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De l'« universalité » européenne du français au XVIIIe siècle : retour sur les représentations et les réalités

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DE L'« UNIVERSALITÉ » EUROPÉENNE DU FRANÇAIS AU XVIIIE
SIÈCLE : RETOUR SUR LES REPRÉSENTATIONS ET LES RÉALITÉS
Armand Colin | « Langue française »
2010/3 n° 167 | pages 13 à 29
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ISBN 9782200926458
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Gilles Siouffi
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De l’« universalité » européenne du français au
XVIII e siècle : retour sur les représentations et les
réalités
1. INTRODUCTION
S’interroger sur la place du français « au milieu des langues » ou « au contact
des langues » dans un contexte élargi comme peut l’être celui de l’Europe au
XVIIIe siècle amène nécessairement à revenir sur la représentation, encore courante aujourd’hui en France, d’une langue française très répandue, embrassée
avec enthousiasme par les individus cultivés comme par les puissants, et affirmée consensuellement comme « universelle ». Cette vision, qui a pu parfois
nourrir en France une gloire bien vaine, mérite d’être, sinon totalement corrigée,
tout au moins fortement relativisée. Surtout, elle nous amène à nous interroger
sur la conception exclusive et hégémoniste que nous nous faisons d’une langue,
dès lors que celle-ci est adoptée hors des frontières comme langue de culture
dans certains usages.
Dans les pages qui suivent, nous montrerons que ces représentations, qui
ont la cohésion et la constance d’un stéréotype, voire d’un « idéologème », pour
reprendre le néologisme fameux de J. Kristeva, reposent sur un petit nombre
de textes souvent interprétés de manière abusive et rarement confrontés aux
réalités. Il en est ainsi du trop fameux discours d’A. de Rivarol, auquel le titre
de cet article fait écho, et dont le sens et la place peuvent aujourd’hui être
entièrement revus, grâce à des travaux récents. Il s’agira aussi de nuancer –
par quelques exemples significatifs – le tableau aux couleurs brillantes qu’une
certaine historiographie nous a légué de la « francophonie » en Europe au
XVIIIe siècle, en attirant l’attention sur de nombreux facteurs limitants, souvent
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Université Paul Valéry – Montpellier 3 & Laboratoire DIPRALANG (EA 739)
Le français au contact des langues : histoire, sociolinguistique, didactique
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Au-delà de ces mises au point, à l’heure où la problématique de l’« universalité » revient en force dans le contexte médiatique, et même scientifique,
avec cette fois l’anglais pour objet focal, un regard rétrospectif sur ce qui s’est
passé en Europe autour du français oblige à reposer quelques grandes questions
sur le statut des « langues » dès lors que certains de leurs usages sortent du
seul contexte territorial. La diffusion d’une langue comme le français hors des
frontières autorise-t-elle à parler, de L.-A. Caraccioli dans le titre d’un ouvrage
paru en 1776 à L. Réau (1938), d’une « Europe française » ? De « francisation » ?
Peut-on aussi rapidement faire le lien entre usage linguistique (et quel usage ?)
et culture ? Cette diffusion peut-elle être pensée en termes d’« influence », de
« rayonnement » ? Ou n’est-on pas, au contraire, à une époque où s’inventent de
nouvelles cultures dé-territorialisées, beaucoup plus complexes, et difficilement
réductibles à l’interprétation unilatérale qu’une certaine tradition nationaliste a
voulu leur donner ?
Dans une contribution récente à un séminaire de recherches autour de la
notion de multiculturalité au XVIIIe siècle, H.-J. Lüsenbrink écrit :
Sa modernité [du XVIIIe siècle] réside [...] dans le fait que nombre de problèmes
posés par le multiculturalisme contemporain, telles les relations entre colonisateur
et colonisés, entre minorités exilées et majorité assimilatrice, ou encore entre langues
dominante – en l’occurrence le français – et langues minoritaires, mais de plus en plus
résistantes et sûres d’elles-mêmes, rencontrèrent au XVIIIe siècle leur première forme
de théorisation philosophique et politique. (Gonthier & Sandrier (éds), 2007 : 24)
Il s’agit alors de poser la possibilité d’une nouvelle manière de voir un processus historiquement situé – en l’occurrence la présence du français « au milieu
des langues » au XVIIIe siècle ; de se demander pourquoi on a ainsi oblitéré
l’évidence d’un nouveau colinguisme international, prenant la place de celui,
étudié par R. Balibar, qui était auparavant à l’œuvre entre le latin et les langues
modernes, et pourquoi on a ainsi négligé la spécificité de la langue de culture,
dans les dynamiques linguistiques, spécificité dont l’analyse pourrait nous être
si utile aujourd’hui.
2. DES REPRÉSENTATIONS AUX RÉALITÉS
Tout d’abord, un retour sur les représentations. Sur quoi s’appuie la vision
que nous avons d’un français « langue européenne », sinon « universelle », au
1. Voir Caussat et al. (1996), Thiesse (1999), Bell (2001) et Anderson (2002).
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passés sous silence, et en montrant que cette « francophonie » s’insère, en fait,
dans le cadre plus large d’un plurilinguisme pragmatique et culturel assez
éloigné de la manière avec laquelle un certain XIXe siècle nous a habitué à
circonscrire les langues à des territoires, à des nations, à des groupes sociaux, à
des usages, ou à des politiques linguistiques 1 .
De l’« universalité » européenne du français au XVIIIe siècle
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L’idée que le français « mérite » ou « mériterait » d’être « la langue universelle de l’Europe » est déjà présente à la fin du XVIIe siècle, moment où la diffusion du français, surtout en Europe du Nord, n’en est encore qu’à ses débuts.
Les textes ne sont alors souvent nourris que de rêveries, généralisations à partir
d’un ou deux faits, raisonnements à forte teneur spéculative... On cite souvent
ceux de D. Bouhours 2 , L. Le Laboureur 3 et P. Bayle 4 . La plupart du temps, l’intention de propagande politique éclate, dans la mesure où les analyses reposent
sur l’idée sous-jacente d’une translatio imperii entre la Rome antique et les États
modernes, États entre lesquels existe une concurrence évidente.
