M6d Mal Infect. 1997 ; 27, Sp6cial : 372-8
Evaluation de la pression des parents sur les m6decins
pour la prescription des antibiotiques
dans les infections ORL de l'enfant en ville*
G. DE SAINT-HARDOUIN**, M. GOLDGEWICHT***, G. KEMENY****,
E RUFAT***** et C. PERRONNE**
RESUME Les rhinopharyngites et les otites congestives sont essentiellement d'origine virale. Pourtant les
rhinopharyngites repr6sentent la premibre cause de prescription antibiotique chez l'enfant en
France, alors qu' aucun antibiotique n'a l'Autorisation de Mise sur le March6 pour cette indication. Le but de 1' 6tude
6tait d'6valuer le r61e de la pression des parents sur les m6decins en faveur de l'antibioth6rapie et les crit~res de pres-
cription. Deux questionnaires ont 6t6 61abor6s : un pour les parents, paru dans
Parents Magazine,
l'autre pour les
m6decins, publi6 dans
Le Quotidien du M~decin.
Trente et un % des parents attendent une prescription antibiotique
lots d'un gros rhume avec de la fi~vre. En cas de refus de la part du m6decin, seulement 5 % des parents disent insis-
ter ou aller consulter un autre m6decin pour satisfaire leur demande d'antibioth6rapie. Cette pression indirecte est
effectivement ressentie par les m6decins puisque 33 % ont le sentiment de prescrire ~t la demande pressante des
parents. Les principaux crit6res conduisant h une antibioth6rapie sont le caract~re purulent de la rhinorrh6e (77 %), la
dur6e de la fi~vre sup6rieure h 3 jours (72 %), l'aspect des tympans (65,5 %) et la notion d'infection ORL ~ r6p6tition
(65 %). Cette antibioth6rapie prescrite massivement est en r6alit6 souvent inefficace car inactive sur les virus res-
ponsables des rhinopharyngites et des otites congestives uniquement virales. Elle entra~ne des probl6mes 6conomiques
et 6cologiques (1-3). En effet, depuis l'6mergence massive de bact6ries multir6sistantes dans la tore nasopharyng6e,
l'antibioth6rapie prescrite pour pr6venir une faible proportion d'otites purulentes, devient de moins en moins efficace
(4). Une meilleure information des parents et une prise de conscience de la part des m6decins des cons6quences d'une
large prescription antibiotique devraient entra~ner un traitement mieux cibl6 des infections ORL de 1'enfant en ville.
Mots-el~s : Rhinopharyngite - Otite moyenne - Enfant - Antibiotique.
Les principales infections ORL de l'enfant sont constitu6es
par les rhinopharyngites et les otites. Les rhinopharyngites
sont dues ~ t'inflammation du rhino-pharynx, conduit muco-
cili6 (5, 6). Un virus en est responsable dans la grande majo-
tit6 des cas. On en distingue deux groupes : les picornavirus,
les plus fr6quents, avec les ent6rovirus (echovirus et virus
Coxsackie) et les rhinovirus, et tes myxovirus avec les virus
influenza
(agents de la grippe),
parainfluenza
et respiratoire
* 10 e Conf6rence de Consensus en Th6rapeutique Anti-Infectieuse -
19 juin 1996 ~ Lyon : "Les infections ORL".
** H6pital Raymond Poincar6, Service des Maladies infectieuses et
tropicales, 104 bld Raymond Poincar6 - F-92380 Garches.
*** Cabinet de M6decine g6n6rale, 4 av. d'Alsace-Lorraine -
F-92500 Rueil-Malmaison.
**** Cabinet de P6diatrie, 41 rue Emile Zola - F-94140
Alfortville.
***** H6pital Beaujon, Cellule MSI Pavillon Sergent, 110 bld du
G6n6ral Leclerc - F-92118 Clichy.
syncytial. Ces derniers sont fr6quemment responsables
d'infections d6passant les voies a6riennes sup6rieures (7, 8).
Cependant, les infections virales restent exceptionnellement
document6es.
