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II. Diagnose
Outil 4
Analyse urbaine et architecturale
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Le regard de l’urbaniste : l’espace bâti
traditionnel et son contexte territorial René GUERIN
Architecte et urbaniste
École d’Avignon, France
Malgré une forte identité commune, l’espace méditerranéen
comporte une grande diversité de territoires, qui au-delà des
simples dualités « littoral – arrière-pays » ou « ville – espace rural
», s’inscrivent dans un système d’une complexité croissante.
Préalablement au diagnostic, l’analyse structurelle d’un territoire
de projet doit s’appuyer sur une approche dynamique qui
permette de comprendre les mécanismes de réorganisation
permanente de l’espace, quelque soit son rythme. Cette analyse
doit amener à mieux cerner les composantes et les variables de
l’espace considéré, en vue d’une définition pertinente du cadre du
projet de réhabilitation urbaine.
Des origines de l’analyse territoriale
Dans le domaine du projet urbain, l’analyse territoriale n’a pas
toujours été présente dans les esprits. L’urbanisme, largement
influencé par la pensée des utopistes comme Thomas More1, s’est
longtemps appuyé sur des modèles indépendants du lieu. Le
concept d’analyse urbaine apparaît avec le baron Georges
Haussmann2, dont les opérations s’accompagnaient d’une
connaissance approfondie du contexte historique et géographique
local. Patrick Geddes a cherché à mettre en relation les différentes
branches du savoir au service de la vie humaine. Dans cet esprit, il
proposait que la ville, qu’il assimilait à un être vivant, soit étudiée
sous tous ses aspects, opposant le terme d’ « eutopia » (le bon
lieu) à l’utopie (en aucun lieu), qu’il dénonçait. Patrick Geddes3a
ainsi défini le concept d’enquête préalable (survey), avec ses
composantes spatiales et temporelles.
Définir un territoire d’analyse en fonction de la nature de
chaque projet
En premier lieu, il s’agit définir le champ spatial de l’analyse.
L’aire d’étude dépend de la nature de chaque projet : ainsi
l’échelle du territoire considéré se définit en fonction des enjeux
posés et des impacts attendus du projet. Tandis qu’un
programme de réhabilitation d’ensemble d’un quartier
nécessite d’appréhender le contexte urbain à l’échelle de
l’agglomération, voire de l’ensemble de l’aire urbaine, la
réhabilitation d’un îlot peut se contenter de la simple analyse du
quartier concerné. Il est donc nécessaire d’évaluer en amont les
interactions du projet et de son espace environnant, qu’il s’agit
de circonscrire de façon rigoureuse, dans un souci de bonne
économie de l’ingénierie.
Comprendre l’organisation du territoire à travers son armature
urbaine
Selon le lieu, les caractéristiques et l’impact de chaque projet de
réhabilitation urbaine appartiennent à une logique territoriale
spécifique. La Méditerranée et son arrière-pays présentent une
grande variété de situations. Certaines régions sont polarisées à
l’extrême autour de leur capitale administrative et économique,
contribuant ainsi à la désertification des territoires ruraux
environnants. Les grandes régions urbaines multipolaires sont
organisées en réseau autour de la complémentarité des fonctions
assurées respectivement par les agglomérations centrales et les
moyennes et petites villes situées alentour. Certaines régions font
l’objet d’une urbanisation linéaire, le long de vallées ou en frange
côtière : l’armature urbaine y est généralement moins hiérarchisée
en raison d’un développement souvent rapide et spontané. De
nombreuses régions rurales de montagne ou s’étendant sur des
plateaux, faiblement peuplées, disposent de lieux d’échanges
représentés par des petites villes ou des bourgs qui exercent un
large rayonnement, malgré leur taille limitée.
On pourrait estimer à priori que le projet est d’autant plus
structurant que l’armature urbaine est faible. La réalité est
certainement moins catégorique : par exemple, dans une région
dotée d’un appareil urbain puissant, un projet de réhabilitation
L’analyse urbanistique doit permettre de déterminer l’accessibilité de l’enclave
historique par rapport au territoire dans lequel elle se situe, non seulement du point
de vue physique mais aussi en considérant la mobilité de ses résidents et de ses
usagers ainsi que les flux d’échange de matériaux et d’informations.
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