Quelques décennies plus tard, Voltaire est un jalon important de la popularisation de cette doxa : on peut citer des pages du Siècle de Louis XIV, du Dictionnaire philosophique, ou de l’article « Français » de L’Encyclopédie. Autour de 1750,
forts de quelques témoignages ou de quelques éléments factuels nouveaux, les
commentateurs sont volontiers triomphalistes. Parmi les textes emblématiques,
citons l’article « Langue » de L’Encyclopédie, dû à Beauzée :
Si quelqu’autre langue que la latine devient jamais l’idiome commun des savans de
l’Europe, la langue françoise doit avoir l’honneur de cette préférence : elle a déjà les
suffrages de toutes les cours où on la parle presque comme à Versailles : et il ne faut
pas douter que ce goût universel ne soit dû autant aux richesses de notre littérature
qu’à l’influence de notre gouvernement sur la politique générale de l’Europe.
Ou la préface du dictionnaire de Trévoux de 1771 :
Notre Langue est devenue la Langue politique de l’Europe. Cette distinction, qui ne
peut être attribuée qu’au génie ou au caractère de la Langue Françoise, suffiroit pour
démontrer combien sa marche a paru simple & naturelle ; avec quelle netteté, quelle
aisance les idées s’y produisent, & se rangent dans la progression la plus analogue aux
procédés de l’entendement ; combien ses phrases & ses expressions sont claires ; enfin
combien son étendue & sa souplesse la rendent propre à traiter, même élégamment,
toutes les matières.
Ces deux textes sont d’une certaine manière complémentaires, car, dans le
premier, la perspective d’un français « universel » est encore projetée dans le
2. Voir Bouhours (2003 : 104-106). Notons, par exemple, cette phrase spécieuse : « Il n’y a guère de pays
dans l’Europe où l’on n’entende le français » (op. cit. : 106).
3. « Si vous aviez été dans les cours du Nord, vous sauriez que la langue française y est naturalisée, et que
tous les princes et toute la noblesse la parlent plus souvent et plus volontiers que la leur » (Le Laboureur,
1667 : 11).
4. Dans Les Nouvelles de la République des Lettres, 1685.
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XVIIIe siècle ? Essentiellement, sur toute une série de textes apologétiques, dont
la liste est impossible à faire ici, la plupart émanant de commentateurs français,
et souvent peu nourris par les faits ; sur une focalisation autour de quelques
fortes personnalités emblématiques dont il est passionnant de raconter l’histoire
(Fumaroli 2001) ; et sur l’idée, assez manipulée, d’une langue française devenue
« langue des traités » et, plus généralement, « langue diplomatique » en Europe.
Le français au contact des langues : histoire, sociolinguistique, didactique
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L’épisode le plus marquant dans les représentations est néanmoins le
concours proposé en 1782 par l’Académie de Berlin et à l’occasion duquel
furent posées les questions : « Qu’est-ce qui a rendu la langue française la
langue universelle de l’Europe ? Par où mérite-t-elle cette prérogative ? Peut-on
présumer qu’elle la conserve ? ». À ce concours est malheureusement resté
attaché, en France, le nom exclusif d’A. de Rivarol, l’un des deux récipiendaires
du prix. Son texte brillant, émaillé de formules marquantes, a été publié quasi
immédiatement en France (chez Bailly & Dessenne, 1784, en même temps que
l’édition de Berlin de la même année) et a souvent été réédité par la suite en
volume séparé 5 . Pour autant, s’il est indiscutablement la marque d’un polémiste
talentueux, on doit reconnaître qu’il repose presque entièrement sur la recherche
de fallacieux arguments internes (la « clarté », l’« ordre direct », la répugnance
aux métaphores, etc.) et ne résiste pas à un point de vue linguistique sérieux.
Considéré par tous les commentateurs informés d’aujourd’hui comme un simple
rideau de fumée, expression d’un chauvinisme superficiel (F. Brunot parlait
d’« illusionniste »), il continue pourtant de jouir en France d’une réputation
imméritée et sert toujours d’élément probant dans la doxa sur le français en
Europe au XVIIIe siècle. G. Haßler (2001) relève que même un Claude Hagège,
dans Le français et les siècles (1987), ou un Alain Finkielkraut relaient au premier
degré ce qu’ils lisent, dans le texte d’A. de Rivarol, comme un constat irréfutable ; pour mieux y opposer, sans doute, une situation contemporaine de perte
d’influence par rapport à l’anglais. La consultation des discours académiques
récents montre que la référence à Rivarol y constitue toujours un passage obligé ;
et celle des sites Internet dans lesquels le nom d’A. de Rivarol est évoqué révèle
que, même dans des sites pédagogiques – parfois universitaires –, son nom reste
souvent invoqué pour attester et emblématiser cette supposée « universalité ».
Il y a là un gauchissement qui, comme le souligne F. G. Henry, l’éditeur
récent du texte de J.-C. Schwab (2005), demande « rectification », et d’abord
rectification historique. F. Brunot l’avait déjà noté, et des travaux allemands, malheureusement peu connus en France (Ricken 1974 ; Storost 1994 ; Haßler 2001)
le confirment : il nous faut entièrement revoir l’histoire du concours de Berlin.
On sait par exemple (Storost, 1994 : 432) que le prix avait été à l’origine destiné
au seul J.-C. Schwab, dont le mémoire est à l’évidence supérieur, et que ce n’est
qu’une intervention personnelle du prince Henri, frère de Frédéric II, qui amena
cette situation d’ex-aequo.
5. À titre d’exemples, les éditions de Th. Suran (Paris/Toulouse, 1930), M. Favergeau (1936), H. Juin (Paris,
Belfond, 1966) ; ou encore, plus récemment, Paris, Obsidiane (1991), ou Paris, Arléa (1991), préface de Jean
Dutourd...
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futur, tandis que les arguments déployés sont d’ordre culturel (la littérature)
et politique, alors que, dans le second, l’universalité du français, constatée au
présent, est défendue au moyen d’arguments essentiellement internes (« génie
de la langue »).
