Robotique : Histoire, Évolution et Applications Industrielles

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ROBOTS
Article écrit par Philippe COIFFET
Prise de vue
Les outils et les machines ont souvent été pensés depuis longtemps, mais leur réalisation
physique ne pouvait alors aboutir en raison notamment de l'absence de techniques ou
matériaux disponibles pour les fabriquer ou pour dépasser le stade de la maquette. Il en est
ainsi de l'idée de robot qui n'a trouvé son nom que dans les années 1920 (comme conséquence
du succès de la pièce de théâtre du tchèque Karel Chapek : R.U.R. ou Rossum's Universal
Robots), pour désigner alors de petits êtres artificiels anthropomorphes répondant
parfaitement aux ordres de leurs maîtres, et sa première réalisation industrielle vers 1960
(cf. automate).
D'un point de vue scientifique, parmi les nombreuses définitions possibles du robot, on peut
retenir qu'il s'agit d'une machine dont l'état de perfection future lui permettra de rendre tous
les services qu'attend un homme d'un autre homme en matières d'actions matérielles. Et ce
service pourra être rendu par la machine soit de manière complètement autonome (robot de
substitution à l'homme), soit en collaboration avec un homme (robot de coopération). Le
chemin est encore long avant d'atteindre la perfection souhaitée, car la machine doit associer
des propriétés physiques complexes avec des propriétés intellectuelles non moins
compliquées. Cependant, les verrous scientifiques et technologiques sautent les uns après les
autres et on peut être très optimiste sur l'aboutissement de cette recherche.
Ce qui crée une sorte de rupture entre les machines « classiques » (machine à coudre,
moissonneuse-batteuse...) et le robot, c'est l'inspiration anthropomorphe qui préside à la
conception de ce dernier, laquelle s'est d'abord manifestée par une volonté d'imiter le bras
humain avec ses nombreuses articulations autorisant des gestes variés pour manipuler des
objets. Cette recherche de performance manipulatoire correspondait essentiellement à un
besoin pratique : d'une part, la manipulation de produits dangereux à distance, à la suite de la
découverte de la radioactivité ; d'autre part, la nécessité d'améliorer les transferts de pièces
d'un poste à l'autre dans les industries de production.
La recherche sur ces nouvelles machines a engendré deux conséquences principales. D'un
coté, elle est devenue une nécessité. En effet, ce dont on a besoin n'est pas une machine qui
accomplit des gestes comparables à ceux du bras humain, c'est une machine qui fait œuvre
utile en saisissant convenablement des pièces dans un lieu variable et en les reposant tout
aussi correctement dans un autre endroit, lui aussi évolutif d'une saisie à l'autre. Un tel
problème qui ne se posait pas avec les machines « classiques ». D'un autre coté, l'évocation
d'un aspect anthropomorphique fait rapidement rêver d'aller plus loin dans cette imitation
humaine, dans le contexte d'une technologie qui pourrait rapidement ne rien se refuser.
Depuis que le robot a donné lieu à une approche scientifique, après la Seconde Guerre
mondiale, on peut résumer l'histoire de ses développements en deux périodes principales.
Tout d'abord, l'époque de la robotique industrielle, qui s'étend jusqu'à la fin des années 1980.
Le robot industriel, caractérisé par son implantation à poste fixe, devient alors un outil
commun répondant correctement aux besoins de l'industrie et ses perfectionnements, continus
depuis lors, peuvent être considérés comme des améliorations utiles mais mineures comparées
aux progrès décisifs enregistrés antérieurement. La seconde période, depuis 1990, a vu la
recherche se focaliser sur les robots mobiles que l'on peut répartir en deux grandes tendances :
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ceux dont le système de locomotion est un véhicule (terrestre, aérien, sous-marin etc.)...
L'objectif a trait à l'exécution de déplacements en mode automatique afin de reconnaître des
cibles, inspecter des installations, déminer, forer... ou simplement se déplacer comme les
voitures à guidage automatique. Ces véhicules peuvent être porteurs ou non de différents
outils d'action : des robots « classiques », des machines spéciales, des armes... Si
l'anthropomorphisme est présent, il concerne les propriétés de perception et d'intelligence ou
de raisonnement de la machine et ne repose pas sur une évocation de l'homme dans son
apparence physique.
les robots humanoïdes et animaloïdes (ou zoomorphes) qui tentent de reproduire des
comportements humains ou animaux en conservant une évocation de l'aspect physique de
l'homme ou de l'animal en question.
