
50 Jérôme BALLET, J.-M. Kouamékan KOFFI et B. Kouadio KOMÉNA
Mondes en Développement Vol.44-2016/2-n°174
n septembre 2000, les 189 États membres de l’Organisation des Nations
Unies se sont engagés à réaliser huit objectifs de développement, dits
Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), à l’horizon 2015. Cet
engagement s’inscrit dans une volonté pratique de donner corps à une
conception du développement qui ne se réduit pas à la croissance économique.
Ce nouveau cadrage articule les dimensions économiques, écologiques et
sociales du développement, et tend à combiner les valeurs liées aux droits
humains, aux conditions de vie des populations dans une approche
multidimensionnelle.
Si les réalisations de ces objectifs ont été plus ou moins respectées (Nations
Unies, 2015), la vision du développement sous-jacente qui les a guidées se
démarque nettement d’une approche économique réductrice. Elle s’appuie, au
contraire, sur une conception éthique qui vise à donner toute sa place aux droits
de l’homme.
Cet article ne vise pas à proposer une critique des OMD, ni même de leurs
réalisations. Car au-delà des critiques qui peuvent être adressées à ces objectifs,
ils introduisent un vrai changement pragmatique dans le développement. Nous
mettons en lumière leur fondement éthique, les critiques qu’ils ont dû affronter
pour imposer ce nouveau cadre. Nous défendons l’idée que les OMD ne
constituent finalement qu’une opérationnalisation du concept de « droit au
développement », concept qui a émergé trente ans plus tôt.
Dans une première partie, nous rappelons le cadre éthique de référence des
OMD, celui du droit au développement, en remontant à la déclaration du juriste
sénégalais Keba M’Baye en 1972 à la Commission des Nations Unies sur les
droits de l’homme, dont les OMD peuvent être lus comme une
opérationnalisation. Dans cette première partie, nous défendons spécifiquement
que les OMD sont une opérationnalisation des droits de l’homme via le droit au
développement.
Dans une seconde partie, nous discutons des critiques qui sont adressées à cette
approche, notamment les critiques issues du droit positif et les critiques
émanant de l’éthique conséquentialiste. En effet, du fait de la filiation avec les
droits de l’homme, les OMD reposent fondamentalement sur une éthique
déontologique. Nous avançons alors que ces critiques ne sont pas robustes et
que les réponses apportées permettent largement de les dépasser.
Dans une troisième partie nous discutons des enjeux qui restent encore ouverts
et qui interrogent le soubassement éthique des OMD. Trois enjeux sont
particulièrement relevés : la participation des populations au processus de
développement, le droit des populations autochtones, l’intégration de la
dimension environnementale. Ces trois enjeux ont comme particularité de
remettre en question le fondement éthique des OMD, à savoir le droit au
développement comme droit individuel, en appuyant sur la dimension
collective. Au droit au développement conçu comme droit de l’homme
individuel s’oppose ainsi un droit collectif au développement.
E
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Neuchâtel - - 130.125.60.209 - 27/03/2019 15h02. © De Boeck Supérieur
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