INTRODUCTION GENERALE Les ponceaux sont des ouvrages aménagés sur un cours d'eau en vue d'en permettre le franchissement tout en assurant le libre écoulement des eaux et la libre circulation du poisson. La section d'écoulement est habituellement constituée d'une conduite fermée de forme circulaire, rectangulaire, arquée ou en arche, installée sous un remblai. Dans notre exposé nous allons essayer de donner les objectifs visés lors la construction des ponceaux, la description des types de ponceaux, l’hydraulique des ponceaux, les courbes de performance, leur conception ainsi que la planification et la construction des ponceaux. I. OBJECTIFS Les ponceaux ayant un diamètre ou une largeur libre de 3,6 mètres et moins constituent généralement un moyen efficace et peu coûteux pour franchir les cours d'eau. Ils sont généralement installés en permanence dans le cours d'eau et de ce fait, ils doivent être conçus pour résister aux rigueurs du climat et faciliter les conditions d'écoulement avec glaces et débris. La largeur utile de la travée carrossable doit être adaptée à l'usage de la traverse. Pour cela ils doivent permettre : le libre écoulement des eaux lors des crues; le libre écoulement des glaces et des débris; la création d’une traverse stable et durable; une résistance suffisante aux charges appliquées; le maintien de la stabilité du lit et des rives du cours d'eau en amont et en aval; la libre circulation du poisson. II. TYPES DE PONCEAUX Les ponceaux sont caractérisés par leur forme, le type de matériaux utilisés et leur installation dans le remblai. II.1.Les différentes formes Les canalisations hydrauliques peuvent être à contour ouvert ou fermé. II.1.1.Les canalisations à contour ouvert Les canalisations à contour ouvert sont principalement rectangulaires (dalots) ou voutés (buses). Fig1 : Les canalisations à contour ouvert. II.1.2.Les canalisations à contour fermé Les canalisations fermées sont de formes circulaire, rectangulaire, arqué et hémisphérique. Les ponceaux de forme circulaire (buses) sont les plus répandus en raison de leur facilité d'installation et de leurs faibles coûts. Cependant, ce type de ponceau réduit la section d'écoulement, accélère la vitesse de l'eau, s'obstrue facilement par des débris et rend la circulation du poisson plus difficile. Des mesures de stabilisation sont généralement nécessaires pour le protéger. Fig2 : forme circulaire. La forme rectangulaire (dalots) est réservée aux ponceaux en béton ou en bois. Utilisée pour des profils bas, cette forme maintient une largeur d'écoulement constante peu importe la profondeur d'eau. Si l'aménagement d'un radier n'est pas nécessaire, ce type de ponceau offre peu de restrictions au passage du poisson et permet de conserver le lit naturel sous le ponceau. Fig3 : forme rectangulaire. La forme arquée (buses) est utilisée lorsque la hauteur du remblai est limitée. Comparativement au ponceau de type circulaire, cette forme permet un débit plus important tout en conservant une hauteur d'écoulement minimum, mais nécessite toutefois plus de précautions lors de la construction (fondation, Compaction). Ce type de ponceau cause également moins d’impacts sur l'habitat du poisson. Fig4: forme arquée. La section d'écoulement de forme hémisphérique (buses) présente un arc semi-circulaire qui repose sur une semelle ou un radier. La structure appuyée sur une semelle en béton nécessite un sol résistant à l'érosion et à l'affouillement. La forme hémisphérique est, avec la forme rectangulaire, celle qui offre le moins de restrictions à la circulation des poissons. Fig5: forme hémisphérique. II.2.Les matériaux Le matériau utilisé pour la canalisation hydraulique est la tôle d’acier galvanisé ondulé, le béton, le bois et le polyéthylène pour les ponceaux de petite taille. La base sur laquelle la canalisation hydraulique est installée est appelée le radier et elle est en béton ou utilise le matériau originel ou de remblai mais ce matériau doit être suffisamment stable pour recevoir la structure de canalisation et les charges du remblai et des véhicules y circulant. Le remblai est généralement constitué de matériau grossier (gravier, concassé et pierres de différentes tailles). Dépendant de la hauteur du remblai, le matériau doit être compacté pour mieux résister à l’infiltration et à l’affouillement. III. CONCEPTION DES PONCEAUX 1. Type d’installation et entonnement Les ponceaux sont aussi caractérisés par le type d’entonnement ou la configuration de l’entré de la canalisation hydraulique face à l’écoulement. Les types d’entonnement sont : Saillant du remblai : La canalisation est installée au--dessus du radier et le matériel de remblai est déversé au-dessus de la canalisation. Compte tenu que le remblai doit respecter l’angle de repos du matériel, celui-ci