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Asymétries financières et transmission de la politique monétaire en Europe

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Économie & prévision
Asymétries financières et transmission de la politique monétaire en
Europe
Virginie Coudert, Benoît Mojon
Citer ce document / Cite this document :
Coudert Virginie, Mojon Benoît. Asymétries financières et transmission de la politique monétaire en Europe. In: Économie &
prévision, n°128, 1997-2. L'intégration européenne : nouveaux enjeux. pp. 41-60;
doi : https://doi.org/10.3406/ecop.1997.5848
https://www.persee.fr/doc/ecop_0249-4744_1997_num_128_2_5848
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Résumé
Asymétries financières et transmission de la politique monétaire en Europe par Virginie Coudert et
Benoît Mojon
Dans la perspective d'une politique monétaire unique en Europe, il est essentiel de savoir si une même
politique monétaire a un impact similaire sur les économies nationales. Malgré l'utilisation générale du
taux d'intérêt comme instrument par les banques centrales, les canaux de transmission de la politique
monétaire à la sphère réelle sont multiples. En plus du canal de type ISLM qui transite par la monnaie
ou le taux d'intérêt et le canal du taux de change dont l'impact sur les prix et le commerce extérieur
sont bien connus, un canal de transmission par le crédit a été récemment mis en avant par une
littérature abondante. La dépendance au crédit bancaire de certaines catégories d'agents, les
ménages et les PME, introduit un canal de transmission si les banques modifient leur offre de crédit
selon la tension de la politique monétaire. L'importance relative de ces différents canaux, dont les
effets peuvent être contradictoires, conditionne l'efficacité de la politique monétaire. Or, tout porte à
croire que ces canaux de transmission peuvent différer d'un pays à l'autre, voire d'une période à l'autre
pour un même pays, parce que l'organisation institutionnelle des systèmes financiers est différente et
qu'elle évolue dans le temps.
Abstract
Financial Asymmetries and Monetary Policy Transmission by Virginie Coudert and Benoît Mojon
In view of an impending single monetary policy in Europe, it is essential to know whether one and the
same monetary policy has a similar effect on national economies. Despite the prevalent use of the
interest rate as an instrument by the central banks, there are numerous channels via which monetary
policy is transmitted to the real sphere. In addition to the IS-LM channel concerning the money supply
and interest rates, and the exchange rate channel with its well-known effect on prices and foreign
trade, a credit transmission channel has recently been highlighted by numerous studies. Dependency
on bank loans by certain categories of players, households and SMEs, introduces a transmission
channel when banks adjust their credit supply in line with the tightness of the monetary policy. The
relative weight of these different channels, with their potentially contradictory effects, conditions the
efficiency of the monetary policy. Yet there are good grounds for believing that these transmission
channels can differ from one country to another and even from one period to another in a single
country. This is because the institutional organisation of the financial system differs and changes over
time.
L'adhésion à une union monétaire se traduit par la
Çerte d'un instrument de politique économique.
Évaluer le coût de l'union monétaire suppose donc
d'estimer si la perte de l'instrument a des
conséquences négatives ou non. Deux questions
importantes se posent alors. Premièrement, il s'agit
de savoir si l'instrument monétaire peut sans
difficulté être utilisé pour atteindre des objectifs
communs à l'ensemble des pays de l'union. Les pays
sont d'autant moins pénalisés que leur conjoncture
est en phase, ou, pour être plus précis que les chocs
subis par les économies nationales sont symétriques.
De nombreuses études ont été consacrées à cette
question à la suite des travaux de Bayoumi et
Eichengreen (1993)(1). Deuxièmement, en admettant
la possibilité de définir un objectif commun à la
politique monétaire de l'union, il reste la question
de savoir si cet objectif peut être atteint, de manière
uniforme pour tous les pays. La mise en oeuvre d'une
politique monétaire unique pose le problème de
l'homogénéité de son impact dans les différents pays
d'une union monétaire. Les différences de
transmission de la politique monétaire entre les pays
membres de l'Union monétaire européenne
pourraient en effet conduire à des distorsions
préjudiciables. C'est à cette question qu'est
consacré cet article.
Asymétries
financières et
transmission
de la politique
monétaire
en Europe
Virginie Coudert(*)
Benoît Mojon^
Dans la réalité, la transmission de la politique
monétaire ne fonctionne pas selon des mécanismes
invariants, tels qu'ils sont représentés par exemple
dans un modèle ISLM. Cette transmission dépend
des caractéristiques des économies et en particulier
de leur structures financières. Ainsi, une politique
monétaire restrictive n'aura pas les mêmes effets sur
la consommation dans un pays où les ménages sont
très endettés et dans un pays où leur endettement est
limité.
