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Mémoire-Odile DERNIERE VERION

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Faculté de philosophie et Lettres
Départements des Langues et Littératures françaises et romanes
Placement et enjeux du dramaturge amateur
dans un champ théâtral en mutation
Étude du cas de Mathieu Falla (1943-1998)
Mémoire présenté par Odile Julémont en vue de
l’obtention du grade de Master en langues et
Littératures françaises et romanes à finalité approfondie
sous la direction de Nancy Delhalle.
Année Académique 2016/2017
i
Remerciements
Dans le cadre de la rédaction de ce travail, plusieurs personnes m’ont apporté une aide
précieuse et je tiens ici à les remercier.
Tout d’abord, Vivienne Martin-Falla, pour les nombreuses informations qu’elle m’a fournies,
mais aussi pour sa disponibilité et ses encouragements.
Ensuite, ma promotrice, Mme Nancy Delhalle, qui a su guider mes recherches et ma réflexion.
Pascal Lefebvre, Aline Koolen et Dominique Brévers pour le temps qu’ils m’ont consacré.
Alice Grace, Nathalie Closson, Robert Neuray, Dina Karamova, Patrick Govers, Thomas
Pierard, Isabelle Neuray et Benoît Franck pour leur relecture attentive et leurs conseils
pertinents.
Mais aussi ma famille, mes amies, Virginie, Céline et Julien qui m’ont soutenue et supportée
tout au long de l’élaboration de mon mémoire.
ii
iii
Introduction
1
« Mathieu Falla mérite d’être connu du grand public cultivé, en Belgique et
ailleurs »1.
Michèle Gérard2.
Le champ théâtral liégeois actuel est le résultat de mutations qui survinrent au début
des années 1960 et qui connurent leur paroxysme dans le tournant des années 1970. De
cette époque, ce sont les formes dominantes qui ont été retenues, celles dont les
aboutissements sont toujours perceptibles à l’heure actuelle. Mais qu’en est-il des structures
éphémères, des compagnies et des agents théâtraux qui n’ont pas pu, ou pas voulu, suivre
la dynamique de renouveau et d’engagements sociaux qui prédomina par la suite ?
L’émergence et l’affirmation des nouveaux codes esthétiques et de nouvelles conceptions
artistiques étant le résultat d’interactions entre des forces centripètes et centrifuges, l’enjeu
de ce travail est de saisir la nature de ces interactions, la manière dont ces forces ont pu
s’entremêler, s’affronter ou s’assimiler.
Nous avons fait le choix d’aborder cette problématique principale par le biais de la
trajectoire littéraire et artistique du Liégeois Mathieu Falla. Ses diverses relations avec trois
secteurs théâtraux (universitaire, amateur et professionnel), à une période de mutations du
champ théâtral, font en effet de ce dramaturge un point d’entrée pertinent dans la résolution
de notre problématique. De l’étude de cette trajectoire ont émergé d’autres interrogations
relatives au statut de l’auteur dramatique amateur telles que la place de l'auteur de théâtre
à une époque où la mise en scène devient primordiale, la répartition du temps entre pratique
amateur et activité professionnelle, ou encore les modes de consécration envisageables dans
le secteur littéraire amateur.
La focalisation de nos recherches sur un agent particulier du champ théâtral permet
ainsi de poser un double objectif : mettre en lumière un personnage du théâtre amateur
liégeois aujourd’hui méconnu et investiguer les différents champs dans lesquels il évolue.
Les deux aspects de cette réflexion s’articulent ici grâce à deux instances : les œuvres
produites par Mathieu Falla et la formation de ses divers réseaux de sociabilité.
1
2
GERARD, M., « Avant-Propos », In FALLA, M., Théâtre, Liège, Romanicula, 1966.
Aujourd’hui connue sous le pseudonyme de Michèle Fabien.
2
Dans un premier temps, nous envisagerons la production littéraire de l’auteur en
tant qu’expression des diverses positions qu’il occupa dans les champs littéraire et
artistique au cours de sa trajectoire. Étant donné le peu de postérité que connut Mathieu
Falla, le regroupement des informations le concernant constitue une étape de recherche
importante de ce travail. En ce qui concerne les données relatives à la présentation de ses
pièces, la chronologie des spectacles du Théâtre Universitaire de Liège (disponible en
annexe) et le site de ressources en ligne de la Bibliothèque nationale de France (data)
constituent nos principaux outils. Les informations propres à la vie personnelle de Mathieu
Falla nous seront en revanche fournies par son épouse, Vivienne Martin, via une
correspondance électronique qu’elle n’a pas souhaité voir retranscrite ici. Nous avons donc
pris le parti de référencer ces informations par la mention : « courriel daté du », suivi de sa
date de réception.
Dans un second temps, lorsque nous étudierons plus spécifiquement les champs
théâtraux universitaire et amateur, les textes feront l’objet d’une étude littéraire et
dramaturgique plus aboutie. Nous questionnerons alors le texte théâtral dans ses
spécificités : appartenance à un éventuel sous-genre dramatique, production de parole,
dimension spatio-temporelle de l’intrigue (s’il y a une intrigue) et composition du
personnage. Pour ce faire, nous aurons majoritairement recours aux ouvrages de deux
théoriciens du théâtre : Michel Vinaver et Jean-Pierre Ryngaert. Les pièces seront donc
étudiées pour elles-mêmes, mais surtout en ce qu’elles réfractent la position de l’agent (ou
de l’institution qu’il représente) par rapport aux changements esthétiques, culturels et
politiques qui traversent son époque.
Parallèlement à l’analyse des œuvres de Mathieu Falla, ce travail envisagera les
modes de formation et d’interaction des divers réseaux de sociabilité constitués par l’auteur
au cours de sa trajectoire. Dans un premier temps, notre démarche suscitera des
interrogations très concrètes telles que : « Dans quel contexte se construisent ces
réseaux ? », « Quels sont les agents qui les composent ? » ou « Quelle influence ont-ils sur
la production et les activités de Falla ? ». Dans un second temps, une perspective plus large
nous permettra de considérer ces agents comme représentatifs d’une institution ou d’un
courant esthétique particulier. Dès lors surviendront d’autres problématiques relatives au
degré de coprésence de ces réseaux et au type de relation qu’ils entretiennent entre eux.
Nous pourrons alors tenter d’évaluer le degré de perméabilité et la nature des relations
établies entre les institutions et les courants esthétiques théâtraux.
3
La présentation de notre exposé se déroulera donc en trois étapes, respectivement
intitulées : « Problématisation d’une trajectoire littéraire et artistique », « Quel placement
au sein d’un Théâtre Universitaire en mutation » et « Perméabilité des réseaux amateur et
professionnel ».
La première partie a pour fonction d’établir le cadre de notre recherche. Elle
consiste ainsi en la présentation problématisée de la trajectoire de Mathieu Falla. Son aspect
quelque peu factuel répond donc à la nécessité de contextualiser des instances et des enjeux
développés dans la suite du travail. Les parties suivantes envisageront deux pans du champ
théâtral liégeois : le théâtre universitaire et le théâtre amateur, tels qu’ils se présentent au
moment où Falla décide de les investir. Comme annoncé supra, ces deux parties alterneront
entre analyse des œuvres et analyse des réseaux.
Voyons donc à présent de quelle façon la trajectoire de Mathieu Falla est un
exemple symptomatique de la perméabilité des réseaux artistiques et du positionnement du
dramaturge amateur dans les différents champs qu’il fréquente.
4
Chapitre I :
Problématisation
d’une trajectoire
littéraire et
artistique
5
I.1. Ambitions artistiques d’un étudiant romaniste.
Constitution d’un capital social
Né à Liège en 1943, Mathieu Falla est issu d’un milieu assez modeste. Il grandit
dans le quartier populaire d’Outremeuse où il vit avec sa mère, fleuriste, et son père, ouvrier
à l’usine Cockerill de Seraing et lui-même fils de fermier. Il réalise néanmoins un parcours
scolaire complet à l’Athénée Royal Charles Rogier. Sachant que les taux de fréquentation
scolaire en Belgique francophone chez les étudiants âgés entre dix-sept et dix-huit ans ne
s’élèvent alors qu’à 29,6 %3, ceci peut déjà être considéré comme un parcours de type long.
Notons en outre que le « Pacte scolaire », prescrivant la gratuité de l’enseignement dans les
établissements de l’État ne sera signé qu’en 19594. L’accès à l’enseignement secondaire
supérieur est donc encore réservé à une certaine élite. Or, nous l’avons vu, Falla n’est pas
issu d’un milieu social privilégié. Son parcours scolaire laisse ainsi supposer une volonté
d’ascension sociale de la part de ses parents et/ou un très bon niveau scolaire de l’élève,
qui aurait suscité l’encouragement de ses professeurs.
Plusieurs courriels de sa femme, Mme Vivienne Martin5 confirment en partie ces
suppositions. Tout d’abord, Mathieu Falla a été encouragé par certains de ses professeurs à
approfondir son intérêt et ses prédispositions pour l’écriture. C’est le cas notamment de
Jean Servais. Ce romaniste diplômé de l’Université de Liège est alors directeur La Vie
Wallonne, revue qui se veut représentative de la vie culturelle wallonne. Ayant conservé
des liens étroits avec la faculté de philologie romane, Servais favorise les publications
portant sur la philologie, l’Histoire, le folklore ou encore la dialectologie6. L’établissement
compte ainsi parmi ses agents un professeur actif dans le secteur culturel wallon. Il n’est
d’ailleurs pas le seul à promouvoir l’émulation culturelle de l’Athénée : dès 1959, un atelier
Pourcentage de l’année scolaire 1956-1957. Cf. GUILLAUME, J.f., VERJANS, P. et MARTINIELLO,
M., (Dir.), Les Politiques publiques en matière d’Enfance et de Jeunesse au XX e siècle, en Belgique et en
Communauté française, Liège, Université de Liège. Institut des Sciences humaines et sociales, mai 2005
[En ligne], URL :
http://www.oejaj.cfwb.be/index.php?eID=tx_nawsecuredl&u=0&file=fileadmin/sites/oejaj/upload/oejaj_su
per_editor/oejaj_editor/pdf/Politiques_publiques__rapport_final.pdf&hash=0999c06329708ebfb174b6ad38d295f569a5535b, (consulté le 02/08/2017).
4
MATONDO, A., « Gratuite scolaire en Communauté française, leurre ou réalité ? », In Publication de
Coordination des ONG pour les droits de l’enfant (CODE) [En ligne], URL :
http://www.lacode.be/IMG/pdf/gratuite_scolaire_042007.pdf, (consulté le 2/08/2017).
5
Courriel daté du 27/07/2017.
6
DELFORGE, P., « Jean Servais, le ´romaniste directeur de La Vie Wallonne », In Connaître la Wallonie
[En ligne], URL : http://connaitrelawallonie.wallonie.be/fr/wallons-marquants/dictionnaire/servais-jean-leromaniste-directeur-de-la-vie-wallonne#.WYiYo1FJbIU, (consulté le 07/08/2017).
3
6
de théâtre est mis en place dans l’établissement par le préfet des études, Adelin Closset, et
le proviseur, Jean Granville. Cette activité parascolaire est alors un prolongement des cours
de diction et s’adresse aux élèves qui souhaitent appliquer leurs acquis dans la pratique de
l’art dramatique. Peu de temps après sa création, les membres décident d’institutionnaliser
leur groupe et lui donnent le nom de « Bacheliers »7. Mathieu Falla est donc en contact
avec un environnement culturel directement lié à l’institution scolaire et développe assez
jeune un contact privilégié avec ses professeurs.
Une fois diplômé de l’enseignement secondaire supérieur, Mathieu Falla souhaite
entamer des études artistiques au Conservatoire de Liège, décision à laquelle ses parents
s’opposent, préférant pour leur fils un cursus universitaire qui pourrait lui assurer un emploi
de professeur et ainsi, un avenir serein. Falla finit donc, à regret, par suivre leur avis8. Ici
encore, gardons à l’esprit que les études universitaires ne sont alors accessibles qu’à une
très faible partie de la population. Selon les statistiques réalisées en 1961 par Pierre
Bourdieu et Jean-Claude Passeron relatives aux choix scolaires des étudiants en fonction
de leur origine sociale9, la probabilité que ce fils d’ouvrier accède à l’Université n’est
d’ailleurs que de 1,6%. Si elles concernent plus directement le domaine français, ces
statistiques présentent cependant l’avantage majeur de porter précisément sur l’année à
laquelle Mathieu Falla est lui-même entré à l’université.
Nous voyons donc que la poursuite d’un parcours d’enseignement universitaire est
avant tout souhaitée par les parents de Falla, qui veulent procurer à leur fils une meilleure
situation que celle qu’ils ont eux-mêmes connue. Comme le démontre cette même étude
sociologique menée par Bourdieu et Passeron10, ce raisonnement s’applique à plus large
échelle dans les classes sociales les plus défavorisées, qui ont tendance à accorder une plus
grande importance aux débouchés offerts à une filière d’études et donc à leur rentabilité11 .
Parallèlement à son cursus scolaire, ce futur romaniste s’applique à développer des
activités culturelles dites « libres », autrement dit non prises en charge par l’institution
scolaire ou familiale. Dès la fin de ses études dans l’enseignement secondaire, ce jeune
étudiant se rend ainsi fréquemment au cinéma ou au théâtre. Sa passion pour la musique
ATHÉNÉE ROYAL CHARLES ROGIER, « Bacheliers », In Site de l’Athénée Royal Charles RogierLiège 1 [En ligne], URL : http://www.liege1.be/Bacheliers~T-183-0-1, (consulté le 20/04/2017).
8
Courriel daté du 23/04/2017.
9
BOURDIEU, P., et PASSERON, J.-C., Les Héritiers. Les étudiants et la culture, Paris, Les Éditions de
Minuit, 1979, p. 13.
10
Ibidem, p. 14.
11
Ibidem, p. 14.
7
7
classique le pousse aussi à se rendre régulièrement à l’Opéra, où il accompagne ses
cousines. Si l’on s’en réfère une fois de plus aux recherches de Bourdieu, cette fois parues
dans son ouvrage La Distinction12, cette inclination peut être envisagée comme une
stratégie d’intégration sociale. Le sociologue défend en effet l’idée d’un lien fonctionnel
entre classes supérieures et goût des arts savants. Autrement dit, si l’on parle en termes de
genres musicaux, l’intérêt des classes sociales dominantes se porte davantage vers la
musique classique, l’opéra et la musique contemporaine. Or, toujours selon le chercheur,
on remarque une imitation des élites de la part des autres groupes sociaux, afin de favoriser
leur intégration culturelle et, plus largement, sociale.
Cependant, comme le fait justement remarquer Philippe Coulangeon, les frontières
sociales d’un individu ne sont pas tant visibles dans l’objet de ses fréquentations culturelles
que dans le rapport et l’appréhension qu’il développe autour de cet objet13. Dans le cas
présent, la fréquentation de l’opéra est complétée par des aides fréquentes portées au rayon
« musique classique » du disquaire « Etincel ». Ces éléments semblent donc bien
significatifs d’un sentiment d’aisance et de familiarité avec l’objet musical. Située passage
Lemonnier, non loin de l’Université, la boutique est fréquentée par de nombreux Liégeois,
ce qui permet également à ce jeune étudiant d’étendre encore son réseau social.
Bref état des lieux du champ culturel et universitaire liégeois
En intégrant l’Université de Liège en 1961, Mathieu Falla entame son quotidien
estudiantin dans la période dite des « trente glorieuses », période économiquement faste,
qui s’étend de l’immédiat après-guerre au milieu des années 1970. La ville de Liège connaît
à cette époque des reconfigurations urbanistiques importantes. L’historien Jean Lejeune,
alors échevin des travaux publics, met en place un vaste projet d’aménagement du « grand
Liège » en rasant des quartiers entiers pour y construire de nouveaux bâtiments jugés plus
modernes et plus salubres. C’est dans cet élan de renouvellement que débutent, en 1960 les
travaux relatifs à la construction de la maison de la culture des Chiroux. L’infrastructure
12
BOURDIEU, P., La Distinction : critique sociale du jugement, Paris, Minuit, coll. « Le sens commun »,
1979, p. 33.
13
COULANGEON, P., Sociologie des Pratiques culturelles, Paris, La Découverte, coll. « Repère », 2005,
p. 10.
8
comprend une salle de spectacle et d’exposition au sous-sol et une bibliothèque située aux
étages14.
La même année, la faculté de Philosophie et Lettres connaît elle aussi des
transformations organisationnelles et architecturales en prenant place dans les nouveaux
bâtiments de la place Cockerill15. Ces infrastructures permettent, entre autres, la création
d’une bibliothèque propre à la section de Romanes. L’ensemble des ouvrages disséminés
dans les différentes salles de cours font ainsi l’objet d’un véritable classement, mis en place
par l’assistant Jean Renson. La section se voit également attribuer une secrétaire attitrée16.
Ces démarches architecturales sont représentatives d’une époque où règne encore
l’illusion de prospérité économique. Celle-ci est due à deux facteurs majeurs, économiques
d’une part, politiques et sociologiques de l’autre. Concernant l’économie, les appareils de
production belges, relativement peu touchés par la seconde guerre mondiale, constituent
une ressource essentielle dans une Europe en pleine reconstruction. De plus, l’accessibilité
au port d’Anvers et la disponibilité de main d’œuvre font du pays un lieu d’investissement
enviable pour les pays étrangers. D’un point de vue politique et social, les actions
syndicales des années d’après-guerre trouvent un répondant dans la politique socialiste, qui
forme la majorité au Parlement. Cette alliance aboutit à des avancées sociales considérables
comme l’augmentation des salaires et la réduction du temps de travail des travailleurs
moyens, ce qui leur permet l’accès aux loisirs et à l’éducation17. C’est également à cette
époque que s’accélère la politique de démocratisation culturelle. Celle-ci répond à une
double fonction : culturelle (volonté d’augmentation des connaissances) et sociale (idée
selon laquelle la culture apporterait une stabilité sociale en repoussant les embrigadements
politiques)18.
C’est dans ce contexte socio-économique que Mathieu Falla fait son entrée à
l’Université. En matière d’enseignement, la modification des programmes dont la section
CHARLIER, S. (Dir.), Liège : Guide d’Architecture moderne et contemporaine 1895-2014, Bruxelles,
Mardaga, 2014, p. 70.
15
DUBUISSON, M. (Dir.), « Le Problème des Bâtiments de l’Université de Liège au seuil de l’année
1960 », In Association des Amis de l’Université de Liège. Bulletin Trimestriel, 32e année, vol.2, 1960, p. 7.
16
TYSSEN, M., TILKIN, Fr. et DELBOUILLE, P., Les Romanistes liégeois. Deux chroniques pour un
centenaire, Liège, Université de Liège, 1990, pp. 61-62.
17
CASSIERS, I., et DENAYER, L., Concertation sociale et transformations socio-économiques en
Belgique, de 1944 à nos jours, Louvain-la-Neuve, Institut de recherches économiques et sociales de
l’Université catholique de Louvain (Discussion paper, 42), 2009, pp. 5-6.
18
SCIEUR, P., VANNESTE, D., et LOWIES, J.-G. (coord.), « La Médiation artistique et culturelle :
cadrage théorique et approche sociologique », In Repère. Politiques culturelles, n°6, Les Publics de la
Culture, n°6, mars 2015, p. 9.
14
9
fera l’objet au début des années 1970 n’est pas encore d’application. Si la prospérité
budgétaire du début des années 1960 a en effet permis des réformes notables dans le
domaine architectural et organisationnel, les méthodes d’enseignement n’ont quant à elles
pas encore connu les grands bouleversements apportés par les « révolutions » de mai 1968.
Les programmes comptent majoritairement des cours généraux et les cours d’histoire et de
philosophie ne sont pas encore répartis en plusieurs options. Les filières possibles au sein
de la section sont donc très limitées19. Parmi les piliers des cours généraux dispensés dans
le département de Langues et Littératures Romanes, on relève par exemple celui dédié à
l’Histoire de la Littérature française du Moyen Âge. Le crédit accordé à cette matière
trouve ses sources aux fondements même de la section de Philologie Romane de
l’Université de Liège. C’est en effet au chercheur Maurice Wilmotte que revient
l’attribution, en 1890, des cours d’Histoire approfondie des Littératures romanes ;
Grammaire comparée des langues romanes ; Explication approfondies d’auteurs français ;
Latin vulgaire et Exercices philologiques sur les langues romanes qui inaugurèrent la
section20. Celle-ci est donc traditionnellement attachée à la spécialisation médiéviste.
Premières instances d’émergence : revues et corps enseignant
Nous avons jusqu’ici abordé deux « instances extra-littéraires » — au sens où
l’entend Jacques Dubois21— que représentent la sphère familiale et l’école secondaire. En
ce qui concerne le cercle familial, il s’avère que son rôle est primordial dans la construction
de l’habitus et la formation du capital social de l’individu. Or, dans le cas présent, nous
savons que l’entourage familial de Falla a marqué une volonté claire d’ascension sociale et
a manifesté un intérêt pour le domaine artistique, du moment que celui-ci n’empiète pas sur
la scolarité de leur fils.
L’entrée de Mathieu Falla à l’Université de Liège coïncide en outre avec ses
premières productions littéraires et artistiques. Ces deux trajectoires (scolaire et artistique)
sont, dans un premier temps, intimement liées. D’une part, les thèmes et références qu’il
insère dans ses textes prennent largement sources dans les différentes matières enseignées
à l’époque et particulièrement en littératures médiévales ; d’autre part, le lien que l’étudiant
19
TYSSEN, M., TILKIN, Fr. et DELBOUILLE, P., Op. Cit. p. 59.
Ibidem, p. 59.
21
DUBOIS, J., L’institution de la Littérature, Paris, Labor, 2005, pp. 82-83.
20
10
établit avec ses différents professeurs joue un rôle important dans son émergence littéraire
et artistique.
Parmi les romanistes qui influencent l’écriture de Mathieu Falla, citons en premier
lieu Rita Lejeune. Médiéviste de renommée, elle dispense alors le cours de Littératures
médiévales. Or, l’imaginaire et les thématiques médiévales sont clairement visibles dès les
premiers écrits de l’étudiant avec des pièces comme Mélusine ou Médée22, respectivement
présentées en 1964 et 1966 au Théâtre Universitaire.
Professeur d’esthétique mais aussi auteur et poète, Arsène Soreil va également jouer
un rôle important dans l’initiation de Mathieu Falla aux pratiques littéraires et, de manière
générale, faire preuve d’un important investissement au sein de la faculté de Philosophie et
Lettres. Après une longue carrière de professeur de français à l’École Normale de Stavelot
assumée en parallèle avec sa charge de cours d’Esthétique à l’Université de Liège, Arsène
Soreil se voit confier une charge complète dans le département de Romanes suite au départ
à la retraite du professeur Fernand Desonay. Il est déjà bien connu des étudiants pour sa
participation active à la création du cercle interfacultaire de littérature en 1955, initiative
qui relève d’une volonté d’associer cercle étudiant et cercle littéraire23. Les agents qui le
composent sont donc théoriquement tous étudiants universitaires et engagés dans un cursus
de la faculté de philosophie et Lettres, ce qui génère une certaine homogénéité des membres
du groupe.
Le sociologue Maurice Aghulon, dont les recherches portent principalement sur les
associations constituées, s’est particulièrement intéressé à la forme de sociabilité du cercle,
qu’il définit comme « une association d’hommes organisés pour pratiquer une activité
désintéressée (non lucrative) ou même pour vivre en commun la non activité ou loisir »24.
Bien que cette définition soit établie dans le cadre d’une étude sur les cercles littéraires
français dans la première moitié du XIXe siècle, sa dimension très générale nous permet
néanmoins de l’appliquer au cas présent. Nous sommes bien ici face à une association
regroupée pour discuter, écrire ou lire des textes littéraires ou simplement pour assister à
des représentations théâtrales ou cinématographiques. Ces activités sont bien
désintéressées, dans le sens où elles n’entraînent pas de rémunération. On peut cependant
Héroïne grecque, la protagoniste est aussi l’un des personnages centraux du Roman de Troie de Benoît de
Sainte-Maure.
23
TYSSEN, M., TILKIN, Fr. et DELBOUILLE, P., Op. Cit. p. 65.
24
AGHULON, M., Le Cercle dans le France bourgeoise, Paris, Armand Colin, 1977, p. 17.
22
11
se demander dans quelle mesure l’adhésion à ce cercle pouvait avoir un impact sur le
développement du cursus scolaire des étudiants (liens privilégiés avec les professeurs,
façon de se distinguer…).
Le cercle représente en outre une segmentation des réseaux dans lesquels Falla
évolue. Nous appliquerons ici les traits définitoires des réseaux de sociabilité énumérés par
Gisèle Sapiro dans son court ouvrage Sociologie de la littérature25, afin d’envisager la
formation et les enjeux du Cercle Interfaculatire de Littérature. Tout d’abord le cercle est
intrinsèquement lié à l’institution universitaire. Dirigé par l’un de ses professeurs, il doit
également être approuvé par son recteur. Tous les membres qui le composent s’insèrent de
la même façon dans le champ universitaire. Son degré d’autonomie est donc partiellement
restreint. Pour ce qui est de la taille de ce réseau, elle est très variable et peut amplifier ou
non en fonction du nombre d’étudiants qui décident de s’y impliquer. Celle-ci relève en
outre uniquement de leur propre décision, aucune condition d’entrée (fondée par exemple
sur les résultats scolaires) n’est requise.
Le recensement des informations relatives au cercle sont facilitées par son
émanation écrite : La revue Écritures, fondée en 1956 par Arsène Soreil et quelques
étudiants. Le périodique va permettre aux jeunes membres du Cercle Interfacultaire de
diffuser chaque fin d’année leurs textes, de natures très variées : poésies, nouvelles, articles,
critiques de livres ou de films, etc. Le nombre de publications parues dans cette revue laisse
entendre un réel engouement chez les étudiants pour cette initiative. De plus, au vu des
différentes interventions, la revue semble être lue tant par les étudiants que par le corps
professoral. En ce qui concerne sa présentation formelle, tous les numéros de la décennie
1957-1967 se présentent de la même façon : un avant-propos du conseiller (Arsène Soreil)
suivi directement de la distribution des prix du C.I.L, la plus large partie étant consacrée
aux écrits des étudiants. Le « rapport du secrétaire » résume les activités du cercle en une
page et une liste des membres clôture chaque numéro avec la table des matières. Il est
également stipulé que les « cahiers d’Écritures peuvent être demandés à l’adresse du
Conseiller […] moyennant vingt francs le fascicule »). C’est à travers ce périodique que
seront diffusées les quatre premières pièces écrites par Mathieu Falla : Le Combat de
Thanatos, Adieu Amanda, Les Solliciteurs et L’intrus.
25
SAPIRO, G., La Sociologie de la Littérature, Paris, La Découverte, coll. « Repères. Sociologie », 2014,
pp. 52-55.
12
Le comité organisateur met également en place un concours annuel visant à
récompenser les productions littéraires d’étudiants méritants. Se forme à cette occasion un
jury regroupant plusieurs professeurs de l’Université de Liège ainsi que des intervenants
extérieurs. On observe donc une volonté de hiérarchisation des agents, ainsi qu’une relative
prise de distance par rapport à l’institution. Ce concours constitue une véritable instance
d’émergence pour Mathieu Falla, primé trois années consécutives. L’année académique
1962-1963 il reçoit le premier prix de prose dramatique pour sa pièce Le Combat de
Thanatos. Le jury tient également à le distinguer pour sa nouvelle Mort de l’oiseau, parue
la même année dans La Guimbarde, la revue du Cercle des Étudiants Romanistes26. En
1964, cette même nouvelle remporte le deuxième prix de prose, ex aequo avec son
condisciple Christian Monfils. Le choix de ne pas délivrer de première place est assez
révélateur d’un système méritocratique, qui tend à maintenir l’humilité des étudiants.
Comme l’explique Arsène Soreil : « Que cette marque d’exigence renforcée fasse l’effet
d’un stimulant, sans plus. Le Prix C.I.L. n’en sera que plus coté et plus recherché- à son
rang, cela va sans dire […] »27. Pour le prix de la dixième année du cercle, en 1965, « le
jury a voulu récompenser exceptionnellement, l’apport en vérité hors pair, de Mathieu
Falla, non seulement dramaturge mais, à l’occasion, conteur et poète […] »28. L’étudiant
est alors en dernière année de licence. Force est donc de constater que sa production
littéraire reste jusque-là assez variée ; même si son intérêt principal semble davantage porté
sur les textes dramatiques, il s’exerce également dans d’autres genres comme la poésie ou
la nouvelle. Il est également intéressant de noter que le C.I.L ne décerne plus de palmarès
à partir de l’année 1966 car, selon l’avis du conseiller, « les fournisseurs possibles de textes
valables [sont] des étudiants d’ores et déjà primés »29. Ce point de vue peut être perçu
comme un élément symptomatique d’un écart générationnel qui se creuse entre le corps
professoral et les étudiants, à l’aube des contestations estudiantines de mai 1968.
Parallèlement à la revue Écritures, codirigée par un professeur, les étudiants
romanistes mettent également sur pied une revue intitulée La Guimbarde. Des concours
sont aussi organisés, à l’occasion desquels les étudiants ont la possibilité de faire corriger
leurs textes par le même Arsène Soreil. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, il ne s’agit
pas ici d’une reproduction des concours organisés par le C.I.L. ; l’organisation y est en effet
26
CERCLE INTERFACULTAIRE DE LITTÉRATURE (CIL), Écritures, Liège, 1963, p.28.
CIL, Op.Cit., 1964, p. 6.
28
CIL, Op. Cit., 1965 p. 7.
29
CIL, Op. Cit., Liège, 1966 p. 5.
27
13
beaucoup moins rigide et l’on perçoit plutôt une prise de distance de la part des étudiants
qui mènent leur revue sans grande prétention. À titre d’exemple, Falla remportera le
concours du cercle de l’année 1962, qui proposait de composer une chanson autour du
thème « je n’en veux plus », laissant libre le choix du sujet précis, le mode ainsi que
l’éventuelle mise en musique30.
Ainsi, en permettant et en stimulant la circulation des productions de Mathieu Falla
non seulement parmi les étudiants mais aussi dans le corps professoral, les revues du cercle
vont s’avérer être un moyen de diffusion efficace au sein de l’Université. De plus, les
différents concours qui en émanent vont générer une valorisation de ses premiers textes
littéraires. Par ailleurs, l’attestation de la qualité artistique de ses écrits, tant par les
professeurs que par les étudiants, suggère chez ce jeune auteur une certaine capacité
d’adaptation en fonction des horizons d’attente de son lectorat potentiel. Pour ces
différentes raisons, nous pouvons considérer les deux revues des cercles romaniste et
interfacultaire de littérature comme des instances d’émergence dans la trajectoire littéraire
de Mathieu Falla.
Le Théâtre Universitaire de Liège comme forme de sociabilité
La rédaction de textes pour le cercle interfacultaire et la fréquentation du cercle des
romanistes ne sont pas les seules activités de Falla liées à l’Université. Dès son inscription
dans la faculté, il intègre la chorale universitaire. Étant donné l’enthousiasme que génère
chez lui la musique classique, cette initiative n’est pas étonnante. Elle illustre également un
désir d’intégration et une démarche d’enrichissement culturel. Son investissement au sein
du C.I.L le mène également au Théâtre Universitaire, sous les conseils de son professeur
Arsène Soreil, qui reconnaît la qualité des créations de son étudiant. La rédaction de pièces
de théâtre précède donc bien ici la pratique théâtrale elle-même. Certaines rubriques de la
revue La Guimbarde témoignent également de sa fréquentation assidue du Théâtre de
l’Étuve31. Improvisée dans un ancien entrepôt de maraicher par quatre étudiants de l’ULg
en 1951, l’enjeu de leur initiative est alors de monter des pièces d’avant-garde, en
alternative au théâtre dominant. À l’époque où Falla fréquente ce théâtre, ce dernier se
présente déjà comme une institution dans la vie culturelle liégeoise en proposant des
30
31
CERCLE DES ÉTUDIANTS ROMANISTES, La Guimbarde, vol. 1, 1962, p. 12.
CERCLE DES ÉTUDIANTS ROMANISTES, Op. Cit., vol. 1, 1963, p.16.
14
spectacles mais aussi des expositions et des lectures publiques32. Lors de son entrée au
Théâtre Universitaire, Mathieu Falla a donc déjà une vision relativement large du domaine
théâtral, en tant qu’auteur, spectateur et, de par sa formation en philologie romane, analyste.
Sans développer plus avant le fonctionnement du Théâtre Universitaire liégeois, sur
lequel nous reviendrons au chapitre suivant, nous pouvons cependant en dresser un rapide
portrait, focalisé sur la période durant laquelle Falla y joue une part active. Lors de son
entrée à l’Université en 1961, le théâtre est alors dirigé par François Duyckaertz, philosophe
et psychologue de formation et dont le théâtre n’est pas la spécialité. Afin de combler ses
lacunes, il fait appel à un metteur en scène exerçant habituellement au Théâtre de l’Étuve33,
ce qui donne ainsi lieu à un cas d’entremêlement entre théâtre universitaire et théâtre
professionnel. Selon Robert Germay, directeur du TULg entre 1983 et 2007, la direction
de François Duyckaertz constitue une parenthèse dans l’histoire du Théâtre Universitaire.
Ces choix ne plaisent d’ailleurs pas à différents membres comme par exemple François
Duysinx (qui en assurera ensuite la direction) et Jeanne Wathelet. Pourtant tous deux
membres fondateurs de la compagnie, ils décident à cette époque de s’en éloigner34.
Ils ne sont pas les seuls à prendre leurs distances avec le TULg et certains étudiants
adoptent une attitude nettement plus radicale. En réaction à cette dynamique réfractaire aux
changements, Roger Dehaybe, Henry Pirotte, Robert Louis, Claude Micheroux et Mathieu
Falla vont s’unir pour créer le « Théâtre de la Communauté des Escoliers de la Lune »35.
Alors animés par les idéaux de la démocratisation culturelle mise en place en France par la
politique d’André Malraux et appliquée par Jean Vilar avec le Théâtre National Populaire,
les étudiants entendent créer un théâtre « pour un autre public »36. Ils optent ainsi pour la
décentralisation et s’établissent à Seraing, en banlieue industrielle liégeoise. Mathieu Falla
participe à la mise en place de cette jeune compagnie en jouant dans ses deux premiers
spectacles : Impromptus, une création collective inspirée des Sept Impromptus à loisir de
René Obaldia (1961) et Histoire de Vasco, une pièce de 1956 de Georges Schéhadé, mise
en scène par Robert Louis37. En faisant le choix de monter des auteurs contemporains et de
32
DELHALLE, N., « Théâtre : Croisements entêtés avec le Politique », In DELHALLE, N. et DUBOIS, J.
