USAGES DES TIC AU MUSEE NATIONAL DU CAMEROUN: ENTRE BALBUTIEMENTS ET PISTES DE DEVELOPPEMENT. ICT’s USE AT THE NATIONAL MUSEUM OF CAMEROON: BETWEEN BALBUTIMENTS AND TRACKS OF DEVELOPMENT. Par Martial Sylvain Marie ABEGA ELOUNDOU, Enseignant-Chercheur, Laboratoire DICEN-IdF (EA 7339 Résumé : S’intéressant à l’usage des TIC au Musée National du Cameroun au moment où se posent des questions sur la restitution de l’important patrimoine culturel africain domicilié en France, ce texte analyse dans un contexte africain d’insuffisances de ressources ; les démarches de conservation et de valorisation du patrimoine culturel muséal via des TIC. Par une enquête quantitative et une méthode qualitative, et mobilisant des démarches interactionniste et transactionnelle, la réflexion révèle : des visiteurs au profil essentiellement scolaire et universitaire, des médiations numériques et culturelles exclusivement assurées par les guides muséaux ; une faible autonomie du public dans le parcours muséal ; des caractéristiques ethniques et linguistiques facilitatrices de la compréhension et de l’assimilation des connaissances culturelles médiatisées, l’identification et l’enracinement culturels des publics par des objets patrimoniaux médiatisés, des artefacts numériques actant comme révélateurs de l’altérité et du sentiment d’appartenance culturelle et nationale. Cet existant inspire des efforts de modernisation des musées africains, d’appropriation des TIC et d’adaptation des offres de services dans une perspective de développement durable. Mots-clés : musée, insuffisances de ressources, TIC, usages, appropriation, médiation numérique, médiatisation, représentations, développement durable. Introduction Les musées africains sont interpellés par l’actualité brûlante de la restitution du patrimoine culturel africain détenu par la France. Savoy et Sarr (2018) font ressortir dans leur rapport Restituer le Patrimoine Africain, que 90% du patrimoine des biens culturels de l’Afrique Sub-saharienne se trouve hors du continent. Le seul Musée du Quai Branly regorge de 70 000 œuvres d’art -dont 7 838 d’origine camerounaise-confisquées à l’Afrique notamment lors de la période coloniale. Au-delà « des accords bilatéraux à conclure avec chaque Etat africain qui en fera la demande afin de prévoir la restitution de biens culturels transférés hors de son territoire d'origine » pendant la période susmentionnée ; se pose la question de la capacité actuelle et immédiate des pays africains à conserver, développer et valoriser le patrimoine ainsi revendiqué. Les défenseurs du statut quo soutiennent que l’Afrique n’est pas prête à recevoir un tel patrimoine, d’autres nuancent, à l’instar d’Hamady Bocoum, Directeur Général du nouveau Musée des Civilisations Noires de Dakar : « Le plus important c’est le principe. Je pense que l’une des conditions quand même, c’est d’avoir des équipements adaptés ». Les démarches d’équipement des musées des pays africains passent sans doute par un état de l’art -c’est le cas de le dire-, notamment pour ce qui concerne les ressources TIC. La présente réflexion porte précisément sur l’introduction et les usages des TIC au Musée National du Cameroun. Ladite institution est située à Yaoundé, dans un bâtiment qui constitue en lui-même un objet patrimonial chargé d’Histoire. Construit en 1930 par le Gouverneur français Marchand, l’édifice qui abrite le Musée National a servi -avant l’indépendance du pays en 1960- de résidence aux représentants de l'autorité administrative française au Cameroun. Vers la fin des années 1940, cet immeuble devient le palais des gouverneurs, ceci jusqu’en 1950. A partir de 1960, les services de la Présidence du Cameroun y sont logés, faisant de cette enceinte, le théâtre central de la vie politique nationale jusqu’en 1980. Le bâtiment est transformé en Musée National du Cameroun en 1988. Des travaux de rénovation y sont entrepris de 2009 à 2015, provoquant une fermeture de six années de l’institution. L’actuel Musée National s’étend sur une superficie de 5000 mètres carrés, avec une trentaine de salles équipées en objets d’art, divers outils d’exposition et de visite dont les TIC. Se positionnant comme le symbole de la régénération et de la renaissance de la culture camerounaise, ce musée donne à voir un riche patrimoine culturel constitué d’objets d’art divers du Cameroun. Mais, cet important patrimoine semble contraster avec la modicité des moyens affectés aux démarches de modernisation numérique des activités du Musée National. La problématique et les objectifs de l’étude Des questions se structurant autour des thématiques de l’usage et de l’appropriation des TIC au Musée National du Cameroun, ainsi que des représentations qui en résultent, sont posées par le présent travail : quels types de TIC y sont mobilisés? Quels en sont les usages et appropriations dans un contexte caractérisé par l’insuffisance des ressources ? En quoi les TIC progressivement introduites dans les activités du Musée National viennent-elles modifier/reconfigurer lesdites activités ? Quelles opinions et perceptions en résultent ? Quelles pistes de développement envisager pour une meilleure appropriation de l’objet patrimonial muséal, une meilleure valorisation et vulgarisation de la richesse du musée par les TIC? L’objectif de ce travail est de comprendre dans des contextes africains caractérisés parfois par des pénuries, les usages et appropriations des TIC dans les processus de médiation dans les musées. Il s’agit également de déterminer les pistes de développement des musées africains, appelés aujourd’hui à assurer la gestion d’un plus grand nombre de biens patrimoniaux. Explorations épistémologiques: quelques concepts et théories La « médiation numérique » dans le cadre de cette étude est comprise comme la médiation culturelle par les technologies, l’une des définitions de Sandri (2016) rappelée par Badulescu (2018). Globalement, la médiation est dans ce travail, saisie au sens de la « médiation conjointe » qui articule la médiation numérique, muséale et sociale, comme précisé par De la Ville et Badulescu (2018), appelés par Badulescu (2018). Le concept de médiatisation est considéré comme la mise en forme d'un contenu à travers un média, un processus de création de dispositifs médiatiques ou de communication dans lequel la scénarisation occupe une place prépondérante tel qu’expliqué par Peraya et Meunier (2004), eux-mêmes évoqués par Garsallah (2008). Les usages « bricolés » sont entendus dans le sens de Comtet (2009), c’est-àdire comme ceux captant la perspective exclusivement utilitariste de l’usage des TIC. Cette approche dérive de celle de Lévi-Strauss (1962) qui étudie « L’intelligence pratique des hommes », et de celle de Ciborra (2004b) qui se penche sur le fossé entre la théorie de l’usage des TIC et la pratique du développement de ces dernières ; pour mettre à jour des « pratiques d’improvisation et de débrouillage ». Ceci permet de comprendre comment le personnel du Musée National fait parfois preuve d’inventivité, à partir de l’équipement disponible mais insuffisant/non adapté, pour atteindre des objectifs de médiation. Les usages « prescrits » procèdent de la perspective de Chaptal (2007) et Dauphin (2012) c’est-à-dire de celle des usages recommandés lors de la mobilisation des TICE ; mais pour les mettre en parallèle avec ceux réellement observés. L’appropriation des TIC en contexte muséal est ici comprise au sens de Betaille, Nanard & Nanard (2001) cités par Andreacola (2014), elle-même inspirée par De Certeau (1990), Jaureguiberry & Proulx (2011) ; dont les travaux révèlent des pratiques de manipulation, de détournement, de création dans les habitudes supposées de consommation des usagers des TIC. Ce concept est alors mobilisé dans la perspective d’une plus forte implication des publics visiteurs aux expositions du musée. Le présent travail appelle aussi l’approche interactionniste qui «considère séparément le contexte, les facteurs personnels, les processus psychologiques et les variables temporelles », pour montrer les interactions entre ces composantes, afin d’en saisir les corrélations ; comme montré par Eidelman, Gottesdiener et Le Marec (2013 : paragraphe 09 du document en ligne). Le sens de l’interactionnisme compris dans l’évaluation des apprentissages par Morissette (2010) est aussi évoqué: il s’agit d’une perspective qui situe l’angle d’analyse de l’individu dans un ensemble complexe d’activités sociales, dans des comportements humains compris comme parties prenantes d’un contexte d’interactions. Il s’agit aussi d’un interactionnisme symbolique, c’est-à-dire s’ancrant dans l’étude des « phénomènes sociaux sous l’angle des interactions qui lient les acteurs au quotidien, cherchant à rendre compte des significations qu’ils engagent dans ces interactions » (Morissette, 2010 : paragraphe 07 du document en ligne). Et c’est ici que les fondements de la sociologie compréhensive de Mead (2006), axés sur les problématiques liées à l’univers des significations auxquelles les acteurs se réfèrent et aux logiques qui sous-tendent leurs actions ; croisent les approches de la réception et des représentations propres aux SIC. Ce qui au demeurant fait écho aux constats d’Eidelman, Gottesdiener et Le Marec (2013 : paragraphe 09 du document en ligne), selon lesquels « Les travaux qui portent spécifiquement sur la réception des expositions se trouvent au carrefour de plusieurs domaines de recherches, dont la psychologie et les sciences de l’éducation, la sociologie de l’art et de la culture, les sciences de l’information et de la communication». Le présent travail emprunte ainsi le mouvement des premières études d’évaluation-au XXème siècle aux Etats-Unis avec Samson, Schiele & Di Campo (1989) - des expositions muséales axées sur la réception. Il s’agit dans le cadre de cette réflexion, de considérer de manière précise comment le visiteur-acteur est en interaction constante avec la situation muséale et dans quelle mesure sa « visite est une expérience sociale, culturelle, affective, voire politique, qui s’intègre dans des corps de pratiques et dans des rapports aux territoires, aux institutions, aux médias». (Eidelman & Roustan 2008 ; Le Marec, 2007) convoqués par Eidelman, Gottesdiener et Le Marec (2013 : paragraphe 07 du document en ligne). Le concept de représentation est dans le cadre de ce travail considéré comme la somme de