scientifique des forces naturelles comme l’électricité ou la vapeur, et leurs
opérations normales. Les méthodes yoguiques aussi se fondent sur une
connaissance vérifiée et confirmée par des expériences exactes, des analyses
pratiques et des résultats constants. Tout le Râdja-yoga, par exemple, repose
sur la perception et l’expérience qu’il est possible de séparer ou de dissoudre
nos éléments intérieurs et nos combinaisons, nos fonctions, nos forces internes
; qu’il est possible de les recombiner pour les appliquer à des opérations
nouvelles autrefois impossibles, ou de les transformer et de les résoudre en
une nouvelle synthèse générale par certains procédés internes déterminés. Le
Hatha-yoga, de même, repose sur la perception et l’expérience que les forces
et les fonctions vitales auxquelles notre vie est normalement assujettie et dont
les opérations habituelles semblent fixées une fois pour toutes et
indispensables, peuvent être maîtrisées et leurs opérations changées ou
suspendues, avec des résultats qui seraient autrement impossibles et qui
semblent miraculeux à ceux qui n’ont pas saisi le principe du processus. Et si
le caractère rationnel du yoga est moins apparent dans certaines autres formes
de discipline, parce que plus intuitives et moins mécaniques, plus proches
d’une extase suprême, comme le Yoga de la Dévotion, ou d’une suprême
infinitude d’être et de conscience, comme le Yoga de la Connaissance, elles
partent aussi, cependant, de l’utilisation de quelque faculté principale en nous,
mais par des voies et à des fins qui ne sont pas prévues dans son
fonctionnement quotidien spontané. Toutes les méthodes groupées sous le
nom commun de “yoga” sont des procédés psychologiques spéciaux fondés
sur une vérité établie de la Nature et qui font apparaître, à partir de fonctions
normales, des pouvoirs et des résultats qui étaient toujours là, latents, mais que
les mouvements ordinaires de la Nature ne manifestent pas facilement ni
souvent.
Mais de même qu’en physique la multiplication des procédés scientifiques a
ses désavantages, puisqu’ils tendent, par exemple, à développer une
artificialité triomphante qui accable notre vie humaine naturelle sous le poids
de la machinerie et à acheter certaines formes de liberté et de maîtrise au prix
d’une servitude accrue ; de même, l’effort absorbant qu’exigent les procédés
yoguiques et leurs résultats exceptionnels peut aussi avoir ses désavantages et
ses pertes. Le yogi a tendance à se retirer de l’existence commune et à perdre
prise sur la vie ; il a tendance à payer les richesses de l’esprit par un
appauvrissement de ses activités humaines, la liberté intérieure par une mort
extérieure. S’il gagne Dieu, il perd la vie, ou s’il tourne ses efforts au-dehors
pour conquérir la vie, il est en danger de perdre Dieu. Ainsi s’est créée en Inde
une incompatibilité aiguë entre la vie dans le monde et la croissance ou la
perfection spirituelles, et, bien qu’il existe encore une tradition et un idéal
d’harmonie victorieuse entre l’attraction intérieure et les exigences