Parfois certaines bact6ries atypiques
(Mycoplasma, Chlamy-
dia)
peuvent remplacer les virus comme agresseurs de la
muqueuse respiratoire. En cas de surinfection bact6rienne,
favoris6e par le d6s6quilibre des rapports h6te bact6rie, la
bact6rie l~t encore est rarement recherch6e. I1 s'agit de
pneumocoques
(Streptococcus pneumoniae)
et
d'Haemophi-
lus influenzae
en t~te, suivis de
Moraxella catarrhalis,
des
streptocoques b~ta-h6molytiques, et de
Staphylococcus
aureus
(9-1 t). L'6volution est habituellement spontan6ment
r6solutive en 3 h 6 jours. Mais la fr6quence des 6pisodes est
61ev6e et des complications peuvent appara~tre. La place
exacte des bact6ries atypiques dans la genbse des syndromes
rhinopharyng6s n'est pas encore clairement pr6cis6e.
Une meilleure connaissance de la fr6quence r6elle de ces
372
infections permettrait de mieux pr6ciser l'indication des
macrolides.
L'otite moyenne aigu6 constitue la principale complication
des rhinopharyngites (10 % des cas) (12-14). Avant l'6re des
antibiotiques, les otites gu6rissaient spontan6ment dans la
majorit6 des cas (70 %), 6tant donn6e leur origine virale (15).
Aujourd'hui, les rhinopharyngites de l'enfant constituent la
premibre cause de prescription antibiotique en France
(43.350 millions de prescriptions d'antibiotiques en 1995
pour les adultes et les enfants, donndes DOREMA). Certes,
les mddecins sont tr6s sollicit6s pour obtenir des r6sultats
rapides et efficaces. Beaucoup de mbres travaillent, confient
leur enfant (creche, assistante maternelle, garderie, 6cole
maternelle), et probablement par manque d'information, ima-
ginent que leur enfant gudrira plus vite sous antibiotique.
Parall61ement, il n'existe pas encore d'outil fiable, simple
d'utilisation, pour permettre aux soignants de distinguer une
otite d'origine virale ou bactdrienne.
Cet engouement pour l'antibiothdrapie a plusieurs consd-
quences :
Ecologique
en entrainant l'apparition de r6sistances
(16-18). Depuis quelques anndes, la proportion de bactdries
rdsistantes aux antibiotiques usuels augmente de faqon dra-
matique clans les 6tudes d'dpid6miologie microbienne portant
sur les otites pumlentes.
- En effet la frdquence des souches de
S. pneumoniae
de
sensibilit6 diminude ~ la p6nicilline est passde de 6 % en
1987 fi 55,3 % en 1994 ce qui n6cessite des doses plus 61e-
v6es d'amoxicilline. Sur ces chiffres de 1994, 17,5 % des
souches 6taient intermddiaires (CMI entre 0,1 et 1 rag/l) et
37,8 % 6taient rdsistantes (CMI supdrieures "a 1 mg/1).
- En 1994, 30 % des souches d'H.
influenzae
6taient
productrices de beta-lactamases et donc r6sistantes ~ l'amoxi-
cilline.
- La r6sistance fi l'6rythromycine atteignait 57,5 % des
souches de S.
pneumoniae
(39 % des souches sensibles fi la
pdnicilline, 71% des souches interm6diaires ou r6sistantes).
-
La rdsistance au cotrimoxazole atteignait 45,8 % des
souches de
S. pneumoniae
(12 % des souches sensibles ~t la
pdnicilline, 69 % des souches intermddiaires ou rdsistantes)
(Geslin, Centre National de Rdfdrence des Pneumocoques.
Communication personnelle).
Les germes les plus r6sistants s'observent essentiellement
dans les grandes villes, chez les enfants de moins de 18 mois,
gardds en collectivit~ (cr6ches). Un ant6cddent d'otite dans
l'annde pr6c6dente ou une hospitalisation r6cente sont des
facteurs de risque suppldmentaires (19, 20).
Economique :
la prescription systdmatique d' antibiotiques
est cofiteuse, et des restrictions font l'objet depuis peu de
rdfdrences m6dicales opposables.
Le but de cette 6tude 6tait d'6valuer le degr6 de pression des
parents sur les mddecins pour obtenir une prescription anti-
biotique, ainsi que l'influence de diffdrents crit6res cliniques
sur la ddcision de prescrire un antibiotique.
