Centaurea cyanus L. Bleuet 2 . 3 Mauvaises herbes des champs : bonnes ou mauvaises ? herbes sauvages des champs : Bonnes ou mauvaises ? On trouve les adventices ou mauvaises herbes dans tous les milieux gérés par l’homme. Atteignant des densités étonnantes si on ne réussit pas à les contenir, elles affectent le développement des cultures et génèrent des pertes de récolte importantes. A l’opposé, du fait de l’efficacité des pratiques culturales de notre agriculture moderne, certaines sont devenues rares ou sont en voie d’extinction. Or on sait qu’elles ont aussi un rôle fonctionnel important dans les écosystèmes et participent à la biodiversité. Concourir à développer une agriculture durable conjuguant production suffisante, de qualité et respect des équilibres naturels et des territoires est un défi et un objectif ambitieux pour l’agronomie d’aujourd’hui. L’étude des relations entre agriculture et biodiversité constitue une thématique de recherche actuelle. Conception : INRA Dijon et Jardin des sciences, tous droits réservés. Contact : [email protected] Remerciements aux acteurs de l’UMR BGA sans qui cette exposition n’aurait pu voir le jour, et notamment Bruno Chauvel, Jacques Gasquez et Nicolas Munier-Jolain pour leurs apports scientifiques. Droits photos : INRA sauf mention spéciale. Graphisme : L. Brunot - www.indelebil.fr Une version itinérante est disponible en prêt pour les associations et les établissements scolaires. Les herbes des champs : Que sont-elles ? Définitions Mauvaises herbes, plantes adventices ou fleurs sauvages des champs ? La définition ‘officielle’ de « mauvaise herbe » : « plante indésirable là où elle se trouve » • Indésirables en raison des dégâts occasionnés dans les cultures qu’elles infestent. • Mais elles ont aussi certaines vertus et en cela pourquoi les qualifier de ‘mauvaises’ ? Les paysans des Andes centrales (Pérou, Bolivie, Equateur) récoltent toujours certaines espèces adventices présentes dans les cultures pour l’alimentation du bétail, voire pour la consommation humaine en cas de disette. Certaines adventices sont utilisées par l’homme pour des objets utilitaires (brosse en chiendent, chapeau, …) ou pour des raisons alimentaires ou médicales. « Qu’est-ce donc qu‘une mauvaise herbe, sinon une plante dont on n’a pas encore découvert les vertus ? » (Emerson) On emploie aussi le terme « adventices » Matricaria recutita L. De la matricaire camomille à l’infusette Plantes qui poussent spontanément dans les milieux modifiés par l’homme, qu’elles soient autochtones ou originaires d’autres continents. Solanum nigrum L. Morelle noire Un peu de linguistique Adventice vient du latin ‘advenire’ : venir d’ailleurs En latin . ‘herba’ = herbe, mauvaise herbe . ‘zizania’ = ivraie, mauvaise herbe . Zizania (ivraie) vient du grec zizanion (ivraie) … … qui viendrait du syriaque zizon (ivraie ?) … qui viendrait du sumerien zizan (blé !) Et en bourguignon ? Crinses = mauvaises graines (mêlées au froment) Et en breton ? Louzoù (c’est un collectif) Ce joli tournesol est indésirable dans une culture de blé, et devenir… une mauvaise herbe ! 4 . 5 Définitions et généralités D’où viennent-elles ? Stellaria media L. Mouron des oiseaux Fleur fortement grossie Les espèces adventices sont majoritairement originaires de zones climatiques favorisant des cycles de végétation courts, en adéquation avec les cycles courts des cultures. Apophytes Origine géographique : Natives ou autochtones Biologie : favorisées par les milieux défrichés Exemples : . Convolvulus arvensis L. - Liseron des champs. Dans les vignes. . Stellaria media V. - Mouron des Oiseaux. Dans les jardins. . Mercurialis annua L. - Mercuriale. Dans les jardins. Archéophytes Origine géographique : Mésopotamie (croissant fertile) Saison sèche marquée Période d’introduction en Europe : Origine de l’agriculture Néolithique (- 5000 avant