plusieurs approches : « une construction mentale, plus ou moins chargée affectivement, constituée à partir de ce que la personne a été, et de ce qu’elle projette, guidant son action et le comportement qu’elle va adopter », comme dans la compréhension de Postic, De Ketele (1988 : 37) évoqués par Cordier (2011), qui résume au demeurant le concept de représentation comme à la fois le reflet d’une relation entre le sujet et l’objet, laquelle cristallise les valeurs et normes du groupe social auquel appartient le sujet. Etudier les représentations des publics en musée, c’est aussi se situer dans le courant de pensée de Samson, Schiele & Di Campo (1989), Gottesdiener (1987), Le Marec & Chaumier (2009) dont les travaux portent sur les évaluations centrées sur la réception des expositions. Nous plaçons également le concept de représentation aux côtés de celui très voisin de construction du sens, considérant qu’ «Au cours de ses parcours dans l'espace muséographique, le visiteur mobilise […] ses références cognitives, affectives, sociales, sa capacité à analyser, à rendre compte et à mettre en pratique ses logiques d'appropriation, prenant directement part à la production du sens et à la construction de ses connaissances », comme expliqué par Vol (1998 : 6). Mobilisant l’approche transactionnelle, nous considérons à l’instar d’Altman & Rogoff (1987) appelés par Eidelman, Gottesdiener et Le Marec (2013), que l’exposition se compose entre autres d’aspects psychologiques, temporels et environnementaux ; lesquels se conjuguent au cours de la visite du public pour notamment produire des connaissances et des savoirs. L’approche transactionnelle est ici consignée du point de vue des Sciences de l’Information et de la Communication-SIC-, c’est-à-dire sous leur aspect communicationnel au sens de Renault (2007) : en plus de la dimension matérielle, les transactions comportent également une dimension communicationnelle, ceci par la perspective commune aux acteurs en situation qui mobilisent un langage qui leur est propre. Cette pensée est dans le sillage de Dewey (1938 :106) qui expliquait que l’approche transactionnelle oblige « l’individu à adopter le point de vue des autres individus, à voir et à enquêter d’un point de vue qui n’est pas strictement personnel, mais leur est commun à titre d’“associés” ou de “participants” dans une entreprise commune ». Y faisant suite, Zacklad montre que « le concept de transaction, que nous empruntons à Dewey et Bentley (1949), correspond […] à des interactions productives, le plus souvent associées à des rencontres (mais pouvant être également largement asynchrones), permettant la transformation d’un artefact médiateur et des personnes parties prenantes pour réaliser une performance.» (Zacklad, 2013 : 193). Considérations méthodologiques Le travail a combine une étude quantitative articulée à une démarche qualitative, aussi bien pour le personnel du musée que pour les visiteurs. S’agissant de la méthode quantitative, deux types de questionnaires (sur papier) ont été distribués au cours du mois d’août et de septembre 2018 au Musée National : l’un destiné au personnel de cette institution, l’autre aux visiteurs. Les objectifs de ce recueil de données sont essentiellement de comprendre le niveau d’intégration et d’usage des TIC au Musée National, de même que les perceptions et représentations qui en résultent ; notamment au sein du public visiteur. Nous en avons visé un échantillon de 100, mais n’avons obtenu que 84 remontées. Les raisons avancées par les dirigeants du Musée National (sur la faible taille des répondants) portent sur la période choisie pour mener l’enquête : les mois d’août, septembre, octobre correspondent à la « basse saison » du musée, les visiteurs -notamment occidentauxpréférant les périodes de décembre, janvier et février pour y effectuer des déplacements. Une lecture analytique des données et informations recueillies sur le terrain est menée dans les lignes qui suivent, en deux mouvements: l’examen des données issues des entretiens avec le personnel du Musée National, puis la lecture des informations collectées auprès des publics visiteurs. La technique de tris-à-plat est utilisée (avec le logiciel SPSS 18) pour ce qui concerne le traitement de des données provenant de 84 répondants. La méthode de régression probit avec le logiciel Stata 12 est aussi mobilisée, avec pour objectif d’analyser la causalité entre les variables qualitatives binaires. Dans l’étude qualitative, nous analysons les données provenant des entretiens individuels en face-à face et en focus group, aussi bien pour le personnel du musée que pour le public visiteur. Analyse des données, résultats empiriques et théoriques. Dans cette section, un examen est effectué des données issues respectivement de l’enquête menée auprès du personnel du Musée National du Cameroun, de l’investigation quantitative effectuée auprès des publics visiteurs, et des entretiens conduits auprès de tous ces interviéwés. Réflexions sur les données collectées au niveau du personnel du Musée National Sans nier l’importance des concepts théoriques, ce paragraphe est essentiellement nourri par des données (notamment des représentations) issues du terrain, nous inscrivant dans une approche faisant écho aux réflexions d’Urbas (2014 : 312) selon lesquelles «…du point de vue des SIC, l’analyse de situations concrètes permet de dépasser le seul cadre d’une transmission d’informations, pour s’interroger sur l’importance des formes du tiers dans le contexte de construction du sens». Après avoir décrit les missions assignées au Musée National ainsi que le patrimoine culturel que donne à voir cette institution, ce paragraphe aborde tour à tour les équipements TIC en place au musée, le profil des personnes y travaillant ; ainsi que les perceptions qu’elles ont de l’usage des TIC au sein de cet établissement. Les missions assignées au Musée National du Cameroun Réouvert officiellement le 15 janvier 2015 à la suite des travaux de réhabilitation ayant commencé en 2009, le Musée National du Cameroun est devenu un cadre de conservation, d’exposition, de préservation et de promotion du patrimoine culturel national. Cette institution a entre autres pour missions : - d’acquérir, rassembler, classer, conserver et présenter au public des collections d’œuvres ayant un intérêt historique, scientifique, technique et artistique ; - de favoriser la connaissance de ces collections par le suivi scientifique, tout en développant la fréquentation du Musée ; - de concourir à l’éducation, à la formation et à la recherche dans les domaines de l’histoire de l’art, de l’archéologie et de la muséographie. Que donne globalement à voir le Musée National du Cameroun ? Les visiteurs peuvent découvrir dans cette institution les instruments de musique patrimoniale du Cameroun exposés dans trois salles. Une autre pièce d’exposition est réservée aux parures et tenues patrimoniales ; tandis qu’un espace est dédié à l’architecture patrimoniale. Ici sont magnifiés l’esthétique, les savoir-faire et les matériaux locaux du Cameroun. Dans la partie supérieure du musée, le visiteur peut contempler des archives photos qui retracent l’Histoire politique, sociale, économique et culturelle du Cameroun, ainsi que l’exposition de quelques collections du Musée des Peuples de la Forêt, exposition consacrée exclusivement à la maternité ; et qui symbolise la naissance douloureuse de la nation camerounaise. Le musée comporte aussi un espace réservé à la cohabitation entre des symboles du pouvoir traditionnel et des emblèmes et sceaux du pouvoir moderne. Une salle a été aménagée pour recevoir des objets archéologiques issus de différentes fouilles effectuées par des chercheurs camerounais et étrangers, et une section constituée de cinq stands expose des collections en poterie et des calebasses ayant servi comme objets usuels à de différents peuples du Cameroun. Une partie de ce patrimoine se trouve médiatisée dans des outils TIC, comme nous le détaillons plus loin dans ce travail. Equipements TIC au Musée National et démarche de visibilité numérique Les informations relatives aux outils numériques présents au Musée National révèlent une prédominance des tablettes numériques (09 IPad) et des bornes interactives (au nombre de 08). On note aussi la présence de 03 tablettes numériques I-Pod, d’un vidéoprojecteur, de deux casques d’écoute, et d’un modem Internet. Ces chiffres expriment la modicité de l’équipement TIC dans ce musée. Le personnel interviewé met en avant l’insuffisance des moyens affectés par l’Etat au volet équipement TIC de l’institution. Le site Internet du Musée National est en construction, d’après les informations recueillies sur place. Les premières démarches de présence sur Internet remontent cependant à 2014, par l’ouverture d’un compte Facebook, effectuée par Dr. Mahamat ; Directeur Adjoint du Musée National. Cette présence sur Internet actuellement limitée au compte Facebook- peut être lue comme une démarche de contournement de l’insuffisance des moyens consacrés à la numérisation et à la digitalisation de l’institution. Cette unique présence fait aussi écho aux débuts de digitalisation de certaines organisations culturelles observés en Europe, comme le révèle le travail de Couillard (2017 : 277-278) : «…lorsqu’un établissement ne s’affiche que sur un seul réseau, 80 établissements sur 82 portent leur choix sur Facebook […] Ce choix de la part des établissements d’investir l’espace où ils ont l’audience potentielle la plus importante est donc pragmatique et stratégique ». Globalement, on note l’absence au Musée National d’une stratégie numérique clairement définie. Un tel cadre devrait pourtant inspirer les démarches d’équipement du musée en TIC, ainsi que le développement de leurs usages. Les contenus numériques existants restent à développer, afin d’assurer entre autres l’interactivité et emmener le visiteur à gagner en autonomie. Des compétences diverses et le défi de la formation aux usages des TIC S’agissant du profil socio-professionnel du personnel du Musée National, l’établissement a à sa tête deux universitaires -le Directeur et son Adjoint sont des Enseignants-Chercheurs d’Université d’Etat-, alors que les médiateurs culturels, au nombre de 42 -la majorité ayant un niveau de formation Bac +3, avec un statut d’agent contractuel-, sont de profils divers : historiens, archéologues, anthropologues, sociologues, littéraires, juristes, économistes, informaticiens et instituteurs. On dénombre ainsi 04 titulaires d’un Master de Recherche, 05 employés qui sont en deuxième année du Cycle de Master, 28 titulaires d’une Licence, 02 Instituteurs ; 02 titulaires du diplôme de BTS, 01 titulaire du diplôme de Brevet de l’Enseignement du Premier Cycle. Un constat se dégage de ce capital humain : l’inexistence de compétence formelle dédiée à la médiation numérique. Aussi les pratiques de médiation via le recours aux TIC sont ici, soit le résultat de démarches individuelles -formation d’autodidacte à l’instar de celle de M. Ateba- ; soit le résultat de formations ponctuellesorganisées par le musée-à l’usage de l’équipement TIC introduit-. Les pratiques de TIC à l’instar de la confection de documents audiovisuels -montage et mixage- présentés sous vidéoprojecteur aux visiteurs dans la salle dédiée à cet effet ; ces pratiques disions-nous, relèvent des démarches volontaristes et individuelles donnant lieu à des activités de « bricolage » et de « débrouillage ». On peut y voir l’effort du médiateur culturel d’inscrire sa tâche quotidienne dans les nouvelles pratiques de médiation muséale, mais aussi la recherche légitime- d’une reconnaissance de ses compétences digitales. Ceci produit une hybridation des médiations : initialement et uniquement culturelles, les médiations se doublent d’une activité numérique, se situant dans le sens des nouvelles dynamiques qui se déploient au sein des musées Vidal (2003). Usages des TIC par le personnel du Musée National et perceptions Nous retranscrivons dans les lignes qui suivent, les informations issues des entretiens que nous avons eus avec le personnel en service au Musée National. Ces informations concernent les pratiques de numérisation au sein de cette institution, le profil des publics visiteurs, la valeur ajoutée résultant de l’usage des TIC au sein du musée. Les dirigeants du musée affirment que les pratiques de numérisation portent sur les fiches d’inventaires, la conception de cartels et des collections spécifiques destinées aux expositions. Plus de 2500 fiches d’inventaires conservées dans les réserves et destinées aux salles d’exposition ont ainsi été numérisées. Ces opérations ont été effectuées par les gestionnaires du patrimoine culturel et les guides du Musée National, lesquels il convient de le relever ; ne sont pas des spécialistes de la numérisation. Ces employés citent les clés USB et le recours aux disques externes comme supports de la numérisation. On observe également ici, les avantages recherchés lors de la numérisation des biens culturels tels que les livres : capacité de stockage élevée et visibilité pour les œuvres, comme le soulignait Benghozi (2011 : 114) : « …la numérisation évite la limitation physique du stockage que connaissent bien tous les amateurs de livres : elle permet en effet une accumulation « mécanique » de l’offre proposée aux consommateurs puisque chaque œuvre reste désormais toujours accessible : dès lors, l’ensemble des œuvres disponibles ne fait que croître.. ». On retrouve là aussi les démarches décrites par Andreacola (2014) appelée par Schmitt et Meyer-Chemenska (2015) : « Le numérique entrant dans les musées a d’abord servi à l’informatisation des collections avant de servir à la visite elle-même. C’est à partir de ces ensembles documentaires que l’on a envisagé à la fin des années 1980 d’offrir aux visiteurs des accès aux collections informatisées (banques diapos ; images et de fiches informatisées du patrimoine) ». Il importe cependant de relever que la qualité des fichiers numérisés au Musée National n’est pas connue, ces opérations étant loin d’être effectuées par des mains expertes -comme vu dans les profils supra-. Les employés affirment ainsi qu’aucun standard de numérisation n’est observé. Les données résultant de ces opérations font l’objet de quelques usages : conception des catalogues du musée, animation du compte Facebook et analyse des collections illicitement exportées. Les auteurs de ces usages sont l’administration et le personnel du musée, la Direction du Patrimoine Culturel et les chercheurs. Les usages identifiés chez ces acteurs -répartis au demeurant dans un faible nombre de catégories- sont donc plutôt réduits, au regard par exemple des multiples développements d’exploitation observés dans les musées occidentaux ; que décrit Chevry (2012 : 3) : « Le patrimoine numérisé peut être exploité au moins de deux manières. D’une part, il peut être diffusé en consultation locale ou à distance. La diffusion sur Internet des fonds numérisés patrimoniaux ou contemporains constitue un moyen d’accès privilégié à la culture à destination d’un public plus nombreux et d’horizons plus divers que celui fréquentant les institutions culturelles. Elle démultiplie l’accès aux fonds, favorisant ainsi la démocratisation culturelle et la transmission des savoirs. De plus, des services numériques sont souvent associés à la publication sur le Web tels que les outils d’interrogation pour accéder aux collections textuelles ou la demande de reproduction des œuvres numérisées par exemple… Par ailleurs, le patrimoine peut bénéficier d’une offre éditoriale associée à des services numériques culturels (expositions virtuelles, dossiers pédagogiques, dossiers thématiques, archives à voix haute…) ». Les modalités d’accès -au grand public- et d’usage des données muséales numérisées demeurent inexistantes. On peut aussi penser que l’absence de normes dans les opérations de numérisation apparaît comme un frein aux opérations de mise en visibilité digitale, telles que celles déployées par Google Art Project. Les opérations de numérisation et de digitalisation du patrimoine muséal sont effectuées presqu’au petit bonheur, grâce au volontarisme de certains personnels : ces activités ne s’inscrivent dans aucun projet/programme scientifique et culturel du Musée National ; qui ne s’est au demeurant pas doté d’une politique générale. Les dirigeants reconnaissent d’ailleurs l’absence d’un inventaire général des collections -les opérations de numérisation relevées plus haut ne sont donc pas achevées-, l’inexistence d’une documentation sur les collections présentes au musée, l’absence d’un « Club des Amis du Musée National », l’absence d’une boutique du musée. Le « Restaurant du Musée National», potentiel lieu de médiation, est également non fonctionnel. Usages des TIC au Musée National et valeur ajoutée du point de vue du personnel Pour le Directeur Adjoint de l’institution, les TIC progressivement introduites au Musée National, modifient/reconfigurent les activités de cet établissement, en ce sens qu’elles : - participent à l’inventaire et à la valorisation des collections muséales à travers l’exploitation de leurs formes numérisées ; - contribuent à la production des prospectus et des catalogues, assurant ainsi la visibilité et la promotion des collections; - permettent d’assurer la communication sur les pages Facebook, Blog ; ainsi que sur les groupes WhatsApp. Ceci donne lieu à des échanges fructueux sur des thématiques concernant le musée, tout en créant du trafic sur son compte Facebook. Pour le reste du personnel en service au Musée National, la valeur ajoutée issue de l’usage des TIC se décline en termes : - de communication de proximité entre employés du musée ; - d’expositions des collections hors du musée par les médiateurs culturels (dans les écoles et au cours des festivals) ; - d’amélioration du discours des guides et d’autonomisation de certains visiteurs ; - de visibilité résultant des visites officielles de dirigeants étrangers au musée et de celles du public en général. Les dirigeants du Musée National ne manquent pas de souligner qu’une meilleure appropriation de l’objet patrimonial muséal, une meilleure valorisation et vulgarisation de la richesse muséale, ceci par les TIC ; passent par plusieurs mesures : - le recyclage des deux informaticiens -actualisation des compétences en infographie ; gestion des collections, photographie…- affectés au Musée National ; - la création et la gestion d’un site Internet dédié au Musée National ; - la création d’un musée virtuel ; - l’actualisation des compétences des médiateurs culturels, notamment pour ce qui concerne l’appropriation des outils TIC mobilisés dans les musées; - l’usage d’un système de sécurité informatisé et la création des cartes numériques ; afin de réduire le nombre de guides dans les salles d’exposition ; - la création d’une base de données sur les collections. Les médiateurs culturels soutiennent que lors du parcours muséal mobilisant les TIC, les visiteurs s’intéressent particulièrement aux contenus permettant aux artistes/artisans de donner des explications sur leurs œuvres. On peut voir dans cette démarche, une recherche d’un lien « public-musée-artiste », et au-delà, la recherche d’une authenticité dans la construction du sens et de la signification des œuvres, à partir de leur source. Ceci procède aussi d’une démarche de démystification des auteurs des œuvres par les visiteurs du musée. Analyse des données, résultats empiriques et théoriques issus de l’enquête auprès des publics visiteurs Dans un premier temps, cette section restitue les résultats du traitement statistique des données collectées auprès de 84 visiteurs du Musée National du Cameroun au cours du mois de septembre 2018, tout en y apportant une réflexion. La deuxième articulation de cette section analyse les données provenant des entretiens individuels et en groupes que nous a accordés une trentaine de visiteurs-sur les 84 répondants de l’enquête quantitative, au cours de son cheminement muséal. Une lecture de ces résultats est effectuée sous le prisme de l’interactionnisme d’une part, et de l’approche transactionnelle d’autre part. Etude quantitative auprès des publics visiteurs : le discours de l’institution, les usages des TIC et les représentations. Les lignes qui suivent font ressortir dans un premier mouvement les caractéristiques de la pratique de communication menée par le Musée National du Cameroun, et décrivent par la suite l’évolution de ses taux de fréquentation et le profil des publics visiteurs couplé à leurs usages des TIC en musée. Le Musée National du Cameroun et son discours La Musée National du Cameroun apparaît davantage comme un musée d’art et d’Histoire. La communication de cette institution semble réduite à une « communication sur le lieu de l’exposition», si l’on fait un parallèle avec le concept de publicité sur le lieu de vente. C’est que le Musée National du Cameroun est absent des médias classiques (radio, télévision, cinéma, affichage…). Dans la ville de Yaoundé, aucune signalétique n’oriente vers cette institution. On peut relever une timide présence digitale, se résumant essentiellement à un référencement naturel dans le moteur de recherche Google, à un compte Facebook et à une présence numérique sponsorisée par le voyagiste TripAdvisor. Globalement, on relève l’absence d’une stratégie de communication du Musée National du Cameroun. Cet état de fait conduit l’établissement à rester en marge d’importants enjeux tels que : la constitution et la valorisation d’une bonne image de l’institution, l’établissement des relations de qualité entre le musée et ses principaux partenaires, le gain d’une notoriété liée à l’originalité de son patrimoine culturel. L’inexistence d’un logo propre au Musée National du Cameroun interroge sur l’identité visuelle de cette institution, tant il est montré que ne pas se faire connaître, c’est se laisser distancer et tomber dans l’oubli. La communication commerciale est ici loin d’exister, alors que la communication évènementielle apparaît comme sporadique -à la faveur de rares concerts de musique organisés sur l’esplanade du musée par exemple-. La communication sur le lieu d’exposition se trouve portée par plusieurs éléments expressifs : le grand bâtiment de style colonial -au fond d’une vaste cour gazonnée-avec ses nombreuses arcades-. La signalétique est cependant absente de cet espace en plein air. Le hall d’accueil est tout fait de marbre, surmonté par un escalier qui se détache en deux allées menant à l’étage supérieur. Relevant plutôt du personnel du musée, la première prise de contact, l’accueil, la considération, l’ambiance, l’amabilité, la compétence, l’attitude des surveillants, des personnels d’accueil, sont jugés moyens par certains visiteurs interrogés. Le personnel se sent plus ou moins concerné par l’image qu’il transmet, d’après l’avis de certains touristes étrangers. Le discours du Musée National du Cameroun se structure autour de trois thématiques principales : la diversité culturelle du pays qui compte 250 ethnies réparties en 04 grandes aires culturelles- et plus de 200 langues locales, la marche vers l’Unité Nationale, le développement économique et socio-culturel du pays. Ceci se traduit par la nature et le style des objets patrimoniaux donnés à voir. Une des spécificités de cette communication muséale réside sans doute dans l’expression en langues locales des cartels ; ceci dans le but de mieux exprimer l’authenticité des œuvres mises en visibilité, et de valoriser le patrimoine linguistique local. Le recours à l’argot local -en fonction des publics visiteurspar les médiateurs culturels comme nous le verrons plus loin, constitue aussi une originalité de cette institution. Le musée et l’évolution de sa fréquentation De 2016 à 2017, le nombre total de visiteurs au Musée National du Cameroun est passé de 11 300 à 24 100, soit une moyenne de 2000 visiteurs par mois. Avec une durée moyenne de 60 minutes de parcours par visiteur ; le profil des publics muséaux se répartit comme suit : le public scolaire -primaire et secondaire- estimé comme étant le plus important ; les étudiants en visite individuelle -visiteur ordinaire ou chercheur- ou collective -établissements de l’enseignement supérieur IRIC, EMIA, ENS…-, les touristes étrangers -les Européens constituant l’essentiel du contingent, suivis de Chinois, d’Américains, mais aussi...d’autres Africains dont Maliens, Gabonais, Egyptiens, Marocains…-, divers autres profils -fonctionnaires, hommes politiques, chercheurs, enseignants…-, les visiteurs officiels -ministres étrangers et nationaux, diplomates, hommes de culture, artistes de renom, invités du Chef de l’Etat, du Premier Ministre ou du Ministre des Arts et de la Culture-. La forte présence du public scolaire et universitaire dans ces profils rappelle le rôle éminemment pédagogique assigné aux musées, les TIC en étant facilitatrices. Bowen, Bennett, Johnson & Bernier (1998 : 116) le prédisaient : « Dans le futur, les écoles seront de plus en plus connectées sur l'Internet, et nous trouverons davantage d'enfants qui iront naviguer sur les musées virtuels à la demande des enseignants ». Cette forte empreinte de l’environnement scolaire et universitaire laisse penser que les usages de TIC en musée par les élèves/étudiants, se situent dans la sphère des usages « prescrits » au sens de Chaptal (2007 : 88) qui montre que « …les choix pédagogiques des enseignants déterminent très directement les usages possibles [des TIC par] des élèves… ». Ces usages n’apparaissent donc plus forcément comme des usages «détournés/ voulus» ; comme compris par Peraya et Bonfils (2014), mais plutôt comme des usages « instruits ». Cette situation peut être une inhibition à des démarches de « détournement » dans les usages, voire à la créativité. Profils des visiteurs, usages des TIC et perceptions. Les visiteurs interrogés au Musée National disent dans leur majorité (48 sur les 84 répondants) résider dans la ville de Yaoundé. Il semble que la « zone de chalandise » du Musée National se réduit uniquement à cette ville ou/et que l’attractivité résultant de la présence sur Facebook du Musée National reste faible. Mais cette explication est à nuancer, compte tenu des informations obtenues auprès du personnel du musée : le mois de septembre -correspondant à celui de notre descente sur le terrain- s’inscrit dans une période de faible fréquentation de l’institution par les expatriés. En effet, ceux-ci préfèrent visiter le musée au cours des mois allant de novembre à janvier. On relève que 20 des 84 répondants disent avoir un âge compris entre 11 et 15 ans, 17 ont un âge entre 16 et 20 ans, et 14 possèdent un âge situé entre 21 et 26 ans. Le public ayant répondu au questionnaire est donc essentiellement jeune. Le profil sociodémographique (Tableau 01 ci-dessous) montre que 48 sur 84 des répondants sont soit des élèves -au nombre de 24-, soit des étudiants -au nombre de 24 également-. Ces données confortent le rôle éminemment académique et pédagogique du Musée National relevé supra. On peut aussi observer dans le tableau 01 -ci-dessous- que seulement une faible proportion du public hors scolaire et hors universitaire est attirée par le Musée National. Ceci donne à penser que le musée ne n’inscrit pas en général dans les consommations culturelles du public. Le fort nombre des élèves et des étudiants pouvant alors insinuer qu’ils s’y rendent essentiellement pour réaliser des recherches prescrites dans le cadre de leurs activités ; ce qui peut les laisser apparaître comme des « visiteurs contraints ». Le reste du public vient au musée par curiosité ou/et pour affiner ses savoirs et pratiques culturels. Ces résultats montrent que des efforts restent à faire par le Musée National du Cameroun pour diversifier et «équilibrer » en nombre ses types de « clientèle ». Tableau 01. Répartition des visiteurs interviewés au Musée National du Cameroun suivant leur profil d’activité/profession Source : notre enquête quantitative de terrain (septembre 2018) Plus de la moitié des effectifs interrogés se dit d’un niveau d’usage TIC bon -29 sur les 84-, voire très bon -23 sur les 84- tel que le dévoile le tableau n° 02 ci-dessous. Ceci semble s’expliquer par le profil jeune des publics dont la majorité a un âge compris entre 11 et 28 ans comme vu plus haut. Compétent d’une manière générale en matière de TIC, ce public jeune ne semble cependant pas s’approprier les outils numériques disponibles au Musée National. Ces visiteurs perdent tout savoir-faire devant l’alliage « musée-TIC ». On retrouve là une situation identique à celle que décrivaient Schmitt et Meyer-Chemenska (2015 : 56) concernant l’usage des TIC en musée : « À travers la monstration de la technologie, les dispositifs numériques imposent sans cesse aux visiteurs de revoir leurs habitudes ergonomiques et leurs compétences techniques. Ce faisant, ils font parfois subir aux visiteurs une certaine forme de violence ». Tableau 02. Niveau personnel d’usage des TIC déclaré par les visiteurs du Musée National du Cameroun Face aux insuffisances relevées dans les usages des TIC en musée, des démarches d’utilisation assistée -guide rapide, modes d’emplois…- pourraient être déployées par l’institution, en vue de favoriser des parcours muséaux autonomes et conviviaux pour les visiteurs. Usages des TIC au Musée National et représentations des publics visiteurs. La tablette numérique Ipad apparaît comme l’outil TIC le plus utilisé par les visiteurs du Musée National (31 sur les 84 répondants), suivi du téléphone portable (27 répondants) et de l’audioguide (15 répondants), comme le montre le tableau n° 03 qui suit : Tableau 03. Outils TIC utilisés lors du parcours muséal des visiteurs interviewés. « Quel(s) outil (s) TIC avez-vous utilisé (s) ou utilisez-vous en général pendant votre visite de musée ? » Il importe de relever qu’une large majorité des 84 visiteurs interrogés déclarent utiliser de manière assistée, les TIC présentes au musée. Ils se font accompagner notamment par les médiateurs culturels en service (62 répondants) ou d’autres personnes leur tenant compagnie (15 répondants). Le même résultat montre que peu de répondants (au nombre de 3) disent avoir recours aux autres visiteurs se trouvant au même moment qu’eux dans le musée. On relève donc une forte confiance accordée aux médiateurs culturels par les visiteurs, pour ce qui concerne l’usage des TIC dans ce musée. On peut penser qu’ici aussi se développent « …des aspirations à une nouvelle proximité entre l'usager et l'institution qui met des informations à sa disposition », au sens de Vidal (2003 : 62). Les réponses montrent que 55 des 84 répondants lors d’une visite au musée mobilisant des TIC souhaitent être accompagnés de bout en bout par le médiateur culturel. On relève donc comme mentionné plus haut, une faible autonomie dans l’usage des TIC lors du parcours muséal de ces visiteurs. Ils sont loin de construire par eux-mêmes leur visite. Cette « assistance » au visiteur dans l’usage des TIC en musée peut se lire comme la manifestation d’une « incompétence » du pèlerin muséal face à ces outils, et une dépendance au médiateur