a une pente et la longueur de la canalisation doit être augmentée pour respecter cette réalité. Mur de tête : Une structure verticale est installée à chaque bout de la canalisation pour y retenir le matériel de remblai. Cette structure peut être en béton, en pièces ou billes de bois (d’intérêt en milieu forestier) ou en gabions. L’utilisation d’un mur de tête permet de diminuer la longueur de la canalisation par rapport au remblai. Les murs de tête sont fréquents avec les ponceaux rectangulaires en béton. Fig6: Type d’entonnement. Biseauté parallèlement à la pente du remblai : Les bouts des canalisations en tôle d’acier ondulé peuvent être coupés pour épouser la pente du remblai. Cette coupe augmente la surface d’entré de l’eau, diminue la résistance à l’écoulement à l’entré et augment la capacité du ponceau de l’ordre de 10 %. 2. Facteurs hydrauliques Techniquement, un ponceau est essentiellement une structure hydraulique. À ce titre, la mise en place d’un tel ouvrage doit se faire en respectant les principes de base de l’hydraulique des ponceaux. En milieu rural comme en milieu urbain, il est très important d’intégrer le design des ponceaux à l’aménagement des cours d’eau si nous voulons bâtir un système rationnel qui rencontre les besoins du milieu. Les écoulements dans les ponceaux sont classifiés en deux grandes catégories : l’écoulement avec ”contrôle à l’entrée” et l’écoulement avec ”contrôle à la sortie”. Il existe un troisième type d’écoulement à la limite entre ces deux types d’écoulement, l’écoulement critique. 2.1. Ecoulement avec contrôle à l’entrée L’expression “contrôle à l’entrée” signifie que la géométrie (forme du ponceau, dimensions, type d’entonnement) de l’entrée du ponceau détermine la capacité du ponceau pour une hauteur d’eau à l’entrée. Par définition, un écoulement est “avec contrôle à l’entrée” se rencontre lorsque la profondeur de l’eau à la sortie du ponceau est moindre que la profondeur critique d’écoulement. Pour cette condition, la hauteur de 1’eau à l’amont Ham ne dépend que du débit et de la géométrie du ponceau et de son type d’entonnement. Fig7: Ponceau avec contrôle à l’entrée. L’entrée du ponceau peut être submergée ou non submergée. La courbe qui suit montre que lorsque l’entré du ponceau n’est pas submergée, le ponceau se comporte hydrauliquement comme un déversoir. Lorsque la hauteur d’eau à l’entrée du ponceau est nettement supérieure à la hauteur libre du ponceau, celui-ci se comporte hydrauliquement comme un orifice submergé. Entre ces deux conditions se situe une zone de transition. Les équations de la capacité des ponceaux en contrôle à l’entrée intègre ces deux conditions et la zone de transition par une équation continue. Fig8 : Courbe montrant les types d’écoulements dans un ponceau en fonction de la hauteur d’eau à l’entrée lorsqu’en contrôle à l’entrée. En général, les cours d’eau ayant une pente supérieure à 1% favorisent un écoulement avec contrôle à l’entrée pour les ponceaux qui y sont installés. 2.2. Ecoulement avec contrôle à la sortie Un écoulement est ”avec contrôle à la sortie” lorsque la friction dans le ponceau contrôle l’écoulement. Dans ce cas, la hauteur d’eau à l’amont dépend non seulement des pertes provoquées par les conditions d’entrée mais également des pertes de charge dynamiques et des pertes de charge par friction à l’intérieur de la conduite. Comme le montre la figure 9, l’écoulement avec contrôle à la sortie peut être regroupé en quatre cas. Le premier représente un écoulement où la sortie est submergée. Dans le deuxième cas, la conduite coule pleine malgré que la sortie soit non submergée car la profondeur critique de l’écoulement est supérieure à la hauteur libre du ponceau. Dans le troisième cas, la conduite coule partiellement pleine et la hauteur d’eau à la sortie se trouve à mi--chemin entre la profondeur critique d’écoulement et la hauteur libre du ponceau. Le quatrième cas représente une conduite coulant partiellement pleine sur toute sa longueur mais où la profondeur d’eau est supérieure à la profondeur critique de l’écoulement. Fig9 : Ponceau avec contrôle à la sortie. 2.2. Ecoulement critique La profondeur critique est associée à l’écoulement critique qui se produit lorsque le niveau d’énergie spécifique est minimum. Cette profondeur est la hauteur de la lame d’eau dans une conduite ou un canal qui est la limite entre un écoulement turbulent et un écoulement fluvial. Cette profondeur critique est fonction du débit et de la géométrie de la conduite. 