JC) Biologie : annuelles germination en automne-hiver, cycle court Exemples : . Agrostemma githago L. - Nielle des blés. Dans les céréales d’hiver. . Centaurea cyanus L. - Bleuet. Dans les céréales d’hiver, colza. Néophytes récentes Origine géographique : Continent américain Période d’introduction en Europe : après le XVIIIème siècle Biologie : envahissantes Exemples : . Ambrosia artemisiifolia L. - Ambroisie. Dans les cultures printanières ou estivales, friches. Néophytes anciennes Origine géographique : Continent américain Période d’introduction en Europe : Après Christophe Colomb (XV-XVIème siècle) Biologie : annuelles germination en printemps-été Exemples : . Amaranthus retroflexus L. - Amaranthe. Dans les cultures d’été surtout. . Erigeron Canadensis L. - Érigéron du Canada. Dans les friches, vignes, jachères, maïs. Nuisibilité des mauvaises herbes : Pourquoi faut-il les contrôler ? Elles sont préjudiciables aux objectifs de l’agriculteur. Cirsium Arvense L. Chardon vivace La nuisibilité sur la culture des mauvaises herbes peut être directe De façon indirecte • en réduisant les rendements À cause de la compétition pour les éléments minéraux, l’eau, la lumière ou encore par parasitisme. La biomasse produite par les adventices se fait aux dépens de la biomasse de la culture. • en dégradant la qualité des récoltes (résidus toxiques par exemple) avec un risque d’empoisonnement des hommes ou des animaux. • en rendant difficiles les conditions de récolte. Les mauvaises herbes peuvent héberger des bioagresseurs (maladies, ravageurs, virus) qui peuvent à leur tour contribuer à des diminutions de rendements. Le vulpin est hôte de la rouille brune et contribue à la multiplication des spores de cette maladie du blé. Par ailleurs, la production de semences par les mauvaises herbes génère un risque potentiel important pour les années suivantes. En terme de gestion à long terme, on doit se préoccuper du stock semencier dans le sol. La verse complique la récolte Pertes de production estimées dans le monde entre 2001 et 2003 Blé Riz Maïs Pertes potentielles en % liées . aux virus : 2,5 % . aux maladies : 16 % . aux ravageurs : 9 % . aux adventices : 23 % Pertes potentielles en % liées . aux virus : 2 % . aux maladies : 13,5 % . aux ravageurs : 25 % . aux adventices : 37 % Pertes potentielles en % liées . aux virus : 3 % . aux maladies : 9 % . aux ravageurs : 16 % . aux adventices : 40 % Production : 795 Mt 6 . 7 Définitions et généralités Production : 933 Mt Production : 518 Mt Anchomenus dorsalis Beaucoup de carabes sont granivores Services écologiques des plantes adventices Dans les espaces cultivés, les mauvaises herbes constituent la flore sauvage. Ces plantes contribuent à des « services » que l’agriculture et la vie modernes ont peu à peu réduits. Valeur patrimoniale Biodiversité et équilibres naturels Par leur présence dans le paysage, le long des bordures ou dans les parcelles cultivées, les mauvaises herbes contribuent à la diversité des paysages. Leur présence diversifiée contribue à la valeur patrimoniale et esthétique des territoires. Les feuilles et les semences des adventices sont consommées par différents animaux, oiseaux ou insectes. Elles ont une place naturelle dans les chaînes alimentaires. Bleuet de nos campagnes et pollinisateur Les fleurs colorées attirent des pollinisateurs. Pendant l’hiver, les semences des mauvaises herbes peuvent jouer un rôle important dans la survie d’oiseaux granivores. De plus la présence de la flore sauvage dans les cultures peut limiter l’érosion, améliorer la structure du sol ou héberger des organismes auxiliaires. « L’important, c’est le tissu vivant de la planète, dont nous faisons partie et dont on dépend, avec ses notions de diversité et d’interactions » Place dans l’inconscient collectif : Quelques exemples Déjà dans l’évangile La hantise du Petit Prince : l’envahissement de sa planète par des boababs «mauvaises herbes» Le blé et la mauvaise herbe Evangile de Saint Matthieu (Mt 13, 24-30) © Succession Antoine de Saint Exupéry … 25 Pendant que les gens dormaient, l’ennemi est venu et a semé la mauvaise herbe au milieu du blé, puis il est parti. 