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C
H A P I T R E
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Nystagmus sans strabisme
C . S P E E G - S C H A T Z , F. O G E R - L A V E N A N T
I – NYSTAGMUS
CHEZ L’ENFANT
C. SPEEG-SCHATZ
Le nystagmus congénital est caractérisé par des oscillations horizontales des yeux involontaires conjuguées et rythmiques. Le nystagmus
peut être pendulaire ou à ressort dans le regard primaire et il peut
avoir une composante rotatoire. L’intensité du nystagmus congénital
augmente dans le regard latéral, à droite dans le regard à droite, à
gauche dans le regard à gauche. Ce nystagmus reste horizontal dans
les regards en haut. Il s’aggrave en règle générale à la fixation et
à l’effort visuel ; il en va de même lors de l’anxiété ou de la fatigue, aggravant le nystagmus et souvent diminuant l’acuité visuelle.
Les oscillopsies sont rares dans le nystagmus congénital, mais leur
absence chez l’enfant plus grand ou chez l’adulte peut orienter vers
un diagnostic de nystagmus congénital.
Le nystagmus chez l’enfant diffère cliniquement et sur le plan
physiopathologique de l’adulte. En effet, si, chez l’adulte, le nystagmus acquis est en règle associé à une lésion neurologique touchant
le système oculomoteur par atteinte cérébrale et/ou cérébelleuse,
chez l’enfant une lésion cérébrale ou oculaire sera volontiers évoquée cliniquement et confirmée en neuro-imagerie, examen indispensable. La plupart des nystagmus de l’enfant sont congénitaux.
Le plus fréquent est le nystagmus associé à un strabisme précoce,
qui sera traité au chapitre 13. En dehors de ce dernier, le nystagmus congénital témoigne habituellement d’un déséquilibre visuel
initial au niveau de la rétine ou du nerf optique. La dysfonction du
nerf optique est souvent analysable par la présence d’une atrophie
optique ou d’une hypoplasie du nerf optique. Une anomalie au
niveau rétinien ou au niveau des cellules neurosensorielles n’est pas
cliniquement observable, mais dépistée par l’exploration électrophysiologique. La crainte de l’ophtalmologiste est dominée par les
tumeurs cérébrales, même si, dans la forme congénitale de l’enfant
(et non acquise), elles n’entraînent pas de nystagmus en dehors de
l’atrophie optique et de l’hypoplasie du nerf optique.
Définition
Le nystagmus est un trouble de la statique oculaire caractérisé
par un tremblement des yeux, c’est-à-dire une succession de deux
secousses de sens opposé. On considère deux types essentiels de
nystagmus [2] :
– le nystagmus pendulaire, où les deux secousses sont égales
et de même vitesse ;
– le nystagmus à ressort, avec une secousse lente suivie d’une
secousse rapide qui ramène l’œil à sa position de départ et qui
définit le sens du nystagmus.
On distingue selon la direction des secousses nystagmiques
des nystagmus simples, horizontaux, verticaux, rotatoires, parfois
obliques, et des nystagmus composés, horizontaux, rotatoires. Les
deux yeux sont habituellement intéressés de façon synchrone.
Le nystagmus est involontaire. Rarement, le nystagmus n’atteint
qu’un seul œil. La plupart des auteurs semblent admettre que ce
sont les voies oculogyres qui sont touchées.
Rappel
physiopathologique
Le nystagmus prend naissance à partir des deux principaux mouvements du système oculomoteur [1-3, 8, 7] :
– le mouvement lent, qui assure le maintien de l’image sur la
fovéa ;
– le mouvement rapide, qui représente le contrôle cérébral par
un mouvement correcteur suivant le mouvement lent.
Normalement, le mouvement rapide est utilisé pour fixer un
nouveau stimulus. En pathologie, le patient tente de garde l’image
sur la fovéa. Les saccades correctrices sont là pour tenter d’augmenter la fovéation. Ainsi, dans la malvoyance précoce, il est possible qu’une information visuelle insuffisante ne permette pas au
cerveau d’apprendre à fixer avec stabilité. Il en résulte une anomalie du feedback de l’information et, de ce fait, les mouvements
oculomoteurs sont totalement inadaptés.
Au total, devant une instabilité du système oculomoteur, nous
assistons à une anomalie du contrôle des mouvements oculomo113
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Pathologie oculomotrice sans déviation
teurs, une anomalie de la fixation et, par voie de conséquence, à
la genèse de saccades correctrices.
