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Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (XII), n° 4, juillet-août 2008 et n° 5, septembre-octobre 2008
Mise au point
Mise au point
que la prise en charge de la maladie parodontale permette
d’améliorer l’équilibre glycémique moyen évalué par
mesure de l’HbA1c. Il semble donc important de mieux
définir l’influence des traitements parodontaux sur le
contrôle de la glycémie mais aussi sur la résistance à
l’insuline et sur la survenue des complications micro- et
macro -vasculaires du diabète.
Mécanismes impliqués dans les interactions
diabète/parodontopathies
Les mécanismes expliquant le lien entre diabète et patho-
logies buccales ont été largement décrits. Beaucoup sont
similaires aux mécanismes impliqués dans les autres
complications du diabète.
L’hyperglycémie diminue le pH de la cavité buccale et
augmente le taux de glucose dans la salive et le fluide
gingival, deux conditions idéales pour la prolifération
des bactéries. Une autre conséquence de l’hyperglycémie
est la formation de substances glycosylées : les produits
avancés de la glycation, ou AGE (advanced glycation
end-products). L’accumulation de ces molécules est asso-
ciée à une augmentation de la production de nombreux
facteurs délétères, cytokines pro-inflammatoires (IL-1β,
TNFα, IL-6) et facteurs de croissance tels que le VEGF
(vascular endothelial growth factor). Enfin, les AGE acti-
vent des récepteurs (RAGE, pour récepteurs des AGE)
présents à la surface des cellules musculaires lisses, des
cellules endothéliales, des neurones et des monocytes/
macrophages, et peuvent alors affecter les phénomènes de
migration, la phagocytose, les contacts cellules-cellules
ou cellules-matrice extracellulaire, la production de cyto-
kines ainsi que la perméabilité vasculaire (12).
Les concentrations d’AGE sont plus élevées dans le paro-
donte de sujets diabétiques que dans celui des non-diabé-
tiques. De plus, RAGE est exprimé au niveau des cellules
du parodonte, et les interactions RAGE/AGE dans le
parodonte pourraient expliquer l’élévation de IL-1β et
TNFα dans le fluide gingival de patients diabétiques (13).
Cette réponse inflammatoire modifiée pourrait altérer la
destruction de bactéries pathogènes dans les poches paro-
dontales et augmenter ainsi la destruction parodontale. La
microangiopathie et les modifications du métabolisme du
collagène, composant essentiel des tissus de soutien de
la dent, entraînent quant à elles une fragilisation de ces
éléments et favorisent la perte gingivale et osseuse (14).
Les répercussions des parodontopathies sur le contrôle de
la glycémie ou la résistance à l’insuline semblent essen-
tiellement expliquées par une augmentation de la produc-
tion de cytokines pro-inflammatoires, conséquence des
invasions bactériennes répétées (15). Cette production
excessive pourrait contribuer à l’insulino résistance en
modifiant la signalisation en aval du récepteur à l’insuline,
en altérant la fonction des adipocytes et des cellules β du
pancréas et en diminuant la production d’oxyde nitrique
par l’endothélium (16).
Rôle du chirurgien-dentiste
Dépistage des patients diabétiques
Les manifestations buccales des diabètes sont
nombreuses : candidoses, gingivites, parodontites, poly-
caries et sécheresse buccale peuvent constituer un des
premiers signes de la maladie. Le chirurgien dentiste est
donc en mesure d’aider au dépistage des nouveaux cas
de patients diabétiques. D’autant qu’il faut ajouter à ces
manifestations des retards de cicatrisation, des ulcérations
pouvant persister malgré les approches thérapeutiques
habituelles, l’odeur d’acétone de l’haleine, la rapidité
de reformation du tartre, l’hypotonicité de la langue et
l’hyper viscosité de la salive.
Lors de l’examen clinique, le chirurgien-dentiste se doit
d’être attentif à l’ensemble de ces signes et doit proposer
un dépistage par mesure de la glycémie à jeun s’il
suspecte l’existence d’un diabète. La réalisation d’une
mesure glycémique capillaire peut éventuellement être
pratiquée au cabinet dentaire.
Face à un patient diabétique
Confronté à un patient diabétique, le chirurgien-dentiste
fait systématiquement un bilan parodontal. En l’absence
de maladie parodontale, une éducation rigoureuse de l’hy-
giène buccale aidera à maintenir la santé orale. Face à une
atteinte parodontale, un plan de traitement est proposé.
Lors des premiers rendez-vous, le chirurgien-dentiste
enseigne les techniques d’hygiène buccale les mieux
adaptées au patient. En effet, afin de limiter la formation
de la plaque dentaire et la prolifération des bactéries, il
est nécessaire que le patient diabétique assure un contrôle
de plaque rigoureux. Le brossage des dents se fait après
chaque prise alimentaire, grâce à une brosse souple qui
ne doit pas provoquer de saignement. L’espace interden-
taire est nettoyé avec du fil ou une brossette interdentaire.
Il peut également conseiller de compléter l’action méca-
nique du brossage par une solution antiseptique et un
dentifrice adapté aux soins parodontaux. Les prothèses
dentaires doivent être nettoyées quotidiennement. Enfin,
un nettoyage professionnel de la cavité buccale tous les
six mois est indispensable. Cet examen permet aussi au
dentiste de détecter l’apparition de caries. Pour certains
patients atteints de parodontites sévères, le praticien peut
souhaiter examiner le patient tous les trois mois.
Le chirurgien-dentiste doit être apte à réaliser des soins
sans aggraver l’état de santé de ces patients diabétiques.
Il prend donc des précautions à l’égard du stress, qui a
un effet stimulant sur la production d’adrénaline et de
corticoïdes, molécules hyperglycémiantes, à l’égard du
risque infectieux et de la prescription, afin d’éviter les
interactions médicamenteuses. Face à un patient mal
ou non équilibré nécessitant des soins bucco-dentaires
urgents ne pouvant être reportés, plusieurs options seront