26 Quand le blé en herbe a donné la tige et le grain, les mauvaises herbes aussi sont apparues. 27 Alors les serviteurs du maître de maison sont allés le trouver pour lui dire : Seigneur, n’est-ce pas de la bonne semence que tu as semée dans ton champ ? Et d’où viennent ces mauvaises herbes ? 28 Lui leur dit : C’est un ennemi qui a fait cela. Alors les serviteurs lui demandent : Veux-tu que nous allions les ramasser ? 29 Mais il leur dit : Ne le faites pas ; en ramassant les mauvaises herbes vous pourriez aussi arracher le blé … © Métropole Rennes - 2006 © L’école des loisirs - 1994 - Paris Dans la chanson « Je suis d’la mauvaise herbe, Braves gens, braves gens C’est pas moi qu’on rumine Et c’est pas moi qu’on met en gerbe… Et je m’demande Pourquoi, Bon Dieu, Ca vous dérange que j’vive un peu… » Georges Brassens - La Mauvaise Herbe 8 . 9 Définitions et généralités Proverbes et mauvaises herbes • La mauvaise herbe pousse mieux que la bonne. • Le champ du paresseux est plein de mauvaises herbes. • Ce qu’il y a de plus beau dans les cimetières, ce sont les mauvaises herbes. (Francis Picabia) Quel est leur cycle de végétation ? Un organe de réserve de «vivace» Comment fonctionnent-elles ? Parmi les mauvaises herbes des champs cultivés, on observe une dominance des espèces annuelles, et quelques plantes vivaces adaptées. Les plantes annuelles Les plantes annuelles (vulpin, coquelicot, bleuet, mercuriale… ) représentent environ 80% des espèces des champs cultivés. Elles ont un cycle de développement qui dure moins d’une année et elles ne fleurissent qu’une seule fois. Elles se maintiennent par les semences produites en fin de cycle et qui sont stockées dans le sol (stock de semences). Ces semences peuvent rester vivantes enfouies dans le sol pendant des périodes qui varient de quelques mois (brome) à à quelques années, voire plusieurs dizaines d’années (coquelicot). Ce stock semencier et son évolution doivent être pris en compte dans les stratégies de gestion des mauvaises herbes sur le long terme. Les plantes vivaces Les espèces vivaces peuvent se maintenir dans les champs par leur production de semences mais surtout par leurs organes végétatifs, qui persistent plusieurs années : bulbilles, bulbes, rhizomes, racines. Elles peuvent avoir un fort pouvoir de régénération (chiendent) ou un rhizome très profond avec des réserves (chardon). Les semences : organes de dissémination tant pour les annuelles que pour les vivaces. Le cycle peut être court (plante bisannuelle 2 années) ou peut se poursuivre sur de nombreuses années, certaines espèces ne produisant que rarement des semences. Chardons, carottes, chiendents, liserons, pissenlits, rumex, plantains sont des espèces vivaces très communes dans les zones de culture (exemples ci-dessous). Variabilité de la date de germination de quelques mauvaises herbes Les plantes annuelles ont des caractéristiques biologiques qui leur permettent de s’adapter à des conditions très changeantes. Ceci leur permet de survivre malgré l’ensemble des pratiques de désherbage. Par ailleurs la diversité des adventices fait qu’une partie d’entre elles trouve toujours des conditions favorables à leur développement. Mauvaises herbes et adventices des parcelles cultivées Les espèces sauvages des champs cultivés ont des exigences écologiques qui expliquent en partie leur présence ou leur absence dans les parcelles cultivées. Le climat et la nature du sol d’une part, les pratiques de l’agriculteur d’autre part (date de semis, écartement des rangs de la culture, apports d’engrais) définissent la composition de la communauté des espèces présentes dans une parcelle. Dans les vignes et les vergers … La plus grande stabilité des cultures pérennes permet le développement d’espèces vivaces. En cas de travail du sol, on peut y trouver l’ensemble des espèces adventices. Allium sphaerocephalon L. Ail à tête ronde Dans les bouquets séchés 10 . 