(*) Centre d'Études Prospectives et d'Informations
Internationales.
Nous remercions les deux lecteurs anonymes de la revue pour leurs
remarques et suggestions.
Économie et Prévision
n°128 1997-2
La théorie économique distingue plusieurs canaux
de transmission de la politique monétaire. Au canal
ISLM traditionnel, qui passe par la quantité de
monnaie disponible et son impact sur le taux
d'intérêt réel, il faut ajouter le canal du taux de
change et le canal du crédit. Le canal du taux de
change renforce le canal traditionnel dès lors qu'une
augmentation des taux d'intérêt entraîne une
appréciation de la monnaie nationale. Ce canal ne
devrait plus jouer en union monétaire. En revanche
le canal du crédit devrait perdurer et se trouve
fortement conditionné par les structures financières.
Son influence sur la sphère réelle résulte de la
dépendance de certains agents non financiers à
l'égard du crédit bancaire. Comme le crédit bancaire
représente la seule source de finance externe, pour
les ménages ou les PME, une politique monétaire
restrictive réduit la demande finale si elle conduit à
une baisse de l'offre de crédit bancaire.
Parallèlement, une hausse des taux d'intérêt peut
réduire la valeur des actifs patrimoniaux, ce qui
contribue également à réduire le crédit bancaire en
affectant leur valeur du collatéral des emprunteurs.
41
Dans cette perspective, il est important de comparer
les structures financières qui influencent la
transmission de la politique monétaire dans les pays
de l'Union européenne. Deux séries d'études
menées à la BRI (1993,1995) ont déjà examiné ces
questions pour les pays membres de la BRI et
rassemblé un grand nombre d'éléments permettant
de comparer leurs structures financières. Mais la
problématique n'était pas abordée sous l'angle
d'une comparaison européenne.
Cet article décrit d'abord les raisons pour lesquelles
la transmission de la politique monétaire pourrait
s'effectuer différemment dans quatre grands pays
européens l'Allemagne, la France, le Royaume-Uni
et l'Italie. Une contribution empirique est ensuite
apportée au débat en calculant les réponses de
l'économie à un choc de taux d'intérêt dans ces
quatre pays européens au moyen d'un modèle Var,
incluant instrument, objectifs de la politique
monétaire et variables de transmission. Une dernière
partie est consacrée à analyser l'effet d'une
décomposition de période sur les résultats. Ceci
permet d' évaluer la convergence éventuelle des pays
européens quant à leur réponse à la politique
monétaire.
Les sources de différence dans la
transmission monétaire
La transmission de la politique monétaire passe par
plusieurs canaux, dont les circuits peuvent être
différents d'un pays à l'autre. L'intensité de la
transmission est d'abord liée à la vitesse et à
l'ampleur avec lesquelles le taux directeur de la
banque centrale se répercute sur les taux qui sont
appliqués aux agents non financiers. Une source de
divergence réside donc dans la façon dont réagissent
les différents taux d'intérêt à une impulsion de la
politique monétaire. D'autres sources de divergence
peuvent intervenir dans les répercussions des
différents taux d'intérêt eux-mêmes, sur le revenu
et la richesse.
Les hétérogénéités liées au marché du crédit
L'intégration plus grande des marchés financiers,
leur décloisonnement, la création de nouveaux
produits de finance directe ont partout renforcé la
liaison entre les taux d'intérêt. La libéralisation
financière a certainement contribué à accroître cette
transmission en créant davantage de produits de
finance directs, à taux liés au taux du marché
monétaire (billets de trésorerie, certificats de dépôts,
etc.) et en limitant les produits à taux rigides et
réglementés. Le changement a surtout eu lieu dans
les années quatre-vingts en France et en Italie, car
en Angleterre, le système financier était déjà
libéralisé et en Allemagne la déréglementation des
42
taux d'intérêt bancaires était acquise de longue date.
Dans les quatre pays actuellement, l'action de la
banque centrale sur le taux du marché monétaire se
trouve plus directement répercutée aux conditions
appliquées aux agents non financiers. Cependant
l'ensemble des taux d'intérêt ne varie jamais
parallèlement. Il persiste des écarts, d'ailleurs
irréductibles, entre les taux d'intérêt sur les
différents marchés dus notamment à l'imparfaite
substituabilité des actifs sous-jacents. Il est donc
important d'observer comment les intermédiaires
financiers modifient leurs taux d'intérêt à la suite
d'un changement de politique monétaire, et aussi sur
quels taux d'intérêt sont assis les actifs et passif des
agents.
