAS, une allocation pour personne handicapée, etc., on a le statut BIM avantage. Ce statut BIM avantage est octroyé automatiquement ! Sans rien faire, la visite chez le médecin généraliste est remboursée à 90%. L’autre ensemble c’est tous les ménages dont les revenus sont inférieurs à un certain seuil. Mais pour avoir le statut BIM revenu il faut faire la demande ! Et c’est un sujet de débat dans le milieu médical, entre syndicats de médecins et mutuelles. Les mutuelles demandent régulièrement que le statut BIM revenu soit octroyé automatiquement, c’est faisable en croisant les données entre le fisc et la sécurité sociale. Et on sait bien que beaucoup de personnes qui auraient droit à ce statut n’en bénéficient pas ! Parce qu’ils ne font pas la démarche, parce qu’ils l’ignorent… C’est une situation de « non-recours » (non take-up des droits). Deuxième correctif. L’intervention majorée joue sur le pourcentage. Le deuxième correctif c’est le maximum à facture, le MAF : il procède en euros. En l’espace d’une année civile, on ne peut pas payer plus de X euros de tickets modérateurs ! Les plafonds à ne pas dépasser varient en fonction de votre niveau de revenus. Au-delà, automatiquement, la mutuelle prend tout en charge, plus aucun ticket modérateur pour le patient. Modalités de l’intervention En règle générale, le remboursement se fait a posteriori et à l’acte. On va d’abord chez le médecin, on paye tout, le médecin donne une attestation de soins (papier vert) puis on envoie ça à la mutuelle. Et la mutuelle paie sur votre compte le 75% du tarif officiel. Ce [email protected] 78 système fonctionne à l’acte : chaque acte médical prévu dans la nomenclature est comptabilisé. Chaque acte donne lieu à une facturation. (Il existe des maisons médicales, qui dérogent à la règle. Mais on met ça de côté.) Il y a des exceptions quand même. On a le tiers payant. C’est la situation dans laquelle le prestataire de soins ne vous demandent pas l’argent, mais il envoie la facture directement à votre organisme assureur (mutuelle). Cet organisme assureur va payer la somme. Ceci pour éviter que des patients qui ont des ressources limités n’aillent pas chez les médecins car c’est compliqué pour eux d’avancer la somme ! Les mutuelles et les syndicats se battent là-dessus. Les mutuelles pensent que le tiers payant devrait être généralisé. On fait des compromis… Le tiers payant n’est pas généralisé, mais c’est prévu pour certains cas, notamment pour l’hospitalisation. On paye alors que le ticket modérateur. On l’a aussi fait, depuis 2015, pour les BIM ! On compte alors que le ticket modérateur. L’aide sociale L’aide sociale, c’est quoi ? C’est à opposer aux assurances sociales. Les assurances sociales sont en règles générales contributives. L’aide sociale est non contributive ! Mais la contrepartie c’est que ce sont des prestations résiduaires, conditionnées par un état de besoin. Dans l’assurance sociale, on ne fait jamais référence à l’état de besoin… Ici oui ! On fait une enquête sur vos ressources, etc. On va voir l’aide sociale en deux temps. D’abord on va survoler chacun des prestations constitutives du régime de l’aide sociale. Le système de sécurité sociale a plusieurs régimes. On a des secteurs et branches au sein de chaque régime. On verra ici les différentes branches du régime de l’aide sociale. Ensuite on verra la prestation la plus importante : le droit à l’intégration sociale (ancien minimex). De quoi il s’agit ? La première prestation d’assistance c’est la garantie de revenus aux personnes âgées, la GRAPA. De quoi il s’agit ? Forme de minimex, de revenu minimum, pour les seniors de notre société (65 ans pour l’instant). Si vous avez 65 ans et que, pour quelques raisons qui soient, vous êtes sans revenus, sans ressources, vous aurez accès à la GRAPA. Il y a une loi de 2001 qui règle la matière. Le guichet compétent c’est la Tour des pensions à la Gare du Midi. Deuxième prestation assistancielle sous conditions de ressources : les allocations aux personnes handicapées. Mis en place en 1969 également. Là aussi, à la fin de cette période d’expansion de la sécurité sociale, on a voulu garantir un plancher minimum, un socle de base, aux personnes sans revenus, sans ressources, qui sont handicapées. Important d’avoir en tête : il faut être sans ressources ! Il y a deux prestations qui se complètent en fait : il y a l’allocation de remplacement de revenus (ARR dans le jargon), là on est dans l’idée