DE L'« UNIVERSALITÉ » EUROPÉENNE DU FRANÇAIS AU XVIIIE SIÈCLE : RETOUR SUR LES REPRÉSENTATIONS ET LES RÉALITÉS Armand Colin | « Langue française » 2010/3 n° 167 | pages 13 à 29 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Sherbrooke - - 132.210.209.126 - 14/05/2019 20h46. © Armand Colin Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) ISSN 0023-8368 ISBN 9782200926458 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------https://www.cairn.info/revue-langue-francaise-2010-3-page-13.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Armand Colin. © Armand Colin. Tous droits réservés pour tous pays. 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INTRODUCTION S’interroger sur la place du français « au milieu des langues » ou « au contact des langues » dans un contexte élargi comme peut l’être celui de l’Europe au XVIIIe siècle amène nécessairement à revenir sur la représentation, encore courante aujourd’hui en France, d’une langue française très répandue, embrassée avec enthousiasme par les individus cultivés comme par les puissants, et affirmée consensuellement comme « universelle ». Cette vision, qui a pu parfois nourrir en France une gloire bien vaine, mérite d’être, sinon totalement corrigée, tout au moins fortement relativisée. Surtout, elle nous amène à nous interroger sur la conception exclusive et hégémoniste que nous nous faisons d’une langue, dès lors que celle-ci est adoptée hors des frontières comme langue de culture dans certains usages. Dans les pages qui suivent, nous montrerons que ces représentations, qui ont la cohésion et la constance d’un stéréotype, voire d’un « idéologème », pour reprendre le néologisme fameux de J. Kristeva, reposent sur un petit nombre de textes souvent interprétés de manière abusive et rarement confrontés aux réalités. Il en est ainsi du trop fameux discours d’A. de Rivarol, auquel le titre de cet article fait écho, et dont le sens et la place peuvent aujourd’hui être entièrement revus, grâce à des travaux récents. Il s’agira aussi de nuancer – par quelques exemples significatifs – le tableau aux couleurs brillantes qu’une certaine historiographie nous a légué de la « francophonie » en Europe au XVIIIe siècle, en attirant l’attention sur de nombreux facteurs limitants, souvent LANGUE FRANÇAISE 167 rticle on line 13 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Sherbrooke - - 132.210.209.126 - 14/05/2019 20h46. © Armand Colin Université Paul Valéry – Montpellier 3 & Laboratoire DIPRALANG (EA 739) Le français au contact des langues : histoire, sociolinguistique, didactique Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Sherbrooke - - 132.210.209.126 - 14/05/2019 20h46. © Armand Colin Au-delà de ces mises au point, à l’heure où la problématique de l’« universalité » revient en force dans le contexte médiatique, et même scientifique, avec cette fois l’anglais pour objet focal, un regard rétrospectif sur ce qui s’est passé en Europe autour du français oblige à reposer quelques grandes questions sur le statut des « langues » dès lors que certains de leurs usages sortent du seul contexte territorial. La diffusion d’une langue comme le français hors des frontières autorise-t-elle à parler, de L.-A. Caraccioli dans le titre d’un ouvrage paru en 1776 à L. Réau (1938), d’une « Europe française » ? De « francisation » ? Peut-on aussi rapidement faire le lien entre usage linguistique (et quel usage ?) et culture ? Cette diffusion peut-elle être pensée en termes d’« influence », de « rayonnement » ? Ou n’est-on pas, au contraire, à une époque où s’inventent de nouvelles cultures dé-territorialisées, beaucoup plus complexes, et difficilement réductibles à l’interprétation unilatérale qu’une certaine tradition nationaliste a voulu leur donner ? Dans une contribution récente à un séminaire de recherches autour de la notion de multiculturalité au XVIIIe siècle, H.-J. Lüsenbrink écrit : Sa modernité [du XVIIIe siècle] réside [...] dans le fait que nombre de problèmes posés par le multiculturalisme contemporain, telles les relations entre colonisateur et colonisés, entre minorités exilées et majorité assimilatrice, ou encore entre langues dominante – en l’occurrence le français – et langues minoritaires, mais de plus en plus résistantes et sûres d’elles-mêmes, rencontrèrent au XVIIIe siècle leur première forme de théorisation philosophique et politique. (Gonthier & Sandrier (éds), 2007 : 24) Il s’agit alors de poser la possibilité d’une nouvelle manière de voir un processus historiquement situé – en l’occurrence la présence du français « au milieu des langues » au XVIIIe siècle ; de se demander pourquoi on a ainsi oblitéré l’évidence d’un nouveau colinguisme international, prenant la place de celui, étudié par R. Balibar, qui était auparavant à l’œuvre entre le latin et les langues modernes, et pourquoi on a ainsi négligé la spécificité de la langue de culture, dans les dynamiques linguistiques, spécificité dont l’analyse pourrait nous être si utile aujourd’hui. 2. DES REPRÉSENTATIONS AUX RÉALITÉS Tout d’abord, un retour sur les représentations. Sur quoi s’appuie la vision que nous avons d’un français « langue européenne », sinon « universelle », au 1. Voir Caussat et al. (1996), Thiesse (1999), Bell (2001) et Anderson (2002). 14 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Sherbrooke - - 132.210.209.126 - 14/05/2019 20h46. © Armand Colin passés sous silence, et en montrant que cette « francophonie » s’insère, en fait, dans le cadre plus large d’un plurilinguisme pragmatique et culturel assez éloigné de la manière avec laquelle un certain XIXe siècle nous a habitué à circonscrire les langues à des territoires, à des nations, à des groupes sociaux, à des usages, ou à des politiques linguistiques 1 . De l’« universalité » européenne du français au XVIIIe siècle Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Sherbrooke - - 132.210.209.126 - 14/05/2019 20h46. © Armand Colin L’idée que le français « mérite » ou « mériterait » d’être « la langue universelle de l’Europe » est déjà présente à la fin du XVIIe siècle, moment où la diffusion du français, surtout en Europe du Nord, n’en est encore qu’à ses débuts. Les textes ne sont alors souvent nourris que de rêveries, généralisations à partir d’un ou deux faits, raisonnements à forte teneur spéculative... On cite souvent ceux de D. Bouhours 2 , L. Le Laboureur 3 et P. Bayle 4 . La plupart du temps, l’intention de propagande politique éclate, dans la mesure où les analyses reposent sur l’idée sous-jacente d’une