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On sait également que les questions furent choisies – non sans polémiques,
d’ailleurs (voir Ricken 1974) – dans un contexte de réticence forte à l’égard du
français, et s’appuyaient moins sur l’évidence d’un constat qu’elles ne mettaient
en mots un problème. Nous possédons de nombreux témoignages qui montrent
que la faveur dans laquelle le français était tenu dans l’entourage de Frédéric
suscitait en Allemagne à l’époque une vive hostilité. Certains se demandent
(Pénisson 1996) si l’objectif de l’Académie n’était pas, en réalité, d’appeler des
défenses de l’allemand. Pour eux, la réponse d’A. de Rivarol a embarrassé le jury,
dans la mesure où elle ne répondait visiblement pas à ses attentes (ibid.). Et, sans
doute, dans l’histoire de la culture du français en Allemagne au XVIIIe siècle,
le rôle personnel de Frédéric II doit-il être tenu pour essentiel. En 1780, il avait
publié De la littérature allemande, des défauts qu’on peut lui reprocher, quelles en
sont les causes, & par quels moyens on peut les corriger (Berlin, Decker), qui avait
mécontenté les intellectuels. Il faut dire que ces années sont des années de plein
épanouissement pour la littérature allemande. En 1786, peu de temps après le
concours, Frédéric II va mourir, et l’idée que le français est une langue d’avenir
va totalement reculer au profit de l’allemand, désormais pleinement valorisé 6 .
La phase de l’Entfranzösierung stigmatisée est alors terminée.
Par ailleurs, aujourd’hui, depuis que bon nombre des réponses au concours
ont été publiées (un total de vingt-deux) 7 , nous pouvons avoir un regard plus
objectif sur ce concours.
Ainsi, à la différence d’A. de Rivarol, l’aspect « externe » de l’analyse représente le point focal de nombreux textes, comme ceux de F. T. Chastel, P. Villaume,
E. Mayet, F. M. Grimm, et surtout du professeur de philosophie J.-C. Schwab
(1743-1821). Les deux questions essentielles qui se posent à tous ces observateurs sont, d’une part le lien entre langue et mœurs – « qualités du peuple »
comme le dit J.-C. Schwab ([Académie de Berlin] 1995 : 256) –, donc une question de civilisation, question qui passionne ces dernières années du XVIIIe siècle
et, d’autre part, celle des « rapports politiques d’[un] peuple avec les autres
nations » (ibid.). Les commentateurs se révèlent alors parfaitement conscients
des enjeux politiques et sociaux qui peuvent entourer ce statut particulier du
français. Par ailleurs, le parallèle fait avec la place précédemment occupée par le
latin renvoie à une interrogation profonde quant à ce qu’est, profondément, une
langue véhiculaire. Celle-ci doit-elle être considérée comme « universelle » ?
La question de la « perfection » des langues est également au centre de plusieurs réponses, C. Euler, le fils du mathématicien, qui est par ailleurs pessimiste
quant aux chances du français de « conserver cette position », étant le seul,
6. En 1792, un nouveau concours sera proposé par l’Académie, portant cette fois-ci sur la comparaison des
langues, et c’est un prêtre berlinois, Daniel Jenisch, qui remporta le prix en défendant l’allemand (voir Haßler,
2001 : 80).
7. Voir, outre Schwab (2005), les huit réponses rédigées en français dans [Académie de Berlin] 1995, ainsi
que les textes allemands traduits et publiés par Pénisson (1996), et le texte de Goyon d’Arzac (1783 [2000]).
Voir également l’introduction à ce volume sur les circonstances du concours en général.
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De l’« universalité » européenne du français au XVIIIe siècle
semble-t-il, à considérer qu’il n’est nul besoin de « perfection » d’une langue
pour qu’on exprime une préférence ([Académie de Berlin] 1995 : 45). Tous ne
défendent pas non plus le français. J. A. Eberhard, par exemple, autre contributeur, défend l’allemand, en proposant l’idée, en avance d’un siècle, d’une nécessaire unification politique, prélude à la valorisation de la langue ; J.-C. Schwab,
qui défend le français, répond à la dernière question posée en estimant que c’est
plutôt l’anglais qui, à terme, a des chances de s’imposer.
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Enfin, pour ce qui est du discours d’A. de Rivarol, il convient également
de rappeler qu’il suscita en France de vives réserves, les grammairiens Garat
(dans le Mercure de France, août 1785) et Domergue (Le Journal de la langue
française) critiquant l’assimilation faite par A. de Rivarol entre « ordre des mots »
et « clarté ».
Malgré ces critiques et celles d’autres commentateurs par la suite, le
texte d’A. de Rivarol est resté célèbre en France, et fréquemment invoqué au
XIXe siècle, dans les dictionnaires, les grammaires, parfois les grammaires de
« français langue étrangère », comme un texte faisant la preuve des légitimes
prétentions du français à être langue véhiculaire en Europe. Il apparaît ainsi
comme un pilier essentiel de l’imaginaire linguistique des Français, si nous
entendons par là un ensemble de représentations plus ou moins explicitées
consolidant la forme de « sécurité linguistique » – ou de « sur-sécurité » – que le
locuteur d’une langue se construit parfois dans ses usages, face aux possibles
insécurités. Un livre paru en 1988 (Beauce) sur la diversité des usages du français
aujourd’hui s’inscrit significativement dans cette filiation en choisissant pour
titre Nouveau discours sur l’universalité de la langue française, alors que le propos
témoigne d’un assez net recul par rapport au texte d’A. de Rivarol.
3. UN FRANÇAIS MOINS « UNIVERSEL » QU’ON NE CROIT
Face à ces représentations insistantes, mener l’enquête sur les réalités de l’usage
du français en Europe au XVIIIe siècle est, aussi curieux que cela puisse paraître,
beaucoup plus difficile que l’on ne pourrait croire. Les travaux sont rares, les
situations très diverses, les phénomènes parfois épisodiques. Par ailleurs, on
manque de données quantitatives sur les usages réels du français. Les deux types
de données les plus couramment exploitées sont les témoignages individuels
(correspondances, etc.) et les catalogues de livres, auxquels il faut adjoindre les
publications périodiques paraissant en langue française à l’étranger.