1 - POPULATIONS ET METHODES
Deu× enqu~tes diff6rentes par auto questionnaire ont 6t6
men6es : l'une 6tait dirigde anpr6s des parents de jeunes
enfants, Pautre s'adressait aux m~decins g6n6ralistes et au×
pddiatres lib6ranx et soignant des enfants. Les ORL n'ont
pas 6t6 soUicit6s par ce questionnaire afin de ne pas cr6er de
biais. En effet, leur participation aurait modifi6 la tendance
gdn6rale ~ la faveur de la prescription antibiotique puisque les
ORL examinent souvent en deuxi6me intention les enfants
qui pr6sentent une otite ~ probl6me. Ils voient donc souvent
des tympans ~ un stade plus avanc6 dans l'otite. Un groupe de
travail comprenant des mddecins lib6ranx (g6n6ralistes et
p6diatres), un m6decin hospitalier ainsi qu'un 6pid6miologiste
a 6labor6 les deux questionnaires. Ceux-ci ont 6t6 testds
auprOs d'une dizaine de volontaires chacun avant d'etre
valid6s :
Le questionnaire int6ressant les parents est paru dans
Parents' Magazine,
mensuel tirant ~ 450 000 exemplaires,
an mois d'octobre 1995. Cette revue dispose d'un lectorat de
jeunes parents sensibilis6s aux probl~mes de sant6 concernant
les enfants. Mille cent quinze questionnaires nous sont par-
venus spontan6ment ; nous en avons tir6 1 000 au sort pour
1' analyse.
Le questionnaire destin6 aux m6decins g6ndralistes et aux
pddiatres est paru ~ quatre reprises dans
Le Quotidien du
Mddecin
(80 000 exemplaires) : trois en octobre 1995, une en
janvier 1996. Une quarantaine de questionnaires a 6galement
6t6 soumise fi des m6decins gdn6ralistes des Hauts de Seine
lors d'une session de formation. Nous avons recueilli
237 questionnaires mais deux d'entre eux n'6taient pas inter
pr6tables et out 616 6cart6s de l'analyse.
L'dtude porte donc sur l 000 questionnaires parents et sur
235 questionnaires m6decins. Les rdsultats sont exprirn6s en
pourcentage pour les valeurs qualitatives et en moyenne avec
leur 6cart type pour les valeurs quantitatives. Les tests statis-
tiques ont 6t6 effectuds avec le logiciel EPI-INFO (version 5,
OMS Gen6ve, PC compatible) il s'agit soit du chi-2 de Pear-
son ou du test exact de Fisher en cas de faibles effectifs pore
les comparaisons des variables qualitatives, soit du test t de
Student pour les variables quantitatives.
2-RESULTATS
1. Questionnaire parents
Profil gdndral des rdponses :
tousles d6partements 6taient
repr6sent6s en dehors de l'Aveyron et du Cantal. Les 4 d6par-
tements les mieux repr6sent6s 6taient Paris avec 5,9 %, le
Nord avec 4,3 %, le Rh6ne avec 4,4 %, et les Hauts de Seine
avec 3,1%. Les pays limitrophes francophones (Belgique,
Suisse) et la Hollande totalisaient 3,2 % des r6ponses, les
Dora-Tom 0,5 %. Quatre vingt quatre % des enfants dont les
parents ont r6pondu h notre enqu~te n'6taient pas encore sco-
laris6s, 7 % avaient moins de 3 mois et 77 % avaient entre
3 mois et 3 arts. Quarante et un % d'entre eux 6taient gard6s
individuellement, et 25 % en collectivit6. Le mode de garde
n'influenqait pas le d6sir de prescription antibiotique. Pour
373
81% des parents, la maladie de leur enfant n'entra~nait pas de
probl6me de garde.
Phase de "prd-consultation" :
cette 6tape 6tait propice
l'automddication, parfois sous le couvert du pharmacien.
Quatre vingt quatre % des parents donnaient des m6dica-
ments sans avis mddical, le plus souvent pour un traitement
symptomatique (tableau I). On verra plus loin que cette pra-
tique 6tait diff6rente selon le degrd de connaissance des
parents sur l'utilit6 rdelle des antibiotiques. En moyenne, les
parents attendaient 29 heures avant de consulter (6cart type
2l heures), 21 heures en moyenne si l'enfant avait moins de
3 mois, et 33 heures s'il avait plus de 3 ans (p = 0,004).