Sémiologie
du nystagmus
■ MODE D’APPARITION
DU NYSTAGMUS
Chez l’enfant, le nystagmus apparaît de façon spontanée, c’està-dire qu’il se manifeste d’emblée sans manœuvre purement clinique (recherche d’une position de la tête, des yeux, occlusion
d’un œil, etc.) et instrumentale (lorsqu’il est dû à des manœuvres
telles que des épreuves vestibulaires, optocinétiques, etc.).
■ ATTEINTE RESPECTIVE
DES DEUX YEUX
Elle permet de distinguer :
– des nystagmus congruents, où les deux yeux se déplacent
dans la même direction avec la même amplitude et la même fréquence ;
– des nystagmus incongruents, où l’amplitude des mouvements
des deux yeux est inégale ;
– des nystagmus monoculaires unilatéraux.
■ AMPLITUDE DU NYSTAGMUS
L’amplitude est représentée par l’étendue du mouvement des
globes oculaires [3]. Nous distinguerons un nystagmus de faible
amplitude lorsque l’excursion est inférieure ou égale à 5°, de
moyenne amplitude lorsqu’elle est comprise entre 5° et 15° et de
forte amplitude lorsque le déplacement dépasse 15°.
■ PRINCIPAUX TYPES
DE NYSTAGMUS
La vitesse relative des deux phases permet de distinguer trois
types principaux de nystagmus : le nystagmus à ressort, le nystagmus pendulaire et le nystagmus mixte.
Nystagmus à ressort
Il comporte deux phases de durée inégale, une phase lente et une
phase rapide, qui représente le mouvement que l’on voit le mieux
et qui définit arbitrairement la direction du nystagmus.
Nystagmus pendulaire
Il est fait de deux secousses égales en durée et en amplitude.
Nystagmus mixte
e Il comporte les deux composantes (vidéo 7-1).
■ NATURE DES MOUVEMENTS
CONJUGUÉS
Dans la plupart des nystagmus, les yeux battent dans le même
sens. Cependant, il est décrit des nystagmus à bascule (see-saw
nystagmus) où un œil s’élève quand l’autre s’abaisse, et il existe
des nystagmus asymétriques comme par exemple un nystagmus
horizontal sur un œil et un nystagmus vertical sur l’autre.
Analyse du nystagmus
C’est de l’analyse de l’examen clinique et de l’examen oculographique ainsi que des résultats d’un éventuel test prismatique
préopératoire qu’on pourra déduire la stratégie opératoire la plus
appropriée à l’opération du nystagmus [3, 4].
■ EXAMEN CLINIQUE
Il convient d’observer le mouvement nystagmique et ses variations, ce qui nécessite souvent des examens prolongés et répétés.
Cette observation aboutira :
– à la description du nystagmus, telle qu’elle a été établie au
paragraphe précédent ;
– à l’analyse qualitative et quantitative d’un torticolis ou de
mécanismes de compensation réalisée en se fondant sur l’observation du comportement spontané du sujet ;
– à l’étude du torticolis (fig. 7-1) et de ses variations selon l’œil
fixateur, en vision monoculaire et binoculaire, de loin et de près,
et selon l’intensité de l’effort visuel. En effet, le sujet nystagmique
recherche une zone privilégiée d’accalmie :
■ DIRECTION DU NYSTAGMUS
La direction du nystagmus est définie par le plan dans lequel se
déplacent les yeux. Nous rappelons l’existence des nystagmus
simples, complexes et du nystagmus retractorius.
Nystagmus simples
Ils peuvent être caractérisés par des mouvements autour d’un axe
situé dans le plan frontal, décrivant ainsi un nystagmus horizontal,
e vertical (vidéo 7-2) ou oblique. Lorsque les mouvements se font
autour d’un axe antéropostérieur, ce sont des nystagmus rotatoires.
Nystagmus complexes
Ce sont des nystagmus à ressort pour lesquels on analysera la composante rotatoire ajoutée au déplacement horizontal ou vertical.
Nystagmus retractorius
C’est un nystagmus dans lequel le globe est animé de mouvements d’avant en arrière.
114
Fig. 7-1
Nystagmus diminuant dans le regard en bas et à droite
entraînant un torticolis tête tournée à gauche et menton
relevé.
(Cliché A. Péchereau.)