translatio imperii entre la Rome antique et les États modernes, États entre lesquels existe une concurrence évidente. Quelques décennies plus tard, Voltaire est un jalon important de la popularisation de cette doxa : on peut citer des pages du Siècle de Louis XIV, du Dictionnaire philosophique, ou de l’article « Français » de L’Encyclopédie. Autour de 1750, forts de quelques témoignages ou de quelques éléments factuels nouveaux, les commentateurs sont volontiers triomphalistes. Parmi les textes emblématiques, citons l’article « Langue » de L’Encyclopédie, dû à Beauzée : Si quelqu’autre langue que la latine devient jamais l’idiome commun des savans de l’Europe, la langue françoise doit avoir l’honneur de cette préférence : elle a déjà les suffrages de toutes les cours où on la parle presque comme à Versailles : et il ne faut pas douter que ce goût universel ne soit dû autant aux richesses de notre littérature qu’à l’influence de notre gouvernement sur la politique générale de l’Europe. Ou la préface du dictionnaire de Trévoux de 1771 : Notre Langue est devenue la Langue politique de l’Europe. Cette distinction, qui ne peut être attribuée qu’au génie ou au caractère de la Langue Françoise, suffiroit pour démontrer combien sa marche a paru simple & naturelle ; avec quelle netteté, quelle aisance les idées s’y produisent, & se rangent dans la progression la plus analogue aux procédés de l’entendement ; combien ses phrases & ses expressions sont claires ; enfin combien son étendue & sa souplesse la rendent propre à traiter, même élégamment, toutes les matières. Ces deux textes sont d’une certaine manière complémentaires, car, dans le premier, la perspective d’un français « universel » est encore projetée dans le 2. Voir Bouhours (2003 : 104-106). Notons, par exemple, cette phrase spécieuse : « Il n’y a guère de pays dans l’Europe où l’on n’entende le français » (op. cit. : 106). 3. « Si vous aviez été dans les cours du Nord, vous sauriez que la langue française y est naturalisée, et que tous les princes et toute la noblesse la parlent plus souvent et plus volontiers que la leur » (Le Laboureur, 1667 : 11). 4. Dans Les Nouvelles de la République des Lettres, 1685. LANGUE FRANÇAISE 167 15 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Sherbrooke - - 132.210.209.126 - 14/05/2019 20h46. © Armand Colin XVIIIe siècle ? Essentiellement, sur toute une série de textes apologétiques, dont la liste est impossible à faire ici, la plupart émanant de commentateurs français, et souvent peu nourris par les faits ; sur une focalisation autour de quelques fortes personnalités emblématiques dont il est passionnant de raconter l’histoire (Fumaroli 2001) ; et sur l’idée, assez manipulée, d’une langue française devenue « langue des traités » et, plus généralement, « langue diplomatique » en Europe. Le français au contact des langues : histoire, sociolinguistique, didactique Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Sherbrooke - - 132.210.209.126 - 14/05/2019 20h46. © Armand Colin L’épisode le plus marquant dans les représentations est néanmoins le concours proposé en 1782 par l’Académie de Berlin et à l’occasion duquel furent posées les questions : « Qu’est-ce qui a rendu la langue française la langue universelle de l’Europe ? Par où mérite-t-elle cette prérogative ? Peut-on présumer qu’elle la conserve ? ». À ce concours est malheureusement resté attaché, en France, le nom exclusif d’A. de Rivarol, l’un des deux récipiendaires du prix. Son texte brillant, émaillé de formules marquantes, a été publié quasi immédiatement en France (chez Bailly & Dessenne, 1784, en même temps que l’édition de Berlin de la même année) et a souvent été réédité par la suite en volume séparé 5 . Pour autant, s’il est indiscutablement la marque d’un polémiste talentueux, on doit reconnaître qu’il repose presque entièrement sur la recherche de fallacieux arguments internes (la « clarté », l’« ordre direct », la répugnance aux métaphores, etc.) et ne résiste pas à un point de vue linguistique sérieux. Considéré par tous les commentateurs informés d’aujourd’hui comme un simple rideau de fumée, expression d’un chauvinisme superficiel (F. Brunot parlait d’« illusionniste »), il continue pourtant de jouir en France d’une réputation imméritée et sert toujours d’élément probant dans la doxa sur le français en Europe au XVIIIe siècle. G. Haßler (2001) relève que même un Claude Hagège, dans Le français et les siècles (1987), ou un Alain Finkielkraut relaient au premier degré ce qu’ils lisent, dans le texte d’A. de Rivarol, comme un constat irréfutable ; pour mieux y opposer, sans doute, une situation contemporaine de perte d’influence par rapport à l’anglais. La consultation des discours académiques récents montre que la référence à Rivarol y constitue toujours un passage obligé ; et celle des sites Internet dans lesquels le nom d’A. de Rivarol est évoqué révèle que, même dans des sites pédagogiques – parfois universitaires –, son nom reste souvent invoqué pour attester et emblématiser cette supposée « universalité ». Il y a là un gauchissement qui, comme le souligne F. G. Henry, l’éditeur récent du texte de J.-C. Schwab (2005), demande « rectification », et d’abord rectification historique. F. Brunot l’avait déjà noté, et des travaux allemands, malheureusement peu connus en France (Ricken 1974 ; Storost 1994 ; Haßler 2001) le confirment : il nous faut entièrement revoir l’histoire du concours de Berlin. On sait par exemple (Storost, 1994 : 432) que le prix avait été à l’origine destiné au seul J.-C. Schwab, dont le mémoire est à l’évidence supérieur, et que ce n’est qu’une intervention personnelle du prince Henri, frère de Frédéric II, qui amena cette situation d’ex-aequo. 5. À titre d’exemples, les éditions de Th. Suran (Paris/Toulouse, 1930), M. Favergeau (1936), H. Juin (Paris, Belfond, 1966) ; ou encore, plus récemment, Paris, Obsidiane (1991), ou Paris, Arléa (1991), préface de Jean Dutourd... 16 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Sherbrooke - - 132.210.209.126 - 14/05/2019 20h46. © Armand Colin futur, tandis que les arguments déployés sont d’ordre culturel (la littérature) et politique, alors que, dans le second, l’universalité du français, constatée au présent, est défendue au moyen d’arguments essentiellement internes (« génie de la langue »). Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Sherbrooke - - 132.210.209.126 - 14/05/2019 20h46. © Armand Colin On sait également que les questions furent choisies – non sans polémiques, d’ailleurs (voir Ricken 1974) – dans un contexte de réticence forte à l’égard du français, et s’appuyaient moins sur l’évidence d’un constat qu’elles ne mettaient en mots un problème. Nous possédons de nombreux témoignages qui montrent que la faveur dans laquelle le français était tenu dans l’entourage de Frédéric suscitait en Allemagne à l’époque une vive hostilité. Certains se demandent (Pénisson 1996) si l’objectif de l’Académie n’était pas, en réalité, d’appeler des défenses de l’allemand. Pour eux, la réponse d’A. de Rivarol a embarrassé le jury, dans la mesure où elle ne répondait visiblement pas à ses attentes (ibid.). Et, sans doute, dans l’histoire de la culture du français en Allemagne au XVIIIe siècle, le rôle personnel de Frédéric II doit-il être tenu pour essentiel. En 1780, il avait publié De la littérature allemande, des défauts qu’on peut lui reprocher, quelles en sont les causes, & par quels moyens on peut les corriger (Berlin, Decker), qui avait mécontenté les intellectuels. Il faut dire que ces années sont des années de plein épanouissement pour la littérature allemande. En 1786, peu de temps après le concours, Frédéric II va mourir, et l’idée que le français est une langue d’avenir va totalement reculer au profit de l’allemand, désormais pleinement valorisé 6 . La phase de l’Entfranzösierung stigmatisée est alors terminée. Par ailleurs, aujourd’hui, depuis que bon nombre des réponses au concours ont été publiées (un total de vingt-deux) 7 , nous pouvons avoir un regard plus objectif sur ce concours. Ainsi, à la différence d’A. de Rivarol, l’aspect « externe » de l’analyse représente le point focal de nombreux textes, comme ceux de F. T. Chastel, P. Villaume, E. Mayet, F. M. Grimm, et surtout du professeur de philosophie J.-C. Schwab (1743-1821). Les deux questions essentielles qui se posent à tous ces observateurs sont, d’une part le lien entre langue et mœurs – « qualités du peuple » comme le dit J.-C. Schwab ([Académie de Berlin] 1995 : 256) –, donc une question de civilisation, question qui passionne ces dernières années du XVIIIe siècle et, d’autre part, celle des « rapports politiques d’[un] peuple avec les autres nations » (ibid.). Les commentateurs se révèlent alors parfaitement conscients des enjeux politiques et sociaux qui peuvent entourer ce statut particulier du français. Par ailleurs, le parallèle fait avec la place précédemment occupée par le latin renvoie à une interrogation profonde quant à ce qu’est, profondément, une langue véhiculaire. Celle-ci doit-elle être considérée comme « universelle » ? La question de la « perfection » des langues est également au centre de plusieurs réponses, C. Euler, le fils du mathématicien, qui est par ailleurs pessimiste quant aux chances du français de « conserver cette position », étant le seul, 6. En 1792, un nouveau concours sera proposé par l’Académie, portant cette fois-ci sur la comparaison des langues, et c’est un prêtre berlinois, Daniel Jenisch, qui remporta le prix en défendant l’allemand (voir Haßler, 2001 : 80). 7. Voir, outre Schwab (2005), les huit réponses rédigées en français dans [Académie de Berlin] 1995, ainsi que les textes allemands traduits et publiés par Pénisson (1996), et le texte de Goyon d’Arzac (1783 [2000]). Voir également l’introduction à ce volume sur les circonstances du concours en général. LANGUE FRANÇAISE 167 17 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Sherbrooke - - 132.210.209.126 - 14/05/2019 20h46. © Armand Colin De l’« universalité » européenne du français au XVIIIe siècle semble-t-il, à considérer qu’il n’est nul besoin de « perfection » d’une langue pour qu’on exprime une préférence ([Académie de Berlin] 1995 : 45). Tous ne défendent pas non plus le français. J. A. Eberhard, par exemple, autre contributeur, défend l’allemand, en proposant l’idée, en avance d’un siècle, d’une nécessaire unification politique, prélude à la valorisation de la langue ; J.-C. Schwab, qui défend le français, répond à la dernière question posée en estimant que c’est plutôt l’anglais qui, à terme, a des chances de s’imposer. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Sherbrooke - - 132.210.209.126 - 14/05/2019 20h46. © Armand Colin Enfin, pour ce qui est du discours d’A. de Rivarol, il convient également de rappeler qu’il suscita en France de vives réserves, les grammairiens Garat (dans le Mercure de France, août 1785) et Domergue (Le Journal de la langue française) critiquant l’assimilation faite par A. de Rivarol entre « ordre des mots » et « clarté ». Malgré ces critiques et celles d’autres commentateurs par la suite, le texte d’A. de Rivarol est resté célèbre en France, et fréquemment invoqué au XIXe siècle, dans les dictionnaires, les grammaires, parfois les grammaires de « français langue étrangère », comme un texte faisant la preuve des légitimes prétentions du français à être langue véhiculaire en Europe. Il apparaît ainsi comme un pilier essentiel de l’imaginaire linguistique des Français, si nous entendons par là un ensemble de représentations plus ou moins explicitées consolidant la forme de « sécurité linguistique » – ou de « sur-sécurité » – que le locuteur d’une langue se construit parfois dans ses usages, face aux possibles insécurités. Un livre paru en 1988 (Beauce) sur la diversité des usages du français aujourd’hui s’inscrit significativement dans cette filiation en choisissant pour titre Nouveau discours sur l’universalité de la langue française, alors que le propos témoigne d’un assez net recul par rapport au texte d’A. de Rivarol. 3. UN FRANÇAIS MOINS « UNIVERSEL » QU’ON NE CROIT Face à ces représentations insistantes, mener l’enquête sur les réalités de l’usage du français en Europe au XVIIIe siècle est, aussi curieux que cela puisse paraître, beaucoup plus difficile que l’on ne pourrait croire. Les travaux sont rares, les situations très diverses, les phénomènes parfois épisodiques. Par ailleurs, on manque de données quantitatives sur les usages réels du français. Les deux types de données les plus couramment exploitées sont les témoignages individuels (correspondances, etc.) et les catalogues de livres, auxquels il faut adjoindre les publications périodiques paraissant en langue française à l’étranger. Sans pouvoir bien évidemment proposer ici un panorama représentatif de la situation 8 , nous nous contenterons de corriger quelques idées reçues sur les usages du français dans sa géographie, sa temporalité et sa perception, à partir d’exemples emblématiques. 