similaire à la GRAPA : fournir un revenu minimum à ces personnes pas en mesure de gagner leur vie par leur travail. L’autre allocation c’est l’allocation d’intégration (AI) dont l’objet n’est pas fournir un minimum vital mais un revenu complémentaire pour vous permettre de faire face aux dépenses additionnelles qui découlent du fait que vous avez votre vie limitée. Il y a un système de points qui calcule l’autonomie perdue : plus on perd de l’autonomie, plus on a droit au revenu complémentaire. (Le montant de l’ARR dépend d’une catégorie (A, B ou C) selon la situation du ménage.) [email protected] 79 NOT : le seuil de pauvreté c’est 1100 euros net. Les allocations aux personnes handicapées sont la seule branche de la sécurité sociale qui est alloué par le ministère lui-même ! C’est le seul dans la sécurité sociale. Troisième ensemble : les prestations familiales garanties. Date de 1971. C’est une allocation familiale en faveur des enfants de personnes qui n’ont pas droit (en tant que salariés, indépendants ou fonctionnaires) aux allocations familiales. Et ça a été communautarisé. Quatrième prestation : le droit à l’intégration sociale (ancien minimex). C’est le plus important ! C’est de 1974 : moment clé, l’apogée de la sécurité sociale, et en même temps le début de la grande crise de la désindustrialisation. On y reviendra. Cinquième prestation : l’aide sociale au sens strict. C’est alloué par le CPAS. C’est la prestation la plus indéterminée. Quand on n’a vraiment plus rien, l’article 1 de la loi organique du CPAS (1976) : toute personne a droit a la dignité humaine et la mission des CPAS est de fournir des aides pour permettre à chacun de mener une vie conforme à la dignité humaine. D’où certaines interventions du CPAS aux plus démunis. Droit à l’intégration sociale Successeur du minimex. (Pour le reste, voir cours approfondi.) On avait d’abord un revenu minimum catégoriel pour les personnes âgées. Puis pour les personnes handicapées, pour les personnes qui ont des enfants à charge et, en 1974, on consacre le minimex. C’est plus généraliste : revenu minimum pour personnes qui ne sont pas âgées, handicapées ou avec enfants à charge. Pourquoi le changement de nom ? C’est en 2002 que ça a eu lieu, car l’idée que l’aide sociale a une connotation trop « passive ». Il faut un autre modèle : le droit à l’intégration sociale mettrait en avant l’idée que le but n’est pas juste de donner de l’argent aux plus pauvres, mais de les réinsérer dans la vie sociale. C’est l’objectif du législateur du moins, c’est ce qu’il a dit. Mais en pratique ça n’a pas changé énormément, à quelques nuances près. Toujours au niveau symbolique, c’est à ce moment que les CPAS ont été rebaptisés : c’était centre public d’aide sociale, c’est devenu centre public d’action sociale. Pour la même idée encore, car les bénéficiaires ne doivent plus êtres seulement passifs. Cette loi de 2002, il faut voir ce qui est fondamental avant d’aller plus loin : on a affaire à une prestation dont la mise en œuvre est très fortement décentralisée que dans les autres branches. On a bien une loi fédérale unique, mais la mise en œuvre concrète de cette loi n’est pas confiée à une IPSS ou à plusieurs, mais bien aux CPAS. Et il y en a un par commune, donc 589 au total. Chaque CPAS a une personnalité juridique distincte de la commune. On a donc 589 politiques d’aide sociale. Même si chaque CPAS doit respecter la loi, il y a quand même une marge de manœuvre laissée ! Les 589 CPAS ne mettent pas en œuvre cette marge de la même manière (on le voit avec la jurisprudence). Pourquoi ? Au sein de chaque centre, l’instance décisionnelle, c’est très singulier, c’est un organe qui est constitué de mandataires politiques ! Ceux qui décident en dernier ressort ce sont des mandataires politiques qui constituent le conseil. Dans les autres branches, les décisions sont prises sur base de règles très précises. Le conseil est un organe élu au second degré. Quand on vote aux communales, on vote aussi pour la [email protected] 80 composition du conseil de l’action sociale de la commune. C’est le conseil communal qui désigne le conseil de l’action sociale ! Selon la commune, sa richesse, la couleur politique, etc., on a des politiques de l’aide sociale qui n’ont pas les mêmes accents… Ainsi, on peut poursuivre des études en bénéficiant un revenu d’intégration, mais la proportion varie énormément de commune à commune ! Parfois il n’y en a aucun ! Champ d’application Loi de 2002 donc. Qui est susceptible de frapper à la porte du CPAS et de toucher peutêtre un revenu d’intégration ? On n’est plus dans la sécurité sociale au sens strict. La logique est très différente dans l’aide sociale. Le point de départ des assurances sociales c’est l’assujettissement. Rien de tout ça ici : l’aide sociale concerne ceux qui n’ont pas accès aux assurances. Comment on délimite les personnes susceptibles d’en bénéficier ? On a, pour chaque prestation, un trio de conditions qui s’applique : (1) l’âge ; (2) localisation et résidence et (3) nationalité. Résidence d’abord. C’est par l’impôt que ces aides sont financées. Il faut un certain lien de rattachement avec la communauté du coup. Il faut résider effectivement en Belgique. Précision : c’est une notion purement factuelle. Cela veut dire séjourner habituellement en Belgique, se trouver dans le pays, peu importe l’inscription ou non dans le registre de la population. La résidence est définie très largement et cela délibérément. Toutes les personnes qui sont sur le territoire d’une commune doivent pouvoir frapper à la porte du CPAS (si les deux autres conditions sont remplies). Une personne sans-abri sous le pont d’une commune est bien dans résident de la commune. Et pourtant, dans la jurisprudence, il y a des CPAS qui se font condamner car X ou Y n’a pas de logements ou ne sont pas inscrits dans le registre de la population et donc ils lui refusent l’aide sociale, etc. L’âge ensuite. Il faut avoir atteint la majorité civile, soit 18 ans (depuis le début des années 90). Quelques correctifs existent : par exception, peuvent bénéficier de l’intégration sociale, des personnes mineurs qu’on va assimiler à des majeurs pour le besoin du droit à l’intégration sociale. Et ça vise trois situations : les personnes mineurs émancipées par mariage ; les mineurs qui ont un ou plusieurs enfants à charge ; les mineurs qui sont enceintes. La loi du 26 mai 2002 va considérer ces jeunes comme des majeurs. Et enfin la nationalité. Le droit a l’intégration sociale n’est pas accessible à tous majeurs qui vient en Belgique, même en séjour légal. En 1974 il fallait être belge. Mais cette catégorie a été élargie grâce à un certain nombre d’instruments internationaux. Ainsi, on y a ajouté la nationalité d’un Etat membre de l’Union européenne ! De la personne, mais aussi des membres de sa famille. Mais à condition, pour les citoyens de l’Union européenne, qu’ils disposent d’un titre de séjour régulier d’au moins 3 mois ! Aussi, l’étranger qui a été autorisé à demeurer en Belgique de manière indéterminée est inscrite dans le registre de la population (et non le registre des étrangers) et peut bénéficier du droit à l’intégration sociale. Et enfin les réfugiés ou bénéficiaires de la protection subsidiaire : ceux qui ont fuit leur pays en raison de certaines circonstances, qui ont demandé l’asile et se sont vu reconnaître le statut des réfugiés ou ceux qui ne remplissent pas ces conditions strictes pour être reconnus comme réfugiés, mais dont on reconnaît que, s’ils étaient renvoyés dans leur pays, ils subiraient des atteintes graves à leur intégrité [email protected] 81 physique, qui ont droit à la protection subsidiaire (c’est comme ça qu’on appelle en droit des étrangers). Ces personnes-là peuvent aussi bénéficier de l’intégration sociale. Cours onzième – 5 décembre 2018 Dernier cours. L’aide sociale est le 4e régime de notre système de sécurité sociale, qui englobe toutes les prestations résiduaires. On peut y accéder même si on n’a jamais travaillé et cotisé. Mais en contrepartie on évalue vos revenus. Le droit à l’intégration sociale est la branche la plus importante sans doute. Par rapport aux autres branches de la sécurité sociale, il y a une différence : la mise en œuvre est décentralisée, ce sont les CPAS qui s’en occupent. On avait également vu le champ d’application : triades de condition : âge, résidence et nationalité – cette dernière condition a été élargie. Conditions d’octroi Lorsqu’on rentre dans le champ d’application, quelles sont les conditions d’octroi ? Le droit à l’intégration sociale est strictement résiduaire : ça explique les différentes exigences imposées par la réglementation. Cela veut dire qu’on n’a pas accès au CPAS parce qu’on est belge seulement… En fait, on doit d’abord solliciter tous les autres moyens pour avoir un revenu minimum. D’abord son propre portefeuille. Mais aussi vers le marché