M6d Mal Infect. 1997 ; 27, Sp6cial : 372-8 Evaluation de la pression des parents sur les m6decins pour la prescription des antibiotiques dans les infections ORL de l'enfant en ville* G. DE SAINT-HARDOUIN**, M. GOLDGEWICHT***, G. KEMENY****, E RUFAT***** et C. PERRONNE** RESUME Les rhinopharyngites et les otites congestives sont essentiellement d'origine virale. Pourtant les rhinopharyngites repr6sentent la premibre cause de prescription antibiotique chez l'enfant en France, alors qu' aucun antibiotique n'a l'Autorisation de Mise sur le March6 pour cette indication. Le but de 1' 6tude 6tait d'6valuer le r61e de la pression des parents sur les m6decins en faveur de l'antibioth6rapie et les crit~res de prescription. Deux questionnaires ont 6t6 61abor6s : un pour les parents, paru dans Parents Magazine, l'autre pour les m6decins, publi6 dans Le Quotidien du M~decin. Trente et un % des parents attendent une prescription antibiotique lots d'un gros rhume avec de la fi~vre. En cas de refus de la part du m6decin, seulement 5 % des parents disent insister ou aller consulter un autre m6decin pour satisfaire leur demande d'antibioth6rapie. Cette pression indirecte est effectivement ressentie par les m6decins puisque 33 % ont le sentiment de prescrire ~t la demande pressante des parents. Les principaux crit6res conduisant h une antibioth6rapie sont le caract~re purulent de la rhinorrh6e (77 %), la dur6e de la fi~vre sup6rieure h 3 jours (72 %), l'aspect des tympans (65,5 %) et la notion d'infection ORL ~ r6p6tition (65 %). Cette antibioth6rapie prescrite massivement est en r6alit6 souvent inefficace car inactive sur les virus responsables des rhinopharyngites et des otites congestives uniquement virales. Elle entra~ne des probl6mes 6conomiques et 6cologiques (1-3). En effet, depuis l'6mergence massive de bact6ries multir6sistantes dans la t o r e nasopharyng6e, l'antibioth6rapie prescrite pour pr6venir une faible proportion d'otites purulentes, devient de moins en moins efficace (4). Une meilleure information des parents et une prise de conscience de la part des m6decins des cons6quences d'une large prescription antibiotique devraient entra~ner un traitement mieux cibl6 des infections ORL de 1'enfant en ville. Mots-el~s : Rhinopharyngite - Otite moyenne - Enfant - Antibiotique. Les principales infections ORL de l'enfant sont constitu6es par les rhinopharyngites et les otites. Les rhinopharyngites sont dues ~ t'inflammation du rhino-pharynx, conduit mucocili6 (5, 6). Un virus en est responsable dans la grande majotit6 des cas. On en distingue deux groupes : les picornavirus, les plus fr6quents, avec les ent6rovirus (echovirus et virus Coxsackie) et les rhinovirus, et tes myxovirus avec les virus influenza (agents de la grippe), parainfluenza et respiratoire * 10e Conf6rence de Consensus en Th6rapeutique Anti-Infectieuse 19 juin 1996 ~ Lyon : "Les infections ORL". ** H6pital Raymond Poincar6, Service des Maladies infectieuses et tropicales, 104 bld Raymond Poincar6 - F-92380 Garches. *** Cabinet de M6decine g6n6rale, 4 av. d'Alsace-Lorraine F-92500 Rueil-Malmaison. **** Cabinet de P6diatrie, 41 rue Emile Zola - F-94140 Alfortville. ***** H6pital Beaujon, Cellule MSI Pavillon Sergent, 110 bld du G6n6ral Leclerc - F-92118 Clichy. 