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2007 HISPANIC IS PANIC

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HISPANIC IS PANIC ? LA CALIFORNIE ET LES LATINOS
Emmanuelle Le Texier
L'Harmattan | « Politique américaine »
ISSN 1771-8848
ISBN 9782916722139
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2007/3 N° 9 | pages 81 à 102
Emmanuelle LE TEXIER
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Le 19 août 2007, Elvira Arellano, surnommée la « Rosa
Parks» des Latinos, est arrêtée aux abords de l’Église Nuestra
Señora Reina de Los Angeles, puis expulsée à Tijuana. Elvira
Arellano, Mexicaine de 32 ans, s’est convertie en figure
symbolique de la revendication pour une réforme de la politique
d’immigration et une régularisation des sans-papiers. La jeune
femme avait été expulsée des États-Unis une première fois en
1997 et séparée de son fils Saul, né sur le territoire américain et
de fait citoyen. Elle était revenue illégalement en 2000 et s’était
procuré un numéro de Sécurité sociale lui permettant d’être
employée comme femme de ménage à l’aéroport de Chicago.
En 2002, elle avait été jugée pour son entrée sans-papiers sur
le territoire puis relâchée. Pour tenter d’échapper à son arrêté
d’expulsion en août 2006, elle avait pris refuge dans l’Église
Emmanuelle LE TEXIER est maître de conférence en civilisation américaine à
l’université Charles de Gaulle - Lille 3. Elle est l’auteur de Quand les exclus font
de la politique... Le barrio mexicain de San Diego, Californie, Presses de Sciences
Po, Paris, 2006.
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Hispanic is panic?
La Californie et les Latinos
, N° 9, Hiver 2007-2008
12/11/2007 15:49:43
Emmanuelle LE TEXIER
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méthodiste de Chicago sous les auspices du pasteur Walter
Coleman. Devenue militante active et porte-parole d’une
réforme de la politique d’immigration, elle avait notamment
rencontré la veuve du Pasteur Jesse Jackson, avant son
expulsion, et participé, la veille, à une nouvelle manifestation
organisée à Los Angeles. Le 12 septembre 2007, elle devait se
rendre à Washington DC pour animer une journée de prière et
de revendication – activité maintenue malgré son absence. Cet
événement médiatico-politique résume à lui seul l’enjeu que
représente l’immigration latino-américaine aux États-Unis et
en Californie en particulier. Entre hostilité et hospitalité, les
Latinos se trouvent aujourd’hui au cœur de débats qui vont
bien au-delà du simple enjeu migratoire.
Les Latinos représentent aujourd’hui près de 15 % de la
population américaine 1. C’est le groupe qui connaît la plus
forte croissance aux États-Unis, près de 3,5 % entre 2005 et
2006. En 2050, les estimations indiquent que près de 24 % de
la population totale sera hispanique. Les quelques 44,3 millions
de Latinos, 60 % de plus qu’il y a dix ans, sont devenus la
première minorité devant les Afro-Américains. En Californie,
ils sont treize millions, soit 32,4 % de la population contre
seulement 25,8 % en 1990.
Au-delà de l’aspect démographique, les données statistiques permettent surtout d’envisager une Californie à
moitié hispanique d’ici à 2050. Pour certains mouvements
conservateurs, cette pensée est inimaginable, car elle
contredirait l’idée même de la nation américaine construite
autour du mythe WASP (White Anglo Saxon Protestant). Les
débats sur la réforme de la politique d’immigration font
rage. La mobilisation sans précédent de plus d’un million de
manifestants le 1er mai 2006 – en majorité des Latinos – pour
une réforme de la politique d’immigration est, pour d’autres,
un juste retour de bâton face au mouvement considéré comme
restrictif. En effet, depuis les années 1990, en particulier en
Californie, un sentiment anti-immigré s’est développé, illustré
par le discours culturaliste de Samuel Huntington stigmatisant
1. U.S. Census Bureau, recensement 2000, mis à jour au 1er juillet 2006.
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les Hispaniques 2. Ce débat est fondamental, tant pour les
sans-papiers et les immigrés, que pour les partis politiques
dans la perspective des présidentielles de 2008. C’est que les
Latinos constituent désormais un enjeu incontournable en
Californie : une population croissante et en pleine mutation,
un électorat clef et un acteur majeur de la future politique
d’immigration.
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En 1965, l’Immigration and Nationality Act met fin aux
quotas raciaux et favorise le regroupement familial. Cette
législation opère un changement quantitatif et qualitatif de
l’immigration, caractérisée par des flux massifs en provenance
d’Asie et d’Amérique latine. Près de vingt ans plus tard, en
1986, l’IRCA (Immigration Reform and Control Act) régularise
près de trois millions de sans-papiers, en majorité des Mexicains.
Dans cette période d’ouverture relative, l’Immigration Act
de 1990 fait des Latinos le plus important flux migratoire.
Pourtant, en 1996 les lois relatives à l’asile et aux procédures
de rétention et d’expulsion sont modifiées. Très strictes, elles
permettent la détention des sans-papiers pendant plusieurs
mois et l’expulsion immédiate sans jugement. Ces mesures
durcissent les sanctions et les peines contre les sans-papiers,
leurs passeurs et employeurs. Paradoxalement, une année plus
tard, une amnistie régularise le statut de près de 400 000
Centraméricains. Ce mouvement de balancier perdure.
Les Latinos, majorité des minorités
En Californie, le reflux nativiste 3 est alimenté par la peur
d’une « invasion mexicaine » et d’une « balkanisation »
de la culture américaine. Le premier symbole en est la
Proposition 187 votée par référendum en 1994, qui a tenté
d’abolir provisoirement toute forme d’aide sociale aux sanspapiers. Adoptée par près de 60 % des voix et baptisée par
2. Samuel Huntington, Who are We: The Challenges to America’s National
Identity, Simon and Schuster, New York, 2004.
3. Denis Lacorne, La crise de l’identité américaine. Du Melting-pot au
multiculturalisme, Fayard, Paris, 1997.