Sur ces points, et d'une manière plus générale sur
les différences entre les marchés du crédit dans les
pays européens, on pourra se reporter à Barran,
Coudert et Mojon (1996). Trois aspects sont
examinés dans cette étude, qu'il convient de rappeler
brièvement : l'indexation des crédits, la
répercussion du taux du marché monétaire sur les
autres taux d'intérêt et les contraintes d'accès au
crédit. Premièrement, concernant l'indexation des
crédits, les différences les plus frappantes tiennent
certainement au marché hypothécaire. Ces crédits
sont accordés majoritairement à taux fixe en France,
et à taux variables en Italie, en Allemagne et surtout
au Royaume-Uni. Les hausses de taux d'intérêt ont
donc peu d'incidence sur les ménages déjà endettés
en France et au contraire, diminuent le revenu des
ménages endettés au Royaume-Uni. Sur le crédit
total, les différences paraissent fortes d'un pays à
l'autre. Les trois quarts sont accordés à court terme
ou à taux ajustables au Royaume-Uni et en Italie,
contre 43 % en France et 39 % en Allemagne. Ces
différences semblent persister, puisqu'en comparant
deux dates, 1983 et 1993, Borio (1995) ne constate
pas de tendance à la convergence en matière de
pratique d'indexation des taux du crédit d'un pays à
l'autre. L'importance des crédits en devises joue
également un rôle et contribue sans doute à atténuer
l'effet interne de la politique monétaire. De même
les crédits bonifiés sont une pratique fréquente, qui
peut réduire l'impact de la transmission de la
politique monétaire à certains secteurs
économiques.
Deuxièmement, le taux du crédit bancaire s'ajuste à
des vitesses variables au taux du marché monétaire
dans les pays européens, même s'il est vrai qu'à long
terme, le coefficient est proche de 1. C'est ce que
montrent deux études de Cotarelli et Kourelis (1994)
et de Borio et Fritz (1995), dont les résultats sont
reportés dans le tableau 1. C'est au Royaume-Uni
que la répercussion sur le taux du crédit est la plus
rapide. L'effet est répercuté à plein au bout de trois
mois, ce qui est l'effet le plus fort à cet horizon parmi
les pays de l'OCDE. En Allemagne et en Italie,
l'impact est nettement plus faible à court terme.
C'est en France que la réaction est la plus longue.
Tableau 1 : ajustement du taux d'intérêt du crédit sur le taux du marché monétaire
À trois mois
À six mois
Instantané
À long terme
Sources :
(D
(2)
(1)
(2)
(D
(2)
(D
(2)
Allemagne
0,11
0,61
1,04
0,38
0,67
0,45
0,83
1,05
Italie
0,11
0,26
0,61
0,84
1,22
1,22
0,40
0,69
Royaume-Uni
0,82
1,00
1,02
1,01
1,04
1,01
1,04
1,01
France
n.d.
0,43
0,51
0,74
n.d.
0,45
n.d.
n.d.
Sources : (1) Cotarelli et Kourelis (1994), p. 16, modèle 1 , en niveau ; n.d. : non disponible.
(2) Borio et Fritz (1995) p. 125 1984-1994.
Tableau 2 : conditions d'accès au crédit et endettement des ménages
Allemagne
France
Italie
Royaume-Uni
Apport personnel minimum en % de la valeur du logement (1980-1987)
20
20
44
13
31,4
Dette des ménages en % de leur revenu disponible (1993)
77,9
51,0
102,0
Sources : Japelli et Pagano (1994), p. 92 et Kneeshaw (1995), p. 12.
Troisièmement, les contraintes d'accès au crédit de
certains agents, ménages ou petites et moyennes
entreprises, peuvent donner lieu à des changements
importants dans la transmission d'une politique
monétaire par les taux d'intérêt. En effet, si les
agents sont contraints dans leur demande de crédit,
une hausse du taux d'intérêt, à supposer qu'elle soit
répercutée sur le coût du crédit, pourra susciter une
baisse de la demande de crédit bancaire, mais en
situation d'excès de demande, cela ne se traduira pas
nécessairement par une baisse des crédits distribués.
De nombreuses études, liées au canal du crédit
(Bernanke et Blinder, 1992 ; Barran, Coudert et
Mojon, 1995a) montrent en effet qu'une hausse du
taux d'intérêt n'est généralement pas suivie
immédiatement d'une baisse du crédit bancaire.
Naturellement, plus le crédit est contraint, moins la
politique monétaire par le taux d'intérêt est efficace,
puisque les effets de substitution intertemporelle
sont limités.
