Implanto 3 2eme EMD 5eme année 20 DA Échecs et complications en implantologie Introduction l’implantologie orale a connu ces 30 dernières années, un réel essor avec l’apparition du principe d’ostéointégration du Pr Bränemark. Depuis lors, elle fait partie intégrante de notre arsenal thérapeutique. Avec le développement de cette discipline, que certains considèrent comme étant un remède miracle contre l’édentement, le praticien est constamment contraint d’évaluer le bénéfice/risque thérapeutique avant de prendre la décision de l’acte thérapeutique car tout acte chirurgical présente un risque de complications, et même d’échecs. Il doit connaitre les différents types de complications auxquels il peut être confronté et leurs causes ? Quand parle-t-on d’ « échec » implantaire ? comment l’éviter et comment le gérer ? Définitions L’ostéointégration En dentisterie, le concept d’ostéointégration n’est apparu qu’en 1979 avec le Pr Branemark qui en a fait la suggestion. Auparavant on considérait qu’un tissu fibreux conjonctif devait entourer l’implant de manière à apporter un amortissement des contraintes occlusales semblable à celui qu’un ligament apporte à une dent naturelle, C’est le concept de la la fibrointégration qui donne des résultats mitigés. Certains auteurs donnent au maxillaire, 55% des implants fibro-intégrés comme succès après 10 ans, et 37% après 15 ans, soit 63% d’échecs. Pour résoudre ce problème d’interface fibreuse, Bränemark a cherché à obtenir un contact direct entre l’os et l’implant. C’est le concept d’ostéointégration qu’il définit comme une : « connexion fonctionnelle et structurelle directe entre l’os vivant et la surface d’un implant supportant une charge »; la qualité de l’ostéointégration dépendant du pourcentage de contact direct os/ implant. Albrektsson, définit l’ostéointégration comme étant une « jonction directe et durable entre l’os vivant remanié et au moins 90% de la surface de l’implant dans sa partie transcorticale». Avec ce concept, le taux de succès est monté à 82 % au maxillaire et 93% à la mandibule avec un recul à 15 ans. Devant ces résultats extrêmement appréciables, les exigences des patients sont devenues plus importantes. De nouvelles techniques se sont développées et de nombreuses innovations ont vu le jour. Actuellement, la plupart des auteurs rapportent des taux qui avoisinent les 95%. (100% pour Esposito et all). Ce qui signifie qu’environ 5 % des implants sont concernés par les échecs. Ces échecs sont souvent mal vécus par les patients confortés au début par ces taux de succès élevés, d’autant qu’ils ont consenti beaucoup de sacrifices, en temps et en argent. L’échec Dans son sens le plus général, un échec est une situation non conforme au but recherché. Elle résulte d'une action n'ayant pas abouti au résultat escompté (Wikipédia). Tout implant ostéointégré est considéré comme un succès. A l’inverse, tout implant déposé représente un échec. 1 - Quand l’échec implantaire survient avant la mise en charge des implants, il est considéré comme un échec primaire. Il est caractérisé par une absence d’ostéointégration. - L’échec secondaire intervient après la mise en charge des implants. Il peut survenir plusieurs années après la pose. - En dehors de l’échec caractérisé par l’absence d’ostéointégration, il peut s’agir aussi d’un échec d’ordre fonctionnel ou esthétique. La complication Une complication est « l’apparition de phénomènes morbides inattendus au cours d’une maladie ». Il est important de faire la différence entre un échec et une complication qui est le plus souvent un phénomène temporaire et/ou réversible. On distingue, outre les complications per-opératoires, les complications postopératoires précoces qui apparaissent tout de suite après l’intervention ou au bout de la première semaine et les complications postopératoires tardives, pendant la période de cicatrisation c'est-à-dire lors de l’exposition des implants au bout de 3- 4 mois, et les complications lors de la mise en fonction de l’implant. L’étude des différentes erreurs et/ou complications se fera donc dans l’ordre chronologique. 