Pression indirecte exercde par les parents sur les mgde-
cins :
31% des parents attendaient une prescription antibio-
tique prdcoce lors d'un gros rhume f6brile, dont un quart
d'entre eux pour une utilisation immddiate, 66 % n'en atten-
daient pas. Parmi ces derniers, la moiti6 (33 %) ne souhaitait
aucune antibiothdrapie, l'autre moiti6 (33 %) 6tait prate
attendre 3 jours de suivi pour commencer l'antibioth6rapie.
Les sympt6mes qui justifiaient le plus une prescription anti-
biotique pour les parents 6taient la fibvre (73 %), la toux
(38 %), la rhinorrhde (17 %). Pour 14 % des parents, la mala-
die d'nn enfant entrainait un probl6me de garde; ce sont ceux
qui attendaient le plus une antibioth6rapie (p = 0,002).
Pression directe des parents :
lorsqu'un antibiotique n'dtait
pas prescrit, 95 % acceptaient la d6cision, 5 % insistaient ou
allaient consulter un autre mddecin. Les parents qui insis-
talent attendaient tous une antibioth6rapie en allant consulter.
Connaissances des parents sur l'utilitg rdelle des antibio-
tiques :
35 % pensaient qu'un antibiotique est actif sur les
bact6ries, 22 % sur les virus, 33 % sur les deux. Lors d'un
gros rhume fdbrile (> ?~ 38°5C), un antibiotique semblait utile
?a 45 % d'entre eux. On retrouvait une diffdrence significative
selon la "culture m6dicale" (tableau II). De mame, les parents
ayant une connaissance de la cible r6elle des antibiotiques
avaient davantage tendance h automddiquer par antibiotique
(tableau III).
2. Questionnaire m6deeins
Les questionnaires de mddecins provenaient pour 80 % de
mddecins gdndralistes et 18 % de pddiatres. Cinquante cinq %
des mddecins exer~aient dans une grande ville ou sa ban-
lieue; 75 d6partements sur 95 6taient reprdsent6s. Aucune
r6ponse ne provenait des Dora-Tom on de l'6tranger. Les
3 d6partements les mieux repr6sentds 6taient les Hauts de
Seine (20 %), le Nord (8 %) et Paris (5 %). La prdpond6-
rance des Hants de Seine 6tait en partie life au fait que le
questionnaire avait 6t6 soumis ~ des mddecins gdn6ralistes de
ce ddpartement lors d' une rdunion.
L'autoquestionnaire commenfaitpar un cas clinique :
un
enfant ~g6 de 3 mois ~t 3 arts a un rhume avec toux et 39°C de
fi~vre. II n'a pas d'angine; ses tympans sont 16g6rement
congestifs, non bombants. Un seul m6decin n' a pas retrouv6
de crit~re justifiant l'antibioth6rapie. Les autres mddecins
prescrivaient en fonction du terrain et de crit6res cliniques et
TABLEAU I : Types de m6dicaments autoprescrits
par les parents avant la consultation chez le m6decin
Type de m6dicament N Pourcentage
Antipyr6tique 720 72 %
Gouttes nasales 539 54 %
Antitussif 427 43 %
Fluidifiant 224 22 %
Antibiotique 40 4 %
N :nombre de parents.
TABLEAU II : Impact de la connaissance
par les parents de la cible d'un antibiotique (bact6rie
ou virus) sur leur jugement quant h l'utilit6
d'une antibioth6rapie lors d'un gros rhume f6brile
Connaissance de la cible
des antibiotiques Antibiotique Antibiotique
jug6 utile jug6 inutile
(N) (N)
Actif sur les bact6fies 38 % (134) 45 % (158)
Actif sur les virus ou NSP 51% (330) 31% (205)
p 0,001 0,0001
NSP : ne sait pas.
TABLEAU III : Pourcentage d'autom6dication
par antibiotique selon la connaissance des parents
de la cible des antibiotiques (bact6rie ou virus)
Connaissance de la cible Parents Parents
des antibiotiques pratiquant ne pratiquant pas
l'autom6dication l'autom6dication
Actif sur les bact6ries 87 % (304) 13 % (46)
Actif sur les virus ou NSP 82 % (534) 18 % (117)
p 0,05 0,04
NSP : ne sait pas.
socio culturels. Comme cela ressort dans le tableau IV, 33 %
des mddecins disaient prescrire sous l'influence de la pression
parentale.