372 syncytial. Ces derniers sont fr6quemment responsables d'infections d6passant les voies a6riennes sup6rieures (7, 8). Cependant, les infections virales restent exceptionnellement document6es. Parfois certaines bact6ries atypiques (Mycoplasma, Chlamydia) peuvent remplacer les virus comme agresseurs de la muqueuse respiratoire. En cas de surinfection bact6rienne, favoris6e par le d6s6quilibre des rapports h6te bact6rie, la bact6rie l~t encore est rarement recherch6e. I1 s'agit de pneumocoques (Streptococcus pneumoniae) et d'Haemophilus influenzae en t~te, suivis de Moraxella catarrhalis, des streptocoques b~ta-h6molytiques, et de Staphylococcus aureus (9-1 t). L'6volution est habituellement spontan6ment r6solutive en 3 h 6 jours. Mais la fr6quence des 6pisodes est 61ev6e et des complications peuvent appara~tre. La place exacte des bact6ries atypiques dans la genbse des syndromes rhinopharyng6s n'est pas encore clairement pr6cis6e. Une meilleure connaissance de la fr6quence r6elle de ces infections permettrait de mieux pr6ciser l'indication des macrolides. L'otite moyenne aigu6 constitue la principale complication des rhinopharyngites (10 % des cas) (12-14). Avant l'6re des antibiotiques, les otites gu6rissaient spontan6ment dans la majorit6 des cas (70 %), 6tant donn6e leur origine virale (15). Aujourd'hui, les rhinopharyngites de l'enfant constituent la premibre cause de prescription antibiotique en France (43.350 millions de prescriptions d'antibiotiques en 1995 pour les adultes et les enfants, donndes DOREMA). Certes, les mddecins sont tr6s sollicit6s pour obtenir des r6sultats rapides et efficaces. Beaucoup de mbres travaillent, confient leur enfant (creche, assistante maternelle, garderie, 6cole maternelle), et probablement par manque d'information, imaginent que leur enfant gudrira plus vite sous antibiotique. Parall61ement, il n'existe pas encore d'outil fiable, simple d'utilisation, pour permettre aux soignants de distinguer une otite d'origine virale ou bactdrienne. Cet engouement pour l'antibiothdrapie a plusieurs consdquences : • Ecologique en entrainant l'apparition de r6sistances (16-18). Depuis quelques anndes, la proportion de bactdries rdsistantes aux antibiotiques usuels augmente de faqon dramatique clans les 6tudes d'dpid6miologie microbienne portant sur les otites pumlentes. - En effet la frdquence des souches de S. pneumoniae de sensibilit6 diminude ~ la p6nicilline est passde de 6 % en 1987 fi 55,3 % en 1994 ce qui n6cessite des doses plus 61ev6es d'amoxicilline. Sur ces chiffres de 1994, 17,5 % des souches 6taient intermddiaires (CMI entre 0,1 et 1 rag/l) et 37,8 % 6taient rdsistantes (CMI supdrieures "a 1 mg/1). - En 1994, 30 % des souches d'H. influenzae 6taient productrices de beta-lactamases et donc r6sistantes ~ l'amoxicilline. - La r6sistance fi l'6rythromycine atteignait 57,5 % des souches de S. pneumoniae (39 % des souches sensibles fi la pdnicilline, 7 1 % des souches interm6diaires ou r6sistantes). - La rdsistance au cotrimoxazole atteignait 45,8 % des souches de S. pneumoniae (12 % des souches sensibles ~t la pdnicilline, 69 % des souches intermddiaires ou rdsistantes) (Geslin, Centre National de Rdfdrence des Pneumocoques. Communication personnelle). Les germes les plus r6sistants s'observent essentiellement dans les grandes villes, chez les enfants de moins de 18 mois, gardds en collectivit~ (cr6ches). Un ant6cddent d'otite dans l'annde pr6c6dente ou une hospitalisation r6cente sont des facteurs de risque suppldmentaires (19, 20). • Economique : la prescription systdmatique d' antibiotiques est cofiteuse, et des restrictions font l'objet depuis peu de rdfdrences m6dicales opposables. Le but de cette 6tude 6tait d'6valuer le degr6 de pression des parents sur les mddecins pour obtenir une prescription antibiotique, ainsi que l'influence de diffdrents crit6res cliniques sur la ddcision de prescrire un antibiotique. 