Mis en ligne le 24 novembre 2009
Pr Miguil M, chef de service d’anesthésie réanimation de la maternité CHU Ibn Rochd de Casablanca -
La prééclampsie et l’éclampsie sont des complications fréquentes de la grossesse dans notre pays, elles
représentent la deuxième cause de mortalité maternelle selon les statistiques nationales de 2003-2004 [1,2]. Le
sulfate de magnésium (MgSO4) récemment introduit dans notre pays est un produit très efficace pour prévenir la
crise d’éclampsie, stopper les convulsions et prévenir leurs récurrences [3].
Dans cet article, nous exprimons dans un premier temps les craintes des praticiens face à ce produit qui est mis
à leur disposition et ensuite nous dressons le protocole national et son utilisation.
1. Pourquoi avons-nous peur de ce produit ?
Le MgSO4 est utilisé en milieu médical depuis 1905 et a trouvé sa place en obstétrique dès 1925. Il trouvait ses
indications dans les éclampsies, les menaces d’accouchements prématurés, dans l’hypertension artérielle, en
analgésie …
Bien qu’il soit ancien, le mécanisme d’action de ce produit n’est pas parfaitement connu, toutefois, il a un effet
stabilisant de membrane et myorelaxant.
Le MgSO4 est plus efficace pour stopper les convulsions que les autres anticonvulsivants : diazépam (valiumR)
[4], phénytoine (dihydanR) [5]. L’étude multicentrique : Magpie trial a montré l’efficacité et l’intérêt de son
utilisation non seulement en cas de crise d’éclampsie mais également dans les formes sévères de la
prééclampsie. Cette étude a montré une baisse importante de l’incidence de l’éclampsie et de la morbidité
maternelle et néonatale.
Son introduction dans notre pays a eu lieu en avril 2006 ; Cependant malgré ses effets positifs sur la
prééclampsie-éclampsie, nos praticiens sur le terrain (réanimateurs, obstétriciens, médecins généralistes, sages
femmes et accoucheuses) restent réticents quant à son utilisation ! Les raisons évoquées sont les suivantes :
A- Ils n’ont jamais étudié ce produit à la faculté et aux écoles
B- Ils n’ont pas eu de formation sur son utilisation
C- Ils ont peur de ses effets secondaires
D- Ils n’ont pas de seringues auto-pousseuses pour l’administrer en continue
Nous répondrons point par point à ces différentes interrogations.
A- Produit non enseigné : Ce produit effectivement n’a pas été enseigné aux facultés de médecine de notre
pays avant qu’il ne soit disponible, car nous sommes très influencés par l’enseignement français et l’usage de ce
produit est également non familier aussi bien en France que dans les pays francophones. Dans le reste du
monde, c’est le produit principal dans ces indications d’autant plus qu’il n’est pas onéreux. Et scientifiquement,
c’est le produit à utiliser de première intention.
B- Absence de formation : Depuis sa mise à notre disposition, plusieurs séminaires et formations ont été
préparés au sein de la direction de la population du ministère de la santé, mais n’ont pas concernés tout le
personnel exerçant en obstétrique. Il faudra faire une formation des formateurs qui à leur tour vont former
localement leur personnel.
C- Effets secondaires : Comme le MgSO4 a des effets myorelaxants, il peut causer : des hypotonies
musculaires, des apnées, voire des arrêts cardiaques. Il faudra signaler que ces effets existent également avec
les autres anticonvulsivants que l’on utilisait : apnée avec le valiumR entre autres… C’est pourquoi il est
formellement contre indiqué en cas de maladie musculaire : myasthénie, d’insuffisance respiratoire ou cardiaque.
Son accumulation dans l’organisme lors de l’insuffisance rénale et d’anurie fait qu’il est à proscrire dans ces
circonstances.
Une sensation de chaleur, des céphalées, des nausées, une somnolence, une diplopie, une asthénie et des
troubles de l’élocution peuvent être observés lors de l’administration du traitement et ne doivent pas inquiéter.
Les signes de surdosage sont uniquement cliniques : l’abolition du reflexe rotulien et une fréquence respiratoire
<16/minute. Le dosage de magnésémie n’a aucun intérêt en pratique.
Ce produit doit être stoppé en cas d’oligurie (<25-30 ml/h), de bradypnée (<16 cycles/min) et en cas d’abolition
du réflexe rotulien. Le gluconate de calcium (antidote) qui est facilement disponible doit être administré sans
retard en intra veineuse : 1g. Il est à signaler que l’antidote du valiumR (flumazénil) est coûteux et n’a jamais