Certes, la recherche sur les robots mobiles date de l'apparition de la robotique scientifique
(par exemple le robot Shakey du Stanford Research Institute, vers 1970), mais elle restait
handicapée dans ses résultats par la faiblesse des technologies disponibles et, par voie de
conséquence, par l'absence d'applications pratiques pour lesquelles ce type de robot aurait pu
donner satisfaction et trouver une promotion.
En ce début de xxie siècle, le tournant essentiel de la recherche en robotique se rapporte à la
préoccupation d'une meilleure connaissance de l'homme, tant dans son psychisme que dans
son corps, dans son comportement en société ou au travail, dans ses relations avec les
machines, afin de transposer ces connaissances sur les robots pour trouver la stabilité et la
convivialité avec les machines et préciser le rôle et la place adéquats de ces deux partenaires,
sachant par ailleurs que la technologie disponible et toujours en progrès autorise de nouvelles
ambitions. C'est ce qui explique que la biorobotique ait le vent en poupe et qu'une invasion de
robots à l'image de celle, récente, de l'ordinateur portable ne soit plus à exclure dans quelques
lustres.
I - Robotique
Dans les années 1970, quand les chercheurs ont commencé à réfléchir sur la conception de
robots, on appelait « robotique » la science des robots et/ou l'art de concevoir et fabriquer des
robots. Les succès des robots industriels, qui travaillaient initialement en poste isolé et qui ont
été intégrés à des chaînes de production comme des machines parmi d'autres, ont conduit le
public à élargir le sens du terme « robotique » et à le rendre désormais presque synonyme
d'automatisation. Le correspondant de robotique devrait naturellement être « automatique »
mais ce n'est pas le cas dans le langage courant. Pour compenser ce hiatus se sont créés le mot
« robotisation » et le verbe « robotiser » pour désigner la plupart des automatisations et leur
mise en œuvre, même en l'absence de véritables robots. Dans certains champs d'applications,
des mots calqués sur robotique sont apparus. Il en est ainsi de « domotique » qui désigne tout
ce qui concerne l'automatisation dans l'habitat ou « productique » pour tout ce qui a trait aux
moyens de production.
Aujourd'hui, la robotique est donc l'art d'automatiser des systèmes plus ou moins complexes
mais en s'appuyant sur le savoir-faire acquis par les études sur la conception de robots, savoir-
faire issu des développements d'une branche de l'automatique générale. En effet, on constate a
posteriori que la structure d'une machine ou d'un système n'a pas besoin d'adopter la forme
physique de ce qu'on appelle généralement robot pour que son contrôle adopte les mêmes
composants que ces machines, à savoir : des capteurs internes pour la régulation, des capteurs
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externes pour connaître l'environnement, des moyens d'action motorisés, ainsi qu'une
informatique de commande pouvant faire appel à la programmation et aux techniques de
l'intelligence artificielle par exemple (cf. 2. Le robot industriel). Tous ces composants et leurs
actions peuvent être distribués dans l'espace au lieu d'être rassemblés ou de provenir d'une
seule structure. Par ailleurs, une collaboration de divers ensembles est possible aboutissant
donc à un système robotisé (on dit aussi système robotique) plus ou moins grand (les ateliers
flexibles en sont un bon exemple).
Contrairement à l'évolution de la machine « robot », la robotique ne se dirige pas vers
l'imitation du vivant ou vers son intégration (en dehors d'opérateurs surveillant le système ou
intervenant sporadiquement sur ce dernier). Elle offre des solutions à des problèmes concrets
par des moyens mécaniques ou informatiques sans inspiration anthropomorphique (pour le
moment).
Quoique les applications de la robotique soient nombreuses, c'est surtout pour les opérations
effectuées dans les usines qu'elle trouve son expression et son nom adapté à travers la
productique. Celle-ci consiste à associer divers types de machines, dont des robots, afin
d'améliorer la productivité. Cette association peut se faire de diverses manières en fonction
des opérations. Par exemple, dans le montage d'un ensemble complexe comme celui qui
conduit à la réalisation d'un véhicule, on fera les opérations successives en série (bien que
plusieurs chaînes puissent travailler en parallèle) et chaque poste de travail sera doté de l'outil
convenable, dont des robots qui travaillent soit automatiquement soit commandés par un
opérateur. Pour la fabrication de pièces manufacturées (par usinage, pliage, formage, perçage
etc.), on trouvera des cellules avec quelques robots pour les opérations de manutention et de
positionnement de pièces et des machines à commande numérique pour l'usinage par
exemple. La cellule robotisée est par essence flexible, c'est-à-dire qu'elle permet de fabriquer
(par lots peu importants) des pièces différentes mais nécessitant le même type d'opérations
avec des paramétrages adaptés suivant la pièce. Une cellule peut comporter des opérateurs
pour des tâches manuelles ou bien être entièrement automatisée. Dans ce dernier cas (FMS,
Flexible Manufacturing System), se pose le problème de la programmation du système. On
peut aujourd'hui faire la conception d'une pièce et programmer sa fabrication sur un système
adéquat en s'aidant de l'ordinateur (C.A.O., Conception assistée par ordinateur, et C.F.A.O.,
Conception et fabrication assistées par ordinateur, ou C.I.M., Computer Integrated
Manufacturing). Le programme généré par C.F.A.O. est directement celui ou le même
(émulateur) que celui qui va commander les machines du système de fabrication.