373 1 - POPULATIONS ET METHODES Deu× enqu~tes diff6rentes par auto questionnaire ont 6t6 men6es : l'une 6tait dirigde anpr6s des parents de jeunes enfants, Pautre s'adressait aux m~decins g6n6ralistes et au× pddiatres lib6ranx et soignant des enfants. Les ORL n'ont pas 6t6 soUicit6s par ce questionnaire afin de ne pas cr6er de biais. En effet, leur participation aurait modifi6 la tendance gdn6rale ~ la faveur de la prescription antibiotique puisque les ORL examinent souvent en deuxi6me intention les enfants qui pr6sentent une otite ~ probl6me. Ils voient donc souvent des tympans ~ un stade plus avanc6 dans l'otite. Un groupe de travail comprenant des mddecins lib6ranx (g6n6ralistes et p6diatres), un m6decin hospitalier ainsi qu'un 6pid6miologiste a 6labor6 les deux questionnaires. Ceux-ci ont 6t6 testds auprOs d'une dizaine de volontaires chacun avant d'etre valid6s : • Le questionnaire int6ressant les parents est paru dans Parents' Magazine, mensuel tirant ~ 450 000 exemplaires, an mois d'octobre 1995. Cette revue dispose d'un lectorat de jeunes parents sensibilis6s aux probl~mes de sant6 concernant les enfants. Mille cent quinze questionnaires nous sont parvenus spontan6ment ; nous en avons tir6 1 000 au sort pour 1' analyse. • Le questionnaire destin6 aux m6decins g6ndralistes et aux pddiatres est paru ~ quatre reprises dans Le Quotidien du Mddecin (80 000 exemplaires) : trois en octobre 1995, une en janvier 1996. Une quarantaine de questionnaires a 6galement 6t6 soumise fi des m6decins gdn6ralistes des Hauts de Seine lors d'une session de formation. Nous avons recueilli 237 questionnaires mais deux d'entre eux n'6taient pas inter pr6tables et out 616 6cart6s de l'analyse. L'dtude porte donc sur l 000 questionnaires parents et sur 235 questionnaires m6decins. Les rdsultats sont exprirn6s en pourcentage pour les valeurs qualitatives et en moyenne avec leur 6cart type pour les valeurs quantitatives. Les tests statistiques ont 6t6 effectuds avec le logiciel EPI-INFO (version 5, OMS Gen6ve, PC compatible) il s'agit soit du chi-2 de Pearson ou du test exact de Fisher en cas de faibles effectifs pore les comparaisons des variables qualitatives, soit du test t de Student pour les variables quantitatives. 2-RESULTATS 1. Q u e s t i o n n a i r e p a r e n t s • Profil gdndral des rdponses : tousles d6partements 6taient repr6sent6s en dehors de l'Aveyron et du Cantal. Les 4 d6partements les mieux repr6sent6s 6taient Paris avec 5,9 %, le Nord avec 4,3 %, le Rh6ne avec 4,4 %, et les Hauts de Seine avec 3,1%. Les pays limitrophes francophones (Belgique, Suisse) et la Hollande totalisaient 3,2 % des r6ponses, les Dora-Tom 0,5 %. Quatre vingt quatre % des enfants dont les parents ont r6pondu h notre enqu~te n'6taient pas encore scolaris6s, 7 % avaient moins de 3 mois et 77 % avaient entre 3 mois et 3 arts. Quarante et un % d'entre eux 6taient gard6s individuellement, et 25 % en collectivit6. Le mode de garde n'influenqait pas le d6sir de prescription antibiotique. Pour 81% des parents, la maladie de leur enfant n'entra~nait pas de probl6me de garde. • P h a s e de "prd-consultation" : cette 6tape 6tait propice l'automddication, parfois sous le couvert du pharmacien. Quatre vingt quatre % des parents donnaient des m6dicaments sans avis mddical, le plus souvent pour un traitement symptomatique (tableau I). On verra plus loin que cette pratique 6tait diff6rente selon le degrd de connaissance des parents sur l'utilit6 rdelle des antibiotiques. En moyenne, les parents attendaient 29 heures avant de consulter (6cart type 2l heures), 21 heures en moyenne si l'enfant avait moins de 3 mois, et 33 heures s'il avait plus de 3 ans (p = 0,004). T A B L E A U I : Types de m6dicaments autoprescrits par les parents avant la consultation chez le m6decin Type de m6dicament Antipyr6tique N Pourcentage 720 72 % Gouttes nasales 539 54 % Antitussif 427 43 % Fluidifiant 224 22 % Antibiotique 40 4% N :nombre de parents. • Pression indirecte exercde p a r les p a r e n t s sur les mgdecins : 3 1 % des parents attendaient une prescription antibio- tique prdcoce lors d'un gros rhume f6brile, dont un quart d'entre eux pour une utilisation