2007 HISPANIC IS PANIC

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HISPANIC IS PANIC ? LA CALIFORNIE ET LES LATINOS
Emmanuelle Le Texier
L'Harmattan | « Politique américaine »
2007/3 N° 9 | pages 81 à 102
ISSN 1771-8848
ISBN 9782916722139
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-politique-americaine-2007-3-page-81.htm
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Hispanic is panic?
La Californie et les Latinos
Emmanuelle LE TEXIER
L
e 19 août 2007, Elvira Arellano, surnommée la « Rosa
Parks» des Latinos, est arrêtée aux abords de l’Église Nuestra
Señora Reina de Los Angeles, puis expulsée à Tijuana. Elvira
Arellano, Mexicaine de 32 ans, s’est convertie en fi gure
symbolique de la revendication pour une réforme de la politique
d’immigration et une régularisation des sans-papiers. La jeune
femme avait été expulsée des États-Unis une première fois en
1997 et séparée de son fi ls Saul, né sur le territoire américain et
de fait citoyen. Elle était revenue illégalement en 2000 et s’était
procuré un numéro de Sécurité sociale lui permettant d’être
employée comme femme de ménage à l’aéroport de Chicago.
En 2002, elle avait été jugée pour son entrée sans-papiers sur
le territoire puis relâchée. Pour tenter d’échapper à son arrêté
d’expulsion en août 2006, elle avait pris refuge dans l’Église
, N° 9, Hiver 2007-2008
Emmanuelle LE TEXIER est maître de conférence en civilisation américaine à
l’université Charles de Gaulle - Lille 3. Elle est l’auteur de Quand les exclus font
de la politique... Le barrio mexicain de San Diego, Californie, Presses de Sciences
Po, Paris, 2006.
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méthodiste de Chicago sous les auspices du pasteur Walter
Coleman. Devenue militante active et porte-parole d’une
réforme de la politique d’immigration, elle avait notamment
rencontré la veuve du Pasteur Jesse Jackson, avant son
expulsion, et participé, la veille, à une nouvelle manifestation
organisée à Los Angeles. Le 12 septembre 2007, elle devait se
rendre à Washington DC pour animer une journée de prière et
de revendication – activité maintenue malgré son absence. Cet
événement médiatico-politique résume à lui seul l’enjeu que
représente l’immigration latino-américaine aux États-Unis et
en Californie en particulier. Entre hostilité et hospitalité, les
Latinos se trouvent aujourd’hui au cœur de débats qui vont
bien au-delà du simple enjeu migratoire.
Les Latinos représentent aujourd’hui près de 15 % de la
population américaine 1. C’est le groupe qui connaît la plus
forte croissance aux États-Unis, près de 3,5 % entre 2005 et
2006. En 2050, les estimations indiquent que près de 24 % de
la population totale sera hispanique. Les quelques 44,3 millions
de Latinos, 60 % de plus qu’il y a dix ans, sont devenus la
première minorité devant les Afro-Américains. En Californie,
ils sont treize millions, soit 32,4 % de la population contre
seulement 25,8 % en 1990.
Au-delà de l’aspect démographique, les données sta-
tistiques permettent surtout d’envisager une Californie à
moitié hispanique d’ici à 2050. Pour certains mouvements
conservateurs, cette pensée est inimaginable, car elle
contredirait l’idée même de la nation américaine construite
autour du mythe WASP (White Anglo Saxon Protestant). Les
débats sur la réforme de la politique d’immigration font
rage. La mobilisation sans précédent de plus d’un million de
manifestants le 1er mai 2006 – en majorité des Latinos – pour
une réforme de la politique d’immigration est, pour d’autres,
un juste retour de bâton face au mouvement considéré comme
restrictif. En effet, depuis les années 1990, en particulier en
Californie, un sentiment anti-immigré s’est développé, illustré
par le discours culturaliste de Samuel Huntington stigmatisant
1. U.S. Census Bureau, recensement 2000, mis à jour au 1er juillet 2006.
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les Hispaniques 2. Ce débat est fondamental, tant pour les
sans-papiers et les immigrés, que pour les partis politiques
dans la perspective des présidentielles de 2008. C’est que les
Latinos constituent désormais un enjeu incontournable en
Californie : une population croissante et en pleine mutation,
un électorat clef et un acteur majeur de la future politique
d’immigration.