Prescription au domicile :
72 % des m6decins ne prescri-
vaient pas davantage lots de visite ~ domicile; ceux qui y
prescrivaient facilement dtaient ?a 13 % des g6n6ralistes, ?a
2 % des p6diatres (p = 0,03). L'un et l'autre avaient la m~me
attitude envers un nouveau patient.
L'antibiothYrapie diff~rde :
c'est une ordonnance d'anti-
biotiques ~ n'administrer qu'apr~s quelques jours d'6volution
374
TABLEAU IV : Pourcentage de prescription scion le mode d'exercice (m6decin g~n6raliste ou p~diatre),
en fonction du terrain et de crit~res cliniques et socio-culturels
Prescription
antibiotique Diff6rence de prescription
selon la sp6cialit6
G6n6raliste PEdiatre
Terrain
Age < h 1 an
Ant6cddents d'infections ORL h rdpdtition
Contexte socio-culturel
Garde habituelle en collectivit6
Demande pressante des parents
D6sir d'6viter une 2e consultation
Veille de week-end
Anxidt6 des parents
Tabagisme parental
Difficult6 de garde
Crit6res cliniques
Rhinorrhde purulente
Dur6e de la fi6vre > h 3 jours (+ ou - 1 jour)
Aspect des tympans
Dur6e d'6volution des sympt6mes > h 4 jours
Otalgie
Caract6re de la toux
Intensit6 de la fi6vre
38 % ND
65 % 67 % 58 %
38 % ND
33 % 36 %
24 % ND
22,5 % ND
21% ND
20 % ND
18 % ND
20 %
NS
0,03
77 % 80 % 62 % 0,008
72 % 74 % 67 % NS
65 % 56 % 68 % NS
54,5 % 59 % 36 % 0,004
49 % 46 % 60 % NS
26 % ND
25,5 % ND
ND : non d6termin6; NS : non significatif.
des sympt6mes. Quaue vingt % des mddccins, qu'ils soient
g6n6ralistes ou pddiatres, y recouraient; 96 % pr6cisaient le
d61ai, en gdn6ral de 2,5 jours, quel que soit le mode d'exer-
cice. Cette attitude 6tait cependant moins r6pandue h la cam-
pagne (31% ne prescrivaient jamais en avance) qu'en ville
(17 %) (p = 0,02).
Choix de l'antibiotique :
les aminop6nicillines 6taient pres-
crites dans 69 % des cas, les c6phalosporines de lhre g4n6ra-
tion 41%, les macrolides 26 %. Les 5,5 % restant 6taient
constitu6s de l'association amoxicilline-acide clavulanique,
cdphalosporine de 2e g6n6ration, c~phalosporine de 3e g6n6-
ration, l'association 6rythromycine-sulfisoxazole. Le choix de
la mol6cule n'dtait pas influenc6 par les antdc6dents ORL
r6pdtition, l'aspect des tympans au moment de la consulta-
tion, le lieu d'exercice. En revanche, il l'6tait par le mode
d'exercice envers les cdphalosporines de 16re g6n6ration,
davantage prescrites par les pddiatres (p = 0,02).
3. Confrontation parents - m6decins
On retrouvait une certaine coh6rence entre la r6action des
parents et des m6decins : chacun 6tait pr~t ~ attendre 3 jours
avant d'administrer des antibiotiques h l'enfant. Alors que les
parents 6taient pour deux tiers d'entre eux ignorants de la
cible des antibiotiques, certains signes cliniques entraSnant
une demande de traitement antibiotique 6taient communs : la
fi~vre 6tait un crit6re de prescription pour 73 % des parents
(38°7C en moyenne), et 72 % des mddecins, la toux pour
38 % des parents et 26 % des m6decins. La proportion des
parents qui attendaient une antibiothdrapie (31%) 6galait la
proportion de parents ressentis par les mddecins comme exer-
9ant une pression pour obtenir une prescription antibiotique
(33 %).