immddiate, 66 % n'en attendaient pas. Parmi ces derniers, la moiti6 (33 %) ne souhaitait aucune antibiothdrapie, l'autre moiti6 (33 %) 6tait prate attendre 3 jours de suivi pour commencer l'antibioth6rapie. Les sympt6mes qui justifiaient le plus une prescription antibiotique pour les parents 6taient la fibvre (73 %), la toux (38 %), la rhinorrhde (17 %). Pour 14 % des parents, la maladie d'nn enfant entrainait un probl6me de garde; ce sont ceux qui attendaient le plus une antibioth6rapie (p = 0,002). • Pression directe des parents : lorsqu'un antibiotique n'dtait pas prescrit, 95 % acceptaient la d6cision, 5 % insistaient ou allaient consulter un autre mddecin. Les parents qui insistalent attendaient tous une antibioth6rapie en allant consulter. TABLEAU II : Impact de la connaissance par les parents de la cible d'un antibiotique (bact6rie ou virus) sur leur jugement quant h l'utilit6 d'une antibioth6rapie lors d'un gros rhume f6brile Connaissance de la cible des antibiotiques Antibiotique jug6 utile (N) Antibiotique jug6 inutile (N) 38 % (134) 45 % (158) Actif sur les virus ou NSP 5 1 % (330) 3 1 % (205) Actif sur les bact6fies p 2. Questionnaire m6deeins Les questionnaires de mddecins provenaient pour 80 % de mddecins gdndralistes et 18 % de pddiatres. Cinquante cinq % des mddecins exer~aient dans une grande ville ou sa banlieue; 75 d6partements sur 95 6taient reprdsent6s. Aucune r6ponse ne provenait des Dora-Tom on de l'6tranger. Les 3 d6partements les mieux repr6sentds 6taient les Hauts de Seine (20 %), le Nord (8 %) et Paris (5 %). La prdpond6rance des Hants de Seine 6tait en partie life au fait que le questionnaire avait 6t6 soumis ~ des mddecins gdn6ralistes de ce ddpartement lors d' une rdunion. • L ' a u t o q u e s t i o n n a i r e c o m m e n f a i t p a r un cas clinique : un enfant ~g6 de 3 mois ~t 3 arts a un rhume avec toux et 39°C de fi~vre. II n ' a pas d'angine; ses tympans sont 16g6rement congestifs, non bombants. Un seul m6decin n' a pas retrouv6 de crit~re justifiant l'antibioth6rapie. Les autres mddecins prescrivaient en fonction du terrain et de crit6res cliniques et 374 0,0001 NSP : ne sait pas. • Connaissances des p a r e n t s sur l'utilitg rdelle des antibiotiques : 35 % pensaient qu'un antibiotique est actif sur les bact6ries, 22 % sur les virus, 33 % sur les deux. Lors d'un gros rhume fdbrile (> ?~38°5C), un antibiotique semblait utile ?a45 % d'entre eux. On retrouvait une diffdrence significative selon la "culture m6dicale" (tableau II). De mame, les parents ayant une connaissance de la cible r6elle des antibiotiques avaient davantage tendance h automddiquer par antibiotique (tableau III). 0,001 TABLEAU III : Pourcentage d'autom6dication par antibiotique selon la connaissance des parents de la cible des antibiotiques (bact6rie ou virus) Connaissance de la cible des antibiotiques Parents pratiquant l'autom6dication Parents ne pratiquant pas l'autom6dication Actif sur les bact6ries 87 % (304) 13 % (46) Actif sur les virus ou NSP 82 % (534) 18 % (117) 0,05 0,04 p NSP : ne sait pas. socio culturels. Comme cela ressort dans le tableau IV, 33 % des mddecins disaient prescrire sous l'influence de la pression parentale. • Prescription au domicile : 72 % des m6decins ne prescrivaient pas davantage lots de visite ~ domicile; ceux qui y prescrivaient facilement dtaient ?a 13 % des g6n6ralistes, ?a 2 % des p6diatres (p = 0,03). L'un et l'autre avaient la m~me attitude envers un nouveau patient. • L ' a n t i b i o t h Y r a p i e diff~rde : c'est une ordonnance d'antibiotiques ~ n'administrer qu'apr~s quelques jours d'6volution TABLEAU IV : Pourcentage de prescription scion le mode d'exercice (m6decin g~n6raliste ou p~diatre), en fonction du terrain et de crit~res cliniques et socio-culturels Prescription