Nystagmus sans strabisme
– dans un nystagmus unidirectionnel, elle sera à la fin de la
course de la dérive ;
– dans un nystagmus bidirectionnel, dans le champ central
du regard (dans ce cas, le sujet dispose d’une vision optimale
en position primaire) ;
– dans une zone excentrée du champ du regard (le sujet
prend alors une position de torticolis horizontal, vertical et/ou
torsionnel avec un avantage visuel au détriment de l’inconfort
de la position de la tête) ;
– dans deux zones excentrées du champ en regard, l’une
dans le regard à droite, l’autre dans le regard à gauche,
en vision rapprochée, ou parfois à la fois dans une zone
excentrée dans le champ du regard et en vision rapprochée ;
– à la mesure de l’acuité visuelle en vision monoculaire droite
et gauche et en vision binoculaire en position primaire de loin
et en position de lecture de près, en position de torticolis et à
son opposée. L’acuité visuelle est variable dans le nystagmus :
elle dépend de l’intensité du nystagmus, du type de nystagmus
et des signes associés ; elle peut ainsi atteindre 10/10 si le nystagmus est moteur, mais dépasse rarement 2/10 ou 3/10 si le
nystagmus est sensoriel ;
– à l’étude de la binocularité et à la recherche de l’association
à un strabisme (il est important de connaître l’état de la correspondance rétinienne pour différencier les patients à vision binoculaire
normale des autres).
■ EXAMENS INSTRUMENTAUX
Certains auteurs ont recours à l’optocinétique (tambour de Barany)
ou aux épreuves vestibulométriques, mais l’examen de choix reste
l’oculographie.
Grâce à un examen électro-oculographique cinétique ou
photo-oculographique, on peut objectiver et préciser les caractères du mouvement nystagmique, le sens et la vitesse de la
phase lente et de la phase rapide, ses variations selon l’œil fixateur en vision monoculaire et binoculaire et selon la direction
du regard. Ces examens confirment l’existence ou l’absence de
mécanismes de compensation, se traduisant par une ou plusieurs zones de moindres mouvements appelées zones d’accalmie. Ils permettent de localiser ces zones dans le champ du
regard [3, 8, 7].
■ TESTS PRISMATIQUES
PRÉOPÉRATOIRES
Ces tests [5] sont intéressants lorsqu’on a pu objectiver cliniquement
et/ou électro-oculographiquement une zone privilégiée et qu’on a
une stratégie opératoire destinée à transférer cette zone en position primaire et/ou de l’élargir. Il conviendra alors de confirmer
l’apport présupposé de l’intervention projetée dans un torticolis
par un test prismatique préopératoire, en proposant au patient de
porter à l’essai ou le soir, sous forme de primes en press-on, la
valeur de la déviation mesurée permettant de redresser le torticolis. On fera ainsi porter au patient muni de la correction exacte de
son amétropie :
– des prismes dont la base est placée des deux côtés dans la
direction du torticolis simple ;
– des prismes à base temporale lorsque le nystagmus s’atténue
en convergence.
Si le sujet diminue ou renonce à son torticolis et/ou si le nystagmus est atténué, le pronostic opératoire est en règle générale
bon.
7
Classification
du nystagmus
■ NYSTAGMUS D’ORIGINE
NON OCULAIRE
Il s’agit des nystagmus acquis, notamment les nystagmus neurologiques, les nystagmus de cause ORL et les nystagmus vestibulaires. Il convient de les éliminer d’emblée.
Les nystagmus neurologiques sont à ressort et témoignent
d’une lésion des voies sensorielles vestibulaires périphériques,
au niveau de l’oreille interne, ou centrales, au niveau des centres
situés dans le tronc cérébral.
Le nystagmus vestibulaire périphérique de caractère horizontal
ou horizontal rotatoire s’accompagne de vertiges, de nausées et de
vomissements. Il peut être de cause variable, infectieuse, vasculaire
ou tumorale.
Le nystagmus vestibulaire central ne s’accompagne pas de manifestations auditives et peut s’observer dans toute lésion infectieuse,
inflammatoire, vasculaire ou tumorale touchant le tronc cérébral.
Enfin, le nystagmus peut se voir dans les séquelles de traumatisme crânien.
Les nystagmus neurologiques représentent 20 % des causes
reconnues de nystagmus chez l’enfant (troubles neurologiques périnataux, anoxie, hématome sous-dural, hydrocéphalie, kyste arachnoïdien…). Il convient de ce fait de pratiquer les explorations neuroradiologiques de façon systématique afin d’éliminer une tumeur à
l’origine de 1 % à 2 % des nystagmus congénitaux précoces.
■ NYSTAGMUS OCULAIRES
PRÉCOCES
Nous séparerons les nystagmus de l’enfant en deux
groupes [1, 3, 5, 8, 7] : les nystagmus congénitaux et les nystagmus
manifestes latents — qui, dans ce chapitre, font partie du diagnostic différentiel car ils rentrent dans le strabisme précoce.
En effet, ils sont de mécanismes physiopathologiques et de prise
en charge chirurgicale différents.