Sans pouvoir bien évidemment proposer ici un panorama représentatif de
la situation 8 , nous nous contenterons de corriger quelques idées reçues sur les
usages du français dans sa géographie, sa temporalité et sa perception, à partir
d’exemples emblématiques.
8. Nous nous permettons de renvoyer, pour plus de développements, à Rey, Duval & Siouffi (2007 : 822-844).
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Le français au contact des langues : histoire, sociolinguistique, didactique
De l’« universalité » européenne du français au XVIIIe siècle
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En Espagne, par exemple, la réception du français fut très problématique.
L’Espagne ayant refusé d’accueillir les réfugiés huguenots et ayant chassé une
partie des nobles espions que le royaume français y avait envoyés, restaient
essentiellement, comme présence française, des artisans et des gens de théâtre.
Pour autant, une certaine « mode » du français régna dans la société vers le
milieu du siècle, souvent taxée de ridicule (voir la farce du Père Isla, Fray
Gerundio, 1757). Mais, à la langue française est souvent associée la diffusion
des idées des philosophes, sévèrement contrôlée. Et, au plan de la représentation
symbolique des langues, les éloges du français qui parsèment de façon parfois
appuyée les grammaires et manuels utilisées dans le pays suscitent bien vite des
réactions de défense, illustrées par exemple par l’attitude d’un de Capmany 9 ,
qui, académicien en 1775 et francisant, évoluera d’une attitude assez ouverte sur
les relations entre langues (Discursos analiticos sobre la formación y perfecció de las
lenguas, 1773) à un discours anti-français virulent, surtout, naturellement, après
l’invasion napoléonienne (Centinela contra franceses, 1808). La société se ligue
alors contre les afrancesados. Au total, l’Espagne au XVIIIe siècle paraît une terre
où la langue française a été moins représentée qu’on ne le pense ordinairement,
et où une forte « francophobie » s’est finalement développée.
La situation côté italien n’est pas non plus très favorable au français, au
XVIIIe siècle. Une polémique a agité dans les premières décennies littérateurs et
poéticiens autour des mérites comparés de la langue française et de la langue
italienne 10 . Certes, il y eut quelques grandes figures comme C. Goldoni ou
Casanova, qui poussèrent le goût pour le français jusqu’à écrire dans cette langue,
et il y eut de très nombreux échanges entre l’Italie du Nord et la France, mais,
d’une part, l’Italie du Sud resta relativement à l’écart de ces contacts, d’autre
part, ici comme ailleurs, une certaine francophobie ne tarda pas à se développer,
dont on cite souvent comme témoignage le Misogallo (1798) du grand poète
V. Alfieri, lui aussi écrit en réaction aux événements politiques, mais exploitant
des sentiments déjà bien ancrés dans la société.
Pour ce qui est à présent de la diffusion du français en Europe du Nord, les
principales causes externes ont été maintes fois citées : expulsion des huguenots,
souvent contraints pour vivre de chercher des places de précepteurs dans de
riches familles ou à ouvrir des écoles de français, vitalité des presses hollandaises
en français, parfois plus agressives et plus efficaces que les presses françaises
pour diffuser à l’étranger, politique diplomatique de Louis XV, multiplication
des contacts intellectuels et des correspondances, conjonction d’une série d’initiatives particulières (Frédéric II), à quoi il faut ajouter l’importance des liens
9. Voir Etienvre (2001).
10. Voir Viola (2001).
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Du côté de la géographie, tout d’abord, il convient de rappeler que la situation
en Europe du Nord et en Europe méridionale est à l’époque très différente – ce
qui avait été relevé par les commentateurs français de l’époque.
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En Angleterre, pays où le français était très bien représenté à date ancienne,
le XVIIIe siècle se signale par exemple plutôt par un recul. Après une grande
vogue au début du siècle, les écoles françaises rencontrèrent moins de succès,
tandis que se maintenait, à l’inverse, la tradition du voyage en France, pour les
jeunes hommes de bonne famille, tradition doublée par les échanges fréquents
dans le milieu intellectuel (H. Walpole, L. Chesterfield, L. Sterne). En Allemagne
(voir M. Böhm in Gonthier & Sandrier (2007 : 53-71) et son abondante bibliographie), une partie significative des réfugiés (on connaît le mot méprisant de
Voltaire sur leur « style émigré ») a perdu ses usages d’origine et s’est convertie
à l’allemand (tandis qu’une autre partie maintiendra, au contraire, la présence
du français pendant encore au moins un siècle). L’activité éditoriale (notamment
des gazettes) est en revanche très importante.
Quant à la Russie, les travaux de V. Rjéoutski 11 viennent combler un manque
assez étonnant du côté de l’histoire sociale. Ils confirment qu’avant le règne
d’E. Petrovna (1709-1761), c’était surtout l’allemand qui était représenté en Russie, et que la présence du français pouvait être considérée comme quasi nulle.
Ensuite, la Russie est sans doute le pays où la langue française fut promue
avec le plus de vigueur. Notons toutefois que son cas est un peu particulier : il
s’agit d’un pays où le latin n’a jamais été vraiment utilisé, et où un vernaculaire
moderne standardisé n’existant pas encore, une véritable « niche linguistique »,
si l’on peut s’exprimer ainsi, paraissait libre. Comme nous le verrons, elle ne fut
pas occupée par le seul français.
Pour ce qui est de l’empan chronologique durant lequel le français fut en
expansion en Europe, on doit se rendre à l’évidence : il est en réalité remarquablement réduit (trois décennies peut-être). On cite souvent la lettre de Voltaire au
danseur Novere en 1764 : « Nous ne sommes plus dans ces temps où la langue
française donnait des exemples à l’Europe ». Il y a à cela, à nouveau, plusieurs
11. Auteur d’une thèse en 2003 sur L’histoire de la communauté francophone en Russie au XVIIIe siècledébut du XIXe siècle, Rjéoutski pilote avec Mézin un projet international (en partenariat avec l’Université de
Paris IV et l’EHESS) sur « Les Français en Russie au XVIIIe siècle » devant déboucher sur un « dictionnaire
biographique ». Voir également Poussou, Mézin & Perret-Gentil (2004).
