- Novembre 2018 - n°001
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L’illustration 1, œuvre du dessinateur
de presse Aimé Razafy, reète
les lacunes du système électoral
telles qu’il les voyait à Madagascar
en 1992, et que la société civile
continue jusqu’à présent d’évoquer
dans ses interventions.
La pratique discutable de la
démocratisation par voie de
crise.
Rappelons que du fait de leur
caractère insatisfaisant par rapport
aux normes démocratiques, il
y a une volatilité extrêmement
rapide des acquis d’une élection à
Madagascar. Philibert Tsiranana,
élu en janvier 1972 par 99,78% des
voix, est renversé par la rue en mai
de la même année. Didier Ratsiraka,
réélu au premier tour des élections
de mars 1989 par 63% des voix
pour un troisième mandat, doit faire
face à une grave crise à partir de
juin 1991. Albert Zafy, élu par 66%
des voix en février 1993, doit quitter
le pouvoir suite à une procédure
d’empêchement votée en 1996 par
une Assemblée nationale. Marc
Ravalomanana, réélu par 53% des
voix en 2006, est balayé par la crise
au premier trimestre 2009. Une
élection peu convaincante ne produit
donc pas de légitimité durable.
Quatre crises politiques violentes en
cinquante-huit ans d’indépendance
républicaine : l’histoire politique
du pays nous jette à la face les
conséquences d’élections dont les
résultats ne s’imposent pas à tous.
Nous dénirons une crise politique
violente comme une « Situation de
rupture du contrat social que les
institutions ne sont plus capables
de gérer, et dans laquelle au moins
une des parties en présence utilise
la violence de façon répétée pour
faire triompher une cause politique
telle que l’accès ou le maintien au
pouvoir ».
L’illustration 2, œuvre du dessinateur
de presse Aimé Razafy reète
son soupçon sur les véritables
motivations des crises politiques :
l’accès aux bénéces (symbolisé par
un festin) que permet une arrivée au
pouvoir.
De 1960 à 2015, à une seule exception
près (Norbert Ratsirahonana), tous
les chefs d’État qui ont exercé
le pouvoir à Madagascar ont eu
directement ou indirectement aaire
à une crise violente, soit pour arriver
au pouvoir, soit pour le quitter, ou
même pour certains d’entre eux,
dans les deux cas. Ainsi, sur cette
période, aucun Président élu n’a
pu terminer son mandat ou sa
série de mandats octroyé(e) par les
élections. Soit il a été renversé par
la rue, soit un événement imprévu a
raccourci son mandat et a débouché
sur une Transition ou un transfert
de pouvoir dans des conditions
extraconstitutionnelles.
Certes, toutes les alternances n’ont
pas été violentes. Il y a en eet eu
des cas d’alternance paisible, mais
qui se sont produits hors du cadre
constitutionnel : désignations
(soit sous forme de transmissions
de pouvoir ou de votes dans un
cercle restreint), ou bien par le
biais d’élections ayant elles-mêmes
clôturé une transition générée par
un épisode violent (crise politique
ou assassinat). Les arrivées au
pouvoir du Professeur Zafy et
de Hery Rajaonarimampianina
rentrent dans ce dernier cas, et ne
peuvent donc pas être considérées
comme des alternances électorales
paisibles caractérisant « aujourd’hui
les démocraties qui fonctionnent »
(Quermonne, 2003, pp. 8-9).
Il n’y a donc eu qu’une seule
alternance démocratique
paisible à Madagascar durant
les 55 premières années
d’indépendance républicaine :
celle de 1997 entre Norbert Lala
Ratsirahonana et Didier Ratsiraka,
ce dernier étant vainqueur d’une
élection à laquelle le chef d’Etat
sortant participait. Mais M.
Ratsirahonana était un chef d’Etat
désigné, et non élu. Par conséquent,
Illustration 1. Un système électoral à la abilité limitée (auteur : Aimé Razafy, 1992).
Illustration 2. L’arrivée au pouvoir grâce à une crise politique permet de « manger »
(auteur : Aimé Razafy, 1992).