antibiotique Terrain • Age < h 1 an • Ant6cddents d'infections ORL h rdpdtition 38 % 65 % Contexte socio-culturel • Garde habituelle en collectivit6 • Demande pressante des parents • D6sir d'6viter une 2e consultation • Veille de week-end • Anxidt6 des parents • Tabagisme parental • Difficult6 de garde 38 % 33 % 24 % 22,5 % 21% 20 % 18 % Crit6res cliniques • Rhinorrhde purulente • Dur6e de la fi6vre > h 3 jours (+ ou - 1 jour) • Aspect des tympans • Dur6e d'6volution des sympt6mes > h 4 jours • Otalgie • Caract6re de la toux • Intensit6 de la fi6vre 77 % 72 % 65 % 54,5 % 49 % 26 % 25,5 % Diff6rence de prescription selon la sp6cialit6 G6n6raliste PEdiatre ND 67 % 58 % NS 20 % 0,03 62 67 68 36 60 0,008 NS NS 0,004 NS ND 36 % ND ND ND ND ND 80 % 74 % 56 % 59 % 46 % ND ND % % % % % ND : non d6termin6; NS : non significatif. des sympt6mes. Quaue vingt % des mddccins, qu'ils soient g6n6ralistes ou pddiatres, y recouraient; 96 % pr6cisaient le d61ai, en gdn6ral de 2,5 jours, quel que soit le mode d'exercice. Cette attitude 6tait cependant moins r6pandue h la campagne ( 3 1 % ne prescrivaient jamais en avance) qu'en ville (17 %) (p = 0,02). (38°7C en moyenne), et 72 % des mddecins, la toux pour 38 % des parents et 26 % des m6decins. La proportion des parents qui attendaient une antibiothdrapie (31%) 6galait la proportion de parents ressentis par les mddecins comme exer9ant une pression pour obtenir une prescription antibiotique (33 %). • C h o i x d e l ' a n t i b i o t i q u e : les aminop6nicillines 6taient pres- En revanche, les mddecins et les parents 6taient en ddsaccord sur un crit6re clinique de prescription : la rhinorrhde devrait entra~ner une antibioth6rapie pour 77 % des mddecins (premier crit~re de prescription), et pour seulement 17 % des parents. Cette diffdrence importante de perception de la rhinorrhde entre mddecins et parents est probablement en pattie li6e ~ la formulation de la question dans chaque questionnaire. Les mddecins 6taient interrogds sur le caract6re purulent de la rhinorrh6e et les parents sur l'existence ou non de la rhinorrhde. crites dans 69 % des cas, les c6phalosporines de lhre g4n6ration 4 1 % , les macrolides 26 %. Les 5,5 % restant 6taient constitu6s de l'association amoxicilline-acide clavulanique, cdphalosporine de 2e g6n6ration, c~phalosporine de 3e g6n6ration, l'association 6rythromycine-sulfisoxazole. Le choix de la mol6cule n'dtait pas influenc6 par les antdc6dents ORL r6pdtition, l'aspect des tympans au moment de la consultation, le lieu d'exercice. En revanche, il l'6tait par le mode d'exercice envers les cdphalosporines de 16re g6n6ration, davantage prescrites par les pddiatres (p = 0,02). 3. Confrontation parents - m6decins On retrouvait une certaine coh6rence entre la r6action des parents et des m6decins : chacun 6tait pr~t ~ attendre 3 jours avant d'administrer des antibiotiques h l'enfant. Alors que les parents 6taient pour deux tiers d'entre eux ignorants de la cible des antibiotiques, certains signes cliniques entraSnant une demande de traitement antibiotique 6taient communs : la fi~vre 6tait un crit6re de prescription pour 73 % des parents 375 3 - DISCUSSION Le but de l'6tude 6tait d'dvaluer les crit6res de prescription antibiotique des mddecins et l'influence de la pression des parents sur cette prescription darts les infections ORL de l'enfant en exercice libdral, principalement les rhinopharyngites. Cette double enqu&e a r6v616 qu'un tiers des mddecins, avec une plus grande proportion de gdndralistes, a l e sentiment de prescrire sous l'influence de la pression parentale. carence martiale (22-24). De ces deux 6tudes, il ressort que les mddecins prennent en consid6ration des crit~res non reconnus par la litt6rature, en particulier la rhinorrh6e. L'aspect de la