Guénolé et al 2012

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PTO – vol 18 – n°3
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L’accompagnement à la recherche d’un emploi : enjeux,
modèles, et perspectives de recherche
Counseling for job search: issues, models and future
research
Nicolas Guénolé (1), Jean-Luc Bernaud (1) & Laure Guilbert (2)
(1) CNAM-INETOP, Laboratoire CRTD, EA4132, 41 rue Gay-Lussac, 75005 PARIS,
France
(2) Université de Rouen, UFR des sciences de l'homme et de la société, Laboratoire PSY-
NCA, EA 4306, Rue Lavoisier, 76821 Mont Saint Aignan Cedex, France
laure.guilbert@univ-rouen.fr;
Résumé
Quels sont les enjeux théoriques et pratiques induits par la construction d’un dispositif
individualisé d’accompagnement à la recherche d’emploi ? Au travers d’une revue de la
littérature, cet article met en perspective différents modèles théoriques sous-jacents aux
problématiques de l’insertion professionnelle, décrit les dispositifs d’accompagnement
actuellement proposés et analyse leurs effets, avant de mettre en exergue les principales
caractéristiques psychologiques rentrant en ligne de compte lors de la mise en œuvre du
conseil à la recherche d’emploi. La conclusion avance des perspectives de recherche
telles que la modélisation d’un accompagnement à la recherche d’emploi différencié et
de ses effets.
Abstract:
What is at stake in the process of elaborating support to provide job seekers with
personal advice, both theoretically and practically speaking? All through a review of
papers, this article focuses on different theoretical schemes in the process of helping
jobseekers to get back to work, but it also details the currently existing support devices
and analyses their effects. Eventually it concentrates on the main psychological features
taken into account in the process of counseling. As a conclusion, this article examines
the perspectives and the consequences of molding and shaping personal counseling for
jobseekers from a research angle.
Mots-clés : insertion professionnelle, recherche d’emploi, chômage, interaction
caractéristique-traitement, conseil adaptatif
Key-words: reemployment, job search, unemployment, aptitude-treatment interaction,
adaptive counseling
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Le marché du travail connaît une mutation profonde qui conduit les
salariés à faire face à un sentiment d’insécurité professionnelle accru. Cela se
traduit par du chômage, de la précarité, des formes particulières d’emploi
(contrat à durée déterminée, intérim et contrats dits précaires), ou bien encore
de la mobilité subie. Les pouvoirs publics français ont pris des mesures
renforçant les missions et les moyens de l’ANPE, devenue en 2009 le Pôle
Emploi. Ainsi, les politiques de l’emploi ont favorisé les dispositifs d’insertion.
Avec la loi de cohésion sociale de 2005, des sociétés privées (agences de travail
temporaires, cabinets de recrutement, d’outplacement, associations d’insertion,
etc.) travaillent avec le Pôle Emploi pour accompagner les chômeurs, dans le
cadre d’un appel d’offre renouvelé tous les trois ans. Un cahier des charges,
auquel le prestataire doit scrupuleusement se conformer, détaille pour chaque
prestation les démarches à accomplir avec le demandeur d’emploi. Pour ces
derniers, l’objectif assigné est de définir un projet professionnel, d’utiliser les
outils pour rechercher un emploi et de s’insérer rapidement sur le marché du
travail.
Les mesures d’accompagnement doivent respecter deux impératifs.
Elles nécessitent d’être efficaces, en permettant de retrouver rapidement un
emploi. Elles doivent également assurer l’équité entre les demandeurs d’emploi,
en proposant des services adaptés à leurs besoins (Rapport du Conseil
d’Orientation pour l’Emploi, 2007). En conséquence, l’examen des processus
en œuvre dans ces dispositifs, notamment en fonction des problématiques
posées par les demandeurs d’emplois, est devenu fondamental, sous peine de les
voir « osciller au gré des modes et des injonctions économiques » (Doublet,
2006, p. 68).
Une analyse de l’ensemble des dispositifs d’accompagnement à la
recherche d’emploi montre que ceux-ci reposent sur deux principes
transversaux (Simonin, 2003). Tout d’abord, l’accompagnement est
contractualisé. En effet, le Pôle Emploi suit la personne dans ses démarches et
celle-ci s’engage de son côté à rechercher activement un emploi. Le non-respect
de cette condition entraîne ainsi la radiation du demandeur d’emploi. Ensuite,
l’accompagnement se veut individualisé, en fonction des besoins supposés du
demandeur d’emploi. Salognon (2008) souligne que l’individualisation des
dispositifs est sous tendue par une conception de la responsabilité individuelle
du chômage. D’un point de vue pratique, l’individualisation passe par le
« profilage » effectué par un agent dule Emploi, qui va ensuite déterminer
l’orientation de la personne vers une prestation particulière. Il n’en reste pas
moins que cette question de l’adaptation des pratiques d’accompagnement aux
caractéristiques des demandeurs d’emploi a été peu traitée du point de vue de la
recherche. Il convient donc de mener une réflexion sur les enjeux et risques de
l’individualisation, sur l’analyse des modèles d’intervention en recherche
d’emploi (prescrits ou réels, construits ou à valoriser), et sur leurs effets en
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fonction de la situation et des caractéristiques intrinsèques des demandeurs
d’emploi.
Après avoir présenté un état des lieux de la littérature sur l’insertion
professionnelle et les dispositifs français d’accompagnement à la recherche
d’emploi, nous évoquerons les modèles théoriques du conseil puis les
principales caractéristiques psychologiques à considérer dans l’optique d’une
construction d’un accompagnement individualisé. Enfin, les perspectives de
recherches, incluant la modélisation de l’accompagnement et ses effets, seront
abordées en conclusion.
I. Les modèles d’insertion professionnelle
La littérature portant sur la thématique de l’insertion professionnelle est
ancienne et conséquente. Fournier et al. (1992) décrivent différents modèles
basés sur une conception transitionnelle de l’insertion professionnelle. Il s’agit
ici de présenter brièvement trois d’entres eux, afin de mettre en exergue les
évolutions dans l’étude de cette thématique. Ainsi, pour Levinson et al. (1978),
l’insertion peut être considérée comme une transition se déroulant en deux
étapes : la personne occupera dans un premier temps des emplois précaires, qui
lui permettront de se confronter à ses choix vocationnels et d’apprécier le
marché de l’emploi. Dans un second temps, elle trouvera un poste stable, ce qui
est assimilable, pour les auteurs, à une insertion réussie. Selon Limoges (1991),
il existe des facteurs interdépendants nécessaires à une insertion professionnelle
satisfaisante. Il s’agit plus précisément de l’environnement, du « soi », des
méthodes et techniques utilisées pour rechercher un emploi, et du lieu où elle se
déroule. Ces quatre dimensions forment ce que l’auteur appelle un « trèfle
chanceux », dont il tire le nom du modèle décrit. Plus précisément, la personne
doit bien connaître le marché de l’emploi ainsi que les métiers. Elle doit
identifier les employeurs potentiels, et bien se connaître. Elle doit également
être capable de choisir judicieusement les techniques de recherche d’emploi
appropriées aux situations rencontrées. La personne à la recherche d’un emploi
verra donc ses démarches aboutir en fonction de sa connaissance et de sa
compréhension des différents facteurs agissant sur l’insertion professionnelle.
Plus récemment, Allard et Ouellette (2002, p. 512) proposent un modèle
macroscopique de l’insertion professionnelle, qui analyse « dans une
perspective dynamique et interactionniste, les dimensions sociologique et
sociopsychologique de l’environnement et la dimension psychoprofessionnelle
de l’individu ». La dimension sociologique comprend les « facteurs politiques,
culturels, démographiques et géographiques qui peuvent affecter directement ou
indirectement l’insertion socioprofessionnelle ». Les environnements familiaux,
amicaux, scolaires et professionnels constituent les facteurs de la dimension
sociopsychologique. Enfin, quatre éléments ont des effets d’un point de vue
psycho-professionnel sur les démarches d’insertion : « l’identité personnelle,
professionnelle, la préparation à l’insertion socioprofessionnelle et les
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démarches d’insertion proprement dites ». Ce modèle considère un grand
nombre de facteurs et de variables pouvant intervenir lors d’une démarche
d’insertion professionnelle. Ainsi, il permet d’appréhender la complexité liée à
cette thématique. En effet, les auteurs analysent l’impact de différentes
dimensions et de leurs interactions sur un processus d’insertion professionnelle,
en envisageant celui-ci dans sa globalité.
II. Les dispositifs existants dans l’accompagnement des demandeurs
d’emploi
S’il existe en France un grand nombre de formes d’accompagnement,
dans des domaines d’activité variés et avec des spécificités nationales qui leur
sont propres, leur définition apparaît malaisée. Ainsi, l’accompagnement serait
selon Paul (2002, p. 43) une « nébuleuse qui suscite des pratiques aux
configurations fluctuantes ». Dans un Rapport du Conseil de l’Emploi, des
Revenus et de la Cohésion Sociale (2006, p. 77), il est précisé que
l’accompagnement proposé aux demandeurs d’emploi doit « améliorer [ses]
capacités à retrouver un poste de travail. Une aide doit être fournie pour mieux
démarcher les entreprises susceptibles d’embaucher, pour améliorer les
capacités de contact (réalisation de curriculum vitae, de lettre de candidature,
d’entretien d’embauche, etc.), et pour définir un projet professionnel ». En
conséquence, les dispositifs en place ont pour vocation d’aider les demandeurs
d’emploi à surmonter les difficultés rencontrées au cours de leurs démarches.