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“GOOD MORNING, JOSÉ!” : LES LATINOS EN CALIFORNIE
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Emmanuelle LE TEXIER
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ses initiateurs S.O.S, Save Our State, elle comprenait dans son
application des mesures qui entraînaient la création d’un
fichier électronique d’empreintes digitales et exigeaient des
organismes publics qu’ils dénoncent les individus en situation
irrégulière. Déclarée anticonstitutionnelle, elle reste toutefois
la marque de la transformation de l’immigration en problème
sécuritaire et inspirera, après le 11 septembre 2001, les
nouvelles dispositions du Patriot Act. L’échec des organisations
de Latinos à se mobiliser contre cette initiative a été visible
à l’époque. Les vives discussions publiques sur l’éducation
bilingue (Proposition 227) et la suppression des programmes
de traitement préférentiel (Proposition 209) soulignent les
tensions entre libéraux et conservateurs.
Le second marqueur du regain du sentiment anti-immigré
est la construction d’un mur depuis 1994 à la frontière
entre les États-Unis et le Mexique, en particulier l’opération
Gatekeeper en Californie, qui a contribué à une militarisation
de l’enjeu migratoire 4. La perspective sécuritaire adoptée
après les attentats du World Trade Center s’est accentuée et
les conditions de la réunification familiale comme celles de
l’accès aux visas de travail se sont durcies. Face à la lutte contre
le terrorisme, le Mexique s’est trouvé contraint à reporter
sine die la négociation d’accords d’amnistie et de travailleurs
temporaires, priorités de l’agenda bilatéral avant les attentats.
Annoncée par George W. Bush lors de son élection en 2004, la
réforme de l’immigration a été reportée à plusieurs reprises et
a déclenché une mobilisation sans précédent en 2006.
Face à ces aléas – accueil et hostilité –, la population latinoaméricaine n’a pourtant cessé de croître depuis les années
1970. Cependant, les statistiques et les discours tendent à trop
unifier un groupe hétérogène et à mettre en avant le poids,
certes réel, de l’immigration mexicaine dans la population
hispanique. Aux États-Unis, les Mexicains représentent
plus de 22 millions de personnes et composent près de
64 % des Latinos. Mais, le nombre de Dominicains (2,7 %)
4. Joseph Nevins, Operation Gatekeeper. The Rise of the “Illegal Alien” and the
Making of the U.S.-Mexico Boundary, Routledge, New York, 2002.
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a augmenté de 80 % depuis 1990, pour atteindre près d’un
million et la population salvadorienne (3 %) s’est accrue de
plus de 65 %, pour un total proche d’un million, sans parler
des Cubains (3,5 %) et des Portoricains (9 %), deux autres
groupes importants. La population latino se distingue par sa
jeunesse, avec une moyenne d’âge de 27,4 ans contre 36,4 ans
pour l’ensemble, mais aussi par sa féminisation (107 Latinas
pour 100 Latinos, contre 97 hommes pour 103 femmes pour
l’ensemble de la population). Le taux de pauvreté est très élevé,
proche de 22 %, et près d’un tiers des Latinos n’ont pas de
couverture médicale appropriée 5.
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En Californie, les Latinos d’origine mexicaine forment
l’immense composante de cette population (plus de neuf
millions), les autres groupes importants étant originaires
d’Amérique centrale (830 000), les sud-américains (175 000),
les Portoricains (170 000) et les Cubains (70 000) 6. Parmi
ceux d’Amérique centrale, se détachent plus spécifiquement les
Salvadoriens (415 000) et les Guatémaltèques (230 000), alors
que pour les sud-américains, ce sont les Péruviens (55 000) et
les Colombiens (35 000) qui dominent. Enfin, il est important
de noter que près de 750 000 Latinos s’identifient comme
« autre hispanique ou latino », par exemple comme Spanish
(205 000), Spaniard (70 000) ou autres (470 000). Ensuite,
60 % des Latinos s’identifient comme Blancs (contre 69 %
en 1990) et 16,8 % comme « autres races » (contre 13,2 %
en 1990). En 2000, la catégorie « deux races ou plus » a été
ajoutée au formulaire du recensement et parmi les 4,7 % qui
se sont identifiés comme tels, la plupart sont Hispaniques. Le
cheminement identitaire des Latinos est donc complexe. De
plus, lorsque la catégorie Hispanique/Latino a été introduite
dans le questionnaire du recensement aux États-Unis 7 en
1970, les deux termes étaient utilisés de manière synonyme.
À l’initiative du président Nixon, souhaitant identifier un
électorat stratégique, la catégorie hispanique a été élaborée de
5. U.S. Census Bureau, estimations de 2000.
6. Roberto Suro, Counting The “Other Hispanics”, Pew Hispanic Center,
Washington DC, 2002.
7. Melissa Nobles, Shades of Citizenship. Race and the Census in Modern Politics,
Stanford University Press, Stanford, 2000.
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Emmanuelle LE TEXIER
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Enfin, la diversité du groupe se note également dans l’usage
de la langue (espagnol, anglais ou bilingue), la pratique
religieuse (catholique, évangélique), la répartition par secteur
professionnel, la génération, l’orientation partisane etc. Comme
tout groupe hétérogène, les Latinos connaissent de profondes
mutations, les plus marquantes étant celles de la féminisation
de la population et du changement des pratiques religieuses.
Les nouvelles configurations des Latinos : féminisation et religion
Les migrantes latino-américaines et les Latinas ont pris
une place très spécifique en Californie 9. Plusieurs facteurs
concourent à cela : les liens historiques et économiques
entre les États-Unis et l’Amérique latine ; la politique de
réunification familiale ; et le mouvement des droits civiques des
années 1960 qui a donné une place centrale à l’émancipation
des femmes issues des minorités. C’est à partir des années 1980
que l’analyse des migrations de travail a été couplée à celle de
la réunification familiale – on a alors commencé à parler de
« féminisation de la migration ». Les mutations de l’économie
mondialisée et des sociétés dites « post-industrielles » ont
fortement modifié les appels de main-d’œuvre (pull factors).