culturel. Ce faible usage résulte entre autres des comportements de « protection » des équipements TIC par le personnel du musée : le contexte d’insuffisance de moyens dictant d’éviter le plus possible des pannes qui pourraient être causées par des publics non « initiés » à l’usage des équipements disponibles. Les usages des TIC dans ce musée apparaissent donc comme « encadrés » par des contraintes économiques, comme expliqué par une réflexion de Vidal (2003). La forte préférence des publics d’être accompagnés lors du séjour muséal en dépit d’une présence des TIC au Musée National et d’une maîtrise générale des usages TIC pourtant affirmée par ces visiteurs, semble s’opposer aux résultats des travaux de Vidal (2012), lesquels montrent une revendication d’autonomie sociale de la part des visiteurs de musée dans leurs usages des TIC lors du parcours muséal. On peut penser que cette inhibition est aussi la conséquence d’une fascination résultant de la « monstration de la technologie » en contexte de musée, tel que l’ont montré Schmitt & Meyer-Chemenska (2015 : 55) : « …le visiteur doit à chaque fois réapprendre l’ergonomie et la navigation qui mettent à l’épreuve ses capacités d’utilisateur. Au mieux, le dispositif constitue une intrigue à laquelle le visiteur trouve une réponse qui lui convient. Au pire il reste une énigme et le visiteur entre dans un labyrinthe séquentiel contraignant qui peut absorber toute son énergie, avant même qu’il n’arrive à entrevoir le début de ce qu’il espérait trouver ». Toujours est-il que le public essentiellement jeune, se dit d’une manière générale, bien imprégné des usages des TIC dont le téléphone portable ; mais ceci en dehors du contexte muséal. La tâche d’accompagnement du médiateur culturel semble donc être de ce point de vue, entièrement maintenue, prenant la forme d’une médiation « numérico-culturelle ». On observe cependant que pour 25 des 84 interviewés souhaitant être accompagnés dans l’usage de ces TIC par des médiateurs culturels, les guides ne doivent intervenir que lorsque des questions leur sont adressées. On peut y lire l’expression d’une forme d’autonomie « embryonnaire » dans l’usage des TIC en musée, et la volonté d’appréhender par soi-même de la part de ces visiteurs, le sens des œuvres exposées. On peut aussi y voir la quête d’une sorte de « médiation muséale modulée » par ces publics passagers, probablement mûs dans cette démarche par leurs caractéristiques socio-démographiques, notamment leur capacité cognitive. Les statistiques révèlent que 46 des 84 personnes interrogées affirment que le recours aux TIC lors de la visite au musée leur permet de mieux comprendre les objets qui leur sont présentés, alors que 31 individus disent par ce biais mieux découvrir les auteurs des œuvres. Les échanges sont approfondis avec les médiateurs culturels selon 24 des personnes interrogées, alors que 15 visiteurs sur les 84 interviewés disent que le recours aux TIC lors de leur parcours muséal leur permet de développer une inspiration artistique. On peut d’après ces résultats penser que la médiatisation des œuvres couplée à la médiation (assurée par le personnel du musée) facilite et améliore la connaissance culturelle des visiteurs, en même temps qu’elle inspire leur créativité. Les traitements statistiques montrent que 56 des 84 répondants trouvent « enrichissants » les contenus TIC du Musée National, alors que 58 répondants les qualifient d’« édifiants ». On peut penser que le recours aux TIC rend plus profondes les connaissances liées aux objets exposés, en apportant plus de détails (visuels et audio) dans les informations. Le caractère « édifiant » et « enrichissant » des contenus TIC du musée semble cependant contraster avec le faible niveau d’interactivité (seuls 33 des 84 répondants) que leur accordent les visiteurs. Cela est probablement dû à l’un ou à la combinaison des facteurs suivants : le faible niveau de compétences des visiteurs dans l’usage des TIC en musée (comme vu supra), l’insuffisance de fonctionnalités interactives mobilisées dans le cadre de la médiatisation des contenus, le caractère peu interactif des contenus. Les contenus médiatisés sont en lien étroit avec l’objet muséal présenté, selon les réponses de 47 répondants sur les 84 interrogés, alors que 31 personnes se disent être indifférentes quant à la pertinence desdits contenus. Il se peut donc que la médiatisation des œuvres de ce musée, réponde plus ou moins à des critères de pertinence et de cohérence. Un grand nombre de répondants (55 sur les 84 interrogés) trouve que les contenus médiatisés par les TIC au Musée National ont un lien avec le contexte socio-culturel de l’objet présenté ; alors que seulement 38 de ces 84 interviewés observent que l’objet médiatisé est en lien étroit avec son auteur. Cela est probablement dû au faible nombre des artistes/artisans auxquels la parole est donnée dans les contenus médiatisés. Le tri-à-plat révèle que 56 des 84 répondants se disent être satisfaits des services délivrés par les TIC utilisées lors de leur visite au sein du Musée National, alors que 50 de ces interviewés jugent le niveau d’utilisation des TIC au sein de cette institution satisfaisant. On note cependant que 46 des 84 répondants estiment que l’amélioration des outils TIC mobilisés au Musée National passe par l’acquisition d’un matériel permettant l’interactivité publicmusée-artiste, alors que 29 répondants estiment que cette amélioration se conditionne par une élaboration de meilleurs contenus. On peut penser que le niveau de service jugé satisfaisant par les publics interrogés s’inscrit dans le cadre des réponses apportées par le Musée National aux usages « prescrits », plus précisément aux réponses que cette institution fournit aux besoins de ses nombreux utilisateurs que sont les élèves et les étudiants. Le musée leur fournit sans doute les informations recherchées dans le cadre des devoirs scolaires/académiques ; ceci avec par la médiation assurée par son personnel. Cependant, l’acquisition d’un matériel mieux adapté, ainsi que l’élaboration des contenus interactifs demeurent des défis. Les visiteurs interrogés (55 sur les 84) précisent ne pas effectuer de manière générale, la visite du site Internet d’un musée avant la visite du site physique de celui-ci. Ceci peut s’expliquer par une volonté d’entretenir le goût de la surprise et de la découverte, ainsi que celle de vivre physiquement, voire « charnellement » l’objet patrimonial muséal. Ceci semble conforté par le fait que 42 des 84 répondants préfèrent visiter un musée « physique » plutôt qu’un musée virtuel. On relève cependant que 36 de ces répondants disent vouloir visiter les deux formes de musée. Plus de la moitié des interviewés (43 sur les 84) pensent au demeurant qu’une visite du musée physique devrait toujours être couplée à une visite du musée virtuel. De manière globale, les personnes interrogées sont pour une visite du site physique du musée, complétée par une visite du site virtuel de celui-ci, avec une descente sur le site réel qui précède la visite virtuelle. La recherche -au rythme du visiteur internaute- d’une complémentarité de l’expérience « réelle » par le vécu « virtuel » semble ici se dégager. Ceci corrobore le constat effectué par Bowen, Bennett, Johnson, Bernier (1998 : 111) : la consultation des galeries virtuelles fournit « …des informations complémentaires à celles présentées dans les expositions réelles ». Le dépouillement des données laisse constater que seulement 30 des 84 personnes interviewées ont une expérience antérieure -à leur visite au Musée National- des usages des TIC dans un musée. Ceci peut expliquer le degré de satisfaction totale, et simultanément le faible regard critique que la plupart des interviewés porte sur l’usage des TIC au Musée National -au regard du grand nombre des personnes n’ayant aucune connaissance du cahier de charges qu’impliquerait le recours aux TIC dans un musée-. Il est permis de penser qu’en l’absence d’un vécu expérientiel antérieur dans l’usage des TIC au sein d’un musée, et donc d’une insuffisance/ignorance de critères d’appréciation, l’existant découvert est jugé bon -du fait également de la fascination résultant du phénomène de monstration des technologies évoqué plus haut- ; et la force de proposition des visiteurs quant à l’amélioration de cet existant apparaît faible. Cette absence d’expérience dans l’usage des TIC en parcours muséal chez le plus grand nombre des enquêtés semble aussi explicatif de l’absence d’autonomie et d’interactivité observée chez ces visiteurs lors de leur séjour muséal. Les statistiques révèlent que 24 des 84 visiteurs se disent indifférents aux contenus du compte Facebook du Musée National. Ceci a sans doute un lien avec le nombre important (68) des visiteurs se déclarant ne pas être amis avec ledit compte, dont l’efficacité apparaît au demeurant faible : seulement 01 répondant sur les 84 affirme être venu au Musée National suite aux interactions développées via le compte Facebook du musée. Les données montrent également que le recours aux TIC au Musée National génère des échanges entre des visiteurs à priori inconnus les uns des autres (54 des 84 répondants). Des formes de communication ayant pour objet l’expérience vécue via les outils TIC mobilisés viennent briser la glace du silence que l’on observe d’usage entre inconnus dans un lieu public. Les TIC mobilisées au musée apparaissent comme des artefacts potentiellement générateurs de lien social entre publics inconnus. On peut observer que le bouche-à-oreille reste le moyen privilégié par les visiteurs du musée (59 et 57 des répondants), pour ce qui concerne le partage de leur expérience muséale. Ce canal de dissémination des bonnes pratiques est préféré au buzz (Internet), en dépit d’un usage généralisé des TIC chez ces publics essentiellement jeunes. Le contexte socio-culturel peut être explicatif du choix de ce canal par ces visiteurs : en Afrique, le bouche-à-oreille apparaît comme l’un des moyens privilégiés pour la diffusion des nouvelles/conseils, même si l’on peut observer que des applications telles que WhatsApp et Facebook prennent de plus en plus de l’importance. L’enquête qualitative menée auprès des publics visiteurs : résultats empiriques et théoriques sous les approches interactionniste et transactionnelle Pour l’enquête qualitative, nous avons pu verbaliser 30 des 84 visiteurs de