de l’emploi, les autres branches de la sécurité sociale et la solidarité familiale. Quand on épuise tout ça, le CPAS peut entrer alors seulement en jeu. Si on ne respecte pas les conditions, la sanction est un refus d’octroi ou suppression de la prestation. Ce n’est pas anodin par rapport au chômage. En chômage, la sanction prononcée lorsqu’on se rend responsable de chômage par suite de circonstances dépendantes de votre volonté propre, c’est la suspension des allocations de chômages pendant un certain temps. La première condition, la plus évidente, c’est qu’il faut ne pas disposer de ressources suffisantes, donc être dans un état de besoin. Donc des revenus inférieurs au revenu d’intégration ! C’est le prix de la dignité humaine en Belgique disons… Le principe est très extensif : on tient compte de toutes les ressources à disposition de la personne. On regarde vos capitaux personnels, vos revenus locatifs, etc. Comment fait-on ça ? Lors de l’enquête sociale ! C’est le CPAS qui fait l’enquête, chez vous. L’assistant va analyser votre situation juridique mais aussi pécuniaire. C’est le prix à payer disons, car c’est non contributif ici. Dans le cadre de cette enquête, on calcule vos ressources. L’arrêté d’exécution de la loi du 26 mai 2002 contient des dispositions très détaillées pour le calcul des ressources. Il y a des dispositions très techniques… Par exception au principe, certaines ressources, importantes dans la vie quotidienne, ne sont pas comptabilisées. En clair, on peut cumuler ces ressources avec le revenu d’intégration au CPAS. En particulier, (1) les allocations familiales ! Mais aussi, [email protected] 82 deuxièmement, (2) les pensions alimentaires. Mais aussi (3) les bourses d’étude. On peut toucher le CPAS et une bourse d’étude, mais on ne déduire pas la bourse du revenu d’intégration donc. C’est la première condition donc, tout le monde le sait. Mais la réglementation va plus loin, comme au chômage ! En chômage, il ne faut pas être sans activité pour toucher les allocations, il faut être chômeur involontaire. Ici aussi, il y a des exigences similaires. Ainsi, il faut être disposer à travailler pour obtenir l’aide du CPAS ! Sauf si des raisons de santé ou d’équité empêche la chose… C’est important, car les personnes visées sont souvent en difficulté. Être disposé à travailler ça veut dire quoi ? C’est une notion casuistique, il y a une grande marge d’appréciation laissée au CPAS. La jurisprudence, de longue date, a posé deux grandes balises. D’abord, la disposition au travail (1) n’est pas la disponibilité pour le marché de l’emploi au sens de l’assurance chômage. Ce n’est pas la même chose ! Il y a deux logiques différentes. L’assurance chômage est très liée avec le marché de l’emploi : les chômeurs sont involontairement privés de travail et veulent travailler. Mais ici ce n’est pas pareil ! On ne peut pas dire : si l’ONEM sanctionne, alors le CPAS sanctionne aussi. On trouve des pratiques interpellantes par les CPAS malgré tout… Mais aussi, positivement, la notion est compris de manière assez large : il faut (2) être près à entrer dans un processus de réinsertion socio-professionnelle. La jurisprudence (juridiction du travail) souligne beaucoup que cette disposition doit s’apprécier de manière raisonnable, c’est-à-dire contextualisée. Chaque absence de réaction à une convocation du CPAS ne signifie pas que la personne ne veut pas travailler, ça dépend de la situation de la personne ! De son âge, de sa formation, ses difficultés, sa situation familiale, etc. Il faut tenir compte de tout. On ne va pas demander à un SDF qui arrive au CPAS : demain, recherche d’emploi. Il y a des motifs exonératoires, car une part du public du CPAS n’est pas disposée à travailler. Depuis 1974, la loi prévoit des exceptions : raisons de santé ou d’équité peuvent empêcher la personne de travailler. Les raisons de santé ça peut être plein de choses : on vise les pépins de santé physique mais aussi psychique. C’est important dans la pratique ! Tous les troubles plus ou moins marqués de la santé mentale peuvent justifier qu’une personne ne soit pas disposée à travailler comme une autre. Mais aussi : raisons d’équité. La législation ne les définit pas. C’est à double tranchant du coup… On a moins de sécurité juridique que dans d’autres matières comme la pension ou le chômage. Mais en contrepartie, il y a une certaine souplesse, des appréciations au cas par cas. Raisons d’équité, c’est