Le secteur des services à la personne et plus généralement le
secteur tertiaire ont ouvert un marché du travail spécifique,
souvent pourvu par des femmes (soins médicaux et soins à la
personne, garde d’enfants et de personnes âgées, nettoyage,
exploitation sexuelle, restauration, entre autres). La sphère du
8. Emmanuelle Le Texier, Latino Power. L’accès au politique des Latinos aux ÉtatsUnis, Les Études du CERI, Paris, 2003.
9. Vicki Ruiz et Virginia Sanchez Korrol (dir.), Latinas in the United States. A
Historical Encyclopedia, University of Indiana Press, Bloomington, 2006.
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manière plutôt administrative. C’est pour contrebalancer ce
terme que le label « Latino » a été repris aux organisations
communautaires issues du Mouvement des droits civiques
revendiquant une conscience transcendant les identifications
nationales 8. Les deux catégories sont issues d’un débat
politique et institutionnel. Cela permet toutefois de valoriser
une « communauté imaginaire » comme lieu de revendication
collective.
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travail migrant s’est féminisée 10, à la recherche d’une maind’œuvre plus vulnérable et moins protégée. Surtout, c’est la
transformation de l’économie des villes californiennes qui
a créé un effet d’appel de main-d’œuvre bon marché dans
le secteur des services à la personne. La modernisation des
sociétés des pays émetteurs ainsi que les transformations des
relations de genre, de manière plus globale, auraient aussi
un effet d’incitation à la mobilité de certaines candidates à
l’immigration, quels que soient leurs niveaux d’éducation,
de revenu ou de classe sociale ( push factor ). Les Latinas sont
souvent « domestiques », femmes de ménage ou gardes
d’enfants pour les classes moyennes et aisées de San Francisco ;
employées dans la restauration et le tourisme à San Diego ; ou
bien exploitées dans les sweat-shops du textile à Los Angeles.
Depuis les années 1990, le profil socio-démographique a
évolué. Les Latinas sont plus éduquées, désormais autant que
les hommes. En outre, les migrantes sont plus âgées. Elles
sont aussi plus souvent célibataires et restent nombreuses à
venir avec des enfants ou à en avoir aux États-Unis (55 % pour
les Mexicaines et 45 % pour les femmes issues d’Amérique
centrale et d’Amérique du Sud). Enfin, sur le plan du marché
du travail, les Latinas travaillent moins dans les secteurs
de l’agriculture et de l’industrie, et beaucoup plus dans les
services 11. À l’instar de la littérature dominante sur les femmes
immigrées aux États-Unis, les femmes d’origine mexicaine,
chicanas ou latinas, ont le plus souvent été considérées comme
une « triple minorité » : une « double minorité », celle
théorisée par Margarita Melville 12 d’être femme et d’origine
mexicaine, associée à une minorité de classe. Si l’entrée sur le
marché du travail aux États-Unis confirme cette condition, les
Latinas ne sont pas uniquement victimes de discrimination –
raciale, salariale ou de genre – mais parviennent parfois à tirer
profit de leur emploi. L’insertion dans le pays d’accueil a lieu
10. Saskia Sassen, Deciphering the Global: Its Spaces, Scales and Subjects, Routledge,
New York, 2007.
11. Richard Fry, Gender and Migration, Pew Hispanic Center, Washington,
2006.
12. Margarita Melville, Twice a Minority. Mexican American Women, Mosby,
St Louis, 1980.
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Emmanuelle LE TEXIER
dans diverses sphères – familiale, professionnelle et sociale –
mais parfois à rebours (diminution du statut social pour
certaines femmes professionnelles ou éduquées, cantonnées
dans la sphère du travail non qualifié). Ceci relativise l’approche
trop optimiste quant à l’émancipation des Latinas dans
l’immigration. Enfin, les enjeux de la « maternité à distance »
et le développement de la pratique religieuse, en particulier la
conversion à l’évangélisme chez les Latinas, sont devenus des
pratiques courantes. Ce dernier trait est partagé par l’ensemble
des Latinos et constitue une mutation fondamentale.
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L’accroissement démographique des Latinos a, en effet, des
conséquences sur l’évolution des pratiques et des croyances
religieuses. En majorité croyants et catholiques, les Latinos
viennent grossir les rangs des fidèles des églises et paroisses.
La floraison des mega churches en Californie en témoigne.
Ainsi, le célèbre pasteur Rick Warren draine près de 20 000
fidèles à Saddleback Church et plus d’une quinzaine d’autres
« méga églises » attirent entre 2000 et 5000 fidèles chaque
semaine pour la célébration dominicale, comme le Christian
Worship Center dirigé par l’évêque Steve Perea en Californie
centrale. Chaque année le Congrès de la Hispanic Mega Church
Association rend compte du succès croissant de ses églises 13. La
récente étude conduite par le Pew Hispanic Center sur les Latinos
et la religion 14 montre la complexité du rapport au religieux
de cette population : 68 % des Latinos se définissent comme
catholiques, 15 % comme protestants évangéliques ou born
again. Seulement 8 % ne s’identifient à aucune religion et 9 %
à d’autres cultes (Témoins de Jéhovah etc.). La population des
Latinos catholiques est constituée plus largement d’immigrés
que celle des évangéliques. La tendance à la conversion vers le
protestantisme des deuxième et troisième générations semble
s’amorcer : 18 % des Latinos disent s’être convertis ou avoir
abandonné leur foi ; 43 % des Latinos évangéliques sont
d’anciens catholiques.
13. Scott Thumma, Dave Travis et Rick Warren, Beyond Megachurch Myths,
Jossey Bass (dir.), Hardcover, New York, 2007 ; David Badillo, Latinos and the
New Immigrant Church, John Hopkins University Press, Baltimore, 2006.
14. Roberto Suro et al., Changing Faiths: Latinos and the Transformation of
American Religion, Pew Hispanic Center, Washington, 2007.
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Les Latinos représentent désormais un tiers des catholiques
aux États-Unis et la moitié d’entre eux se définissent comme
charismatiques, c’est-à-dire qu’ils affirment avoir vécu ou
pouvoir témoigner de miracles ou d’expériences spirituelles
telles que des révélations directes ou des guérisons divines.