Naturellement, la conception d'un système de C.F.A.O. ne se limite pas à pouvoir réaliser un
ensemble qui fonctionne en étant fiable et sûr. Les impératifs économiques sont les premiers
qui s'appliquent pour, d'abord, faire le choix de ce mode de fabrication, puis pour déterminer
sa structure et son organisation afin qu'il soit rentable. Cette évaluation se fait par des
approches qu'on nomme « techniques de planning ».
De tels principes généraux ne se limitent pas aux industries mécaniques et à l'automobile. Ils
sont utilisés, par exemple, dans la production d'appareils électroménagers, dans l'industrie des
semiconducteurs, dans celle du meuble, de l'agro-alimentaire, de la chimie, des médicaments
dans la construction de bateaux ou d'avions... En fait, dès qu'il y a production de biens, et que
c'est possible et rentable, on trouve partout l'automatisation sous sa forme de robotisation
parce qu'elle amène une flexibilité de la production (c'est-à-dire l'élaboration, avec le même
système de production, de produits différents mais voisins) et l'adaptation en temps, volume et
nature du produit à la demande.
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La robotique, depuis la fin du xxe siècle, a tenté de sortir des usines pour s'insérer dans les
services : transport de matériels dans les hôpitaux, sécurité et surveillance, nettoyage des sols,
assistance chirurgicale (cf. encadré Robotique appliquée et chirurgie), jeux et distractions...
Les succès sont encore limités car une caractéristique du service est que la machine qui le
rend doit être mobile, ce qui pose des problèmes de reconnaissance de l'environnement qu'on
ne sait résoudre que dans des cas particuliers ou sous des contraintes qui permettent de se
passer de cette fonction. C'est cependant ce secteur qui devrait fortement se développer dès
que certains verrous scientifiques auront été levés (cf. 3. Le robot mobile, 4. Biorobotique).
Enfin, quant aux dimensions, on observe qu'à partir du robot « de base » transportant une
dizaine de kilogrammes dans un volume d'1 mètre cube environ, on est allé vers « le haut »
avec des robots transportant jusqu'à environ une tonne sur des distances de plusieurs mètres,
et vers « le bas » en élaborant de tout petits robots pouvant contrôler des déplacements de
l'ordre du micromètre dans quelques centimètres cubes, constituant ainsi ce qu'on nomme la
microrobotique. On a encore tenté de réduire d'un facteur 10 à 100 ces paramètres pour
arriver à la nanorobotique (cf. encadré La microrobotique) qui se fixe comme objectif la
maîtrise du nanomètre (10—9 m, soit un millième de micromètre). À ce stade, on ne peut plus
concevoir les robots à partir des principes de la mécanique classique. Ainsi, les forces
prédominantes ne sont plus électromagnétiques mais font appel aux forces électrostatiques et
aux forces de Van der Waals. En conséquence, la conception de ces machines relève de la
microélectronique avec, par exemple, des actionneurs taillés dans la masse de silicium avec
un rotor de quelques dizaines de micromètres (cf. microélectronique). Parmi les applications
visées, on peut noter celle de l'envoi et du guidage de ces nanomachines dans le corps humain
pour aller déposer des médicaments sur des zones très précises (cf. microsystèmes et
nanotechnologies).
II - Le robot industriel
Les différents composants
Structure mécanique
Le robot industriel est essentiellement un système mécanique articulé qui peut positionner et
orienter un outil porté par son extrémité, de manière quelconque et désirée, dans un certain
volume qu'on nomme espace atteignable du robot. Cet espace est celui qui est balayé par les
articulations.