(Dir.), Le Tournant des années 1970. Liège en effervescence, Bruxelles, Les Impressions nouvelles, 2010, p.
142.
33
GERMAY, R., 2011, Op. Cit.
34
Ibidem.
35
DELHALLE, N. et DUBOIS, J. (Dir.), Op. Cit., p. 146.
36
LESAGE, S., Le Théâtre de la Communauté. Oser être libre, Mons, Le Cerisier, 2014, p. 7.
37
ASPASIA, « Théâtre de la Communauté. Année 1963 », In Aspasia. L’annuaire des spectacle [En ligne],
URL : http://www.aml-
15
mettre en place un fonctionnement de créations collectives, les membres fondateurs se
placent en opposition à la politique que François Duyckaertz mène au TULg. Cependant,
la troupe ne prétend pas se détacher entièrement du théâtre étudiant ; la mise en scène de
Robert Louis sera d’ailleurs récompensée au Festival Universitaire de Nancy, créé la même
année par Jack Lang.38
Les liens qui unissent alors le Théâtre de la Communauté des Escholiers au Théâtre
Universitaire restent donc malgré tout clairement visibles. Par ailleurs, il faut relever le
changement de direction du TULg qui a lieu au cours de l’année 1962. Dépassé par ses
obligations professionnelles, François Duyckaertz cède sa place à François Duysinx. Ce
dernier apporte un souffle plus neuf au répertoire en reprenant des pièces médiévales peu
jouées, des pièces plus classiques mais aussi des créations contemporaines. C’est également
un fin connaisseur de musique classique : issu d’une famille de musiciens et lui-même
violoncelliste39, il apporte son savoir-faire au TULg en incorporant par exemple des parties
musicales à certains spectacles comme le Dyscolos de Ménandre, monté dès son entrée en
fonction40.
C’est à cette époque, plus précisément de 1963 à 1966, que l’on retrouve le plus de
mises en scène de textes de Mathieu Falla au Théâtre Universitaire. Celles-ci sont d’ailleurs
représentatives de l’éclectisme du répertoire du TULg. Durant ces trois années il présentera
une pièce articulée autour de Mélusine, personnage médiéval, deux inspirées de la
mythologie gréco-romaine (Médée et Le Combat de Thanatos) et deux courtes pièces à la
distribution réduite (Les Solliciteurs et L’Intrus). François Duysinx se montre lui aussi très
enthousiaste à l’égard des pièces de Falla, qu’il met d’ailleurs lui-même en scène à deux
reprises : Médée, en 1966 et Les Solliciteurs, en 197241.
Pour revenir à la création du Théâtre de la Communauté il est intéressant de noter
que, si dans un premier temps la compagnie s’est calquée sur les principes de
démocratisation théâtrale en montant des spectacles de qualité accessibles au plus grand
nombre et en s’établissant dans le banlieue sérésienne, ses objectifs font, assez rapidement,
l’objet d’une remise en question. Les différents membres, et en particulier Roger Dehaybe,
cfwb.be/aspasia/compagnies/121/Theatre_de_la_Communaute/production/1963#navig, (consulté le
19/09/21016).
38
LESAGE, S. Op. Cit. p. 8.
39
DUYSINX, M., « François Duysinx », In Culture. Le Magazine culturel de l’Université de Liège [En
ligne], URL : http://culture.ulg.ac.be/jcms/prod_608406/fr/francois-duysinx, (consulté le 19/09/2016).
40
GERMAY, R., 2011, Op.Cit.
41
Voir Annexe 1.
16
prennent en effet conscience du fait que la seule implantation du théâtre dans un milieu
ouvrier ne suffit pas à atteindre l’ouvrier lui-même.
Cette réflexion est d’ailleurs tout à fait en accord avec les idéologies portées par les
résolutions de mai 1968 donnant lieu à une remise en question totale du champ théâtral et
ce à tous les niveaux : de la représentation au processus de mise en scène en passant par le
public et le répertoire. L’événement qui caractérise le mieux cette remise en question totale
est sans doute la Déclaration de Villeurbanne. Signée le 25 mai 1968 par trente-quatre
directeurs de théâtres parisiens au théâtre de l’Odéon, elle marque le début d’une prise de
conscience de l’existence d’un non-public, un public qui n’aura jamais accès à la culture
élitiste bourgeoise, qui ne fréquentera jamais les salles de spectacles. À partir de ce constat,
les différents signataires prennent pour résolution de procéder à un changement radical du
secteur culturel42.
C’est dans cette optique que l’on commence à rejeter le principe de hiérarchisation
des œuvres, symptomatique de l’ascendance des classes dominantes, qui y voient un moyen
de véhiculer leurs valeurs. C’est ainsi que la politique de Démocratisation culturelle, qui
avait été mise en place par Jean Vilar, laisse place à celle de la Démocratie culturelle, qui
s’axe davantage sur la médiation culturelle. Pour que l’ensemble du peuple s’approprie ce
qui est défini comme « la culture », il doit pouvoir la comprendre mais aussi s’y sentir
intégré et donc participer à son processus. En partant de cette démarche, le Théâtre de la
Communauté s’impose comme un précurseur du Théâtre-Action en Belgique43.
La collaboration de Mathieu Falla avec la compagnie est de courte durée, au point
qu’actuellement aucun document la concernant ne mentionne plus son nom. Son intérêt à
l’époque semble en effet entièrement tourné vers le Théâtre Universitaire et son directeur
François Duysinx. Une brève anthologie regroupant quatre pièces de Falla est publiée en
1966 à l’initiative du cercle des étudiants romanistes de l’ULg. Elle est précédée d’un
avant-propos rédigé par une amie de l’auteur, qui n’est autre que Michèle Gérard (future
épouse de Jean-Marie Piemme, condisciple et, selon Vivienne Martin, ami de Mathieu
Falla), qui deviendra ensuite Michèle Fabien, auteur lue et reconnue. Celle-ci commente
ainsi les pièces de son ami : « Mathieu Falla mérite d’être connu du grand public cultivé,
42
BRADBY, D., Le Théâtre en France de 1968 à 2000, Paris, Honoré Champion, 2007, p. 125.
DELHALLE, N., « Théâtre : Croisements entêtés avec le politique », In DELHALLE, N. et DUBOIS, J.
(Dir.), Op. Cit., p. 148.
43
17
en Belgique et ailleurs »44. Outre la reconnaissance littéraire et sociale que cette remarque
constitue, elle nous apporte également des informations quant à la position de Falla dans le
champ théâtral. Il paraît avant tout s’adresser au public du Théâtre Universitaire, autrement
dit à un public cultivé et relativement restreint. Cette tendance est donc bien aux antipodes
de la démarche défendue par le Théâtre de la Communauté.
Selon les termes empruntés à Adrien Thibault45, notons qu’à côté de ces relations
de type « horizontal »46, la trajectoire du dramaturge au sein du champ universitaire lui a
également permis de développer un réseau « par accointances »47, caractérisé par des
relations de nature verticale. Comme nous l’avons vu plus haut, sa production littéraire
avait été largement soutenue par son professeur Arsène Soreil ainsi que par le directeur du
TULg François Duysinx, qui ont tous deux pu lui apporter un soutien symbolique.
La consultation des revues Écritures et La Guimbarde permet par ailleurs d’éclairer
la posture adoptée Falla au sein de la faculté. Afin d’aborder cette notion de « posture »
d’un point de vue sociologique, nous reprendrons les différents aspects de la définition
développés par les sociologues Alain Viala et Jérôme Meizoz48. Si le terme est initialement
lié à une disposition corporelle, on le rattachera rapidement à la circonstance entraînant
cette disposition. Elle est donc liée à des situations sociales particulières et se traduit de
façon gestuelle et discursive. Au sein de la sociologie des arts et des lettres, ce concept
permet d’analyser la façon dont se présente un auteur, personnage public. Dans les textes
de Falla circulant dans le champ universitaire liégeois par le biais de la revue du cercle
interfacultaire, il paraît légitime d’interroger la façon dont il se présente aux autres étudiants
et à ses professeurs, ses interlocuteurs effectifs.
Toujours selon Alain Viala, l’analyse de la posture d’un auteur nécessite la prise en
considération de l’ensemble de ses énoncés, qu’il s’agisse d’interviews, de préfaces, de
notes ou d’œuvres littéraires. Ainsi récoltés, ces différents énoncés permettent d’établir la
socialité de l’auteur et de ses discours. Enfin, il convient d’intégrer l’analyse de la posture
à celle plus englobante de la trajectoire de l’auteur, autrement dit des différentes positions
44
Op. Cit., p. 1.
THIBAULT, A., « Être ou ne pas Être. La genèse de la Consécration théâtrale ou la constitution primitive
du talent », In Sociologie et Société, Vol. 47, n°2, Automne 2015. Trajectoires de Consécration et
Transformations des champs artistiques, pp. 87-111.
46
Ibidem, p. 101.
47
Ibidem, p. 101.
48
VIALA, A., « Posture », In GLINOER, A. et SAINT-AMAND, D., (Dir.), Le lexique socius, URL :
http://ressources-socius.info/index.php/lexique/21-lexique/69-posture, (consulté le 29/02/2017).
45
18
successivement occupées au sein d’un champ défini. Sachant qu’une posture est sujette à
changement, nous prenons le parti de nous focaliser un instant sur ce moment précis de la
trajectoire de Mathieu Falla.
Il est alors parfaitement intégré par les différents agents du champ universitaire
(étudiants comme enseignants), qui reconnaissent également des qualités particulières à ses
productions littéraires et artistiques. Par ailleurs, une rubrique appelée « Graminés », que
l’on retrouve à chaque fin de numéro de la revue La Guimbarde et qui revient sur des
anecdotes de la vie estudiantine, laisse entrevoir la composition du « personnage » de
Falla ; volontairement désinvolte, à l’humour grinçant, légèrement hautain mais empreint
d’une certaine auto-dérision. En voici un exemple, intitulé « Au Bar » :
« Au bar de l’Université, lieu de prédilection des romanistes, notre Mathieu fait pilier à
longueur de jour, conversant, ou plutôt soliloquant, à son ordinaire.
Croyant l’embarrasser, et le faire taire du coup, une de ses victimes lui demande :
Sais-tu comment s’appelle l’œuvre d’Abélard ?
Silence, suspense, puis, ignorant et sublime :
Le Paradis perdu, fait Mathieu »49
I.2. Un début de carrière dans l’enseignement secondaire
Mathieu Falla clôture ses études de Langues et Littératures Françaises et Romanes
avec un mémoire consacré à l’étude historique et dramaturgique du recueil de Évariste
Gherardi50. Cet auteur italien de la fin du XVIIe avait fait paraître un recueil reprenant
l’ensemble des pièces françaises jouées par la troupe des comédiens du roi51. Nous voyons
ici clairement l’ancrage de ce travail dans la tradition théâtrale classique. L’étudiant va y
mobiliser plusieurs types de compétences acquises au cours de son cursus universitaire :
littéraires, historiques et théâtrales.
À l’obtention de son diplôme en 1966, il enseigne la littérature à l’Athénée de
Couvin puis très rapidement à celui de Seraing. Ce débouché professionnel est tout à fait
49
La Guimbarde, vol. 2, 1963, p. 16.
ULg Library, « Le recueil d'Evariste Gherardi : Étude historique et dramaturgique. Falla, Mathieu », In
ULg Library. Moteur de recherche des Bibliothèques de l’Université de Liège [En ligne], URL :
http://primo.lib.ulg.ac.be/primo_library/libweb/action/search.do?vid=32ULG_VU1&fn=search&ct=search,
(consulté le 19/08/2016).
51
KIRKNESS, J., Le français du théâtre italien d’après l’œuvre de Gherardi (1981-1697), Genève,
Librairie Droz, 1971, p. 15.
50
19
attendu ; le cursus de romaniste étant souvent envisagé comme une voie d’accès à
l’enseignement que ce soit par les parents de Mathieu Falla, qui voulaient lui assurer un
avenir stable, que dans les mentalités en général. Enfin, la carrière d’enseignant est
extrêmement répandue dans le secteur littéraire, les horaires permettant aux auteurs de se
ménager du temps pour s’adonner à l’écriture. Le rythme de création de l’auteur ne
diminuera d’ailleurs pas après sa sortie de l’Université.
Il reste professeur à l’Athénée jusqu’en 1978. Ses années d’enseignement à Seraing
correspondent en outre à une période d’effervescence culturelle dans le bassin sidérurgique
liégeois. Le Théâtre de la Communauté que nous avons déjà évoqué est accueilli au foyer
culturel de Seraing et développe de plus en plus les pratiques du théâtre-action.52. En 1975
dix ans après son expansion, certains membres de l’équipe artistique de la troupe décident
de créer un nouveau projet, cette fois avec les enfants et adolescents des quartiers sérésiens.
C’est ainsi que naissent les Ateliers de la Colline, du nom de la rue où ce nouveau théâtre
s’implante dans une ancienne épicerie53.
Ce jeune professeur met lui aussi en place des ateliers de théâtre avec ses élèves.
Un autre ressortissant du Théâtre Universitaire de Liège, Albert Dardenne, prend d’ailleurs
la même initiative au collège Saint Louis à la fin des années 1970. Il approfondit quant à
lui cette voie, en publiant des manuels d’Art dramatique à destination des élèves de
l’enseignement secondaire supérieur54. On peut se demander s’il s’agit ici d’une volonté de
transmission du même type que celle dont les deux professeurs avaient eux-mêmes
bénéficié au Théâtre Universitaire durant leurs années d’études. Le TULg étant pris en
charge par un professeur de la faculté, peut-on clairement l’envisager comme l’équivalent
de la troupe d’élèves formée par Mathieu Falla ? Nous savons par exemple qu’il entreprend
de monter La Guerre de Troie n’aura pas lieu, pièce de Jean Giraudoux déjà présentée au
TULg par Jean Hubaux. Outre cette pièce, un ancien élève se souvient avoir présenté
également L'équarrissage pour tous de Boris Vian en 1974 et La grande muraille de Max
Frisch en 1976.
52
DELHALLE, N., « Théâtre : Croisements entêtés avec le Politique », In DELHALLE, N., et DUBOIS, J.
(Dir.), Op. Cit., p. 148.
53
LES ATELIERS DE LA COLLINE, « La Compagnie », In Site des Ateliers de la Colline [En ligne],
URL : http://www.actc.be/index.php?option=com_content&view=article&id=71&Itemid=482, (consulté le
12/3/2017).
54
DARDENNE, A., Signé Joseph Ernst, Liège, Éditions Dricot, 1994, 4e de couverture.
20
Malgré cette marque d’investissement au sein de son école, son intérêt se porte
particulièrement sur la création de nouvelles pièces. Ce poste peut dès lors apparaître
comme une activité professionnelle secondaire, lui laissant du temps libre pour une activité
créatrice majeure. On constate en effet que, même s’il n’est plus étudiant, Mathieu Falla
reste attaché au Théâtre Universitaire, où il continue de faire des mises en scènes. Il est
également actif en tant que comédien dans différents théâtres liégeois comme le Théâtre de
l’Étuve ou le Centre Dramatique de Liège, créé au début des années 1960 à l’initiative de
Jean Mottard, fervent défenseur de la culture wallonne et membre fondateur du théâtre de
l’Étuve.
L’objectif de ce Centre est alors d’être reconnu comme un « service d’utilité
publique, au service de la culture française en Wallonie »55. Sa démarche s’inscrit dans une
volonté de décentralisation de lieux culturels fixes dans différents lieux de la région. C’est
d’ailleurs dans cette perspective que sera créé en 1965 le festival « Vacances Théâtre
Stavelot », qui aura lieu chaque année durant le mois de juillet et reste toujours actif à
l’heure actuelle. Parallèlement le Théâtre de l’Étuve et ses émanations resteront fidèles à la
défense du texte de théâtre56. Cette caractéristique s’applique d’ailleurs à la conception de
la production de Mathieu Falla qui, comme nous le verrons, reste très attaché à la qualité
littéraire de ses textes et à leur place centrale dans la représentation théâtrale.
Vers 1978, Mathieu Falla plonge dans une grave dépression, qui accentue son
manque de régularité dans le travail. De plus, sa façon de donner cours aurait été jugée par
certains parents trop peu conventionnelle. Ces facteurs auraient provoqué son renvoi
définitif de l’Athénée. Ce renvoi est vécu comme un nouvel échec, cumulé à un sentiment
de manque de reconnaissance pour son travail artistique57.
55
DELFORGE, P., « Mottard, Jean », In Institut Destrée [En ligne], URL : http://www.wallonie-enligne.net/Encyclopedie/Biographies/Mottard_Jean.htm, (consulté le 23/03/2017).
56
DELHALLE, N. « Théâtre : Croisements entêtés avec le Politique », In DELHALLE, N., et DUBOIS, J.
(Dir.), Op. Cit., p. 143.
57
Propos d’Aline Koolen, recueillis en date du 08/10/2016.
21
I.3. Un tournant décisif ?
Malgré l’accentuation de sa dépression, l’année 1978 est particulièrement
mouvementée pour Mathieu Falla, riche en rencontres et en nouveaux projets portés et
articulés par différentes instances de reconnaissance.
Après son renvoi de l’Athénée de l’Air Pur, Mathieu Falla peut progressivement
revenir à l'enseignement en obtenant quelques heures de cours d'Histoire de la Littérature
et de la Musique à l'Institut de Bibliothéconomie de la Province de Liège. Son ami Jacques
De Caluwé, romaniste de la même promotion, y est alors professeur, et appuie son
engagement. Par la suite, Falla passe les examens de bibliothécaire pour pouvoir enseigner
des matières plus spécifiques, comme la catalographie. Ici encore, l’activité professionnelle
de Falla lui laisse du temps pour continuer et approfondir son activité artistique.
Tendance centripète, attirance pour le centre parisien
Au cours de l’année 1970, Mathieu Falla rencontre le comédien et metteur en scène
français François Marié à l’occasion du montage de son adaptation du Sappho de Lawrence
Durrel au Centre Dramatique de Liège, alors situé au palais des Congrès. Le spectacle est
repris au festival « Vacances-Théâtre Stavelot » au mois de juillet de l’année 1971 et
présenté comme une « création mondiale en langue française »58 dans l’hebdomadaire
syndical Combat. Quelques années plus tard, François Marié et sa compagne soumettent
des textes de Mathieu Falla à Francis Sourbié, avec lequel ils préparent un spectacle au
Centre Culturel de Compiègne. Metteur en scène et scénographe de formation, Sourbié est
alors aussi directeur artistique de la compagnie parisienne « La Fine équipe » depuis
197159. Il se montre très intéressé par les propositions de textes, rencontre ensuite Falla et
lui commande, comme un défi, une pièce d'une heure, pas chère, pour trois comédien(ne)s.
Une semaine plus tard la pièce Anticosi est écrite. Elle sera créée à Liège en 1978 et montée
en juillet de la même année au festival off d’Avignon où la troupe est invitée à jouer dans
58
Fédération Générale du Travail de Belgique (FGTB), « Du 10 au 24 juillet, attrayantes vacances-théâtre
avec le Centre dramatique de Liège », In Combat, n°26, 1er juillet 1971, p. 11.
59
Bibliothèque nationale de France (BnF), « Francis Sourbié », In Data. Ressources en ligne de la
Bibliothèque nationale de France [En ligne], URL : http://data.bnf.fr/14654435/francis_sourbie/#rdt50014654435, (consulté le 30/09/2016).
22
le salon d’un baron avignonnais60. C’est le début d’une longue collaboration, qui durera
jusqu’à la mort de Falla vingt ans plus tard61.
Revenons un instant sur les critères de rédaction imposés par le metteur en scène à
Mathieu Falla. Tout d’abord la demande de Francis Sourbié semble marquer une relation
de subordination de l’auteur par rapport au metteur en scène. Si cette hiérarchie est alors
courante dans les créations théâtrales, le fait de mentionner le nombre de comédiens
nécessaires à la réalisation de la pièce témoigne du retrait de Sourbié par rapport aux
nouvelles conceptions artistiques de l’époque. En effet, en refusant la suprématie du texte,
les défenseurs des idéaux de mai 1968 ont également développé une démarche de création
collective dans laquelle les comédiens participent au processus de création au lieu de devoir
s’adapter à un texte défini et à une répartition claire des personnages. Par ailleurs, les
critères temporels et financiers sont révélateurs d’un type de théâtre professionnel limité
dans ses dépenses. Nous développerons le lien fonctionnel entre restrictions budgétaires,
durée de la pièce et nombre de comédiens dans le chapitre III, consacré aux échanges entre
réseaux amateur et professionnel.
Maintien et développement d’un réseau de sociabilité
Ces années passées à l’Université n’ont pas seulement permis à Falla l’acquisition
d’un diplôme professionnel mais aussi la constitution d’un capital relationnel qu’il pourra
ensuite faire fructifier. Ses relations d’amitié avec les étudiants romanistes Jacques De
Caluwé et Michèle Gérard avaient déjà permis, en 1964, l’édition de quatre pièces dans un
petit livret. Quinze ans plus tard, c’est le même lien qui lui permettra une relance
professionnelle. Il s’agit donc d’échanges de types matériel et symbolique62. Sa
fréquentation assidue du TULg et du théâtre de l’Étuve (aussi bien comme spectateur que
comme comédien), l’a également mené à élargir son réseau social en rencontrant des
metteurs en scène français qui vont l’introduire dans un autre réseau, étranger et
professionnel.
BEGOU, G., « Samedi et demi », In Antenne 2, émission diffusée le 28 juillet 1979 [En ligne] In l’Institut
National d’Audiovisuel, URL : http://www.ina.fr/video/CAB7901167901, (consulté le 28/11/2016).
61
Courriel de Vivienne Martin daté du 23/04/2017.
62
LACROIX, M., « Réseau social », In GLINOER, A., et SAINT-AMAND, D. (Dir.), Le lexique socius
[En ligne], URL : http://ressources-socius.info/index.php/lexique/21-lexique/52-reseau-social, (consulté le
24/05/ 2017).
60
23
Cette rencontre avec Francis Sourbié va en outre accélérer l’émergence de Falla au
sein du champ théâtral liégeois. Elle semble permettre la constitution d’un réseau par
accointances, tel que nous l’avions déjà observé dans les relations sociales que Falla
entretenait avec ses professeurs universitaires. Dans ce cas-ci, la nature verticale de la
relation ne s’explique pas par une différence hiérarchique des agents au sein de l’institution
mais par une différence de champ. Jusqu’à présent, Falla s’était inscrit dans le champ
théâtral universitaire et amateur. Or, Francis Sourbié est lui metteur en scène professionnel.
Si les différentes études menées aujourd’hui sur les activités artistiques en amateur tentent
d’abolir ce dualisme trop souvent évoqué entre « amateur » et « professionnel »63, ce
dernier est encore très souvent estimé comme « supérieur ».
Il convient également de souligner les origines françaises du metteur en scène. La
France se constitue, encore à l’heure actuelle, comme centre du champ littéraire de par son
prestige, la masse de son lectorat, la concentration des instances de reconnaissance et sa
capacité organisationnelle. Ainsi, c’est du centre que proviennent les diverses innovations,
qui se répandent dans un second temps vers la périphérie, toujours prise dans une sorte de
contretemps. À partir de ce constat, les littératures périphériques peuvent faire le choix
entre une stratégie dite « d’assimilation » ou, au contraire, de « singularité ». Il ne s’agit
bien entendu pas d’un choix exclusif, les agents pouvant décider d’adapter leur démarche64.
Comme nous allons le voir, l’élaboration de la compagnie de théâtre amateur La
Cornue est représentative de cet entremêlement de réseaux de sociabilités constitués au
cours de la trajectoire de Mathieu Falla. Il s’agit d’un projet commun, monté, entre autres,
avec sa femme Vivienne Martin, elle aussi romaniste. En 1979, ils décident de collaborer
une nouvelle fois avec le TULg pour monter La Rose et le Chardon, un texte que Falla
avait écrit quelques années auparavant mais encore jamais mis en scène. Pour ce faire, ils
décident de faire appel à d’anciens élèves de l’Athénée de Seraing qui participaient à
l’atelier de théâtre, ainsi qu’à d’anciennes élèves de l’école technique « Avroy »,
spécialisée en coupe-couture et en arts plastiques et où Vivienne Martin avait donné cours.
S’ajoutent encore d’autres membres du Théâtre Universitaire. Parmi eux, Aline
Koolen, elle aussi romaniste, qui témoigne à propos de cette expérience :
63
MERVANT-ROUX, M., M., Du Théâtre amateur. Approche historique et anthropologique, Paris, Centre
National de la Recherche Scientifique (CNRS), coll. » Arts du spectacle », 2004.
64
DENIS, B., et KLINKENBERG, J.-M., La Littérature belge. Précis d’histoire sociale, Bruxelles, Espace
Nord, coll. « Références », 2005, p. 36.
24
« Lors de la réalisation de sa pièce La rose et le chardon, Mathieu imposait à ses
comédiens une rigueur et un rythme de travail qui n’étaient plus ceux du théâtre amateur.
Nous restions dans le projet par empathie pour sa femme, Vivienne, qui faisait tout pour le
sortir de son état mais Mathieu était odieux, il n’était jamais satisfait de rien et ne se gênait
pas pour nous le dire ! »65 .
Ce témoignage relève en outre un changement notable dans la posture de cet auteurmetteur en scène. Alors que ses condisciples le présentaient comme un étudiant avenant
bien que moqueur, plusieurs témoignages concernant les années postérieures à sa
dépression le présentent comme une personne profondément tourmentée, souffrant d’un
manque de reconnaissance pour sa production artistique. Cet aspect peut dès lors être mis
en lien avec l’acharnement dont il semble avoir fait preuve comme metteur en scène à
l’égard d’une troupe pourtant composée d’amateurs.
Une fois la pièce terminée, Vivienne Martin propose aux comédiens l’idée de créer
une nouvelle troupe de théâtre amateur. Le projet aboutit peu de temps après. D’abord
itinérante, la troupe finit par s’établir rue de Magnée, dans la commune de Fléron 66. Le
Théâtre de la Cornue se présente donc à la base comme une forme d’émanation du Théâtre
Universitaire, à laquelle s’étaient joints quelques praticiens amateurs. Il convient cependant
de revenir sur les agents qui ont constitué les prémisses de ce théâtre. Premièrement, tous
avaient déjà une expérience de la pratique théâtrale ; que ce soit au sein du TULg ou des
ateliers montés par leurs professeurs de français. Ensuite, parmi les cinq anciennes
étudiantes de Vivienne Martin, quatre ont poursuivi leur vocation dans le milieu
professionnel : Maggy Jacot, Dominique Brévers, Joëlle Ledent et Claudine Maus.
Alors professeur à la haute école de la Province de Liège, auteur dramatique et
metteur en scène au Théâtre de la Cornue, Falla doit trouver sa place au sein du champ de
l’enseignement en même temps qu’au sein des secteurs amateur et professionnel. Ici
encore, d’anciens élèves témoignent de son manque de ponctualité et de rigueur en tant
qu’enseignant, plus passionné par sa matière (histoire de la littérature et histoire de la
musique) que par la démarche de transmission inhérente à sa position. Il consacre en
revanche beaucoup de temps à son activité artistique, puisqu’il collabore alors avec le
metteur en scène parisien Francis Sourbié.
65
66
Propos de Aline Koolen recueillis le 08/10/2017.
Courriel de Vivienne Martin daté du 23/04/2017.
25
C’est de cette époque que datent les principales informations complètes et
accessibles concernant les mises en scènes de textes de Mathieu Falla. L’ensemble des
données des mises en scène de Francis Sourbié (dates de représentations, liste de
distribution, conception des décors, costumes et créations d’éclairages) sont disponibles sur
data, le site de ressources de ligne de la Bibliothèque nationale de France67. En revanche,
les autres textes de Mathieu Falla montés en Belgique (que ce soit au Centre culturel des
Chiroux ou au Théâtre de la Cornue), demeurent pour la plupart introuvables. Même la
pièce Aliénor ou l’Aigle se réjouira, qui avait pourtant reçu le Prix Littéraire Dramatique
de la Province de Liège en 1979, n’est disponible qu’en version tapuscrite à la bibliothèque
des Dialectes de Wallonie, située au Musée de la vie Wallonne, un bâtiment décentré par
rapport à la bibliothèque principale. La pièce n’est pourtant pas rédigée en dialecte mais en
français contemporain. Sans doute la coexistence des Prix de Littérature Dramatique
Wallonne et de Littérature Dramatique Française aura-t-elle induit en erreur le classement
de la pièce.
Vivienne Martin, son épouse, affirme pourtant avoir envoyé tous les textes, lettres
et archives de son mari deux ans après sa mort à l’association BELA (portail
multidisciplinaire des créateurs francophones). Nous n’en trouvons cependant aucune trace
sur leur site et notre courriel de demande n’a, à ce jour, trouvé aucune suite. Fait regrettable
car une analyse des archives du Théâtre de la Cornue aurait permis d’évaluer son degré
d’activité dans le champ théâtral amateur liégeois. Ainsi, par manque de sources, nous
avons réduit notre recherche à la consultation d’archives journalistiques, notamment celles
du journal Le Soir, particulièrement accessibles grâce à une numérisation récente des
articles à partir de l’année 1989. Elles s’avèrent utiles afin d’envisager les activités mises
en place par le théâtre de la Cornue et la réception de certains spectacles, voire de certains
textes auxquels est lié Mathieu Falla.
Cette absence d’archives, ou en tout cas leur inaccessibilité, n’est cependant pas
propre à l’œuvre de Falla. Selon l’article de Nancy Delhalle et Laura Van Brabant, l’état
de conservation et de disponibilité des archives théâtrales liégeoises durant les années 1970
laisse particulièrement à désirer68. Pourtant, s’il est bien un domaine où la consultation des
archives s’avère être un outil essentiel à l’analyse et la compréhension artistique, c’est le
67
BnF, « Mathieu Falla », In Data. Ressources en ligne de la Bibliothèque nationale de France [En ligne],
URL : http://data.bnf.fr/14678646/mathieu_falla/#rdt500-14678646, (consulté le 27/05/2016).
68
DELHALLE, N. et VAN BRABANT, L., « Patrimoine : Les Archives théâtrales », In DELHALLE, N. et
DUBOIS, J. (Dir.), Op. Cit., pp. 239-288.
26
spectacle vivant. Par définition éphémère, on ne peut en effet physiquement l’appréhender
qu’en présence d’une trace matérielle. Or, la conservation des archives théâtrales belges,
lorsqu’elle est mise en place, semble être « le fruit de volontés personnelles bien davantage
que d’une politique culturelle ou de recherche »69. Elle ne répond donc à aucune norme
scientifique.
Ce constat s’applique ainsi tout à fait au cas des textes de Mathieu Falla réalisés ou
mis en scène sur le territoire belge. Ceux-ci sont en effet conservés par son épouse, (qui vit
à présent dans le sud de la France) ainsi que dans différents établissements avec lesquels
Mathieu Falla a été en contact (Théâtre universitaire, Théâtre de l’Étuve et Musée de la
Métallurgie). On ne retrouve en outre aucune rigueur dans le classement. La conservation
et la classification des archives font donc l’objet d’une véritable organisation archivée en
France, là où elle est à peine développée en Belgique. Sachant que la présence d’archives
concernant un individu contribue à sa postérité, la France peut être, une fois de plus, perçue
comme un espace de consécration pour l’écrivain belge.
I.4. Collaborations culturelles
Le Théâtre de la Cornue se constitue donc en tant que théâtre amateur.
Comme nous l’avons vu, il a cependant accueilli des personnalités liées au milieu
professionnel et généré des vocations dans différents domaines théâtraux. Une autre voie
exploitée par ce théâtre est la collaboration avec le domaine scolaire. Le développement du
Théâtre de la Cornue peut ici être envisagé en parallèle à celui de la compagnie du Théâtre
de Novembre, dirigée à Paris par Francis Sourbié. Après avoir investi pendant plus de dix
ans la salle du centre culturel de Compiègne, en 1991, la compagnie parisienne est sollicitée
par Jacques Chirac, alors maire de Paris, pour mettre en place des animations culturelles
dans l’Est parisien, qu’il souhaite redynamiser. C’est dans cette optique que l’État met en
place des ateliers de théâtre dans des collèges et lycées aux alentours du XX e
arrondissement et crée les Fêtes d’été des Buttes-Chaumont. Une salle est ensuite attribuée
à la compagnie et la troupe prend place dans les anciens locaux du Théâtre des Amandiers,
69
Ibidem, p. 285.
27
pour devenir Le Vingtième Théâtre, qui ouvrira officiellement ses portes en janviers
199570.
À la même époque, en 1994, la troupe du Théâtre de la Cornue décide de mettre sur
pied le « Concours scène à deux ». Des jeunes âgés de douze à dix-huit ans sont invités à
présenter par deux une pièce de leur choix. Les duos retenus doivent ensuite monter une
courte scène à partir d’un texte imposé, écrit par un dramaturge contemporain. Pour mettre
en place son projet, la compagnie fait appel à l’ASBL « Promotion théâtre » et au service
jeunesse de la Province de Liège71.
Née officiellement en 1984 dans la province du Hainaut, Promotion théâtre a pour
objectif de créer des liens entre les jeunes et les plateaux de théâtre, en les incitant à prendre
eux-mêmes part à des projets. L’idée est que, en s’investissant dans des créations théâtrales,
ces jeunes constitueront plus tard un public actif. Constatant que le passage d’acteur à
spectateur est loin d’être si aisé, diverses initiatives vont voir le jour comme des ateliers
menés en parallèle avec des analyses de spectacles professionnels, une initiation théâtrale
à destination du corps enseignant ou encore un accompagnement vers une carrière artistique
professionnelle. Au début des années 1990, malgré un large mouvement de réflexion qui
s’était mis en place dans le secteur du théâtre jeune public pour aboutir au « Colloque de
Seraing » et au « décret relatif au Théâtre pour l’enfance et la jeunesse » en juillet 199472,
l’ASBL manque de budget pour mener à bien toutes ses ambitions. Elle décide alors de se
tourner vers la promotion et la découverte des auteurs dramatiques contemporains. Dans
cette optique, elle établit, dans un premier temps, le concours « Une scène pour la
Démocratie ». Celui-ci donnera lieu à l’édition de l’anthologie Démocratie Mosaïque,
parue en quatre volumes aux Éditions Lansman. Le projet « scène à deux » s’insère donc
parfaitement dans la dynamique de l’ASBL de l’époque73.
