Alors qu'un tiers des parents attendent une prescription anti-
biotique en allant consulter, seulement 5 % d'entre eux disent
insister pour obtenir l'antibioth6rapie en cas de refus du
m6decin. Ce qui est ressenti comme une attente de la part des
parents est v6cu comme une pression chez les mddecins.
Cette pression inconsciente exercde par les parents pourrait
8tre due g leur anxidt6 face ~ leur enfant malade. L'6tude a
montr6 que cette pression s'exerce davantage en cas de diffi-
cult6 pour faire garder l'enfant. On retrouve une diff6rence
d'attitude selon l'orientation professionnelle sur certains cri-
t6res de prescription : les g6n6ralistes prescrivent davantage
en cas de rhinorrhde, de fi~vre prolong6e de plus de 3 jours.
Le lieu d'exercice - rural ou urbain - n'influence que la pres-
cription diff6r6e, plus courante en ville, et pas le choix de la
moldcule ni la durde du traitement. I1 est possible que les
m6decins de campagne aient une clientele plus fidble et
apprdhendent moins la concurrence locale.
Les parents sont pour deux tiers d'entre eux ignorants du
r61e des antibiotiques. On retrouve un paradoxe chez les
parents qui connaissent la cible r6elle des antibiotiques. Ils
pensent en effet qu'un antibiotique est inutile lors d'un gros
rhume fdbrile, mais ce sont eux qui autom6diquent le plus
avec un antibiotique. I1 r~gne probablement une confusion
entre antibiotique et antipyr6tique puisque la fi6vre est le
premier critbre qui justifie une antibiothdrapie pour les
parents (73 %). Pourtant, on retrouve un consensus parents-
mddecins en faveur de la prescription antibiotique. Ce
consensus s'observe surtout pour la fibvre mais est moins
marqu6 pour la toux. I1 existe en revanche une discordance
pour l'interpr6tation de la rhinorrh6e qui est pourtant le pre-
mier crit~re de prescription chez lcs mddecins. L'aspect
congestif des tympans est pris en compte darts 65,5 % des
ddcisions d'antibioth6rapie.
Les r6sultats de cettc cnqu~te ont 6t6 compards ~ ceux d'une
6tude prospective faite par Cohen aupr6s de 700 p6diatres de
France (21). Chaque pddiatre devait reporter sur un cahier les
ant6c6dents, le tableau clinique, les mesures th6rapeutiques et
l'6volution de 10 enfants consultant pour une rhinopharyngite
non compliqu6e. L'dtude portait sur 7 105 patients. On
retrouve les mames principaux crit~res de prescription dans
les deux enquStes avec la rhinorrhde (77 % dans notre
enquSte versus 87 %), l'intensit6 ou la dur6e de la fi6vre
(72 % versus 77 %), l'aspect des tympans (65,5 % versus
83 %), les antdcddents d'infection ORL ~ r6pdtition (65 %
versus 66 %). Seule la toux semble moins prise en considd-
ration darts notre 6tude (26 % versus 80 %). On peut expli-
quer cette diff6rence par le libell6 de la question qui n'6tait
pas semblable. Dans notre 6tude, les mddecins prescrivaient
selon le caract6re de la toux, dans celle de Cohen selon
l'intensit6 de la toux.
Dans la littdrature, les crit~res associds aux plus forts pour-
centages de survenue d'une otite chez des patients non trait6s
par antibiotiques sont 3 otites minimum l'ann6e prdc6dente,
une otite sdreuse, un tympan congestif unilatdral, une hyper-
trophie addno'idienne, 2 otites l'ann6e prdcddente, un taba-
gisme passif, des tympans congestifs bilat6raux, et une
carence martiale (22-24). De ces deux 6tudes, il ressort que
les mddecins prennent en consid6ration des crit~res non
reconnus par la litt6rature, en particulier la rhinorrh6e.
L'aspect de la rhinorrh6e, claire ou puriforme, dans les
rhinopharyngites peut varier au cours de la journde. La
rhinopharyngite s'accompagne d'une fi6vre souvent sup6-
rieure ~ 38°5C qui c6de spontan6ment en 3,6 jours en
moyenne (25).
Dans notre enquSte, il est int6ressant de noter que 66 % des
parents ne consultent pas dans le but d'obtenir un traitement
antibiotique et sont pr~ts pour la moiti6 d'entre eux ~ attendre
3 jours pour surseoir ~ l'antibiothdrapie. Les mddecins indi-
quent un ddlai un peu plus court (2,5 jours en moyenne) lors
des prescriptions diffdrdes. Lorsque l'antibiotique est admi-
nistr6 au 3e jour, jour d'anxidt6 maximum pour les parents, et
que la fi6vre c~de au 4e jour, les parents sont convaincus
que l'effet est dfi aux antibiotiques. La rhinopharyngite
n'dtant pas une urgence thdrapeutique, il semble licite de
proposer un ddlai systdmatique avant de traiter. Un d61ai
de 3 ~ 4 jours, voire plus long, pourrait 8tre observ6 avant
de prescrire un antibiotique dans la majorit6 des cas. Ce
ddlai ne devrait pas faire courir de risque particulier pour
l'enfant. Cependant, une prescription pr6coce systdmatique
chez le nourrisson est recommandde en raison de la plus
grande frdquence des complications bact6riennes. Ce d61ai,
s'il 6tait respect6, permettrait d'6conomiser beaucoup de
prescriptions d'antibiotiques et de donner un traitement le
plus appropri6 possible (26-30). L'enfant, dans le meilleur
des cas, peut ~tre rdexamin6 le 3e jour. Le recours ~ un
ORL en cas de doute sur l'aspect des tympans permettrait
d'affiner le diagnostic d'otite purulente dans les cas diffi-
cries et de r6aliser une paracent6se afin de documenter les
germes. Ce geste devrait atre iddalement pratiqu6 avant toute
antibioth6rapie.
De mSme, il ressort de cette 6tude que l'aspect puriforme de
la rhinorrh6e est un critbre de prescription. Or les rhinor-
rh6es deviennent presque toujours puriformes en quelques
jours. Cette 6volution, normale, de l'infection des muqueuses
n'empeche pas la gudrison spontan6e. Ce ne semble pas 8tre
un reflet de l'infection bact6rienne. Pour un individu donn6,
la prdsence des bactdries telles que
H. influenzae
ou
S. pneu-
moniae
dans les s6cr6tions nasales apr6s culture n'a pas de
valeur pr6dictive sur la survenue d'une otite bact6rienne. A ce
jour, les s6cr6tions nasales n'ont fait l'objet que d'dtudes
bact6riologiques apr~s culture, oh l'on retrouve surtout les
bact6ries de la flore commensale
(S. pneumoniae, H. influen-
zae, M. catarrhalis).
I1 serait utile de rdaliser une 6tude avec
examen microscopique direct des sdcrdtions nasales afin
d'analyser la cytologie et la richesse, par une 6valuation
semi-quantitative, de la flore bactdrienne. Les auteurs
s' accordent pour penser que la plupart des rhinopharyngites
sont d'origine virale, et 6voluent vers la gu6rison spontan6e
en 3,6 jours en moyenne. L'abus de prescription d'antibio-
tiques entraine, outre un souci 6conomique, une augmentation
dramatique des rdsistances ~ plusieurs familles d'antibio-
tiques depuis quelques anndes. Les antibiotiques les plus cou-
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