8. Nous nous permettons de renvoyer, pour plus de développements, à Rey, Duval & Siouffi (2007 : 822-844). 18 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Sherbrooke - - 132.210.209.126 - 14/05/2019 20h46. © Armand Colin Le français au contact des langues : histoire, sociolinguistique, didactique De l’« universalité » européenne du français au XVIIIe siècle Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Sherbrooke - - 132.210.209.126 - 14/05/2019 20h46. © Armand Colin En Espagne, par exemple, la réception du français fut très problématique. L’Espagne ayant refusé d’accueillir les réfugiés huguenots et ayant chassé une partie des nobles espions que le royaume français y avait envoyés, restaient essentiellement, comme présence française, des artisans et des gens de théâtre. Pour autant, une certaine « mode » du français régna dans la société vers le milieu du siècle, souvent taxée de ridicule (voir la farce du Père Isla, Fray Gerundio, 1757). Mais, à la langue française est souvent associée la diffusion des idées des philosophes, sévèrement contrôlée. Et, au plan de la représentation symbolique des langues, les éloges du français qui parsèment de façon parfois appuyée les grammaires et manuels utilisées dans le pays suscitent bien vite des réactions de défense, illustrées par exemple par l’attitude d’un de Capmany 9 , qui, académicien en 1775 et francisant, évoluera d’une attitude assez ouverte sur les relations entre langues (Discursos analiticos sobre la formación y perfecció de las lenguas, 1773) à un discours anti-français virulent, surtout, naturellement, après l’invasion napoléonienne (Centinela contra franceses, 1808). La société se ligue alors contre les afrancesados. Au total, l’Espagne au XVIIIe siècle paraît une terre où la langue française a été moins représentée qu’on ne le pense ordinairement, et où une forte « francophobie » s’est finalement développée. La situation côté italien n’est pas non plus très favorable au français, au XVIIIe siècle. Une polémique a agité dans les premières décennies littérateurs et poéticiens autour des mérites comparés de la langue française et de la langue italienne 10 . Certes, il y eut quelques grandes figures comme C. Goldoni ou Casanova, qui poussèrent le goût pour le français jusqu’à écrire dans cette langue, et il y eut de très nombreux échanges entre l’Italie du Nord et la France, mais, d’une part, l’Italie du Sud resta relativement à l’écart de ces contacts, d’autre part, ici comme ailleurs, une certaine francophobie ne tarda pas à se développer, dont on cite souvent comme témoignage le Misogallo (1798) du grand poète V. Alfieri, lui aussi écrit en réaction aux événements politiques, mais exploitant des sentiments déjà bien ancrés dans la société. Pour ce qui est à présent de la diffusion du français en Europe du Nord, les principales causes externes ont été maintes fois citées : expulsion des huguenots, souvent contraints pour vivre de chercher des places de précepteurs dans de riches familles ou à ouvrir des écoles de français, vitalité des presses hollandaises en français, parfois plus agressives et plus efficaces que les presses françaises pour diffuser à l’étranger, politique diplomatique de Louis XV, multiplication des contacts intellectuels et des correspondances, conjonction d’une série d’initiatives particulières (Frédéric II), à quoi il faut ajouter l’importance des liens 9. Voir Etienvre (2001). 10. Voir Viola (2001). LANGUE FRANÇAISE 167 19 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Sherbrooke - - 132.210.209.126 - 14/05/2019 20h46. © Armand Colin Du côté de la géographie, tout d’abord, il convient de rappeler que la situation en Europe du Nord et en Europe méridionale est à l’époque très différente – ce qui avait été relevé par les commentateurs français de l’époque. Le français au contact des langues : histoire, sociolinguistique, didactique Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Sherbrooke - - 132.210.209.126 - 14/05/2019 20h46. © Armand Colin En Angleterre, pays où le français était très bien représenté à date ancienne, le XVIIIe siècle se signale par exemple plutôt par un recul. Après une grande vogue au début du siècle, les écoles françaises rencontrèrent moins de succès, tandis que se maintenait, à l’inverse, la tradition du voyage en France, pour les jeunes hommes de bonne famille, tradition doublée par les échanges fréquents dans le milieu intellectuel (H. Walpole, L. Chesterfield, L. Sterne). En Allemagne (voir M. Böhm in Gonthier & Sandrier (2007 : 53-71) et son abondante bibliographie), une partie significative des réfugiés (on connaît le mot méprisant de Voltaire sur leur « style émigré ») a perdu ses usages d’origine et s’est convertie à l’allemand (tandis qu’une autre partie maintiendra, au contraire, la présence du français pendant encore au moins un siècle). L’activité éditoriale (notamment des gazettes) est en revanche très importante. Quant à la Russie, les travaux de V. Rjéoutski 11 viennent combler un manque assez étonnant du côté de l’histoire sociale. Ils confirment qu’avant le règne d’E. Petrovna (1709-1761), c’était surtout l’allemand qui était représenté en Russie, et que la présence du français pouvait être considérée comme quasi nulle. Ensuite, la Russie est sans doute le pays où la langue française fut promue avec le plus de vigueur. Notons toutefois que son cas est un peu particulier : il s’agit d’un pays où le latin n’a jamais été vraiment utilisé, et où un vernaculaire moderne standardisé n’existant pas encore, une véritable « niche linguistique », si l’on peut s’exprimer ainsi, paraissait libre. Comme nous le verrons, elle ne fut pas occupée par le seul français. Pour ce qui est de l’empan chronologique durant lequel le français fut en expansion en Europe, on doit se rendre à l’évidence : il est en réalité remarquablement réduit (trois décennies peut-être). On cite souvent la lettre de Voltaire au danseur Novere en 1764 : « Nous ne sommes plus dans ces temps où la langue française donnait des exemples à l’Europe ». Il y a à cela, à nouveau, plusieurs 11. Auteur d’une thèse en 2003 sur L’histoire de la communauté francophone en Russie au XVIIIe siècledébut du XIXe siècle, Rjéoutski pilote avec Mézin un projet international (en partenariat avec l’Université de Paris IV et l’EHESS) sur « Les Français en Russie au XVIIIe siècle » devant déboucher sur un « dictionnaire biographique ». Voir également Poussou, Mézin & Perret-Gentil (2004). 20 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Sherbrooke - - 132.210.209.126 - 14/05/2019 20h46. © Armand Colin maçons, récemment étudiée par P.