l’enquête quantitative. Les entretiens se sont déroulés avec 20 visiteurs camerounais et 10 visiteurs étrangers, dont 03 formant un groupe. Nous effectuons une analyse des données obtenues premièrement sous le prisme de l’approche interactionniste, deuxièmement à l’aune des principes du courant transactionnel. L’approche interactionniste et les corrélations entre les facteurs structurants de la visite muséale Mobilisant l’approche interactionniste, nous traitons dans le cadre de ce sous-titre du contexte, des profils des publics visiteurs au Musée National, des contenus culturels consommés via les TIC au musée, de l’influence des interactions muséales dans les processus de construction des savoirs, et de celle des visiteurs sur les pratiques des médiateurs culturels. Le but est de dégager les éventuelles corrélations entre ces composantes. Le Contexte : La Cameroun, pays d’Afrique Centrale dans lequel se déroule l’enquête, compte plus de 250 ethnies. Le français et l’anglais y sont les deux langues officielles, alors que plus de 200 langues vernaculaires y sont parlées, et l’argot franglais, mis au point par une population urbaine jeune ; est courant dans les principales villes du pays. L’environnement physique du musée est constitué de bâtiments aux allures de palais mêlant style colonial et modernité. Cette infrastructure a été et rénovée de 2009 à 2015 comme vu plus haut. Le musée est doté d’équipements TIC décrits dans les paragraphes précédents-. Profils des publics de l’enquête qualitative Les visiteurs camerounais de l’entretien qualitatif étaient constitués 08 élèves du secondaire tous en groupe et accompagnés par leur professeur d’histoire et de 02 étudiants non accompagnés. Les 10 autres visiteurs camerounais disant être dans la vie active. Ces publics jeunes partagent l’argot camfranglais évoqué plus haut, et seulement 03 élèves et 02 étudiants affirment parler une langue vernaculaire du Cameroun -langue de leur ethnie d’origine ou apprise à l’école dans le cadre de l’enseignement des langues nationales-. Certains des jeunes étudiants et élèves au nombre de 04- disent avoir une expérience antérieure de visite de musée, tout comme 06 des 10 visiteurs étrangers. Pris au sens des typologies des publics de musée de Robert Wolf et Barbara Tymitz (1980), les 08 élèves sont classés entre les apprentis et les novices, alors que parmi les 10 visiteurs étrangers, on retrouve des touristes, mais aussi des connaisseurs et des critiques -ceux des étrangers qui déclarent avoir une expérience en matière de visite de musée à l’international-. Vus sous le prisme de Treutenaere (1987), les 10 visiteurs étrangers semblent s’inscrire par leurs dires dans une recherche du plaisir, une volonté de capitalisation, et un souci d’exhaustivité ; tout comme les 10 autres Camerounais-dans la vie active- alors que les 02 étudiants et les 08 élèves camerounais y sont présents pour un sujet spécifique lié leurs études. Consommation des contenus culturels au sein du Musée National du Cameroun : le cas des biens patrimoniaux « médiatisés » par les TIC Dans un parcours encadré par les accompagnateurs pédagogiques et les médiateurs culturels, il est donné à voir aux élèves des objets de l’exposition liés à l’Histoire -politique, sociale, culturelle et sportive-du Cameroun, avec un accent mis sur les caractéristiques et spécificités propres à chacune des aires culturelles du pays, mais également sur leurs ressemblances et leurs points communs. Les œuvres exprimant la conquête de l’indépendance et illustrant la mise en place de l’Etat-Nation, la construction de l’Unité Nationale, les victoires sportives, sont privilégiées. Le public universitaire, plus libre dans la déambulation, semble davantage s’intéresser à l’authenticité et à l’esthétique des œuvres d’art, à porter un regard critique sur celles relatant l’Histoire sociopolitique et économique du pays. Le tableau suivant synthétise les contenus patrimoniaux « médiatisés » par les outils TIC présents au Musée National du Cameroun, lesquels sont offerts en « consommation » aux visiteurs. Tableau 04. Contenus culturels médiatisés par les outils TIC et offerts à la « consommation » au Musée National du Cameroun Contenus culturels proposés à la consommation des visiteurs Borne Des contenus multimédia et photographiques portant sur la interactive présentation générale du Musée National du Cameroun, les horaires d’ouverture, le plan des expositions et les objets exposés : collections, salles… Tablette Il s’agit de contenus audiovisuels décrivant les spécificités numérique I- culturelles de chacun des peuples des 04 grandes aires pad culturelles du Cameroun : les Fang-Béti de la forêt, avec leurs totems, les peuples Sawa des régions côtières avec leur festival Ngondo, les peuples soudano-sahéliens avec une description des lamidats, chefferies, sultanats et les peuples de la région Ouest du Cameroun, avec leurs chefferies mystérieuses. Le visiteur camerounais peut ainsi s’identifier à la culture de sa région d’origine, mieux comprendre et intégrer les cultures des autres régions. Tablette Cet appareil propose au visiteur un parcours muséal commenté, numérique I- structuré par la trame narrative de l’exposition. Le récit résume pod parfois le propos en décrivant uniquement les objets phares et les stations qui marquent le parcours des visiteurs. On peut aussi y écouter l’ensemble des cartels et des panneaux illustrant les artefacts de l’exposition, de manière à offrir à la fois lecture, vision et audition au visiteur. DVD Documentaires sur les rites et coutumes des peuples du Cameroun : les Béti (rites d’Angan, Mbabi, Melan, MaziliNdzoeYanda Bit, Kua, Ndziba, Efumbidi, Esani, rite de veuvage…), les Mbog Bassa (festival Mbog Liaa, Ngandi li soble, Ngand likwé, Ngand libii, Ngand mathob…), les Bamiléké (culte des crânes aux ancêtres, rite de la circoncision, cérémonie des jumeaux…) Cédérom Fournit des informations sur l'histoire de la fabrication des objets patrimoniaux et sur les fabricants eux-mêmes; livr une description historique des techniques employées par les artisans à travers les âges et les temps, fait parler les artistes/artisans aux côtés de leurs créations. Les cédéroms sont sous une plusieurs formes : textes, photographies et séquences vidéos. Audioguide Contenus essentiellement audio, portant sur les cartels et les textes se rapportant aux objets mis en exposition Source : notre enquête de terrain (2018) L’influence des interactions muséales dans les processus de construction des savoirs La présence du professeur d’histoire qui se veut accompagnatrice des 08 élèves, donne lieu à des échanges divers : entre l’enseignant et les médiateurs culturels, entre l’enseignant et les élèves-le pédagogue intervenant de temps à autre pour montrer des illustrations de son cours à travers des objets culturels « médiés » du musée-, entre les élèves et les médiateurs culturels, et entre les élèves. On perçoit une forte influence du parcours muséal par les interventions de l’enseignant. On peut penser que les médiations pédagogiques issues des milieux scolaires et universitaires orientent celles déployées en musée en faveur des élèves notamment, « encadrant » ainsi la visite muséale des élèves en groupe. De manière globale, les 30 visiteurs de l’étude qualitative affirment « être édifiés par la diversité culturelle du Cameroun » à l’issue de la visite. Ils disent avoir le sentiment que « le slogan Cameroun : Afrique en miniature, est matérialisé par la diversité des représentations artistiques du milieu naturel du Cameroun notamment dans sa flore, et sa faune, de l’habitat qui varie suivant les aires culturelles et géographiques ; des 250 langues locales que compte le pays ; des symboles culturels qui varient d’une ethnie à une autre » comme le déclare Simon, l’un des 2 étudiants. Ainsi, « tout ce qui est enseigné dans les livres est ici vécu en vrai, ce qui permet de mieux assimiler de façon rapide et durable, l’Histoire culturelle, artistique, politique ; bref l’Histoire du Cameroun ; ceci par la vue, le toucher et l’ouïe, et même parfois l’odorat », affirme Léopold, étudiant à l’Université de Yaoundé 1. Il semble donc que la médiation et la médiatisation -notamment par les TIC-du patrimoine culturel muséal donne lieu à une réification et une meilleure assimilation des concepts enseignés en éducation formelle. Les façons d’enseigner et d’apprendre sont aussi renouvelées par des méthodes de médiation et de médiatisation relevant de « l’éducation informelle », en l’occurrence de la visite en musée. L’action de l’enseignant en éducation formelle se trouve prolongée/complétée par celle du médiateur culturel, « dopant la perspective selon laquelle l’enseignement se réalise dans une suite infinie d’interactions indéterminées, à travers lesquelles se négocient et se construisent des représentations et des réifications des savoirs reconnus comme légitimes dans une société donnée… », comme le montrait Thomas (1923), lui-même évoqué par Morrissette (2010). Ces nouvelles façons d’enseigner et d’apprendre vont dans le sens conféré aux notions de musées et de TIC, en tant que dispositifs de médiation des savoirs induisant de nouvelles démarches d'acquisition des connaissances. Il s’agit là d’un ensemble constitué de divers supports techniques-relevant de l’audiovisuel, de l’informatique, du multimédia, de la médiathèque…- et de différents lieux de constitution et de transmission des savoirs. Vol (1998 : 67) montre que ces artefacts mettent « à disposition des utilisateurs apprenants non plus seulement des contenus relevant de la logique formelle », mais des «environnements aménagés», dont l'expérimentation permet l'appropriation d'agencements d'informations et la familiarisation avec des démarches d'acquisition de connaissances privilégiant la manipulation, l'essai, les comportements affectifs, expérientiels, créatifs, ludiques, etc. » L’influence des visiteurs sur les pratiques des médiateurs culturels Les médiateurs culturels du musée affirment pour leur part que les diverses interactions avec les visiteurs leur permettent d’améliorer leurs prestations, ceci par une meilleure connaissance des questions qui leur sont fréquemment adressées, et par une adaptation des outils et du discours de médiation. René Atangana affirme par exemple expliquer dans l’argot camerounais franglais, l’Histoire et les caractéristiques symboliques