De même, ces croyances imprègnent fortement la pratique
des Latinos protestants. Une grande partie des nouveaux
convertis sont d’anciens catholiques qui souhaitent une
relation plus directe à Dieu et critiquent parfois la liturgie
et le fonctionnement des églises catholiques. Dans les deux
cas, les deux-tiers des Latinos fréquentent des temples ou des
églises ethniques, où les messes sont célébrées en espagnol, le
clergé et les fidèles étant majoritairement Hispaniques, mais
où la proportion d’immigrés (77 %) est plus forte que celle
des Latinos nés aux États-Unis (48 %). La plupart prie presque
chaque jour et assiste au service religieux au moins une fois par
mois. Le mouvement renewalist qui donne une place spécifique
à l’intervention de Dieu dans la vie quotidienne par la présence
du Saint-Esprit est très important.
La pratique et la croyance religieuses ont aussi des effets
sur la structuration des valeurs individuelles et collectives
et notamment sur le rapport au politique. L’institution
religieuse est considérée comme un lieu où doivent être
discutés des enjeux sociaux et politiques, comme par exemple
celui de la politique d’immigration. Les Latinos évangéliques
sont très conservateurs sur les questions sociales (peine de
mort, avortement, homosexualité, etc.), sur la politique
étrangère (soutien à la guerre en Irak) et sur l’intervention
du gouvernement (services, aides sociales, santé). Les Latinos
catholiques le sont, dans une moindre mesure, toutefois plus
que l’opinion publique générale. Les Latinos évangéliques sont
deux fois plus nombreux à s’identifier au Parti républicain
(37 % contre 32 % démocrates), alors que les catholiques,
même conservateurs, sont plus proches des Démocrates (48 %
contre 17 % républicains). Saddleback Church, attirant
aussi des Latinos, a reçu la visite du sénateur Barack Obama
en décembre 2006, candidat à l’investiture démocrate pour
l’élection présidentielle de 2008, démontrant l’intérêt croissant
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Emmanuelle LE TEXIER
du politique pour ce phénomène. C’est que les Latinos sont
devenus un électorat courtisé par les partis.
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De 2000 à fin 2006, le corps électoral des Latinos est passé
de 13,9 à 17,3 millions, représentant de 7,4 % à 8,6 % de
l’électorat global. L’électorat né aux États-Unis en constitue
la majorité (75 %). Du fait de la jeunesse de la population
hispanique et du nombre de personnes non régularisées ou
non naturalisées, seuls 39 % des Latinos qui ont l’âge de voter
peuvent le faire. De plus, seules 58 % des personnes éligibles
sont inscrites sur les listes électorales, contre 75 % pour les
Blancs et 69 % pour les Noirs. Ajouté aux autres facteurs,
le taux d’inscription contribue donc à une forme de faiblesse
du poids électoral par rapport au poids démographique.
Mais la pression exercée par certains groupes d’intérêts pour
un découpage des districts électoraux qui leur soit favorable
compense partiellement les faiblesses structurelles de cet
électorat, conduisant à la victoire de candidats latinos à la
législature dans certains États. Dans le système américain
de grands électeurs, l’électorat latino est passé du statut de
« géant endormi » à celui d’électorat « bascule » (swing vote)
dans des États stratégiques. Un État-clé pour les élections
présidentielles de 2008, comme la Californie, peut faire la
différence.
Depuis 2000, les présidentielles comme test
Dès les années 1990, la percée politique des Latinos s’est notée
parmi les conseillers municipaux, superviseurs ou membres des
comités scolaires 15. Cette montée en puissance s’est confirmée
lors des élections présidentielles de 2000. Annonciateur d’une
nouvelle donne politique, Bill Clinton n’avait pas manqué de
souligner qu’il serait « le dernier président des États-Unis à
ne pas parler espagnol » 16. En effet, la campagne de George
15. Louis DeSipio, Counting on the Latino Vote. Latinos as a New Electorate,
University of Virginia Press, Charlottesville, 1996.
16. Sergio Plaza Cerezo, “El poder del voto hispano : emerge una nueva minoría
política”, Política exterior, juillet/août 2000, vol. 14, n° 76, pp. 21-29.
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“H ASTA LA VISTA, BABY !”: LES LATINOS ET LA POLITIQUE
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W. Bush en 2000 a été marquée par le désir de séduire l’électorat
hispanophone. Ancien gouverneur du Texas, Bush a de loin
devancé son rival Al Gore dans les stratégies de conquête des
électeurs traditionnellement portés à donner leur voix au Parti
démocrate. Il a été le premier à accepter, sur proposition de sa
conseillère spéciale Sonia Colin, journaliste née au Mexique,
de participer à l’émission Sabado Gigante (Samedi Géant,
un des plus anciens programmes de la chaîne Univisión).
Le Parti républicain a dépensé plus de 2,3 millions de dollars
en publicité en espagnol, soit le double de son concurrent.
Bush a ainsi remporté les États d’Arizona, du Colorado, du
Nevada, du Texas et de Floride, c’est à dire cinq des dix États
où plus de 10 % de la population est d’origine hispanique,
mais pas la Californie. Conseillé par Janet Murguia, née aux
États-Unis de parents mexicains, Al Gore n’a pas su renforcer
l’affiliation traditionnelle des Latinos pour le Parti démocrate,
même s’il a remporté les cinq autres États latinos, dont la
Californie (ainsi que le Nouveau Mexique, New Jersey, Illinois
et New York). En 2000, 31 % des Latinos ont voté pour le
candidat républicain.