11 Présentation de quelques mauvaises herbes Calendula arvensis L. Annuelle Espèce en forte régression Sonchus asper L. Laiteron des champs Semences dispersées par le vent Dans les cultures de printemps et d’été … Espèces qui germent à la sortie de l’hiver dans les premières cultures de printemps (orge, pois et betteraves). Anagallis arvensis L. Mouron rouge Toxiques pour beaucoup d’animaux Solanum nigrum L. Morelle noire Proche de la tomate Espèces qui germent à la faveur du réchauffement du sol et qui supportent un fort ensoleillement (plante héliophile). Dans les maïs, sojas et tournesols. Abutilon theophrasti Med Abutilon d’Avicenne Originaire de Chine Setaria verticillata (L.) P. Beauv. Sétaire sauvage consommée par les oiseaux Dans les cultures d’hiver... Se trouvent des espèces qui germent préférentiellement à l’automne, après le semis de la plante cultivée et qui peuvent résister au froid de l’hiver. Scandix pecten-veneris L. Peigne de Vénus Dans les blés des sols calcaires Papaver rhoeas L. Grand coquelicot Emblématique des blés d‘hiver Avena sativa subsp. fatua L. Avoine folle Très répandue dans les années 1960 dans les blés Dans les prairies et les pâtures … Espèces qui sont favorisées par des conditions de sols tassés ou humides et qui ne sont pas consommées par le bétail (refus) ou pouvant être toxiques. Carduus pycnocephalus L. Chardon à têtes denses Consommées seulement par les ânes 12 . 13 Présentation de quelques mauvaises herbes Rumex obtusifolius L. Colchicum autumnale L. Patience sauvage Redoutée dans les champs et les prairies Colchique d’automne Fleurs à la fin de l’été, feuilles au printemps suivant Mauvaises herbes des zones Taraxacum Sect. Vulgaria Pissenlit urbanisées Espèces qui se développent dans notre environnement proche en profitant des espaces générés par nos activités quotidiennes. Sur nos trottoirs … Dans nos jardins … Mercurialis annua L. Mercuriale annuelle Cardamine hirsuta L. Cardamine hirsute Euphorbia helioscopia L. Euphorbe réveil matin Poa annua L. Senecio vulgaris L. Pâturin annuel Seneçon vulgaire Sur nos pelouses… Stellaria media L. Plantago lanceolata L. Prunella vulgaris L. Mouron des oiseaux Plantago lancéolé Brunelle commune Mauvaises herbes rares ou en voie Centaurea cyanus L. d’extinction Bleuet Espèce emblématique en régression dans l’ouest de la France Ce sont souvent des espèces annuelles, généralement originaires de la zone méditerranéenne ou du Moyen-Orient. Présentes sur notre territoire depuis le début des activités agricoles (archéophytes), leur régression est liée aux changements des pratiques culturales depuis le début du XXème siècle. Elles ont une valeur patrimoniale écologique. Exemple des plantes messicoles ou plantes annuelles des moissons Bromus secalinus subsp Velutinus Brome velouté Plante très rare des moissons Adonis annua L. Adonis d’automne En forte régresson. Utilisée comme cardiotonique Androsace maxima L Androsace des champs Plante d’Europe centrale quasi disparue Legousia speculum veneris (L.) Chaix Miroir de Venus Nommé ainsi en l’honneur du fondateur du jardin botanique de Dijon Le Gouz de Gerland 14 . 