de certains objets patrimoniaux, pour mieux se faire comprendre par les publics jeunes. Vu du côté médiateur culturel, l’interactionnisme prend ainsi la forme d’ajustements dans leurs pratiques: amélioration dans les méthodes et techniques de présentation des objets d’art, adaptation des discours aux profils des publics visiteurs. On peut globalement constater que l’apprentissage en contexte muséal se mutualise et se « transversalise » : les visiteurs en apprennent des médiateurs, lesquels améliorent leurs prestations suite aux interactions avec les visiteurs. Ces constats confortent le point de vue interactionniste de Morrissette, Guignon, Demazière (2011 : 1) selon lequel «A minima le regard interactionniste considère le monde social comme une entité processuelle, en composition et recomposition continues à travers les interactions entre acteurs, les interprétations croisées qui organisent ces échanges et les ajustements qui en résultent ». Perceptions, représentations et construction de sens par les publics de l’enquête qualitative sous le prisme de l’approche transactionnelle L’approche transactionnelle est ici convoquée pour comprendre les impacts des aspects psychologiques, de l’origine ethnique et linguistique, ainsi que de ceux de l’expérience antérieure de visite et des facteurs culturels dans la perception et dans la construction de sens par les visiteurs. La recherche de sens, comme démarche des publics visiteurs ; se situe à l’opposé ou plutôt complète « la sociologie des pratiques culturelles, fondée sur de grands appareils statistiques et mettant l’accent sur les actes de consommation plus que sur le sens de l’expérience vécue (qui est pourtant le moteur principal de la fréquentation des œuvres et de la culture) » (Bordeaux, 2014 : 77). Ceci s’inscrit dans le sillage de l’analyse des « actes sémiques de réception » des visiteurs du Musée Granet d’Aix-en-Provence de Passeron et Pedler (1991). L’exposition est ainsi comprise comme un média de communication par lequel s’élabore un processus de significations (Veron & Levasseur, 1989 ; Schiele & Boucher, 1987). C’est que « L’ambition est autre : il s’agit d’articuler l’analyse sémiotique de l’exposition avec l’analyse de la construction de sens effectuée par les visiteurs. » (Eidelman, Gottesdiener, Le Marec, 2013 : paragraphe 17 du document en ligne). L’influence de l’expérience antérieure de visite et des facteurs culturels dans la perception Les publics montrant une première expérience de musée -c’est à ce niveau que se manifeste le concept de temporalité-apparaissent comme plus sensibles que ceux qui en sont à leur première visite- aux médiations et aux médiatisations technologiques du musée. Ils affirment être « plus ou moins familiers avec certains outils du musée, notamment les tablettes numériques ». Ils disent « mieux percevoir la structure, la texture et le sens des objets qui sont montrés », en même temps qu’ils s’interrogent sur le fil d’Ariane des œuvres exposées, comme le constatait déjà Bonniol (2009). Il est permis de penser que des éléments relevant du vécu expérientiel antérieur du musée paraissent comme déterminant la perception du visiteur, mais aussi l’efficacité de la médiation et de la médiatisation technologique d’un parcours muséal. Les étudiants qui affirment parler leur langue maternelle, tout comme ceux qui disent parler au moins une langue nationale apprise à l’école, semblent montrer une meilleure compréhension des thématiques expliquées par l’exposition muséographique. Ainsi, Stéphane, élève en classe de terminale qui affirme parler couramment l’Eton et le fufludé- deux langues nationales-, dit saisir rapidement la signification des cartels rédigés en ces langues, ainsi que la portée symbolique des œuvres qu’ils illustrent. On peut penser que les facteurs culturels –notamment linguistiques-propres aux publics visiteurs influencentdans ce cas facilitent-la compréhension des expositions en musée-. Ceci rencontre le sens des travaux de Kassarjian (1980) qui montrent que l’analyse de la consommation des biens culturels doit prendre davantage en compte l’existence d’une culture liée à la spécificité des biens culturels eux-mêmes ; plutôt que l’appartenance sociale des individus. Les aspects psychologiques, l’origine ethnique et linguistique et leurs impacts dans la construction du sens sous le prisme de l’approche transactionnelle Certains visiteurs interrogés expriment le regret de ne pouvoir toucherphysiquement- les objets qui leur sont présentés, et de ne devoir se contenter que d’une appréciation des contenus audiovisuels : « la sensation tactile ici interdite pourrait pourtant nous permettre de mieux apprécier la matière avec laquelle ces objets d’art sont fabriqués, de même que les techniques mobilisées par les artistes », se plaint Léopold, étudiant en arts plastiques à l’Université de Yaoundé 2. Lue sous l’approche transactionnelle, cette plainte semble refléter un blocage à un apprentissage complet dont la combinaison de facteurs psychologiques, temporels et environnementaux en situation de visite devrait pourtant aboutir. Les visiteurs camerounais parlant au moins une langue nationale semblent retrouver plus rapidement le sens et l’authenticité des œuvres culturelles exposées, en même temps qu’ils parviennent à mettre à jour les similitudes culturelles entre quelques ethnies du Cameroun suite à leurs échanges avec les médiateurs culturels. C’est ainsi que Henri, 14 ans an classe de 3ème et s’exprimant en langue Manguissa répandue dans le département de la Lékié, retrouve l’ancêtre commun et le lien culturel avec les Babouté du département du Mbam, lors de la projection des contenus audiovisuels liés à ces deux ethnies, et des échanges subséquents avec les médiateurs culturels. Une meilleure compréhension/connaissance des autres cultures locales, la découverte des similitudes et des ressemblances dans les pratiques culturelles, le sentiment d’appartenance à une même sphère culturelle, à une même Histoire et à une même Nation sont ainsi produits par les interactions publics visiteurs et médiateurs culturels. On relève également des entretiens obtenus auprès des publics visiteurs, la forte fascination exercée par les bâtiments sur 20 des 30 interviewés qui l’expriment au demeurant. Claude ingénieur du génie-civil, se dit « impressionné par la très haute qualité des lambris et autres splendeurs de ce Palais », et « fasciné par ce lieu qui a été pendant des décennies la place forte et inaccessible du Cameroun». D’autres visiteurs se disent «captivés par le bureau présidentiel où se sont prises les grandes décisions de la Nation». Le lieu qui abrite les objets patrimoniaux apparaît ainsi en lui-même comme un marqueur essentiel des représentations issues de l’expérience de l’exposition, conduisant parfois le visiteur à établir un lien entre l’architecture du bâtiment, son Histoire et les objets exposés. Dans la construction de sens résultant des interactions des médiations et médiatisations, certains publics visiteurs établissent donc une articulation logique entre environnement physique comme espace abritant les objets exposés d’une part, et lesdits objets en question d’autre part. Il importe cependant de relever que les objets mis en visibilité au musée, n’ont pas toujours un lien -tout au moins direct- avec l’Histoire du bâtiment. Ainsi, l’environnement physique -compris dans le sens du bâtiment abritant les objets culturels exposés-peut monopoliser l’attention du visiteur, au détriment des objets principalement mis en exposition. De ce point de vue, le bâtiment physique entre alors en concurrence avec les objets exposés, phagocytant ainsi toute l’attention pourtant recherchée par la médiation et la médiatisation -via les TIC notamment- des objets culturels, pour aboutir à une construction de sens périphérique ou éloignée de l’évènement exposition. Recentrage sur la problématique et les objectifs de l’étude : pistes de développement des usages TIC en musée à partir de l’existant, élaboration et implémentation d’une stratégie générique. Les lignes qui suivent proposent à partir des caractéristiques ressorties de l’analyse des usages TIC au Musée National, des pistes pouvant être développées en vue d’une meilleure appropriation desdits outils au service du musée et de ses publics. Il s’agit de combiner : audit des équipements et des contenus, numérisation, services, interactivité et développement durable. La nécessité d’un audit des équipements et des contenus Au regard de ce qui précède, il est permis de dire la nécessité d’élaborer une stratégie, voire une politique numérique en faveur du Musée National. Les manquements relevés dans cette étude de cas sont communs à de nombreux musées d’Afrique confrontés aux défis de la numérisation et de la digitalisation dans un contexte d’insuffisances des ressources. La stratégie d’une présence numérique passe sans doute par une bonne compréhension des besoins et des attentes des publics que l’on visera à travers les plateformes numériques. Prenant en compte le cas du Musée National du Cameroun, on peut par exemple se poser la question de savoir si le faible nombre d’abonnés du compte Facebook résulte effectivement d’une gestion inappropriée de la présence numérique de ce musée : en considérant les résultats d’une réflexion menée par Hoffman, Kalsbeek & Novak (1996) cités par Bowen, Bennett, Johnson, Bernier (1998 :116), on observe que « La tranche d'âge majoritaire des personnes qui visitent les musées sur l'Internet se situe entre 40 et 64 ans», autrement dit, que « Les visiteurs de musées virtuels sont donc plus âgés que la moyenne des cybernautes ». Ces résultats paraissent être explicatifs du comportement de non fréquentation et du faible nombre d’abonnés du compte Facebook du Musée National. Ceci laisse penser que les thématiques muséales sont loin de constituer les centres d’intérêt des jeunes internautes. Il convient dès lors d’aller comprendre les attentes de ces publics, notamment pour ce qui concerne les contenus des musées en ligne, et de bien préciser les objectifs liés à une stratégie numérique. Les gouvernements africains doivent également jouer pleinement leur rôle, en prenant conscience des enjeux que charrie le numérique pour le patrimoine culturel, et en investissant par conséquent dans des projets et programmes bien pensés. Cela passe par des efforts d’équipements, la formation