rhinorrh6e, claire ou puriforme, dans les rhinopharyngites peut varier au cours de la journde. La rhinopharyngite s'accompagne d'une fi6vre souvent sup6rieure ~ 38°5C qui c6de spontan6ment en 3,6 jours en moyenne (25). Alors qu'un tiers des parents attendent une prescription antibiotique en allant consulter, seulement 5 % d'entre eux disent insister pour obtenir l'antibioth6rapie en cas de refus du m6decin. Ce qui est ressenti comme une attente de la part des parents est v6cu comme une pression chez les mddecins. Cette pression inconsciente exercde par les parents pourrait 8tre due g leur anxidt6 face ~ leur enfant malade. L'6tude a montr6 que cette pression s'exerce davantage en cas de difficult6 pour faire garder l'enfant. On retrouve une diff6rence d'attitude selon l'orientation professionnelle sur certains crit6res de prescription : les g6n6ralistes prescrivent davantage en cas de rhinorrhde, de fi~vre prolong6e de plus de 3 jours. Le lieu d'exercice - rural ou urbain - n'influence que la prescription diff6r6e, plus courante en ville, et pas le choix de la moldcule ni la durde du traitement. I1 est possible que les m6decins de campagne aient une clientele plus fidble et apprdhendent moins la concurrence locale. Les parents sont pour deux tiers d'entre eux ignorants du r61e des antibiotiques. On retrouve un paradoxe chez les parents qui connaissent la cible r6elle des antibiotiques. Ils pensent en effet qu'un antibiotique est inutile lors d'un gros rhume fdbrile, mais ce sont eux qui autom6diquent le plus avec un antibiotique. I1 r~gne probablement une confusion entre antibiotique et antipyr6tique puisque la fi6vre est le premier critbre qui justifie une antibiothdrapie pour les parents (73 %). Pourtant, on retrouve un consensus parentsmddecins en faveur de la prescription antibiotique. Ce consensus s'observe surtout pour la fibvre mais est moins marqu6 pour la toux. I1 existe en revanche une discordance pour l'interpr6tation de la rhinorrh6e qui est pourtant le premier crit~re de prescription chez lcs mddecins. L'aspect congestif des tympans est pris en compte darts 65,5 % des ddcisions d'antibioth6rapie. Les r6sultats de cettc cnqu~te ont 6t6 compards ~ ceux d'une 6tude prospective faite par Cohen aupr6s de 700 p6diatres de France (21). Chaque pddiatre devait reporter sur un cahier les ant6c6dents, le tableau clinique, les mesures th6rapeutiques et l'6volution de 10 enfants consultant pour une rhinopharyngite non compliqu6e. L'dtude portait sur 7 105 patients. On retrouve les mames principaux crit~res de prescription dans les deux enquStes avec la rhinorrhde (77 % dans notre enquSte versus 87 %), l'intensit6 ou la dur6e de la fi6vre (72 % versus 77 %), l'aspect des tympans (65,5 % versus 83 %), les antdcddents d'infection ORL ~ r6pdtition (65 % versus 66 %). Seule la toux semble moins prise en considdration darts notre 6tude (26 % versus 80 %). On peut expliquer cette diff6rence par le libell6 de la question qui n'6tait pas semblable. Dans notre 6tude, les mddecins prescrivaient selon le caract6re de la toux, dans celle de Cohen selon l'intensit6 de la toux. Dans la littdrature, les crit~res associds aux plus forts pourcentages de survenue d'une otite chez des patients non trait6s par antibiotiques sont 3 otites minimum l'ann6e prdc6dente, une otite sdreuse, un tympan congestif unilatdral, une hypertrophie addno'idienne, 2 otites l'ann6e prdcddente, un tabagisme passif, des tympans congestifs bilat6raux, et une Dans notre enquSte, il est int6ressant de noter que 66 % des parents ne consultent pas dans le but d'obtenir un traitement antibiotique et sont pr~ts pour la moiti6 d'entre eux ~ attendre 3 jours pour surseoir ~ l'antibiothdrapie. Les mddecins indiquent un ddlai un peu plus court (2,5 jours en moyenne) lors des prescriptions