En plus de permettre un passage à la scène à de jeunes comédiens amateurs, ce
concours répond à un deuxième objectif : l’encouragement à la création littéraire dans le
domaine théâtral. Tout comme lors du concours « Une Scène pour la Démocratie », certains
70
Informations récoltées sur le site Théâtre on line [En ligne], URL :
http://www.theatreonline.com/Artiste/Francis-Sourbie/11977, (consulté le 2/09/2016).
71
PROMOTION THÉÂTRE, « Historique », In site Promotion Théâtre [En ligne], URL :
http://www.promotion-theatre.org/?rub=4, (consulté le 24/04/2017).
72
DELDIME, R., Le temps des bâtisseurs - Le théâtre jeunes publics en Belgique francophone de 1980 à
2000, Carnières-Morlanwelz, Lansman, 2011, p. 24.
73
PROMOTION THÉÂTRE, « Historique », In site Promotion Théâtre [En ligne], URL :
http://www.promotion-theatre.org/?rub=4, (consulté le 24/04/2017).
28
textes écrits dans le cadre de cet événement ont ainsi fait l’objet d’une publication aux
Éditions Lansman. S’affichant clairement comme éditeur théâtral au début des années
1990, Émile Lansman a largement contribué à la diffusion d’auteurs dramatiques émergents
comme Stanislas Cotton, Thierry Debroux ou encore certaines pièces de Jean-Marie
Piemme74. Néanmoins, le nombre de consignes de rédaction des scènes peut s’avérer être
relativement contraignant pour l’auteur : la pièce doit être jouable dans un laps de temps
compris entre sept et dix minutes, ne peut s’ancrer dans un cadre spatio-temporel défini et
doit éviter toutes formes de didascalies75.
Ainsi, si elles favorisent la reconnaissance sociale et professionnelle de l’écrivain,
ce type d’initiative a cependant de paradoxal qu’elle réduit le temps disponible pour la
création. En effet, s’il veut pouvoir s’assurer une rémunération régulière, l’écrivain se doit
de saisir toutes les opportunités qui s’offrent à lui, tant dans le secteur artistique que dans
le secteur social au sens large. Sachant que c’est l’État qui, le plus souvent, est à la source
de ces initiatives, on peut se demander dans quelle mesure l’artiste garde son autonomie
par rapport au pouvoir76.
Un autre projet mené à bien par le Théâtre de la Cornue est sa collaboration avec le
Musée de la Métallurgie. Le lien entre les deux organisations culturelles liégeoises naît dès
1991. La troupe de la Cornue souhaite monter Casimir et Caroline de Odon von Horvath
dans un cadre qui permettrait de mêler public et comédiens. Les membres cherchent donc
un lieu assez vaste, qui ne soit pas un théâtre traditionnel. Leur démarche les mène à
découvrir un hangar désaffecté dans l’ancien charbonnage liégeois « Espérance-Longdoz »
appartenant au Musée de la Métallurgie. Ce Musée est alors une jeune ASBL de dix-huit
mois et s’associe désormais avec le Centre d’Histoire des Sciences et des Techniques de
l’Université de Liège, dirigé par Robert Halleux, très actif dans le développement de
l’ASBL. L’un de ses objectifs premiers est d’intégrer la culture scientifique technique et
industrielle dans la culture générale. La démarche s’est déjà concrétisée avec une invitation
de l’ASBL « Jeunesses musicales » ou encore du Cercle Philosophique Interuniversitaire.
74
SACD et Le Service de la Promotion des Lettres de la Communauté française de Belgique, Situation des
auteurs dramatiques dans le champ des arts de la scène en Communauté française de Belgique, Bruxelles,
Frédéric Young, 2007, p. 7.
75
DOPAGNE, J.-P., Scènes à deux. Volume 1, Manage, Éditions Lansman, 2005, p. 62.
76
SAPIRO, G., et RABOT, C., Profession ? Écrivain. Enquête réalisée en partenariat avec le l’Observatoire
du livre d’île-de France (Motif) et le Centre européen de sociologie et de science politique, mai 2016, pp.
93-96.
29
L’accueil du Théâtre de la Cornue s’insère ainsi parfaitement dans la démarche d’ouverture
culturelle du Musée77.
Le spectacle est mis en scène par Alain-Guy Jacob, ancien membre du Théâtre
Universitaire de Liège, qui a choisi de se professionnaliser dans le domaine théâtral. Les
représentations ont lieu du 12 au 28 novembre 1991 et accueillent près de sept cent
participants. Le metteur en scène n’est pas le seul à venir du milieu professionnel : en plus
des comédiens amateurs membres de la troupe, des spécialistes du cirque participent
également à la pièce.
Le texte est fidèlement traduit de l’allemand et le projet de la troupe stipule que la
pièce sera « aussi fidèle que possible aux désidératas de l’auteur »78. Il ne s’agit donc pas
d’un texte de création ni même d’une adaptation. Cet élément indique une certaine variété
dans le choix des pièces proposées par le Théâtre de la Cornue. Notons également que
Mathieu Falla intervient ici en tant qu’acteur, activité qu’il pratique régulièrement et qui
témoigne de divers modes d’implication dans le domaine théâtral. Enfin, la réalisation de
la mise en scène par un ancien membre du TULg relève une fois encore la durabilité du
réseau de sociabilité développé au sein de l’Institution. La pièce est d’ailleurs dédiée à
Jeanne Wathelet Willems, ancienne membre du TULg déjà mainte fois évoquée.
Quelques années plus tard, Francis Sourbié, qui avait assisté aux représentations
de Casimir et Caroline, souhaite à son tour s’approprier cet espace et surtout la salle de la
forge, datée du XVIIe siècle, pour entamer une nouvelle collaboration avec la troupe de La
Cornue. Il fait alors spécifiquement appel à Mathieu Falla pour lui écrire un texte
correspondant à l’atmosphère du lieu, à son potentiel poétique. L’auteur décide de
s’emparer du personnage de Gilles de Rais, alchimiste et compagnon d’armes de Jeanne
d’Arc exécuté publiquement pour hérésie et meurtres d’enfants. Comme il l’explique dans
la présentation de sa pièce79, même si son élaboration est précédée de nombreuses lectures,
son ambition n’est pas de faire éclater la vérité sur cette affaire mais au contraire d’aborder
ce personnage comme un symbole des craintes collectives. Le choix de s’emparer d’un
univers médiéval est en outre récurrent dans l’œuvre du dramaturge.
Maison de la Métallurgie et de l’Industrie de Liège et le Théâtre de la cornue, Le Théâtre des Machines.
Chronique du projet, Liège, Archives du Musée de la Métallurgie et de l’Industrie, 1998, p. 2.
78
THÉÂTRE DE LA CORNUE, Casimir et Caroline. Projet, Liège, Archives du Musée de la Métallurgie
et de l’Industrie, 1991, p. 6.
79
FALLA, M., « présentation », In THÉÂTRE DE LA CORNUE, Gilles ou l’Étranger, Liège, Archives du
Musée de la Métallurgie et de l’Industrie, 1998, p. 4.
77
30
Le projet est intégré par Robert Halleux dans le cadre des Manifestations
Interdisciplinaires des Arts et des Sciences qui ont lieu en octobre 1994. Sa mise en place
nécessite un aménagement considérable du lieu, en vue duquel la compagnie s’entoure
d’une large équipe technique. Gilles ou l’Étranger est ainsi interprété par des comédiens
amateurs, mais entièrement encadré par des professionnels.80
La troisième et dernière collaboration entre la Maison de la Métallurgie et le Théâtre
de la Cornue émane cette fois d’une demande spécifique du Musée. Pascal Lefebvre, le
directeur en fonction, souhaite amener les jeunes adolescents à découvrir les lieux et le
patrimoine liégeois par le biais de l’expression théâtrale. Or, la Cornue propose désormais
d’initier des jeunes aux métiers du spectacle (jeu, mise en scène, scénographie, régie,
maquillage…). Le Théâtre et le Musée décident ainsi d’un projet en trois étapes, tenant
compte des activités organisées par la Cornue. Dans un premier temps, la direction propose
une visite-spectacle en nocturne destinée à un public familial. Ensuite, une partie « atelier
de création » est offerte aux élèves des écoles environnantes. Les élèves qui ont accroché à
l’initiation étant invités à poursuivre des ateliers de façon plus régulière81.
Au moment de l’élaboration du projet, le Musée est informé d’une nouvelle
campagne lancée par la Fondation Roi Baudoin : « Vivre le Musée ». Celle-ci vise à
redéfinir le rôle du musée dans la société actuelle en diffusant la culture de manière active
et attrayante. S’insérant parfaitement dans le cadre défini, le projet est primé par le jury de
la Fondation.
C’est Mathieu Falla qui est chargé de rédiger le texte de la « visite-spectacle »,
intitulée Oubliez le guide. Il connaissait déjà les lieux pour y avoir réalisé son spectacle
précédent mais doit néanmoins se plier à un autre type de démarche : le musée n’est plus
seulement le cadre, mais l’objet même de la représentation. Une fois encore, on sent poindre
la problématique de l’œuvre de commande et la réduction de la marge artistique du
dramaturge. Cependant, d’après Pascal Lefebvre, actuel directeur de la Maison de la
Métallurgie, « l’idée de la visite sera totalement transformée par l’imagination et la
fantaisie de Mathieu ». Il évoque également « certaines tensions entre les membres du
Musée et la troupe », en partie dues à la différence des responsabilités assumées par les
80
La Maison de la Métallurgie et Le Théâtre de la Cornue, Le Théâtre des Machines. Chronique du Projet,
Liège, Archives du Musée de la Métallurgie et de l’Industrie 1998, p. 2.
81
Ibidem, p. 2.
31
employés du Musée et celles assumées par les membres de la troupe, présents en tant que
bénévoles82.
I.5. Conclusion
L’étude de la trajectoire de Mathieu Falla permet tout d’abord d’observer
l’élaboration de différents réseaux « par attroupement »83. Au cours de ses années
universitaires, Falla a effectivement fréquenté plusieurs groupes : les cercles étudiants
(romaniste et interfacultaire de littératures), le TULg et le « groupe classe », formé par
l’ensemble des étudiants de la filière romaniste. Il serait intéressant d’observer dans quelle
mesure ces différents groupes se sont homogénéisés dans leurs valeurs artistiques et
intellectuelles. Nous aurions pu, par exemple, comparer différentes trajectoires ou
productions d’agents appartenant eux aussi au groupe formé par le TULg ou encore par la
section romaniste dans laquelle se sont inscrits des auteurs dramatiques et metteurs en scène
aujourd’hui largement reconnus : Jean-Marie Piemme, Michèle Fabien et Max Parfondry.
Parallèlement à ces réseaux, notre auteur développe également des relations de type
vertical avec les différents professeurs de l’Université qui l’encouragent dans ses débuts
artistiques et littéraires, mais aussi avec des metteurs en scène français et plus
particulièrement Francis Sourbié. Dans la même optique, nous pourrions analyser dans
quelle mesure l’écriture du dramaturge s’est subordonnée aux attentes de ces agents qui
contribuèrent largement à son émergence. Par exemple, la présence récurrente de
thématiques médiévales dans ses productions peut autant être due à la passion
communicative de son professeur Rita Lejeune pour cette matière (comme il l’explique au
journaliste du Soir84, avec quelques années de recul) qu’à la dynamique artistique menée
au Théâtre Universitaire durant ses années d’activité. Nous savons en effet que les textes
antiques et médiévaux y ont toujours été largement représentés.
La trajectoire du dramaturge témoigne également d’une volonté de rester en retrait
des innovations théâtrales développées dans les années 1970 suite aux grands
82
Ibidem p.2.
THIBAULT, A., Art. Cit., p. 98.
84
BONMARIAGE, E., « 13 ans après avoir reçu le Prix de la Province de Liège, une pièce du liégeois
Mathieu Falla créée à Paris », In Journal Le Soir, 7 mars 1992, [En ligne] http://archives.lesoir.be/13-ansapres-avoir-recu-le-prix-de-la-province-une-piec_t-19920307-Z052M7.html, (consulté le 01/03/2017).
83
32
chamboulements de mai 1968. Cette tendance est en outre à mettre en lien avec le statut
général de l’auteur dramatique à cette époque : ne pouvant plus se positionner en amont de
la création théâtrale et représentant l’instance textuelle qui a alors perdu sa place centrale,
celui-ci représente malgré lui un théâtre jugé révolu. Tout au long de sa trajectoire
artistique, Falla continue de produire des textes de théâtre, évoluant ainsi à contresens d’un
théâtre « rituel », visant à atteindre l’âme et le corps du spectateur. Cette nouvelle approche
théâtrale s’était pourtant largement répandue en France à la suite de la redécouverte des
écrits d’Antonin Artaud et de l’arrivée de troupes expérimentales new-yorkaises comme le
« Living Théâtre » ou « Bread and Puppet »85. De la même manière, il ne se dirigea pas
non plus vers le théâtre-action, pourtant en pleine expansion dans la Belgique des années
1970.
Le parcours singulier de l’auteur permet par ailleurs de souligner la multiplicité des
activités artistiques qui s’entremêlent et sont menées en parallèle d’une activité
professionnelle. Sa carrière artistique mena Mathieu Falla à aborder le champ théâtral en
tant que comédien, metteur en scène et surtout, dramaturge. Ses différentes facettes lui
permirent en outre de côtoyer différents types de milieux théâtraux, de favoriser la
rencontre entre théâtre amateur, théâtre universitaire et théâtre professionnel.
Les deux chapitres qui suivent portent sur deux instances théâtrales intervenues
dans la trajectoire de Mathieu Falla : Le théâtre universitaire et le théâtre amateur. Après
avoir replacé ces deux instances dans le contexte socio-culturel de l’époque qui nous
intéresse, nous pourrons en étudier le fonctionnement mais aussi les enjeux et les relations
qui les lient entre elles. Cette démarche nous permettra également d’appréhender la
trajectoire de Mathieu Falla et, dans une plus large mesure, celle de l’auteur dramatique.
85
BRADBY, D., Op. Cit., p. 23.
33
Chapitre II : Quel
placement au sein
d’un Théâtre
Universitaire en
mutation ?
34
Le Théâtre Universitaire a constitué, dans la trajectoire de Mathieu Falla, une
instance d’émergence qui lui a permis la constitution d’un premier réseau de sociabilité.
Après avoir envisagé l’importance de cette institution du point de vue du développement
artistique de ce dramaturge, nous allons à présent nous pencher sur les productions qu’il a
réalisées au sein de celle-ci. À partir de l’analyse de cinq pièces de Falla écrites et montées
dans le cadre du Théâtre Universitaire de Liège, nous interrogerons les structures et le
fonctionnement de cette institution. Ces textes ne seront donc pas appréhendés pour euxmêmes, mais pour ce qu’ils nous disent du Théâtre universitaire : son répertoire, son public,
ses enjeux ou encore les méthodes de création employées.
Dans l’ordre de leur apparition sur les planches du TULg, nous envisagerons cinq
pièces. Tout d’abord, Les Solliciteurs, première pièce de l’auteur à être montée par le
Théâtre Universitaire en 1964. Vient ensuite Le Combat de Thanatos, premier texte de
Mathieu Falla à paraître dans la revue Écritures, primé lors du concours du Cercle
Interfacultaire de Littérature en 1963, et qui ne sera monté au TULg que deux ans plus tard.
Il sera suivi de L’Intrus (1965) et Médée (1966) mis en scène par François Duysinx, qui est
d’ailleurs le dédicataire de la seconde. Enfin, la dernière pièce analysée ici s’intitule La
Rose et le Chardon. Sa mise en scène est plus tardive même si sa rédaction lui est antérieure.
Comme dit supra, cette pièce constitue un pivot dans la trajectoire de son auteur.
II.1. Une Dynamique centrifuge
Les années qui précèdent directement l’entrée de Mathieu Falla à l’Université de
Liège coïncident avec la période dite de l’après-guerre. Comme le souligne Robert Germay
dans l’ouvrage Le Théâtre Universitaire, pratiques et expériences86, deux tendances
apparaissent distinctement dans le domaine du Théâtre Universitaire à cette époque :
l’internationalisation et l’institutionnalisation.
À la sortie de la guerre, les pays jusque-là refreinés dans leurs avancées artistiques
et culturelles marquent une forte volonté d’ouverture. Dès 1946, le festival d’Erlangen voit
le jour en Allemagne, où toute une génération va s’approprier la pratique théâtrale en tant
86
GERMAY, R., et POIRRIER, P. (Dir.), Le Théâtre Universitaire. Pratiques et expériences, Dijon,
Éditions Universitaires de Dijon, 2013.
35
que moyen d’expression. Le festival accueille des troupes de tous les horizons jusqu’en
1968. Dans la même optique, le festival de Nancy est fondé par Jack Lang en 196387.
La Belgique se trouve alors elle aussi dans une « dynamique centrifuge »88 et ouvre
ses portes aux présentations artistiques internationales. En 1958 est inaugurée à Liège la
première édition du Festival du Jeune Théâtre (FJT) ayant pour principal enjeu de présenter
le théâtre contemporain. Dès les premières éditions, la programmation répond à une volonté
de maintenir l’universalisme en évitant les avant-gardes ou les mises en scènes
particulièrement en rupture avec le théâtre traditionnel. On y monte des auteurs
contemporains comme Becket ou Ionesco, mais les œuvres du répertoire classique restent
prédominantes. Il faudra attendre 1966 pour que le festival connaisse un tournant, en
accueillant des artistes comme Patrice Chéreau, Ariane Mnouchkine ou Jerzy Grotowski89.
Il faut dire que, à l’image de la France de Jean Villar, la politique culturelle belge
de l’époque répond aux principes de la démocratisation culturelle. L’enjeu est avant tout
de diffuser le plus largement possible les « grandes œuvres » du répertoire, contemporain
ou non. La mise en place d’initiatives comme le Festival de Théâtre de Spa, décentralisation
du Théâtre National Belge (TNB), est un exemple représentatif de cette politique ; la forme
du festival permet en effet une installation rapide dans des provinces moins bien desservies
en infrastructures culturelles90.
De son côté, le Théâtre Universitaire de Liège entreprend dès ses premières années
d’activité des tournées et des accueils de troupes étrangères. En 1935, il reçoit le groupe de
théâtre médiéval de la Sorbonne, Les Théophiliens. Les étudiants y présentent leur pièce
éponyme : Le Miracle de Théophile. L’expérience est renouvelée l’année suivante avec une
présentation du Jeu de Robin et Marion. Les étudiants liégeois se rendent à leur tour dans
la capitale voisine pour y présenter de courtes pièces médiévales91. Cette jeune institution
s’insère ainsi dans la dynamique d’internationalisation de l’époque. Nous pouvons dès lors
nous demander dans quelle mesure ces échanges avec la France ont pu influencer le
développement du répertoire du Théâtre Universitaire liégeois.
87
Ibidem, p. 14.
DELHALLE, N., Vers un Théâtre politique. Belgique francophone 1960-2000, Bruxelles, Le Cri-ULBULg, p.39.
89
DELHALLE, N., « Les Festivals et la Transformation du champ théâtral en Belgique » [En ligne], URL :
https://orbi.ulg.ac.be/bitstream/2268/104484/1/N%20Delhalle%20Festivals%20Belgique.pdf, (consulté le
13/12/2016).
90
Ibidem
91
GERMAY, R., 2011, Op.Cit.
88
36
Au début des années 1930, deux troupes voient le jour à la Sorbonne : le Groupe de
Théâtre Médiéval et le Groupe de Théâtre Antique. Le premier relève d’une initiative de
Gustave Cohen, professeur de littérature du département de Philosophie et Lettres, et a pour
but de revisiter les formes du théâtre médiéval (miracles, fables, fabliaux…). Le second est
créé par deux étudiants de la filière « classique » : Roland Barthes et Jacques Veil.
L’ambition des étudiants, ici aussi, est de lier l’étude littéraire et philologique du texte
dramatique, avec sa mise en scène théâtrale. Le groupe est en outre accompagné par des
comédiens professionnels comme Maurice Jacquemont et Jean Dasté92.
II.2. Émanation estudiantine
La création de ces compagnies peut être envisagée parallèlement à celle du Théâtre
Universitaire de Liège, qui a lieu à la même époque. On retrouve ici aussi une initiative
estudiantine spontanée (les pièces sont d’abord montées par les cercles de Philosophie et
Lettres, dans un premier temps, puis romaniste, classique et germanique), encadrée par
quelques professeurs des sections correspondantes. Cependant, si l’on envisage l’ensemble
des pièces mises en scène avant 1941, date officielle de la création du Théâtre Universitaire
de Liège, celles-ci forment un répertoire qui ne peut directement être mis en lien avec les
filières d’étude des membres. Sur les neuf pièces clairement recensées par Robert
Germay93, trois sont l’œuvre d’auteurs du XIXe siècle de notoriété variable (Théodore de
Banville, Louis Legendre et Henry Duvernois), une est la traduction-adaptation d’un texte
antique par un étudiant de philologie classique (Le Procès de Catilina), la cinquième est
une pièce du liégeois Joseph Duysenx, surtout connu pour ses chansons en wallon94 et les
trois dernières sont des extraits de pièces du répertoire (Antoine et Cléopâtre de
Shakespeare, Cinna de Corneille et Songe d'Auguste de Musset).
Force est de constater la nature hétérogène du répertoire concernant le choix des
auteurs et de leur époque respective. Ce point s’explique en partie par la diversité des
filières auxquelles appartiennent les membres du TULg (en comparaison de celles de la
Sorbonne où les étudiants restent groupés selon leur propre section) : ils ne peuvent en effet
92
PATRON, S., « Le Groupe de théâtre antique de la Sorbonne », In Les Cahiers de la Comédie Française,
1997, pp. 48-53 [En ligne], URL : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00698639/document, (consulté le
12/05/2017).
93
Voir Annexe 1.
94
GERMAY, R., 2011, Op.Cit.
37
considérer le texte dramatique comme un élément situé à mi-chemin entre l’application des
acquis de leurs études et la création théâtrale, leurs savoirs respectifs étant très variables.
D’autre part, là où les étudiants des théâtres universitaires de la Sorbonne sont clairement
encadrés par un professeur en particulier (Gustave Cohen) ou par des artistes
professionnels, ceux de Liège produisent leurs pièces de façon plus autonome jusqu’en
1941. Le choix des pièces dépend donc de la volonté d’individus très divers, ce qui le rend
plus hétéroclite.
Nous ne pouvons cependant affirmer une absence totale d’unité au sein du répertoire
d’avant-guerre : si l’on parle en termes de durée de la représentation, toutes les pièces sont
relativement courtes, elles ne comptent pas plus d’un acte et, dans le cas contraire, seuls
des extraits sont montés et présentés au public. On remarque également que, même lorsqu’il
s’agit de pièces issues du répertoire classique (Antoine et Cléopâtre, Cina et Songe
d’Auguste), on ne peut pas vraiment parler de grands succès publics, les textes restent
relativement peu connus ou joués. Ces deux critères peuvent être mis en lien avec la nature
même du théâtre universitaire. Tout comme le théâtre amateur, il n’est pas soumis à un
souci de rentabilité, ce qui permet aux troupes de jouer des œuvres peu connues du public.
Les étudiants qui assistent aux représentations ne vont pas seulement découvrir une pièce,
ils viennent aussi pour voir leurs amis et leurs connaissances, leur marquer de l’intérêt ou
les encourager. Nous pouvons ainsi supposer que le choix d’une pièce connue n’a que peu
d’impact sur la densité du public présent aux représentations. On remarque également que
les membres, mêmes s’ils sont issus de filières différentes appartiennent tous à la faculté
de Philosophie et Lettres, ce qui suppose un intérêt plus ou moins marqué pour le domaine
littéraire. L’étendue de leurs connaissances et leur curiosité pour le littéraire les
pousseraient ainsi plus facilement à aborder des textes méconnus et à vouloir les
transmettre.
II.3. Vers une structure encadrée
De 1941 à 1958, Jean Hubaux, professeur de philologie classique, décide de prendre
en charge le TULg. Cette décision fait suite à la présentation d’une adaptation des
Bacchantes d’Euripide qui avait fédéré un groupe d’une quarantaine d’étudiants désireux
d’appréhender l’analyse de ce texte par la voie théâtrale. Si l’on se réfère aux différents
types de théâtres pratiqués à l’Université, définis par l’Association Internationale de
Théâtres Universitaires (AITU), le TULg passe d’une structure « semi-spontanée » à une
38
structure « encadrée »95. Pour mener à bien son projet, ce professeur fait également appel à
certains de ses anciens étudiants. Parmi eux, François Duysinx, qui prendra en charge
l’accompagnement musical de la pièce. On relève également la présence de Marcel Hicter,
qui jouera plus tard un grand rôle dans l’expansion de la démocratie culturelle en Belgique
francophone96.
À la fin de la guerre, la troupe va pouvoir bénéficier d’un soutien financier des
autorités académiques, ce qui lui permet de maintenir la régularité de ses activités. Ce
changement structurel s’accorde avec la deuxième tendance du théâtre universitaire durant
les années d’après-guerre : l’institutionnalisation. On voit effectivement poindre à cette
époque une volonté générale de construire des structures durables. C’est dans cette visée
que sont mis en place des organismes tels que la Fédération Nationale des Théâtres
Universitaires en France (1947), l’Association Nationale de Théâtre Amateur à Bruxelles
(1952), l’Union Européenne des Théâtre Universitaires (1954), ou encore l’Association
Théâtrale des étudiants de Paris (1959)97.
La modification structurelle du TULg ne sera pas sans conséquence sur la formation
de son répertoire. Jusqu’à la fin de la charge de Jean Hubaux, en 1958, la plupart des textes
montés datent de la période antique (Les Bacchantes d’Euripide, La Paix d’Aristophane et
Les Euménides d’Eschyle) ou sont l’œuvre de Shakespeare (La Tempête, Jules César et
Macbeth). Ajoutons à ces constantes La Guerre de Troie n’aura pas lieu de Jean
Giraudoux, dramaturge emblématique de la tendance textocentriste française98, La
Machine à calculer de l’Américain Elmer Rice et L'Admirable Crichton, roman anglais de
James-Matthew Barrie. Ainsi, si l’on exclut ces deux dernières pièces et La Tempête de
Shakespeare, tous les textes montés par Jean Hubaux sont d’inspiration antique et peuvent
donc être mis en lien avec son activité de professeur de philologie classique. Le
fonctionnement du TULg se rapproche ainsi désormais de manière notoire de celui qui avait
été mis en place par la troupe des Théophiliens.
Par ailleurs, dans sa volonté de mettre en scène des textes peu connus ou oubliés et
en valorisant la cohésion et le travail collectif des étudiants, le Théâtre Universitaire de
Liège est alors parfaitement en accord avec les pratiques générales du théâtre universitaire
95
GERMAY, R., 2005, Op. Cit.
GERMAY, R., 2011, Op. Cit.
97
GERMAY, R., 2005, Op. Cit.
98
BOISSON, B., FOLCO, A., et MARTINEZ, A., La Mise en scène théâtre de 1800 à nos jours, Paris,
PUF, coll. « Licences Lettres », 2010, pp. 112-113.
96
39
des années 1950, qui seront clairement définies une dizaine d’années plus tard dans la
charte du théâtre universitaire (T.U.), en 196299. Rédigée lors d’un festival de Théâtre à
Lille par la Fédération Nationale du Théâtre Universitaire (FNTU), cette charte posera les
lignes directrices du fonctionnement du T.U. On y voit ainsi apparaître quelques grands
principes comme le travail collectif, l’anonymat des comédiens, l’adresse à de nouveaux
publics et la priorité de la recherche (dans le répertoire comme dans les formes de
présentations théâtrales)100.
Comme mentionné au chapitre précédent, la direction de François Duyckaerts à
partir de 1958 correspond à un changement de répertoire et de pratique. Il est chargé de
cours dans la faculté de psychologie et ne fait donc pas partie des cercles étudiants qui
avaient été à l’initiative des prémisses du Théâtre Universitaire. Toutes les mises en scène
qui ont lieu durant sa direction sont réalisées par Jean Daulnoye, un professionnel du théâtre
de l’Étuve, externe à l’institution et rémunéré. Mentionnons également la mise en place
d’un système de location de costumes ainsi qu’un choix de répertoire beaucoup plus
conventionnel que celui de son prédécesseur. On y retrouve de grandes œuvres largement
connues comme Le Malade imaginaire, Le Misanthrope ou encore Hamlet. De plus, aucun
texte du répertoire antique, jusque-là dominant, ne sera monté durant les années de direction
du professeur Duyckaerts. Enfin, les « grands rôles » sont systématiquement attribués aux
mêmes étudiants, créant ainsi une hiérarchie entre les comédiens et causant la perte de leur
anonymat. Pour toutes ces raisons, nous pouvons affirmer que la direction de François
Duyckaerts constitue non seulement une parenthèse dans l’organisation du TULg101 mais
se tient également en marge de la tendance générale de l’époque.
II.4. Tradition et Innovation
La prise en charge du Théâtre Universitaire par le professeur François Duysinx en
1963 peut être envisagée comme une synthèse des origines de l’institution. Lui-même avait
participé, en qualité d’étudiant, aux premiers spectacles des cercles de Philosophie et
BOOS, D., Origines et Évolution du Théâtre Universitaire. Étude de sa pratique à l’Université de Liège,
le théâtre universitaire liégeois (TULg) (1941-2001), Mémoire en Sciences historiques, Université de
Liège, Département des Sciences historiques, 2001, p. 80.
100
PRUNER, M., « Universitaire (le théâtre) », In CORVIN, M., (Dir.), Dictionnaire encyclopédique du
Théâtre à travers le monde, Paris, Bordas, 2008, pp. 1388-1389.
101
GERMAY, R., 2011, Op. Cit.
99
40
Lettres, à l’époque où le TULg n’était pas encore clairement établi. Il avait donc fait
l’expérience d’une structure spontanée, légèrement conseillée par quelques professeurs.
Après la direction de Jean Hubaux, il décide de s’éloigner du Théâtre Universitaire, ne
s’accordant pas avec les pratiques de François Duyckaerts102. Lors de son retour dans
l’institution, cette fois en tant que directeur, il marque une double tendance de renouement
et de prise de distance avec la tradition.
Entre enseignement et mise en scène
En sa qualité de professeur en philologie classique, Duysinx se rapproche de son
prédécesseur Jean Hubaux. Il marque d’ailleurs cette affinité commune en mettant en scène
une pièce de Ménandre dès son entrée en fonction. Les textes inspirés de l’Antiquité
resteront d’ailleurs présents dans le répertoire jusqu’à la fin de ses activités. De plus,
l’investissement de médiéviste Jeanne Wathelet Willem au sein du TULg semble également
en influencer le répertoire, qui compte de nombreux textes d’inspiration médiévale103. Nous
voyons donc que les spectacles montés au TULg sous François Duysinx restent très proches
des filières de Philosophie et Lettres. Nous pouvons dès lors nous demander dans quelle
mesure mises en scène et applications de la matière vue au cours sont liées, mais aussi quel
est le degré d’implication du professeur dans le choix ou la réalisation du texte monté.
À titre d’exemple, la seule adaptation d’un texte antique réalisée par Mathieu Falla
(Médée) est également la seule mise en scène que l’auteur n’a pas lui-même réalisée, celleci étant prise en charge par Duysinx. Or, force est de constater que ce texte est davantage
une illustration de sa maîtrise des références littéraires antiques qu’une appropriation ou
une remise en question du mythe. En effet, le traitement que Falla fait de ce mythe antique
lui permet avant tout de réinterroger des thèmes déjà présents dans le récit tels que la
complexité des relations amoureuses, la domination des passions sur la raison ou encore la
crainte de la solitude et de la vieillesse. De la même façon, comme annoncé dans l’avantpropos, l’étudiant fait le choix de conserver le cadre spatio-temporel du texte classique :
l’action se déroule à Corinthe (l’indication fait d’ailleurs l’objet d’une didascalie), à
l’époque du fondement de la civilisation grecque. On retrouve en outre une allusion aux
origines mythiques de la protagoniste formulée par trois femmes corinthiennes, qui font
102
103
Ibidem.
Voir Annexe 1.
41
office de chœur. Notons que cette instance, pourtant censée représenter l’opinion publique,
ne condamne à aucun moment l’infanticide commis par Médée. La maîtrise apparente des
références antiques, et leur multiplication au sein du texte illustrent donc bien une démarche
d’application de ses acquis universitaire par le biais d’une création dramatique. Ainsi, en
choisissant de mettre en scène cette pièce, François Duysinx agit en tant que directeur du
TULg, mais aussi en qualité de professeur en philologie classique.
La réécriture que Falla fait de Médée ne peut par ailleurs être classée dans une des
deux tendances de réappropriation contemporaine du mythe : celui-ci peut être déconstruit
par l’immersion du protagoniste dans un univers nouveau (créant ainsi une situation
ironique) ou dans l’optique d’en extraire ce qui nous parle encore aujourd’hui104. D’autre
part, comme le souligne Maurice Domino, « réécrire c'est gérer un texte antérieur entre les
deux pôles du même et de l'autre, de la copie d'ancien et du nouveau »105. Ainsi, si nous
devions qualifier cette réécriture de Mathieu Falla, nous pourrions la situer assez proche du
pôle « ancien » de par le peu d’innovations qui y sont apportées. Notons que ce
positionnement, proche de la tradition, est non seulement conscient mais revendiqué,
comme le laisse entendre cet avant-propos rédigé par Vivienne Martin et Jacques De
Caluwé dans l’édition de quatre pièces de leur ami :
[…] il ne s’agit pas comme on pourrait le croire d’une œuvre techniquement conçue dans
la lignée tracée par le Giraudoux d’Électre, l’Anouilh d’Antigone, le Sartre ou le Cocteau
des œuvres bien connues dont l’originalité dramatique consiste notamment dans le mélange
du tragique avec un comique né d’anachronismes verbaux, vestimentaires ou
psychologiques. Comme les auteurs que nous avons cités, Mathieu Falla repense un thème
connu, mais il ne l’approfondit pas dans le sens d’une mode ; il en recherche au contraire
les résonnances humaines éternelles et plie sa dramaturgie aux exigences d’une expression
purement tragique.106
Outre le jugement de valeur qui émane de ce propos, opposant un « effet de mode »
à la « pureté » tragique, celui-ci rend effectivement compte du positionnement de Falla et
de son attachement au texte classique.
En ce qui concerne la construction du système narratif, la fable repose entièrement
sur les échanges dialogués. C’est de ses échanges avec Jason puis Créon et Créuse que vont
naître la jalousie et le désir de vengeance de Médée. En cela, Mathieu Falla se trouve en
104
RYNGAERT, J.P., Écritures dramatiques contemporaines, Paris, Armand Colin, coll. « Lettres sup. »,
2011, pp.143-144.
105
DOMINO, M., « La réécriture du texte littéraire Mythe et Réécriture », In Semen, 3 | 1987 [En ligne],
URL : http://semen.revues.org/5383, (consulté le 22/07/2017).