“G
OOD MORNING, JOSÉ!” : LES LATINOS EN CALIFORNIE
En 1965, l’Immigration and Nationality Act met fi n aux
quotas raciaux et favorise le regroupement familial. Cette
législation opère un changement quantitatif et qualitatif de
l’immigration, caractérisée par des fl ux massifs en provenance
d’Asie et d’Amérique latine. Près de vingt ans plus tard, en
1986, l’IRCA (Immigration Reform and Control Act) régularise
près de trois millions de sans-papiers, en majorité des Mexicains.
Dans cette période d’ouverture relative, l’Immigration Act
de 1990 fait des Latinos le plus important fl ux migratoire.
Pourtant, en 1996 les lois relatives à l’asile et aux procédures
de rétention et d’expulsion sont modifi ées. Très strictes, elles
permettent la détention des sans-papiers pendant plusieurs
mois et l’expulsion immédiate sans jugement. Ces mesures
durcissent les sanctions et les peines contre les sans-papiers,
leurs passeurs et employeurs. Paradoxalement, une année plus
tard, une amnistie régularise le statut de près de 400 000
Centraméricains. Ce mouvement de balancier perdure.
Les Latinos, majorité des minorités
En Californie, le refl ux nativiste 3 est alimenté par la peur
d’une « invasion mexicaine » et d’une « balkanisation »
de la culture américaine. Le premier symbole en est la
Proposition 187 votée par référendum en 1994, qui a tenté
d’abolir provisoirement toute forme d’aide sociale aux sans-
papiers. Adoptée par près de 60 % des voix et baptisée par
2. Samuel Huntington, Who are We: The Challenges to America’s National
Identity, Simon and Schuster, New York, 2004.
3. Denis Lacorne, La crise de l’identité américaine. Du Melting-pot au
multiculturalisme, Fayard, Paris, 1997.
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ses initiateurs S.O.S, Save Our State, elle comprenait dans son
application des mesures qui entraînaient la création d’un
chier électronique d’empreintes digitales et exigeaient des
organismes publics qu’ils dénoncent les individus en situation
irrégulière. Déclarée anticonstitutionnelle, elle reste toutefois
la marque de la transformation de l’immigration en problème
sécuritaire et inspirera, après le 11 septembre 2001, les
nouvelles dispositions du Patriot Act. L’échec des organisations
de Latinos à se mobiliser contre cette initiative a été visible
à l’époque. Les vives discussions publiques sur l’éducation
bilingue (Proposition 227) et la suppression des programmes
de traitement préférentiel (Proposition 209) soulignent les
tensions entre libéraux et conservateurs.
Le second marqueur du regain du sentiment anti-immigré
est la construction d’un mur depuis 1994 à la frontière
entre les États-Unis et le Mexique, en particulier l’opération
Gatekeeper en Californie, qui a contribué à une militarisation
de l’enjeu migratoire 4. La perspective sécuritaire adoptée
après les attentats du World Trade Center s’est accentuée et
les conditions de la réunifi cation familiale comme celles de
l’accès aux visas de travail se sont durcies. Face à la lutte contre
le terrorisme, le Mexique s’est trouvé contraint à reporter
sine die la négociation d’accords d’amnistie et de travailleurs
temporaires, priorités de l’agenda bilatéral avant les attentats.
Annoncée par George W. Bush lors de son élection en 2004, la
réforme de l’immigration a été reportée à plusieurs reprises et
a déclenché une mobilisation sans précédent en 2006.
Face à ces aléas – accueil et hostilité –, la population latino-
américaine n’a pourtant cessé de croître depuis les années
1970. Cependant, les statistiques et les discours tendent à trop
unifi er un groupe hétérogène et à mettre en avant le poids,
certes réel, de l’immigration mexicaine dans la population
hispanique. Aux États-Unis, les Mexicains représentent
plus de 22 millions de personnes et composent près de
64 % des Latinos. Mais, le nombre de Dominicains (2,7 %)
4. Joseph Nevins, Operation Gatekeeper. The Rise of the “Illegal Alien” and the
Making of the U.S.-Mexico Boundary, Routledge, New York, 2002.
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