Des éléments empiriques montrent que l'accès au
crédit est différencié pour les ménages européens en
matière de logement. Jappelli et Pagano (1994) ont
procédé à une comparaison internationale sur un
échantillon de 30 pays en utilisant un indicateur
intéressant : il s'agit de l'apport personnel initial
requis pour un emprunt en vue de l'acquisition d'un
logement. Pour les quatre pays européens qui nous
intéressent ici, le montant minimum de cet apport
personnel par rapport à la valeur du logement acheté
était fixé à 44 % en Italie, 20 % en France et en
Allemagne, contre 13 % seulement au
Royaume-Uni sur la période 1980-1987 (tableau 2).
L'accès au crédit est donc très différent entre ces
pays. Cet indicateur est corrélé négativement avec
le crédit aux ménages rapporté à leur revenu. Plus
l'indicateur d'apport initial est élevé, plus l'accès
des ménages au crédit est contraint, et plus faible est
le ratio d'endettement des ménages. La
confrontation avec les statistiques plus récentes
d'endettement des ménages de Kneeshaw (1995)
montre que ces asymétries persistent encore. Les
ménages sont, proportionnellement à leur revenu
disponible, faiblement endettés en Italie, davantage
en France et en Allemagne et beaucoup plus
fortement au Royaume-Uni (tableau 2).
Effets revenus et effets richesse
Toute variation des taux d'intérêt produit
mécaniquement une modification du revenu des
agents proportionnelle aux différents stocks d'actifs
mais aussi de dettes qu'ils détiennent. Les effets
directs se répercutent dans les flux d'intérêts reçus
ou versés. Mais là aussi les divergences de pays àpays sont importantes pour plusieurs raisons.
D'abord, les différents agents sont plus ou moins
créditeurs ou débiteurs. Cette hétérogénéité se
constate aisément au vu du tableau 2 en ce qui
concerne les dettes des ménages et du tableau 3 pour
ce qui est de leur richesse financière, mais ceci est
aussi valable pour la dette des entreprises et des
États. Ensuite, les actifs sont détenus en proportion
variable sous forme de dépôts bancaires,
d'obligations ou d'actions. Les dettes sont
contractées à plus ou moins long terme, sous forme
de crédit bancaire ou d'obligations ; d'où des effets
revenus variables d'un pays à l'autre.
Les flux d'intérêt versés et reçus par les ménages
dépendent de la répartition de leurs actifs et dettes
ainsi que des taux d'intérêt pratiqués dans les pays.
Le tableau 4 montre que leur ampleur est assez
différente dans les quatre pays étudiés ici.
Naturellement dans les pays à forte inflation et à taux
d'intérêts nominaux élevés, on peut s'attendre à ce
que les flux d'intérêts bruts soient importants. Les
ménages italiens sont ceux qui perçoivent le plus
d'intérêts bruts en % de leur revenu (16 % en 1992),
et leur endettement étant limité, ce sont eux qui, de
loin, perçoivent le plus d'intérêts nets, (11,3 % de
leur revenu disponible en 1992). Pour les ménages
britanniques, les flux d'intérêts représentent une
part importante du revenu, tant pour les intérêts
reçus (15,8 %) que pour les versés .
43
Au Royaume-Uni, du fait de l'indexation sur les taux
courts, les flux d'intérêt versés et perçus par les
ménages suivent un cycle très marqué. Ces
mouvements ne sont sans doute pas neutres sur la
demande finale, car ils affectent des ménages
hétérogènes dont les propensions à dépenser sont
différentes. En revanche en Allemagne et en France,
les flux d'intérêt versés et perçus par les ménages
sont relativement stables.
En ce qui concerne les entreprises, la baisse des flux
d'intérêt versés entre 1982 et 1992 reflète la baisse
des taux d'intérêt nominaux au cours de cette
période ainsi que le désendettement entrepris en
France et en Italie et dans une moindre mesure en
Allemagne au cours des années 1980. La
comparaison est plus difficile que pour les ménages
car le poids des intérêts varie aussi en fonction du
dénominateur, l'excédent brut d'exploitation, qui
est soumis à de fortes variations conjoncturelles.