1/Echecs et complications durant la phase per opératoire Les erreurs et les complications sont nombreuses à ce stade. • L’hémorragie per-opératoire : Le risque est différent selon les régions anatomiques. L’effraction per-opératoire au niveau du pédicule incisif à la mandibule ou du pédicule naso palatin au maxillaire, ne pose aucun problème si ce n’est une éventuelle hémorragie contrôlable par la mise en place de l’implant qui fait office de bouchon hémostatique. Par contre, une lésion de l’artère sublinguale, mylo hyoïdienne ou alvéolaire inférieure à la mandibule ou une lésion de l’artère palatine ascendante, des rameaux intra alvéolaires ou de l’artère antrale au maxillaire peut être source d’hémorragie importante difficilement maitrisable. • Une effraction du canal alvéolaire avec lésion du nerf alvéolaire inférieur dû au non respect de la distance de sécurité de 2 mm est une complication majeure. Elle peut résulter soit de la lacération du nerf lors du forage, et les troubles sensitifs induits peuvent nous obliger à déposer l’implant, soit de la compression du nerf lors de la mise en place de l’implant, ce qui peut entrainer des névralgies importantes et/ou une insensibilité temporaire pendant quelques semaines. Dans les deux cas, le tableau clinique ne concerne que l’aspect sensitif de la lèvre inférieure, la motricité du visage n’est pas influencée. Si l’effraction est constatée lors de la chirurgie, il faut corriger immédiatement le positionnement de l’implant. • La perforation des cavités sinusales lors de la mise en place d’un implant n’est pas une complication grave. Pour M .Bert, c’est même une procédure normale lorsque l’os disponible est de faible hauteur. Pour Branemark, la perforation de la corticale du plancher sinusien entraine un taux d’échec plus élevé. 2 • L’expulsion intra-sinusale de l’implant est une complication majeure. Elle a souvent lieu au cours de la mise en place de l’implant impacté. C’est l’expulsion immédiate. Elle est due à une mauvaise évaluation de la densité osseuse, le chirurgien contrôle mal la force d’enfoncement. Plus rarement, elle peut survenir pendant la cicatrisation osseuse, c’est l’expulsion différée. Le traitement est chirurgical par méatotomie ou par voie d’abord CALDWELL-LUKE. • Une perforation et une pénétration des fosses nasales provoquant une blessure de la muqueuse nasale et un épistaxis est une complication où le risque potentiel d’infection est encore plus élevé au niveau de la partie « apicale » de l’implant. • Un volume osseux insuffisant pour la mise en place d’un implant d’un certain diamètre, occasionne des fenestrations ou des déhiscences dans l’os et une encapsulation fibreuse si le manque d’os n’a pas été comblé par greffe ou ROG. • Lésion de la racine de la dent adjacente avec risque de périodontite de cette dernière. • Une fracture de l’instrumentation peut survenir à cause d’un défaut de fabrication ou d’une mauvaise utilisation quand l’instrument a subi un nombre élevé de cycles de stérilisations entraînant des modifications des caractéristiques mécaniques ainsi que de sa résistance à la corrosion. • La déglutition de corps étrangers est un accident rare. L’implantologie fait appel à des composants de très petite taille, tels que les vis de couverture, vis de cicatrisation, tournevis, piliers transvissés qui peuvent être déglutis ou inhalés par le patient. 2 Echecs et complications post opératoires Infectieuses La cellulite : Les complications infectieuses peuvent être en rapport avec une contamination externe ou une infection préalable du site implantaire. La mucosite : est une inflammation réversible des tissus mous péri implantaires sans perte osseuse associée. Elle peut être assimilée à une gingivite. Les symptômes sont discrets et l’examen clinique met en évidence un léger œdème, une muqueuse rouge, saignant au contact. Il n’y a pas de suppuration. L’examen radiologique ne révèle aucune lésion osseuse. Il n’a pas été démontré qu’une mucosite non traitée évoluait systématiquement vers une péri-implantite. • La péri-implantite : réaction inflammatoire d’origine infectieuse affectant les tissus péri implantaires avec destruction osseuse irréversible, pouvant mener progressivement à la perte de l’implant. Les réactions inflammatoires péri-implantites sont similaires à celles des parodontites. 