diffdrdes. Lorsque l'antibiotique est administr6 au 3e jour, jour d'anxidt6 maximum pour les parents, et que la fi6vre c~de au 4e jour, les parents sont convaincus que l'effet est dfi aux antibiotiques. La rhinopharyngite n'dtant pas une urgence thdrapeutique, il semble licite de proposer un ddlai systdmatique avant de traiter. Un d61ai de 3 ~ 4 jours, voire plus long, pourrait 8tre observ6 avant de prescrire un antibiotique dans la majorit6 des cas. Ce ddlai ne devrait pas faire courir de risque particulier pour l'enfant. Cependant, une prescription pr6coce systdmatique chez le nourrisson est recommandde en raison de la plus grande frdquence des complications bact6riennes. Ce d61ai, s'il 6tait respect6, permettrait d'6conomiser beaucoup de prescriptions d'antibiotiques et de donner un traitement le plus appropri6 possible (26-30). L'enfant, dans le meilleur des cas, peut ~tre rdexamin6 le 3e jour. Le recours ~ un ORL en cas de doute sur l'aspect des tympans permettrait d'affiner le diagnostic d'otite purulente dans les cas difficries et de r6aliser une paracent6se afin de documenter les germes. Ce geste devrait atre iddalement pratiqu6 avant toute antibioth6rapie. De mSme, il ressort de cette 6tude que l'aspect puriforme de la rhinorrh6e est un critbre de prescription. Or les rhinorrh6es deviennent presque toujours puriformes en quelques jours. Cette 6volution, normale, de l'infection des muqueuses n'empeche pas la gudrison spontan6e. Ce ne semble pas 8tre un reflet de l'infection bact6rienne. Pour un individu donn6, la prdsence des bactdries telles que H. influenzae ou S. pneumoniae dans les s6cr6tions nasales apr6s culture n'a pas de valeur pr6dictive sur la survenue d'une otite bact6rienne. A ce jour, les s6cr6tions nasales n'ont fait l'objet que d'dtudes bact6riologiques apr~s culture, oh l'on retrouve surtout les bact6ries de la flore commensale (S. pneumoniae, H. influenzae, M. catarrhalis). I1 serait utile de rdaliser une 6tude avec examen microscopique direct des sdcrdtions nasales afin d'analyser la cytologie et la richesse, par une 6valuation semi-quantitative, de la flore bactdrienne. Les auteurs s' accordent pour penser que la plupart des rhinopharyngites sont d'origine virale, et 6voluent vers la gu6rison spontan6e en 3,6 jours en moyenne. L'abus de prescription d'antibiotiques entraine, outre un souci 6conomique, une augmentation dramatique des rdsistances ~ plusieurs familles d'antibiotiques depuis quelques anndes. Les antibiotiques les plus cou- 376 ramment prescrits au cours des rhinopharyngites sont de moins en moins actifs sur les flores bact6riennes nasopharyng6es potentiellement responsables d'otites purulentes. Ainsi, prbs d'une antibiothdrapie sur deux donn6e 5 un enfant d'une grande ville, gard6 en cr6che est en fait inactive et joue un r61e de placebo tout en rassurant le mddecin et la famille. Fort heureusement, 70 % des otites gudrissent spontandment... Les rhinopharyngites constituent la premi&e cause de prescription antibiotique, alors qu'aucun antibiotique n'a d'Autorisation de Mise sur le March6 pour cette indication. Les m6decins darts notre enquate ont d6clar6 prescrire beaucoup d'amoxicilline (69 %), puis des c6phalosporines de l~re g6n6ration (47 %) et des macrolides (26 %). Ces donndes concordent avec la tendance gdndrale des mddecins. En effet, de l'automne 1994 ~ l'automne 1995, les rhinopharyngites aigu~s de l'enfant et de l'adulte ont 6t6 trait6es par une amoxicilline dans 49,4 % des cas, un macrolide (34,4 %) ou une c6phalosporine de 16re gdndration (12,4 %) (donndes DOREMA). Ces antibiotiques prescrits en majorit6 et autorisds d'aprbs les R6fdrences Mddicales Opposables (RMO) sont tr~s souvent inactifs sur les bactdries responsables d'otites purulentes. L'iddal serait de