Amour et Responsabilité: Jean-Paul II sur l'Amour

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Karol Wojtyla--Jean-Paul II
(pape 1978-2005)
Amour et Responsabilité
édition numérique par Bernard C. et JesusMarie.com
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Avant-propos
Ceci n'est nullement une préface. Est-ce que l'on préface le pape ? Et qui ne
connaît Jean-Paul II ? Vingt-sept voyages autour du monde, cinquante-six en
Italie, chaque dimanche libre passé dans une paroisse du diocèse de Rome, des
images multiplié à l'infini, tout les mercredis des dizaines de milliers de pèlerins
sur la place Saint-Pierre, des audiences innombrables, des invités à tout les
repas et à la messe de sept heures dans la petite chapelle des appartements :
aucun pape n'aura été plus accessible et plus présent aux autres.
Et une chose est à dire tout de suite : il est le même partout, au Japon, en
Afrique, à Saint-Pierre ou à table. Les hommes d'états se dédoublent
couramment. L'homme public en eux est parfois distant et froid, « Mais, vous
dirons ses amis, si vous le rencontriez en privé ! Il n'y a pas plus accueillant et
enjoué. Rien de tel avec Jean-Paul II. Il est exactement le même au milieu des
foules, sur les gradins d'un stade (il aime beaucoup les stades depuis la soirée
parisienne du Parc des Princes) ou dans l'intimité de la petite salle a manger de
Castel Gandolfo. Il n'y a aucune différence à faire chez lui entre l' « homme
public » et l' « homme privé », pour la bonne raison qu'il n'y a pas d'homme
privé.
Entièrement donné à sa fonction, il ne se ménage pas le moindre espace de
liberté, excepté, peut-être, les vingt minutes de piscine qu'il s'accorde
quelquefois l'été à Castel Gandolfo, entre la dernière audience du matin et le
déjeuner. Encore faut-il remarquer qu'au mois d'août la température du Latium
atteint facilement les quarante degrés à l'ombre, « qu'il n'y a plus, disent les
Romains, que les chiens et les Français dehors », et qu'il y a une grande
nécessité de plonger les Polonais dans l'eau fraîche, si l'on tiens à les conserver
en vie. Lors de la construction de ce petit bassin sans luxe et qui sert d'ailleurs
aussi bien aux suisses qu'au préfet du palais, Jean-Paul II répliquait à ceux qui
lui rapportaient les propos des mauvaises langues critiquant la dépense : «
Cela coûtera moins cher qu'un conclave. »
Cet argument matériel (« Combien cela va-t-il coûter ? ») est ressassé à chaque
voyage du pape, et je suppose qu'on l'employait déjà lorsque Pierre et Paul
allaient visiter les églises. Je crois entendre les grincheux de l'époque : «
Qu'ont-ils à courir les chemins, quand il y a tant a faire à Jérusalem ? » En
dehors des quelques minutes d'exercice nécessaire à sa santé, tout le reste
d'une journée ordinaire du pape est méditation, dialogue, travail et prière. S'il a
un « jardin secret », il est bien caché. Je n'en ai jamais aperçu la moindre
brindille.
Il n'est pas d'homme plus totalement engagé dans sa fonction, et c'est
justement ce sens de l'engagement absolu et définitif qui fait sa grandeur,
comme la profondeur des pages qu'on va lire. Mais on ne remarque pas assez
souvent ceci, que l'engagement du chrétien dans la foi, la vie religieuse ou le
mariage est précédé par un engagement de Dieu, qui est ainsi fait, si j'ose dire,
qu'il ne s'engage pas à moitié. Lorsqu'il donne à Moïse les tables de la Loi,
cette Loi n'est pas qu'une simple liste de préceptes imposés, c'est un contrat
qui lie autant celui qui le délivre que celui qui le reçoit. Un contrat porte
toujours deux signatures. On ne fait pas assez attention à cela.
