Rev Mens Suisse Odontostomatol, Vol 113: 11/2003
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L’actualité en médecine dentaire
l’Univers est parcouru par un réseau de
forces vitales, par un fluide astral guéris-
seur que certains élus peuvent capter et
infuser dans le corps malade. Cet ancien
théologien, astronome amateur, juriste
de rencontre et médecin de fortune ob-
tint un immense succès. Il posait deux ai-
mants sur le corps du malade et caressait
la région douloureuse entre les deux
pôles jusqu’à ce que le fluide guérisseur
amassé entre les deux aimants parcourût
le corps déséquilibré et le réintégrât dans
l’harmonie du Cosmos.
Sa popularité augmentant avec le
nombre de malades qui venaient lui de-
mander le secours de son savoir, Mesmer
magnétisa alors des bassins, des arbres,
des pelouses, des parcs et même des fo-
rêts entières. Il transféra même son fluide
aux miroirs ce qui permettait aux ma-
lades de guérir en se regardant! Il alla
plus loin encore puisqu’il magnétisa des
instruments de musique, de sorte que les
sons qui en sortaient étaient magnétisés
et donc guérisseurs. Mais l’Académie se
refusa à accepter les travaux de Mesmer,
et celui-ci s’enfuit à Vienne lors de la Ré-
volution et vint mourir dans sa ville nata-
de Meersburg en 1813.
... et du «Somnambulisme»
Or, les expériences de Mesmer avaient
éveillé un grand intérêt dans les milieux
scientifiques et c’est ainsi qu’un disciple
de Mesmer, le Comte de Puységur dé-
couvrit alors une autre technique d’anes-
thésie, l’hypnotisme, qu’il appela Som-
nambulisme et qui connut aussi un grand
succès, car il fut utilisé par des chirur-
giens qualifiés pour leurs interventions,
en particulier Potel, Récamier et Cloquet.
Ce fut surtout à Edimbourg que la chirur-
gie somnambulique eut ses plus chauds
partisans, les chirurgiens John Elliotson
et James Esdaille. Mais la vielle querelle
entre médecins et chirurgiens se rallume
à cette nouvelle occasion, et Elliotson fut
sommé de renoncer à sa chaire de l’Uni-
versity College Hospital de Londres.
Quant à Esdaille, il s’expatria aux Indes
où son succès fut sensationnel. Sa re-
nommée ébranla les esprits en Europe et
la médecine officielle fit timidement
quelques essais – non concluants – et se
dépêcha de déclarer que le somnambu-
lisme n’était qu’une mystifications ce qui
était somme toute une conclusion un peu
téméraire.
1733: un pas de géant vers
l’anesthésie moderne
Pendant ce temps, la chimie fait des pas
de géant, et c’est d’elle que l’homme tire-
ra enfin le secret de l’anesthésie. C’est en
effet à Joseph Priestley que nous sommes
redevables de la découverte de plusieurs
corps et gaz, entre autres le «bioxyde
d’azote» (renommé depuis protoxyde,
n.d.l.r.), qui se révéla être un narcotique
puissant. Nous sommes en 1773. Priest-
ley doit fuir en Amérique au bout de
quelques années, à la suite de contro-
verses religieuses. Il y meurt en 1800.
Mais voilà que surgit un nouveau phéno-
mène de la science: Humphrey Davy, qui
à l’âge de 16 ans, après de nombreuses
expériences faites en secret, découvre les
propriétés du protoxyde d’azote, réussit à
l’isoler et à l’obtenir chimiquement pur
en partant des travaux de Berzelius et La-
place, un Suédois et un Français.
En 1841, un médecin américain, le doc-
teur Long, fait des essais concluants avec
le protoxyde d’azote, connu par la suite
sous l’appellation «gaz hilarant»; toute-
fois, devant l’hostilité de la population, il
renonça à poursuivre ses travaux.
Hormis ses textes consacrés aux ava-
tars de la médecine dentaire à travers
différentes époques, notre confrère
Roger Joris, ancien président de la
Société Suisse de l’Histoire de la Mé-
decine et de la Société Européenne de
l’Histoire de la Médecine, a également
commenté dans ses publications cer-
tains événements marquants de l’his-
toire de la médecine en général. Ainsi,
en 1946, il a rédigé le présent texte
consacré au centenaire de l’anesthé-
sie. C’est en effet le 16 octobre 1846
qu’a eu lieu à Boston la première in-
tervention chirurgicale sous narcose.
L’anesthésie locale, quant à elle, a été
introduite quelques années plus tard,
soit en 1884. Heureuse découverte,
tant il est vrai qu’il est difficile d’ima-
giner que serait notre profession sans
ce moyen thérapeutique fabuleux!
Thomas Vauthier
Dès 1844, le médecin-dentiste H. Wells
commença à travailler dans son cabinet
avec des inhalations de protoxyde
d’azote pour opérer ses patients sans
douleur. Son échec cuisant en janvier
1845 devant le chirurgien Warren au
Massachusetts General Hospital fait ré-
fléchir le jeune chirurgien dentiste Mor-
ton William Green qui oriente aussitôt
ses recherches vers l’éther. Associé au
chimiste Jackson, il travaille sur les
principes anesthésiants de l’éther sul-
furique. Le 16 octobre 1846, Warren,
assisté par Morton, pratique l’ablation
d’une tumeur du maxillaire, sans que le
patient ne ressente aucune douleur. Il
s’agissait de la première démonstration
publique d’une opération sous anes-
thésie. Illustration: Morton (au centre)
lors d’une démonstration de narcose
selon sa méthode.
Les dernières années ont vu évoluer les
systèmes d’injection pour l’anesthésie
dentaire. L’injection contrôlée électro-
niquement permet de remplacer l’in-
jection manuelle traditionnelle. Cette
évolution concerne également la pré-
hension du support de l’aiguille. En ef-
fet, la seringue classique nécessitait de
la part du praticien le contrôle simulta-
né de 2 gestes (pénétration de l’ai-
guille dans la muqueuse et injection).
Désormais, le praticien doit seulement
contrôler la pénétration de l’aiguille.
Ce contrôle, grâce à la prise dite «sty-
lo» du support de l’aiguille permet de
bons points d’appui. De plus, ces sys-
tèmes réalisent une injection douce et
progressive contrôlée électronique-
ment. Illustration: système «The Wand»
(= baguette magique) de Milestone
Scientific.