106
MARTIN, V., et De CALUWÉ, J., « Avant-propos », In FALLA, M., Théâtre, Liège, Romanicula,
1966, p.5.
42
retrait des procédés développés par le théâtre de l’absurde dans les années d’après-guerre,
où la parole est volontairement brouillée et ne sert plus à un échange communicationnel et
où l’identité énonciatrice n’est plus directement repérable107. Le personnage principal se
construit dès lors de façon très systématique, et en reprenant les termes utilisés dans la
méthodologie de Michel Vinaver108, nous pouvons qualifier la majorité de ces échanges de
« duels » verbaux, au cours desquels Médée déploie toute la supériorité de sa verve sur
celle de ses opposants.
Médée.- [A Créuse] Médée humaine, quel choc ! Votre hypocrisie n’y résiste pas, votre
bassesse en frémit ! Il vous faut des héros pour vous justifier, des sorcières pour vous
excuser, pas moi ! Je suis moi, seule et entière, et c’est cela que vous détestez ! (…)109
Médée.- [A Créon] N’étant pas roi, Créuse ne sait pas que l’on tire son bonheur du sang
des autres. Toi tu le sais, Créon, tu sais bien qu’il faut arracher les enfants à leur mère et
que le sang du passé purifie le présent.110
Jason.- Comme il m’est facile de te quitter ce soir !
Médée.- C’est le goût du néant qui nous grise déjà. (Il sort.)111
Jean-Pierre Ryngaert et Julie Sermon avancent l’idée que l’empathie éprouvée pour
un personnage se construit parallèlement à la régularité et la ponctualité de ses apparitions,
qui augmentent leur degré de prévisibilité 112. Ainsi, le système narratif mis en place par le
texte va générer chez le lecteur (ou le spectateur) un sentiment d’empathie, voire de
complicité avec Médée. De plus, sans nous aventurer dans l’évolution historique du
personnage à travers la littérature dramatique, nous pouvons souligner que l’accent mis sur
l’humanité du personnage et le développement de son cheminement psychologique se
rapporte plutôt à la première version connue de la tragédie, celle d’Euripide, qui
contrairement à Sénèque, et plus tard à Corneille, n’accentuera pas la face magicienne du
personnage113. On retrouve enfin des allusions à ses origines mythiques à travers les
commentaires des trois fileuses à propos du temps qu’il fait. Arrière-petite-fille du soleil,
Médée influence le temps au gré de ses humeurs114.
107
RYNGAERT, J.-P., 2011. Op. Cit.
VINAVER, M., Écritures dramatiques. Essais d’Analyse de Textes de Théâtre, Paris, Acte Sud, 1993,
pp.893-908.
109
FALLA, M., Op. Cit., p.90.
110
Ibidem, p.92.
111
Ibidem, p.94.
112
RYNGAERT, J.-P., et SERMON, J., Le Personnage théâtral contemporain : décomposition,
recomposition, Montreuil, Éditions Théâtrales, coll. « Sur le Théâtre », 2006, pp. 132-140.
113
HABERT, M., « Médée et l’Imaginaire. Analyse de quelques aspects de la Médée de Corneille (1635),
In Connaissance Hellénique [En ligne], URL : http://ch.hypotheses.org/983, (consulté le 15/05/2017).
114
GRIMAL, P., Dictionnaire de la Mythologie grecque et romaine, Paris, Presses Universitaires de France
(PUF), 1963, pp. 278-279.
108
43
Dans la mesure où ce texte constitue la seule trace disponible de la pièce et que
Mathieu Falla ne monte pas lui-même son texte, ce dernier représente un matériau capable
de rendre compte de son point de vue sur la représentation théâtrale à ce moment précis.
L’analyse de Médée illustre ainsi une connaissance certaine des références littéraires
antiques et d’un style d’écriture révélant une aisance rédactionnelle, mais aussi un
attachement pour l’aspect littéraire du texte de théâtre. En outre, ces références ainsi que
l’absence d’innovation en termes dramaturgiques laissent supposer l’influence notable du
professeur de philologie classique sur cette pièce, dont il est d’ailleurs dédicataire.
On retrouve un cas similaire d’une pièce à mi-chemin entre la représentation
théâtrale et l’application de matière d’enseignement avec Le Combat de Thanatos. Dès le
titre, nous pouvons relever la présence d’un personnage allégorique. Symbole de la mort
dans la mythologie grecque, Thanatos s’oppose dans la pièce au personnage de Bios, qui
n’apparait quant à lui nulle part en tant que personnification du concept abstrait de la vie.
Le grec ancien n’a d’ailleurs pas recourt à ce terme pour désigner le phénomène de vie, en
tant qu’opposition à la mort, celui-ci étant désigné par le substantif « Zôê »115. Ainsi, s’ils
paraissent faire référence à la mythologie antique, ces deux personnages relèvent surtout
de l’imagination de l’auteur. Ce constat est d’ailleurs valable pour l’ensemble de la
distribution : si tous les noms des personnages sont de consonance grecque, les références
étymologiques ou littéraires sont quant à elles complètement désordonnées. Il en va ainsi
pour le roi Dypilos, dont le nom ne se rapporte à aucune référence littéraire, mais qui en
revanche peut évoquer le substantif « diploos, -ous » qui signifie « double, au nombre de
deux »116. Cette hypothèse semble assez cohérente dans le sens où ce roi, manipulé par sa
femme, ne cesse de changer d’avis, oscille entre le pardon et la vengeance. Néanias, le
vieux conseiller du roi, porte quant à lui un nom qui signifie « la jeunesse »117. Ici, la
volonté de décalage est évidente. Cynisca et Autolycos peuvent pour leur part être rapportés
à des figures mythologiques. Cynisca est le nom d’une princesse spartiate, première femme
à avoir remporté un prix aux Jeux Olympiques118. Celle de la pièce présente en effet un
115
DUBREIL, L., « De la vie dans la vie : Une étrange opposition entre Zôê et Bios », In Labirynthe.
Atelier Interdisciplinaire, n°22, 2005, pp.47-52 [En ligne], URL : https://labyrinthe.revues.org/1033,
(consulté le 17/06/2017).
116
BAILLY, A., Dictionnaire grec-français, Paris, Hachette, 1935, p.221 [En ligne], URL :
http://home.scarlet.be/tabularium/bailly/index.html, (consulté le 17/06/2017).
117
Ibidem, p. 1315.
118
NAPPY, M. « Cynisca », In FOUQUE, A., CALLE-GRUBER et DIDIER, B. (COLL), Le Dictionnaire
universel des créatrices, Paris, Les Éditions des Femmes, 2013 [En ligne], URL :
https://books.google.be/books?id=3-
44
caractère déterminé, et insoumis, allant jusqu’à défier Thanatos. Les personnages
pourraient donc se rapprocher dans leur désir d’égalité par rapport aux hommes.
Cynisca.- C’est donc cela ! Tu vas m’aimer ! Je vais t’arracher ton pouvoir, pour te punir
d’écouter les maris jaloux et les vœux des assassins. Tu vas devenir un homme Thanatos,
et me rester attaché pour toujours.
Thanatos (épouvanté).- Je ne vous laisserai pas faire !119
Enfin le nom d’Autolycos, amant de Cynisca, personnage orgueilleux et égoïste,
apparait dans un récit mythologique le mettant en scène dans un démêlé avec Sysiphe. Fils
d’Hermès, il profite de ses pouvoirs pour lui voler les bœufs de son troupeau120. Si toutes
ces références ne peuvent être confirmées, elles permettent néanmoins d’insérer la pièce
dans le cadre spatio-temporel de l’Antiquité gréco-romaine. Celui-ci sera en outre confirmé
dès la première réplique de Dypilos « (affalé sur son trône).- Zeus ! Que ces archontes sont
fatigants ! »121. Le terme « archonte » désignant le « titre donné dans les républiques
grecques et spécialement à Athènes aux principaux magistrats qui dirigeaient la
république »122, il précise encore le cadre spatio-temporel. L’enchevêtrement et le caractère
décousu des références nous portent à penser que leur enjeu premier est d’insérer la pièce
dans un cadre antique sans pour autant se référer explicitement à un mythe de cette période,
permettant ainsi une liberté totale quant au déroulement du récit.
Envisageons à présent le déroulement de la pièce. Dypilos voit en rêve sa femme
Cynisca dans les bras d’Autolycos, le bel l’ambassadeur. Son rêve s’avère ensuite devenir
réalité. Désemparé par la nouvelle, il en vient à souhaiter la mort de sa femme. À cette
requête apparait Thanatos. Regrettant immédiatement son incantation, le roi fait appel à
Bios, esprit de la vie. Par un retournement de situation, Cynisca parvient à effrayer
Thanatos en feignant de le séduire, ce qui l’entraîne vers la perte de tous ses pouvoirs.
L’esprit refuse ses avances mais ne prétend pas non plus partir les mains vides. Autolycos
0BCwAAQBAJ&pg=PT5719&lpg=PT5719&dq=cynisca,+princesse+spartiate&source=bl&ots=fhFgg9rNm&sig=SD3kwQT4ar91h-p0OCh0J8_XETI&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjm6Jah4_VAhWFJFAKHbDXDgkQ6AEIRjAJ#v=onepage&q=cynisca%2C%20princesse%20spartiate&f=false,
(consulté le 18/06/2017).
119
FALLA, M., « Le Combat de Thanatos », In CIL, Op. Cit, 1963, p.25.
120
BOUTTIER-COUQUEBERG, C. (COLL.), Dictionnaire de la Mythologie gréco-romaine, Paris,
Omnibus, 2012 [En ligne], URL :
https://books.google.be/books?id=Q3m92gLxM9MC&pg=PT806&lpg=PT806&dq=autolycos+mythologie
&source=bl&ots=43pM9u8by9&sig=GOBKGqJbBaind_WGgADkklXljJ4&hl=fr&sa=X&sqi=2&ved=0ah
UKEwiG9_3fgJDVAhUEZFAKHYofCSUQ6AEIUzAN#v=onepage&q=autolycos%20mythologie&f=fals
e, (consulté le 16/06/2017).
121
FALLA, M., « Le combat de Thanatos », Op. Cit., p. 7.
122
Centre de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL), « Archonte », In CNRTL, Portail lexical [En
ligne], URL : http://www.cnrtl.fr/definition/archonte, (consulté le 17/06/2017).
45
propose donc d’offrir à Thanatos une jeune femme prête à tout pour lui plaire. Outré par
l’immoralité de l’ambassadeur, Bios convient d’un marché avec son adversaire : si trois
personnes venant se présenter comme monnaie d’échange contre la reine se positionnent
également en défaveur d’Autolycos, c’est ce dernier qui sera emmené aux Enfers. Leur plan
fonctionne, l’amant est emmené et les époux se réconcilient.
La situation d’un personnage contraint de choisir entre deux allégories antagonistes
(Cynisca est en effet amenée à choisir entre Bios et Thanatos) et le châtiment final de
l’amant prêt à sacrifier une jeune innocente pour se mettre à l’abri du danger, peuvent faire
penser au schéma de la moralité médiévale123. D’autre part, l’image du roi dépassé par les
événements, « affalé sur son trône »124 et prêt à croire sa femme qui « feint de pleurer »125
pour mieux l’amadouer rapproche plutôt la pièce du genre farcesque126. Cynisca parvient
en effet à duper son mari et Thanatos par sa verve. Le moment venu, elle sait néanmoins se
défaire de son amant pour retourner auprès de son mari, qui, contrairement à Autolycos, a
proposé de s’offrir à Thanatos à la place de sa femme.
Le foisonnement des références littéraires et mythologiques n’apparait pas
uniquement dans l’organisation textuelle de la pièce : Dypilos fait lui-même allusion au
Livre de Judith, un de sept livres deutérocanoniques de l’ancien testament, pour blâmer le
manque de spontanéité de sa femme :
Cynisca.- Les femmes éprouvent toujours quelque pudeur à avouer leur plaisir. Aussi se
retranchent-elles souvent derrière leurs devoirs.
Dypilos.- C’est ainsi que, par devoir, Judith coucha avec Holopherne.
Cynisca.- N’oubliez pas qu’elle lui trancha la tête, ce qui était beaucoup plus facile après
qu’avant.
Dypilos.- Et vous admirez Judith, je présume
Cynisca.- Légende orientale mon ami !127
Notons que le procédé d’intertextualité mis en place par ces répliques est
anachronique : un personnage de la Grèce démocratique, sollicité par des archontes, ne peut
faire référence à un écrit du Ier siècle ACN. Outre l’intertextualité de cet échange, on
remarque que celui-ci se construit sous forme de « duel ». Ici encore, ce sont les dialogues
et la parole de manière générale qui permettent l’avancement de la fable et son dénouement.
123
« Moralité » In CORVIN, M, Op. Cit., p. 574.
FALLA, M., « Le Combat de Thanatos », In CIL, Op. Cit., 1963, p. 25.
125
Ibidem, p. 11.
126
« Farce » In CORVIN, M., Op. Cit., pp. 320-321.
127
Ibidem, p.10.
124
46
Le rebondissement de la pièce, la venue de Thanatos, est due à un jeu sur la nature du
discours. Ignorant que sa parole serait performative, Dycolos n’hésite pas à souhaiter
ouvertement la mort de sa femme.
Enfin, cette pièce se structure en deux actes, chacun composé de deux tableaux de
sept scènes, entrecoupés par des « Rideau[x] ». Nous sommes donc face à une structure très
traditionnelle du texte de théâtre, loin de l’écriture fragmentaire ou même de la
distanciation brechtienne. Il ne s’agit pas ici de mener une réflexion sur le théâtre, que ce
soit sur le texte ou sur la mise en scène. L’enjeu parait plutôt de pouvoir créer un moment
de divertissement tout en mobilisant des acquis culturels et théoriques.
Un réseau de sociabilité générateur de pratiques artistiques
Pour en revenir au fonctionnement de la structure qui accueille cette pièce, nous
pouvons relever que François Duysinx, contrairement aux directeurs précédents, n’assume
pas seul les mises en scène des spectacles. Seulement treize sur les quarante-trois présentées
au public sont de lui. Il laisse ainsi un espace de créativité relativement étendu aux (anciens)
étudiants qui désirent s’investir dans le théâtre. En vue d’augmenter la stimulation des
membres à s’investir au Théâtre Universitaire, la présentation des spectacles du TULg
demande la mobilisation de divers savoir-faire, dans lesquels chacun a l’occasion de
s’illustrer. Ainsi, un article de la revue Écritures128 souligne l’investissement des étudiants
de l’ULg dans la création de la pièce Le Combat de Thanatos : rédigé par Mathieu Falla,
ce texte a été mis en scène par Max Parfondry129, alors étudiant romaniste ; les décors
réalisés par Anne-Jacqueline Carpentier qui s’était déjà distinguée lors d’un concours de
poésie illustrée, organisé par le Cercle Interfacultaire de Littérature130 ; Robert Duysinx
s’est chargé de l’accompagnement musical et Marinette Louis de l’affiche. À noter que les
deux étudiantes font seulement partie du C.I.L et ne comptent pas parmi les membres du
TULg. Cet exemple témoigne ainsi de l’ouverture de l’institution qui permet à des
personnes extérieures au Théâtre d’en intégrer les activités. Le Théâtre Universitaire
semble donc bien être un lieu fédérateur et générateur de pratiques artistiques.
128
SOREIL, A., « Remerciement du conseiller », In CILÉcritures, 1965, p.69.
Cet étudiant fera partie des membres du TULg ayant décidé de poursuivre la veine théâtrale dans le
milieu professionnel. Après un cursus universitaire, il entre au Conservatoire de Liège où il exercera ensuite
lui-même comme professeur. Nous reviendrons plus tard sur son activité de metteur en scène.
130
CIL, Op. Cit., 1963, p.70.
129
47
La première année de sa direction, en 1964, François Duysinx laisse à trois étudiants
(Claude Vandeloise, Robert Duysinx et Mathieu Falla) le soin de se charger des mises en
scène des spectacles. Il instaure la même année une nouvelle formule de présentation,
consistant à faire précéder les spectacles nécessitant une lourde mise en place par des pièces
plus courtes. On retrouve au programme : L’Intruse de Maeterlinck, Les Fourberies de
Nérine de Théodore de Banville et Les Solliciteurs de Mathieu Falla131. Les deux premières,
issues du répertoire de la fin du XIXe siècle, sont relativement peu jouées et méconnues du
grand public. En proposant des pièces de courte durée, peu connues et mises en scène par
des étudiants, Duysinx renoue bien avec les débuts du TULg et les principes fondateurs du
T.U. inscrits dans la Charte de 1962.
La Décentralisation : enjeux politiques et esthétiques
François Duysinx soutient également la décentralisation du Théâtre Universitaire,
qui s’inscrit dans une dynamique générale de démocratisation culturelle amorcée dès les
débuts de l’institution. Il encourage ainsi les tournées dans différentes provinces de
Belgique. Cette volonté n’est pas propre au TULg, on voit partout s’étendre les festivals et
les projets de tournée. C’est par exemple en 1964 que le Mouvement des Étudiants
Universitaires belges d’Expression française organise son premier Festival du Théâtre
Étudiant à Bruxelles. Cinq troupes de théâtre y sont invitées132. Parmi elles, celle du Théâtre
de la Communauté des Escholiers déjà mentionné, qui remporte le premier prix pour la
pièce Histoire de Vasco133, mise en scène par l’étudiant Robert Louis. Déjà montée par
Jean-Louis Barrault en 1957, cette pièce n’avait alors connu aucun succès et reste donc
assez peu connue du public134. Par ailleurs, la décision de présenter une pièce du répertoire,
même contemporain, est assez représentatif d’une démarche de démocratisation culturelle,
qui prédomine alors au Théâtre de la Communauté.
Cette dynamique de décentralisation transparait dans le répertoire présenté par le
Théâtre Universitaire à cette époque. L’organisation de tournées préconise en effet une
131
Voir Annexe 1.
Centre de Recherche de d’Information Socio-Politique (CRISP), « Préoccupations politiques et activités
syndicales en milieu étudiant (II) », In Courrier hebdomadaire du CRISP, vol. 234, n°. 9, 1964, pp. 1-23
[En ligne], URL : file:///C:/Users/User/Downloads/CRIS_234_0001.pdf, (consulté le 16/04/2017).
133
LESAGE, S., Op. Cit., p.14.
134
LIEBER, J.-C., « Jean-Louis Barrault monte La Vie parisienne », In Romantisme, 1998, n°102. Sur les
scènes du XXème siècle. p. 60 [En ligne], URL : http://www.persee.fr/docAsPDF/roman_00488593_1998_num_28_102_3343.pdf, (consulté le 18/05/2017).
132
48
forme de présentation spécifique incluant la simplicité des décors, une distribution
restreinte ou encore une durée de présentation assez brève. Deux textes de Mathieu Falla,
insérés dans la rubrique des « spectacles coupés »135 sont particulièrement représentatifs de
ce répertoire : Les Solliciteurs et L’Intrus. Ces deux pièces sont des « impromptus », donc
des « Petite[s] pièce[s] de théâtre composée[s] rapidement et gardant un caractère
d’improvisation. Le genre se fonde ainsi principalement sur une technique d’écriture »136.
Tous deux réalisés au cours d’un atelier d’écriture organisé par le Cercle Interfacultaire,
ces textes cadrent tout à fait avec cette définition.
Les deux titres (Les Solliciteurs et L’Intrus) se composent d’un article défini accolé
à un adjectif substantivé. Cette formule peut être rapprochée de celle utilisée pour les titres
de comédies classiques de type « l’Avare », généralement opposés à ceux des tragédies,
construits sans déterminant et qui renvoient le plus souvent au nom du protagoniste137. Elle
permet en outre de créer un effet de dynamisme, un embryon de récit qui va susciter la
curiosité du lecteur ou du spectateur138. Les pièces se construisent en un seul acte et sont
chacune interprétées par trois comédiens. Leur mise en place n’est donc donc pas en rupture
des horizons d’attente créés par le titre et le genre de l’impromptu.
Concernant les personnages, ceux des Solliciteurs (« La jeune fille », « Le jeune
homme » et « Le Monsieur » sont ensuite simplement désignés par les abréviations « la
jf. », « le jh. » et « le M. ». Ils sont donc quasiment anonymes, nous ne connaissons d’eux
que leur sexe et leur âge approximatif. Dans L’Intrus, la distribution comprend « Mic »,
« Clo » et « Lui ». Les deux premiers sont désignés par des diminutifs, ce qui les rend plus
familiers que les personnages des Solliciteurs, tandis que le dernier, désigné par un pronom
personnel, renvoie à une identité totalement anonymisée. Dans tous les cas, la désignation
des protagonistes est particulièrement brève. Ce manque informationnel va permettre une
large marge de manœuvre dans la construction des personnages (caractère, niveau social,
éventuels tics de langage, etc.) et le choix des comédiens (âge, apparence physique). Les
possibilités de distributions sont donc assez étendues, ce qui permet de remplacer
135
Voir Annexe 1.
CNRTL, « Impromptu », In CNRTL, Portail Lexical [En ligne], URL :
http://www.cnrtl.fr/lexicographie/impromptu, (consulté le 18/05/2017).
137
RYNGAERT, J.-P., Introduction à L’Analyse du Théâtre, Paris, Armand Colin, coll. « Cursus », 2011,
p. 32.
138
Ibidem, p. 32.
136
49
facilement les comédiens en cas d’empêchement, élément important lorsqu’il s’agit
d’organiser une tournée.
Les Solliciteurs nous raconte avant tout une situation simple et cocasse : une jeune
fille joue de sa naïveté apparente pour berner deux hommes et leur voler leur portefeuille.
Le texte est entamé par une longue didascalie servant de scène d’exposition. On y décrit
précisément les déplacements, les mouvements et les intentions que les comédiens doivent
présenter sur scène :
Il [le jeune homme] jette un coup d’œil discret en arrière. Ensuite, il fait demi-tour. La
jeune fille ignore ce nouveau passage, tout occupée à consulter sa montre et à battre du
pied.
Ce type de didascalies dites « actives »139 (elles marquent une action et font avancer
le récit), sont en outre récurrentes dans toute la pièce. De cette façon, contrairement aux
deux autres pièces déjà analysées (Médée et Le Combat de Thanatos), la parole n’est pas le
principal moteur du récit, qui est surtout construit par des jeux de situations : entrées et
sorties de scène, regards et humeur des personnages. À titre d’exemple, au cours d’un même
échange entre « la jeune fille » et « le Monsieur », celle-ci est successivement « indignée »,
« tout heureuse », « accablée », « effarée », « spontanée », « impressionnée », « modeste »
et « lasse »140. Ces changements abrupts d’attitude permettent d’attirer l’attention du
lecteur/ spectateur sur leur caractère factice. Ces didascalies annoncent ainsi la chute de la
pièce.
Enfin, la subjectivité de certaines indications suggère la présence de
l’instance narrative (« Le Monsieur qui passait par là a surpris cette dernière partie de leur
conversation. Procédé peu élégant, sans doute, mais tellement courant qu’on ne saurait en
faire grief au Monsieur. »141). En plus de créer une distance ironique par rapport à la scène,
cette remarque place le texte dans un contexte de lecture. En effet, la didascalie se
distinguant du corps de texte (notamment par une graphie en italique), elle n’est par
définition pas sensée être prononcée sur scène. Seul le lecteur peut donc en avoir
connaissance142. Or, dans la mesure où cette pièce n’a fait l’objet d’aucune publication et
était donc avant tout destinée à être entendue plutôt que lue, on peut se demander quel est
139
VINAVER, M., Op. Cit., p. 900.
FALLA, M. « Les Solliciteurs », In FALLA, M., Op. Cit., pp. 8-9.
141
Ibidem, p.6.
142
RYNGAERT, J.P. Introduction à L’Analyse du Théâtre, Paris, Armand Colin, coll. « Cursus », 2011, p.
38.
140
50
l’enjeu d’un tel procédé. Celui-ci est sans doute à chercher dans le contexte de rédaction de
la pièce, qui n’est pas ici le plateau de théâtre mais l’atelier d’écriture. Dès lors, il s’agit à
la base d’une performance littéraire plus que théâtrale. Cette conception du texte précédant
le processus de création théâtrale fait en outre partie des principes rejetés par les défenseurs
d’un nouveau théâtre dans une époque qui va voir se développer la pratique des créations
collectives143.
La fable de L’Intrus s’articule autour d’une situation particulière : un jeune
couple se retrouve, un an après son mariage à l’endroit de sa lune de miel, une cabane
perdue dans les bois. Ce cadre ne suffit cependant pas à combler la distance qui sépare déjà
les époux. Une fois son mari couché, Clo se trouve face à un satyre. Le lendemain elle
annonce à son mari qu’elle est enceinte. Ici, la construction de la situation initiale est
permise par un échange de réplique « en duel »144. Nous l’avons vu, cette construction est
récurrente dans les pièces de Falla datant de cette époque. Ici, le ton est cependant plus
détaché et à plusieurs reprises on perçoit un jeu de mise en abîme. Mic et Clo sont
représentés en train de s’inventer un rêve commun à partir d’une situation qu’ils imaginent
ensemble.
Mic. —Tu me regardes.
Clo. — Passionnément ?
Mic. — Intensément. Ça suffira.
Clo. — De cette façon ?
Mic. — Excellent. (Un temps.) Tes yeux sont immenses…
Clo. — Tu exagères ! Je ne suis pas difforme.
Mic. — C’est une licence poétique.145
Cet échange de répliques tourne en dérision un topos qui voudrait que de jeunes
époux se regardent « passionnément ». De la même façon, comme dans Le Combat de
Thanatos, on remarque un métadiscours portant sur le style d’écriture adopté.
Clo. — Je ne suis pas venue ici pour respirer les exhalaisons perfides de cette pétroleuse
antique.
Mic. — Tu ferais mieux de fermer cette fenêtre. L’air te saoule et tu deviens lyrique.146
143
BRADBY, D., Op. Cit., p. 127.
VINAVER, M., Op. Cit., pp. 900-901.
145
FALLA, « L’Intrus », In FALLA, M., Op. Cit., p.65.
146
Ibidem, p. 62.
144
51
D’ailleurs, comme dans l’autre pièce, ces métadiscours apparaissent lors d’un
échange de répliques en duel. Le style d’énonciation d’un personnage peut ainsi constituer
un point d’attaque pour son interlocuteur.
À propos des didascalies, toujours selon la terminologie de Michel Vinaver, cellesci peuvent être qualifiées d’« instrumentales »147 dans la mesure où elles apportent au
lecteur ou au metteur en scène des indications favorisant « l’intelligence » de la situation
d’énonciation. Certaines didascalies portent par exemple sur l’éclairage scénique (« maigre
éclairage d’une lampe à pétrole fumeuse » 148), ou encore la musique (« La scène qui suit
se joue dans un éclairage particulier. On entend une flûte jouer une ritournelle un peu
mélancolique » 149), qui annonce généralement l’arrivée du satyre. Son style légèrement
suranné permet en outre d’affirmer la présence d’une créature venue, elle aussi, d’une autre
époque (ici encore, l’Antiquité gréco-romaine). Cependant, l’apparence humaine de ce
satyre, et les traces de boucs découvertes le lendemain matin, tendent davantage à assimiler
la pièce au genre fantastique qu’à la mythologie gréco-romaine (comme c’était le cas pour
les deux premières pièces).
Comme nous pouvons le voir, les didascalies, qu’elles soient actives ou
instrumentales, sont beaucoup plus présentes dans les deux impromptus. Le genre de ces
pièces étant par définition lié à l’improvisation théâtrale, nous pouvons supposer qu’il
entraîne une plus grande prise en considération de la représentation scénique. Dans la même
optique, l’ancrage des deux pièces dans l’époque contemporaine laisse place à un jeu plus
décontracté, avec des personnages facilement cernables, ce qui rend le jeu plus aisé et plus
naturel. Ces deux pièces paraissent ainsi se détacher plus nettement de l’aspect scolaire de
l’université et, d’une certaine manière, du théâtre universitaire.
Théâtre Universitaire et jeune théâtre
Un dernier trait significatif de la direction de François Duysinx est le
réfrènement des tournées à l’étranger. De manière générale, on constate que
l’internationalisation ne fait pas partie des priorités du directeur150. Or, c’est précisément à
147
VINAVER, M., Op. Cit., pp. 900-901.
FALLA, M., « L’Intrus », Op. Cit., p.60.
149
Ibidem, p. 67.
150
BOOS, D., Op.Cit. p. 82.
148
52
cette époque que les festivals universitaires commencent à répandre de nouveaux idéaux
esthétiques, méthodologiques ou encore politiques émanant des collectifs. En effet, même
si les grands bouleversements qui traversent le domaine théâtral datent surtout de la fin des
années 1960, le début de cette décennie voit déjà naître un engouement pour les écrits
d’Antonin Artaud qui n’avaient connus qu’un succès restreint lors de leur parution, en
1948. Celui-ci propose une rupture radicale du théâtre occidental en refusant la sacralisation
du texte et la notion même d’œuvre. La recherche théâtrale de cette époque est également
influencée par la vogue des performances et des happenings, développée aux Etats-Unis,
ainsi que par le théâtre d’intervention prônant la libération des classes populaires151. Le
domaine théâtral se trouve donc dans une dynamique de reconstruction des codes et des
règles qui le cadraient jusqu’alors, entraînant ainsi l’émanation d’un nouveau système de
pensée.
L’Institution universitaire se trouve ainsi dans une position ambiguë, étant à la fois
novatrice et dépassée. Novatrice en ce qu’elle compte parmi ses membres des figures
représentatives d’une nouvelle conception de la mise en scène, comme Ariane Mnouchkine
ou Patrice Chéreau. Dépassée car elle symbolise, malgré elle, un système d’enseignement
élitiste, qui sera rejeté par les idéaux de mai 1968. Les divers bouleversements survenus
dans le domaine théâtral à partir des années 1960 vont donc mener à une remise en question
et une restructuration du Théâtre Universitaire européen. Certaines troupes disparaissent
comme celles du Théâtre Antique de la Sorbonne qui, nous l’avons vu, a de nombreux
points communs avec celle de Liège et d’autres vont se renouveler, véhiculant de nouvelles
valeurs d’ouverture152.
La présentation que font Jacques De Caluwé et Vivienne Martin des pièces que nous
venons d’analyser est d’ailleurs assez représentative de cette position d’entre-deux.
« Impromptu », « Impromptu de salon » même, sont bien les mots justes qui peuvent définir
-s’ils se définissent vraiment- Les Solliciteurs et L’Intrus, petites pièces en un acte sans
exigence de décors compliqués, sans structure dramatique complexe, sans cette recherche
paralogique que nous avons accoutumé de rencontrer dans le théâtre moderne, « le jeune
théâtre »153.
En décrivant de cette façon les textes de leur ami, Vivienne Martin et Jacques De
Caluwé les insèrent dans un cadre artistique relativement traditionnel ou qui, en tout cas,
151
DELHALLE, Vers un Théâtre politique. Belgique francophone 1960-2000, Bruxelles, Le Cri-ULB-ULg,
p. 58.
152
BOOS, D., Op. Cit. p.83.
153
MARTIN, V., et De CALUWÉ, J., Op. Cit. p.3.
53
ne contribuent pas à un renouvellement formel. Ce commentaire introductif peut également
être mis en parallèle avec celui de Médée, qui qualifie la pièce de création originale, ne
cherchant pas à suivre un quelconque courant ou mode.
Par ailleurs, il faut noter que, même si le jeune théâtre et les nouveautés théâtrales
font ici office de repoussoir, ils constituent par ailleurs une instance de référence. Qu’il se
pose en accord ou en opposition de ces nouvelles revendications, il ne peut en faire
abstraction. Dans une optique plus large, cette position est d’ailleurs applicable à
l’Institution théâtrale universitaire de manière générale. Dans le cas concret du TULg, force
est de constater que la direction mise en place jusqu’au milieu des années 1970 a plutôt
tendance à se positionner en marge de ce « jeune théâtre ». Le répertoire du TULg durant
cette époque reste en effet centré sur le texte, ne semble pas s’ouvrir à la création collective
et continue de s’adresser à un public universitaire, donc instruit et restreint. En cela, nous
pouvons affirmer que les pièces de Mathieu Falla sont représentatives de la dynamique du
Théâtre Universitaire sous la direction de François Duysinx.
En conclusion de l’analyse de ces quatre pièces, toutes écrites et présentées entre
1963 et 1966, il est possible de relever quelques traits caractéristiques de l’écriture de
Mathieu Falla dans le contexte du Théâtre Universitaire.
La première constance est le statut de soumission de la femme dans une société
régie par des hommes. Médée est vouée à se faire remplacer alors qu’elle s’est mise plus
d’une fois en danger et a trahi sa famille pour sauver son mari ; Cynisca échappe de peu à
la mort à cause de la jalousie de Dypilos, qui lui-même entretient une relation adultère ;
une jeune fille se fait importuner dans la rue par deux hommes et enfin Clo est délaissée
par son mari après seulement un an de vie commune. Toutes les situations initiales placent
donc les femmes en position d’infériorité par rapport à l’homme. Par ailleurs, chaque
développement du récit va permettre un revirement radical de situation. Les femmes vont
recourir à différents outils ou stratagèmes pour reprendre le contrôle de la situation. Médée,
le cas le plus extrême, ira jusqu’à tuer ses propres enfants pour se venger de son mari et de
l’injustice qu’il lui fait subir. D’autre part la jeune femme des Solliciteurs ou encore
Cynisca, se servent des préjugés que leur attribuent les hommes pour les retourner contre
eux : l’infidélité et la légèreté pour l’une, la naïveté et la candeur pour l’autre. Enfin, Clo,
délaissée par son mari, le laisse à ses lectures pour passer la nuit avec un satyre.
54
Le sujet de la condition féminine est alors en pleine expansion. Comme l’explique
Danielle Bajomée dans son article « La Cause des femmes »154, les idéaux défendus par
Simone de Beauvoir dans son ouvrage Deuxième Sexe en 1949 se répandent réellement
dans toute l’Europe à partir de 1965, par le biais des mouvements féministes américains.
Elle y dénonce la domination masculine générée et consentie par nos sociétés patriarcales.