beaucoup de choses : le CPAS doit modaliser l’exigence de la disposition à travailler pour ces raisons. Parfois on va enlever complètement cette exigence, parfois on va la modifier. Exemple : la garde d’enfants. La situation revient souvent pour l’adulte seul avec enfants. On ne peut pas attendre la même disposition à travailler de cette personne qu’une personne sans travail. Mais dans l’assurance chômage, la charge d’enfant, c’est traité comment ? En règle général, on ne tient pas compte des considérations d’ordre familial ! Sauf si ça représente un empêchement temporaire et exceptionnel (comme un enfant qui tombe soudainement et gravement malade). En aide sociale, c’est plus simple. Mais aussi : la poursuite ou la reprise d’étude ! C’était établi depuis longtemps par la jurisprudence, aujourd’hui c’est dans la loi. On peut bénéficier du CPAS et poursuivre des études. (Au chômage, c’est possible, mais il faut obtenir une dispense : en règle, c’est non.) On peut donc en tout ou en partie être empêché de travailler pour des études et bénéficier de l’aide du CPAS. [email protected] 83 Cette attitude attendue par le CPAS peut être concrétisé dans un contrat. C’est typique de l’Etat social actif. Un contrat avec un projet individualisé d’intégration sociale. C’est un document qui contient des engagements réciproques à charge du CPAS et du demandeur. Au lieu de dire « vous devez être disposé à travailler… », on dit, pour vous, concrètement, être disposé à travailler va signifier concrètement ceci ou cela. Parfois c’est de la recherche d’emploi, mais parfois c’est l’intégration sociale. Si on est dans une situation administrative compliquée, sur le point d’être expulsé de chez soi, si on a des problèmes d’alcool ou de drogue, un conjoint violent, etc., on va d’abord régler ça. En assurance chômage, on n’en tient pas compte, au CPAS, oui. Et pour sa part le CPAS va dire ce qu’il va faire aussi pour aider la personne à atteindre les objectifs du contrat. Un changement important a eu lieu en 2016. Avant, le projet individualisé portait soit sur l’insertion professionnelle, soit sur l’insertion sociale. C’était l’un ou l’autre. Légère réécriture en 2016 de la loi, quelques mots qui changent : il est prévu que désormais le projet individualisé porte de préférence sur l’insertion professionnelle. Ce n’est seulement si c’est impossible que l’insertion doit être sociale. Le gouvernement actuel veut ramener les personnes ver le travail, on le sait bien. Du côté du CPAS, on dit : attention, ça peut paraître bien sur papier, mais beaucoup de bénéficiaires ne sont pas en mesure de rentrer dans cette trajectoire là. Il y a une sanction particulière. En général, il y a un non octroi ou retrait de l’aide. Mais il y a aussi, si on ne respecte pas le contrat, une sanction dérogatoire : le revenu d’intégration va être suspendu pendant un mois. C’est plus souple que le retrait pur et simple du revenu d’intégration… C’est parce que le contrat individualisé était très controversé quand on l’a mis en place. Mais bon, dans le contrat, les deux parties ne sont pas sur un pied d’égalité évidemment. Le demandeur est souvent vulnérable. Pour les juristes, dans la loi du 26 mai 2002, on avait un article 3/1, qui disait que la disposition à travailler peut être rencontré par l’acceptation d’un service communautaire. Réforme de 2016. C’était controversé… Il ne s’agissait pas pour la personne qui recevait le revenu d’intégration de faire des démarches pour retrouver un emploi seulement, mais rendre un service à la communauté, sans rémunération, de manière bénévole. La Cour constitutionnelle a été saisi par la Ligue des droits de l’Homme. La Cour a annulé la disposition ! La Cour s’est prononcé sous l’angle de la répartition des compétences : c’est une attribution des Régions depuis la sixième réforme de l’Etat. C’était le choix le plus prudent évidemment, la Cour n’a rien dit sur l’aspect social. L’article 3/1 n’existe plus donc, même s’il est dans le Code. Donc : pas avoir de ressources, être disposé à travailler (marché de l’emploi et/ou insertion sociale). Et puis, troisième condition obligatoire : il faut faire valoir ses droits aux autres prestations sociales. On doit d’abord solliciter les autres prestations de la sécurité sociale avant d’aller au CPAS ! Et lors de l’enquête sociale, l’assistant se rend chez vous, regarde votre situation, mais fait aussi le point sur le parcours. On peut alors s’apercevoir