préoccupations. Mais si Kant déduit ce principe de manière transcendantale, Nkrumah
lui, part d’un constat social traditionnel en Afrique : l’égalitarisme. A partir d’un pareil
point de vue Nkrumah arrive à un principe idéaliste par une voie hautement
matérialiste. La société africaine prône l’égalitarisme ; or que stipule l’égalitarisme si
ce n’est que tous les hommes sont égaux, ou, en termes kantiens, que l’homme est la
valeur suprême, c’est-à-dire qu’il ne peut – et ne doit – en aucune façon être traité
comme un simple moyen, mais toujours comme une fin. A partir de là, Nkrumah peut
penser – de façon légitime – qu’une bonne partie de l’Afrique traditionnelle est
kantienne[9]. Par contre, dans le capitalisme et ses résidus, notamment l’impérialisme,
le colonialisme et le néocolonialisme, l’homme est considéré comme une fin pour
atteindre l’objectif ultime de cette doctrine : la recherche de l’intérêt. Ici, nous voyons
donc l’incompatibilité du principe moral du Consciencisme – et de l’Afrique
traditionnelle – avec le capitalisme. C’est pourquoi Nkrumah pense que le salut de
l’Afrique ne se fera autrement que dans le socialisme scientifique, c’est-à-dire le
communisme atténué. Nous pouvons toutefois discuter ce principe, non sur sa forme,
mais sur son application au Consciencisme, car rappelons-le, le Consciencisme est
une philosophie et une idéologie pour la décolonisation de l’Afrique – et de tous les
territoires dominés en général –. Ici, le but ultime, la fin en soi, n’est pas l’homme en
tant qu’il est homme, car les impérialistes sont aussi des hommes comme les Africains
qu’ils oppriment, mais le développent. Et toutes les forces vives, c’est-à-dire les
hommes sont utilisés pour arriver à cet objectif ultime. En clair, ils sont utilisés comme
des moyens pour atteindre la fin ultime de la philosophie du Consciencisme. De plus,
si le Consciencisme sert l’Afrique, il désert inévitablement ce qui n’est pas l’Afrique car
le développement est essentiellement un mouvement dialectique en ceci que la partie
qui se développe se développe sur le sous-développement de l’autre ou en sous-
développant l’autre. En termes plus clair, quand certains hommes sont des fins,
d’autres sont les moyens de cette fin, de sorte qu’à aucun moment de la tension du
développement ce principe ne soit totalement – universellement – applicable. Mais
Nkrumah, en bon dialecticien, ne cristallise pas la pensée, il pose plutôt que, le principe
moral étant posé, « Les règles morales peuvent, et même doivent, changer »[10] car
elles « Dépendent du stade atteint par la société dans son évolution historique »[11].