Ce pan des revendications féministes peut être mis en lien avec les valeurs défendues dans
les quatre pièces de Falla que nous avons développées ici. Par ailleurs, les contestations de
l’époque s’accompagnent de combats politiques concernant, par exemple le droit à
l’avortement, longuement défendu en France par Simone Veil, ou l’égalité salariale. Ce
dernier point est d’ailleurs l’aspect le plus représentatif de la conscientisation féministe
belge, à travers le grand mouvement de grève mené par les ouvrières de la Fabrique
Nationale d’Herstal en 1966155. Or, cet aspect politique de la lutte ne transparait nullement
dans ces quatre textes. Les contestations mises en place par les personnages féminins
restent strictement liées au cadre privé ou quotidien. De plus, les protagonistes restent, dans
trois cas sur quatre, liées à leur statut de mère (Médée) ou d’épouse (Médée, Cynisca et
Clo). Même la jeune fille, qui parait émancipée en ce qu’elle parvient à se jouer des
hommes, vit cependant à leurs dépens. Ainsi, si les pièces de Falla paraissent dénoncer les
cadres d’une société patriarcale, l’image de la femme n’est quant à elle pas remise en
question.
Autre trait commun à toutes les pièces : la prédominance des échanges de
répliques sous forme de « duels ». Les personnages sont très souvent présentés dans des
situations conflictuelles où chacun doit affirmer sa place par la qualité de sa défense orale.
Ce dernier point peut être envisagé en parallèle avec certains traits de la posture de Mathieu
Falla déjà abordés au chapitre précédent. Certains articles des revues des Cercles romaniste
et interfacultaire (La Guimbarde et Écritures) le présentent en effet comme un personnage
usant de son sens de la répartie, au risque de paraître parfois impertinent. À titre d’exemple :
Ces Poètes !...
Les habitués de l’Étuve se souviendront de LA GUERRE DE LA VACHE. À ce sujet on
raconte que…
Le professeur X et Mathieu Falla s’entretenaient, place Cockerill, de la pièce et de son
auteur, Roger Avermaete.
154
BAJOMEE, D., « La Condition des Femmes », In DELHALLE, N., et DUBOIS, J. (Dir.), Op. Cit., pp.
45-61.
155
Ibidem, pp. 45-47.
55
Comment cet écrivain, demande le professeur, s’est-il introduit à Liège, lui qui est
d’Anvers ?
Bé !...Par le train, répond Mathieu, avec cet air ineffablement sien, vous savez bien : naïf
ou pince-sans-rire ; comment jamais savoir ?
Nous opterions volontiers, ce coup- ci, pour la bêtise !156
En ce qui concerne le placement du texte au sein du processus de création de la
pièce, celui-ci se positionne clairement en aval. L’enjeu n’est donc pas de créer
collectivement une pièce de théâtre à partir d’exercices, de collaborations ou de
concertations entre les différents membres d’une troupe. Les personnages créés par l’auteur
paraissent davantage correspondre à des figures préexistantes que s’inspirer de son
entourage proche. Nous sommes donc bien ici dans une perspective textocentriste157 de la
représentation théâtrale, telle que rejetée par les nouvelles idéologies émanant des
événements de mai 1968. Nous pouvons ainsi affirmer que Mathieu Falla s’oppose à
l’esthétique, aux réflexions mais aussi à la méthodologie adoptée par le jeune théâtre.
Toutes les pièces sont enfin marquées, de près ou de loin, par l’instance
professorale. Médée et Le Combat de Thanatos, chacune à leur façon, sont inscrites dans le
cadre antique et mobilisent un savoir littéraire, mythologique et historique relativement
étendu. Notons par ailleurs que Le Combat de Thanatos s’est vu récompenser, en 1963 du
Prix du Cercle Interfaculaire de littérature dont le jury se compose majoritairement de
professeurs. Quant à la pièce Les Solliciteurs, bien que son appartenance au genre de
l’impromptu lui confère un caractère plus léger, sa réalisation est liée au Théâtre
Universitaire de façon plus intime que les autres, étant destinée à être jouée dans le salon
de Mme Hubaux, la veuve du premier directeur de l’Institution. Seul L’Intrus se détache
du cercle fondateur du TULg, sa première représentation ayant lieu à la maison des jeunes
de Liège158.
Les pièces analysées ne sont donc pas seulement liées à l’Institution du Théâtre
Universitaire mais aussi aux membres (fondateurs) qui la composent. Leur influence
transparait en effet dans les pièces de l’étudiant au même titre que d’autres facteurs
extérieurs. Étant donné qu’en 1968, le professeur devient le symbole d’une autorité
dépassée, le lien que Falla entretient avec le corps enseignant peut sembler en marge de
156
CERCLE DES ÉTUDIANTS ROMANISTES, Op. Cit.,vol.1, 1963, p.20.
PAVIS, P., La Mise en scène contemporaine. Origines, tendances, perspectives, Paris, Armand Colin,
2010, p.30.
158
CIL, Op. Cit., Écritures, 1964, p.7.
157
56
cette dynamique. Dans la même optique, en s’opposant à l’ordre établi, aux règles et aux
méthodes générées par l’université, le mouvement du jeune théâtre n’aurait sans doute pas
encouragé une telle proximité avec le corps professoral.
La Rose et le Chardon, une pièce de transition
Attardons-nous à présent sur une pièce présentée dans le cadre du théâtre
universitaire, cette fois bien après la sortie de l’Université de Mathieu Falla : La Rose et le
Chardon. Bien que sa rédaction leur soit antérieure, la création et la présentation de la pièce
datent de 1979. Alors que les revendications esthétiques, idéologiques et politiques de mai
1968 commençaient seulement à poindre à l’époque de la mise en scène des quatre autres
pièces, elles sont à présent complètement affirmées voire, pour certaines, déjà en train de
s’essouffler. Le Théâtre Universitaire a lui aussi connu certains changements ; outre
l’acquisition d’une salle fixe au sein des nouveaux locaux du Sart Tilman en 1973, la
dynamique du TULg est loin de celle qu’il a connue une dizaine d’années plus tôt : les
étudiants ne montrent plus autant d’enthousiasme qu’auparavant pour les mises en scène
de François Duysinx. En 1980 ils vont s’adresser à Robert Germay, alors en charge du
Théâtre universitaire des Germanistes (TUG) pour leur nouvelle création. Ensemble, ils
monteront Le Bouc, de R.W Fassbinder159.
Pour la création de La Rose et le Chardon, Mathieu Falla et sa femme, Vivienne
Martin, décident d’assembler leurs réseaux de sociabilité en faisant appel à des amis, mais
aussi à certains de leurs (anciens) élèves. Il s’agit donc cette fois d’un groupe plus
hétérogène que celui du théâtre universitaire au niveau de l’âge et des professions exercées.
D’autre part, tous les membres y ont été choisis et se sont déjà exercé dans la pratique
théâtrale.
Le texte comprend une vingtaine de personnages avec, parmi eux, des rôles de
figuration sans texte ni fonction précise dans le déroulement de la pièce (« Quelques
filles », « courtisans », « gardes »). Leur nombre étant indéfini, ils peuvent être présentés
par de nombreux comédiens. Nous sommes donc bien loin des textes à distribution
restreinte que nous avons analysés précédemment. À propos de la désignation des
personnages, elle peut être mise en lien avec celle du Combat de Thanatos : les prénoms ne
159
BOOS, D., Op.Cit. p. 83.
57
renvoient à aucune référence précise, sont écrits en toutes lettres (contrairement à « Clo »
et « Mic ») et sont, dans ce cas-ci, individualisés par un titre (« princesse », « prince »), une
profession (« chancelier », « tenancière de maison ») ou encore le lien qu’ils entretiennent
avec les autres personnages (« camériste de Gertrude », « fils bâtard du défunt roi
Sisigmont », « confident de Torchemodo »). Ces indications permettent déjà au lecteur
d’anticiper le déroulement de la fable160 : la coprésence d’un prince, d’une princesse et d’un
bâtard du roi laisse par exemple imaginer un problème de succession.
En ce qui concerne le choix du titre : La Rose et le Chardon, nous pouvons y voir
une allusion à certains contes, comme Blanche-Rose et Rose-Rouge ou La mariée blanche
et la Mariée noire des frères Grimm. Tous deux désignent en effet des jeunes filles, dont la
tradition veut que leur caractère ou leur parcours soit antithétique. Le premier titre
(Blanche-Rose et Rose-Rouge), rappelle la construction métaphorique de celui de la pièce,
et le second (La Mariée blanche et la Mariée noire), répond lui aussi au canevas « article
défini + adjectif substantivé ». Le choix d’un titre se rapprochant d’histoires populaires
ancestrales contribue à orienter l’horizon d’attente du lecteur/spectateur vers un cadre
temporel relativement lointain. Notons que les attentes du lecteur, qui aura eu accès à la
liste de distribution des personnages, sont encore renforcées par la présence de prénoms ou
de fonctions surannés (« Virgula, camériste de Gertrude », « Aldo, jeune moine confident
de Torchemodo »)161.
Les premiers dialogues marquent une continuité de la pièce avec le titre et la
distribution des personnages, maintenant ainsi les horizons d’attente du lecteur/spectateur.
Le vocabulaire et les expressions employés tout au long du texte ne correspondent en outre
plus à notre parler contemporain ; beaucoup de termes sont directement tirés du registre
antique (« mélopée »162, « hétaïre »163, « ganymède »164, « dryade »165, « ménade »166, etc.)
et certaines tournures correspondent également à un style très littéraire (« les larmes dont
j’abreuvais cette étoffe »167, « il n’en faut plus douter »168, « je ne pouvais le souffrir »169,
160
RYNGAERT, J.-P., et SERMON, Op Cit, p. 49.
FALLA, M., La Rose et le Chardon, 1979, p.1.
162
Ibidem, p. 16
163
Ibidem p. 36
164
Ibidem p. 47
165
Ibidem, p. 58.
166
Ibidem, p. 58.
167
Ibidem, p. 2.
168
Ibidem, p. 9
169
Ibidem, p. 16
161
58
etc.). Les surnoms que se donnent entre eux les personnages, rompent cependant avec le
ton solennel, généralement employé dans les contes (« mon poulet »170, « tendre
grenouille »171, « mon oiselle »172…). La recherche formelle touche également les insultes
(« petit panaris jambu »173, « petite pourriture en gestation »174). Cette habitude se retrouve
en outre chez plusieurs personnages, issus de divers milieux sociaux.
La recherche de termes peu usités à l’époque, les tournures littéraires et
l’accumulation des références confèrent une fois de plus au texte un aspect très élitiste. Or,
non seulement le théâtre des années 1970 se tourne davantage vers les émotions et la
dimension corporelle de la représentation, mais en plus, dans sa volonté de prise de
conscience du « non public » depuis la déclaration de Villeurbanne, il a pour ambition
d’abolir le théâtre élitiste, réfractant la culture bourgeoise175.
Les thèmes de la condition féminine et de l’hypocrisie du pouvoir transparaissent
également. La princesse, symbolisée par le chardon à cause de sa laideur pourra accéder au
trône alors que tous étaient contre elle. Elle commente d’ailleurs à ce propos : « que je suis
aise d’être affreuse, pour être ainsi préservée de la bêtise des femmes qui peuvent tout
espérer des hommes au point d’oublier qu’elles existent »176. Cette réflexion fait en outre
référence à son pendant antithétique : la Carmina. Éprise d’un prince qui la méprise jusqu’à
la tuer tant il est oppressé par sa présence.
L’intrigue se construit autour de la convoitise du trône par personnages interposés.
En réalité, aucun ne désire personnellement gouverner mais voudrait pouvoir choisir qui en
aura la charge. Ce jeu permet de mettre en lumière les hypocrisies de la sphère du pouvoir.
Contrastant avec ce milieu fermé de la cour royale, deux personnages populaires font leur
apparition. Ils se présentent également comme un duo antithétique : Damien est laid mais
intelligent alors que son acolyte est beau mais simple. Tous deux viennent se venger de la
politique répressive du roi et entreprennent de s’infiltrer au château pour le tuer, ne sachant
pas que celui-ci est déjà mort. Ils vont permettre une critique du pouvoir politique et sacré
170
Ibidem, p. 2.
Ibidem, p. 34.
172
Ibidem, p. 3.
173
Ibidem, p. 45.
174
Ibidem, p. 58.
175
RYNGAERT, J.-P., Écritures dramatiques contemporaines, Paris, Armand Colin, coll. « Art du
spectacle », p. 57.
176
FALLA, La Rose et le Chardon, 1979, p.17.
171
59
(« les marches d’un trône sont toujours sales »177, « le Dieu de colère et de vengeance
ressemble trop aux hommes pour que j’y croie »178). Ces deux personnages sont cependant
tournés en ridicule et chacun de leur plan se traduit par un échec. Ainsi, même si la pièce
semble dénoncer un pouvoir oppresseur, elle présente la rébellion comme une tentative
naïve et veine. Encore une fois, Mathieu Falla se situe en marge de la dynamique de
l’époque, qui elle en revanche se caractérise par la conviction que la contestation et
l’engagement permettent d’atteindre des idéaux.
Ce dernier texte mis en scène au TULg présente donc des constantes et des
divergences par rapport aux quatre autres analysés précédemment. En ce qui concerne la
littérarité du texte, celle-ci est toujours aussi construite, mêlant vocabulaire recherché et
expressions au style très écrit. Par ailleurs, la construction en duel des dialogues reste
inchangée. On retrouve également les thèmes de l’hypocrisie du pouvoir ou encore de la
condition féminine dans une société patriarcale, sans lien direct avec des problématiques
concrètes et contemporaines. D’autre part, la durée de la pièce et la distribution des
personnages font de La Rose et le Chardon un projet de plus grande ampleur que les
précédents. Le nombre de comédiens présents sur scène est en effet notablement plus élevé.
Cette divergence est à mettre en lien avec les enjeux de cette création, qui visent avant tout
à fusionner différents réseaux de sociabilités dont les membres respectifs ne se
connaissaient pas au préalable.
177
178
Ibidem, p.66.
Ibidem p.91.
60
Chapitre III :
Perméabilité des
réseaux amateur et
professionnel
61
Que ce soit en tant que comédien, metteur en scène ou auteur, Mathieu Falla est en
relation avec le théâtre amateur depuis le début de son cursus universitaire. Cette trajectoire
spécifique permet le développement de diverses réflexions et problématiques, propres à ce
secteur.
Le concept de « théâtre amateur » est envisagé ici selon les critères définitoires
avancés par Marie-Madeleine Mervant-Roux. Directrice de recherche au CNRS, ses
travaux s’insèrent dans une réflexion portant sur l’exercice de la fonction dramatique en
Europe. Ses recherches l’ont ainsi menée à étudier le secteur du théâtre amateur.
Pour qu’une activité dramatique relève du théâtre dit « d’amateurs » ou « amateur », trois
conditions- en dehors du caractère non lucratif de l’activité, critère objectif de tout
amateurisme- sont exigées : a) le but de l’activité doit être le théâtre, non une action menée
par le biais du théâtre ; b) sa structure doit être autonome ; c) d’une façon ou d’une autre,
la relation à un public doit être inscrite dans la perspective, proche ou moins proche, des
participants.179
III.1. Formation d’une troupe amateur
Une fois diplômé, Mathieu Falla poursuit, dans un premier temps, ses activités au
Théâtre Universitaire. Il procède entre autres à une mise en scène du Ratnâvali, célèbre
pièce en sanscrit indien du XIIe siècle, en 1970. Deux ans plus tard, c’est François Duysinx
qui reprend Les Solliciteurs pour le mettre en scène180. Il continue également à fréquenter
le Cercle Interfacultaire de Littérature, comme en témoigne la mention de son nom dans la
liste des « anciens du cercle »181. Sa collaboration avec l’Université de Liège ne cessera
réellement qu’après la représentation de sa pièce La Rose et Le Chardon, en 1979.
Parallèlement à son engagement au sein du TULg, Falla investit le champ théâtral
en qualité d’auteur, avec des productions comme Une Poule sur un mur, Henry VI et
Aliénor ou l’Aigle se réjouira, et de comédien, dans des mises en scène présentées au
Théâtre de l’Étuve ou au Centre Dramatique de Liège182. C’est d’ailleurs par le biais de
cette activité qu’il rencontre Francis Sourbié, qui devient le principal metteur en scène de
ses pièces, l’intégrant ainsi au réseau professionnel dès 1978. Pendant plus de dix ans, de
179
MERVANT-ROUX, M. -M. (Dir.), Du Théâtre amateur. Approche historique et anthropologique, Paris,
CNRS Éditions, 2004, p. 7.
180
Voir Annexe 1.
181
CIL, Op.Cit., 1967, p. 34,
182
Voir Annexe 3.
62
1966 à 1979, Falla fréquente donc trois secteurs différents du champ théâtral : le théâtre
universitaire, le théâtre amateur et le théâtre professionnel. C’est de l’articulation de ces
trois réseaux de fréquentation que va naître la Compagnie de la Cornue, en 1979. Avant de
nous engager plus avant dans la création et la structure de cette nouvelle compagnie, il
convient tout d’abord d’envisager l’état du champ théâtral amateur liégeois au moment de
sa création. Cet état des lieux permettra ensuite de définir son placement par rapport à la
dynamique de l’époque.
Placement dans le paysage théâtral amateur
Trois ans avant la création de la Cornue, en 1976, ont lieu les états généraux du
théâtre amateur. Du 16 au 20 août, responsables culturels et directeurs de troupes se
réunissent afin de « redéfinir la vocation culturelle des compagnies de théâtre amateur et
préciser leur position au sein de l’action théâtrale »183. En amont de cette manifestation, les
fédérations de théâtre amateur184 et les services provinciaux établissent ensemble un
inventaire des compagnies de théâtre amateur en Communauté française et leur envoient à
toutes un questionnaire relatif à leur composition et leur mode de fonctionnement (public,
répertoire, diffusion, etc.)185. Les quelques questionnaires renvoyés sont ensuite analysés
par le Centre de Sociologie du Théâtre de l’Université Libre de Bruxelles, dirigé à l’époque
par Roger Deldime. Les résultats de ces enquêtes constituent ainsi le point de départ de
quatre jours de réflexion, qui se concluent par des propositions concrètes visant à
l’amélioration du fonctionnement des compagnies de théâtre amateur. Parmi elles, citons
la coalition des fédérations théâtrales en une seule interfédérale représentant toutes les
compagnies amateurs de Bruxelles et de Wallonie186, l’établissement d’un Vade-Mecum en
vue d’améliorer l’accès aux informations relatives aux aides proposées187 et d’une liste des
compagnies de théâtre amateur188.
183
HERLEMONT, M. (Dir.), Les États généraux du Théâtre amateur, In CACEF, numéro spécial, févriermai 1977, Centre d’Action culturelle de la Communauté française et Le Ministère de la Culture française,
Spa, 1977, p. 15.
184
La Fédération Nationale des Compagnies Dramatiques de langue française, la Fédération Nationale des
Dramatiques Catholiques de Belgique et l’Union Royale Nationales des Fédérations Wallonnes.
185
HERLEMONT, M. (Dir.), Op. Cit. p. 8.
186
HERLEMONT, M. (Dir.), Op. Cit. p. 49.
187
Ibidem, pp. 54-68.
188
Ibidem, pp. 69-106.
63
Outre l’intérêt des différents constats et propositions formulés par l’assemblée, il
convient de s’interroger sur les enjeux d’une telle organisation et sur ce qu’elle réfracte du
champ politico-culturel de l’époque. En 1976, la politique culturelle belge est animée par
les principes de la démocratie culturelle, fervemment défendue par Marcel Hicter, alors
directeur de la jeunesse et des loisirs189. Plus qu’un accès à la Culture, c’est à présent la
médiation culturelle qui est visée. Dans cette optique, les activités artistiques en amateur
sont fortement encouragées en ce qu’elles permettent une appropriation directe du fait
culturel. C’est d’ailleurs la principale idée qu’Hicter développe dans son « Introduction aux
états généraux » en déclarant :
Si, depuis plus d’une génération, je proclame la nécessité d’amener les hommes à n’être pas des
consommateurs de culture préfabriquée mais d’être des artisans de leurs propres loisirs, les inventeurs de leur
joie c’est -je me dois de le dire ici- parce que j’ai formulé ma doctrine en situant en prémisse la pratique du
Théâtre Amateur (sic).190
D’un point de vue diachronique, les années 1970 comptent un nombre croissant de
troupes de théâtre amateur, après une forte baisse au cours des années 1960191. Parmi les
différents facteurs qui pourraient expliquer cette diminution on retrouve l’expansion
considérable de l’accès à la télévision, qui devient alors un véritable objet de
consommation192. Cet argument est d’ailleurs avancé de façon détournée par Franck Lucas,
dans son « avis » précédant la publication des résultats du Centre de Sociologie du Théâtre
sur le théâtre amateur en Belgique francophone193. Il prône en effet l’unification des
différents réseaux théâtraux, amateur comme professionnel car c’est « bien le théâtre tout
entier (…) qui fut agressé une première fois, au début de ce siècle, par le cinéma, puis plus
dangereusement, après la seconde guerre-mondiale (…) par la télévision »194. Relevons ici
les termes « agressé » et « dangereusement », qui tendent à présenter le théâtre en position
de faiblesse et de fragilité par rapport à ces autres médias.
NOSSENT, J.-P., « Pratique de Démocratie culturelle : une méthode de l’égalité ? », In Les Analyses de
l’Institut d’Histoire Ouvrière, économique et sociale (IHOES), 2009, p.2 [En ligne], URL :
http://www.ihoes.be/PDF/JP_Nossent_Pratique_democratie_culturelle.pdf, (consulté le 09/07/2017).
190
HICTER, M., « Introduction », In HERLEMONT, M., Op. Cit., p.4.
191
MERVANT-ROUX, M.-M., « Amateur », In CORVIN, M., Op. Cit., p. 120-127.
192
GAILLARD, I., « De l'étrange lucarne à la télévision. Histoire d'une banalisation (1949-1984) », In
Vingtième Siècle. Revue d'histoire, vol. 91, n°. 3, 2006, p. 4.
193
LUCAS, F., « Avis de l’Éditeur », In DELDIME, R. et VERHELPEN, P., Le Théâtre amateur. Enquête
par questionnaires, Bruxelles, Institut de Sociologie de l’Université Libre de Bruxelles, 1980, p.6.
194
Ibidem
189
64
Cette image d’un théâtre « en danger » est particulièrement observable dans le
secteur du théâtre dialectal. En effet, s’il était jusqu’alors notablement présent dans le
champ théâtral belge, une forte baisse se fait également ressentir dans ce secteur 195. La
tendance centripète des années d’avant-guerre dans le domaine théâtral belge avait favorisé
la multiplicité des compagnies amateurs en langues dialectales : la plupart des
infrastructures étant situées à Bruxelles, les autres provinces wallonnes développèrent
principalement des théâtres accueillant des pièces de boulevard ou dialectales196. D’autre
part, le mode de transmission oral de ces littératures avait jusque-là favorisé l’exploitation
du domaine théâtral
197
. Dans les années 1970 en revanche, « la pratique décroissante des
dialectes »198 entraîne dans le secteur un enlisement dans la tradition. En effet, seuls les
ainés manient encore aisément l’usage de ces langues, ce qui leur confère un statut de
supériorité par rapport aux nouveaux arrivants qui ne parviennent pas à renouveler les
pratiques et le répertoire199. Ce manque de dynamisme va avoir pour effet l’isolement du
théâtre en wallon des autres compagnies de théâtre amateur. À ce problème, l’assemblée
propose d’instaurer un système de formation qui
(…) sauvegardera l’écriture, la pensée ou le jeu d’instinct (…) mais étayera ces éléments par des
bases solides de culture générale, sociale et littéraire, de psychologie, de connaissance et de maîtrise de soi,
de scénographie, de terminologie théâtrale, de critique, d’élagage et d’actualisation du répertoire
traditionnel.200
Cette proposition est en outre significative de la politique d’éducation permanente
qui est alors menée en Belgique. La pratique du théâtre dialectal, telle qu’elle est préconisée
ici, s’apparente davantage à un outil permettant l’acquisition d’un savoir pluriel qu’à une
fin en soi.
Par ces différentes démarches, la volonté prédominante de ces assemblées est
l’unification et la valorisation du secteur théâtral amateur en Belgique francophone. Notons
également que les résultats de l’analyse des questionnaires préalablement distribués aux
différentes troupes fédérées seront encore étayés par une étude menée de 1979 à 1980 à
l’initiative du Ministère de l’Éducation Nationale et de la Culture. Le Centre de Sociologie
du Théâtre approfondira en effet plusieurs aspects du questionnaire comme les motivations
195
HERLEMONT, M. (Dir.), Op. Cit., p. 44.
DENIS, B., et KLINKENBERG, J.-M., Op. Cit. pp. 166-167.
197
Ibidem, p. 167.
198
HERLEMONT, M. (Dir.), Op. Cit. p. 44.
199
Ibidem, p. 44.
200
Ibidem, p. 45.
196
65
et les difficultés des troupes ou le statut socio-professionnel des comédiens amateurs201. Ce
secteur intéresse donc bien la politique culturelle de l’époque.
Un autre document témoigne d’un intérêt pour le théâtre amateur, plus
spécifiquement dans le cadre de la ville de Liège. Il s’agit d’un mémoire de fin d’étude,
réalisé en 1978 par Bernard Gabriel en vue de l’obtention d’une licence en Arts et Sciences
de la Communication202. L’étudiant y contredit ou remet en question des éléments
développés lors des états généraux. Ce travail universitaire ouvre une autre perspective sur
le sujet.
Sa première partie consiste en une recension des différentes troupes de théâtre
amateur liégeois. Pour ce faire, l’étudiant mobilise trois sources différentes : la liste des
théâtres amateurs liégeois établie par les états généraux de 1976, l’inventaire socio-culturel
des Chiroux de 1978 et la liste des troupes invitées par le Centre d’Animation et de Loisirs
Créatifs lors du Festival de Théâtres de Jeunes, la même année. La seule liste des états
généraux n’est donc pas une base suffisante pour ses recherches. Une première cause de ce
manque de fiabilité est relevée par la publication de l’Assemblée elle-même : Au moment
de la recension, « près de 50 % des compagnies [contrôlées] n’avaient plus d’activités
théâtrales ou n’existaient plus (…), tout en figurant toujours sur les différents fichiers »203.
D’autre part, les questionnaires ne sont envoyés qu’aux troupes fédérées, excluant ainsi
nombre de compagnies amateurs liégeoises, souvent plus jeunes ou plus marginales.
En prenant en compte les compagnies oubliées par l’enquête des états généraux,
Bernard Gabriel parvient à démontrer des innovations notables dans le champ théâtral
amateur liégeois. Selon lui, trois nouvelles motivations sont en émergence chez les
compagnies au moment de la réalisation de son mémoire : la diffusion d’un théâtre pour
l’enfance et la jeunesse, le théâtre comme témoin d’une réalité sociale et un théâtre
d’animation.
Le théâtre pour l’enfance et la jeunesse connait lui aussi les répercussions de mai
1968. La redécouverte des préceptes de la pédagogie active développée par Freinet et
Montessori, considérant l’enfant comme un adulte en devenir, capable de réflexion et
201
DELDIME, R., et VERHELPEN, P., Le Théâtre amateur. Enquête par questionnaires, Bruxelles,
Institut de Sociologie de l’Université Libre de Bruxelles, 1980, p. 18.
202
GABRIEL, B., Le Théâtre amateur à Liège en 1978. Mémoire réalisé en vue de l’obtention d’une
licence en Arts et Sciences de la Communication, Liège, Université de Liège, 1978.
203
HERLEMONT, M. (Dir.), Op. Cit. p.5.
66
désireux de s’exprimer, va entraîner un bouleversement de ce secteur théâtral. Les
spectacles infantilisants ou moralisateurs laissent ainsi place à de nouvelles créations
stimulant l’imaginaire de l’enfant et abordent des thématiques susceptibles de le
concerner204. Dans cet élan de renouveau, un rassemblement des instances culturelles est
également organisé en août 1970. À l’occasion du festival de Spa, plusieurs compagnies
« jeune public » sont invitées à présenter leurs créations devant une assemblée d’enfants et
adolescents, dont les réactions sont analysées par le Centre de Sociologie du Théâtre.
S’ensuivent une série de débats, qui mèneront à la volonté de construire un théâtre
d’innovations et de recherches pour le secteur jeune public205.
Par ailleurs, le théâtre amateur liégeois va développer diverses méthodologies visant
à faire de la pratique théâtrale un outil de témoignage d’une réalité sociale. Dans son
mémoire, Bernard Gabriel relève deux types d’action. D’une part, les compagnies dont les
membres vont eux-mêmes se faire les témoins d’une réalité sociale, comme par exemple la
compagnie La Marre-Mythe, qui rassemble quelques jeunes femmes du conservatoire
venues échanger leurs expériences en vue de soutenir ou de participer à des actions
politiques concernant la condition féminine206. Ce type d’action théâtrale est par ailleurs
représentatif d’une prise de conscience du statut de la femme dans les années 1970, déjà
évoquée dans le chapitre précédent. D’autre part, certaines compagnies vont, à partir d’une
réflexion menée en interne, présenter à un public cible un spectacle déjà créé. À titre
d’exemple, mentionnons la troupe « Et pourtant, papa m’avait dit », qui va présenter la
création Une blanche vaut deux noires lors de la manifestation « Tiers-Monde », organisées
en 1978 à Malmedy. Ce projet de pièce est d’ailleurs soutenu et encadré par des agents du
Théâtre de la Communauté des Escholiers, devenu « Théâtre de la Communauté ».
La mention de ces démarches théâtrales en tant que caractéristiques émergentes du
théâtre amateur liégeois est en contradiction avec les résultats de l’enquête menée par les
états généraux207. Celle-ci révélait en effet « la prédominance d’une certaine conception du
théâtre amateur (jouer, s’amuser, distraire, subsister) »208 sans mentionner une quelconque
visée sociale ou politique dans le chef des troupes. Encore une fois, ce décalage peut
204
DELDIME, R., Une Aventure héroïque. Les pionniers du renouveau du théâtre jeunes publics en
Belgique francophone (1970-1980), Bruxelles, Lansman Editeur, 2010, p. 11.
205
Ibidem, p. 2.
206
GABRIEL, B., Op. Cit. p. 41.
207
Ibidem, p. 71.
208
HERLEMONT, M. (Dir.), Op. Cit. p. 5.
67
s’expliquer par le mode de recensement des compagnies, qui ne pouvait tenir compte de
toutes les émanations éphémères ou marginales.
Venons-en enfin au développement du théâtre d’animation, qui se construit en lien
étroit avec la catégorie précédente. Selon les recherches menées par le même étudiant, ce
type de démarche théâtrale va majoritairement s’illustrer de deux façons à Liège. La
première mène à l’implication directe du public dans l’action théâtrale tandis que la seconde
fournit à ce public un outil de réflexion par le biais d’échanges idéologiques209. Ces deux
types de démarches sont tout d’abord à replacer dans un contexte de développement de la
forme du théâtre-action en région liégeoise. L’enjeu n’est plus ici de développer un système
de médiation théâtrale entre le public et les œuvres mais bien d’encourager ce public à créer
un théâtre qui soit le témoin de sa réalité. Dans cette perspective, des troupes de comédiens
professionnels comme celle du Théâtre de la Communauté vont se rendre dans les banlieues
et les quartiers ouvriers, créant ainsi un véritable échange avec les habitants. Leurs
témoignages serviront de base de travail à la troupe pour monter une nouvelle création.
Dans la seconde approche, les pièces sont jouées dans ces espaces et le débat y occupe alors
une place centrale, allant parfois jusqu’à prendre le dessus sur le spectacle en cours. Par la
suite, cette prise de distance par rapport à l’esthétique théâtrale sera remise en question par
des auteurs comme Marc Liebens ou Jean-Marie Piemme, qui entendent combiner qualité
esthétique et engagement social210.
Du côté du théâtre amateur, l’animation théâtrale va également se développer dans
différents types de cadres. Les compagnies favorisant une action directe du public ne se
positionneront pas nécessairement dans une démarche de revendication politique. C’est le
cas par exemple de la troupe du « Cirque Divers », qui va recourir au public dans une visée
de reconstitution du quotidien211. La méthodologie de création est surtout tournée vers
l’improvisation et ne recourt donc à aucun support écrit. Par ailleurs, la pratique du débat
va se développer sur différents terrains, comme par exemple le milieu scolaire, qui est alors
sujet à de nombreuses remises en question. Les discussions menées entre élèves et
professeurs suite aux présentations tendent également à estomper l’écart hiérarchique qui
les sépare.
209
GABRIEL, B., Op. Cit. p. 72.
DELHALLE, N., Vers un Théâtre politique. Belgique francophone 1960-2000, Bruxelles, Le Cri-ULBULg, pp. 138-139.
211
GABRIEL, B., Op. Cit. p. 28.
210
68
La formation du Théâtre de la Cornue, en 1979 a donc lieu à une période charnière
de renouveau du domaine théâtral amateur avec, d’une part, un affaiblissement notoire de
la pratique théâtrale en wallon et d’autre part, l’émergence de nouvelles formes et de
nouveaux enjeux. Par ailleurs, celui-ci tend à s’institutionnaliser, ce qui témoigne d’une
volonté de valorisation du secteur mais aussi d’une uniformisation à venir.
Un double placement
L’état des lieux du secteur théâtral amateur réduit au cadre liégeois permet, dans
un premier temps, d’interroger le placement de la Compagnie de la Cornue d’un point de
vue historique. La partie qui suit consistera à articuler ce placement avec celui qu’elle
occupe au sein de la pratique artistique amateur de manière générale. Cette démarche se
construit en deux temps : l’analyse du discours produit par la compagnie elle-même et
l’étude des membres qui la composent.
En ce qui concerne le discours produit par la Cornue sur ses propres pratiques, un
extrait du texte de présentation de la compagnie, inséré dans le dossier pédagogique de la
pièce Casimir et Caroline d’Odön von Horvath, montée par la troupe en 1991, constitue le
matériau de base de notre recherche :
« Amateurs », c’est-à-dire bénévoles, par la force des contraintes économiques, les
membres de la Cornue ont, pour la plupart, acquis leur expérience dans des écoles d’art
dramatique et/ ou dans diverses troupes professionnelles. Quelques-uns ont appris le métier
dans la troupe même, qui se veut un lieu d’apprentissage rigoureux. C’est ainsi que la
Cornue a formé des personnalités qui font aujourd’hui partie du théâtre professionnel en
tant que comédien, metteur en scène et scénographe212.
Plusieurs éléments sont ici symptomatiques d’un placement particulier au
sein du théâtre amateur. Premièrement, le caractère non lucratif de la Cornue (qui est le
premier critère définitoire d’une compagnie théâtrale amateur) parait relever uniquement
de « contraintes économiques ». Selon cet extrait, sans ces dernières, les membres ne
relèveraient pas d’un statut de « bénévoles » mais de professionnels ; en atteste leur
formation au sein des écoles d’art dramatique, d’ailleurs avancée ici comme un critère de
qualité de la compagnie. Or, la formation professionnelle ne compte pas parmi les deux
méthodes d’apprentissage majoritairement pratiquées dans le réseau amateur, à savoir le
212
CNRTL, « Amateur » In CNRTL, Portail lexical [En ligne], URL :
http://www.cnrtl.fr/etymologie/amateur, (consulté le 30/07/2017).