NYSTAGMUS CONGÉNITAUX
Ils sont manifestes. Ils ont été divisés par Cogan en nystagmus
moteur sans lésion oculaire décelable et en nystagmus sensoriel
comportant des lésions bilatérales des milieux oculaires, de la
rétine maculaire ou des voies optiques [1]. Les nystagmus congénitaux ont plusieurs caractères cliniques communs :
– le mouvement nystagmique est variable : il peut être pendulaire ou à ressort, il peut être horizontal, plus rarement vertical
et/ou rotatoire ;
– il peut s’atténuer en vision binoculaire ;
– il peut être unidirectionnel, battant toujours dans la même
direction quels que soient l’œil fixateur et la direction du regard,
ou bidirectionnel, battant à droite dans le regard à droite, à
gauche dans le regard à gauche [7] ;
– la vision binoculaire normale n’est pas rompue dans la majorité des cas ; lorsqu’un strabisme est surajouté, la vision binoculaire est le plus souvent anormale ou absente ;
– l’acuité visuelle est variable ; le sujet nystagmique recherche
une zone privilégiée d’accalmie de son nystagmus le plus souvent.
Les nystagmus oculaires congénitaux peuvent être schématiquement liés à (fig. 7-2) :
– un défaut ou un retard de fovéation avec défaut du développement de la fixation centrale. C’est le nystagmus essentiel par
115
7
Pathologie oculomotrice sans déviation
Nystagmus oculaire
congénital
Fig. 7-2
Nystagmus essentiel
Nystagmus organique
Nystagmus manifeste
latent
Retard de maturation
et hypoplasie fovéale
Pathologie oculaire
organique
Non-développement
du lien binoculaire
Étiologie des nystagmus oculaires congénitaux.
(D’après Espinasse-Berrod M-A, Strabologie : approche diagnostique et thérapeutique. Elsevier, Paris, 2004.)
retard de maturation et hypoplasie fovéale. C’est un nystagmus
isolé sans affection rétinienne ou organique oculaire associée ;
e
– une pathologie organique : un albinisme (vidéo 7-3), une cataracte congénitale, une anomalie cornéenne, un colobome rétinien,
une malformation papillaire, une toxoplasmose ou une dégénérescence tapétorétinienne de type maladie de Leber, une dégénérescence des cônes ou des bâtonnets nécessitant systématiquement des
explorations électrophysiologiques. C’est le nystagmus sensoriel.
Le pronostic visuel est très réservé s’il existe une lésion organique dans les nystagmus sensoriels.
NYSTAGMUS MANIFESTES LATENTS
Cf. infra « Diagnostic différentiel ».
Diagnostic différentiel
Le nystagmus lié au non-développement du lien binoculaire est
e le nystagmus manifeste latent (vidéo 7-4), observé dans les strabismes congénitaux ou ésotropies précoces installées au cours des
six premiers mois de la vie pour lesquels le nystagmus est intégré
au tableau clinique et très nettement réduit par la prise en charge
chirurgicale du strabisme lui-même.
Ce dernier type de nystagmus peut selon les cas être davantage
manifeste ou davantage latent. Il est toujours soit aboli soit atténué
Fig. 7-3
Nystagmus manifeste latent : torticolis alternant dissocié en fonction de l’œil fixateur.
(Cliché A. Péchereau.)
116
en fixation binoculaire et en adduction. Il disparaît à la fermeture
des paupières et dans l’obscurité. Il est au contraire déclenché ou
majoré par l’occlusion unilatérale, par l’abduction, par la réduction de la vision par brouillage optique et par éblouissement. C’est
un nystagmus à ressort battant toujours du côté de l’œil fixateur,
c’est-à-dire à droite lorsque l’œil droit fixe, à gauche lorsque l’œil
gauche fixe, aussi bien en fixation binoculaire qu’en monoculaire :
c’est un nystagmus que Franceschetti [6] a qualifié d’alternant et
de discordant car il est souvent asymétrique selon l’œil fixateur. Il
entraîne un torticolis alternant, s’inversant comme le battement au
changement d’œil fixateur : l’œil fixateur se plaçant dans le sens de
la dérive, c’est-à-dire en adduction, la tête sera tournée du côté de
l’œil fixateur (fig. 7-3).
Cette différenciation des différentes formes de nystagmus oculaire congénital est essentielle car elle a une implication directe sur
le pronostic visuel :
– les strabismes congénitaux précoces ont un bon pronostic
visuel monoculaire si le traitement est pris en charge précocement ;
– le spasmus nutans :
– il comporte une triade symptomatique : oscillations de la
tête, nystagmus oculaire acquis et torticolis ;
– les examens ophtalmologique et neurologique sont normaux ;
– le diagnostic ne sera retenu qu’après un examen complet
(neurologique et ophtalmologique) et une IRM cérébrale ;
– l’évolution favorable doit être vérifiée grâce à un suivi prolongé.