15 Présentation de quelques mauvaises herbes Agrostemma githago L. Nielle des blés « Qui couronne le froment » Les semences ont une certaine toxicté Bupleurum rotundifolium L. Plante rare des moissons calcaires Mauvaises herbes voyageuses : les espèces envahissantes Espèces voyageuses et acclimatées en provenance de zones lointaines dont la distribution et/ou l’abondance dans un territoire est en augmentation continue, parfois rapide. Elles posent des problèmes écologiques (menace la biodiversité), agronomiques et parfois de santé publique. Buddleia davidii Arbre à papillons . Asie Importation volontaire XIXème siècle. Toujours vendu © CJBN Ludwigia grandiflora Jussie Plante aquatique des régions tropicales Introduction volontaire © Dutartre Cemagref Fallopia japonica Renouée du Japon . Asie Introduction volontaire © CJBN + Gouvenel Senecio inaequidens Séneçon du Cap Afrique du Sud Importation involontaire XIXème siècle Un exemple récent : l’expansion de l’ambroisie L’ambroisie à feuilles d’armoise (Ambrosia artemisiifolia L., Asteraceae) est une plante annuelle originaire d’Amérique du Nord, introduite à la fin du 19ème siècle. En France, l’ambroisie est particulièrement présente en vallée du Rhône et progresse actuellement vers le nord (Bourgogne) et vers le sud (Languedoc-Roussillon, PACA). L’ambroisie pose d’importants problèmes de santé publique à cause de son pollen allergisant. Dans notre pays, les problèmes d’allergies liés à l’ambroisie sont essentiellement localisés en région RhôneAlpes (8,5 % - 12 % de la population). D’autre part, l’ambroisie est également une adventice qui se développe dans les cultures de tournesol et de soja, ainsi que dans les intercultures, les jachères mal entretenues ou les friches agricoles. Son caractère généraliste lui permet ensuite de pouvoir répondre de manière optimale aux conditions environnementales rencontrées. Dans le contexte actuel, l’ambroisie présente un potentiel d’envahissement considérable en France comme dans le reste de l’Europe. Heracleum mantegazzianum Berce du Caucase photoallergisante Méthodes de lutte contre les mauvaises herbes : un peu d’histoire Depuis toujours, la lutte contre les mauvaises herbes a représenté une part importante du temps de travail, souvent pénible et un coût élevé quel que soit le type de milieux. Les méthodes d’autrefois L’avènement des herbicides Réalisés essentiellement à la main, la fauche, le sarclage ou l’arrachage des adventices étaient des travaux pénibles, réalisés par l’homme et nécessitaient une main d’oeuvre nombreuse. Vers le milieu du XIXème siècle, l’efficacité de produits chimiques en tant que désherbants a été testée sur des végétaux (ex du sulfate de cuivre). Sont expérimentés ensuite de très nombreux produits chimiques tels que des acides, des bases, des sels (chlorate de soude), des engrais (qui brûlent les plantules), le sulfate de fer (encore utilisé contre les mousses), du sel marin, voire même des gaz de combat. Différents outils et méthodes ont été imaginés pour faciliter le travail des ouvriers agricoles. Le but de ces « nouvelles » techniques : diminuer la pénibilité et la quantité du travail des hommes. Le succès de ces techniques est dû notamment à leur efficacité, à leur simplicité, et leur relativement faible coût. Longtemps limité à la herse et au sarclage, le désherbage mécanique par des outils tractés s’est développé en France au début du XXème siècle. Désherbage à l’acide sulfurique Publicité années 1960 - BASF © Rustica, Janvier 1934 Machine facilitant le binage Sarclage manuel par des enfants d’orphelinat agricole Rustica, Août 1933 Historiquement, la jachère (période sans culture favorable à la gestion des mauvaises herbes par la répétition des travaux du sol) a toujours été un bon moyen de gestion des mauvaises herbes. Elle est utilisée depuis longtemps. La rotation des cultures, outre la jachère, comprenait les cultures étouffantes (luzerne) et nettoyantes (sarclées) pour permettre la production de céréales (cultures salissantes). 16 . 