3 En dehors de la contamination per ou post opératoires, d’une hygiène et d’une maintenance insuffisantes, les causes d’implantites peuvent être : - un scellement prothétique avec fusée de ciment dans le sulcus qui exerce une irritation chronique au niveau de l’os. - des surcharges occlusales et prématurités qui concentrent des contraintes élevées en un point, induisant une lyse osseuse. - un défaut de passivité de la prothèse suite à une prise d’empreinte non précise. Des contraintes élevées sont ainsi exercées sur les implants ankylosés, induisant une résorption osseuse péri-implantaire. Biologiques : Absence d’ostéointégration pendant la phase de cicatrisation : L’échec par absence d’ostéointégration peut apparaître pendant la période d’enfouissement ou au moment de la mise en fonction. Les causes probables seront analysées dans un ordre qui pourrait correspondre à leur fréquence d’apparition. Echauffement de l’os Ericsson et Albrektsson ont montré, en 1983, que la température critique à ne pas dépasser pour obtenir un remodelage osseux correct est de 47°C pendant 1 minute. L’échauffement provoqué par un manque d’irrigation, une vitesse de forage excessive et des forets usés et inefficaces, induit une nécrose osseuse qui se comporte par la suite comme un séquestre, ou est remplacé par un tissu fibreux à l’origine de la fibrointégration de l’implant. Compression osseuse excessive : Un sous forage dans un os dense et un vissage de l’implant trop fort peut provoquer une compression excessive de l’os et mener vers un défaut d’ostéointégration. La pression trop forte sur l’os crée les mêmes phénomènes qu’une force exagérée appliquée sur une dent soumise à un mouvement orthodontique. Défaut de vascularisation de l’os : L’absence de vascularisation dans un os hyperdense (de type 4) ne permet pas l’ostéointégration de l’implant. La mise en place doit être différée de 6 à 8 semaines (stimulation endostée) Absence de stabilité primaire : Une technique opératoire imprécise ou un surforage diminue la stabilité primaire. Un implant mobile entraîne systématiquement une fibro-intégration. Le traitement est fonction des conditions anatomiques présentes : - Si on dispose encore d’un volume osseux suffisant dans le sens vestibulopalatin ou vestibulo-lingual, on change l’implant par un autre de plus gros diamètre. - Si on dispose d’une hauteur osseuse suffisante; on utilisera un implant de plus grande longueur. - si on ne dispose d’aucun volume osseux supplémentaire, il est préférable de différer la mise en place de 6 à 8 semaines. 4 Mise en charge prématurée de l’implant: Les délais de mise en charge dépendent de plusieurs paramètres : du degré d’ostéointégration atteint, de l’état de surface de l’implant, du type prothèse (unitaire ou plurale), de l’occlusion…Toute mise en fonction prématurée ou contre indiquée, peut aboutir à une pseudo-arthrose. Perte d’ostéointégration après la mise en fonction A court terme : Elle intervient dans les trois premiers mois après la mise en charge de l’implant au moment où l’ostéointégration semblait correcte. La radio montre un espace radio clair et lorsque la prothèse est déposée, l’implant est mobile et sensible à la pression. Il s’agit en général d’un échec du à une ostéointégration insuffisante, une malocclusion et une mise en charge prématurée de l’implant A long terme : Les causes les plus fréquentes des pertes d’ostéointégration à long terme sont : prothèses mal conçues, des surcharges occlusales une insuffisance d’hygiène et même la dissolution du revêtement de surface de l’implant comme cela a été constaté par Marc Bert avec l’hydroxyapatite. Mécaniques Altération du col de l’implant : peut survenir à la suite d’un serrage excessif lors de la pose de l’implant ou à la suite de vissages et dévissages répétés des composants prothétiques. • Dévissage de la vis de couverture ou de la vis de cicatrisation : Complication fréquente faisant suite à un serrage de vis incomplet ou insuffisant qui peut dans certains cas, être à l’origine d’une nécrose tissulaire ou d’une infection locale. Dévissage des vis de prothèse ou de