En 2004, fort de son expérience, George W. Bush a de
nouveau pris l’avantage sur le démocrate John Kerry. Alors
qu’aucun des deux candidats ne parlait espagnol, John Kerry a
répété à plusieurs reprises le slogan « Sí, se puede ! », du leader
syndical César Chávez. George W. Bush a quant à lui ponctué
ses discours de « Hola », « Gracias » et n’a pas hésité à s’appeler
lui-même « Jorge » Bush ! Lors de certains déplacements, il
s’est fait accompagner de sa belle-sœur d’origine mexicaine,
Columba Bush, épouse de Jeb Bush gouverneur de Floride
; ainsi que de son neveu, adepte du spanglish. Ses équipes
ont investi dans des campagnes publicitaires coûteuses pour
gagner en visibilité dans les principaux médias hispanophones,
presse écrite (La Prensa, El Diario, La Opinion, el Nuevo Herald)
ou télévisuelle (Univisión, Telemundo). Aux élections de 2004,
« Jorge » Bush a attiré 40 % des électeurs hispaniques, soit
une progression de neuf points. En particulier, les Latinos
protestants et évangéliques, qui constituent 32 % des
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Hispanic is panic? La Californie et les Latinos
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Emmanuelle LE TEXIER
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L’affiliation partisane des Latinos diffère en fonction de la
génération et du degré d’assimilation, mais aussi de l’origine
nationale. Les Latinos d’origines mexicaine et portoricaine
votent plus démocrates (67 % et 69 % contre seulement
13 % et 15 % pour les républicains) et ont moins tendance à
être indépendants. Au contraire, les Latinos d’origine cubaine
votent majoritairement républicain (66 %) et minoritairement
démocrates (21 %). Les Centraméricains sont plutôt des
électeurs démocrates (57 %) 18. Le changement de génération
influence assez fortement l’orientation partisane, les Latinos nés
aux États-Unis étant plus républicains que leurs aînés 19. Mais
la population latino-américaine étant sans cesse renouvelée
par l’immigration, l’électorat est fluctuant et dynamique.
Les divisions existent aussi sur certains enjeux qui traversent
les lignes partisanes, à savoir la peine de mort, l’avortement,
les dépenses publiques, l’aide sociale, la politique étrangère
etc. En somme, les Latinos sont un électorat comme un autre,
et encore largement démocrate. D’ailleurs, en novembre
2006, les élections de mi-mandat ont permis aux Latinos de
sanctionner dans plusieurs États des positions restrictives sur
l’immigration. Le reflux vers le vote démocrate a été notable 20.
Il est probable que les manifestations pour la réforme de la
17. Roberto Suro et al., Hispanics and the 2004 Election: Population, Electorate
and Voters, Pew Hispanic Center, Washington, juin 2005.
18. Richard Alvarez et Lisa Garcia Bedolla, “The Foundations of Latino Voter
Partisanship: Evidence from the 2000 Elections”, The Journal of Politics, 2003,
vol. 65, n° 1, pp. 31-49.
19. Pew Hispanic Center, The 2004 National Survey on Latinos : Politics and
Civic participation, juillet 2004.
20. Pew Hispanic Center, Latinos and the 2006 Mid-term Election, novembre
2006.
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électeurs hispaniques, ont voté à 56 % pour le président 17.
Même si G. W. Bush a dû s’engager publiquement pour
rappeler que l’hymne national se chantait en anglais, face à la
version en espagnol (Nuestro Himno) proposée par des artistes
latinos, il n’en reste pas moins très attentif à cette population.
Plusieurs républicains tendent à penser que la mobilité socioéconomique des Latinos et leur conservatisme social font d’eux
des électeurs républicains potentiels. L’électorat latino connaît
donc une certaine mutation.
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Hispanic is panic? La Californie et les Latinos
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Les élections présidentielles de 2008 seront un moment
test pour noter les évolutions d’orientation politique des
Latinos. Le 30 juin dernier, les candidats démocrates à la
primaire présidentielle ont débattu devant les électeurs latinos
rassemblés par la NALEO (National Association of Elected Latino
Officials). Au-delà des enjeux nationaux, les élections au Sénat
et à l’Assemblée de Californie permettent aussi de montrer
l’émergence d’une classe politique ethnique et d’élus latinos à
des postes de responsabilités.
La Californie, laboratoire d’un électorat changeant
En Californie, les Latinos représentent un tiers de la population
mais seulement 22 % du corps électoral. En 2002, plus de deux
tiers des Latinos ont choisi les candidats démocrates. Le vote
latino a servi Gray Davis, réélu gouverneur face à Bill Simon,
républicain opposé à une régularisation des travailleurs sanspapiers ou aux programmes d’éducation bilingue. Pendant sa
campagne, Davis avait déclaré : “We believe the Latino agenda is
America’s agenda». La réélection de Cruz Bustamante au poste
de vice-gouverneur de Californie, avec 50 % des voix contre
42 % pour le républicain Bruce McPherson est la conséquence
de ce soutien. Mais, depuis sa première élection en 1998,
Cruz Bustamante a dû jouer sur deux tableaux, celui du vote
ethnique et celui du vote démocrate. À tous les niveaux,
les candidats hispaniques se trouvent pris dans une tension
entre les appels des groupes communautaires et la nécessité
d’élargir l’électorat. C’est le dilemme du Latino Legislative
Caucus présidé par Joe Coto. Cette structure est l’héritière du
Chicano Legislative Caucus fondé en 1973 en Californie par les
cinq premiers élus latinos de l’histoire des États-Unis, puis
devenu Latino Legislative Caucus en 1991, reflétant dans ce
changement de nom la prise en compte de la diversité des
groupes qui composent les Latinos en Californie. C’est Gloria
Molina, première Latina élue en Californie, qui présida à
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politique d’immigration et le sentiment anti-immigré qui
s’est noté par la suite, aient pu influencer assez profondément
l’électorat : 69 % des Latinos ont donné leur voix aux
démocrates et 30 % aux républicains.
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Emmanuelle LE TEXIER
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ces transformations. À ses débuts, ce groupe inspiré par les
luttes du Legislative Black Caucus, visait à mettre au cœur de
l’agenda législatif des enjeux cruciaux pour les Latinos, tels
que le bilinguisme, le soutien aux programmes d’ affirmative
action (discrimination positive), la défense des droits des
travailleurs. La conséquence de leur action fut aussi de faire
pression pour la constitution de districts majoritairement
hispaniques 21. L’application du Voting Rights Act de 1965 a
favorisé la création de districts électoraux à majorité latinos.
