Les raisons que peut invoquer Montréal d’honorer la mémoire de Champlain sont nombreuses.
Plusieurs ont été rappelées à l’occasion de la tentative navrante de faire disparaître le nom du Père
de la Nouvelle-France au profit de celui du brave Maurice Richard, héros populaire qui n’en
demandait pas tant, lui qui a passé une bonne partie de sa vie de l’autre côté de l’île de Montréal,
dans une maison faisant face à la rivière des Prairies, à deux pas du pont Viau menant à Laval!
Ce qui m’a quelque peu surpris dans cette histoire, ce sont les arguments rapportés en faveur de
Champlain. Oui, Champlain a fondé Québec; oui, il a poussé ses «descouvertures» jusqu’aux Grands
Lacs; oui, il est le Père de la Nouvelle-France et l’instigateur d’alliances déterminantes avec les
Améindiens. Mais quel a été son rapport effectif avec Montréal? Là-dessus, je n’ai rien entendu de
précis. Ou si peu. Et pourtant! Peut-être que la seule chose que Champlain n’a pu réaliser
concernant Montréal, c’est de n’avoir pas fondé officiellement la ville en 1642. Et pour cause : le
premier gouverneur de la Nouvelle-France était mort depuis sept ans…
Ce que Montréal doit à Champlain
(Vignette : Couverture d’une œuvre écrite de Champlain, de préférence celle publiée en 1619.)
Le nom de Champlain est le plus souvent associé à la fondation de Québec et à la création de la
Nouvelle-France. C’est exact mais incomplet. Une lecture attentive des écrits de l’explorateur,
découvreur et diplomate révèle que Champlain a joué un rôle majeur dans l’établissement de
Montréal, et ce, sur plus d’un plan.
Une lecture attentive de ses écrits nous révèlent l’immense intérêt porté dès 1611 par Champlain à
l’établissement d’une ville à Montréal. Cet été-là, l’explorateur passe six semaines à Montréal sur un
site qu’il a choisi pour sa position stratégique au seuil des rapides de Lachine. Le géographe dresse un
plan de ce site qu’il nomme Grand Sault St-Louis en l’honneur de Louis XIII, futur roi de France
dont le père Henri IV vient d’être assassiné en 1610. Au centre de ce plan surprenant de précision
— le premier de l’histoire de Montréal —, Champlain indique par la lettre A une pointe de terre au
confluent d’une petite rivière et du grand fleuve. Il nomme la pointe «place Royalle», nom urbain
s’il en est un. Il précise qu’il l’a fait défricher pour la rendre «preste à y bastir». En outre, il nomme
Sainte-Hélène — prénom de sa jeune épouse — une belle île boisée sise dans le Fleuve. Il y projette
la construction d’une «bonne et forte ville».
C’est ainsi à Montréal, en 1611, que pour la première fois Champlain parle nommément de
l’établissement d’une ville en Nouvelle-France. En 1608, il n’avait pas été question d’un
établissement urbain à Québec. On verra plus loin pourquoi.
Montréal : une promesse de Champlain
Lors de chacune de ses explorations au-delà des rapides — en 1613 chez les Algonquins de
l’Outaouais, puis en 1615 chez les Hurons des Grands Lacs — Champlain séjourne à Montréal à
l’aller et au retour. Entre 1611 et 1617, l’explorateur passera ainsi deux fois plus de temps à
Montréal qu’à Québec. Durant cette période, Champlain explore le territoire. Il rêve encore de
trouver, guidé par les alliés amérindiens, un passage vers l’Asie.