des personnels et l’accessibilité des outils aux publics. L’acquisition des équipements allant dans le sens des besoins identifiés aussi bien au niveau du public que du musée, doit en même temps sortir des logiques de fascination. Autrement dit, comme pour Schmitt et Meyer-Chemenska (2015 : 9), il s’agit de «…rendre la technologie davantage bienveillante pour les visiteurs, la rendre moins visible, plus ordinaire, moins fascinante, de façon à pouvoir penser et travailler une écologie de la médiation instrumentée. En ce sens, c’est bien le post-numérique dans les musées qu’il faut envisager aujourd’hui. Car c’est de l’effacement des interfaces par les usages dans le quotidien que viendra l’opportunité de penser ces dispositifs au service des visiteurs ». Il s’agit de concevoir des contenus en ligne « répondant à la logique des publics » au sens de Johnson (1997). A cet effet, Argoski (1995) cité par Roxane Bernier et Bernadette Goldstein (1998 : 110) montrait déjà que «…les nouveaux usagers du Web recherchent à la fois de l'information et du plaisir. Ce sont les éléments partagés par les meilleurs musées internationaux». Il s’agit de prendre aussi en compte les missions et les logiques des musées dans la conception de ces contenus. Partant de l’expérience de faible interactivité du compte Facebook du musée, les contenus des plateformes numériques doivent être pensés et élaborés dans des démarches inclusives (auteurs des œuvres, musées, publics, informaticiens…), avec des fonctionnalités interactives, une offre de services aux publics et la possibilité de mises à jour et d’adaptation permanente. Des démarches d’éducation du grand public à la connaissance du patrimoine culturel in situ sont également à encourager, notamment par des visites des musées. Ceci peut accroître leur capacité de critique constructive et leur créativité, par des méthodes associant informations et jeux dans les contenus proposés. Intégrer numérisation, interactivité et développement durable. Il importe au regard des constats, d’achever la numérisation pertinente des collections du Musée National, et de disposer d’outils permettant d’avoir une idée exacte de l’inventaire desdites collections en temps réel. Faut-il ici rappeler que « …les collections d'objets sont la composante la plus importante d'un musée et ce qui le distingue des autres institutions, comme les bibliothèques » et que «… l'intérêt des objets est diminué lorsqu'ils sont présentés sans aucune information sur leur provenance et l'interprétation des objets par le musée fait partie de sa raison d'être » comme le soulignaient Bowen, Bennett, Johnson, et Bernier (1998 : 121) ? L’observation in situ nous a donné de constater que les fichiers numérisés donnent lieu à peu d’interactivité avec les visiteurs. Il importe de sortir d’une démarche automatique de la numérisation pour mieux intégrer les utilisations des bases de données qui en résultent. Il s’agit de faire du patrimoine culturel des musées un « …écosystème social où les femmes et les hommes interagissent avec des savoirs, des objets et des paysages, en référence à la création autant qu’au souvenir » (Vidal, 2003 : 66). C’est que « L'idée d'une interactivité informatique joue un rôle crucial dans le cadre des relations usagers/musées médiatisées par ordinateur. Le fait que les contenus museaux numérisés soient accessibles, voire manipulables via des réseaux télécommunicationnels dessine les promesses d'une personnalisation et d'une individualisation de ces relations» (Vidal, 2003 : 66). Les démarches de numérisation et de digitalisation doivent également prendre en compte aussi bien en Afrique que partout ailleurs, les risques liés au « tout numérique » : terminaux et objets connectés qui engloutissent des quantités importantes d’énergie, épuisement des ressources non renouvelables par la fabrication des équipements électroniques, gestion de la fin de vie desdits équipements. Les démarches d’innovation verte pourraient être utilement intégrées dans les pratiques numériques des musées. Tirer parti des opportunités de visibilité Une veille sur Internet peut permettre aux musées africains de capter les opportunités offertes par certaines plateformes numériques telles Google Art ou Virtual Library muséums pages. L’annuaire virtuel Virtual Library muséums pages (http://www.icom. org/vlmp/) conçu et mis en ligne par Bowen, Bennett, Johnson, Bernier (1994) et sélectionné en 1996 par le Conseil International des Musées (ICOM) constitue une piste. Il permet selon leurs auteurs, la jonction des professionnels et bénévoles de musées à travers le monde, assure un accès aux visiteurs virtuels en ligne et offre des échanges d’informations propres aux musées. Il s’agit en effet de saisir dans une démarche de gagnant-gagnant (en s’assurant du respect du droit des auteurs), les nouvelles opportunités de visibilité de la Toile. C’est que dans l’effervescent univers des plateformes numériques, les managers de musée et les auteurs des œuvres d’art doivent notamment être attentifs au fait que des « …des évolutions montrent que si, à court terme, les producteurs et les créateurs de contenus ont pu espérer tirer profit des nouvelles technologies, à long terme ce sont plutôt de nouvelles plateformes, situées au niveau de la diffusion, qui s’approprient ces technologies pour redéfinir les stratégies commerciales et capter, in fine, l’essentiel de la valeur ». comme le relevait déjà Benghozi (2011). L’Afrique, qui apparaît vulnérable à la cybercriminalité (du fait notamment de la faiblesse, voire de l’inexistence du droit numérique dans ses Etats), doit aussi penser aux mesures de sécurité en ligne, en veillant notamment à la nature des informations (noms des mécènes, titres des œuvres d'art en restauration, etc.) diffusées sur les plateformes numériques des musées. Vers le développement des services Il importe de faire migrer vers des standards internationaux, les 2500 fichiers du Musée National déjà numérisés, et d’en faire un usage optimisé par une offre de services adaptés aux « clients du musée ». Des exemples peuvent inspirer cette démarche, à l’instar des bonnes pratiques partagées par Bowen, Bennett, Johnson & Bernier (1998 : 113).dans leurs études de cas de l’évolution des sites Internet des musées en France: « Au début, il ne s'agissait que de pages Web qui offraient un lien avec les bases de données de la librairie du musée, mais on a vite perçu ses potentialités en matière de promotion des activités du musée et d'information sur les nouvelles expositions ». Il importe pour le site Web en construction d’intégrer rapidement les innovations à sa portée. Il s’agit donc, au-delà d’être une simple vitrine des activités du musée, d’apparaître comme une plateforme de services proposant des expositions, parcours et visites virtuelles, des fora, « …dossiers scientifiques en images et textes, jeux et expériences en ligne, magazines, présentations de colloques, recueils de conférences, rubriques, voire sites dédiés au secteur éducatif […] boutiques commerciales », à l’instar des musées français décrits par Vidal. (2003 : 65). Le musée, par un recours aux dispositifs numériques, doit permettre de transformer la visite (physique/et virtuelle) du touriste en véritable vécu expérientiel, au sens de Schmitt et Meyer-Chemenska (2015). Conclusion Au total, de cette étude sur les usages des TIC au Musée National du Cameroun, se dégagent plusieurs constats et leçons, dont une forte restriction imposée au public pour ce qui concerne la manipulation des outils TIC présents au musée, du fait notamment des contraintes économiques qui grèvent la maintenance de l’existant, et inhibent l’acquisition d’un plus grand nombre d’équipements. Ceci a notamment pour conséquences une faible autonomie du parcours muséal des visiteurs, une forte médiation « numérico-culturelle » assurée par les médiateurs culturels. Ces médiations produisent elles-mêmes plusieurs faits : une autonomie naissante et exprimée de la part des visiteurs dans la construction de leur parcours muséal, les TIC comme facilitatrices dans la découverte et l’apprentissage des savoirs liés au patrimoine culturel, les caractéristiques ethniques et linguistiques comme facilitatrices dans le processus de compréhension et d’assimilation des connaissances culturelles médiatisées, l’identification et l’enracinement culturels facilités par les objets patrimoniaux médiatisés par les TIC, les artefacts numériques en musée comme dispositifs révélateurs de l’altérité, du sentiment d’appartenance culturelle et nationale pour des publics visiteurs jeunes ;originaires de jeunes Etats souvent confrontés aux défis de l’Unité Nationale. La visite apparaît alors comme un vécu expérientiel social, culturel, affectif, et politique, « qui s’intègre dans des corps de pratiques et dans des rapports aux territoires, aux institutions, aux médias » comme le montraient Eidelman & Roustan (2008) à la suite de Le Marec (2007). Mais, une meilleure efficacité de l’activité des musées africains passe par des efforts à fournir dans la modernisation et l’équipements en TIC des musées, la numérisation des collections, la généralisation de la formation et de l’éducation à l’usage des TIC en musée -avec cependant une forte optique d’autonomie dans l’usage et la construction du parcours visiteur-, la diversification d’une offre de services adaptés aux besoins locaux et à ceux des touristes étrangers, notamment par la digitalisation. Bernard Schiele (1992 : 86) l’avait prédit et des études l’ont démontré: l’histoire du visiteur d’exposition est aussi « l’histoire de ce qu’on attend de lui » et « celle des moyens mis en œuvre pour qu’il s’y conforme ». Les pays africains doivent se donner les moyens de relever les défis qui se posent à leurs musées, et au-delà, à la conservation, la gestion et le développement de leur patrimoine culturel ; dont les impacts sont indéniables sur tous les autres facteurs de leur développement. Références bibliographiques Altman, I., & Rogoff, B. (1987). World views in psychology: Trait, organismic and transactional approaches. The handbook of environmental psychology, 1. Andreacola F., « Musée et numérique, enjeux et mutations », Revue française des sciences de l’information et de la communication, (5), 2014. Argoski J., Virtual Museums: The Web Experience, The Virtual Mirror, 1995. 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