r6duire considdrablement cette prescription antibiotique, injustifi6e dans la plupart des cas, en limitant l'ordonnance h un traitement symptomatique, en dehors des nourrissons (31, 32). SUMMARY Les RMO concernant les infections des sphbres ORL et respiratoires rencontr6es en pratique quotidienne chez l'enfant ou l'adulte sans facteur de risque preterit h confusion car elles m61angent les infections virales telles que les rhinopharyngites et les bronchites aux infections potentiellement bactdriennes comme les angines et les pneumopathies. Les "infections aigu6s saisonnibres prdsum6es virales" ne devraient faire l'objet d' aucune prescription antibiotique, au moins dans un premier temps, et ~ l'exception du nourrisson. En revanche, les "angines et les pneumopathies aigu~s" sont une indication justififie pour une antibioth6rapie. D'un c6t6, les mddecins prescrivent selon des crit~res non reconnus comme 6rant responsables d'une 6volution vers l'otite. Un meilleur enseignement sur la rhinopharyngite, qui ne fait actuellement presque j amais l'objet de cours lors des 6tudes mddicales, permettrait une prise en charge mieux adaptde. Une formation sdrieuse ~ l'examen des tympans devrait ~tre rendue obligatoire. D'un autre c6t6 chez les parents semble rdgner une confusion entre antipyrdtique et antibiotique. Un programme d'information grand public, touchant ~ la lois les enfants, par exemple ~ l'6cole, et les familles sur le r61e exact des antibiotiques para~t n6cessaire. Des affiches d'information pourraient ~tre exposdes dans les salles d'attente des cabinets de consultation. Et ne faudrait-il pas inscrire sur les boites d'antibiotiques que ces mddicaments ne sont pas des mddicaments antipyr6tiques et qu'ils sont inactifs sur les virus ? EVALUATION OF PARENT PRESSURE ON PHYSICIANS FOR THE PRESCRIPTION OF ANTIBIOTICS IN CHILDREN'S MILD COMMUNITY ACQUIRED E.N.T INFECTIONS (NASOPHARYNGITIS, CONGESTIVE OTITIS MEDIA) Nasopharyngitis and congestive otitis media are mainly due to viral infections. However, nasopharyngitis represents the first cause of antibiotic prescription for children in France, while no antibiotics is registered for this indication. The aim of the present study was to evaluate the impact of parent pressure on physicians for antibiotic prescription. Two questionnaires were written out: one for parents, published in <<ParentsMagazine,s, and one physicians, published in <<LeQuotidien du Mgdecin~. 31% of parents expected an antibiotic prescription for a common cold with fever. On refusal from the physician, only 5 % of parents admitted using direct pressure on the physician to obtain antibiotherapy, or consulting another physician. Physicians feel indirect pressure from parents since 33 % of them prescribed antibiotics after insisting parent demand. The main criteria leading to antibiotherapy were: the purulent aspect of rhinorrhea (77 %), fever lasting more than 3 days (72 %), the aspect of the tympanic membrane (65,5 %), and recurrent ENT infections (65 %), This massively prescribed antibiotherapy is in fact often ineffective, since it is not active against viruses responsible for nasopharyngitis and congestive otitis media. It leads to economic and ecological problems. Because of the dramatic emergence of multi-drug resistant bacteria in the nasopharyngeal flora, antibiotics given to prevent a small proportion of purulent otitis media, are less and less effective. Better information of parents and a full awareness of physicians about the consequences of a large prescription of antibiotics should lead to better indications for the treatment of ENT infections in children. Key-words: Nasopharyngitis - Congestive otitis media - Antibiotics - Children. REFERENCES I. 2. 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