69
tâtonnement et la mimesis213. Ainsi, en valorisant la qualification professionnelle de ses
membres, la Cornue entend ici encore se distinguer du réseau amateur. De cette façon, la
première partie de l’extrait témoigne d’une certaine conception de la pratique théâtrale
amateur qui peut être mise en opposition avec les récents travaux de Mervant-Roux, selon
laquelle « [f]aire du théâtre en amateur, ce n’est (…) pas faire la même chose que le théâtre
professionnel, gratuitement et plus gauchement »214. Dans ses recherches, elle s’oppose à
une hiérarchisation des pratiques théâtrales. Elle revendique en revanche leur distinction,
articulée autour d’un statut, revendiqué pour le professionnel, inexistant pour l’amateur.215
La seconde partie de l’extrait présente la compagnie non seulement comme un
espace d’accueil et de rencontres entre professionnels du spectacle, mais aussi comme un
lieu de formation à part entière. Ici encore, le fait de se revendiquer comme un « lieu
d’apprentissage rigoureux » marque une prise de distance par rapport au théâtre amateur
qui, toujours à l’heure actuelle, est entouré de clichés, parmi lesquels persiste le manque de
formation216. Enfin, le rôle formateur de la compagnie, qui va permettre à des comédiens,
metteurs en scène ou scénographes d’atteindre le milieu professionnel, témoigne de ce que
Laurent Fleury dénomme une « représentation évolutionniste de l’histoire et de la carrière
des comédiens »217. Or, comme il le démontre, les concepts d’antériorité et d’infériorité
étant très couramment associés, cette représentation contribue à la dévalorisation de la
pratique amateur.
Après avoir analysé ce bref métadiscours de la Compagnie de la Cornue relatif à la
qualité de ses membres, nous allons à présent nous concentrer sur sa composition effective.
Si une liste de tous ses membres n’est pas directement disponible, celle des productions
permet d’en répertorier les auteurs, metteurs en scènes et scénographes, le nom des
comédiens faisant donc défaut. Ce manque est néanmoins partiellement comblé par la
consultation de la page Facebook du Théâtre de la Cornue. On y trouve en effet une dizaine
d’anciennes photos, sur lesquelles des comédiens sont « identifiés ». La constitution d’un
bref inventaire des membres de la troupe permet d’une part d’identifier différents réseaux
213
MORINIERE, T., Le Théâtre des Amateurs. Un jeu sur plusieurs scènes, Broissieux, Éditions du
Croquant, 2007, p. 37.
214
MERVANT-ROUX, M.- M., « Introduction », In MERVANT-ROUX, M.-M., Op. Cit., p. 14.
215
Ibidem, pp. 12-14.
216
COLSON, R. « Idées reçues sur le théâtre amateur », In L’avant-scène théâtre n° 12631264, Paris, 1er mai 2009, pp. 189-190.
217
FLEURY, L., « Généalogie d’un Théâtre ´sans qualité`. Le Théâtre amateur, l’Éducation populaire et
l’État culturel », In MERVANT-ROUX, M.-M.,(Dir.), Op. Cit., p. 65.
70
de sociabilité coexistant dans cette association et, d’autre part, d’envisager son placement
au sein du théâtre amateur liégeois.
Parmi les noms figurants à de nombreuses reprises dans la liste des productions,
outre Mathieu Falla et Vivienne Martin, reviennent régulièrement ceux de Maggy Jacot et
Francis Sourbié. Comme évoqué brièvement dans le chapitre II, Maggy Jacot est une
ancienne élève de Vivienne Martin, professeur de français à l’école secondaire technique
d’Avroy. Cet établissement scolaire peut ainsi être considéré comme un espace social
autour duquel se réunissent également Dominique Brévers, Joëlle Ledent et Claudine Maus.
Par la suite, Maggy Jacot et Dominique Brévers vont toutes deux entamer un cursus en
Histoire de l’Art à l’Université de Liège. Elles y rencontreront deux autres membres de la
compagnie : Éliane Jortay et Thierry Wesel. Toutes ces personnes se sont ensuite
professionnalisées dans le milieu artistique.
Parallèlement, un deuxième réseau va se constituer autour de Francis Sourbié, qui
appartenait déjà au milieu professionnel au moment de sa rencontre avec Mathieu Falla. Il
va enrichir la compagnie de la Cornue de personnes spécialisées dans le domaine théâtral,
comme Françoise Varenne218, une dramaturge qui avait déjà collaboré avec lui auparavant
et qui va participer à la mise en scène de Les Amours de Don Perlimplin et de Bélise en son
jardin en 1996219. Sourbié va aussi intégrer des membres de la compagnie à son propre
réseau social, en montant par exemple des spectacles avec la collaboration de Maggy Jacot
(Aliénor ou l’Aigle se réjouira en 1992 et Histoire du chevalier Des Grieux et de Manon
Lescaut en 1999)220.
Un troisième réseau de sociabilité peut être relevé, cette fois au sein des comédiens
participants aux créations. On retrouve en effet « identifiés » sur les photos des spectacles
de la compagnie Christiane Beaujot, Gaetan Giambra, Michel Gramme (qui se charge de
la mise en scène du Chasseur français de Boris Vian en 1995)221 et Vincent Kelner.
L’association de ces quatre noms réapparait en 2012, dans la distribution du spectacle Sous
le même ciel…Il m’arrive parfois de penser à autre chose, mis en scène par Diego Messina
et produit par le Théâtre Imbroglio. Il est intéressant de constater que cette création figure
Théâtre de la Cornue, « La Cornue », In Projet. Casimir et Caroline d’O. Von Horvath, p.2.
Les Archives du Spectacles, « La Maison de Bernada Alba », In Les Archives du Spectacles, moteur de
recherche pour les Arts de la Scène [En ligne], URL :
http://www.lesarchivesduspectacle.net/?IDX_Spectacle=76457, (consulté le 04/08/2017).
220
Bnf, « Maggy Jacot », In Data. Ressources en ligne de la Bibliothèque Nationale de France [En ligne],
URL : http://data.bnf.fr/14684521/maggy_jacot/, (consulté le 25/05/2017).
221
Voir Annexe 2.
218
219
71
dans la programmation de l’édition 2012 d’Odyssée Théâtre222. Créée par le service culturel
de la Province de Liège depuis maintenant quinze ans, « l’opération Odyssée » consiste à
valoriser la collaboration entre réseau professionnel et réseau amateur en permettant aux
troupes retenues de bénéficier d’un encadrement professionnel. Or, le fonctionnement de
la Cornue décloisonne également les réseaux amateurs et professionnels lors de ses
créations. De cette façon, même si ces comédiens amateurs n’appartiennent plus à la
compagnie, ils s’intègrent dans une démarche de création valorisant le même mode
d’encadrement. Nous observons donc une continuité dans ces pratiques amateurs.
Parmi les noms mentionnés dans la liste des créations, relevons également celui
d’Alain-Guy Jacob. Romaniste formé à l’Université de Liège et ancien membre du TULg,
il y avait lui aussi mis en scène plusieurs pièces sous la direction de François Duysinx. À
la fin des années 1960, il entre comme professeur au Conservatoire de Liège, Institution
qui connaîtra très rapidement de nombreuses réformes. C’est en effet à cette époque que
René Hainaux décide d’enrichir le cursus de la formation d’acteur d’une session
expérimentale, visant à rendre compte des diverses mutations que le domaine théâtral
connait alors.
Une figure emblématique de ce renouveau est Max Parfondry. Ancien étudiant
romaniste de la même promotion que Mathieu Falla, il décide de suivre une formation de
comédien suite à laquelle il intègre rapidement le conservatoire comme professeur d’Art
Dramatique. En 1976, il devient le représentant de la formation des comédiens-animateurs,
visant à former les comédiens à la démarche du théâtre-action, qui est alors en pleine
expansion. Pour ce faire, les étudiants sont confrontés à de nouvelles méthodologies,
fondées sur la réalisation de projets et de créations collectives. Ces nouveautés ne plaisent
cependant pas à tout le monde et, par manque de soutien public, la section est contrainte de
fermer à la fin des années 1980. Cette décision va alors générer un véritable clivage au sein
de l’Institution, opposant deux conceptions de la pratique théâtrale, « classique » d’une part
et novatrice de l’autre223. Elles seront respectivement représentées par Alain-Guy Jacob et
Max Parfondry.
222
ODYSSÉE THÉÂTRE, « Saison 2012 », In Site Odyssée Théâtre [En ligne], URL :
http://archives.odysseetheatre.be/archives/saison2012b/spectacles/souslememeciel/index.html, (consulté le
29/07/2017).
223
DELHALLE, N., « Théâtre : Croisement entêté avec le Politique », In DELHALLE, N., et DUBOIS,
J.(Dir.) Op. Cit. pp. 149-152.
72
Or, c’est précisément de cette époque que date la collaboration d’Alain-Guy Jacob
avec la Théâtre de la Cornue. En 1989, il met en scène La Métaphysique d’un veau à deux
têtes, puis, en 1991, Casimir et Caroline dont nous avons exploité le dossier pédagogique.
Sachant la dynamique de rivalité qui existe alors entre les professeurs plus conservateurs
(représentés par Jacob) et ceux qui défendent l’innovation théâtrale (représentés par
Parfondry)224 au conservatoire, la collaboration de la compagnie de la Cornue avec AlainGuy Jacob laisse supposer un retrait volontaire par rapport aux innovations théâtrales de
l’époque.
Revenons à présent à la participation active de Maggy Jacot aux créations de la
compagnie. Au total, elle réalise neuf scénographies de spectacle, dont sept entre 1980 et
1984. Sachant qu’elle suit un cursus en Histoire de l’Art de 1978 à 1982225, elle est donc
étudiante, puis jeune diplômée durant cette période. Ainsi, dès 1985, elle réalise des
scénographies (décors, costumes, maquillages) pour des compagnies théâtrales qui se
positionnent clairement dans la veine progressiste et novatrice du champ théâtral. De 1985
à 1990, elle travaille avec le Théâtre de l’Échappée, qui manifeste « le souci d’aller vers
des publics et dans des lieux où le spectacle n’est pas une affaire habituelle »226 ; la
compagnie Mezza Luna, appartenant à « la mouvance du théâtre alternatif et de
recherche »227; et le Théâtre-Poème, installé dans la commune de Saint-Gilles et qui
développe les créations théâtrales pour la jeunesse228. Aujourd’hui, Jacot est surtout connue
dans le monde théâtral liégeois pour sa collaboration avec Axel De Booseré, cofondateur
de la Compagnie Arsenic et ancien élève de Max Parfondry. Ainsi, alors qu’elle collabore
surtout avec une compagnie amateur en marge des formes d’engagements sociaux de
l’époque, Maggy Jacot poursuit la majorité de son parcours professionnel dans le secteur
du théâtre militant. Cette migration vers un réseau professionnel engagé se remarque
également chez Claudine Maus. Bien que moins active à la Cornue que son amie Maggy
Jacot, elle réalise cependant les scénographies de Dialogue de Courtisane en 1984 et Les
224
GUTTIEREZ, M., « Malaise au Conservatoire de Liège », In Journal Le Soir du 8/11/1990 [En ligne],
URL : http://www.lesoir.be/archive/recup%3A%252Fmalaise-au-conservatoire-de-liege_t-19901108Z0394A.html, (consulté le 01/08/2017).
225
La Bellone « Maggy Jacot », In Site La Bellone. Maison du Spectacle [En ligne], URL :
http://www.bellone.be/fr/persondetail.asp?IDfichier=1680230, (consulté le 01/08/2017).
226
THÉÂTRE DE L’ÉCHAPPÉE, « La Compagnie », In Site du Théâtre de l’Échappée [En ligne], URL :
http://www.theatrelechappee.com/index.php?page=compagnie, (consulté le 02/08/2017).
227
COMPAGNIE MEZZA LUNA, « Qui sommes-nous ? », In Site de la Compagnie Mezza Luna [En
ligne], URL : http://www.cie-mezzaluna.be/, (consulté le 03/08/2017).
228
THÉÂTRE - POÈME 2, « Histoire », In Site de le Compagnie Théâtre-Poème 2 [En ligne], URL :
http://www.theatrepoeme.be/info-pratiques/#histoire, (consulté le 03/08/2017).
73
Amoureux en 1987. Elle mettra également en scène La Plaisante Aventure de Goldoni en
1993. À ce jour, elle travaille pour le Collectif Mensuel229, lui aussi « investi dans un
Théâtre de sens »230.
Les débuts de la Compagnie de la Cornue sont donc marqués par la présence de
membres qui s’orienteront par la suite vers une veine théâtrale qui se revendique
progressiste tant sur le plan esthétique que politico-social. C’est d’ailleurs ce type de théâtre
qui va dominer à Liège dans le réseau professionnel. En témoigne, entre autres, la
composition de la direction du Théâtre Nouveau Gymnase, qui deviendra ensuite le Théâtre
de la Place : Guy Lesire et Billy Fassbender sont en effet choisis au détriment du duo formé
par Alain Guy-Jacob et José Brouwer, lui aussi concurrent231. D’autre part, le
Conservatoire, Institution symbolique de ce champ, se positionne lui aussi clairement dans
cette optique théâtrale. Nous pouvons donc nous demander dans quelle mesure le départ de
membres comme Maggy Jacot, Claudine Maus et Thiery Wesel a pu avoir un impact sur le
fonctionnement de la Cornue, et sur sa posture au sein du champ théâtral.
Quel répertoire ?
Toujours dans le dossier de présentation de la pièce Casimir et Caroline d’Odön
von Horvath, la compagnie de la Cornue explicite les objectifs et les valeurs qu’elle entend
défendre. Alors active dans le champ théâtral liégeois depuis une douzaine d’années, elle
choisit tout d’abord de mettre en avant la « régularité », « l’ouverture » et la « qualité » qui
caractérisent sa production.
La valeur de régularité avancée dans le dossier de présentation se justifie par un
rythme de production constant, comptant en moyenne deux spectacles par an. Le principe
d’ouverture se rapporte en revanche à la formation du répertoire, constitué de textes
« méconnu[s] ou oublié[s], généralement ignoré[s] des compagnies professionnelles »,
229
La Bellone « Claudine Maus », In Site La Bellonne. Maison du Spectacle [En ligne], URL :
http://www.bellone.be/fr/persondetail.asp?IDfichier=1680695, (consulté le 03/08/2017).
230
Collectif Mensuel, « Le Collectif », In Site du Collectif mensuel [En ligne], URL :
http://www.collectifmensuel.be/le-collectif-mensuel, (consulté le 03/08/2017).
231
DELHALLE, N., « Théâtre : Croisement entêté avec le politique », In DELHALLE, N., et DUBOIS, J.,
(Dir.), Op. Cit. p. 142.
74
pouvant appartenir « à tous les genres théâtraux pourvu qu’[ils] comportent des qualités
(littéraires, intellectuelles, émotionnelles, distractives…) »232.
De prime abord, un parallélisme peut être établi entre la définition du répertoire de
la Cornue et celle revendiquée dans la charte des Théâtres Universitaires de 1962, qui elle
aussi préconisait l’exploration de textes méconnus ou peu joués. Ce point commun
s’explique sans doute par la forte présence d’anciens membres du Théâtre Universitaire de
Liège dans la troupe, parmi lesquels les deux principaux fondateurs. Par ailleurs, le fait de
ne mentionner que des « textes » pour qualifier la formation du répertoire suggère l’absence
de créations collectives. Enfin, l’« ouverture à toutes les formes d’expression artistique »
préconisée par la compagnie peut faire écho à la récurrence des créations et représentations
musicales ou dansées sous la direction de François Duysinx, lui-même musicien reconnu.
L’analyse du répertoire des pièces présentées par la compagnie de la Cornue de
1980 à 1991 relève en effet une volonté d’originalité, de recherches de pièces oubliées,
méconnues ou rarement montées. Plusieurs types de textes méconnus sont dès lors à
distinguer. Majoritairement, la démarche de la compagnie consiste à choisir des œuvres
d’auteurs consacrés mais peu jouées ou n’appartenant pas au genre dramatique. À titre
d’exemple, nous pouvons citer : L’Équarrissage pour tous et Le Chasseur Français de
Boris Vian, Le Vampire d’Alexandre Dumas, La famille de Carvajal de Prosper Mérimée,
ou encore deux romans de Victor Hugo : Les Gueux et Mangeront-ils ? On retrouve
également des pièces contemporaines comme La Vie singulière d’Albert Nobs, roman de
l’Irlandais George Moor, adapté par Simone Benmussa en 1977, La métaphysique d’un
veau à deux têtes, pièce tropico-australienne en trois actes, de Stanislaw Ignacy
Witkiewicz et L’Oiseau vert de Benno Besson. Par ailleurs, jusqu’en 1991 on ne compte
que deux créations réalisées par Mathieu Falla : Le Satiricon II, qui fera ici l’objet d’un
commentaire plus approfondi, et Les Amours de Mariana. Les productions inédites seront
en revanche beaucoup plus nombreuses les années suivantes avec quatre nouvelles pièces
du même auteur (Gilles ou l’étranger, L’emporte-pièce, Oubliez le guide et Adrienne
Marthe Pélouagne, dernière pièce présentée par la compagnie, en 1999) mais aussi de
Laurence Adam et Vincent Kelner, également membres de la compagnie.
232
Théâtre de la cornue, « La Cornue », In Théâtre de la Cornue, Op. Cit.,p.2.
75
Envisageons à présent le positionnement de la Cornue par rapport à l’étude menée
par Marie-Madelaine Mervant-Roux sur le répertoire du théâtre amateur233. Après une
analyse de la programmation inventoriée de 1995 à 2001 par la Fédération Nationale
(française) des Compagnies de Théâtre et d’Animation (FNCTA), en ressort comme
premier constat « la domination écrasante de la comédie »234. Or, à la Cornue, du point de
vue du genre des œuvres présentées, seulement un tiers relève de celui de la comédie235.
Cette caractéristique est d’autant plus marquée pendant les premières années de la
compagnie : sur les cinq textes montés de 1980 à 1982, aucun n’appartient à ce genre. Un
autre point de divergence avec la tendance générale du répertoire amateur est la présence
notable de littérature dramatique étrangère, qui fait généralement défaut. Treize pièces sur
les trente-trois présentées de mars 1980 à novembre 1999 sont en effet des traductions de
pièces étrangères.
Il apparait donc ici que la volonté de distinction par rapport au théâtre amateur, déjà
soulevée au point précédent, transparait dans la composition du répertoire de la compagnie.
L’analyse de celui-ci laisse en effet à penser que les membres veulent se positionner en
opposition des clichés qui entourent le répertoire du théâtre amateur, trop souvent perçu
comme « un fourre-tout de saynètes et de pièces purement divertissantes »236. Par ailleurs,
force est de constater le peu de « propositions contemporaines de constructions non
linéaires »237 dans la composition du répertoire. Cette caractéristique est quant à elle
commune aux tendances générales du répertoire amateur relevée par l’étude de MervantRoux.
Envisageons à présent le répertoire de la compagnie dans une perspective
historique. Comme le démontre Mervant-Roux, la période suivant les événements de mai
1968 voit naître la production de textes qualifiés de « théâtre pour dire »238. L’objectif est
alors de réunir l’ensemble de la compagnie autour d’une création collective, devant être le
reflet d’une contestation, d’une revendication. Toujours selon les recherches menées par
Mervant-Roux, si l’objet des textes montés n’est plus aussi clairement politiques, les
233
MERVANT-ROUX, M.- M., « Le répertoire des Amateurs. Ethnographie du texte dramatique », In
MERVANT-ROUX, M.-M.,(Dir.), Op. Cit., p. 114.
234
Ibidem, p.115.
235
Voir Annexe 2.
236
MERVANT-ROUX, M.- M., « Le répertoire des Amateurs. Ethnographie du texte dramatique », In
MERVANT-ROUX, M.-M., Op. Cit., p. 114.
237
Ibidem, p. 115.
238
Ibidem, p. 120.
76
procédés d’écriture se sont maintenus et même développés au fil des ans. Rappelons que
l’émergence de ce type d’écriture est également relevée pour le secteur théâtral amateur
liégeois dans le mémoire réalisé par Bernard Gabriel.
Cependant, cette tendance n’apparait nullement dans le répertoire du Théâtre de la
Cornue. Seule la pièce Lucrèce Borgia ?, montée en mars 1981, est présentée comme une
« création collective ». Or d’après le titre, il s’agit surtout d’une adaptation de Lucrèce
Borgia, drame en prose de Victor Hugo. La création s’inspire donc clairement d’un texte
préexistant. Il est vrai que la liste des productions compte quelques textes originaux, rédigés
par des membres de la compagnie, mais il apparaît clairement que les textes de Mathieu
Falla ont été écrits en aval des répétitions menées par le reste de la troupe. Le Satiricon II
et Adrienne Marthe Pélouagne, respectivement présentés en 1982 et en 1999 par la
Compagnie de la Cornue, sont d’ailleurs mis en scène dès 1979 et 1984 par la troupe
professionnelle de Francis Sourbié.
III.2. Théâtre amateur et théâtre professionnel : des vases communicants
La partie qui suit a pour enjeu d’illustrer les divers échanges et accointances entre
réseaux amateur et professionnel. La première étape de notre démarche consiste en
l’élaboration d’un corpus des textes composés par Falla depuis sa dernière collaboration
avec le Théâtre Universitaire. Une fois ces derniers classés en fonction de leur date de
composition et de leur insertion dans le réseau théâtral amateur ou professionnel, il apparait
que la production dramatique de Mathieu Falla à partir de 1978 alterne entre réseau
professionnel et réseau amateur. De plus, certains textes s’insèrent, à des époques
différentes, dans l’un et l’autre réseau. Les précédentes parties de ce chapitre ont déjà relevé
certaines caractéristiques prégnantes du théâtre amateur liégeois, et en particulier dans la
troupe de la Cornue. Nous allons donc à présent nous pencher sur les spécificités du réseau
professionnel dans lequel s’intègrent les productions de Falla.
Intégration du réseau professionnel
Mis à part Tricoter à Pontoise, mis en scène par Dominique Poulange en 1980,
Francis Sourbié se charge de toutes les mises en scènes des pièces de Mathieu Falla
77
présentées dans le réseau professionnel239. Ainsi, l’étude du répertoire des productions
réalisées par Francis Sourbié au sein de ce réseau240 permet un premier aperçu du champ
dans lequel s’insèrent les productions de Falla. La comparaison de deux de ces pièces avec
l’ensemble des mises en scène de Sourbié permet, dans un second temps, l’évaluation des
influences mutuellement subies par les deux agents.
Au moment de sa première collaboration avec la Compagnie de la Cornue en 1981,
Francis Sourbié a déjà réalisé plusieurs scénographies, costumes et mises en scènes dans le
réseau professionnel. L’ensemble de ses productions se partagent entre Paris et Compiègne,
commune française du département de l’Oise, dont il est originaire. Parmi les
établissements parisiens apparaissent : le Café-théâtre Le Sélénite, le Globe MCDV, petit
théâtre de quarante places, et le Théâtre Essaïons. Tous appartiennent au secteur privé. La
Salle Nicolas, qui accueille d’autres de ses mises en scène dans la Commune de
Compiègne, est également privée.
Or, il existe en France un véritable clivage entre théâtre subventionné et théâtre
privé. Ce dernier est souvent associé à des valeurs mercantiles : installées pour la plupart
en Ile-de-France en raison de l’accessibilité de la main d’œuvre et du flux touristique, les
infrastructures privées répondent avant tout à des impératifs économiques, car elles ne
peuvent se permettre le manque de succès d’un spectacle. Elles privilégient ainsi les formes
standardisées, susceptibles de plaire au plus grand nombre, comme les grands classiques
du répertoire ou les pièces humoristiques. C’est également dans cette optique que certains
théâtres mettent à l’affiche des stars du cinéma ou de la télévision, déjà connues d’un large
public241.
En ce qui concerne les productions de Francis Sourbié, deux tendances souvent
associées au secteur privé sont relativement constantes : la prédominance de la comédie et
une esthétique du faste. Parmi les comédies, trois sont issues du grand répertoire français :
Les Fourberies de Scapin et Le Malade Imaginaire de Molière et La Double Inconstance
239
BnF, « Mathieu Falla », In Data. Ressources en ligne de la Bibliothèque Nationale de France [En ligne],
URL : http://data.bnf.fr/14678646/mathieu_falla/, (consulté le 11/10/2016).
240
BnF DATA, « Francis Sourbié », In Data. Ressources en ligne de la Bibliothèque Nationale de France
[En ligne], URL : http://data.bnf.fr/14654435/francis_sourbie/#rdt500-14654435, (consulté le 30/09/2016)
et Les Archives du Spectacles « Francis Sourbié », In Les Arcives du Spectacle. Moteur de recherche pour
les Art de la Scène [En ligne], URL : http://www.lesarchivesduspectacle.net/?IDX_Spectacle=64810,
(consulté le 06/05/2017).
241
BARBERIS, I., et POIRSON, M., L’économie du Spectacle vivant, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? »,
2016, p.25.
78
de Marivaux. D’autres sont de nouvelles créations comme Mais qui est donc MarieGoujon, définie comme « un opéra-cavalcade en 36 tableaux, 120 costumes et une
apothéose »242 et J’habite seul avec maman. Certains documents témoignent de
l’importance accordée aux costumes. La rubrique « À ne pas manquer ce soir » du Nouvel
Observateur recommande par exemple Mais qui est donc Marie-Goujon, première mise en
scène de Sourbié à être répertoriée, pour le « joli tour de force qui fait défiler cent douze
très beaux costumes »243. De la même façon, le comédien Philippe Miglioli témoigne sur
son site244 à propos de J’habite seul avec maman : « En dehors des répétitions, nous
procédions à de nombreux essayages chez une couturière et dans les boutiques »245. Enfin
des photos de la mise en scène de la Salomé d’Oscar Wilde, réalisée en 1988246 témoignent
d’une recherche portée sur le faste et le réalisme, qui ne correspondent pas aux codes
esthétiques du théâtre contemporain subventionné. Davantage situé dans une démarche de
recherche et d’innovation théâtrale, ce secteur a plus facilement assimilé la remise en
question de l’illusion réaliste, amorcée depuis le mouvement symboliste à la fin du XIXe
siècle247.
À côté de ces caractéristiques transparaissent cependant quelques pièces plus
audacieuses comme Renaud et Armide de Cocteau, La Lacune, pièce en un acte de Ionesco
ou les Ignudi, une courte pièce créée à partir des « Sonnets » de Michel-Ange. Citons
encore deux créations : Enluminures autour du procès de Gilles de Rais et Moi, Pierre
Cauchon, je m’y emploierai. La première est un « texte original des minutes du procès [de
Jeanne d’Arc], traduit en français moderne et découpé pour la scène, sans altérations ni
rajouts »248, présenté au Théâtre Essaïons en mars 1975. Cette pièce s’éloigne donc
radicalement des comédies légères ou des grands titres connus et appréciés du public. La
242
Les Archives du Spectacles « Francis Sourbié », In Les Arcives du Spectacle. Moteur de recherche pour
les Art de la Scène [En ligne], URL http://www.lesarchivesduspectacle.net/?IDX_Spectacle=64810,
(consulté le 06/05/2017).
243
LE NOUVEL OBSERVATEUR, « À ne pas manquer ce soir ! » In Journal Le Nouvel Observateur,
06/03/1972, p.17 [En ligne], URL http://referentiel.nouvelobs.com/archives_
pdf/OBS0382_19720306/OBS0382_19720306_017.pdf, (consulté le 23/05/2017.
244
MIGLIOLI, P., « Travesti au Globe MCDV », In Site de Philippe Miglioli, Comédien et auteur [En
ligne], URL : https://www.philippe-miglioli-theatre.org/com%C3%A9dien/le-globe-j-habite-seul-avecmaman/, (consulté le 03/08/2017).
245
Ibidem
246
Voir Annexe 4
247
PAVIS, P., Op.cit., p.21.
248
BnF DATA, « Enluminures autour du procès de Gilles de Rais », In Data. Ressources en ligne de la
Bibliothèque Nationale de France [En ligne], URL :
http://data.bnf.fr/39492945/enluminures_autour_des_minutes_du_proces_de_gilles_de_rais_spectacle_197
5/, (consulté le 02/08/2017).
79
seconde est présentée en janvier 1978, à l’occasion du onzième centenaire de la ville de
Compiègne, dont le patrimoine historique doit beaucoup à la figure de Jeanne d’Arc249. La
pièce est d’ailleurs rédigée par Geneviève Baïlac, alors directrice du Centre Culturel. Cette
collaboration témoigne, une fois de plus, de l’importance des réseaux de sociabilité dans
une trajectoire artistique.
Cette brève élaboration de la production de Francis Sourbié laisse donc apparaître
un balancement entre, d’une part, des mises en scène portant sur des textes classiques,
contenant certaines caractéristiques généralement attribuées au secteur privé, et d’autre
part, certaines pièces plus originales, moins susceptibles de rencontrer l’approbation d’un
large public. Les deux textes sélectionnés ici afin d’évaluer le positionnement de Mathieu
Falla au sein du secteur professionnel Anticosi ou les péchés capiteux et Aliénor ou l’Aigle
se réjouira, sont respectivement le premier et le dernier de ses textes mis en scène par
Francis Sourbié.
Anticosi ou les péchés capiteux, est donc la première pièce résultant d’une
collaboration entre Mathieu Falla et Sourbié ; commandée par le metteur en scène, elle
répond à trois critères liés à un objectif de réduction des coûts : une petite distribution (trois
comédiens), pour un spectacle de courte durée, demandant peu de mise en place. Falla met
une semaine à écrire ce texte, construit comme une paraphrase du Cosi fan tutte de Mozart.
La fable de la version originale est assez simple : deux jeunes Napolitains sont mis au défi
de conserver l’amour de leurs fiancées respectives durant leur absence. Ils décident alors
de feindre un départ à la guerre et reviennent ensuite travestis en soldats étrangers pour les
séduire et ainsi tester leur fidélité. Après avoir succombé aux avances des soldats, les jeunes
filles apprennent qu’il s’agit en réalité de leurs maris. Tous finissent néanmoins par se
réconcilier250. L’intrigue de cet opéra est donc assez peu originale : on y retrouve les topos
du travestissement et de l’infidélité amoureuse, particulièrement récurrents dans le genre
de la comédie. Comme voulu par Francis Sourbié, l’adaptation qui en est faite par Falla ne
nécessite par ailleurs qu’un budget réduit et une distribution restreinte. Ajoutons à cela la
249
DEHARVENG, P., « Le souvenir et le culte de Jeanne d'Arc à Compiègne », In Bulletin de la Société
historique de Compiègne 28 (1982), pp. 231-243 [En ligne], URL :
file:///C:/Users/User/Documents/M%C3%A9moire/Textes%20Falla/Textes%20Falla%20%20Copie/gilles%20de.pdf, (consulté le 06/08/2017).
250
LAROUSSE, « Cosi fan Tutte », In Encyclopédie [En ligne], URL :
http://www.larousse.fr/encyclopedie/oeuvre/Cosi_fan_tutte/114797, (consulté le 06/07/2017).
80
rapidité de rédaction de la pièce, pouvant également être mise en lien avec une contrainte
de rentabilité.
À première vue, L’Anticosi semble donc répondre aux exigences économiques mais
aussi esthétiques généralement associées au théâtre privé. Par ailleurs, Falla intervertit les
rôles masculin et féminin, puisque ce sont ici les femmes qui feignent de partir et reviennent
incognito pour tenter de séduire leurs maris. L’auteur adopte ainsi un regard critique par
rapport aux clichés misogynes qui voudraient que l’infidélité soit un « vice proprement
féminin ». Cette tendance n’est pas nouvelle, elle a déjà été abordée lors de l’analyse de ses
textes présentés au Théâtre Universitaire. La visée critique reste la même également, la
pièce fait allusion à des stéréotypes concernant la figure féminine mais n’a pas pour enjeu
de les remettre véritablement en question. La brièveté de la pièce et sa distribution restreinte
ne sont d’ailleurs pas non plus des traits spécifiques à Anticosi : ils apparaissent en effet
dès les premiers textes de l’auteur comme Les Solliciteurs ou L’Intrus. Nous pouvons donc
nous demander si la forme de l’Anticosi relève entièrement des exigences imposées par
Francis Sourbié (qui semblent de prime abord contraignantes) ou si elles constituent au
contraire une constante dans l’esthétique des pièces de Mathieu Falla.
Si la construction du titre d’Aliénor ou l’Aigle se réjouira tend à rapprocher ce texte
du précédent (Anticosi ou les péchés capiteux), les deux pièces se distinguent pourtant de
manière notoire. Composée en 1977, Aliénor reçoit le Prix Littéraire Dramatique de la
Province de Liège en 1979, ce qui lui confère une certaine légitimité dans le champ
littéraire. Plusieurs éléments ont pu susciter la reconnaissance de cette pièce.
D’après l’interview que Mathieu Falla donne au Journal Le Soir251, le parcours
atypique d’Aliénor d’Aquitaine, doublement couronnée de France et d’Angleterre l’avait
déjà fasciné lorsqu’il suivait les cours de Rita Lejeune. Sa curiosité et l’envie d’écrire l’ont
ensuite poussé vers de longues recherches sur ce personnage de l’Histoire médiévale et son
parcours atypique252.
Ce travail de recherche est perceptible à la lecture du texte. Le personnage d’Aliénor
y est présenté lors des derniers instants de sa vie, en conversation avec le chevalier
Geoffroy, dernier amant de son fils Richard. En parallèle de cette action, située dans un
temps présent, la reine se confronte à différentes pensées, représentant chacune des
251
252
BONMARIAGE, E., Art. Cit.
Ibidem.
81
périodes de sa vie. Les différents dialogues entre ces souvenirs sont ainsi prétexte à retracer
l’histoire d’Aliénor, ou plutôt, l’histoire de ses sentiments et ressentis. Comme l’illustre
l’extrait suivant, si le contexte historique de la pièce apparait bien en toile de fond, c’est
avant tout de l’évolution d’un personnage dont il est question ici.
A 2 : Quel Raymond ? L’oncle Raymond qui vivait chez les païens ?
A 5 : Encore un souvenir bien aigu, une tendre flèche au cœur qui fait les jours plus doux ;
ou plus déchirants, c’est selon.
A 2 : Mais qu’est-ce qu’elles ont à se mettre dans des états pareils ?
A 6 : Raymond est une affaire classée et qui ne nous concerne plus. Ce fût triste. Point c’est
tout.