Dieu s'est impliqué dans notre vie, et la foi n'est qu'un retour d'engagement,
dont la mesure, disait saint Bernard, est de n'avoir pas de mesure. On ne peut
rien comprendre à Jean-Paul II si l'on ne voit pas que le caractère essentiel de
sa théologie, de sa morale et finalement de sa personne est la générosité. C'est
cette même générosité qui fait le fond de ce livre dédié à l'amour humain. Les
cœurs indécis ou avares affecte parfois de rendre hommage à la grande
ouverture d'esprit dont Jean-Paul II fait preuve dans les questions sociales,
pour mieux déplorer ce qu'ils appellent son intransigeance en matière de
morale privée.
Ils ne voient pas que cette apparente rigueur vient d'un sentiment très aigu de
l'amour de Dieu pour ses créatures, qui réclame de notre part une disponibilité
qui n'a vraiment rien à perdre à se faire intégrale, tant il est vrai que dans
l'économie chrétienne, celui qui donne ne fait jamais que se préparer à
recevoir. La vie spirituelle est un échange tout vient de Dieu, excepté notre
consentement.
C'est cet acquiescement à l'absolu qui fonde la morale chrétienne, les «
exigences » que présente celle-ci n'ayant d'autre fin que de développer notre
aptitude au divin - autre manière de nommer l'esprit. Je ne me targue pas de
psychologie, et je ne suis pas de ceux qui vous démontre une personnalité en
un tournemain, comme ces commentateurs pressés qui vous expliquent Jean-
Paul II par le traditionalisme polonais, le goût de la représentation et le besoin
de popularité, mais il me semble - je dis bien : il me semble - qu'il y a chez lui,
initialement, un sentiment très vif de cet engagement de Dieu dont je viens de
parler, qui précède le nôtre et auquel la reconnaissance, l'honneur... et le
simple bon sens veulent qu'on réponde sans faux-fuyant ni réserves. C'est
ainsi, en tout cas, qu'il a répondu dans le sacerdoce, et qu'il nous invite à le
faire dans le mariage, il ne s'agit pas de ruser avec la signature.
Par la grâce d'une intime association avec l'Évangile, Jean-Paul II se fait une
Très-Haute idée de l'être humain : c'est au fond tout ce que la médiocrité
spirituelle et morale de l'époque trouve à lui reprocher. Que l'on se rappelle
l'incompréhension bétonnée des exégètes à la petite semaine devant tel de ses
propos sur la qualité des regards qui doivent s'échanger entre homme et
femmes ! Ils parlent tous les jours du « droit des femmes » (dans bien des cas,
il s'agit du droit des femmes à user de méthodes qui permettent aux hommes
de fuir leurs responsabilités) et ils ne voient pas ce que certains regards
peuvent avoir de dégradant pour elles.
Ils ne comprennent pas, et parfois ils ne veulent pas entendre ce que Jean-Paul
II ne se lasse pas d'enseigner, à temps ou à contretemps, à Rome ou ici, à
savoir que l'être humain est appelé à une destinée prodigieuse qui ne finit pas
sous une pierre tombale, que sa dignité est en conséquence directe de sa
loyauté envers Dieu, et que le chrétien, quelle que soit sa vocation, est marié,
dès le baptême, avec l'absolu.
André Frossard
Introduction
Une opinion communément répandue veut que, sur le thème du mariage et de
l'amour entre l'homme et la femme, seuls ceux qui vivent de telles situations
ont le droit de s'exprimer. Cette opinion réclame qu'une expérience
personnelle soit le fondement de tout jugement dans ce domaine. Ainsi,
refuse-t-on au clergé, aux personnes vivant dans le célibat une opinion en
matière d'amour et de mariage. Pourtant, par un étrange hasard, ce sont eux
qui, justement, et bien souvent, se prononcent sur ces sujets.