que vous avez peut-être droit au chômage ou toucher des indemnités d’incapacité. Le CPAS doit faire le point là-dessus et si on peut faire appel à une autre branche de la sécurité sociale, il faut le faire, car l’aide sociale est strictement résiduaire. Et le CPAS ne vous renvoie pas simplement en fait, il doit vous accompagner dans les démarches ! En fonction des personnes, parfois il faut indiquer le lieu où se rendre, parfois le CPAS peut agir en votre nom et en votre faveur. Le CPAS peut introduire un recours à votre place ! C’est dans la loi. [email protected] 84 Ce sont les trois conditions qu’il faut respecter donc : sans ressource, disposé à travailler et avoir fait valoir ses droits dans les autres branches de la sécurité sociale. Mais il y a une condition supplémentaire facultative. C’est 3 + 1 donc. C’est laissé à l’appréciation du CPAS. Le CPAS peut vous demander de faire valoir vos droits à l’égard des personnes qui doivent venir à votre secours. C’est dans le Code civil. Mais la loi de 2002 dit : ce sont uniquement les conjoints, ex-conjoints, parents et enfants. Personne d’autre ! En pratique, cette condition est souvent activée lorsqu’on a affaire à des jeunes (18 à 20 ans) qui quittent le domicile familial… S’il y a des problèmes dans la famille et qu’on quitte à cause de ça, le CPAS ne va pas vous renvoyer vers la famille. Mais s’il n’y a pas de conflit particulier, le CPAS peut considérer qu’il n’y a pas de raisons, qu’on quitte la maison parce qu’on en a marre seulement, etc. En règle générale, l’aide sociale passe après la solidarité familiale. Mais c’est une question d’appréciation, on tient compte de la situation. Droit à l’intégration sociale On a droit à quoi ? Ce qu’on a observé avec le passage de l’Etat providence à l’Etat social actif c’est une diversification des modes d’intervention du CPAS. Dans l’ancien régime du minimex, c’était une somme d’argent, X euros par mois. En pratique, le droit à l’intégration sociale c’est aussi cela, mais pas seulement. Depuis la loi de 2002, ce droit peut prendre la forme d’un emploi ou d’un revenu d’intégration assorti ou non d’un contrat contenant un projet individualisé d’intégration sociale. Donc : emploi ou revenu d’intégration (minimex), avec ou pas un projet. Le projet a un statut un peu hybride : c’est une condition d’octroi (il faut la respecter, sinon on peut être sanctionné), mais aussi une partie de la prestation… Dans le contrat, le CPAS dit ce qu’il va faire pour vous aider à atteindre tel ou tel objectif. Et d’un CPAS à l’autre, on a des choses très différentes. Parfois le contrat est très coercitif ! Parfois c’est un outil d’accompagnement… Particularité en 2002 qui a presque disparu : dans le système initial, ces trois modalités n’étaient pas du tout articulé de la même façon selon qu’on avait moins ou plus que 25 ans. Pour les moins de 25 ans, on insistait beaucoup sur l’emploi ; pour les plus de 25 ans, c’était l’emploi ou le revenu d’intégration. En 2016, le gouvernement a dit : le retour à l’emploi c’est une priorité, pour les 25 ans et plus aussi donc. Dans le texte, c’est toujours là, vous le verrez dans le Code. Mais depuis 2016, en pratique, il n’y a presque plus de différences. Pour les moins de 25 ans, le grand changement de 2002 (en apparence), c’est la priorité très nette donnée à l’emploi sur le revenu d’intégration. Discours typique de l’Etat social actif : il ne faut pas d’assistanat pour les jeunes, ça ne doit pas être une habitude. Le droit à l’intégration sociale doit être un emploi. La loi dit : toute personne de moins de 25 ans a droit à l’intégration sociale par un emploi adapté dans les 3 mois qui suivent l’introduction de la demande. Mais ce droit à l’emploi n’a pas la nature d’un droit subjectif. On ne peut pas exiger un emploi du CPAS. Ce droit à l’emploi fait peser une obligation de moyen sur le CPAS. C’est ce que dit la jurisprudence. Le CPAS doit faire son possible, déployer tous les moyens, etc. Le CPAS peut par exemple prendre en charge une partie du salaire. Ou bien peut aussi engager lui-même le bénéficiaire. Ce sont les contrats article 60. Pourquoi ? C’est article 60 de la loi organique du CPAS. Le CPAS vous engage et vous recevez un salaire. Et on se reconstitue des droits à la sécurité sociale. [email protected] 85 En pratique, pour les 150000 bénéficiaires du droit à l’intégration sociale, pour la plupart c’est un revenu d’intégration. C’est l’ancien minimex