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maçons, récemment étudiée par P.-Y. Beaurepaire... L’addition de tous ces facteurs dessine un paysage complexe, où des focalisations autour de certaines
situations très voyantes et emblématiques – souvent parce qu’elles impliquent
les puissants ou de fortes personnalités intellectuelles – occultent des réalités
moins faciles à cerner et souvent décevantes pour ce qui est de la présence
effective du français.
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Quant aux traités de paix, la place qu’y a occupée le français a été relativisée
à date déjà ancienne. L’usage du latin a commencé à être critiqué, à partir du
traité de Westphalie (1648) dans la mesure où il paraissait moins une langue
véhiculaire que la langue du Saint Empire ; mais il est inexact d’avancer que le
français le remplaça comme langue véhiculaire. Il ne fut avancé au début par
les Français qu’à titre de langue nationale, de la même façon que chacun des
autres pays avança la sienne (jusqu’au danois). L’espace des traités de paix au
XVIIe siècle et au début du XVIIIe siècle est un espace plurilingue. F. Brunot
cite intégralement le texte qui, mal interprété, entretint la « légende » (c’est
son mot) que le traité de Nimègue (1678) fut rédigé en français. L’essentiel des
pièces est en latin, d’après l’historien, qui est allé consulter les documents aux
Archives du Ministère des Affaires Étrangères. De même pour celui d’Utrecht,
qui, partiellement rédigé en français, fut publié, comme il était courant à l’époque
en plusieurs langues : en l’occurrence en anglais, espagnol et latin. Celui de
Rastatt (1714) a, lui, bien été écrit en français, mais pour des raisons qu’on
juge accidentelles (Seguin in Chaurand, 2002 : 251), l’ignorance du latin par le
maréchal de Villars essentiellement. Notons, en outre, que le prince Eugène
avait fait expressément stipuler qu’en aucun cas la rédaction de ce traité en
français ne devait constituer un précédent. Finalement, ne peuvent guère être
considérés que les préliminaires de la convention de Vienne (1736) et le traité
d’Aix-la-Chapelle (1748). Mais, chaque fois, il est bien spécifié en note que l’usage
du français ne pourrait en aucun cas être la règle. Il est juste, en revanche,
d’affirmer que le français eut une présence diplomatique importante en Europe
au XVIIIe siècle, par le fait d’une politique française consistant à envoyer de très
nombreux émissaires, de l’ambassadeur officiel à l’espion ; et par le fait que le
latin fut progressivement abandonné dans les correspondances diplomatiques.
Pour autant, même dans ce domaine, il semble que l’historiographie ait parfois
monté en épingle des cas isolés qui n’ont pas toujours connu de suite.
Au total, l’histoire linguistique des traités est assez révélatrice des dynamiques alors à l’œuvre. Souvent interprétée dans le sens de la mise en place
univoque d’une « langue de travail », qui aurait supplanté le latin, le français,
elle s’apparente dans un premier temps à une « guerre linguistique » entre des
nations qui veulent défendre leurs intérêts et leur présence symbolique, puis à
l’acceptation d’une pluralité d’usages oscillant entre exigence de traduction et
accès à la langue de l’autre.
12. Dans beaucoup de pays, « francophobie » et « francophilie » marchent de pair ; en Allemagne, dès la fin
du XVIIe siècle. Voir la Nachahmung der Franzosen de Christian Thomasius (1687) et le Discours sur l’usage
de la langue française en Allemagne de Westenholz (1713).
13. L’importance de l’anglais, surtout, a été occultée en France. Voir Grieder (1985).
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facteurs : l’assimilation des communautés « huguenotes » ; la montée des « francophobies » plus ou moins plaisantes 12 ; la guerre de sept ans (1756-1763 ; voir
Beaurepaire, 2007 : 190-212) ; la montée de l’anglais et de l’allemand 13 .
Le français au contact des langues : histoire, sociolinguistique, didactique
Au-delà des relativisations factuelles, dont on comprendra qu’elles ont essentiellement ici pour propos d’aider à dissiper certaines des « illusions », pour
reprendre le mot peut-être un peu fort de F. Brunot, dans lesquelles nous ont
bercés les textes apologétiques, l’essentiel, en fait, est de modifier le regard que
nous portons sur les dynamiques qui se jouent autour de la langue, dès lors que
celle-ci devient une langue choisie.
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L’examen des réalités nous conduit ainsi à mettre à distance la double présupposition, qui se construit alors en France, d’un unilinguisme idéal du point
de vue du locuteur, et de la couverture totale, par la langue choisie, des réalités
du monde à décrire (l’idée selon laquelle les langues doivent tout dire, et qu’il
leur faut des mots pour tout). Tandis que la seconde moitié du XVIIe siècle et la
première moitié du XVIIIe siècle ont pu encore vivre sur une certaine idéalisation
du latin « langue totale » (voir Waquet 1998), à partir de 1750, ses usages ne sont
plus que des reliques, dans des mondes scientifiques isolés, ou qui ont tendance
à se marginaliser. Partout, le choix des langues vernaculaires gagne du terrain,
que celles-ci soient suffisamment équipées ou seulement en passe de l’être. Pour
autant, l’impact dans les représentations de cette défunte « universalité » du
latin reste grand.
Cet effacement va ainsi ouvrir la voie à une interrogation profonde sur ce
qu’est une langue, sur son rôle, sur sa couverture ; de même qu’il va susciter
l’apparition d’une problématique nouvelle dans l’équilibre des langues : celle
de la reconnaissance. À l’interrogation philologique (d’où viennent les langues
modernes de l’Europe ? quels sont leurs liens, leurs rapports ?) s’est superposé
un étonnant jeu de miroirs mettant en scène les images que les différentes traditions linguistiques ont les unes des autres. Ce jeu d’images, de discours, de
représentations, n’a fait que prendre de l’ampleur au XVIIe siècle, suscitant de
nombreuses polémiques.