Les articulations peuvent être disposées en série (robot série, qui peut évoquer la structure
d'un bras humain) ou en parallèle (robot parallèle). Le plus souvent, ce squelette possède six
degrés de liberté : les trois premiers permettent le positionnement et constituent le « porteur »
du robot ; les trois derniers forment l'organe terminal du robot et donnent la faculté
d'orientation. Le porteur peut présenter plusieurs géométries en fonction du choix de la nature
des articulations (translation ou rotation, fig. 1). L'organe terminal porte l'outil de travail qui
dépend des tâches que l'on désire réaliser. Il s'agit souvent de pinces à deux ou trois doigts que
l'on nomme préhenseurs. La plupart du temps, ces préhenseurs sont amovibles et peuvent être
remplacés à la demande par d'autres outils (perceuse, ponceuse...).
Source d'énergie et motorisation
Pour animer ce squelette, il faut bien entendu le doter de moteurs, appelés actionneurs, qui
doivent entraîner les articulations. Ils peuvent exploiter une énergie d'origine pneumatique,
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hydraulique ou électrique ; chaque type, associé à sa source d'énergie, a ses avantages et ses
inconvénients vis-à-vis des critères d'utilisation prévus pour le robot.
L'énergie pneumatique présente quelques attraits : elle est disponible dans les ateliers, sa mise
en œuvre est simple, le fluide n'est pas polluant, elle est bon marché et la maintenance des
systèmes pneumatiques est aisée. Mais elle possède des défauts non négligeables : les
actionneurs sont bruyants et le fluide est compressible, ce qui rend très délicate la réalisation
d'asservissements dans leur commande. On rencontre des actionneurs pneumatiques sur les
robots (ou manipulateurs) dits séquentiels, c'est-à-dire ceux dont les articulations se déplacent
d'une position sur butée à une autre position sur butée sans possibilité d'arrêt intermédiaire.
Les outils portés par les organes terminaux des robots sont souvent aussi à motorisation
pneumatique (pince, perceuse...).
L'énergie hydraulique est celle qui développe la force ou la puissance la plus grande par unité
de volume ou de poids d'actionneur. On la rencontre sur les robots devant déplacer des
charges supérieures au millier de newtons (100 kg). Elle nécessite la présence d'une centrale
onéreuse et a posé des problèmes d'étanchéité et de tuyauteries d'alimentation au niveau des
articulations du robot, aujourd'hui bien résolus. En effet, compte tenu des pressions de fluide
utilisées, les tuyaux deviennent rigides et introduisent des couples parasites s'opposant au
déplacement des articulations.
L'énergie électrique rencontre en général la faveur des utilisateurs ainsi que celle des
constructeurs de robots, surtout pour des charges inférieures à 1000 newtons, mais maintenant
même bien au dessus. Il n'existe pas de pollution ou de fuite ; la commande peut être précise
et fiable grâce à des asservissements robustes ; l'électricité, enfin, est présente partout.
Les actionneurs pneumatiques se présentent sous forme de vérins linéaires, ou même rotatifs,
alimentés via des distributeurs à clapet ou à tiroir monovoie ou multivoie. Il en est de même
pour les actionneurs hydrauliques où l'on rencontre des vérins linéaires à simple ou double
effet ou à effet différentiel, ainsi que des moteurs rotatifs accompagnés de leurs servovalves.
La plupart des types de moteur électrique ont été testés sur les robots. Les moteurs pas à pas, a
priori attrayants parce que semblant à l'avance numérisés, sont très difficiles à maîtriser, car
ils sont sujets à une influence considérable de la charge transportée, instables aux basses
fréquences et nécessitant une commande onéreuse. On leur préfère les moteurs à courant
continu à aimant permanent dont le couple de sortie, indépendant de la position et de la
vitesse du rotor, permet une intégration aisée au sein de boucles classiques d'asservissement.
Les transmissions assurent le lien entre les sorties mobiles des actionneurs et les articulations
à mouvoir. De nombreuses techniques sont utilisées : câbles, rubans métalliques, chaînes,
courroies crantées ou non, engrenages... Les transmissions sont une source de difficultés car
elles induisent des vibrations, des jeux et des frottements réduisant les performances des
robots. C'est pourquoi on utilise fréquemment la technique de l'entraînement direct qui
supprime les transmissions par insertion du moteur au sein de l'articulation, l'axe du moteur
devenant l'axe de l'articulation. Mais ceci exige un accroissement des performances du
contrôle.
Capteurs
Pour amener le robot dans une configuration articulaire désirée, c'est-à-dire à un endroit de
l'espace atteignable avec la bonne orientation, il doit, d'une part, adopter une trajectoire parmi
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