conflits. Au début, l’étude ethnographique ne portait pas nécessairement sur ces conflits mais plutôt
sur la musique. A ce moment, ce qui l’intriguait et l’intéressait beaucoup, c’était la présence et la
pratique du chant au quotidien et notamment le chant dans la solitude, l’habitat étant dispersé, la
solitude fait partie du quotidien. Dès lors, la musique chez les habitants, en particulier le chant, est
utilisée pour exprimer des émotions fortes comme la colère et pour exprimer leurs émotions.
Mais pourquoi chantent-ils toujours ? K. Morand s’efforcera d’y répondre en s’appuyant sur
plusieurs, comme le récit A. Hoben, Land tenure among the amhara of ethiopia : The dynamic of
cognatic descent qui explique que le système foncier amhara est à la base de son organisation sociale.
On comprend dès lors, l’importance de l’acquisition de nouvelles parcelles par les amharas qui
s’appuient sur leurs rapprochements généalogiques. D’autre part, le double système fonciers, c’est-
à-dire, celui cité précédemment et l’autre qui donne la possibilité et le privilège à la Couronne,
d’octroyer des parcelles, aux militaires, à l’église et aux dignitaires de l’Empire. Cette complexité et
cette compétition agraire explique cette violence omniprésente qui se traduit, d’une part, par la révolte
des amharas contre le pouvoir dignitaire qui octroie des parcelles à une certaine élite, et d’autre part,
la rivalité inter cognatique. Pendant son enquête empirique et qualitative, elle comprit alors, que la
matière même de la musique avait avoir avec les conflits qui étaient en train de se passer. Le 1er indice
qui lui fit comprendre de quoi il se jouait, fut ce sentiment d’omerta autour du chant, car les habitants
ne voulaient pas que l’ethnomusicologue dévoile leurs chants aux autres mais en même temps ils
voulaient savoir ce que les autres chantaient. Le moment clé de son enquête, où elle comprit le lien
entre chant et violence, fut l’enregistrement d’un jeune garçon de 12 ans, fils et frère de ceux qui
avaient été assassinés par le mari de la famille qui l’accueillait. C’est quoi ce chant ? demanda-t-elle
à ce jeune garçon. « Bah ce chant, c’est mon frère mort qui me l’avait chanté et quand je le chante,
j’ai l’impression de le voir devant moi. ». Elle fera ensuite l’erreur d’en parler à son hôtesse, ce fut
un choc, une stupéfaction pour toute la famille. Après le choc, sa famille d’accueil a commencé à lui
expliquer, que si ce jeune garçon continuait de chanter sa colère, il pourrait avoir envie de passer à
l’acte une fois adulte, en tuant par exemple le fils du meurtrier.
Les idées principales
Lorsque K. Morand arrive sur place, elle va très vite ressentir que la société qu’elle étudie, vit dans
une violence pesante, lié à des querelles de terres, aux vols de bétails ou encore aux querelles de
voisinage. Ce lot de tensions va engendrer ce cercle vicieux querelles-meurtres-vengeance
intrinsèque à cette société rythmée par des flambés de violences, dont le phénomène est renforcé par
l’omniprésence des armes à feu et une très longue tradition du banditisme qui a débuté au Moyen-âge
et qui se poursuit encore maintenant, notamment dans les vallées. Il n’y a pas d’hommes de 20 à 45
ans, qui ne porte pas sur lui, une kalachnikov ou d’un modèle plus ou moins ancien.