Pour autant, l’idéologie de l’unilinguisme (abritée derrière l’idée de langue
commune), sans doute influencée par l’usage du latin, reste présente chez certains
dans la considération qu’ils ont des langues européennes, singulièrement en
France. Citons cette position éclairante de Voltaire :
De douze langues qu’on parle en Europe, il faut bien qu’on en choisisse une qui soit
commune. Les nations ont insensiblement choisi le français comme la langue qui
porte avec le plus de clarté, celle qui a fourni le plus de livres d’usage, la seule avec
laquelle on ait recueilli tous les derniers traités, et enfin celle d’un pays situé entre
l’Espagne, l’Allemagne, l’Angleterre et l’Italie. (Histoire de la guerre de 1741, cité in
Beaurepaire, 2007 : 101)
Par ailleurs, on peut avancer l’hypothèse que l’une des raisons pour lesquelles
les représentations françaises de la place du français en Europe au XVIIIe siècle
ont peut-être été distordues réside dans l’ambiguïté dont a été alors porteur le
mot même d’universalité. Dans son premier sens, l’adjectif universel signifie « qui
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4. AUX SOURCES D’UNE NOUVELLE MULTICULTURALITÉ ?
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s’étend à tout », pour reprendre la définition du dictionnaire de l’Académie de
1778. Aux sources des représentations du français langue « universelle », il y a
d’abord la perception d’une sortie de la langue hors de son territoire d’origine,
l’idée que le français s’étend. Ainsi, un texte du Mercure galant de 1694 (cité par
Beaurepaire, 2007 : 100) témoigne de ce que « l’étendue de la langue française
passe les limites du royaume ; [qu’]elle ne se borne ni par les Pyrénées ni par le
fleuve Rhin ». À ce premier sens est venu se superposer un second qu’on pourrait
gloser par « qui a de la capacité pour toute chose » (comme par exemple dans
un homme universel). Au XVIIe siècle, les spéculations philosophiques autour de
la caractéristique universelle, pour reprendre la formule de Leibniz, ou de la
langue universelle en général 14 s’appuient d’abord sur ce second sens, tout en
postulant qu’une semblable langue, articulée sur la totalité des pensées, pourrait
utopiquement être employée par tous les hommes. La « langue universelle »
(syntagme attesté en français en 1690 selon le Robert historique) l’est d’abord à ce
titre au même titre que, dans l’esprit « classique », les idées abstraites le sont.
S’agissant d’une langue naturelle, en revanche, l’idée d’universalité rejoint
plutôt celle d’univers, impliquant un dépassement des frontières. Une des expériences décisives qu’aura faites le XVIIIe siècle européen dans son rapport aux
langues est, en effet, après l’épisode de grammatisation que plusieurs langues
ont connues dans le courant du XVIIe siècle 15 , autrement dit de standardisation
ou de codification, que ces langues peuvent se déployer dans un nouvel espace,
à la configuration non fixée d’avance, régie par des dynamiques multiples, et
qu’aucun facteur ne permet à lui seul d’expliquer.
Ainsi le paramètre strictement politique a-t-il été souvent surévalué, dans ces
phénomènes de diffusion des langues. La diffusion de la langue, contrairement à
ce qu’imaginaient les commentateurs de la fin du XVIIe siècle, n’est pas parallèle
à l’extension du pouvoir politique. Si un certain nombre de traités internationaux
ont pu être partiellement ou en totalité rédigés en français au XVIIIe siècle, ils
entérinent souvent une défaite de la France. Plusieurs des candidats au concours
de Berlin de 1782 le remarquent : les causes externes à mobiliser, pour rendre
compte de la présence des langues hors de leurs frontières, ont des enjeux
politiques, mais des causes souvent autres, et très souvent circonstancielles.
C’est ainsi qu’on est conduit nécessairement à l’hypothèse forte, nouvelle,
développée dans plusieurs chantiers récents 16 , que le français, loin d’avoir été
en position de supplanter le latin comme « langue universelle » au XVIIIe siècle,
14. Voir par exemple Eco (1994).
15. Et ici, le décalage historique dans la réalisation de ces processus est sans doute pour beaucoup dans la
perception d’une inégalité des langues, tout au long du XVIIIe siècle. Le russe est, sans doute, le plus en
retard des « grandes langues » à connaître ce processus : aussi la Russie est-elle un pays emblématique du
déploiement de langues de culture au XVIIIe siècle, et un terrain particulièrement riche pour cette étude.
16. Qui suscite des recherches de plus en plus nombreuses. Voir, outre Gonthier & Sandrier (2007), le colloque
de Prague « Multilinguisme en Europe centrale au siècle des Lumières. Approches théoriques » de juillet 2008.
Également, Detis (2000).
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De l’« universalité » européenne du français au XVIIIe siècle
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s’est au contraire trouvé saisi dans une dynamique nouvelle, radicalement différente de ce qui s’observait jusqu’alors, une dynamique de multiculturalité 17 ,
dans laquelle il joue sa partie, tout comme le latin, d’ailleurs, pour quelque
temps encore. Cette multiculturalité se construit sur la base d’une stratification
des usages linguistiques en fonction des domaines et des contextes, ainsi que
sur l’emboîtement des transferts 18 . Tandis que le colinguisme historique était
hiérarchisé entre un usage haut, quasiment monopolisé par le latin, et un usage
bas traditionnellement occupé par les langues vernaculaires, la nouvelle multiculturalité se transforme en une simultanéité d’usages empruntés tous aux
langues vernaculaires, et qui prennent des valeurs spécifiques, non pérennes,
modifiables, ce qui fait sortir du champ la problématique de l’« universalité ».