Nystagmus sans strabisme
7
PRISE EN CHARGE ORTHOPTIQUE
Conduite à tenir
devant le nystagmus
Lorsqu’il existe une amblyopie associée, il faut penser à pénalisation optique par un verre de + 3 dioptries sphériques, mieux
toléré par le nystagmus qu’une occlusion qui majore la composante latente du nystagmus.
La conduite à tenir est synthétisée tableau 7-I.
EXAMENS PARACLINIQUES
INTERROGATOIRE
Il est indispensable de préciser l’âge d’apparition du nystagmus, les antécédents périnataux, l’existence ou non d’une hérédité familiale d’un nystagmus ou d’une pathologie rétinienne
connue.
Outre le bilan étiologique neuroradiologique, en cas de malvoyance, on recherche une photophobie, une héméralopie, une
anomalie de la vision des couleurs, autant de signes associés
pouvant orienter vers un diagnostic précis qui sera confirmé par
l’électrophysiologie (tableau 7-II).
EXAMEN CLINIQUE
Conseil génétique
Il faut déterminer le type de nystagmus, horizontal, pendulaire ou
à ressort, son amplitude, son intensité, son rythme, sa variabilité
en vision de loin et en vision de près. Un torticolis ou une position
de blocage en convergence ou la tête tournée d’un côté, tantôt
e à droite, tantôt à gauche, sont recherchés (fig. 7-4 et vidéo 7-5).
L’acuité visuelle est précisée en binoculaire ou en monoculaire de
loin et de près, en position primaire et en position de blocage,
afin de préciser s’il y a ou non gain d’acuité visuelle, élément
important dans la décision chirurgicale.
Dans les suspicions de dystrophies rétiniennes ou dans les malformations oculaires, ce conseil est indispensable. Ainsi l’héméralopie congénitale stationnaire présente deux formes cliniques :
• l’une liée à l’X entraînant une cécité-malvoyance ;
• l’autre uniquement nocturne non évolutive.
L’achromatopsie est stable alors que la dystrophie des cônes
évolue. Nous rappelons qu’il est indispensable de toujours
rechercher une anomalie de la vision des couleurs et un trouble
de l’audition, comme dans le syndrome de Bardet-Biedl ou le
syndrome d’Alström et, en général, dans tous les syndromes
oculo-auditifs. Enfin, les enfants atteints de nystagmus compliqué de malvoyance devront être orientés vers les structures
adaptées : SAFEP, CAMPS, etc.
PRISE EN CHARGE OPTIQUE
Il est fondamental d’éliminer une amétropie associée et de donner
la correction optique totale.
Tableau 7-I – Conduite à tenir devant un nystagmus congénital.
Nystagmus neurologiques
Absence
d'anomalies
oculaires
visuelles
Séquelles de rétinopathie du prématuré
Foyers choriorétiniens
Hypoplasie fovéale
IRM
anormale
Anomalies
variables
à l’examen**
Cataracte congénitale
Opacités cornéennes
ERG
anormal*
Anomalies
à l’examen
oculaire
Lampe à fente, fond d’œil
Explorations neuroradiologiques systématiques
Examen clinique, mesure de l’acuité visuelle
Interrogatoire
Nystagmus congénital sensoriel
Altération des voies visuelles
Développement visuel faible
Nystagmus pendulaire, manifeste
PEV
anormaux
Nystagmus congénital d’origine non
oculaire
Nystagmus congénital moteur
Voies visuelles paraissant intactes
Anomalies initiales du lien binoculaire
Développement correct de l’acuité
visuelle possible
Nystagmus à ressort ou pendulaire, latent
ou manifeste latent
Dystrophies rétiniennes :
– amaurose congénitale de Leber
– achromatopsie
– cécité nocturne congénitale stationnaire
– cone-rod ou rod-cone dystrophies
Albinisme :
– oculaire
– oculocutané
Gliome
Malformation de la ligne médiane
Dysfonction du nerf optique :
– hypoplasie du nerf optique
– atrophie optique
Nystagmus idiopathique et nystagmus héréditaire
Associés au strabisme : cf. chapitre 13
* Éliminer d'abord un nystagmus neurosensoriel rentrant dans le cadre d’une pathologie systémique : peroxysomopathie, syndrome de Joubert,
cytopathie mitochondriale.
** Voir également tableau 7-II.
117
7
Pathologie oculomotrice sans déviation
Fig. 7-4
Nystagmus alternant périodique : double position de torticolis.
(Cliché A. Péchereau.)
