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la chronicité, dont il est licite de parler au-delà de 4 ans d’évolution
(bien que des améliorations restent possibles, y compris très
tardivement)
[15]
. Sept à 10 % (jusqu’à 15 % après 20 ans de suivi)
décèdent, que ce soit du fait de la cachexie ou des complications
somatiques (troubles du rythme cardiaque secondaires à
l’hypokaliémie, infections), ou par suicide, surtout fréquent chez les
anorexiques devenues boulimiques.
La mortalité est de l’ordre de 0,5 % par année d’évolution, 12 fois
supérieure à la mortalité attendue à cette période de la vie
[22, 24]
.
L’évolution de la boulimie est le plus souvent chaotique,
comprenant de nombreux épisodes boulimiques qui ponctuent des
périodes variables de rémission
[9]
. La chronicisation et la morbidité
psychosociale apparaissent très importantes. Les tentatives de
suicide sont plus fréquentes que dans l’anorexie et les complications
somatiques sont sévères (tableau IV).
Signalons l’étude d’importance la plus récente sur le sujet
[16]
. Lors
du suivi de 173 femmes plus de 20 ans après le diagnostic (durée
moyenne du suivi : 11,5 ans ISD ±1,9), 11 % répondaient encore à
tous le critères diagnostiques de boulimie, 0,6 % répondaient à celui
d’anorexie mentale, 15,5 % à celui de troubles du comportement
alimentaire non spécifiés, 69,9 % étaient en rémission partielle ou
complète, 30 % continuent à avoir des crises de boulimie et/ou de
recourir à des vomissements provoqués ou à la prise de purgatifs.
Seule la durée du trouble lors du diagnostic initial et les antécédents
d’utilisation de toxiques avaient une valeur pronostique défavorable.
Certains éléments cliniques constituent des facteurs pronostiques
négatifs :
– pour l’anorexie : les formes prépubères, chroniques, masculines,
avec mérycisme, boulimie ou vomissements associés, la longue
durée d’évolution avant traitement, le body mass index (BMI) très
abaissé, la mauvaise réponse à l’hospitalisation ;
– pour la boulimie, les formes multi-impulsives avec une forte
comorbidité associée.
Néanmoins, le facteur pronostique essentiel est la nature du trouble
psychopathologique sous-jacent à la conduite alimentaire, qui peut
être appréciée indirectement par la qualité, la souplesse, la richesse
du fonctionnement prémorbide (difficile à évaluer correctement au
début du suivi, tant la méconnaissance d’une souffrance psychique
antérieure par l’entourage, voire par la patiente elle-même, est
fréquente) et par la persistance ou non de relations satisfaisantes
avec l’environnement familial, amical, sentimental, témoignant de
la plus ou moins bonne capacité d’aménagement des relations
interpersonnelles : autrement dit, de la mise en place préalable et de
la préservation de possibilités d’étayage plus ou moins diversifiées
sur l’extérieur.
De nombreux symptômes psychiatriques sont observés au cours de
l’évolution, qui peuvent se comprendre à la lumière des données
psychopathologiques sous-tendant ces conduites : la problématique
de dépendance y est centrale, ce qui rend compte de l’apparition de
ces troubles à l’adolescence, lorsqu’il s’agit d’accéder à la sexualité
génitale, d’achever ses identifications, et surtout de se séparer des
parents. La qualité des intériorisations préalables, et corrélativement
de l’estime de soi, qui s’est établie au cours de l’enfance, grâce aux
liens noués avec les proches, se trouve donc mise à l’épreuve ; or,
c’est elle qui permet ou non de franchir le cap de la puberté,
puisqu’elle détermine les ressources propres dont dispose
l’adolescent(e), et ses capacités à assumer son identité sexuée. Le
symptôme alimentaire extériorisé occupe là une place et une
fonction particulières, puisqu’il apaise dans un premier temps toutes
sortes de tensions psychologiques (anxiété, dépression, troubles
divers de la personnalité), tout en contribuant à les pérenniser
ensuite, par son inefficacité à soulager durablement et en
profondeur, par sa tendance à l’autorenforcement et à l’aggravation
secondaire des troubles. Croyant s’être affranchie de sa dépendance
à autrui et de sa fragilité grâce à son symptôme, la patiente se
retrouve en fait doublement contrainte, toujours seule, et désormais
enfermée dans sa conduite.