Le Pôle Emploi propose en 2011 cinq prestations d’accompagnement à
la recherche d’emploi, qui sont prescrites en fonction de la situation personnelle
des demandeurs et des difficultés rencontrées dans le cadre de leurs démarches
de recherche. La première prestation proposée s’intitule « Prestation
d’orientation professionnelle spécialisée ». Il s’agit ici d’aider le demandeur
d’emploi à formaliser et à mettre en œuvre un projet de formation. La prestation
est assurée par un psychologue spécialisé en orientation professionnelle et se
déroule sur six semaines. Le Pôle Emploi propose une deuxième prestation
nommée « Cible Emploi ». L’objectif est ici de personnaliser l’aide à la
recherche d’emploi, en mettant l’accent sur les démarches entreprises. La
prestation, individuelle et/ou collective, a une amplitude de 90 jours et
s’effectue au sein d’un prestataire du Pôle Emploi, avec un minimum de deux
entretiens par mois. Dans le « Bilan de compétences approfondi », troisième
type de prestation, l’objectif est de faire un point sur le parcours professionnel
du demandeur d’emploi, et de l’aider au mieux à définir des pistes de recherche
cohérentes avec le marché du travail. Le demandeur d’emploi rencontre six fois
son conseiller, à raison d’un rendez-vous par semaine pendant 6 semaines. La
quatrième prestation « Stratégies de recherche d’emploi » vise à mettre l’accent
sur la pertinence des outils mobilisés par le demandeur d’emploi dans le cadre
de ses démarches. Il s’agit d’améliorer les méthodes utilisées par la personne
pour rechercher un emploi. Cette prestation, collective, est répartie sur trois
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jours et demi et se déroule auprès d’un prestataire du Pôle Emploi. Enfin, la
dernière prestation s’intitule « Mobilisation vers l’emploi » et vise à intervenir
au niveau des difficultés de réinsertion professionnelles ou sociales que peuvent
rencontrer les demandeurs d’emploi. Il s’agit de développer l’autonomie socio-
professionnelle en levant des freins au retour à l’emploi (santé, logement,
contraintes familiales, etc.) qui nécessitent une prise en charge spécifiques.
D’une amplitude de 180 jours, la prestation est mise en œuvre par un prestataire
du Pôle Emploi, sous la forme d’entretiens individuels toutes les deux semaines.
Ces prestations doivent être considérées dans leur contexte culturel et
historique : elles témoignent de pratiques sociales d’une époque et ce à travers
le modèle social et économique privilégié par la France.
III. Evaluation des dispositifs d’accompagnement à la recherche d’emploi
Certaines recherches évaluent l’efficacité des dispositifs en fonction du
taux de réemploi des participants. Ces travaux portent principalement sur les
effets du Plan d’Aide au Retour à l’Emploi (PARE) et du Projet d’Action
Personnalisé (PAP), qui étaient les dispositifs existant à la date à laquelle ces
différentes études ont été effectuées. Dans le cadre de ces dispositifs, l’ANPE
proposait aux demandeurs d’emploi des prestations d’accompagnement qui
peuvent être assimilées à celles en vigueur aujourd’hui, du moins dans leurs
principes. Les différentes études recensées sur cette thématique montrent que
les taux de retour à l’emploi durable sur une durée de 12 mois évoluent entre
20% et 40%. Fougère, Kamionka, et Prieto (2010) ont évalué les effets d’un
accompagnement dans le cadre du Plan d’Aide au Retour à l’Emploi (PARE)
sur le taux de retour à l’emploi. L’étude montre que le fait de bénéficier d’un
accompagnement augmente le taux de retour à l’emploi. De même, l’intensité
des actions proposées aux demandeurs d’emploi (fréquence des rencontres avec
le conseiller, intensité des candidatures, des réponses aux offres d’emploi, et de
toute autre démarche orientée vers la recherche d’emploi) influe positivement
sur les taux de réinsertion. On constate également que la nature des actions
proposées lors d’une prestation d’accompagnement a des effets directs sur le
taux de réemploi, selon Jaminon et Van Ypersele (2001). Ainsi, les personnes
participant à une prestation centrée sur des actions liées directement au retour à
l’emploi telles que des stages, des emplois à durée déterminée retrouvent en
effet majoritairement un poste (59%), au contraire de celles impliquées dans un
dispositif centré sur le développement personnel, qui demeurent plutôt sans
emploi (62,5%). La recherche de Fougère et al. (2010) se rapproche de celle de
Crépon, Dejemeppe, et Gurguand (2005) qui porte sur quatre prestations
proposées par l’ANPE aux demandeurs d’emploi. Les auteurs avancent les taux
de retour à l’emploi suivants, sur 12 mois : 26,9% pour les Bilans de
Compétences Approfondis (ce taux aurait été de 23,7% sans prestation) ; 23,8%
pour l’évaluation individuelle (19,6% sans accompagnement) ; 29,5% pour
l’accompagnement à la recherche d’emploi (21,7% sans accompagnement) et
1 / 22 100%

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