[…]
A 3 : Et toi, la dernière, toi, la vieille, tu l’oublies aussi l’horrible douleur ? Tu ne te
souviens pas du cri qui nous est monté des entrailles, et que nous n’avons même pas pu
pousser parce qu’un regard de Louis ne nous quittait pas ? Une reine ne peut pleurer que
la mort de son défunt roi, pas un amour ! […]253
Le passage retranscrit ici évoque la relation qu’Aliénor a entretenue avec Raymond
de Poitiers, le plus jeune frère de son père, lors d’une expédition à Antioche 254. La
discontinuité chronologique du récit et le ton allusif des différents souvenirs rendent
cependant insaisissable les références historiques pour un spectateur non averti. De plus,
seul un numéro, sensé indiquer l’époque dans laquelle se situe chaque souvenir d’Aliénor
permet au lecteur de contextualiser leur réplique.
Ces échanges de souvenirs alternent avec des dialogues entre Aliénor « du temps
présent » et Geoffroy. Les échanges sont ici plus concrets et retracent les derniers voyages
de la reine.
Aliénor : Il est temps de vous retirer, Monsieur l’impertinent, et de préparer votre équipage.
Nous descendons sur Bordeaux.
Geoffroy : Vous êtes donc inépuisable.
Aliénor : Je tâche de m’en persuader255.
Aliénor ou l’Aigle se réjouira est donc une pièce particulièrement construite, tant
du point de vue narratif que de l’analyse psychologique des personnages. En cela, elle se
distingue nettement de l’Anticosi, dont l’intrigue s’articule autour d’une situation cocasse,
au cours de laquelle les personnages se définissent par leurs actions, plus que par leurs
FALLA, M., Aliénor ou l’Aigle se réjouira, 1977, p. 24.
FAVIER, J., « ALIÉNOR D'AQUITAINE (1122 env.-1204) », In Encyclopædia Universalis [en ligne],
URL : http://www.universalis.fr/encyclopedie/alienor-d-aquitaine/, (consulté le 11/12/2017).
255
FALLA, M., Aliénor ou l’Aigle se réjouira, 1979, p. 37.
253
254
82
discours (travestissement, séduction, tromperie). Une partie de la mise en scène est ainsi
déjà intrinsèque au texte, ce qui la rend plus aisée. Cette facilité de montage fait en outre
défaut dans Aliénor car le caractère décousu des répliques et la superposition de différents
cadres spatio-temporaux doit pouvoir être rendue sur scène. Notons à ce propos que la
scénographie de ce spectacle conçue par Maggy Jacot 256 contraste avec celle de la Salomé
de 1988257, réalisée quatre ans plus tôt par Francis Sourbié. La surcharge et le réalisme du
décor et des costumes laissent cette fois place à une esthétique de l’épuration. La
prédominance du blanc et les décors non figuratifs contribuent à atténuer le cadre historique
de la pièce pour se focaliser sur les personnages. Ces éléments donnent ainsi l’impression
d’un non-lieu, dans lequel évoluent les souvenirs, eux-mêmes entre rêve et réalité.
Collaboration avec une troupe de théâtre amateur
Après avoir envisagé l’investissement d’un dramaturge amateur au sein du réseau
professionnel, nous allons à présent focaliser notre point de vue sur l’insertion d’un metteur
en scène professionnel dans une compagnie amateur. La position de Falla au sein de la
compagnie de la Cornue, dont il est le principal fondateur, laisse supposer d’une certaine
liberté créatrice. Les textes qui y sont présentés sont donc, a priori, représentatifs de ses
convictions artistiques. Ce contexte de mise en scène s’oppose ainsi à celui des théâtres
privés français, qui doivent quant à eux se soumettre à certaines contraintes économiques,
entraînant d’éventuelles altérations esthétiques.
Au total, six textes de Mathieu Falla ont été mis en scène par la compagnie de la
Cornue : Satiricon II (1982), Les Amours de Mariana (1986), Gilles ou l’Étranger (1994),
L’emporte-pièce (1995) Oubliez le Guide (1997) et Adrienne-Marthe Pélouagne (1999).
Le premier et le dernier texte ont préalablement fait l’objet d’une représentation dans le
milieu professionnel. Pour cette raison, leur analyse sera envisagée séparément des quatre
autres.
Les Amours de Mariana est la deuxième pièce de Falla à être présentée à la Cornue.
Il s’agit cette fois d’une variation sur le thème de l'École des femmes et du Barbier de
Séville. Un barbon, Guzman, séquestre sa jeune épouse, ce qui n'empêche pas la jeune
femme de tomber amoureuse d'un beau jeune homme. Mais celui-ci se révèle vénal :
256
257
Voir Annexe 5.
Voir Annexe 4.
83
Guzman l'a acheté pour qu'il séduise Mariana. Celle-ci, qui a compris que Guzman se
sacrifie et lui offre ainsi la liberté de fuir avec le séducteur, est plus touchée par ce geste,
qui lui apparaît comme une vraie preuve d'amour, que par les déclarations stéréotypées du
jeune homme. Elle décide de rester auprès de son barbon pourvu qu’il la laisse vivre
librement258. L’intrigue est donc assez conventionnelle, du type de celle de l’Anticosi. Par
ailleurs, d’après les informations de Vivienne Martin, cette pièce est en réalité un texte de
jeunesse, seulement légèrement remanié lors de la mise en scène que Falla prend d’ailleurs
lui-même en charge et qui ne dépassera pas le cadre de la Cornue. Dès lors, si cette pièce
semble de prime abord fortement influencée par les esthétiques et thématiques du théâtre
privé, ces informations laissent penser à un choix délibéré de l’auteur.
Sachant que Les Amours de Mariana est le remaniement d’une œuvre de jeunesse,
cela fait huit ans que Falla n’a plus composé de texte au moment de monter Gilles ou
l’Étranger. Sa dernière production remonte en effet à 1986, avec L’Armoire au voyage,
mise en scène au Centre culturel de l’Yonne259. Comme nous l’avons développé au chapitre
II, c’est avant tout le cadre de la Maison de la Métallurgie, et plus particulièrement la salle
de la forge, qui séduit Francis Sourbié et le motive à monter cette pièce. Il semble également
éprouver un vif intérêt envers Jeanne d’Arc, en témoignent ses deux mises en scènes de
textes relatifs à cette thématique : Enluminures autour du procès de Gilles de Rais et Moi,
Pierre Cauchon, je m’y emploierai. Celles-ci se placent d’ailleurs en marge des autres
productions de Francis Sourbié par le sujet qu’elles traitent et leur insertion dans un
répertoire méconnu du public.
Ici encore, comme Falla l’explique dans la présentation de sa pièce260, même si son
élaboration est précédée de nombreuses lectures, son ambition n’est pas de faire éclater la
vérité sur cette affaire mais au contraire d’aborder ce personnage comme un symbole des
craintes collectives, entre vérité et imaginaire. Ce positionnement entre rêve et réalité est
déjà remarquable dans Aliénor et comme l’illustre l’extrait suivant, génère ici aussi, un ton
énigmatique et décousu :
258
Courriel de Vivienne Martin daté du 31/07/2017.
Bnf, « Francis Sourbié », In Data. Ressources en ligne de la Bibliothèque Nationale de France [En
ligne], URL : http://data.bnf.fr/14654435/francis_sourbie/#rdt500-14654435, (consulté le 30/09/2016).
260
FALLA, M., « présentation », In Théâtre de la Cornue, Gilles ou l’Étranger, Liège, Archives du Musée
de la Métallurgie et de l’Industrie, 1998, p. 4.
259
84
Gilles : Je veux te dire…Je veux, je vais, te dire peut-être un cauchemar qui serait un rêve
idéal. Où les fées seraient des sorcières bossues, et les amants des proies écartelées.
Horrifiées. Consentantes…Amoureuses de leur fin, enivrées de leur bourreau.
JE VEUX
Oh ! oui, je veux te dire ce ragoût de notre être où le sang et le sperme deviennent le
contraire de leur symbole.
Vie et Mort. Mort et Vie. Amants. Amants. Amants désespérés. Vos étreintes fatales
racontent geste à geste toutes nos dérisions.261
Selon la terminologie de Vinaver, Gilles ou l’Étranger peut ainsi être qualifiée de
« pièce-paysage »262. Les paroles du personnage ne servent en effet aucunement à l’avancée
de l’action et portent plutôt sur les divagations et les ressentis d’un homme. Il en va de
même pour les échanges dialogués, dans lesquels la parole reste un « instrument de
l’action »263 et non une action elle-même, comme l’illustre par exemple cet échange entre
Poitou et Henriet, les présumés complices de Gilles de Rais :
Henriet : Pourquoi ne nous permettent-ils de nous voir ?
Poitou : Tu as peur ?
Henriet : Qu’ont-ils fait de lui ?
Poitou : Moi aussi264.
De plus, cet extrait illustre l’incommunicabilité des personnages, Poiton répondant
lui-même à la question qu’il adresse à Henriet. Cet échange s’inscrit ici en opposition par
rapport aux échanges « en duel »265, que l’on retrouve dans la plupart des textes de Falla
présentés au Théâtre Universitaire. Toujours concernant le traitement de la parole, on relève
la présence d’un chœur, qui représente le monde extérieur et l’opinion publique. Cette
caractéristique est quant à elle déjà présente dans d’autres réalisations de Falla comme
Médée et Le Satiricon
Comme dans Aliénor, même si la pièce ne se définit pas par son appartenance au
genre historique, la connaissance de diverses références est indispensable à sa
compréhension. Surtout dans le cas d’une présentation et non d’une lecture. Le public
supposé de Gilles ou l’Étranger se doit donc de maîtriser les codes et les références
nécessaires pour accéder à l’intrigue. Par ailleurs, l’hermétisme du texte est atténué par la
FALLA, M., Gilles ou l’Étranger, 1994, p. 2.
VINAVER, M., Op. Cit., p. 901.
263
Ibidem, p. 901.
264
FALLA, M., Gilles ou l’Étranger, 1994, p. 7.
265
VINAVER, M., Op. Cit. p. 903.
261
262
85
présence d’un texte introductif, rédigé par l’auteur. Il y a donc bien une démarche visant à
l’accessibilité du texte.
Les thématiques et les enjeux de cette pièce témoignent d’une véritable
collaboration entre l’auteur et le metteur en scène. En effet, nous l’avons vu, le choix d’un
cadre spatio- temporel médiéval est une constante qui apparait dès les premiers écrits de
Mathieu Falla (Mélusine, Médée, Aliénor ou l’Aigle se réjouira). Par ailleurs, le texte de
Falla s’élabore à partir d’une traduction du procès de Gilles de Rais, déjà mise en scène par
Francis Sourbié, qui semble quant à lui porter un intérêt particulier à la figure de Jeanne
d’Arc.
L’Emporte-pièce est écrit peu de temps après Gilles ou l’Étranger, qui aurait
redonné à Falla le goût de l’écriture266. Construit comme un soliloque, il n’est, à priori, pas
destiné à être monté au théâtre. Ce n’est que suite à la demande d’une comédienne que le
texte est légèrement modifié pour être joué. Ce long monologue porte sur les sentiments
d’un personnage qui vient de vivre son énième échec amoureux. Sachant qu’il n’était pas
destiné à la mise en scène, ce texte parait dès lors témoigner d’une forte implication
personnelle. Par ailleurs, sa mise en scène ne sera pas prise en charge par Mathieu Falla
mais par Vivienne Martin.
Le titre de la pièce peut être mis en lien avec l’apparente déconstruction du propos.
Le protagoniste laisse libre cours aux sentiments et ressentiments qui l’animent sans
préoccupation d’en faire un récit cohérent. Déjà perceptible dans les monologues de Gilles
de Rais, cette tendance est donc ici portée à l’extrême, et ce, dès la première page du texte.
Je savais- même si j’ai été amené, si je me suis amené à l’ignorer- qu’en entrant dans ta
vie, je pénétrais tes Everglades, riches de fleurs et de poisons, de chenaux clairs et de
bayous confus.
[…]
Quoi ?
Ah oui, bien sûr ! Le chant des sirènes, les Éternels Mirages…
Ils n’existent que dans mon Désir et mon Besoin d’y croire.
Moi ! Moi ! Moi !
Et cette inéluctable urgence du Toi, qui eût pu être toi.
Mon Rocher de Sisyphe267
266
267
Courriel de Vivienne Martin daté du 08/08/2017.
FALLA, M., L’Emporte-pièce, 1995, p. 1.
86
La discontinuité confère ici au texte une dimension poétique, d’ailleurs renforcée
par une métaphore filée, dans laquelle l’être aimé apparait comme un lieu lointain et
exotique où un aventurier se serait perdu. L’hermétisme de cet extrait est également dû à la
présence de nombreux termes inusités (« chenaux », « bayous ») et des références
géographiques (« Everglades ») et culturelles (« le chant des sirènes » et « le rocher de
Sisyphe). Le niveau de langage élevé qui traverse cet extrait est ailleurs contrebalancé par
des registres linguistiques très différents, de la pire vulgarité agressive au lyrisme et de la
familiarité à l'exposé quasi pédagogique.
Si l’on envisage l’ensemble formé par les trois pièces précédentes (Les Amours de
Mariana, Gilles ou l’Étranger et L’Emporte-Pièce), les deux premières semblent aux
antipodes l’une de l’autre, tant du point de vue du genre que du traitement de la fable et des
personnages ou encore du contexte de rédaction. Notons en outre que la première est une
œuvre de jeunesse, tandis que l’auteur a cinquante-deux ans lorsque la seconde est montée.
Gilles ou l’étranger se trouve ainsi à l’intersection des deux : elle contient en effet une
intrigue mais celle-ci est rendue imperméable par le caractère décousu et allusif des
dialogues.
III.3 Perméabilité des réseaux
La première mise en scène de Francis Sourbié au sein de la compagnie est une
présentation de Salomé d’Oscar Wilde, en novembre 1982268. Cette pièce a alors déjà fait
l’objet d’une adaptation au Théâtre du Globe en 1973269. Ainsi, le passage du réseau
professionnel au réseau amateur ne parait pas, à première vue, avoir un impact sur le choix
des pièces. Le même texte sera d’ailleurs présenté une nouvelle fois dans un théâtre
professionnel, cette fois en 1988270. C’est de cette édition que datent les photographies de
la mise en scène évoquée supra271.
Cet exemple de transfert du réseau professionnel vers le réseau amateur n’est pas
un cas isolé dans la trajectoire de Francis Sourbié : dès sa seconde collaboration avec la
268
Voir Annexe 2.
Bnf, « Francis Sourbié », In Data. Ressources en ligne de la Bibliothèque Nationale de France [En
ligne], URL : http://data.bnf.fr/cross-documents/14654435/12268469/2080/page1, (consulté le 07/05/2017).
270
Ibidem.
271
Voir Annexe 4.
269
87
troupe, il décide de monter Le Satiricon, un texte de Mathieu Falla qui avait alors déjà fait
l’objet de plusieurs représentations au festival off d’Avignon.
Les deux adaptations du Satiricon (I et II) étant disponibles sous forme
tapuscrites272, elles ont pu être analysées en parallèle. Le Satiricon I fera l’objet d’un
premier commentaire, à partir duquel nous mettrons en avant les différentes variations
survenues au cours de la version de 1984. L’enjeu de la démarche est donc bien d’interroger
le placement du Satiricon au sein de la production de Mathieu Falla et, dans un second
temps, d’observer les variantes survenues lors de sa présentation dans le réseau amateur. Il
ne sera donc que très peu question de l’œuvre originale et de la façon dont Falla se
l’approprie.
Le Satiricon de Mathieu Falla est donc l’adaptation d’un roman du Ier siècle
communément attribué à Pétrone. La pièce se centre ici sur la scène dite du « Cena
Trimalchionis », dans laquelle Trimalcion, un jeune affranchi, organise un festin pour fêter
l’acquisition de son nouvel héritage. En juxtaposition du repas sont mis en scène les
entremêlements amoureux de trois autres protagonistes : Giton, Encolpe et Eumolpe. S’il
s’est déjà réapproprié plusieurs œuvres du répertoire (Médée, tragédie d’Euripide, le
Ratnavali de Harsa et Henry IV, pièce historique de Shakespeare), c’est en revanche la
première fois que Falla décide d’adapter une œuvre romanesque au genre théâtral.
Néanmoins, comme l’illustre Johana Augier-Grimaud dans son article273, la scène
du banquet se construit déjà de façon théâtrale dans le texte original. Trimalcion met un
point d’honneur à épater ses invités en leur présentant un « dîner-théâtre », au cours duquel
interviennent divers comédiens et danseurs, venus animer la soirée. Il complète en outre
ces divertissements par des plaisanteries et des calembours274. On retrouve des allusions à
ces passages dans l’adaptation de 1979.
« Trimalcion : Du moins s’il vous reste un peu de goût ! Admirons ce que mes artistes vous
ont mitonné ! »275
« Trimalcion : Pouce, amis ! Poussez, mais pouce ! (Silence). Vos ventres sont servis, mais
il reste l’esprit. (Murmures admiratifs ; quelques applaudissements) »276
272
Textes reçus par voie postale le 28/06/2017.
AUGIER-GRIMAUD, J., « La théâtralité dans la Cena Trimalchionis : esthétique du vulgaire et fracture
sociale », In Bulletin de l'Association Guillaume Budé, n°1,2011. pp. 137-153 [En ligne], URL :
http://www.persee.fr/doc/bude_0004-5527_2011_num_1_1_6768, (consulté le 01/08/2017).
274
Ibidem, p. 3.
275
FALLA, M., Satiricon, 1979, p. 16
276
Ibidem, p. 22.
273
88
Étant donné la récente ascension sociale de Trimalcion, la plupart de ses invités ne
possèdent pas encore les codes et les références culturelles de la classe dominante. Seul le
personnage d’Agamemnon contraste avec la vulgarité ambiante par des envolées lyriques,
elles aussi tournées en ridicule.
Agamemnon : « Un savetier chantait du matin jusqu’au soir ;
C’était merveille de le voir,
Merveille de l’ouïr ; il faisait des passages,
Plus content qu’aucun des sept sages ».
La Pute nature : Pauvre con !277
La coprésence de personnages issus de milieux sociaux différents permet ainsi
d’alterner entre un niveau de langue élevé et un registre assez vulgaire. Notons que ce type
d’alternance n’est pas uniquement généré par la spécificité de cette situation : on le retrouve
déjà dans La Rose et la Chardon au sein d’un cercle constitué de gens de Cour. Cette
caractéristique n’est donc pas neuve dans la production de Falla.
Cet extrait relève également d’un procédé d’intertextualité. En effet, les vers cités
par Agamemnon sont en réalité issus de la fable Le Savetier et le Financier de Jean de La
Fontaine. Son intervention suscite d’ailleurs une vive réaction de Trimalcion, qui se sent
visé à l’évocation du savetier, membre d’une classe sociale défavorisée. Voulant ainsi
détourner les présupposées insinuations de son invité, il s’empresse lui aussi de replacer
une référence littéraire : « […] et comme dit Homère-que je lis dans le texte depuis mon
âge tendre : ``qui veut noyer son chien, l’accuse de la rage`` ». Cette réplique tourne en
ridicule le personnage du parvenu qui, pour se faire bien voir, est prêt à attribuer à Homère
un proverbe bien connu. Il réitère d’ailleurs son intervention avec une version tronquée du
« Quand vous serez bien vieille » de Pierre de Ronsard (« Vivons, si m’en croyez,
n’attendons à demain, / Cueillons dès aujourd’hui les roses de la vie »278). La femme
d’Agamemnon le reprend d’ailleurs sur sa citation, les vers originaux étant conjugués à la
deuxième personne.
Les anachronismes et l’intertextualité sont déjà présents dans le roman de Pétrone,
qui multiplie les références littéraires. Dans le cas précis de la « Cena Trimalchionis », il
277
278
Ibidem, p. 11.
Ibidem, p. 20.
89
s’agirait par exemple d’une parodie du Banquet de Platon279. Ces procédés se retrouvent en
outre dans d’autres textes dramatiques de Mathieu Falla, dont l’exemple le plus
représentatif est sans doute Le Combat de Thanatos, dans lequel le personnage de Cynisca
mentionne Le Livre de Judith. Comme le démontre Gian Biagio Conte280, outre les
références littéraires explicites, le roman de Pétrone adopte constamment un ton ironique,
visant par exemple la posture mélodramatique de certains personnages. Il suppose ainsi la
maîtrise des références culturelles et la subtilité du lecteur. En cela, il s’adresse avant tout
à un lector doctus. Cette figure du « lecteur érudit » peut aisément s’appliquer au
« spectateur/lecteur modèle »281 de Mathieu Falla. Par la recherche du vocabulaire employé
et des situations évoquées, ses pièces requièrent en effet de nombreuses compétences de
types encyclopédique et interprétative.
Enfin, le trio formé par Giton, Encolpe et Eumolpe forme une intrigue parallèle à la
scène du banquet. À première vue, le ton et les thématiques abordés dans ces séquences
contrastent avec la réception, dans laquelle les invités sont obnubilés par la fortune de leur
hôte, ne pensant qu’à manger et à se quereller. Les trois protagonistes en revanche sont
habités par de profonds sentiments amoureux, de trahison ou de liberté. Cependant, le
pathétique de certaines situations est tourné en ridicule et entrecoupé par des insertions
d’un registre moins élevé.
Eumolpe : Emu par toute lyre, un poète, à mon âge
Pourrait-il, sans trembler, laisser sur son passage
Le seul cœur, dans ces lieux, capable de pleurer ?
Si tu le crois, ami, c’est vraiment te leurrer
Encolpe : Taille-toi, vieux ! Tu me les brises282.
Les relations amoureuses sont fréquemment traitées dans les pièces de Mathieu
Falla. Le plus souvent, il s’agit de déception (L’Intrus, Médée, La Rose et le Chardon) ou
de tromperies (Le Combat de Thanatos, La Rose et le Chardon). Dans ce texte, l’auteur
choisit pour la première fois de traiter de relations amoureuses homosexuelles. Aborder
279
DUBUISSON, M. « Aventure et Aventurier dans le Satiricon de Pétrone », In Cahiers des
paralittératures, 1993, vol. 5, p. 14 [En ligne], URL : http://web.philo.ulg.ac.be/antiquite/wpcontent/uploads/sites/5/2017/04/MDubuisson_Aventure.pdf, (consulté le 02/08/2017).
280
CONTE, G.B., The Hidden Author. An Interpretation of Petronius's Satyricon, University of California
Press, Berkeley-Los Angeles-London, 1996 ; cité dans PUCCINI-DELBEY, G., « Présence-Absence de la
figure du Lector dans les romans latins de l’époque impériale », In Cahiers de Narratologie, 11, 2004 [En
ligne], URL : http://narratologie.revues.org/15?lang=en#ftn15, (consulté le 3/08/2017).
281
ECO, U., Lector in fabula : le rôle du lecteur ou la Coopération interprétative dans les textes narratifs,
Paris, Librairie Générale française, coll. « Le Livre de Poche », 1985, pp. 278-290.
282
FALLA, M., Satiricon, 1979, p. 19.
90
cette thématique peut être mis en rapport avec l’orientation sexuelle de Francis Sourbié et
de Falla lui-même, qui se revendique bisexuel.
Une courte remarque, placée à la suite de la liste de distribution des personnages,
atteste d’une recherche esthétique particulière dans les intentions de mise en scène. En cela,
Le Satiricon semble se démarquer par rapport aux autres textes de Mathieu Falla, et aux
pièces montées jusque-là par Francis Sourbié, plus conventionnelles.
« L’action se situe en parallèle et en surimpression, d’une part, chez Trimalcion (banquet)
et d’autre part, dans différents lieux de Rome et d’Italie, fréquentés par Giton, Encolpe et
Eumolpe. Dans la version scénique ici présentée, les dialogues des personnages du banquet
seront dits par les trois meneurs de jeu. »283
Ce procédé qui consiste à faire prononcer les paroles de certains personnages par
des figures neutres crée un rapport de distanciation par rapport à l’action qui se déroule sur
le plateau. De plus, les invités présents au banquet sont représentés comme des
manipulateurs de marionnettes et leur nombre est augmenté de quelques mannequins284.
Les principaux changements survenus lors de la présentation de la pièce au Théâtre
de la Cornue en 1982 portent précisément sur ces innovations scéniques. Les personnages
du banquet sont désormais des personnages parlants, dont le nombre a considérablement
augmenté. De plus, une « anthropologie satiriconnienne », placée en annexe de la seconde
version, décrit en quelques lignes chaque personnage présent au banquet :
La femme de lettres : Madame de Sévigné + Elsa Maxwell qui auraient rencontré Georges
Sand. Culture encyclopédique servant une langue acérée. Aucun genre ne lui fait peur. Du
sublime au crapuleux, elle assume tout, apparemment. Sa poésie est cependant très
matérielle, d’où son goût pour les jeunes bâtons de vieillesse. Terrorisme de l’esprit 285.
Le ton presque scientifique du commentaire, rédigé comme un diagnostic sociomédical, lui confère une dimension ironique. Ici encore, ces petits textes supposent un
lecteur modèle capable de mobilier des compétences culturelles (« Madame de Sévigné »,
« Elsa Mexwell », « Georges Sand ») et interprétatives (« Terrorisme de l’esprit »)
relativement précises. D’autre part, dans le corps de texte, mis à part les protagonistes
(Eumolpe, Giton, Encolpe, Trimalcion et Agamemnon) les personnages ne sont plus
désignés que par des numéros, et leurs interventions respectives sont interchangeables. La
283
Ibidem, p. 2.
Courriel de Vivienne Martin daté du 23/06/2017.
285
FALLA, M., « Anthropométrie satiriconienne », In Satiricon II,1982, (document non paginé).
284
91
description détaillée des différents intervenants s’apparente donc davantage à une
digression humoristique qu’à des informations sensées guider le jeu du comédien.
De cette façon, en conservant des traits caractéristiques de son écriture et en
proposant des innovations par rapport aux précédentes mises en scène de Francis Sourbié,
cette première version du Satiricon de Mathieu Falla semble démontrer une relative liberté
de composition de l’auteur. L’analyse comparative des deux versions vient en outre
renforcer cette hypothèse. Le texte de l’adaptation de 1982 reste relativement inchangé,
contrairement aux procédés de mise en scène, qui eux s’adaptent aux cadres d’une troupe
amateur, qui offrent par exemple la possibilité de travailler avec un grand nombre de
comédiens.
Les motivations principales qui semblent avoir mené Francis Sourbié à collaborer
avec le réseau amateur sont ainsi multiples. Tout d’abord, la possibilité de mobiliser un
grand nombre de comédiens sur le plateau. Cette donnée est liée au principe de non
rémunération des amateurs : ne devant pas rétribuer ses collaborateurs, le metteur en scène
peut se permettre d’en employer davantage. Par ailleurs, le Théâtre de la Cornue compte
un nombre de membres très élevé. Même si ceux-ci ne s’investissent pas tous de la même
façon, le réseau qui gravite autour de la compagnie est très important. C’est ainsi qu’une
centaine de personnes ont participé à la création de Satiricon II.
Ensuite, le lieu de présentation est lui aussi perçu comme un avantage notable du
réseau amateur. Même si la Cornue ne possède pas de lieu de répétition fixe, la liste de ses
productions révèle que nombre de représentations ont eu lieu dans la salle « Les Waroux »,
située dans le quartier Sainte Marguerite à Liège doté d’une salle « à l’italienne » de cent
trente-six places, donc d’une configuration assez conventionnelle. En revanche, la salle des
machines du Musée de la métallurgie constitue un lieu plus original. Pour Sourbié, la
différence entre les prix de location liégeois et français est également un argument en faveur
de son travail avec la Cornue.
Enfin, comme évoqué supra, Sourbié va mettre en scène avec la Cornue AdrienneMarthe Pélouagne (1933-1982). Il s’agit d’une pièce réalisée en hommage à une des
membres de la compagnie de Francis Sourbié, « La Fine Équipe ». Mathieu Falla qui la
connait lui-aussi, décide de retracer la vie de leur amie en différents tableaux, mobilisant
92
chacun des techniques de mise en scène différentes286. La première partie présente une
chronologie éclatée et des moyens d'expression très divers (dialogues, lettres, journaux,
radio, etc.). Viennent ensuite deux monologues, respectivement attribués à « Solitude A »
et « Solitude B »287. La pièce se clôture par une succession de courtes scènes, plus
classiques. De cette façon, tant par le sujet qu’elle traite que par sa construction scénique,
Adrienne Marthe Pélouagne se distancie des productions conventionnelles déjà relevées
dans le répertoire de Francis Sourbié.
La reprise de cette pièce plus de dix ans après la mort de l’amie de Francis Sourbié
et de Mathieu Falla par des comédiens qui ne l’ont jamais connue semble à priori
incompréhensible. En vérité, 1999 correspond à l’année du vingtième anniversaire de la
Compagnie de la Cornue, qui avait vu le jour après la présentation de La Rose et le
Chardon. Pour l’occasion, Sourbié décide de monter une pièce qui représenterait au mieux
sa collaboration avec son ami Mathieu Falla, décédé un an auparavant. Ce qui devait être
une simple lecture du texte donne finalement lieu à un véritable spectacle, dans lequel tous
les membres acceptent de s’investir. Les activités de la Cornue se clôturent ainsi sur une
dernière collaboration entre Sourbié et Falla288.
Vivienne Martin explique l’arrêt des activités de la Cornue par une volonté de sa
part. La réponse est peut-être aussi à trouver dans la nouvelle activité professionnelle de
Francis Sourbié, qui devient en 1998 directeur artistique du Vingtième théâtre, trop occupé
donc pour s’engager dans des projets artistiques personnels, il fait cependant une exception
à l’occasion des vingt ans de la Cornue pour lesquels il met en scène le dernier spectacle
de la compagnie.
Une association par accointance ?
L’analyse de la trajectoire de Mathieu Falla a permis de soulever la coexistence de
plusieurs types de réseaux de sociabilité. Celui constitué autour de Francis Sourbié a dès
lors été interprété comme étant pour Falla un réseau formé par « accointance ». En effet,
l’appartenance du metteur en scène au réseau professionnel et, qui plus est, au domaine
français, lui confère de prime abord un statut de légitimation supérieur à celui de ce
286
Courriel de Mme Vivienne Martin daté du 31/07/2017.
Ibidem.
288
Courriel de Vivienne Martin daté du 06/08/2017.
287
93
dramaturge amateur liégeois. Si l’on se réfère à l’article d’Adrien Thibault289,
l’appariement par adoubement suppose ainsi une relation « fortement asymétrique » entre
les deux agents. Pourtant, suite aux diverses analyses opérées dans ce chapitre, force est de
constater que l’apparente relation asymétrique supposée lier Mathieu Falla et Francis
Sourbié doit être nuancée et remise en question.
Certes Sourbié est un metteur en scène inséré dans le réseau professionnel français,
mais comme le démontre l’analyse de leurs créations communes et respectives, leur
collaboration ne s’arrête pas à une influence d’un metteur en scène sur un auteur amateur.
On retrouve en effet des constantes de l’œuvre de Falla qui perdurent après sa rencontre
avec Sourbié et leurs créations communes dans les réseaux de théâtre amateur et
professionnel s’avèrent être le résultat de cet échange.
De cette façon, il convient de nuancer notre propos en affirmant que l’association
entre Mathieu Falla et Francis Sourbié s’apparente plus précisément à un type
« d’appariement par accouplement » 290. Dans son article, Thibault l’associe davantage à
un lien amoureux mais les caractéristiques émanant de ce type de relation peuvent tout à
fait s’appliquer à une relation d’amitié, bien réelle entre les deux hommes291. Parmi ces
éléments, nous pouvons d’une part soulever l’accroissement du réseau professionnel,
applicable à l’un et l’autre des agents. Concrètement, dans le cas de Mathieu Falla, cet
accroissement se manifeste par la constitution d’un second réseau professionnel, construit
en parallèle à celui lié à son métier d’enseignant. En ce qui concerne Francis Sourbié, cet
accroissement se traduit par exemple par les associations qu’il crée avec Maggy Jacot.
D’autre part, l’agrégat de valeurs que ce type d’appariement génère est, nous l’avons
démontré, tout à fait observable dans les pièces de Falla au moment de sa collaboration
avec Sourbié.
289
THIBAULT, A., Op. Cit. p. 101.
Ibidem, p. 104.
291
Courriels de Vivienne Martin daté du 23/04/2017 et du 10/08/2017.
290
94
CONCLUSION
95
L’étude de la trajectoire de Mathieu Falla nous a tout d’abord permis d’envisager
les mutations du champ politico-culturel qui sont survenues en Belgique, et plus
particulièrement à Liège, entre 1960 et 1999. Nous l’avons ensuite traitée en tant
qu’exemple symptomatique d’une trajectoire artistique. Ainsi avons-nous relevé
l’influence des réseaux de sociabilité et leurs répercussions concrètes sur le placement de
l’agent au sein des champs littéraire et théâtral et sur sa production. Ces deux approches,
nous les avons articulées dans l’analyse des œuvres et des réseaux de l’auteur, réfractant à
leur tour un état des champs artistique, théâtral et politique de l’époque.
Les textes de Falla, produits au cours de ses études universitaires et pour la plupart
mis en scène, sont diffusés par le biais de revues estudiantines encadrées (Écritures) et
autonomes (La Guimbarde). Certains sont d’ailleurs récompensés par des Prix émanant de
l’Institution. Ces modes de diffusion constituent un panel représentatif des diverses
instances de reconnaissance que peut connaitre un auteur de théâtre. Cette étude a dès lors
permis de mettre en avant l’importance des réseaux de sociabilité à chaque étape de la
trajectoire de l’auteur.
Parallèlement à l’analyse de ces réseaux de sociabilité, celle des pièces réalisées
dans le cadre du Théâtre Universitaire de Liège a révélé une adhésion complète de l’auteur
aux valeurs esthétiques et morales défendues par l’Institution (diversité du répertoire, textes
courts, mobilisation des acquis culturels, etc.). Par ailleurs, le TULg, au moment de sa
dernière collaboration avec Falla en 1979, accuse un retard par rapport aux innovations
apportées par le Jeune Théâtre. La fréquentation baisse et les étudiants se tournent vers
Robert Germay pour apporter un souffle nouveau à leur travail. Falla reste quant à lui
attaché aux anciennes valeurs du Théâtre Universitaire et ne prend pas le tournant des
innovations théâtrales de l’époque.
L’Université de Liège avait constitué jusque-là un microcosme dans lequel il était
parfaitement intégré. De plus, son occupation principale en tant qu’étudiant pouvait
facilement rejoindre ses activités théâtrales et littéraires. Or, l’auteur se voit à présent
contraint de combiner carrières professionnelle et artistique. Cette situation nous permet de
mettre en avant le statut de l’amateur et des possibilités qu’il doit mettre en œuvres afin de
combiner activités rémunératrices et artistiques. L’atelier théâtral organisé par Mathieu
Falla au sein de son établissement scolaire illustre bien cette problématique.