Les appels à l’égalité de représentation permettent d’influer
sur l’élection de candidats issus des minorités, censés mieux
représenter et défendre les politiques publiques qui leur sont
favorables. Pourtant, elles dépendent d’une hypothèse majeure :
que l’électorat latino parle d’une seule voix. Dans la pratique,
il est de plus en plus fréquent de voir s’affronter des candidats
latinos pour le même poste. Par exemple, en 2002, le district
60 fut remporté par Robert Pacheco (républicain) sur Adrian
Martínez, le district 80 gagné par Bonnie García (républicain)
sur Joey Acuña Jr, ou encore le district 39 remporté par Cindy
Montánez (démocrate) sur Ely de la Cruz. De même, Loretta
Sánchez, démocrate modérée et ancienne républicaine, a été
élue avec 61 % des voix contre 35 % pour Jeff Chávez. Elle
a entraîné dans son succès sa sœur, Linda Sánchez élue avec
55 % des voix, contre 41 % pour Tim Escobar. Ce découpage
électoral explique les résultats sans surprise de candidats tels
que Lucille Roybal-Allard élue avec 74 % des voix et Juanita
Millender-McDonald élue avec 73 % des voix au Congrès ; ou
encore de Gloria Romero (72 %) et Deborah Ortiz (73 %) au
Sénat.
En 2006, la Californie comptait 35 des 100 districts
électoraux pour l’élection au Congrès, dans lesquels les Latinos
formaient une part extrêmement importante de l’électorat
(de 12 % à 65 %). Le taux de participation des Latinos s’est
accru de dix points, passant à 49 %. Au total, les Latinos ont
représenté 16 % de l’électorat californien (contre 12,6 % en
2002). Aujourd’hui, l’Assemblée de Californie compte dix21. Bruce Cain et Jack Citrin, Ethnic Context, Race Relations and California
Politics, Public Policy Institute of California, San Francisco, 2000.
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neuf élus hispaniques et le Sénat dix. En général, les Latinos
ont fait gagner les démocrates là où ils forment une part
importante de l’électorat. La compétition a de nouveau été
rude, en particulier pour le Sénat, entre Cindy Montánez et
Alex Padilla, Ron Calderón et Rudy Bermúdez et Joe Baca et
Gloria Negrete-McLeod ; et pour l’Assemblée, de nombreux
districts ont vu s’affronter de multiples candidats latinos, par
exemple le district 45 entre quatre candidats Kevin de Leon,
Oscar Gutierrez, Gabriel Buelna et Christine Chávez, la petite
fille de César Chávez. Mais les Latinos ont aussi été 39 % à
soutenir la candidature républicaine de Schwarzenegger au
poste de gouverneur.
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L’électorat latino de Californie est devenu un acteur
incontournable du jeu politique américain, tant pour les
présidentielles que comme laboratoire des mutations du
comportement électoral. Les débats sur la réforme de la
politique d’immigration ne font qu’accentuer ce rôle, les
Latinos de Californie jouant un rôle prépondérant dans la
mobilisation sur cet enjeu depuis quelques années. Lors de
la manifestation du 1er mai 2006, les participants n’ont pas
manqué de rappeler : « Aujourd’hui, nous marchons, demain
nous votons ! ».
“TODAY WE MARCH, TOMORROW WE VOTE!” :
LES LATINOS ET LA RÉFORME DE L’IMMIGRATION
La Californie a vécu le 1er mai 2006 une « journée sans
immigrés » que d’aucuns n’ont surnommé la « journée sans
Latinos ». Le film fiction de Sergio Arau (Un dia sin Mexicanos,
2004) qui relatait le chaos d’un État d’où disparaissaient
soudainement 14 millions de Mexicains, est en partie devenue
réalité. À l’appel de nombreuses organisations de la société
civile, la mobilisation des immigrés, des sans-papiers et de leurs
descendants établis aux États-Unis, en particulier des Latinos,
a été un large succès. Le boycott des écoles, des commerces et
du travail (le 1er mai n’étant pas un jour férié aux États-Unis) a
surtout été suivi sur la côte ouest, en particulier à Los Angeles,
mais beaucoup moins sur la côte est et dans le reste du pays,
où les immigrés, résidents légaux ou non, lui ont préféré des
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Hispanic is panic? La Californie et les Latinos
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Emmanuelle LE TEXIER
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marches et des rassemblements. Cette mobilisation d’ampleur
est l’aboutissement de manifestations massives qui s’étaient
déroulées depuis le 25 mars 2006, date à laquelle plus d’un
demi-million de personnes avaient défilé dans les rues de Los
Angeles pour protester contre une proposition d’une nouvelle
législation fédérale qui sanctionnerait les sans-papiers, tout
en renforçant la militarisation de la frontière entre les ÉtatsUnis et le Mexique. De Houston à Chicago, de San Diego à
Philadelphie, de New York à San Francisco, des centaines de
milliers de manifestants ont défendu dans la rue un programme
de régularisation progressive pour les quelques onze millions
de sans-papiers établis aux États-Unis. La Californie, à Los
Angeles et à San Francisco, mais aussi à San José et San Diego,
a été à la pointe de la mobilisation.
Les sans-papiers et la réforme
La population des sans-papiers aux États-Unis est évaluée à
environ onze millions, en majorité d’origine latino, avec 56 %
originaires du Mexique et 22 % d’autres pays d’Amérique
latine, dont environ cinq millions en Californie 22. Les périodes
d’entrée sur le territoire reflètent la diversité des situations
individuelles. 40 % des sans-papiers seraient arrivés depuis
l’an 2000, 26 % de 1995 à 1999, 18 % de 1990 à 1994 et
16 % dans les années 1980. Ce dernier groupe est constitué
principalement de personnes qui n’ont pu bénéficier du
programme de régularisation de 1986 car elles ne remplissaient
pas les critères à l’époque. Les sans-papiers sont une population
d’immigrants principalement masculine et jeune, de travailleurs rarement accompagnés de leur famille. Leur situation
familiale est très variée : certains vivent en couple avec un
partenaire sans-papiers, résident légal, naturalisé ou citoyen
américain. Beaucoup ont des enfants soit nés aux États-Unis
et citoyens américains, soit en situation irrégulière, soit un
mixte des deux. Néanmoins, les enfants des familles au statut
irrégulier sont en grande partie citoyens américains (64 %
d’entre eux, soit environ trois millions, contre 36 % sans22. Jeffrey Passel, The Size and Characteristics of the Unathorized Migrant
Population in the U.S. Estimates Based on the March 2005 Current Population
Survey, Pew Hispanic Center, Washington, 2006.