-Y. Beaurepaire... L’addition de tous ces facteurs dessine un paysage complexe, où des focalisations autour de certaines situations très voyantes et emblématiques – souvent parce qu’elles impliquent les puissants ou de fortes personnalités intellectuelles – occultent des réalités moins faciles à cerner et souvent décevantes pour ce qui est de la présence effective du français. De l’« universalité » européenne du français au XVIIIe siècle Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Sherbrooke - - 132.210.209.126 - 14/05/2019 20h46. © Armand Colin Quant aux traités de paix, la place qu’y a occupée le français a été relativisée à date déjà ancienne. L’usage du latin a commencé à être critiqué, à partir du traité de Westphalie (1648) dans la mesure où il paraissait moins une langue véhiculaire que la langue du Saint Empire ; mais il est inexact d’avancer que le français le remplaça comme langue véhiculaire. Il ne fut avancé au début par les Français qu’à titre de langue nationale, de la même façon que chacun des autres pays avança la sienne (jusqu’au danois). L’espace des traités de paix au XVIIe siècle et au début du XVIIIe siècle est un espace plurilingue. F. Brunot cite intégralement le texte qui, mal interprété, entretint la « légende » (c’est son mot) que le traité de Nimègue (1678) fut rédigé en français. L’essentiel des pièces est en latin, d’après l’historien, qui est allé consulter les documents aux Archives du Ministère des Affaires Étrangères. De même pour celui d’Utrecht, qui, partiellement rédigé en français, fut publié, comme il était courant à l’époque en plusieurs langues : en l’occurrence en anglais, espagnol et latin. Celui de Rastatt (1714) a, lui, bien été écrit en français, mais pour des raisons qu’on juge accidentelles (Seguin in Chaurand, 2002 : 251), l’ignorance du latin par le maréchal de Villars essentiellement. Notons, en outre, que le prince Eugène avait fait expressément stipuler qu’en aucun cas la rédaction de ce traité en français ne devait constituer un précédent. Finalement, ne peuvent guère être considérés que les préliminaires de la convention de Vienne (1736) et le traité d’Aix-la-Chapelle (1748). Mais, chaque fois, il est bien spécifié en note que l’usage du français ne pourrait en aucun cas être la règle. Il est juste, en revanche, d’affirmer que le français eut une présence diplomatique importante en Europe au XVIIIe siècle, par le fait d’une politique française consistant à envoyer de très nombreux émissaires, de l’ambassadeur officiel à l’espion ; et par le fait que le latin fut progressivement abandonné dans les correspondances diplomatiques. Pour autant, même dans ce domaine, il semble que l’historiographie ait parfois monté en épingle des cas isolés qui n’ont pas toujours connu de suite. Au total, l’histoire linguistique des traités est assez révélatrice des dynamiques alors à l’œuvre. Souvent interprétée dans le sens de la mise en place univoque d’une « langue de travail », qui aurait supplanté le latin, le français, elle s’apparente dans un premier temps à une « guerre linguistique » entre des nations qui veulent défendre leurs intérêts et leur présence symbolique, puis à l’acceptation d’une pluralité d’usages oscillant entre exigence de traduction et accès à la langue de l’autre. 12. Dans beaucoup de pays, « francophobie » et « francophilie » marchent de pair ; en Allemagne, dès la fin du XVIIe siècle. Voir la Nachahmung der Franzosen de Christian Thomasius (1687) et le Discours sur l’usage de la langue française en Allemagne de Westenholz (1713). 13. L’importance de l’anglais, surtout, a été occultée en France. Voir Grieder (1985). LANGUE FRANÇAISE 167 21 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Sherbrooke - - 132.210.209.126 - 14/05/2019 20h46. © Armand Colin facteurs : l’assimilation des communautés « huguenotes » ; la montée des « francophobies » plus ou moins plaisantes 12 ; la guerre de sept ans (1756-1763 ; voir Beaurepaire, 2007 : 190-212) ; la montée de l’anglais et de l’allemand 13 . Le français au contact des langues : histoire, sociolinguistique, didactique Au-delà des relativisations factuelles, dont on comprendra qu’elles ont essentiellement ici pour propos d’aider à dissiper certaines des « illusions », pour reprendre le mot peut-être un peu fort de F. Brunot, dans lesquelles nous ont bercés les textes apologétiques, l’essentiel, en fait, est de modifier le regard que nous portons sur les dynamiques qui se jouent autour de la langue, dès lors que celle-ci devient une langue choisie. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Sherbrooke - - 132.210.209.126 - 14/05/2019 20h46. © Armand Colin L’examen des réalités nous conduit ainsi à mettre à distance la double présupposition, qui se construit alors en France, d’un unilinguisme idéal du point de vue du locuteur, et de la couverture totale, par la langue choisie, des réalités du monde à décrire (l’idée selon laquelle les langues doivent tout dire, et qu’il leur faut des mots pour tout). Tandis que la seconde moitié du XVIIe siècle et la première moitié du XVIIIe siècle ont pu encore vivre sur une certaine idéalisation du latin « langue totale » (voir Waquet 1998), à partir de 1750, ses usages ne sont plus que des reliques, dans des mondes scientifiques isolés, ou qui ont tendance à se marginaliser. Partout, le choix des langues vernaculaires gagne du terrain, que celles-ci soient suffisamment équipées ou seulement en passe de l’être. Pour autant, l’impact dans les représentations de cette défunte « universalité » du latin reste grand. Cet effacement va ainsi ouvrir la voie à une interrogation profonde sur ce qu’est une langue, sur son rôle, sur sa couverture ; de même qu’il va susciter l’apparition d’une problématique nouvelle dans l’équilibre des langues : celle de la reconnaissance. À l’interrogation philologique (d’où viennent les langues modernes de l’Europe ? quels sont leurs liens, leurs rapports ?) s’est superposé un étonnant jeu de miroirs mettant en scène les images que les différentes traditions linguistiques ont les unes des autres. Ce jeu d’images, de discours, de représentations, n’a fait que prendre de l’ampleur au XVIIe siècle, suscitant de nombreuses polémiques. Pour autant, l’idéologie de l’unilinguisme (abritée derrière l’idée de langue commune), sans doute influencée par l’usage du latin, reste présente chez certains dans la considération qu’ils ont des langues européennes, singulièrement en France. Citons cette