96
L’investissement d’un champ théâtral élargi s’accompagne chez Falla d’un
sentiment de manque de reconnaissance. En 1979, il reçoit cependant le Prix Littéraire
Dramatique de la Province de Liège a priori perçu comme une instance de consécration. Si
l’obtention de ce Prix lui vaut un article dans le journal Le Soir, elle n’entraine néanmoins
ni une publication de son texte, ni une représentation publique. Ce n’est que treize ans plus
tard que Francis Sourbié, monte Aliénor ou l’Aigle se réjouira dans le réseau professionnel.
Dès lors, nous pourrions nous demander quelles sont les portées réelles de ce Prix.
Notons justement que la Province de Liège, Institution qui lui a remis son Prix, est
également celle qui régit l’ISIS, école supérieure où il était professeur. Cette consécration
illustre ainsi un développement de son réseau de sociabilité au sein de sa sphère
professionnelle, qui se répercutera sur ses activités artistiques.
Falla fait ensuite son entrée dans les théâtres privés français par le biais du metteur
en scène Francis Sourbié. Son statut de metteur en scène professionnel français aurait dû
créer entre eux une relation « par accointance ». Or, l’étude de leurs productions met en
avant un agrégat de leurs valeurs et esthétiques respectives, ce qui tend plutôt à qualifier
leur collaboration d’« accouplement ». Le cas particulier de cette relation ouvre de
nouvelles perspectives démontrant l’absence de hiérarchisation entre réseaux amateur et
professionnel.
Enfin, toutes les pièces de Mathieu Falla requièrent un bagage culturel et littéraire
important du lecteur/spectateur. Or, sachant le peu de capital social dont il bénéficiait luimême, on peut se demander dans quelle mesure le degré d’érudition dont témoignent ses
textes ne sont pas le résultat d’une volonté d’ascension sociale. Ses parents avaient
d’ailleurs déjà montré de telles ambitions en encourageant leur fils à poursuivre des études
universitaires.
Dès lors, il serait intéressant d’envisager Mathieu Falla comme un exemple de
transfuge de classe. L’étude de ce concept, développé par Bourdieu dans son ouvrage La
Distinction, que nous avons déjà évoqué, pourrait ainsi être articulée à l’analyse de deux
autres trajectoires : celles de Jean Louvet et de Jean-Marie Piemme. Tous deux
contemporains de Falla et comme lui issus de la classe ouvrière, ils adopteront quant à eux
une démarche réflexive en traitant de leurs origines sociales dans leurs œuvres. De plus, ils
rejoindront le mouvement du Jeune Théâtre. L’étude de ces divergences pourrait ainsi être
articulée à celle de leur évolution au sein du champ théâtral par le biais d’une analyse de
97
leurs œuvres et réseaux de sociabilité respectifs. Nous consulterons à ce propos l’ouvrage
de Nancy Delhalle, Vers un Théâtre Politique, déjà plusieurs fois évoqué dans le cadre de
notre recherche.
La trajectoire de Mathieu Falla s’est ainsi avérée être un moyen d’investigation
efficace du champ théâtral liégeois de 1960 à 1999. Certes les diverses stratégies adoptées
par l’auteur au sein du champ ne lui ont pas permis d’accéder à la consécration. Mais peutêtre n’était-elle pas son réel objectif ? La constance de ces œuvres en dépit des diverses
mouvances qui voient le jour à l’époque ne témoigne-t-elle pas d’une certaine liberté ? Quoi
qu’il en soit, si la production littéraire de Falla n’a pas atteint la postérité, il reste quant à
lui bien présent dans les esprits de ceux qui l’ont connu. Sa capacité à fédérer des réseaux
et à conserver des amitiés ont fait de lui un personnage inévitable dans le milieu théâtral
liégeois de son époque.
98
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THÉÂTRE DE LA CORNUE, Casimir et Caroline. Projet, Liège, Archives du Musée de
la Métallurgie et de l’Industrie, 1991.
110
ANNEXES
111
Annexe 1 : Chronologie des spectacles du Théâtre Universitaire (Royal) de
Liège TU(R)Lg
1941
Les Bacchantes, d'Euripide, mise en scène de Jean Hubaux
1943
La Tempête, de William Shakespeare, mise en scène de Jean Hubaux
1948
La Paix, d'Aristophane, mise en scène de Jean Hubaux
1949
Jules César, de William Shakespeare, mise en scène de Jean Hubaux
1950
La Machine à calculer, d'Elmer Rice, mise en scène de Jean Hubaux
1952
L'Admirable Crichton, de James-Matthew Barrie, mise en scène de Jean Hubaux
1954
Les Euménides, d'Eschyle, mise en scène de Fanny Thibout
1955
La Guerre de Troie n'aura pas lieu, de Jean Giraudoux, mise en scène de Jean Hubaux
1956
La Machine à calculer, d'Elmer Rice, mise en scène de Georges Konen
1957
Macbeth, de William Shakespeare, mise en scène de Jean Hubaux
1958
La Répétition ou L'Amour puni, de Jean Anouihl, mise en scène de Jean Daulnoye
1959
Le Malade imaginaire, de Molière, mise en scène de Jean Daulnoye
1961
Intermezzo, de Jean Giraudoux, mise en scène de Jean Daulnoye
Un Caprice, d'Alfred de Musset, mise en scène de Jean Daulnoye
1962
Le Misanthrope, de Molière, mise en scène de Jean Daulnoye
1963
Le Dyscolos ou Père Grognon, de Ménandre, adaptation en vers libre de François Duysinx, mise en scène de
Jean Daulnoye
1964
Spectacle «coupé» :
L'Intruse, de Maurice Maeterlinck, spectacle de marionnettes animées par Claude Vandeloise
Les Fourberies de Nérine, de Théodore de Banville, mise en scène de Robert Duysinx
Les Solliciteurs, de Mathieu Falla, mise en scène de l'auteur
1965
La Condamnation de banquet, de Nicolas de la Chesnaye, adaptation de Jeanne Wathelet-Willem, mise en
scène de François Duysinx
Le Combat de Thanatos, de Mathieu Falla, mise en scène de l'auteur
1966
Spectacle «coupé» :
La Farce de maître Mimin, anonyme, mise en scène de Jeanne Wathelet
Humulus le muet, de Jean Anouihl et Jean Aurenche, mise en scène de François Duysinx
Adormir et Gazoline, opéra loufoque express, livret et musique de François Duysinx, mise en scène de l'auteur
L'Intrus, de Mathieu Falla, mise en scène de l'auteur
Médée, de Mathieu Falla, mise en scène de François Duysinx
Prométhée enchaîné, d'après Eschyle, spectacle de marionnettes, mise en scène de François Duysinx et
Claude Vandeloise
1967
Volpone ou Le Renard, de Ben Jonson, mise en scène d'Alain-Guy Jacob
1968
Lappschiess, de Hans-Günter Michelsen, mise en scène d'Alain-Guy Jacob
Le Retable des merveilles, de Miguel de Cervantes, mise en scène de Fanny Thibout
1969
112
Jacques ou La Soumission, d'Eugène Ionesco, mise en scène d'Alain-Guy Jacob
Un Chagrin d'amour, de Louis-Alexis Dubois, mise en scène de François Duysinx
L'Otage, de Louis-Alexis Dubois, mise en scène de François Duysinx
1970
La Descente sur Récife, de Gabriel Cousin, mise en scène de Michel Demblon
Ratnâvalî, de Harsa, mise en scène de Mathieu Falla
Les Mamelles de Tirésias, opéra bouffe de Guillaume Apollinaire, musique de Francis Poulenc, spectacle de
marionnettes, mise en scène de François Duysinx
1971
La Nuit des visiteurs, de Peter Weiss, mise en scène de Michel Demblon
La Famille Tot, de Istvan Örkeny, mise en scène de Max Parfondry
1972
X, le nègre blanc, montage de Claude Loxhay, musique de Daniel Droixhe, mise en scène de Vivienne Martin
Hommage à Joseph Duysinx :
Amoûrs di Prince, Vîx sot, Cabaret wallon, opérettes, chansons et monologues de Joseph Duysenx, mise en
scène de François Duysinx
Reprise de Humulus le muet de Jean Anouihl et Jean Aurenche, Les Solliciteurs de Mathieu Falla et Adormir,
Gazoline de François Duysinx, tous trois mise en scène par François Duysinx
1973
Arbalètes et vieilles rapières, de Georges Michel, mise en scène de Max Parfondry
La Bréhatine, de Guillaume Apollinaire et André Billy, mise en scène de Michel Demblon
1975
La Farce du Graully, de Jacques Kraemer, mise en scène de Max Parfondry et Jean-Claude Boken
1976
Cérémonial pour un combat, de Claude Prin, mise en scène de François Duysinx
Scènes de la vie quotidienne, de Daniel Simon, mise en scène de Michel Demblon
Ruzzante revient de guerre, d'Angelo Beolco dit Ruzzante, traduction d'Alfred Mortier, adaptation et mise en
scène de François Duysinx
1977
Les Invisibles, d'après Bertolt Brecht, mise en scène de Michel Demblon
Le Monde et Abus, Le Lazare, anonymes du Moyen Âge, mise en scène d'Albert Dardenne
Il était une fois des enfants placés, casés, cassés, création collective sous la direction d'Yvette Lecomte
1978
L'Empereur et la fille violée, La Farce du meunier, anonymes du Moyen Âge, mise en scène de Christian et
Simone Capelle
L'Usine bleue est fermée, de Jacques van de Weerdt, mise en scène de Georges Koussantas
1979
Chronique d'un jour combattant, de Marcos Portnoy, mise en scène de l'auteur
La Rose et le chardon, de Mathieu Falla, mise en scène de l'auteur
1980
Vices-Vertus, moralité médiévale, adaptation de Jean-Claude Bologne, mise en scène de François Duysinx
Le Bouc, de Rainer Werner Fassbinder, mise en scène de Robert Germay
Berthe, de Michel Tremblay, mise en scène de Robert Germay
1981
Indians, d'Arthur Kopitt, mise en scène de Robert Germay
1983
Velleÿtar, d'après Gyubal Wahazar de Stanislaw Ignacy Witkiewicz, traduction d'Alain van Crugten,
adaptation collective, mise en scène de Robert Germay
1984
Le Gardien, de Harold Pinter, mise en scène de Robert Germay
1985
Érasme ou La Paix persécutée, d'après des textes d'Érasme, version courte, mise en scène de Robert Germay
1986
Érasme ou La Paix persécutée, d'après des textes d'Érasme, version longue, mise en scène de Robert Germay
1988
Le Projecteur...etc... réparé ?, d'après des textes de Karl Valentin, mise en scène de Robert Germay
1989
Connaissez-vous la voie lactée ?, de Karl Wittlinger, coproduction avec le Théâtre de l'Etuve, mise en scène
de Robert Germay
113
Escurial, de Michel de Ghelderode, mise en scène collective avec Rossano Rosi, Pierre Bodson, Françoise
Delmez et Laurence Vanpaeschen
1990
L'Impromptu de Versailles, de Molière, mise en scène de Pierre Wathelet
À la cloche de bois, de Guillaume Apollinaire, mise en scène de Pierre Wathelet
1991
En pleine mer, de Slawomir Mrozek, version masculine, mise en scène de Robert Germay
Simplement compliqué, de Thomas Bernhard, coproduction avec le Théâtre de l'Etuve, mise en scène de
Robert Germay
1992
E pur si muove, d'après La Vie de Galilée de Bertolt Brecht, coproduction avec le Conservatoire Royal de
Liège, mise en scène de Lorent Wanson et Pierre Wathelet
Strip-tease, de Slawomir Mrozek, mise en scène de Jean-Marc Lelaboureur
1993
Sadi Hozètes, d'Albert Maquet, en wallon, mise en scène de Robert Germay
En pleine mer, de Slawomir Mrozek, nouvelle version féminine, mise en scène de Robert Germay
Cymbeline, de William Shakespeare, coproduction internationale (France, Belgique, Italie, Roumanie,
Lituanie, Royaume-Unis) à l'initiative du T.U. de Besançon
Le Liseur, d'Arsène Soreil, mise en scène de Robert Germay
1994
L'Inexorable, d'après Prédiction de Peter Handke, mise en scène de Jean-Marc Lelaboureur
Across the Border, coproduction internationale avec les T.U. de Graz (A) et de Sofia (BG), création collective
sous la direction d'Eduard Hauswirth
Communication à une académie, d'après la nouvelle de Franz Kafka, mise en scène de Robert Germay
1995
Jacques et son maître, de Milan Kundera, mise en scène de Pierre Wathelet
Trois petits tours, de Michel Tremblay, mise en scène de Robert Germay
Commedia dell' regio, coproduction internationale avec les T.U. de Maastricht et de Aachen, mise en scène
de Tom Witkowsky (D), Marion Prickaerts (NL) et Jean-Marc Lelaboureur
La Nuit sous les arbres, création collective d'après Le Monde est rond de Gertrude Stein, mise en scène de
Jean-Marc Lelaboureur
QSN DOVN OAN, création collective, mise en scène de Jean-Marc Lelaboureur
Hommage à Marie Delcourt, montage de textes, mise en scène de Robert Germay
1996
L'Innocence des bœufs, d'après des textes d'Alphonse Allais, mise en scène de Pierre Wathelet
Communication à une académie, 2ème version, mise en scène de Pierre Wathelet
1997
Comme un poulet dans le noir, création collective, mise en scène de Charlotte
Lancelot et Héloïse, de Pascal Renard, mise en scène de l'auteur
Paraphernalia, création et mise en scène collective avec Bernadette Lambert, Céline Van Rompaye, David
Boos, Catherine Poitoux et Vanessa Tichon
Rien du tout, d'après Histoires enfantines de Peter Bichsel, adaptation et mise en scène de Pierre Wathelet
Communication à une académie, 3ème version, mise en scène de Robert Germay
1998
Fiesta chez Abdellah, d'après Ein Fest bei Papadakis de Volker Ludwig et Christian Sorge (GRIPS Theater),
en français et en arabe, adaptation et mise en scène d'Alain Chevalier
Hamlet variations, création collective avec les Kids du TULg, mise en scène de Charlotte
La Panière, création collective avec les Kids du TULg, mise en scène d'Annick Dominé
La Mandragore, d'après Nicolas Machiavel et Li Harloucrale d'Albert Maquet, mise en scène de Robert
Germay
1999
En chantant du Gershwin, création collective avec les Kids du TULg, mise en scène d'Annick Dominé
Herzstück, de Heiner Müller, coproduction internationale avec Roermond (NL) et Aachen (D), mise en scène
d'Alain Chevalier
Passion des romantiques, coproduction avec la Chorale universitaire, montage de textes et mise en scène de
Pierre Wathelet
La Pharmacie, de Philippe Héroufosse, mise en scène de l'auteur
2000
Charlie and the Chocolate Factory, d'après le roman de Roald Dahl, en anglais, adaptation et mise en scène
d'Ingrid van den Peereboom
114
Si tu m'aimes..., de Hans Sachs, mise en scène de Robert Germay
Capucines à Bécaussine, de Marian Pankowski, mise en scène de Pierre Wathelet
Le Rat, le loup et la fourmi, de Vera Feyder, mise en scène de Robert Germay
2001
Adormir et Gazoline, de François Duysinx, nouvelle version, adaptation et mise en scène d'Alain Chevalier
Roméo, de Charlotte et Benoît Sacré, mise en scène de Charlotte
Quand je serai grand(e), montage de textes et mise en scène de Robert Germay
Les Bacchantes, d'Euripide, nouvelle version, adaptation et mise en scène de Pascal et Karin Renard-Jadoul
Pourquoi j'ai mangé mon père, d'après le roman de Roy Lewis, adaptation et mise en scène de Pierre Wathelet
2002
L'Écume des jours, d'après le roman de Boris Vian, adaptation et mise en scène de Patrick Bastin
Les Souliers rouges, d'après le conte de Hans Christian Andersen, adaptation et mise en scène de Dominique
Donnay
Poivre de Cayenne, de René de Obaldia, mise en scène de Robert Germay
I Tulgiani, d'après des textes de Ruzzante, adaptation et mise en scène de Romina Pace
2003
Momo, d'après le roman de Michaël Ende, en allemand, adaptation et mise en scène de David Homburg
La Comédie des vanités, d'Elias Canetti, adaptation et mise en scène de Pierre Wathelet
Roméo, Juliette, William, les autres... et moi, d'après William Shakespeare, adaptation et mise en scène de
Robert Germay
Personnages en quête de tueur, de Xavier Diskeuve, adaptation et mise en scène de Robert Germay
L'Amour en noir et blanc, d'Aurélie Henceval et Marine Theunissen, mise en scène collective dirigée par les
auteurs
2004
Oh les beaux jours, de Samuel Beckett, mise en scène de Romina Pace
Encore heureux qu'on va vers l'été, d'après le roman de Christiane Rochefort, adaptation et mise en scène
d'Alain Chevalier et Dominique Donnay
L'Homme qui rit, d'après le roman de Victor Hugo, adaptation et mise en scène de Robert Germay et Pierre
Wathelet
L'Affaire de la rue de Lourcine, d'Eugène Labiche, mise en scène d'Andrei Myasnikov
2005
Shéhérazade, de Tawfik Al-Hakim, mise en scène de Rachid Bellitir
Les Oiseaux, d'Aristophane, mise en scène de Robert Germay
Le Petit chaperon rouge, d'après le conte de Charles Perrault, adaptation et mise en scène d'Andrei Myasnikov
Mardi, d'Edward Bond, mise en scène de Sylvain Plouette
Litchè, de Sylvain Plouette, mise en scène de l'auteur
Harold et Maude, de Colin Higgins, mise en scène d'Andrei Myasnikov
2006
L'Enseigneur ou Une Ombre au tableau, de Jean-Pierre Dopagne, mise en scène de Robert Germay
L'Éveil du printemps, de Frank Wedekind, mise en scène de Pierre Wathelet
Le Bourgeois gentilhomme, de Molière, mise en scène d'Andrei Myasnikov
1831-2006 : La Constitution, 175 ans d'histoire, de Clément Triboulet, mise en scène de Robert Germay
La Commedia des ratés, d'après le roman de Tonino Benacquista, adaptation et mise en scène de David
Homburg
Le Joueur de flûte, d'après le poème de Robert Browning, adaptation et mise en scène de Dominique Donnay
et Robert Germay
2007
Les Contes de Hakim, d'après Norberto Avila/Thomas Brasch, adaptation et mise en scène de Rachid Bellitir
Calling You, de Christelle Burton, mise en scène collective dirigée par l'auteur
Comment calmer monsieur Bracke, d'après le roman de Gérard Mordillat, adaptation et mise en scène de
David Homburg
Nanesse présente « La Princesse et le porcher », d'après deux contes de Hans Christian Andersen, adaptation
et mise en scène d'Andrei Myasnikov (avec J Cube)
La Répétition ou Le Royaume de la mer, de Frédéric Latin, mise en scène d'Andrei Myasnikov
La Jeune première, de Jean-Pierre Dopagne, mise en scène de Patrick Antoine
L'Arrache-cœur, d'après le roman de Boris Vian, adaptation de Romain Parizel et Julien Legros, mise en
scène de Julien Legros
2008
Fin de siècle sur l'île, d'Alejandro Finzi, mise en scène de Robert Germay
Le Citoyen général, de Johann Wolfgang von Goethe, mise en scène de Pierre Wathelet
115
Oz(e), d'après Le Magicien d'Oz de Lyman Frank Baum, adaptation et mise en scène de Marco Pascolini
Vague à l'âme, d'après des textes de Karl Valentin, adaptation et mise en scène d'Olivier Moreau
L'Oiseau bleu, de Maurice Maeterlinck, mise en scène de Jean-Marc Lelaboureur
Nanesse présente «Le Coq d'or», d'après deux contes d'Alexandre Pouchkine, adaptation et mise en scène
d'Andrei Myasnikov
Voix de femmes, montage de textes de Marie-Anne Barbier, Marie-Angélique Gomez, e.a., mise en scène de
Robert Germay
Projekt Eden/Eden, le projet, coproduction avec Trotz Ensemble (Eupen), mise en scène de et avec Nicole
Dahlen, Chantal Heck et Yannick Franck
2009
Boulevard du boulevard du boulevard, de Daniel Mesguich, mise en scène de Pierre Wathelet
Roberto Zucco, de Bernard-Marie Koltès, mise en scène de Jean-Marc Lelaboureur
Le Crime Galilée, de Pierre Wathelet, mise en scène de l'auteur
2010
Le Dernier Godot, de Matei Visniec, mise en scène de Robert Germay
Le Miroir aux camisoles, montage de textes et mise en scène de Christelle Burton
Têtes rondes et têtes pointues ou Pauvres gens, de Bertolt Brecht, mise en scène de David Homburg
Les Enfants de Lîr, d'après un conte traditionnel irlandais, adaptation et mise en scène de Dominique Donnay,
assistée de Pierre Wathelet
Hamlet, de Luis Buñuel, mise en scène de Jesus Manuel Germeau, assisté d' Alain Chevalier
2011
Les Années zéro, création collective, mise en scène de Jean-Marc Lelaboureur
La Tour de Babel, de Fernando Arrabal, mise en scène de Marco Pascolini
Le Procès, d'après le roman de Franz Kafka, adaptation et mise en scène de Brice Ramakers et Hugo
Vandeplas
Lux in tenebris, de Bertolt Brecht, mise en scène d'Alain Chevalier
Le Rôti de lapin, de Karl Valentin, mise en scène De Robert Germay, coproduction Liège, Metz, Nancy,
Saarbrücken, dans le cadre du projet « A table ! » de l'Université de la Grande Région (UGR)
La Farce du cuvier, anonyme du XVe siècle, adaptation et mise en scène de Pierre Wathelet
2012
Lysistrata, d'Aristophane, mise en scène de Marco Pascolini
Don Juan revient de guerre, de Ödön von Horvath, mise en scène de Robert Germay, assisté de Dominique
Donnay
Bricoles queniennes, montage théâtral d'après Chêne et Chien, de Raymond Queneau et autres textes, mise
en scène Alain Chevalier, dans le cadre du colloque « Parentés. Raymond Queneau et l'esprit de famille »
Communication à une académie, 4e version, mise en scène de Robert Germay
2013
Les Musiciens de Brême, d'après le conte des frères Grimm, adaptation et mise en scène de Dominique
Donnay
2014
Commémorations, de Jean-Claude Grumberg, mise en scène de Brice Ramakers et Hugo Vandeplas
Ceux qui marchent dans l'obscurité, de Hanokh Levin, mise en scène de Julien Legros
Soie, d'après le roman d'Alessandro Barrico, mise en scène de Marco Pascolini
2015
Le Vol d'Icare, de Raymond Queneau, mise en scène d'Alain Chevalier
116
Annexe 2 : Chronologie des spectacles de la Cornue
1980
La famille de Carjaval, de Prosper Mérimée, mise en scène de Mathieu Falla, décors et costumes de Maggy
Jacot. Théâtre de l’Œil (Liège)
Les Gueux, de Victor Hugo, adaptation et mise en scène de Mathieu Falla, costumes de Maggy Jacot. Chapelle
des Sœurs de la Visitation (Liège)
1981
Lucrèce Borgia ?, création collective, mise en scène de Vivienne Martin, costumes de Maggy Jacot. Salle des
Waroux (Liège)
Salomé, d'Oscar Wilde, mise en scène, décors et costumes de Francis Sourbié. Salle des Waroux (Liège)
1982
Le vampire, d’Alexandre Dumas, mise en scène et décors de Vivienne Martin, costumes de Monique Ledent.
Salle des Waroux (Liège)
Satiricon 2, d’après Pétrone, adaptation de Mathieu Falla, mise en scène, décors et costumes de Francis
Sourbié. Salle des Waroux (Liège)
1983
Le loup-garou, de Roger Vitrac, mise en scène de Vivienne Martin, décors et costumes de Maggy Jacot. Salle
des Waroux (Liège)
Le jeu de Don Cristobal, de Federico Garcia Lorca, mise en scène de Vivienne Martin, décors et costumes de
Maggy Jacot. Salle des Waroux (Liège)
1984
L’équarrissage pour tous, de Boris Vian mise en scène de Vivienne Martin, décors et costumes de Maggy
Jacot. Salle des Waroux (Liège)
Dialogues de courtisanes, de Lucien Samosate, adaptation de Pierre Louÿs, mise en scène de Claudine Maus,
décors et costumes de Maggy Jacot. Maison Sauveur (Chaudfontaine)
1985
Dialogues de courtisanes, de Lucien Samosate, adaptation de Pierre Louÿs, mise en scène de Claudine Maus,
décors et costumes de Maggy Jacot. Salle des Waroux (Liège)
Mangeront-ils ?, de Victor Hugo coproduction La Cornue et le Théâtre de Novembre (Paris), mise en scène,
décors et costumes de Francis Sourbié. Salle des Waroux (Liège)
1986
Les amours de Mariana, de Mathieu Falla, mise en scène de l’auteur, décors et costumes d’Éliane Jortay.
Salle des Waroux (Liège)
La vie singulière d’Albert Nobbs, de Simone Benmussa, mise en scène de Claire Servais, costumes de Maggy
Jacot. Temple protestant du quai Marcellis (Liège)
1987
Arden de Feversham, anonyme anglais du XVIe siècle, mise en scène de Vivienne Martin, décors de
Dominique Vanrykel, costumes de Monique Ledent. Salle des Waroux (Liège)
Les amoureux, de Carlo Goldoni, mise en scène de Claudine Maus, décors de Thierry Wesel, costumes de
Monique Ledent. Salle des Waroux (Liège)
1988
Bains-douche, de Vladimir Maïakovski, adaptation de Jacqueline Razgonnikoff, mise en scène de Vivienne
Martin, décors et costumes de Thierry Wesel. Salle des Waroux (Liège)
1989
La métaphysique d’un veau à deux têtes, de Stanislaw Ignacy Witkiewicz, adaptation de François Marié, mise
en scène d’Alain Guy Jacob, décors de Thierry Wesel, costumes de Monique Ledent. Salle des Waroux
(Liège)
1990
La Tosca, de Victorien Sardou, mise en scène de Francis Sourbié, décors et costumes de Francis Sourbié et
Maggy Jacot. Salle des Waroux (Liège)
1991
Casimir et Caroline, d’Odon von Horvath, mise en scène d’Alain-Guy Jacob. Maison de la Métallurgie
(Liège)
1992
Molière et les emmerdeurs : la Comtesse d’Escarbagnas et les autres, mise en scène, décors et costumes de
Francis Sourbié. Salle des Waroux (Liège)
1993
117
Molière et les emmerdeurs : la Comtesse d’Escarbagnas et les autres, mise en scène, décors et costumes de
Francis Sourbié. Festival de Vincenza (Italie)
La plaisante aventure, de Carlo Goldoni, mise en scène et décors de Claudine Maus et Thierry Wesel,
costumes de Monique Ledent. Salle des Waroux (Liège)
1994
L’oiseau vert, d’après Carlo Gozzi, de Benno Besson, mise en scène de Fred Timmermans et Pathy
Proesmans. Anciennes usines ACEC (Herstal)
Gilles ou l’Etranger, de Mathieu Falla, mise en scène, décors et costumes de Francis Sourbié. Maison de la
Métallurgie (Liège)
1995
L’emporte-pièce, de Mathieu Falla, mise en scène, décors et costumes de Vivienne Martin. Local du
Conservatoire (Liège)
Le chasseur français, de Boris Vian, mise en scène de Michel Gramme, arrangements musicaux de Michel
Jaspar. Salle des Waroux (Liège)
1996
Les amours de Don Perlimplin et de Bélise en son jardin, de Federico Garcia Lorca, mise en scène, décors,
et costumes : Francis Sourbié et Françoise Varenne. Théâtre de l’Etuve (Liège)
Les Ennemis, de Maxime Gorki, mise en scène, décors et costumes de Vivienne Martin. Salle des Waroux
(Liège)
1997
Hôtel titre provisoire, de Laurence Adam, mise en scène, décors et costumes de l’auteur. La Courte Echelle
(Liège)
Théâtre à domicile, de Vincent Kelner, mise en scène de l’auteur et Michel Gramme. Lieux divers
Oubliez le guide…, de Mathieu Falla, mise en scène et costumes de Robert-Gaël Maleux. Maison de la
Métallurgie (Liège)
1998
Variations sur le canard, de David Mamet, adapation de Pierre Laville, mise en scène de Luc Jaminet,
création musical de Sidi Hamra. La Courte Echelle (Liège)
1999
Adrienne Marthe Pélouagne 1933-1982, de Mathieu Falla, mise en scène, décors et costumes de Francis
Sourbié. Salle des Waroux (Liège)
118
Annexe 3 : Curriculum Vitae de Mathieu Falla tel que fourni par Vivienne
Martin
En tant qu'auteur292 :
1963 : Le combat de Thanatos (1er prix du Cercle Interfacultaire de Littérature de l'U.Lg.)
1964 : Adieu Amanda - poèmes et nouvelles - Les solliciteurs
1965 : L'intrus
Prix Spécial de Littérature du Cercle Interfacultaire de Littérature de l' U.Lg.
1966 : Médée
1970 : Ratnavali, d'après Harsa - Une poule sur un mur
1972 : Henry VI, d'après Shakespeare
1975 : Mélusine
1977 : L'Aigle se réjouira... (Prix de littérature dramatique de la Province de Liège)
1978 : Anticosi
1979 : La Rose et le Chardon - Vers à l'ancienne - Satiricon, d'après Pétrone
1980 : Tricoter à Pontoise - Les Gueux, d'après Hugo
1981 : Petite suite tolosane - Ordalie ou la mise en abîme - Promenades occitanes
1982 : Satiricon 2
1983 : Les printemps dérobés
1984 : Adrienne Marthe Pélouagne, un vécu
1985 : Les amours de Mariana
1994 : Gilles ou l'Etranger
1995 : L'emporte-pièce
1997 : Oubliez le guide...
En tant que comédien :
Au Théâtre de la Communauté :
Impromptus (Obaldia)
Histoire de Vasco (Shéhadé)
Au Théâtre Universitaire Liégeois :
Au Théâtre de l'Etuve :
La condamnation de Banquet (anonyme)
L'intrus - Les solliciteurs (Falla)
Volpone (Ben Jonson)
L'homme, la bête et la vertu (Pirandello)
Les 17 Jésus (Willemaers)
La guerre de la vache (Avermaete)
Les mystères de l'amour (Vitrac)
Au Centre Dramatique de Liège : Sappho (Durrell)
Le trompeur de Séville (Tirso de Molina)
Georges Dandin (Molière)
Au Théâtre de la Cornue :
292
Salomé (Wilde)
Satiricon 2 (Falla)
Les amours de Mariana (Falla)
Arden de Ferversham (anonyme)
Bains-douches (Maïakovski)
La métaphysique d'un veau à deux têtes (Witkiewicz)
La Tosca (Sardou)
Casimir et Caroline (von Horväth)
La comtesse d'Escarbagnas (Molière)
Ne sont repris que les textes joués ou publiés. Les autres sont dans les tiroirs...
119
Gilles ou l'Etranger (Falla)
Les amours de Dom Perlimplin... (Lorca)
Les ennemis (Gorki)
Au Petit Théâtre (de l'O.R.W.) :
Au Moderne :
Mathilde (d'après Rilke)
L'habilleur (Harwood)
Au Théâtre de Novembre (Paris) : Satiricon (Falla)
Le guignol au gourdin (Lorca)
La Tosca (Sardou)
En tant que metteur en scène :
Ratnavali (Falla, d'après Harsan, traduit par Jean Kellens)
La Rose et le Chardon (Falla)
Henry VI ou la guerre des deux roses (Falla, d'après Shakespeare)
L'équarrissage pour tous (Vian)
La Grande Muraille (Frisch)
Mélusine (Falla)
La famille de Carvajal (Mérimée)
Les gueux (Hugo) (adaptation)
Les amours de Mariana (Falla)
120
Annexe 4 : Photographies de la mise en scène de Salomé par Francis Sourbié,
au Théâtre Mouffetard, 1 mars 1988.
Source : BnF, « Salomé », In Data, Site des ressources en ligne de la BnF [En ligne], URL :
http://data.bnf.fr/39491756/salome_spectacle_1988/ ,(consulté le 15 juin 2017).
121
Annexe 5 : Photographies de la mise en scène d’Aliénor ou l’Aigle se réjouira
par Francis Sourbié, au Théâtre Mouffetard, le 5 mars 1992
Source : BnF, « Aliénor ou l’Aigle se réjouira », In Data, Site des ressources en ligne de la BnF [En ligne],
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9065251h (consulté le 15 juin 2017).
122
Table des Matières
Remerciements ..................................................................................................................... ii
Introduction .......................................................................................................................... 1
Chapitre I : Problématisation d’une trajectoire littéraire et artistique.................................. 5
I.1. Ambitions artistiques d’un étudiant romaniste. ......................................................... 6
I.2. Un début de carrière dans l’enseignement secondaire............................................. 19
I.3. Un tournant décisif ?................................................................................................ 22
I.4. Collaborations culturelles ........................................................................................ 27
I.5. Conclusion ............................................................................................................... 32
Chapitre II : Quel placement au sein d’un Théâtre Universitaire en mutation ? ............... 34
II.1. Une Dynamique centrifuge .................................................................................... 35
II.2. Émanation estudiantine .......................................................................................... 37
II.3. Vers une structure encadrée ................................................................................... 38
II.4. Tradition et Innovation ........................................................................................... 40
Chapitre III : Perméabilité des réseaux amateur et professionnel ...................................... 61
III.1. Formation d’une troupe amateur ........................................................................... 62
III.2. Théâtre amateur et théâtre professionnel : des vases communicants .................... 77
III.3 Perméabilité des réseaux ........................................................................................ 87
CONCLUSION .................................................................................................................. 95
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................. 99
ANNEXES ....................................................................................................................... 111
Annexe 1 : Chronologie des spectacles du Théâtre Universitaire (Royal) de Liège
TU(R)Lg ...................................................................................................................... 112
Annexe 2 : Chronologie des spectacles de la Cornue .................................................. 117
123
Annexe 3 : Curriculum Vitae de Mathieu Falla tel que fourni par Vivienne Martin... 119
Annexe 4 : Photographies de la mise en scène de Salomé par Francis Sourbié, au Théâtre
Mouffetard, 1 mars 1988.............................................................................................. 121
Annexe 5 : Photographies de la mise en scène d’Aliénor ou l’Aigle se réjouira par Francis
Sourbié, au Théâtre Mouffetard, le 5 mars 1992 ......................................................... 122
Table des Matières ........................................................................................................... 123
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