17 Evolution des méthodes de lutte Les premiers herbicides « modernes » apparaissent en France après la 2ème guerre mondiale. Entre 1960 et 1990, la diversité et l’usage de ces produits se généralisent, c’est l’âge d’or de la lutte chimique contre les mauvaises herbes. On passe de quelques molécules disponibles à plusieurs dizaines, les doses nécessaires sont beaucoup réduites. Toutes les espèces de mauvaises herbes sont maîtrisées par ces produits. Les techniques agricoles évoluent aussi et simplifient beaucoup le travail de l’agriculteur. La difficulté du désherbage chimique : trouver des produits sélectifs, c’est-à-dire qui tuent les mauvaises herbes et pas les cultures… Une technique efficace mais qui a ses limites A partir des années 1990, la chimie herbicide a connu une relative stagnation, avec peu de nouvelles molécules découvertes et surtout l’apparition de normes environnementales et toxicologiques strictes : beaucoup des produits utilisés ont été retirés. L’utilisation de variétés génétiquement modifiées, qui sont insensibles à un herbicide « total », et donc permettant la régulation des mauvaises herbes avec ce produit, constituent un aboutissement de cette logique du contrôle chimique en zone cultivée. L’apparition de résistances aux herbicides L’ usage systématique et parfois mal approprié des herbicides a eu pour effet de sélectionner des plantes résistantes. Par exemple le 1er cas de résistance aux triazines a été signalé aux USA en 1968. Apparue en France en 1976, elle a concerné jusqu’à 23 espèces dans le maïs, les vignes et les voies ferrées. En 2009 dans le monde, la quasi-totalité des herbicides sont concernés par ce phénomène. . Populations de coquelicots résistants à un herbicide dans un champ de blé . Bande enherbée en bordure de fossé pour limiter le transfert des pesticides dans l’eau . Amarantes résistantes dans une culture de maïs Impact sur la qualité de l’eau et du sol Les résidus d’herbicides sont, parmi les pesticides, ceux que l’on retrouve le plus fréquemment dans les rivières et les nappes phréatiques. Différentes précautions environnementales sont maintenant exigées et visent à réduire les risques de transfert vers les rivières. Conséquences sur la diversité… Avec la modification des pratiques culturales depuis 50 ans, on observe une modification de la composition de la flore adventice : certaines sont favorisées, d’autres défavorisées. De 1970 à 2000, la diversité des espèces des champs cultivés de Côte d’Or a diminué de 40 %. Et demain ? Vers le développement durable Le début du 21ème siècle a été l’occasion de tournants conceptuels importants concernant notamment la protection intégrée et la gestion des biodiversités. On assiste actuellement à une réconciliation progressive des agricultures, des territoires et du développement durable. Deux éléments principaux sont pris en compte en agriculture : 1 - Face à la demande croissante (9 milliards d’hommes à nourrir vers 2050), nécessité d’assurer une production suffisante et de qualité. 2 - Préserver voire améliorer la qualité de l’environnement. S’engager dans les suites du Grenelle de l’Environnement. On cherche à utiliser des systèmes agricoles innovants, à développer des pratiques de gestion des mauvaises herbes plus respectueuses de l’environnement, réduisant l’usage des herbicides. Des solutions existent, explorées en recherche, notamment la protection intégrée. Doit-on imaginer comme le font certains une agriculture modulable, avec des zones de forte production pour assurer une indispensable sécurité alimentaire mondiale et des zones « vertes » de gestion territoriale de proximité ? Il y a adaptation progressive des systèmes agricoles à de nouveaux modes de gestion. Ceci ne peut se faire sans une évolution en parallèle des systèmes d’aides publiques. Quels choix de société pour demain ? Comment promouvoir toutes les techniques alternatives disponibles en appoint, notamment l’agriculture biologique ? La Protection Intégrée ( PI ) L’amélioration de la PI est l’objet de recherches actuelles : • Est-ce que ça marche ? Oui. Les résultats d’essais montrent qu’on peut encore réduire l’usage des herbicides. • Est-ce que c’est facile à mettre en oeuvre par les agriculteurs? Pas forcément. La diversification des cultures et des techniques complexifie l’activité agricole, et notamment nécessite de trouver des débouchés rentables pour les cultures nouvelles. 