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papiers, soit 1,8 million). En ce qui concerne la participation
au marché du travail, 7,2 millions de sans-papiers sont actifs,
soit près de 5 % de l’ensemble de la population active des
États-Unis, avec un fort décalage entre les hommes qui ont
un taux d’activité de 94 % et les femmes de seulement 54 %.
Ils sont employés en majorité dans les services (31 %), la
construction (19 %), les métiers de réparation (15 %), la vente
et le commerce (12 %). Dans les secteurs de l’agriculture,
les migrants non autorisés représentent jusqu’à un quart des
employés. Ils forment aussi 17 % de la main-d’œuvre dans le
nettoyage et 14 % dans la construction.
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S’il est impossible de détailler l’ensemble complexe des
réformes envisagées, puisqu’elles traitent de divers aspects
(sécurité, contrôle, réunification familiale, travailleurs invités,
etc.), en revanche quelques grandes caractéristiques des
deux principales propositions concurrentes méritent d’être
soulignées 23. Les mobilisations de mars à mai 2006 sont en
effet la résultante du rejet, en décembre 2005, par la Chambre
des représentants, d’un programme de travailleurs invités au
profit d’une proposition de loi, la H.R. 4437, présentée par les
députés républicains James Sensenbrenner (Wisconsin) et Peter
King (New York). Entre autres choses, celle-ci sanctionnait
pénalement les sans-papiers, imposait aux employeurs d’inscrire
leurs employés dans des bases de données fédérales, accroissait
le nombre d’agents de la police aux frontières et criminalisait
les associations d’aide aux sans-papiers. En outre, elle prévoyait
la mise en place d’un nouveau système de vérification du statut
des employés, avec notamment de fréquentes enquêtes sur le
terrain et des sanctions financières accrues pour les employeurs
de sans-papiers (de 5 000$ à 7 500$ pour le premier cas, de
10 000$ à 15 000$ lors d’une récidive et de 25 000$ à 40 000$
à la troisième reprise). De plus, la construction du mur à la
frontière devait être amplifiée sur 698 miles – soit 1117 km –
avec un accroissement du budget pour former les patrouilles
au frontière et augmenter leur nombre. Enfin, les mesures
d’expulsion des sans-papiers devaient être facilitées et les centres
23. Les législations proposées sont consultables sur le site Internet du Sénat :
http://www.senate.gov/
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Emmanuelle LE TEXIER
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En réaction, la proposition de loi S.1033 présentée par les
sénateurs John McCain (Arizona, républicain) et Edward
Kennedy (Massachussets, démocrate) offrait une possibilité de
régularisation progressive aux sans-papiers. Après le paiement
d’une amende de mille dollars et d’impôts, une fois vérifié leur
casier judiciaire, les candidats à la régularisation (vivant depuis
au moins six ans aux États-Unis) bénéficieraient d’un visa de
trois ans, renouvelable une fois. Ils devaient s’inscrire à des
cours d’anglais et d’instruction civique. Après quatre années,
les bénéficiaires de ces visas pourraient faire la demande de carte
de résident (green card), puis enfin, s’ils le souhaitent, demander
la naturalisation. En outre, 400 000 visas de travail temporaire
seraient accordés chaque année afin de répondre aux besoins
des employeurs. Sur le volet plus sécuritaire, les sénateurs ne
proposent ni une augmentation du personnel aux frontières,
ni la construction du mur, ni un accroissement des sanctions
aux employeurs de sans-papiers, mais le développement du
contrôle technologique (documents d’identité biométriques,
bases de données de l’emploi établies progressivement) et des
programmes d’aide au retour et d’aide au développement des
pays d’origine. Cette proposition, la plus libérale sur la table
des négociations a déjà deux concurrentes plus restrictives la
S.1438 de Cornyn-Kyl et la S.2454 de Frist, beaucoup plus
limitatives pour l’accès à la régularisation et plus centrées sur
le volet sécuritaire.
Les leaders de la mobilisation et le reflux conservateur
En Californie, où est née la mobilisation, les leaders sont
soit Latinos eux-mêmes, soit ont exprimé leur soutien à ce
groupe. Les portraits des religieux et politiques qui ont pris
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de rétention multipliés. Les empreintes digitales des dix doigts
des « clandestins » seraient conservées dans une base de données
permettant de sanctionner pénalement tout « récidiviste »
ainsi que toute personne résidant sans autorisation aux ÉtatsUnis (un an et un jour de prison, jusqu’à cinq à dix ans pour
fraude de documents ou mariage de convenance). Dans cette
proposition, aucun programme de régularisation ni d’accord de
travailleurs invités ne sont envisagés.
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Les leaders religieux ont été catholiques et évangéliques.
Le cardinal Roger Mahony, surnommé le cardinal rouge,
archevêque de Los Angeles, s’est engagé pour la mobilisation,
en particulier lors des messes où il a demandé une régularisation
progressive des sans-papiers. Il s’est distingué depuis les années
1970 par ses activités de défense des droits des travailleurs
immigrés auprès de United Farm Workers, syndicat dirigé par
César Chávez et par la célébration de ses messes en espagnol.
Dans une lettre intitulée « Action positive pour un changement
positif : Suggestions pour promouvoir une réforme de l’immigration »,
le cardinal Mahony a recommandé « aux gens de bonne foi »
(élèves, parents, employés et employeurs) d’accorder durant la
journée un temps de réflexion et de discussion au travail, dans
les écoles et dans les églises afin de débattre. En particulier,
il les a encouragés à « écrire aux élus de la Chambre des
Représentants et aux Sénateurs, afin d’exprimer (leurs) positions
et les raisons de soutenir une réforme de l’immigration juste ».
Opposé au boycott, le cardinal a toutefois appelé à « rejoindre
les manifestations après le travail et après l’école ». Au-delà
de la vocation d’accueil et humaniste du clergé, il ne faut pas
oublier qu’aujourd’hui, la vigueur du culte catholique dépend
en grande partie de l’afflux de nouveaux croyants originaires
d’Amérique latine. De même, le révérend Samuel Rodriguez,
à la tête de la National Hispanic Christian Leadership Conference
(NHCLC) a fait entrer dans la mobilisation les Latinos
évangéliques, en particulier membres des Assemblées de Dieu et
des Promise Keepers. « Pasteur Sam » a drainé les foules lors de
ses sermons et a participé à plusieurs émissions pour rappeler
la « tradition d’accueil de l’Amérique, terre promise ». Dans
une lettre adressée au président le 4 avril 2006, il a assuré le
« soutien à une réforme de l’immigration globale, fondée sur
des principes bibliques, les valeurs et la foi chrétienne et sur
l’engagement envers les droits humains et civils » et rappelé
que « les migrants évangéliques forment une part croissante
de (nos) églises ».