donc. La loi dit : dans l’attente d’un emploi (environ 90% des bénéficiaires), on a droit à un revenu d’intégration. Revenu d’intégration Ce revenu d’intégration, comment ça marche ? Ici les montants sont forfaitaires. Ce n’est pas X% de quelconque rémunération. C’est un minimum qui est déconnecté de tout passé. Et ce montant plancher varie en fonction de votre situation familiale. On fait de la modulation familiale. On peut comprendre : objectivement, les besoins ne sont pas les mêmes si on est seul ou avec des enfants, avec d’autres personnes ou pas, etc. La difficulté qui est suscitée cependant c’est qu’en faisant cette modulation familiale, on s’immisce de manière assez extensive dans la vie privée ! C’est très intrusif même… Et on décourage la solidarité familiale de façon informelle. On touche moins si on vit seul. (C’est un vieux débat.) On distingue trois catégories en matière de revenu d’intégration : les cohabitants, les isolés et ceux qui vivent avec une famille à charge. La loi définit la cohabitation : ce sont toutes les situations dans lesquelles les personnes vivent sous un même toit et/ou règle en commun leur question ménagère. La définition avait été construite par la Cour de cassation dans les années 80, en 2002 on l’a inscrite dans la loi. Donc cohabitation c’est deux choses : il y a un critère géographique et un critère économique (on forme une unité, un ménage, sur le plan économique). La conséquence de cette définition c’est que cette notion est déconnectée de toute connotation affective ou sexuelle. On dit un même toit, pas un même lit ! On peut être isolé même si on est avec quelqu’un en fait… Ou on peut être cohabitant si on vit avec un ami et que chacun contribue plus ou moins en fonction de ses moyens. Mais en pratique, la définition est à l’origine de beaucoup de contentieux : est-ce que oui ou non il y a cohabitation ? D’où le fait que beaucoup d’observateurs du milieu social qui défendent l’individualisation des montants, sans avoir égard à la vie privée. Et puis la personne isolée. Ce n’est pas défini par la réglementation. Ce sont les personnes qui vivent seules, mais pas que ! Un isolé c’est une personne qui vit seule, mais aussi quelqu’un qui ne vit pas seule mais sans rentrer dans la définition de la cohabitation. On habite avec 5 personnes par exemple, mais chacun se débrouille tout seul. Ce sont des isolés qui vivent sous le même toit. Exemple : un squat. Et là aussi, il y a beaucoup de litiges… Le CPAS présume un peu trop rapidement qu’il y a cohabitation dès qu’il y a vie sous le même toit. Mais le critère économique fait défaut, il faut le dire au CPAS. Enfin, la catégorie majorée, les personnes qui vivent avec une famille à charge. Le critère c’est qu’il doit y avoir présence au moins d’un enfant mineur. (Le montant ne varie pas si on a plus d’enfants.) Alors on a le taux famille à charge. Si on a deux personnes en couple sans enfant, on a le taux cohabitant. Mais seul avec un enfant, c’est le taux famille à charge. Et ce taux, qui est le plus élevé, c’est un montant unique octroyé pour l’ensemble du ménage. [email protected] 86 (Rappel : les allocations familiales ne sont pas déduites de votre revenu d’intégration ! Mais en pratique ça ne résout pas toute la difficulté, un enfant coûte plus que 150 euros. En tout cas, sur base de l’article 1, le CPAS peut octroyer des aides supplémentaires. Il le fait souvent si une personne seule a plusieurs enfants.) Les montants, c’est quoi ? Dernière indexation en date : 1er septembre 2018. Le montant isolé c’est 1,5x le taux cohabitant. Et le taux famille à charge c’est 2x le taux cohabitant. Le montant de référence c’est le taux isolé : 910 euros. Deux précisions importantes sur la manière dont on calcule le montant. Pour bénéficier du droit à l’intégration sociale, il faut ne pas avoir de ressources. Au niveau du calcul de l’allocation, ce point a une incidence. On ne touche pas nécessairement le montant complet ! C’est au total qu’il faut arriver à 910 euros… On va donc déduire un éventuel revenu. Si on a 500 euros, on va toucher 910 moins 500. C’est un revenu différentiel : le CPAS va combler la différence entre ce qu’on a et le niveau à atteindre. Mais aussi, deuxième précision, la situation de cohabitation on veut l’éviter. Pourquoi ? Parce que c’est le montant le plus bas. Mais aussi, parce que s’il y a cohabitation, on vient regarder ce qu’il y a dans votre poche mais aussi ce qu’il y a dans