18 . 19 Evolution des méthodes de lutte Objectif : limiter l’usage d’herbicide autant que possible. Moyen : combiner toutes les méthodes agronomiques limitant les infestations. • Diversifier les cultures pour éviter de sélectionner les espèces adventices les plus adaptées à une culture donnée. • Gérer le stock de semences du sol, le labour enfouit les semences en profondeur le travail du sol superficiel réduit le stock semencier de surface …mais le semis direct sans travail du sol limite aussi les levées d’adventices. • Esquiver les périodes de levées en modifiant les périodes de semis. • Augmenter la compétitivité des cultures en semant des variétés hautes, luxuriantes, à forte densité, en rangs resserrés. • Désherbage curatif non chimique désherbage mécanique. • Désherbage chimique en dernier recours par exemple uniquement sur le rang, en complément de désherbage mécanique des inter-rangs. Un aperçu des méthodes non chimiques de désherbage à effet partiel Insuffisamment efficaces, elles ne peuvent assurer seules la maîtrise des infestations. Elles doivent être impérativement couplées à d’autres moyens agronomiques. Essentiellement désherbage mécanique • Avantages : pas de résidus de pesticides dans l’environnement. • Inconvénients : efficacité limitée aux petites plantules nécessite un sol bien sec besoin d’équipement spécifique temps de travail plus élevé que le chimique coût énergétique, émission de CO2 mais le coût énergétique reste faible par rapport aux autres intrants agricoles (engrais, émissions de N2O au champ). Mais aussi… • désherbage thermique coût énergétique élevé. • mulchs plastiques (production légumière) problème de gestion des déchets. Les apports de l’écologie des paysages Les recherches menées en écologie du paysage mettent en évidence qu’un paysage diversifié et complexe est plus à même d’abriter une flore adventice plus diverse et des communautés plus équilibrées : exemple des bords de champ, des bordures herbacées… Les recherches actuelles visent à une meilleure compréhension de la dynamique de la flore adventice à cette échelle. De ces études pourront émerger une meilleure articulation entre écologie et agronomie, l’adaptation des méthodes de gestion agricoles, en prenant en compte aussi la gestion des biodiversités et des territoires. Désherbage thermique à la vapeur et à la flamme © Club AgriAvenir // Herse étrille, outil popularisé par l’agriculture bio en céréales Houe rotative // Bineuse // Bineuse ‘à doigts’ // Sarclage Manuel en maraîchage bio // Mulchs L’agriculture biologique Elle propose, pour réduire la pollution, d’utiliser les alternatives agronomiques et mécaniques à l’utilisation des herbicides de synthèse. Pour l’instant, seuls quelques % de la surface agricole française est en bio. Cette proportion est nettement plus élevée dans certains autres pays européens (une dizaine de %), qui ont choisi d’aider plus massivement cette filière. Toutefois ce système n’est pas généralisable à l’ensemble de la production et des exploitations. Ce type d’agriculture est également plus sensible aux aléas climatiques et plus demandeuse de travail. Pour lutter contre les mauvaises herbes des cultures, il est possible d’utiliser des techniques de gestion curative (désherbages mécanique ou thermique) mais l’essentiel consiste à gérer, de manière préventive, l’apparition des mauvaises herbes. Le recours au désherbage manuel dans ce type d’agriculture n’est pas exclu. En agriculture biologique, il restera toujours quelques mauvaises herbes dans les parcelles de culture mais le milieu restera exempt de pesticides.