Jawad ahessad
L’école systémique
Appréhender la complexité
I. La genèse de l’analyse en termes de système :
1. Quelques repères historiques :
La grande aventure intellectuelle de la fin du 20ème siècle aura été la découverte de
l'extraordinaire complexité du monde qui nous entoure. Complexité du cosmos, des
organismes vivants, des sociétés humaines, mais aussi de tous ces systèmes artificiels conçus
par les hommes et qui sont, comme l'entreprise, aussi bien de facture technique,
organisationnelle, économique et sociale. Le phénomène de mondialisation des échanges,
qu'ils soient commerciaux, financiers ou culturels, ne fait qu'accélérer cette prise de
conscience de la complexité et en accentuer les effets.
Certes, la complexité a toujours existé même si sa perception est récente. Pendant
longtemps, dans leur quête de connaissance et de sagesse, les hommes ont recherché des
explications simples et logiques à la luxuriance du monde. Ce fut d’abord le programme de
la philosophie puis, à l’âge moderne, celui de la science positive fondée sur la méthode
cartésienne et caractérisée par la tentative de réduction de la complexité à ses composants
élémentaires. Fabuleuse méthode d'ailleurs, puisqu'elle est à l'origine des grands progrès
réalisés par la science au cours des 19ème et 20ème siècles.
a) Aux origines du positivisme :
‘’Je pense donc je suis’’
Dans l’histoire de la pensé systémique, une large part du débat relatif à sa naissance et à ses
sources tourne autour de son rapport au positivisme. Si l’on veut comprendre les évènements
survenus dans le champ des sciences au cours du dernier demi-siècle et qui ont contribué à
l’apparition de la systémique en tant que nouveau paradigme scientifique, il faut remonter
plus avant dans l’histoire des sciences.
Le 17ème siècle va voir la construction d’une nouvelle conception du monde avec l’apparition
du plus grand œuvre de Descartes ; le Discours de la méthode en 1637, dans lequel il met en
avant une méthode pour trouver la vérité. Sa rédaction est assez autobiographique car elle
correspond à son cheminement de pensée. Sa méthode au fur et à mesure du Discours est de
n’accepter que les faits absolument certains afin d’avancer dans la vérité en allant du plus
simple au plus compliqué. Cette méthode cartésienne qui règnera pendant les siècles qui
suivent se base sur quatre préceptes majeurs :
L’évidence : ‘’ne recevoir jamais aucune chose pour vraie que je ne la connusse évidemment
être telle, c’est-à-dire d’éviter soigneusement la précipitation et la prévention, et de ne
comprendre rien de plus en mes jugements que ce qui se présenterait si clairement et si
distinctement à mon esprit que je n’eusse aucune occasion de la mettre en doute’’. R. Descartes,
Discours de la méthode, 1637.
Le réductionnisme : ‘’diviser chacune des difficultés que j’examinerais en autant de parcelles
qu’il se pourrait et qu’il serait requis pour les mieux résoudre’’. Ibid.
La causalité : ‘’ conduire par ordre mes pensées en commençant par les objets les plus simples
et les plus aisés à connaître, pour monter peu à peu comme par degrés jusque à la connaissance
des plus composés, et supposant même de l’ordre entre ceux qui ne se précèdent point
naturellement les uns les autres.’’. Ibid.
L’exhaustivité : ‘’faire partout des dénombrements si entiers et des revues si générales que je
fusse assuré de ne rien omettre.’’. Ibid.
Dès le début, les contemporains de Descartes ont mont les limites du réductionnisme
analytique, mais ces contestations parurent s’éteindre avec l’avènement des Lumières et la
marche triomphales des sciences physiques. Les bouleversements survenus dans le champ
scientifique au cours de la première moitié du 20ème siècle l’ont fait renaître.
b) Le renouvellement de la problématique scientifique :
‘’La voie que l’on empreinte n’est pas la seule voie’’ Lao Tseu
De Paul Valéry qui affirma : ‘’ce qui est simple est faut’’ à Jean Piaget qui
conclut : ‘’L’intelligence ne débute ainsi ni par la connaissance du moi, ni par celles des choses
comme telles, mais par celle de leur interaction.’, le Discourt cartésien semble se basculer.
Cette méthode, qui semble parfaitement adaptée à l'étude des systèmes stables constitués
par un nombre limité d'éléments aux interactions linéaires (c'est à dire pouvant être décrites
par des lois mathématiques continues et additives) ne convient plus dès lors que l'on
considère la complexité organisée telle que rencontrée dans les grands systèmes biologiques,
économiques et sociaux.
Ainsi, la science elle-même s’était trouvée mise en question dans plusieurs de ses champs
disciplinaire ; la physique avec la théorie de la relativité, les sciences humaines avec la
psychanalyse et l’inconscient de Freud et surtout en sciences de la vie , dès les années 30,
L. von Bertalanffy, biologiste, affronte seul le faux débat de la biologie théorique.
Une autre approche est alors requise, fondée sur de nouvelles représentations de la
réalité prenant en compte l’instabilité, l’ouverture, la fluctuation, le chaos, le désordre, le
flou, la créativité, la contradiction, l’ambiguïté, le paradoxe. Tous ces aspects qui étaient
perçus naguère comme a-scientifiques par le positivisme régnant, sont désormais
considérés comme autant de préalables pour comprendre la complexité du réel. Cette
nouvelle manière de penser a un nom : l'approche systémique.