En revanche, les mddecins et les parents 6taient en ddsaccord
sur un crit6re clinique de prescription : la rhinorrhde devrait
entra~ner une antibioth6rapie pour 77 % des mddecins
(premier crit~re de prescription), et pour seulement 17 % des
parents. Cette diffdrence importante de perception de la rhi-
norrhde entre mddecins et parents est probablement en pattie
li6e ~ la formulation de la question dans chaque question-
naire. Les mddecins 6taient interrogds sur le caract6re puru-
lent de la rhinorrh6e et les parents sur l'existence ou non de la
rhinorrhde.
3 - DISCUSSION
Le but de l'6tude 6tait d'dvaluer les crit6res de prescription
antibiotique des mddecins et l'influence de la pression des
parents sur cette prescription darts les infections ORL de
l'enfant en exercice libdral, principalement les rhinopharyn-
gites. Cette double enqu&e a r6v616 qu'un tiers des mddecins,
avec une plus grande proportion de gdndralistes, ale senti-
ment de prescrire sous l'influence de la pression parentale.
375
Alors qu'un tiers des parents attendent une prescription anti-
biotique en allant consulter, seulement 5 % d'entre eux disent
insister pour obtenir l'antibioth6rapie en cas de refus du
m6decin. Ce qui est ressenti comme une attente de la part des
parents est v6cu comme une pression chez les mddecins.
Cette pression inconsciente exercde par les parents pourrait
8tre due g leur anxidt6 face ~ leur enfant malade. L'6tude a
montr6 que cette pression s'exerce davantage en cas de diffi-
cult6 pour faire garder l'enfant. On retrouve une diff6rence
d'attitude selon l'orientation professionnelle sur certains cri-
t6res de prescription : les g6n6ralistes prescrivent davantage
en cas de rhinorrhde, de fi~vre prolong6e de plus de 3 jours.
Le lieu d'exercice - rural ou urbain - n'influence que la pres-
cription diff6r6e, plus courante en ville, et pas le choix de la
moldcule ni la durde du traitement. I1 est possible que les
m6decins de campagne aient une clientele plus fidble et
apprdhendent moins la concurrence locale.
Les parents sont pour deux tiers d'entre eux ignorants du
r61e des antibiotiques. On retrouve un paradoxe chez les
parents qui connaissent la cible r6elle des antibiotiques. Ils
pensent en effet qu'un antibiotique est inutile lors d'un gros
rhume fdbrile, mais ce sont eux qui autom6diquent le plus
avec un antibiotique. I1 r~gne probablement une confusion
entre antibiotique et antipyr6tique puisque la fi6vre est le
premier critbre qui justifie une antibiothdrapie pour les
parents (73 %). Pourtant, on retrouve un consensus parents-
mddecins en faveur de la prescription antibiotique. Ce
consensus s'observe surtout pour la fibvre mais est moins
marqu6 pour la toux. I1 existe en revanche une discordance
pour l'interpr6tation de la rhinorrh6e qui est pourtant le pre-
mier crit~re de prescription chez lcs mddecins. L'aspect
congestif des tympans est pris en compte darts 65,5 % des
ddcisions d'antibioth6rapie.
Les r6sultats de cettc cnqu~te ont 6t6 compards ~ ceux d'une
6tude prospective faite par Cohen aupr6s de 700 p6diatres de
France (21). Chaque pddiatre devait reporter sur un cahier les
ant6c6dents, le tableau clinique, les mesures th6rapeutiques et
l'6volution de 10 enfants consultant pour une rhinopharyngite
non compliqu6e. L'dtude portait sur 7 105 patients. On
retrouve les mames principaux crit~res de prescription dans
les deux enquStes avec la rhinorrhde (77 % dans notre
enquSte versus 87 %), l'intensit6 ou la dur6e de la fi6vre
(72 % versus 77 %), l'aspect des tympans (65,5 % versus
83 %), les antdcddents d'infection ORL ~ r6pdtition (65 %
versus 66 %). Seule la toux semble moins prise en considd-
ration darts notre 6tude (26 % versus 80 %). On peut expli-
quer cette diff6rence par le libell6 de la question qui n'6tait
pas semblable. Dans notre 6tude, les mddecins prescrivaient
selon le caract6re de la toux, dans celle de Cohen selon
l'intensit6 de la toux.