Le sens que l’on peut donner à la hiérarchie, alors, est fatalement déstabilisé,
tandis que les habitudes colingues se déplacent. Dans certains pays, comme la
Russie ou la Suède, un certain complexe d’infériorité 19 vis-à-vis du vernaculaire
maternel a rendu l’usage de langues modernes autres très acceptable, ces usages
n’étant jamais considérés comme exclusifs mais, au contraire, complémentaires.
Dans les pratiques, de nombreux faits attestent de cet usage du multilinguisme. Ainsi, le traité de Kutschouk-Kainardji, conclu entre la Russie et la
Turquie, parfois abusivement rangé dans les traités « écrits en français » parce
que Catherine II le fit publier en français, fut au départ rédigé en trois langues :
russe, turc et italien. Le « Nakaz », traité politique de Catherine II qui suscita
des Observations de Diderot, fut rédigé en français par la souveraine, mais sa
première édition (1767) est bilingue : français et allemand, avec une présentation
à deux colonnes. Bientôt, il paraîtra en italien et, bien sûr, en russe. Une version
latine paraît également en 1770.
Toujours autour de Catherine II, on sous-estime aussi souvent en France
la place de F. M. Grimm, allemand ayant séjourné à Paris, et qui fut l’un des
principaux introducteurs de la culture française à l’impératrice, comme il le
fut de la culture italienne (il fit venir musiciens et architectes) et anglaise (par
l’acquisition de très importants ensembles de livres, notamment). Le caractère
fondamentalement multiculturel de ce personnage-clé est malheureusement
souvent gommé, en France, au profit des seuls Voltaire et Diderot. De nombreux
autres intermédiaires allemands ou suédois ont joué un rôle dans les échanges
17. Lüsebrink met bien garde (Gonthier & Sandrier, 2007 : 13) que ce concept, né en 1941 aux États-Unis,
peut ici présenter les inconvénients de l’anachronisme. Pour autant, il reste selon lui opérationnel concernant
le XVIIIe siècle si on le voit surtout selon l’angle des transferts culturels (par contraste avec l’assimilation ou
le métissage).
18. De nombreux commentateurs ont ainsi relevé que les journaux ou publications en langue française, en
Allemagne et en Russie, n’ont pas servi seulement à introduire la culture française, mais aussi la culture
anglaise, allemande ou néerlandaise.
19. Temporaire, ne l’oublions pas : Pierre le Grand comme Catherine II, au-delà de l’usage des langues
européennes, visent essentiellement au développement du russe. Les usages standardisés du français, à un
certain point, seront moins un véhicule qu’un modèle.
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Le français au contact des langues : histoire, sociolinguistique, didactique
De l’« universalité » européenne du français au XVIIIe siècle
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Ce multilinguisme européen a été souvent occulté par l’histoire française
des pays où le français a été fortement représenté. On sait que la présence de
l’allemand, par exemple, était au moins aussi forte quantitativement que celle
du français en Russie, et qu’elle s’accrut après 1763, date à laquelle Catherine II
proposa une émigration à ses anciens compatriotes en échange d’une exonération
d’impôts pour trente ans (essentiellement, afin de peupler des régions encore
reculées comme les bords de la Volga). L’allemand était de loin la langue la
plus représentée à Saint-Pétersbourg jusque dans les années 1740, moment où
le français commença à être en vogue, et la forte colonie allemande établie dans
cette ville le maintint tout du long. Par ailleurs, une influence anglaise assez
sensible commença à apparaître à la fin du siècle, qui devait se confirmer au
XIXe siècle. Si l’on ajoute à cela la forte influence italienne, surtout sensible dans
les arts, on obtient ainsi un quatuor de langues qui jouèrent concomitamment
leurs parties dans l’histoire culturelle de la Russie moderne. Dès la fin du
XVIIIe siècle, de nombreux nobles et intellectuels russes allaient et venaient
entre ces langues qui n’étaient jamais considérées comme exclusives les unes des
autres.
S’il est important de revoir notre regard sur les dynamiques qui entourent le
devenir des langues hors frontières au XVIIIe siècle, c’est aussi que s’y accroît
considérablement le rôle de deux paramètres caractéristiques dans le rapport
moderne aux langues : ce que l’on pourrait appeler la « culturalité » de la langue
et le « sentiment de la langue ».
Le premier explique qu’aux langues vernaculaires soit régulièrement associées, non seulement des images, des représentations, des mondes mentaux –
que l’époque a cherché à décrire au moyen des termes divers et tous sujets à
controverses d’esprit, de génie, de caractère, de goût, entre autres – mais aussi des
pratiques qui ont ceci de particulier qu’elles sont « secondaires » en ce qu’elles
supposent, non pas l’adoption de normes mécaniques mais une réflexion, une
appropriation, voire même une altération. Ceci nous renvoie à l’importance que
peut jouer l’imaginaire linguistique comme adhésion tacite ou reconfiguration à
des images d’une part, et la notion de langue de culture, que nous définirons un
peu différemment de ce qui est fait chez P. Judet de la Combe et H. Wizman
(2004). Plutôt que d’opposer « valeur informationnelle » et « valeur communicationnelle », en effet, nous choisirons d’appeler langue de culture, du point de
vue de l’usager, une langue faisant l’objet d’un choix spécifique, d’un travail,
d’une recherche, d’une attribution de valeur. Ainsi, les usages véhiculaires d’une
langue ne sont, à notre avis, nullement à distinguer de ses usages « de culture »
si ces usages sont pensés en fonction d’une orientation spécifique, dans le rapport
20. Voir Karp (2003).
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entre les Français et les Russes. Les recherches les plus récentes 20 montrent que
ces échanges ne sauraient être considérés sous l’angle seulement bilatéral : ils
impliquent, en réalité, un large réseau européen.
à une altérité qui peut aussi être une manière de se défaire de ce que sa propre
langue, précisément, a de véhiculaire. Si le latin fut sans conteste une langue
de culture à l’époque moderne, usage retravaillé dans une pratique spécifique
(essentiellement écrite, si l’on excepte l’oral élevé des domaines juridiques et
médical), quelques grandes langues vernaculaires européennes le deviennent
dans le courant du XVIIIe siècle ; et elles le deviennent en se « détachant », pour
ainsi dire, de leurs patries d’origine.