Ainsi, on peut observer, dans l’évolution des patientes anorexiques,
l’apparition d’une symptomatologie dépressive plus ou moins
marquée, de troubles anxieux (phobie sociale, troubles obsessionnels
compulsifs) et plus rarement des abus de substances toxiques
(alcool, cannabis). Concernant les troubles de la personnalité, ils se
répartissent en personnalité narcissique, psychose froide, troubles
névrotiques. Les boulimiques présentent, au cours de l’évolution,
plus fréquemment des comportements impulsifs (alcoolisation,
toxicomanie, tentatives de suicide, automutilations, kleptomanie) ;
un syndrome dépressif majeur serait présent à un moment donné
Tableau IV. – Complications secondaires à la dénutrition, aux
conduites purgatives et à la renutrition
[6]
.
Désordres hydroélectrolytiques et métaboliques
Hypokaliémie, alcalose hypochlorémique
Hyponatrémie, hypoglycémie
Hypomagnésémie
Cholestérol total et LDL-cholestérol négativement corrélés au BMI
Carence en zinc et en cuivre
Anomalies cardiovasculaires et pulmonaires
Anomalies cardiovasculaires cliniques
Hypotension artérielle (orthostatique +)
Bradycardie, tachycardie
Anomalies cardiovasculaires électriques : allongement de l’espace QT et autres anomalies
non spécifiques
Anomalies cardiovasculaires échographiques
Prolapsus de la valve mitrale et plus rarement de la valve tricuspide
Diminution de la masse ventriculaire gauche
Épanchement péricardique
Anomalies pulmonaires : pneumomédiastin
Complications digestives
Déminéralisation de l’émail, hypertrophie parotidienne (vomissements)
Œsophagites et exceptionnellement syndrome de Mallory-Weiss, achalasie, rupture
œsophagienne avec médiastinite (syndrome de Boerhaave)
Complications gastro-intestinales (rares) dilatation aiguë de l’estomac, syndrome de
l’artère mésentérique supérieure
Complications hépatiques : élévation des transaminases, rare insuffisance hépatocel-
lulaire
Pancréatite de renutrition
Complications osseuses, retard de croissance
Ostéopénie, ostéoporose et fractures osseuses
Facteurs favorisant l’ostéopénie dans l’anoxerie
Carence œstrogénique, diminution de l’IGF1, carence d’apport en calcium et en
vitamine D, hypercorticisme, activité physique excessive
Retard de croissance et retard pubertaire (si début précoce)
Anomalies neurologiques
Élargissement des espaces cérébrospinaux externes, dilatation des ventricules laté-
raux, atrophie cérébrale (réversibilité ?)
Neuropathie sensitivomotrice par compression (rare)
Complications urologiques et néphrologiques
Complications rénales
Diminution de la filtration glomérulaire, insuffisance rénale fonctionnelle
Diabète insipide infraclinique, avec anomalies dans la régulation de l’hormone anti-
diurétique ou insensibilité à son action
Exceptionnellement : néphrolithiase, néphropathie tubulo-interstitielle avec acidose
tubulaire de type 1 en cas d’hypokaliémie prolongée, rhabdomyolyse consécutive à
une hypokaliémie ou une hypophosphorémie, insuffisance rénale terminale
Complications urologiques
Augmentation de la fréquence des symptômes urinaires : pollakiurie, incontinence
urinaire, infections urinaires
Anomalies et complications hématologiques et immunologiques
Perturbations hématologiques
Leucopénie, thrombopénie, anémie normocytaire arégénérative (hypoplasie médul-
laire)
Perturbations immunologiques et sensibilité aux infections
Relative protection contre les infections
Perturbations de l’immunité cellulaire, baisse du complément sérique
Syndrome de renutrition inappropriée (ensemble des complications de la renutri-
tion)
Les anomalies les plus marquantes sont l’hypophosphorémie, l’hypokaliémie, l’hypo-
magnésémie et les perturbations du métabolisme du glucose
Anomalies gynéco-obstétricales
Fertilité diminuée (dimension psychogène ?)
Augmentation des taux de prématurité et de mortalité périnatales
LDL : low density lipoproteins ; BMI : body mass index ; IGF : insulin-like growth factor.
10-308-D-10 Déviations du comportement alimentaire à l’adolescence Endocrinologie-Nutrition
Psychiatrie
37-215-B-60
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