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part aux débats reflètent des trajectoires aussi diverses que la
communauté hispanique.
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Emmanuelle LE TEXIER
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Antonio Villaraigosa a représenté le plan politique de
l’engagement. Premier Latino élu maire de Los Angeles depuis
la fin du XIXe siècle 24, né dans un quartier pauvre de l’Est de
Los Angeles, à Boyle Heights, Villaraigosa s’est engagé dans le
mouvement syndical comme organisateur auprès du syndicat
United Teacher Los Angeles et du American Federation of Labor.
Il a également présidé la section de Los Angeles du American
Civil Liberties Union. Après avoir été élu à l’Assemblée de
Californie en 1994, il s’est présenté sans réussite à la mairie de
Los Angeles en 2001, puis l’a remportée en 2005. Lors de deux
manifestations du 25 mars et du 1er mai, Villaraigosa s’est
adressé aux manifestants et aux médias, afin de souligner « sa
compréhension des enjeux et son soutien à la proposition de
loi déposée par McCain et Kennedy ». Pourtant, les Latinos
eux-mêmes sont partagés sur la régularisation. Les opinions
divergent entre immigrés et descendants d’immigrés,
les seconds étant plus restrictifs à l’égard des critères de
régularisation. Les stratégies adoptées pour faire pression sur
les législateurs ont aussi scindé les Latinos. Certains ont préféré
opter pour des marches silencieuses, et ont rejeté l’appel au
boycott des écoles, des magasins et du travail lancé par des
organisations considérées comme plus radicales. Le Parti
démocrate a quant à lui tenté de capitaliser sur la mobilisation
en menant une campagne d’inscription massive sur les listes
électorales, afin de renforcer l’affiliation des Latinos à leur
parti. La multiplicité des acteurs et des opinions sur l’enjeu
migratoire n’a pas facilité la prise de décision. En dépit des
appels de la Maison Blanche pour trouver un compromis, la
confrontation entre le Sénat et la Chambre des représentants,
inévitable, a finalement abouti sur un échec pour les tenants
d’une réforme libérale. Le 28 juin 2007, la proposition de loi
était rejetée au Sénat par 53 votes contre 46. Le vote a divisé les
partis : douze républicains, 33 démocrates et un indépendant
se sont exprimés en faveur, alors que quatorze démocrates
et 39 républicains ont désavoué la proposition. Certains la
jugeaient trop restrictive et sécuritaire alors que d’autres la
jugeaient trop libérale et permissive. George W. Bush, qui
24. De 1866 à 1868, puis de 1870 à 1872, la ville, d’environ 6 000 habitants,
avait alors été gouvernée par Cristobal Aguilar.
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Hispanic is panic? La Californie et les Latinos
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L’échec de la mobilisation a par ailleurs produit un effet de
reflux conservateur 25, identique à celui vécu après le vote sur
la Proposition 187. Des « think tank » tels que Numbers USA
ou le Center for Immigration Studies à Washington maintiennent
la pression sur les représentants du Congrès, agitant tour à
tour le spectre de la « latinisation » des États-Unis, le risque
de banqueroute due à la prise en charge des sans-papiers ou
la fragmentation de l’identité américaine. Le lobby FAIR,
Federation for American Immigration Reform, a évalué ainsi à plus
de 60 milliards de dollars par an le surcoût entraîné par une
potentielle régularisation. Ses propos ont été relayés activement
par des chaînes comme Fox News, qui ont affiché clairement
leur position. Les activités des « milices patriotes et citoyennes
de défense de la nation » qui patrouillent la frontière sud du
pays afin de dissuader la traversée des Mexicains, candidats au
rêve américain, sont de plus en plus médiatisées. Présidée par
Chris Simcox, l’association Minuteman Project, qui serait forte
de 110 000 membres et sympathisants, a organisé une marche
de protestation de plusieurs jours jusqu’à la capitale afin de
sensibiliser la population à « l’envahissement du pays » par les
immigrés. Reprenant la figure du patriote défendant à Boston
l’indépendance des colonies face à la monarchie britannique en
1775, ce groupe diffuse un « manuel du bon minuteman » qui
décrit les devoirs citoyens de défense de la patrie face aux sanspapiers (délation, auto-défense, militarisation de la frontière,
etc.). Les Minutemen ont été très « actifs » dans des actions
de destruction de camps de sans-papiers ou de patrouille à
la frontière dans le sud californien, joignant les actes aux
propos. Les Latinos de Californie ont été à l’avant-garde de
la mobilisation, par leur volume, par leur organisation et par
leur caractère « incontournable ». Ils sont par conséquent en
première ligne du reflux nativiste.
25. Steven Bender, Greasers and Gringos: Latinos, Law, and the American
Imagination, New York University Press, New York, 2005.
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s’était prononcé régulièrement en faveur d’un consensus qui
allierait programme de travailleurs « invités » (guestworkers) et
sécurité aux frontières, tout en essayant de préserver l’électorat
latino, a subi un revers.
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Emmanuelle LE TEXIER
« Jorge » Bush, ou plutôt son successeur, devra donc réaliser
un numéro d’équilibriste délicat entre principes d’ouverture,
stratégie électorale et discours sécuritaire. La « journée sans
Latinos » a été, dans tous les cas, un moment de nouveaux
équilibres en Californie, comme dans une Amérique en
perpétuelle quête d’identité. Elle a montré non seulement la
diversité interne des opinions dans un pays qui continue, bon
gré mal gré, à se définir comme une « nation d’immigrants »,
mais surtout les mutations profondes que connaissent les
Latinos dans le Golden State et les évolutions de la Californie
elle-même 26. La Californie aura, quoi qu’il arrive, un futur
hispanique...
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26. Recherches de Frederick Douzet et de Bruce Cain.
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