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Ce phénomène, concernant le français, n’a pas toujours été bien accepté
par les Français eux-mêmes. C’est qu’il devient difficile d’associer, de façon
simple, langue française et nationalité, voire même culture française. Au premier
rang des domaines touchés, il y a bien évidemment ce domaine classiquement
cosmopolite des arts et des sciences. Paradoxalement, au XVIIIe siècle, comme
l’écrit l’historien S. Van Damme dans une thèse récente, « la portée universaliste
de la grandeur parisienne s’accompagne d’un rejet des anciennes formes de
territorialisation des savoirs » (Van Damme, 2005 : 219 ; cité in Beaurepaire,
2007 : 105).
Il est notable, en effet, que, dans bien des endroits où le français se diffuse, il
le fait dans un relatif affranchissement des normes strictes qui sont de règle en
France, et notamment à Paris. Sans aller jusqu’à parler de « normes endogènes »,
on peut remarquer que les usages se sont ramifiés, partout où le français est parlé,
au point de motiver des réactions puristes 21 . À l’usage du français sont moins
associées des contraintes de « pureté » linguistique que des idées universalistes
de culture, en même temps qu’un goût spécifique, qui peut s’accommoder des
formes marginales. Cette nouvelle fluidité, ce caractère labile des transferts
linguistiques, échappe à l’appréhension simple et sort surtout de toute forme de
« mainmise » émanant d’un centre. « L’étude du livre français en Russie montre
[...] qu’il faut sortir de la problématique de l’influence pour prendre en compte
l’émergence d’un espace européen de l’information, de la circulation des œuvres,
de la mobilité des hommes auquel la Russie s’intègre progressivement », écrit
par exemple P.-Y. Beaurepaire (2007 : 116).
Pour ce qui est du « sentiment de la langue », son importance est à relier
au fait que les langues de culture sont la plupart choisies dans un goût, une
motivation spécifiques. L’usage des langues de culture modernes ne répond pas,
ainsi, à une contrainte (contrainte sociale, politique, ou purement véhiculaire)
mais s’articule à des désirs, des rêves, des imageries. Significative de cette attribution de valeurs ou de fonctions pragmatiques spécifiques et temporaires, la
fréquence, dans les usages écrits (correspondances), de l’ « alternance codique »,
ou code-mixing, selon que le mot est préféré dans une langue ou dans une autre,
ou que l’on passe d’un registre intime ou à un registre plus formel (ou inversement). Tandis que Gustave III de Suède était célèbre pour la qualité de son
21. Voir Prémontval (1759-1761).
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Le français au contact des langues : histoire, sociolinguistique, didactique
De l’« universalité » européenne du français au XVIIIe siècle
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Et, sans doute, la superposition de ces « goûts » doit-elle être comprise
comme un facteur décisif, du point de vue des représentations (des imaginaires,
même, qui, saisis avec une distance critique, n’en demeurent pas moins des forces
polarisantes fortes), dans l’apparition de cette multiculturalité moderne. Une
conclusion paradoxale du processus est qu’alors que de véritables passions pour
certaines langues modernes, comprises comme langues de culture, se donnent
une carrière qui n’avait encore pas d’exemple (envies, désirs, fascinations), ces
passions s’accommodent de la diversité et défont surtout les liens qui unissaient
traditionnellement langue et culture. En français (comme en anglais ou en
allemand) sont désormais attachées des idées et des sentiments qui ne sont
de nul lieu, et que nul territoire ne peut plus réclamer pour lui seul.
En revenant sur les représentations et les réalités de l’« universalité de la
langue française » au XVIIIe siècle, on est ainsi conduit non seulement à revoir
bon nombre d’idées reçues mais aussi à poser quelques-unes des questions décisives qui nous taraudent aujourd’hui, à l’heure de la réapparition de ces idées
d’« universalité » à propos de l’anglais. Ce que semble nous montrer l’exemple
français au XVIIIe siècle, c’est que, loin d’être « universel » dans un sens hégémoniste, ce qu’ont voulu nous faire croire certains propagandistes au travers d’arguments intellectuellement fragiles ou d’éléments factuels abusivement généralisés,
le français ne l’a été que partiellement, temporairement, et de façon fluctuante ;
en outre, que l’« universalité » n’est en somme qu’un nom assez inexactement
donné à un processus historique radicalement nouveau, déstabilisant, non gouverné, et pour autant d’une rare puissance : la sortie du devenir des langues hors
de leurs espaces politiques et culturels traditionnels.
La grande erreur des commentateurs français a été de voir dans cette « déterritorialisation » du français une facilité, voire même une opportunité. D. Bouhours n’écrivait-il pas en 1671 (toute exagération quant aux faits mise à part) :
« il ne s’en faut rien que je vous avoue maintenant, que la connaissance des
langues étrangères n’est pas beaucoup nécessaire à un Français qui voyage »
(2003 : 105). En focalisant l’attention sur cette illusion d’unilinguisme étendu,
il a ouvert la voie à « ce qu’il faudrait sans doute appeler la xénophobie linguistique française » (Pénisson, 1996 : 11). Et les nationalismes linguistiques des
XIXe et XXe siècles ont eu beau jeu, ensuite, de se découvrir dès les siècles classiques des antécédents auréolés du prestige d’époques jugées politiquement et
culturellement fastes.
22. Voir Proschwitz (1986).
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français écrit 22 , C. Wolff cite des lettres de nobles suédois émaillées d’intrusions
de mots suédois ou changeant de langue à mi-parcours (cf. Gonthier & Sandrier,
2007 : 127-143) ; de même pour Isabelle de Charrière, « la belle de Zuylen », dont
les lettres font souvent alterner français et néerlandais.
Le français au contact des langues : histoire, sociolinguistique, didactique
À rebours de cette interprétation, nous pensons qu’il est urgent de rouvrir le
chantier sur les langues de culture au XVIIIe siècle, terrain d’étude immensément
riche d’enseignements pour comprendre le présent des langues.
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