la poche de la personne avec laquelle vous habitez ! La réglementation balise les choses : les ressources des personnes avec qui vous cohabitez doivent être prises en compte – et entrer dans le calcul de ressources – si c’est votre conjoint, cohabitant légal ou votre partenaire de vie. Imaginez que vous habitez avec quelqu’un et que vous êtes en couple, qui a un revenu et ramène 900 euros par mois. Le CPAS va fictivement répartir ces 900 euros sur vos deux têtes. Votre partenaire doit avoir au moins pour lui-même 600 euros (c’est le minimum en tant que cohabitant). Et on va considérer que la différence peut vous être imputée ! Et donc 300 pour vous. Mais la prise en considération des ressources de cette autre personne est facultative lorsque celui avec qui vous cohabitez est un ascendant ou descendant majeur de premier degré (parent et enfant). Le CPAS peut aussi regarder dans les poches de ces personnes et faire cette opération de calcul. Dans tous les autres cas de figure, le CPAS ne peut pas prendre en compte les revenus des personnes avec lesquelles vous cohabitez : cousin, frère, ami, inconnu, etc. Les montants ne sont pas très élevés. Au niveau européen, on a un point de comparaison : l’indicateur du seuil de risque de pauvreté. C’est commun à tous les pays de l’UE depuis les années 2000. Comment on mesure ça ? Il s’agit d’avoir au moins 60% du revenu national médian disponible (en net donc). On regarde le revenu médian dans chaque pays. Le revenu médian c’est le revenu qui partage la population belge en deux moitiés équivalentes ! 50% a plus que le revenu médian, 50% a moins que le revenu médian. Si vos revenus disponibles sont inférieurs à 60% de ce revenu médian, on considère que vous êtes significativement en décrochage par rapport au niveau de vie de la plupart des personnes qui vous entourent. (Le revenu moyen est plus élevé que le revenu médian.) En Belgique on a un écart entre le filet de sécurité d’existence et ce que l’UE considère comme étant le minimum requis. C’est un écart de 200 euros ( ?) qui ne diminue pas dans le temps. Certains disent donc qu’il faudrait relever les minima sociaux au niveau du risque de pauvreté. En Belgique, c’est 15% le taux de pauvreté (une personne sur sept). C’est la moyenne de l’UE en fait. En Grèce ou au Royaume-Uni c’est pire, dans les pays nordiques c’est mieux. [email protected] 87 Tout ceci c’était pour les moins de 25 ans. L’emploi d’abord, à défaut, le revenu d’intégration. Et le régime pour les plus de 25 ans est censé être différent. Mais cette différence a quasiment disparu, en 2016 : à partir de là on a dit que pour ceux qui ont plus de 25 ans aussi, le droit à l’intégration sociale doit être en priorité un emploi. Compte tenu des difficultés pratiques, ça ne change plus grand-chose. Il y a quelques différences techniques qu’on ne verra pas (notamment pour la poursuite des études). (NOT : le tribunal du travail est compétent pour toute la sécurité sociale. Voir le CJ.) [email protected] 88 Informations concernant l’examen Tout ce qu’a dit le prof fait partie de la matière. Ici, cette année, dans cet auditoire. Mais aussi les parties du cours pour lesquels il y a un syllabus : répartition des compétences ; accidents du travail ; le financement. Ils sont sur l’UV déjà. Pour les soins de santé, sauf pour la première section introductive, il y aura des notes complètes et mises à jour (environ 30 pages). Sur l’UV il y a aussi trois documents : rapport au régent et un schéma qui reprend la structure de la sécurité sociale des salariés et des indépendants. Le questionnaire cette année se présentera de la même manière que celui de l’année dernière. Même format globalement. Des questions plus ou moins longues. Il faut répondre à l’intérieur d’un cadre. Les questionnaires sont corrigés avec un assistant, mais chacun corrige les mêmes questions dans les mêmes questionnaires et le prof (repasse en dernier) met la note finale. Il y a les consignes de l’examen sur l’UV. Il faut être rigoureux sur la terminologie. Le prof ne va pas chercher à deviner ce qu’on a voulu dire. Il y a des exemples dans le document. Dernière consigne très importante : il faut répondre à la question, à toute la question, mais rien qu’à la question. Les développements doivent être ajustés, calibrés, en fonction de l’énoncé. Il ne faut pas sortir un morceau du cours nécessairement, il faut répondre à la question, même si toute la question. [email protected] 89