L'absence d'une expérience immédiate ne constitue pas un obstacle puisque
ces spécialistes disposent d'une large et riche expérience qui tient,
précisément, à leur fonction pastorale. En raison même de cette fonction, les
prêtres croisent, à tout moment et en toutes circonstances, le thème de
l'amour et du mariage et acquièrent ainsi une expérience qui, bien qu'indirecte
et appartenant aux autres, est beaucoup plus vaste. Cette abondance de
données interroge la réflexion et suscite une synthèse.
Tel a été le point de départ de ce livre. Loin de constituer l'exposé d'une
doctrine, il présente le fruit d'une confrontation permanente entre la doctrine
et la vie ce qui est la base du travail pastoral. Dans le domaine de la morale
sexuelle, la doctrine, c'est-à-dire l'enseignement de l'Église, s'appuie sur
l'Évangile qui, à ce sujet, s'exprime de manière très concise mais suffisante. On
peut s'étonner que si peu de phrases puissent soutenir un système d'une telle
complexité mais il est évident qu'elles touchent les points les plus délicats du
problème, ceux-mêmes qui conditionnent le reste des normes et principes
moraux. Il suffit de disposer de quelques-uns de ces textes : Matthieu 5, 27-28 ;
Matthieu 19, 2-13 ; Marc 10, 1-12 ; Luc 20, 27-35 ; Jean 8, 1-11 ; Corinthiens 1,
7 (en entier) ; Éphésiens 5, 22-23, pour avoir une claire opinion. Ce livre, qui n'a
pas la prétention d'être une exégèse, se référera aux énoncés les plus
importants.
S'il est aisé d'établir les normes de l'éthique catholique en matière de morale
sexuelle, il reste vrai que la nécessité de leur trouver un fondement nous
interpelle constamment. Dans la pratique, plus encore qu'en théorie, ces
normes soulèvent souvent des objections mais le prêtre, qui affronte la
pratique, doit rechercher et trouver ces bases. Le devoir du prêtre n'est pas
seulement d'imposer ou d'interdire, mais d'exprimer les vérités fondamentales,
d'expliquer et de clarifier. Ce livre a été écrit en tenant compte avant tout de
cette nécessité de préciser les normes de l'éthique sexuelle catholique qui
renvoie aux vérités morales les plus élémentaires et les plus nettes ainsi qu'aux
valeurs et biens les plus fondamentaux, représentés par la personne humaine,
de même que la vérité morale est liée au monde des personnes et représentée
par le commandement de l'amour. L'amour constitue le bien propre du monde
des adultes. C'est pourquoi, la conception la plus fondamentale de la morale
sexuelle repose sur le principe « de l'amour et de la responsabilité » auquel ce
livre a emprunté son titre.
Une telle conception demande une série d'études et ce livre, dans sa volonté
de synthèse, est très analytique. Nous analyserons en premier lieu la personne
en relation avec la tendance sexuelle, puis l'amour qui, sur cette tendance, naît
entre l'homme et la femme. Suivront la virginité mystique en tant qu'élément
indispensable à cet amour et, enfin, les problèmes du mariage et de la
vocation.
Les problèmes forment, dans notre recherche des fondements, règles et
normes de l'éthique sexuelle catholique, des objets d'analyse et non de
description. Dans son ensemble, ce livre peut être considéré comme
philosophique car l'éthique constitue (et ne peut qu'être) une partie de la
philosophie.
Cet ouvrage aura-t-il une signification pratique ? Correspond-il à la vie ? En
théorie, oui ; en ce sens qu'il ne cherchera jamais à donner des recettes toutes
prêtes ou des instructions détaillées relatives au comportement. Il ne s'agit pas
ici de casuistique. Notre propos est de donner une vision globale du problème
plutôt qu'une solution particulière. Toutes les solutions sont, d'une manière ou
d'une autre, contenues dans cette vision. Et celle-ci trouve sa meilleure
expression dans le titre même de ce livre puisque, en choisissant pour sujet de
réflexion les relations entre personnes de sexe différent et la morale sexuelle,
nous nous référons à l'amour et à la responsabilité.
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