pilier : Le dévissage peut toucher la vis de prothèse ou la vis de pilier. Un serrage insuffisant, une mauvaise conception de la connexion implant pilier, des interférences occlusales peuvent être à l’origine d’un dévissage répété. Il est toujours nécessaire d’avoir une bonne connexion implant pilier et un vissage avec clé dynamométrique 35 newtons. Fracture de vis de prothèse ou de pilier La fracture de vis est une complication majeure car elle peut contraindre le praticien à déposer l’implant surtout dans les cas de prothèses scellées. Elles sont souvent précédées de desserrements, liés à des défauts d’adaptation de l’armature, des défauts occlusaux, et une angulation exagérée du complexe implant-prothèse. Fracture de l’implant C’est à chaque fois une fracture de fatigue causée par des contraintes faibles mais répétées. Elles sont dues à un mauvais système implantaire ou à des erreurs dans le choix de l’implant, des défauts de conception ou de réalisation de la prothèse. Cette fracture aussi signale un problème biomécanique latent. Comme lors du dévissage, toutes les causes biomécaniques possibles doivent être passées en revue afin d’en identifier la cause 5 Fracture du matériau cosmétique ou de l’infrastructure prothétique La fracture de céramique peut être mineure et intéresser une cuspide, sans atteindre le point de contact ni mettre à jour la structure métallique. Les autres fractures remettant en question l’esthétique ou la fonction, obligent à refaire la prothèse. Esthétiques L’échec esthétique se rencontre surtout au niveau antérieur du maxillaire où il est souvent déploré par le patient. Il est beaucoup plus rare à la mandibulaire où les zones d’émergence des implants sont presque toujours cachées par la lèvre inférieure. Il peut être du à : - Mauvais positionnement de l’implant Un implant trop vestibulé (axe implantaire erroné) ou trop haut ( par manque d’os dans le sens vertical) aura un collet plus apical que les dents adjacentes, ce qui donnera l’impression d’une dent « trop longue ». Pour avoir un effet esthétique correct, il faut avoir un alignement au même niveau des collets des implants avec les dents naturelles. . - Implant posé au niveau des embrasures L’émergence implantaire doit se situer en regard de l’axe de l’élément prothétique. Dans le cas contraire, l’implant peut se retrouver au niveau d’une embrasure, ce qui constitue un grave préjudice esthétique. C’est une situation due à une mauvaise estimation de l’espace entre les axes implantaires et à la non utilisation de guide chirurgical surtout dans les cas d’édentements de grande étendue. - Mauvais choix d’implant Le diamètre de l’implant doit être adapté à la taille à remplacer. Implant en 1 temps de diamètre standard, trop large pour le site de l’incisive latérale. - Défauts gingivaux et osseux non corrigés : La gencive marginale est un facteur important dans la réussite esthétique, et doit présenter les caractères suivants : ▫ Se festonner harmonieusement dans la ligne du sourire, ▫ S’aligner avec la ligne des collets controlatéraux, ▫ S’accorder avec les contours vestibulolingaux, ▫ Restituer la forme pyramidale des papilles. Les défauts gingivaux par dépression ou récession obéissent aux défauts des tissus de soutien osseux. . absence de papilles . Coloration au collet de l’implant. 6 L’échec esthétique est difficile à corriger. Il est le plus souvent irréversible. Pour éviter ces échecs, l’analyse prothétique pré-implantaire doit être extrêmement rigoureuse : modèles d’étude, cire de diagnostic, appréciation du volume osseux et gingival. Des réaménagements tissulaires péri implantaires permettent de redonner un volume gingival compatible avec une esthétique satisfaisante. Conclusion De nombreuses erreurs et complications peuvent être encore évitées en procédant de manière précise et rigoureuse à chaque étape du traitement. Connaître les erreurs les plus courantes permet de les éviter. Cependant, chaque patient constitue un cas particulier avec ses spécificités propres, elles exigent parfois de s’adapter à la situation clinique. C’est en partageant les échecs que les réponses données aux situations spécifiques seront les plus adéquates. 7