Dans la littdrature, les crit~res associds aux plus forts pour-
centages de survenue d'une otite chez des patients non trait6s
par antibiotiques sont 3 otites minimum l'ann6e prdc6dente,
une otite sdreuse, un tympan congestif unilatdral, une hyper-
trophie addno'idienne, 2 otites l'ann6e prdcddente, un taba-
gisme passif, des tympans congestifs bilat6raux, et une
carence martiale (22-24). De ces deux 6tudes, il ressort que
les mddecins prennent en consid6ration des crit~res non
reconnus par la litt6rature, en particulier la rhinorrh6e.
L'aspect de la rhinorrh6e, claire ou puriforme, dans les
rhinopharyngites peut varier au cours de la journde. La
rhinopharyngite s'accompagne d'une fi6vre souvent sup6-
rieure ~ 38°5C qui c6de spontan6ment en 3,6 jours en
moyenne (25).
Dans notre enquSte, il est int6ressant de noter que 66 % des
parents ne consultent pas dans le but d'obtenir un traitement
antibiotique et sont pr~ts pour la moiti6 d'entre eux ~ attendre
3 jours pour surseoir ~ l'antibiothdrapie. Les mddecins indi-
quent un ddlai un peu plus court (2,5 jours en moyenne) lors
des prescriptions diffdrdes. Lorsque l'antibiotique est admi-
nistr6 au 3e jour, jour d'anxidt6 maximum pour les parents, et
que la fi6vre c~de au 4e jour, les parents sont convaincus
que l'effet est dfi aux antibiotiques. La rhinopharyngite
n'dtant pas une urgence thdrapeutique, il semble licite de
proposer un ddlai systdmatique avant de traiter. Un d61ai
de 3 ~ 4 jours, voire plus long, pourrait 8tre observ6 avant
de prescrire un antibiotique dans la majorit6 des cas. Ce
ddlai ne devrait pas faire courir de risque particulier pour
l'enfant. Cependant, une prescription pr6coce systdmatique
chez le nourrisson est recommandde en raison de la plus
grande frdquence des complications bact6riennes. Ce d61ai,
s'il 6tait respect6, permettrait d'6conomiser beaucoup de
prescriptions d'antibiotiques et de donner un traitement le
plus appropri6 possible (26-30). L'enfant, dans le meilleur
des cas, peut ~tre rdexamin6 le 3e jour. Le recours ~ un
ORL en cas de doute sur l'aspect des tympans permettrait
d'affiner le diagnostic d'otite purulente dans les cas diffi-
cries et de r6aliser une paracent6se afin de documenter les
germes. Ce geste devrait atre iddalement pratiqu6 avant toute
antibioth6rapie.
De mSme, il ressort de cette 6tude que l'aspect puriforme de
la rhinorrh6e est un critbre de prescription. Or les rhinor-
rh6es deviennent presque toujours puriformes en quelques
jours. Cette 6volution, normale, de l'infection des muqueuses
n'empeche pas la gudrison spontan6e. Ce ne semble pas 8tre
un reflet de l'infection bact6rienne. Pour un individu donn6,
la prdsence des bactdries telles que
H. influenzae
ou
S. pneu-
moniae
dans les s6cr6tions nasales apr6s culture n'a pas de
valeur pr6dictive sur la survenue d'une otite bact6rienne. A ce
jour, les s6cr6tions nasales n'ont fait l'objet que d'dtudes
bact6riologiques apr~s culture, oh l'on retrouve surtout les
bact6ries de la flore commensale
(S. pneumoniae, H. influen-
zae, M. catarrhalis).
I1 serait utile de rdaliser une 6tude avec
examen microscopique direct des sdcrdtions nasales afin
d'analyser la cytologie et la richesse, par une 6valuation
semi-quantitative, de la flore bactdrienne. Les auteurs
s' accordent pour penser que la plupart des rhinopharyngites
sont d'origine virale, et 6voluent vers la gu6rison spontan6e
en 3,6 jours en moyenne. L'abus de prescription d'antibio-
tiques entraine, outre un souci 6conomique, une augmentation
dramatique des rdsistances ~ plusieurs familles d'antibio-
tiques depuis quelques anndes. Les antibiotiques les plus cou-
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