Tableau 7-II – Électrophysiologie des différentes causes de nystagmus sensoriels.
Nystagmus idiopathique et nystagmus
héréditaire
Normale
PEV
ERG
Normaux
Photopique
Scotopique
Normal
Normal
Nystagmus neurologique
Anormale
Normaux
Normal
Normal
Gliome, malformation de la ligne
médiane
Anormale
Anormaux
Normal
Normal
Albinisme
Normale
Anormaux
Normal
Normal
Leber
Normale
Normaux
Plat
Plat
Achromatopsie, cone-rod dystrophy
Normale
Normaux
Plat
Normal
Héméralopie congénitale stationnaire
et rétinoschisis juvénile
Normale
Normaux
Atteinte des couches
internes
Atteinte des couches
internes
Dystrophie rétinienne héréditaire
Normale
Normaux
Altéré
Altéré
■ PRISE EN CHARGE CHIRURGICALE
TESTS PRÉOPÉRATOIRES
La chirurgie pourra être envisagée après tests prismatiques préopératoires (cf. supra).
BUTS
L’objectif de la chirurgie des nystagmus [5] est de :
– déplacer la zone de stabilité relative vers la région centrale
du regard autour de la position primaire en vision de loin et de
la position de lecture en vision de près, afin de tenter d’éliminer
le torticolis ;
– plus rarement, stabiliser les yeux ou au moins d’en réduire
l’instabilité ;
– redresser éventuellement les axes visuels dans les tropies nystagmiques.
Nystagmus sensoriels
IRM
afin de classer ce nystagmus, et d’en orienter le
pronostic visuel. Les nystagmus neurologiques
représentent 20 % des causes reconnues de nystagmus chez l’enfant. Il convient de ce fait de
pratiquer les explorations neuroradiologiques de
façon systématique afin d’éliminer une tumeur à
l’origine de 1 % à 2 % des nystagmus congénitaux
précoces. Il faut en particulier penser à une tumeur
de la fosse postérieure en présence d’un nystagmus vertical.
La prise en charge optique et orthoptique est fondamentale dans un premier temps, puis elle est complétée par un traitement chirurgical permettant de
profiter d’une éventuelle position d’amélioration du
nystagmus ou de tenter de réduire ce nystagmus,
mais en aucun cas de le guérir.
CONCLUSION
Le nystagmus est un trouble de la statique oculaire qui
nécessite un examen clinique précis afin de le caractériser, un bilan neuroradiologique et électro-physiologique
118
BIBLIOGRAPHIE
[1] Cogan DG. Nystagmus. In : Strasbismus. Haik GH (ed.). Trans
New Orleans Acad Ophthalmol. Saint Louis, CV Mosby, 1962 : 119.
Nystagmus sans strabisme
[2] Goddé-Jolly D, Larmande A, et al. Les nystagmus. Rapport
annuel de la société Française d’Opthalmologie. Paris, Masson, 1973.
[3] Quéré M-A. Physiopathologie clinique de l’équilibre oculomoteur. Paris, Masson, 1983.
[4] Risse J-F. Exploration de la fonction visuelle. Applications au
domaine sensoriel de l’œil normal et en pathologie. Paris, Masson, 1999.
[5] Roth A, Speeg-Schatz C. La chirurgie oculo-motrice. Les données de base, les techniques chirurgicales, les stratégies opératoires.
Paris, Masson, 1995.
7
[6] Roth A. Le bilan ophtalmologique. In : Les nystagmus.
XXXe Colloque de Nantes. A & J Péchereau éditeurs, FNRO Éditions, Nantes, 2005.
[7] Spielmann A. Les strabismes. De l’analyse clinique à la synthèse
chirurgicale. 2e édition. Paris, Masson, 1991.
[8] Spielmann A. Nystagmus congénital essentiel et nystagmus
congénital manifeste/latent. J Fr Ophtalmol, 1986 ; 18 : 21-35.
II – NYSTAGMUS
DE L’ADULTE SANS STRABISME
CONDUITE À TENIR
:
F. O G E R - L A V E N A N T
« Devant un nystagmique, pas de panique ! » doit rester à l’esprit
de tout ophtalmologiste surtout non spécialisé. Cela implique
tout simplement de conduire un examen ophtalmologique et
orthoptique complet en étant particulièrement attentif à l’anamnèse, l’inspection, l’étude de la réfraction et de l’oculomotricité
avec le type de nystagmus. Cette première approche permet en
règle de différencier un nystagmus congénital d’un nystagmus
acquis qui, lui, implique d’autres disciplines, en particulier le
neurologue et/ou l’ORL et le neuroradiologue.