3. La hauteur admissible de l’eau dans la canalisation Il est bien entendu que cette hauteur admissible de l’eau doit être appliquée non seulement au niveau amont immédiat d’un ponceau mais également sur tout le tronçon du cours d’eau affecté par les effets de la courbe de remous. Les critères suivants sont proposés : La hauteur amont (Ham) doit être inférieure à la profondeur du cours d’eau. La hauteur amont (Ham) doit être inférieure à la profondeur normale d’écoulement plus 30 cm pour éviter que le ponceau, en agissant comme barrage, puisse voir éroder son remblai par l’infiltration de l’eau dans le remblai compte tenu de la faible compaction du remblai en l’absence d’équipement spécialisé. Cette valeur semble sécuritaire pour les ponceaux remblayés sans compactage contrôlé. La hauteur d’eau amont (Ham) ne doit provoquer une courbe de remous qui affecte la hauteur d’eau à la sortie du ponceau situé à l’amont. Sinon, deux ou plusieurs ponceaux sous dimensionnés peuvent provoquer un effet d’enfilade comme illustré à la figure10. Figure 10 : Effet d’enfilade d’une série de ponceaux. L’effet d’enfilade (définition) L’effet d’enfilade est déterminé en calculant la courbe de remous à l’amont d’un ponceau. La courbe de remous s’établit à partir du calcul de la hauteur d’eau à l’amont d’un ponceau. IV. CONSTRUCTION DES PONCEAUX Lorsque vient le temps de construire le ponceau, on doit s’assurer que les exécutants connaissent bien la nature des différents travaux, le site où ils doivent les exécuter et les objectifs visés. De plus, on doit veiller à ce que les rives du cours d’eau soient protégées tout au long des travaux. Si nous voulons construire un ponceau pour lequel une inondation complète (déversoir) est tolérée, la précaution à prendre en plus des recommandations mentionnées ci-après, ce sera de prévoir remblayer le ponceau avec de la pierre de façon à ce qu’il demeure en place en tout temps. La pierre doit être la plus grosse possible de façon à ce que le facteur de sécurité soit suffisant pour assurer une bonne protection. Si nous voulons construire un pont ou un ponceau pour lequel il est toléré qu’il soit contourné par l’eau pendant les crues, la précaution supplémentaire à prendre c’est de prévoir à l’approche de ces structures, un remblai constitué de pierres suffisamment grosses pour résister à la force érosive des courants. Pour tout ponceau, il faut suivre les recommandations des sections qui suivent. 1. L’assèchement de la zone de travail Lorsqu’on aménage un ponceau, on doit assécher la zone de travail, partiellement sinon totalement, avant d’installer le tuyau. Idéalement, on devrait faire cette opération en période d’étiage, alors que le niveau d’eau est bas. De plus, quelle que soit la méthode retenue, on doit toujours s’assurer qu’il y a suffisamment d’eau pour permettre à la faune aquatique de circuler en aval du site. Si des poissons sont coincés dans une section asséchée du cours d’eau, on doit s’empresser de les remettre en eau vive. 1.2. L’assèchement total L’assèchement total est vraiment la meilleure façon de procéder, car toutes les étapes de construction du ponceau, depuis la préparation de la fondation jusqu’à la stabilisation des remblais, se font alors au sec. On peut avoir recours à diverses techniques pour assécher complètement le site du ponceau. 1.2.1. La technique du pompage Si le cours d’eau est de petite taille, on peut se contenter de transférer l'eau d'un côté à l'autre du chemin, à l’aide d’une pompe. Il suffit de tirer profit d’une baisser naturelle, à l’amont du site, pour faciliter la succion, puis de laisser couler l’eau pompée plus bas dans le cours d’eau. Dans certains cas, on est forcé d’aménager un batardeau. Pour que cette structure ne laisse pas l’eau s’infiltrer, on doit en tapisser le côté amont d’une membrane imperméable (une toile de polythène, par exemple). De plus, on doit déposer une membrane géotextile assez longue à l’extrémité de la conduite d'eau afin de prévenir l’érosion du lit et des berges du cours d'eau. Figure 11 : Assèchement total de la zone de travail, à l’aide d’une pompe. NB : la technique peut être adaptée pour les buses et dalots. 1.2.2. La technique de la buse Cette technique consiste à installer un tuyau de diamètre inférieur à celui retenu pour le ponceau et d’y faire circuler l’eau temporairement, depuis le batardeau amont jusqu’au-delà du batardeau aval. Le diamètre de la buse dépend des conditions hydrauliques qui prévalent sur le site : vitesse du courant, largeur d'écoulement, conditions météorologiques saisonnières, etc. Il doit aussi être suffisant pour supporter des débits d’eau supérieurs. Figure 12 : Assèchement total de la zone de travail, à l’aide d’une buse. NB : la technique peut être adaptée pour les buses et dalots. 