L’une des premières réflexions sur le concept de système fut donc conduite par Bertalanffy
1
;
dans les années 1920, la procédure mécaniste consistait essentiellement à réduire l’organisme
vivant en parties et en processus partiels : l’origine était une agrégation de cellules, la cellule
une somme de colloïdes et de molécules organiques et ainsi de suite.
Les problèmes de l’organisation de ces parties au service de l’organisme, de la régulation après
une perturbation étaient lassés de côté. L’approche mécaniste qui prélevait semblait négliger
ce qu’il y a d’essentiel dans le phénomène de la vie. Bertalanffy fut très vite conduit à
considérer que les organismes sont des objets organisés et c’est cette organisation que les
biologistes doivent étudier. Il proposa une conception organique de la biologie montrant
l’importance de l’organisme considéré comme un tout ou un système et donnant pour objectif
principal aux sciences biologique : la découverte des principes de l’organisation à tous ses
niveaux.
Il apparut très vite le besoin de généraliser la direction prise et il fut vite conduit à mettre en
œuvre une théorie qu’il intitulait General System theory. Cette théorie a été présentée au
séminaire de philosophie de Charles Morris à l’université de Chicago en 1937.
1
L. Von Bertalanffy.’Système et modèles, introduction à l’analyse des systèmes’ dunod,Paris 1991
Malheureusement, les théories était mal vue en biologie à l’époque et il fut contraint de laisser
ces brouillons au tiroir.
II. La théorie générale des systèmes :
Après la seconde guerre mondiale, un changement de climat intellectuel eut lieu. La
construction des modèles et des généralisations abstraites était à la mode. Trois grands
mouvements scientifiques ont suivi des lignes de pensé parallèles ;
La cybernétique de Wiener.
La théorie des jeux de Neumann.
La théorie de l’information de Shannon.
La théorie générale des systèmes n’était plus isolée. Elle correspondait à une tendance de la
pensée moderne.
Ainsi, Ludwig Von Bertalanffy, rassemble, en 1968, ses différents travaux dans un ouvrage de
synthèse intitulé General System Theory, traduit en français sous le titre La théorie générale
des systèmes. Dans cet ouvrage qui fait la part belle aux systèmes biologiques, l'auteur définit
un certain nombre de concepts tels que ceux de systèmes ouverts, de complixité,
d'équifinalité , etc... Il insiste sur l'importance de la compréhension des relations entre les
différents éléments d’un système considéré dans sa globalité, et non, comme préconisé par la
pensée classique une saisie analytique des éléments du système.
Le but de la théorie générale des systèmes est de formuler des principes valables pour tout
système et d’en tirer les conséquences. Bertalanffy
2
expliqua que ‘’ De tout ce qui précède se
dégage une vision stupéfiante, la perspective d’une conception unitaire du monde jusque-
insoupçonnée. Que l’on ait affaire aux objets inanimés, aux organismes, aux processus mentaux
ou aux groupes sociaux, partout des principes généraux semblables émergent puis ajouta que
: ‘’ nous devons chercher des systèmes en général, sans se préoccuper de leur nature, physique,
biologique ou sociologique. Si nous posons ce problème et si nous définissons bien le concept
système, nous constatons qu’il existe des modèles, des lois et des principes qui s’appliquent à
des systèmes généralisés’’.
2
L. Von Bertalanffy.’Système et modèles, introduction à l’analyse des systèmes’ dunod,Paris 1991
1. Les principes fondateurs :
L'approche systémique repose sur trois idées maîtresses :
- La prédominance du tout sur la partie dans l’examen des objets d’étude dont on
trouve :
Le principe de totalité : « le tout est différent de la somme des parties ». Par
exemple, dans tout regroupement, la logique d'action du groupe prime sur
celle des individus qui le composent.
Le principe de la complexité : « la complexité n’est pas la complication » a dit
Morin
3
. La notion de complexité ne se confond pas avec celle beaucoup plus
simple de complication. Celle-ci n’est que la caractéristique d’un objet ou d’un
système qui ne demande pas beaucoup de temps pour être compris, tandis que
le complexe requiert pour être assimilé ; temps, méthode et intelligence. Le
degré de complexité d’un système dépond à la fois du nombre de ses élément
et du nombre et des types de relations qui lient ces élément entre eux.
- L’opposition à une approche mécaniste :
Le principe d’interaction : la notion d'interaction déborde largement la simple
relation de cause à effet qui domine la science classique. on ne peut
comprendre un élément sans connaître le contexte dans lequel il interagit.
Le principe de l’équifinalité : l’état d’un système ne dépend pas des conditions
initiales de sa création mais de son processus de croissance.
- L’importance à donner au mode d’organisation du tout pour qu’il soit bien appréhendé
et compris :
Le principe de rétroaction : dans un système, il y a des variables d'entrée et des
variables de sortie. Les entrées sont sous l'influence de l'environnement du
système et les sorties résultent de son activité interne. On appelle alors boucle
de rétroaction (feed-back en anglais) tout mécanisme permettant de renvoyer
à l'entrée du système sous forme de données, des informations directement
dépendantes de la sortie la rétroaction.
3
E.Morin. ’’La méthode Tome 1’’.Le Seuil,Pars.1977.P 377
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