position éclairante de Voltaire : De douze langues qu’on parle en Europe, il faut bien qu’on en choisisse une qui soit commune. Les nations ont insensiblement choisi le français comme la langue qui porte avec le plus de clarté, celle qui a fourni le plus de livres d’usage, la seule avec laquelle on ait recueilli tous les derniers traités, et enfin celle d’un pays situé entre l’Espagne, l’Allemagne, l’Angleterre et l’Italie. (Histoire de la guerre de 1741, cité in Beaurepaire, 2007 : 101) Par ailleurs, on peut avancer l’hypothèse que l’une des raisons pour lesquelles les représentations françaises de la place du français en Europe au XVIIIe siècle ont peut-être été distordues réside dans l’ambiguïté dont a été alors porteur le mot même d’universalité. Dans son premier sens, l’adjectif universel signifie « qui 22 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Sherbrooke - - 132.210.209.126 - 14/05/2019 20h46. © Armand Colin 4. AUX SOURCES D’UNE NOUVELLE MULTICULTURALITÉ ? Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Sherbrooke - - 132.210.209.126 - 14/05/2019 20h46. © Armand Colin s’étend à tout », pour reprendre la définition du dictionnaire de l’Académie de 1778. Aux sources des représentations du français langue « universelle », il y a d’abord la perception d’une sortie de la langue hors de son territoire d’origine, l’idée que le français s’étend. Ainsi, un texte du Mercure galant de 1694 (cité par Beaurepaire, 2007 : 100) témoigne de ce que « l’étendue de la langue française passe les limites du royaume ; [qu’]elle ne se borne ni par les Pyrénées ni par le fleuve Rhin ». À ce premier sens est venu se superposer un second qu’on pourrait gloser par « qui a de la capacité pour toute chose » (comme par exemple dans un homme universel). Au XVIIe siècle, les spéculations philosophiques autour de la caractéristique universelle, pour reprendre la formule de Leibniz, ou de la langue universelle en général 14 s’appuient d’abord sur ce second sens, tout en postulant qu’une semblable langue, articulée sur la totalité des pensées, pourrait utopiquement être employée par tous les hommes. La « langue universelle » (syntagme attesté en français en 1690 selon le Robert historique) l’est d’abord à ce titre au même titre que, dans l’esprit « classique », les idées abstraites le sont. S’agissant d’une langue naturelle, en revanche, l’idée d’universalité rejoint plutôt celle d’univers, impliquant un dépassement des frontières. Une des expériences décisives qu’aura faites le XVIIIe siècle européen dans son rapport aux langues est, en effet, après l’épisode de grammatisation que plusieurs langues ont connues dans le courant du XVIIe siècle 15 , autrement dit de standardisation ou de codification, que ces langues peuvent se déployer dans un nouvel espace, à la configuration non fixée d’avance, régie par des dynamiques multiples, et qu’aucun facteur ne permet à lui seul d’expliquer. Ainsi le paramètre strictement politique a-t-il été souvent surévalué, dans ces phénomènes de diffusion des langues. La diffusion de la langue, contrairement à ce qu’imaginaient les commentateurs de la fin du XVIIe siècle, n’est pas parallèle à l’extension du pouvoir politique. Si un certain nombre de traités internationaux ont pu être partiellement ou en totalité rédigés en français au XVIIIe siècle, ils entérinent souvent une défaite de la France. Plusieurs des candidats au concours de Berlin de 1782 le remarquent : les causes externes à mobiliser, pour rendre compte de la présence des langues hors de leurs frontières, ont des enjeux politiques, mais des causes souvent autres, et très souvent circonstancielles. C’est ainsi qu’on est conduit nécessairement à l’hypothèse forte, nouvelle, développée dans plusieurs chantiers récents 16 , que le français, loin d’avoir été en position de supplanter le latin comme « langue universelle » au XVIIIe siècle, 14. Voir par exemple Eco (1994). 15. Et ici, le décalage historique dans la réalisation de ces processus est sans doute pour beaucoup dans la perception d’une inégalité des langues, tout au long du XVIIIe siècle. Le russe est, sans doute, le plus en retard des « grandes langues » à connaître ce processus : aussi la Russie est-elle un pays emblématique du déploiement de langues de culture au XVIIIe siècle, et un terrain particulièrement riche pour cette étude. 16. Qui suscite des recherches de plus en plus nombreuses. Voir, outre Gonthier & Sandrier (2007), le colloque de Prague « Multilinguisme en Europe centrale au siècle des Lumières. Approches théoriques » de juillet 2008. Également, Detis (2000). LANGUE FRANÇAISE 167 23 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Sherbrooke - - 132.210.209.126 - 14/05/2019 20h46. © Armand Colin De l’« universalité » européenne du français au XVIIIe siècle Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Sherbrooke - - 132.210.209.126 - 14/05/2019 20h46. © Armand Colin s’est au contraire trouvé saisi dans une dynamique nouvelle, radicalement différente de ce qui s’observait jusqu’alors, une dynamique de multiculturalité 17 , dans laquelle il joue sa partie, tout comme le latin, d’ailleurs, pour quelque temps encore. Cette multiculturalité se construit sur la base d’une stratification des usages linguistiques en fonction des domaines et des contextes, ainsi que sur l’emboîtement des transferts 18 . Tandis que le colinguisme historique était hiérarchisé entre un usage haut, quasiment monopolisé par le latin, et un usage bas traditionnellement occupé par les langues vernaculaires, la nouvelle multiculturalité se transforme en une simultanéité d’usages empruntés tous aux langues vernaculaires, et qui prennent des valeurs spécifiques, non pérennes, modifiables, ce qui fait sortir du champ la problématique de l’« universalité ». Le sens que l’on peut donner à la hiérarchie, alors, est fatalement déstabilisé, tandis que les habitudes colingues se déplacent. Dans certains pays, comme la Russie ou la Suède, un certain complexe d’infériorité 19 vis-à-vis du vernaculaire maternel a rendu l’usage de langues modernes autres très acceptable, ces usages n’étant jamais considérés comme exclusifs mais, au contraire, complémentaires. Dans les pratiques, de nombreux faits attestent de cet usage du multilinguisme. Ainsi, le traité de Kutschouk-Kainardji, conclu entre la Russie et la Turquie, parfois abusivement rangé dans les traités « écrits en français » parce que Catherine II le fit publier en français, fut au départ rédigé en trois langues : russe, turc et italien. Le « Nakaz », traité politique de Catherine II qui suscita des Observations de Diderot, fut rédigé en français par la souveraine, mais sa première édition (1767) est bilingue : français et allemand, avec une présentation à deux colonnes. Bientôt, il paraîtra en italien et, bien sûr, en russe. Une version latine paraît également en 1770. Toujours autour de Catherine II, on sous-estime aussi souvent en France la place de F. M. Grimm, allemand ayant séjourné à Paris, et qui fut l’un des principaux introducteurs de la culture française à l’impératrice, comme il le fut de la culture italienne (il fit venir musiciens et architectes) et anglaise (par l’acquisition de très importants ensembles de livres, notamment). Le caractère fondamentalement multiculturel de ce personnage-clé est malheureusement souvent gommé, en France, au profit des seuls Voltaire et Diderot. De nombreux autres intermédiaires allemands ou suédois ont joué un rôle dans les échanges 17. Lüsebrink met bien garde (Gonthier & Sandrier, 2007 : 13) que ce concept, né en 1941 aux États-Unis, peut ici présenter les inconvénients de l’anachronisme. Pour autant, il reste selon lui opérationnel concernant le XVIIIe siècle si on le voit surtout selon l’angle des transferts culturels (par contraste avec l’assimilation ou le métissage). 18. De nombreux commentateurs ont ainsi relevé que les journaux ou publications en langue française, en Allemagne et en Russie, n’ont pas servi seulement à introduire la culture française, mais aussi la culture anglaise, allemande ou néerlandaise. 19. Temporaire, ne l’oublions pas : Pierre le Grand comme Catherine II, au-delà de l’usage des langues européennes, visent essentiellement au développement du russe. Les usages standardisés du français, à un certain point, seront moins un véhicule qu’un modèle. 24 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Sherbrooke - - 132.210.209.126 - 14/05/2019 20h46. © Armand Colin Le français au contact des langues : histoire, sociolinguistique, didactique De l’« universalité » européenne du français au XVIIIe siècle Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Sherbrooke - - 132.210.209.126 - 14/05/2019 20h46. © Armand Colin Ce multilinguisme européen a été souvent occulté par l’histoire française des pays où le français a été fortement représenté. On sait que la présence de l’allemand, par exemple, était au moins aussi forte quantitativement que celle du français en Russie, et qu’elle s’accrut après 1763, date à laquelle Catherine II proposa une émigration à ses anciens compatriotes en échange d’une exonération d’impôts pour trente ans (essentiellement, afin de peupler des régions encore reculées comme les bords de la Volga). L’allemand était de loin la langue la plus représentée à Saint-Pétersbourg jusque dans les années 1740, moment où le français commença à être en vogue, et la forte colonie allemande établie dans cette ville le maintint tout du long. Par ailleurs, une influence anglaise assez sensible commença à apparaître à la fin du siècle, qui devait se confirmer au XIXe siècle. Si l’on ajoute à cela la forte influence italienne, surtout sensible dans les arts, on obtient ainsi un quatuor de langues qui jouèrent concomitamment leurs parties dans l’histoire culturelle de la Russie moderne. Dès la fin du XVIIIe siècle, de nombreux nobles et intellectuels russes allaient et venaient entre ces langues qui n’étaient jamais considérées comme exclusives les unes des autres. S’il est important de revoir notre regard sur les dynamiques qui entourent le devenir des langues hors frontières au XVIIIe siècle, c’est aussi que s’y accroît considérablement le rôle de deux paramètres caractéristiques dans le rapport moderne aux langues : ce que l’on pourrait appeler la « culturalité » de la langue et le « sentiment de la langue ». Le premier explique qu’aux langues vernaculaires soit régulièrement associées, non seulement des images, des représentations, des mondes mentaux – que l’époque a cherché à décrire au moyen des termes divers et tous sujets à controverses d’esprit, de génie, de caractère, de goût, entre autres – mais aussi des pratiques qui ont ceci de particulier qu’elles sont « secondaires » en ce qu’elles supposent, non pas l’adoption de normes mécaniques mais une réflexion, une appropriation, voire même une altération. Ceci nous renvoie à l’importance que peut jouer l’imaginaire linguistique comme adhésion tacite ou reconfiguration à des images d’une part, et la notion de langue de culture, que nous définirons un peu différemment de ce qui est fait chez P. Judet de la Combe et H. Wizman (2004). Plutôt que d’opposer « valeur informationnelle » et « valeur communicationnelle », en effet, nous choisirons d’appeler langue de culture, du point de vue de l’usager, une langue faisant l’objet d’un choix spécifique, d’un travail, d’une recherche, d’une attribution de valeur. Ainsi, les usages véhiculaires d’une langue ne sont, à notre avis, nullement à distinguer de ses usages « de culture » si ces usages sont pensés en fonction d’une orientation spécifique, dans le rapport 20. Voir Karp (2003). LANGUE FRANÇAISE 167 25 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Sherbrooke - - 132.210.209.126 - 14/05/2019 20h46. © Armand Colin entre les Français et les Russes. Les recherches les plus récentes 20 montrent que ces échanges ne sauraient être considérés sous l’angle seulement bilatéral : ils impliquent, en réalité, un large réseau européen. à une altérité qui peut aussi être une manière de se défaire de ce que sa propre langue, précisément, a de véhiculaire. Si le latin fut sans conteste une langue de culture à l’époque moderne, usage retravaillé dans une pratique spécifique (essentiellement écrite, si l’on excepte l’oral élevé des domaines juridiques et médical), quelques grandes langues vernaculaires européennes le deviennent dans le courant du XVIIIe siècle ; et elles le deviennent en se « détachant », pour ainsi dire, de leurs patries d’origine. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Sherbrooke - - 132.210.209.126 - 14/05/2019 20h46. © Armand Colin Ce phénomène, concernant le français, n’a pas toujours été bien accepté par les Français eux-mêmes. C’est qu’il devient difficile d’associer, de façon simple, langue française et nationalité, voire même culture française. Au premier rang des domaines touchés, il y a bien évidemment ce domaine classiquement cosmopolite des arts et des sciences. Paradoxalement, au XVIIIe siècle, comme l’écrit l’historien S. Van Damme dans une thèse récente, « la portée universaliste de la grandeur parisienne s’accompagne d’un rejet des anciennes formes de territorialisation des savoirs » (Van Damme, 2005 : 219 ; cité in Beaurepaire, 2007 : 105). Il est notable, en effet, que, dans bien des endroits où le français se diffuse, il le fait dans un relatif affranchissement des normes strictes qui sont de règle en France, et notamment à Paris. Sans aller jusqu’à parler de « normes endogènes », on peut remarquer que les usages se sont ramifiés, partout où le français est parlé, au point de motiver des réactions puristes 21 . À l’usage du français sont moins associées des contraintes de « pureté » linguistique que des idées universalistes de culture, en même temps qu’un goût spécifique, qui peut s’accommoder des formes marginales. Cette nouvelle fluidité, ce caractère labile des transferts linguistiques, échappe à l’appréhension simple et sort surtout de toute forme de « mainmise » émanant d’un centre. « L’étude du livre français en Russie montre [...] qu’il faut sortir de la problématique de l’influence pour prendre en compte l’émergence d’un espace européen de l’information, de la circulation des œuvres, de la mobilité des hommes auquel la Russie s’intègre progressivement », écrit par exemple P.-Y. Beaurepaire (2007 : 116). Pour ce qui est du « sentiment de la langue », son importance est à relier au fait que les langues de culture sont la plupart choisies dans un goût, une motivation spécifiques. L’usage des langues de culture modernes ne répond pas, ainsi, à une contrainte (contrainte sociale, politique, ou purement véhiculaire) mais s’articule à des désirs, des rêves, des imageries. Significative de cette attribution de valeurs ou de fonctions pragmatiques spécifiques et temporaires, la fréquence, dans les usages écrits (correspondances), de l’ « alternance codique », ou code-mixing, selon que le mot est préféré dans une langue ou dans une autre, ou que l’on passe d’un registre intime ou à un registre plus formel (ou inversement). Tandis que Gustave III de Suède était célèbre pour la qualité de son 21. Voir Prémontval (1759-1761). 26 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Sherbrooke - - 132.210.209.126 - 14/05/2019 20h46. © Armand Colin Le français au contact des langues : histoire, sociolinguistique, didactique De l’« universalité » européenne du français au XVIIIe siècle Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Sherbrooke - - 132.210.209.126 - 14/05/2019 20h46. © Armand Colin Et, sans doute, la superposition de ces « goûts » doit-elle être comprise comme un facteur décisif, du point de vue des représentations (des imaginaires, même, qui, saisis avec une distance critique, n’en demeurent pas moins des forces polarisantes fortes), dans l’apparition de cette multiculturalité moderne. Une conclusion paradoxale du processus est qu’alors que de véritables passions pour certaines langues modernes, comprises comme langues de culture, se donnent une carrière qui n’avait encore pas d’exemple (envies, désirs, fascinations), ces passions s’accommodent de la diversité et défont surtout les liens qui unissaient traditionnellement langue et culture. En français (comme en anglais ou en allemand) sont désormais attachées des idées et des sentiments qui ne sont de nul lieu, et que nul territoire ne peut plus réclamer pour lui seul. En revenant sur les représentations et les réalités de l’« universalité de la langue française » au XVIIIe siècle, on est ainsi conduit non seulement à revoir bon nombre d’idées reçues mais aussi à poser quelques-unes des questions décisives qui nous taraudent aujourd’hui, à l’heure de la réapparition de ces idées d’« universalité » à propos de l’anglais. Ce que semble nous montrer l’exemple français au XVIIIe siècle, c’est que, loin d’être « universel » dans un sens hégémoniste, ce qu’ont voulu nous faire croire certains propagandistes au travers d’arguments intellectuellement fragiles ou d’éléments factuels abusivement généralisés, le français ne l’a été que partiellement, temporairement, et de façon fluctuante ; en outre, que l’« universalité » n’est en somme qu’un nom assez inexactement donné à un processus historique radicalement nouveau, déstabilisant, non gouverné, et pour autant d’une rare puissance : la sortie du devenir des langues hors de leurs espaces politiques et culturels traditionnels. La grande erreur des commentateurs français a été de voir dans cette « déterritorialisation » du français une facilité, voire même une opportunité. D. Bouhours n’écrivait-il pas en 1671 (toute exagération quant aux faits mise à part) : « il ne s’en faut rien que je vous avoue maintenant, que la connaissance des langues étrangères n’est pas beaucoup nécessaire à un Français qui voyage » (2003 : 105). En focalisant l’attention sur cette illusion d’unilinguisme étendu, il a ouvert la voie à « ce qu’il faudrait sans doute appeler la xénophobie linguistique française » (Pénisson, 1996 : 11). Et les nationalismes linguistiques des XIXe et XXe siècles ont eu beau jeu, ensuite, de se découvrir dès les siècles classiques des antécédents auréolés du prestige d’époques jugées politiquement et culturellement fastes. 22. Voir Proschwitz (1986). LANGUE FRANÇAISE 167 27 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Sherbrooke - - 132.210.209.126 - 14/05/2019 20h46. © Armand Colin français écrit 22 , C. Wolff cite des lettres de nobles suédois émaillées d’intrusions de mots suédois ou changeant de langue à mi-parcours (cf. Gonthier & Sandrier, 2007 : 127-143) ; de même pour Isabelle de Charrière, « la belle de Zuylen », dont les lettres font souvent alterner français et néerlandais. Le français au contact des langues : histoire, sociolinguistique, didactique À rebours de cette interprétation, nous pensons qu’il est urgent de rouvrir le chantier sur les langues de culture au XVIIIe siècle, terrain d’étude immensément riche d’enseignements pour comprendre le présent des langues. [ACADÉMIE DE BERLIN] (1995), De l’universalité européenne de la langue française [1784], P. Pénisson (éd.), Paris : Fayard. ANDERSON B. (2002), L’imaginaire national. Réflexions sur l’origine et l’essor du nationalisme, Paris : La Découverte & Syros. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Sherbrooke - - 132.210.209.126 - 14/05/2019 20h46. © Armand Colin BALIBAR R. (1985), L’institution du français. Essai sur le colinguisme des Carolingiens à la République, Paris : Presses Universitaires de France. BEAUCE T. 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