
La théorie de la tectonique des plaques a vu le jour à la fin des années 1960. Reprenant les
conceptions mobilistes de Wegener, elle les développe et leur fournit une assise théorique solide
en s'appuyant sur l'hypothèse alors toute récente de l'expansion des fonds océaniques.
Universellement adoptée aujourd'hui, elle constitue le nouveau paradigme des sciences de la
Terre. Elle offre un modèle cinématique remarquable des mouvements horizontaux à grande
échelle à la surface du globe. Elle fournit un cadre interprétatif cohérent à l'ensemble des
phénomènes et structures géologiques : la formation des montagnes, la répartition et la cause des
tremblements de terre et du volcanisme, la répartition des faunes et flores fossiles... Enfin, elle
montre comment les échanges d'énergie et de matière entre l'intérieur et l'extérieur de la planète
sont la cause de tous ces phénomènes.
L'hypothèse de l'expansion des fonds océaniques
L'hypothèse de la dérive des continents fut présentée par Alfred Wegener en janvier 1912, mais
malgré les arguments regroupés, faute d'un mécanisme explicatif satisfaisant, et parce que cela
bousculait de nombreuses idées établies, il ne réussit pas à faire reconnaître sont point de vue. Ses
arguments, comme ceux de ses successeurs, reposaient, il est vrai, uniquement sur l'observation
des continents : les fonds océaniques, qui représentaient les deux tiers de la surface terrestre et
dont la connaissance est cruciale pour appréhender la Terre dans son ensemble, restaient
largement inexplorés. La situation évolue au lendemain de la Seconde Guerre mondiale grâce au
développement de l'océanographie et des techniques de reconnaissance sous-marine
(échosondeur, écoute sismique, détection magnétique). C'est la découverte progressive des fonds
marins qui va permettre aux idées mobilistes de s'implanter.
Une des premières surprises résultant de l'exploration des fonds marins est la révélation d'une
topographie très caractéristique. S'élevant au sein des plaines abyssales, souvent en leur milieu
comme dans l'Atlantique, les dorsales océaniques tissent à la surface du globe un réseau de près
de 65 000 km de chaînes montagneuses, dominant ces plaines de 2 000 à de 3 000 m, larges de
500 à 1500 km, parfois éventrées par un fossé central, ou « rift ». Les dorsales se signalent non
seulement par leur topographie singulière mais aussi par un flux de chaleur élevé ainsi qu'une
activité volcanique et sismique. Les fosses océaniques, qui sont les régions les plus profondes des
océans (4 à 5 km au-dessous des plaines abyssales), sont également caractérisées par une activité
sismique intense. Ces fosses bordent le Pacifique, le Nord-Est de l'océan indien mais sont presque
absentes autour de l'Atlantique (sauf au niveau des Antilles et des îles Sandwich du Sud).
L'exploration du plancher océanique est à l'origine d'autres découvertes déconcertantes. On a
trouvé à cette époque que la croûte océanique, de faible épaisseur (5-10 km), est composée de
roches basaltiques relativement denses (2,8 à 2,9 g/cm3) alors que la croûte continentale, de plus
grande épaisseur (30-40 km), est constituée de roches granitiques plus "légères" (~2,7 g/cm3). La
faible épaisseur des séries sédimentaires trouvées près des dorsales pose problème. En effet, par
dragage à l'aplomb des dorsales on remontait des basaltes ce qui indiquait une faible épaisseur de
sédiments, par contre les forages du Glomar Challenger montrent la faible épaisseur générale des
sédiments marins : que sont devenus les sédiments entassés depuis l'origine du globe ? Les océans
ont donc une importance considérable, non pas à cause de leur étendue, mais parce qu'ils sont
géologiquement très différents des continents.
Harry Hammond Hess , en 1960 (son article ne paraît cependant qu'en 1962), tente de
regrouper cet ensemble de découvertes en une unique hypothèse. Avec une grande analogie avec
le modèle de Arthur Holmes présenté trente ans auparavant, il affirme que le manteau terrestre est
affecté de larges mouvements de convection et que les dorsales mettent en évidence les courants
ascendants et les fosses océaniques les courants descendants. La croûte océanique est
continuellement créée au niveau des dorsales. Elle est ensuite entraînée à la surface des cellules
de convection, s'éloigne de part et d'autre des dorsales et finit par atteindre les fosses où elle
disparaît dans le manteau. La croûte océanique est donc continuellement recyclée et c'est ce qui
explique son jeune âge et la faible épaisseur des sédiments qu'elle porte. Les continents, au
contraire, à cause de leur relative légèreté, ne peuvent pas retourner dans le manteau. Ils sont
condamnés à dériver à la surface de la Terre, ce sont les « mémoires insubmersibles » du globe.
Hess précise que les continents se déplacent non en fendant les fonds océaniques comme le
suppossait Wegener, mais en étant passivement transportés sur une sorte de tapis roulant. En
1961, Robert Dietz reprend les visions de Hess et introduit l'expression « sea floor
spreading » (expansion des fonds océaniques).
L'hypothèse de l'expansion des fonds océaniques, qualifiée par Hess lui-même de "géopoésie",
reçoit un statut plus rigoureux grâce aux études géomagnétiques. Le champ magnétique terrestre
correspond sensiblement à celui que créerait un énorme aimant dipolaire placé au centre de la
Terre. Les mesures magnétiques réalisées au cours des explorations marines montrent cependant
des déviations significatives, appelées anomalies magnétiques, par rapport au champ dipolaire.