En pratique, il s’agit :
– soit d’un adulte qui connaît son nystagmus et consulte pour
un contrôle ou une baisse d’acuité visuelle ;
– soit d’un adulte qui consulte pour des oscillopsies ou une vision
floue d’apparition récente témoignant du caractère acquis du trouble.
Selon qu’il s’agit d’un adulte jeune ou non, les orientations
étiologiques sont différentes.
■ MOUVEMENTS OCULAIRES
PSEUDO-NYSTAGMOÏDES
Ces mouvements ressemblent à un nystagmus mais leur inspection
attentive les en différencie.
Les ondes carrées sont constituées de petites saccades horizontales de 1° à 5° à droite ou à gauche. Elles sont observées surtout
chez les personnes âgées et dans les pathologies dégénératives.
Flutter et l’opsoclonus
Le flutter est une salve de mouvements horizontaux aller-retour
sans intervalle saccadique ; lorsque ces mouvements sont multidirectionnels, on parle d’opsoclonus. Le siège de l’atteinte se trouve
dans la formation réticulée pontine ; l’étiologie est donc diverse
(paranéoplasique, médicamenteuse, tumorale, post-traumatique,
infectieuse).
Bobbing
La détermination du caractère organique ou non du nystagmus
passe par un examen ophtalmologique standard ; l’étiologie
nécessitera, elle, l’éventuel concours d’une autre spécialité.
Le bobbing, réalisant une déviation rapide vers le bas suivi d’un
retour lent en position primaire, est dû à une dysfonction protubérantielle.
Myokimies de l’oblique supérieur
Mémento
des nystagmus
■ NYSTAGMUS NEUROLOGIQUES
Le nystagmus est défini par l’alternance de mouvements oculaires
involontaires de va-et-vient initiés par un mouvement oculaire lent.
Le nystagmus peut être constitué par l’alternance de phases lentes
et rapides (nystagmus à ressort) ou par la succession de phases
lentes (nystagmus pendulaire), certains nystagmus alternant les
deux anomalies.
C’est la phase lente du nystagmus qui représente l’anomalie de
ce mouvement anormal ; elle correspond à un déficit des systèmes
qui maintiennent le regard stable : système vestibulaire périphérique et central, système du maintien du regard excentré, système
de fixation visuelle.
Elles réalisent des oscillations torsionnelles unilatérales épisodiques
visibles en lampe à fente (intorsion et abaissement du globe de
faible amplitude) ; les plaintes sont donc intermittentes.
Interrogatoire
L’interrogatoire oriente d’emblée vers le caractère congénital ou
acquis et, pour ce dernier, apprécie sa nature isolée ou non.
■ MOTIF DE CONSULTATION
Le patient consulte pour un changement de lunettes. Il connaît
son nystagmus depuis l’enfance. Soit il a son permis de conduire
donc a eu au moins 5/10 pour l’obtenir, soit il n’a pas pu passer
son permis de conduire en raison d’une acuité visuelle insuffisante.
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Pathologie oculomotrice sans déviation
Le même patient peut consulter pour une baisse d’acuité
visuelle.
Le patient consulte pour des oscillopsies ou une vision floue car
il a du mal à décrire les mouvements visuels perçus : il s’agit donc
d’un nystagmus acquis qui nécessite la recherche d’une étiologie.
■ ANTÉCÉDENTS FAMILIAUX
Le nystagmus est connu dans la famille mais, parfois, il n’a jamais
fait l’objet d’exploration électrophysiologique et il n’est pas rare
actuellement de pouvoir trouver une étiologie à de tel nystagmus.
■ ANTÉCÉDENTS PERSONNELS
En faveur d’une étiologie congénitale, on peut trouver des antécédents de prématurité, d’amétropie forte corrigée un peu tard, de
photophobie, d’héméralopie ou de dyschromatopsie.
En faveur d’une étiologie acquise, on peut noter des épisodes
de vertiges, d’affection virale, de pathologie inflammatoire.
La prise de certains médicaments peut orienter vers une pathologie du regard excentré (anticonvulsivants, sédatifs, alcool).
■ SURVENUE DU TROUBLE
Lorsqu’il s’agit d’une pathologie acquise, l’installation a-t-elle été
brutale ou progressive ? isolée ou associée à des vertiges, une
diplopie, des céphalées, une baisse d’acuité visuelle, une asthénie,
une maladresse d’un membre supérieur ou inférieur, des difficultés de concentration ? secondaire à un traumatisme crânien ou
cranio-cervical ?
Inspection
Pendant l’interrogatoire, on a pu remarquer l’existence ou non
d’un torticolis qui n’est pas l’apanage des nystagmus congénitaux
d’autant qu’il est contemporain de l’installation du nystagmus, de
mouvements céphaliques rythmés observés dans les nystagmus
congénitaux sensoriels.