1.2.3. La technique du rétrécissement du cours d'eau Les batardeaux peuvent être utilisés pour faire dévier une partie du cours d'eau tout en le laissant dans son lit. Cette technique est particulièrement intéressante lorsqu’on aménage des ponceaux à tuyaux parallèles. Après avoir installé un premier tuyau à sec, on enlève le batardeau qui en bouche l’ouverture pour laisser l'eau y circuler, puis on aménage un deuxième batardeau dans la section d'écoulement du cours d'eau afin de pouvoir installer les autres tuyaux à sec. Figure 13 : Assèchement total de la zone de travail selon la technique du rétrécissement du cours d’eau. NB : la technique peut être adaptée pour les buses et dalots. 1.2.4. La technique du canal de dérivation temporaire La marche à suivre pour créer un canal de dérivation temporaire est illustrée à la figure 14. Cette technique peut être très néfaste pour l’environnement si les travaux sont mal planifiés et mal réalisés. On recommande très fortement de couvrir le fond et les côtés du canal d’une membrane géotextile ou imperméable afin de limiter l’érosion au minimum. À la fin des travaux, on doit retirer cette membrane, enlever ou défaire les batardeaux et remblayer le canal de dérivation temporaire. Figure 14 : Lignes directrices pour l’aménagement d’un canal de dérivation temporaire. Marche à suivre 1. Creuser le canal de dérivation temporaire du cours d'eau, en laissant les deux extrémités « A » et «B » fermées, et en couvrir le fond ainsi que les côtés d’une membrane géotextile ou imperméable. 2. Enlever graduellement la digue qui bouche l’extrémité « A », en amont du canal de dérivation. Laisser l’eau décanter. 3. Enlever la digue à l’extrémité « B », en aval du canal de dérivation. 4. Installer la digue « D » en amont de la section du cours d'eau où l’on doit aménager le ponceau. 5. Après avoir laissé le lit du cours d’eau se vider, installer la digue « C ». 6. Installer le tuyau. 7. Ouvrir graduellement la digue « D » installée en amont du site. Laisser l’eau décanter. 8. Enlever la digue « C » installée en aval du site. 9. Remblayer le canal de dérivation, en commençant à l'amont. 10. Stabiliser les rives de la section du cours d'eau où l’on a effectué les travaux et restaurer la couverture végétale sur le canal de dérivation, après l’avoir remblayé. NB : la technique peut être adaptée pour les buses et dalots. 1.3. L’assèchement partiel L'assèchement partiel ne doit être pratiqué que lorsqu’une intervention intense, mais de courte durée, est préférable du point de vue environnemental. Cette technique combine la préparation de la fondation du ponceau en eau vive, au remblayage et à la compaction de l’ouvrage à sec. On peut l’appliquer lorsque le lit du cours d'eau est constitué de sable ou de gravier et qu’il faudra peu de temps pour préparer la fondation. L’assèchement partiel permet de tenir compte des particularités du site et de faire le meilleur compromis possible entre la technique et l’environnement. Toutefois, comme elle ne crée pas des conditions d’installation optimales, on recommande d’avoir recours à des tuyaux plus épais. De plus, on a intérêt à consulter les manufacturiers afin de choisir des matériaux adéquats. Pour assécher partiellement la zone de travail, on creuse d’abord la fondation, on y dépose le tuyau, puis on façonne des remblais, de part et d’autre des ouvertures, en commençant par l’extrémité amont. L’eau qui s’infiltre le long du tuyau est pompée vers une zone de végétation, à 20 mètres au moins du cours d’eau. On est ainsi en mesure de compléter les travaux de remblayage et de compactage à sec. Figure 15 : Assèchement partiel d’une zone de travail. NB : la technique peut être adaptée uniquement pour les buses metalliques. 1.4. Les batardeaux Le batardeau est un ouvrage temporaire construit autour d'un site pour l'assécher et le protéger contre toute infiltration d'eau. 2. La préparation de la fondation Le type de fondation dépeint du type de ponceau BUSES ou DALOTS. 2.1. Les buses Description Différents types de buses Les buses sont des ponceaux de forme circulaire. Elles peuvent être réalisées suivant diverses techniques dont les principales sont : • la mise bout-à-bout de tuyaux préfabriqués en béton armé ou non, • l'assemblage d'éléments métalliques, • le coulage du béton sur des coffrages circulaires obtenus en général par gonflement d'une membrane. 2.1.1. Fondation des buses Dans tous les cas, certaines précautions sont à prendre pour assurer le contact entre la conduite ainsi constituée et le sol en place. Buse posée sans fondation. La résistance du sol a diminué à cause de L’infiltration et le sol a cédé. Figure 16 : CONSEQUENCE DE LA POSE D’UNE BUSE SANS FONDATION. Cette précaution consiste généralement en la réalisation d'un berceau en gros béton (cas des buses en béton armé) ou d’un bloc technique en terre sélectionnée (cas des buses métalliques).Si ces précautions ne sont pas prises, le sol situé sous la buse est détrempé par les eaux qui s'échappent à travers les joints et cède sous l’action répétée des véhicules.