Si l’amplitude du nystagmus est suffisante, on sait déjà sa direction, son type à ressort, pendulaire ou mixte, sa variabilité selon
la direction du regard et s’il s’agit de mouvements anormaux non
nystagmiques.
Acuité visuelle
et réfraction
■ RÉFRACTION
Son étude doit être systématique avec une cycloplégie chez les
patients de moins de cinquante ans : des nystagmiques congénitaux n’ont parfois jamais eu leur correction optique correcte,
celle-ci les faisant passer du statut d’amblyopes profonds à 1/10
au statut de non-amblyope avec une acuité visuelle à 5/10 en corrigeant simplement totalement leur astigmatisme de 5,5 δ !
Oculo-sensoriomotricité
■ BILAN MOTEUR
La présence d’une composante latente du nystagmus implique
l’existence d’un strabisme congénital.
Chez un patient présentant un nystagmus récent, la recherche
d’une parésie ou d’une paralysie s’impose.
■ BILAN SENSORIEL
Il renseigne sur la présence ou non de la vision binoculaire en
sachant qu’un ancien strabique peut malheureusement présenter
un nystagmus acquis témoins d’une atteinte organique.
Examen à la lampe
à fente et biomicroscopie
■ LAMPE À FENTE
Le type du nystagmus, en particulier si existe une composante
rotatoire, sera aisément précisé à la lampe à vente : à ressort,
pendulo-ressort, pendulaire, horizontal ou vertical, toujours de
même sens ou non (alternant périodique).
On peut étudier l’iris à la recherche d’anciennes cicatrices uvéitiques, de nodules de Lisch (NF1), d’une transparence anormale
de sa racine (albinisme oculaire) et apprécier le jeu et la taille
comparative des pupilles.
■ BIOMICROSCOPIE
ET RÉTINOGRAPHIE
L’examen des papilles et des champs choriorétiniens peut orienter
vers une pathologie congénitale ou acquise :
– parfois le patient ignore les lésions rétiniennes responsables
de son nystagmus congénital ;
– parfois le patient a oublié des baisses transitoires d’acuité
visuelle, alors qu’existe une atrophie sectorielle papillaire.
■ ACUITÉ VISUELLE
Une malvoyance connue est en faveur d’une origine congénitale
conduisant au bilan de l’amblyopie bilatérale associée ou non à
amblyopie unilatérale en faveur d’une microtropie associée.
Une acuité visuelle normale et une isoacuité ou une baisse
d’acuité visuelle sont en faveur d’une pathologie acquise.
L’acuité visuelle varie-t-elle avec la direction du regard ?
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Tomographie
en cohérence optique
Une hypoplasie fovéolaire est parfois découverte, expliquant un
nystagmus baptisé à tort nystagmus héréditaire ou essentiel.
Nystagmus sans strabisme
Au terme de cet examen
Adulte présentant un nystagmus congénital
• Venu en consultation pour baisse d’acuité visuelle isolée :
l’étude de sa réfraction a permis d’améliorer son acuité visuelle.
• Venu en consultation pour baisse d’acuité visuelle isolée, qui
s’avère inaméliorable, avec un segment antérieur et postérieur normal : il convient de prévoir un champ visuel et un
ERG couplé à des potentiels évoqués visuels ; selon les résultats de ces examens, le patient sera adressé au neurologue
et au neuroradiologue.
Adulte présentant un nystagmus acquis
• Dans un contexte ORL : vertiges, hypoacousie ou acouphènes.
• Dans un contexte neurologique : diplopie, céphalées, vertiges.
• Nous n’avons pas déterminé de contexte précis :
■ l’adulte jeune doit être confié au neurologue : il peut
s’agir d’une sclérose en plaques ou d’une pathologie
tumorale ;
■ chez un adulte plus âgé, il convient de prévoir une consultation neurologique car il peut s’agir d’une pathologie
vasculaire, dégénérative mais parfois tumorale.
7
CONCLUSION
Devant un patient consultant pour des oscillopsies,
le caractère acquis du nystagmus est évident et le
patient doit être confié en fonction des résultats de
l’examen ophtalmologique soit à un neurologue ou
directement à un neuroradiologue, soit à un ORL, soit
à un médecin interniste.
Devant un patient chez qui on constate un nystagmus sans plainte d’oscillopsies, le caractère congénital du trouble est vraisemblable. Il faut se méfier
d’une pathologie acquise surajoutée devant toute
baisse d’acuité visuelle, de modification du ressenti
nystagmique, de diplopie ou de signe extraoculaires
récents.
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