Les effets richesse, qui résultent de la modification
du patrimoine des ménages à la suite des variations
des taux d'intérêt dépendent aussi de la structure des
actifs des agents. Par exemple, une hausse des taux
d'intérêt se traduit par une baisse de la valeur du
patrimoine détenu en obligations mais aussi
généralement en actions. Si les ménages détiennent
des montants importants de leur patrimoine sous
cette forme, comme au Royaume-Uni, ils seront
conduits à épargner davantage pour le reconstituer ;
d'où une baisse de la consommation, allant à
rencontre de l'effet revenu précédent. En outre,
l'expérience du dernier cycle a montré que l'effet
richesse pouvait aussi jouer de manière importante
sur le crédit. De nombreux crédits étant accordés
avec des collatéraux dépendant du prix des actifs,
les variations de prix d'actifs peuvent se trouver au
coeur d'une dynamique de cycle économique
(Aglietta, Coudert et Mojon, 1995).
Ces effets richesse sont particulièrement difficiles à
quantifier. On a vu plus haut que le niveau
d'endettement des ménages n'est pas homogène et
qu'il ne semble pas converger entre les quatre pays.
Le tableau 3 montre l'importance croissante de la
richesse financière des ménages ainsi que les
différences de sa composition dans les quatre pays.
Les effets richesse dépendent de la sensibilité des
prix d'actifs aux variations de taux d'intérêt. Or,
dans les dix dernières années, de fortes non linéarités
ont été constatées dans la réponse des prix
immobiliers, des prix des actions ou des cours des
obligations aux variations de taux. On ne peut
exclure la possibilité d'un retournement des prix
d'actifs à la suite d'un revirement de politique
monétaire.
Pour les entreprises, effet richesse, effet revenu et
effet de substitution jouent dans le même sens, pour
Tableau 3 : richesse flnanciere des ménages, en % du revenu disponible
Actif financier total 1993
1983
Décomposition en 1993
- dépôts et titres de dette
- actions
- fonds commun de placement
- assurances et droits à pensions
Source : Kneeshaw (1995).
Allemagne
217,5
172,3
France
237,5
133,5
Italie
262,8
219,2
Royaume-Uni
356,5
240,2
144
11,7
nd
62,2
109
74
17,4
36,5
165,7
56,3
9,4
23,8
101,1
45,6
7,4
192,0
Tableau 4 : flux d'intérêt reçus et versés par les ménages et les entreprises non financières
Flux d'intérêt versés 1992
1982
Flux d'intérêt reçus 1992
1982
Allemagne
France
Ménages en % du revenu disponible
5,5
5,6
5,4
4,1
9,6
5,8
7,7
6,3
1entreprises en % de l'excédent brut d'exploitation
42
63
52
103
29
51
44
86
Flux d'intérêts bruts versés 1992
1982
Flux d'intérêt nets reçus 1992
1982
Source : Kneeshaw (1995).
(1) Au Royaume-Uni, les flux d'intérêts comprennent aussi les dividendes.
44
Italie
Royaume- Uni ^
4,7
3,9
16,0
13,0
10,6
7,7
15,8
13,3
73
121
58
94
43
n.d.
42
n.d.
limiter l'investissement en cas de resserrement
monétaire. En effet, dans ce cas, par l'effet
substitution, l'investissement devient plus coûteux
par rapport à l'épargne ; l'effet revenu va dans le
même sens puisqu'il augmente la charge de la dette,
limitant donc de fait les fonds disponibles pour
l'investissement. De plus, comme en cas de hausse
des taux, les cours des actions ont tendance à baisser,
la richesse des entreprises diminue. La baisse du q
de Tobin (rapport entre la valeur boursière de
l'entreprise et le coût de remplacement de ses actifs
réels) décourage l'investissement, puisqu' émettre
de nouvelles actions coûte plus cher. Ceci est surtout
sensible dans les pays anglo-saxons où le
financement par actions est important. Le crédit
bancaire peut aussi se trouver réduit, car la valeur
boursière de l'entreprise sert souvent de garantie
pour l'octroi de crédit.
À ces canaux de transmission interne de la politique
monétaire, il faut naturellement ajouter le taux de
change, puisque toute variation de taux d'intérêt se
répercute sur le marché des changes. La variation du
taux de change produit ensuite des conséquences sur
les prix et sur l'économie réelle. Cette courroie de
transmission contribue à augmenter l'efficacité de
la politique monétaire. En effet, un choc restrictif
sur le taux d'intérêt s'accompagne généralement
d'une appréciation du change, qui contribue à la
modération de l'inflation et à la baisse de l'activité.
Au total, les canaux de transmission de la politique
monétaire sont nombreux et certains effets peuvent
être contradictoires. Il est donc intéressant de poser
empiriquement la question de leur importance
relative et d'évaluer les conséquences de la politique
monétaire dans les différents pays européens.
Le modèle utilisé pour représenter
l'effet de la politique monétaire
Pour représenter de manière exhaustive les
mécanismes de transmission de la politique
monétaire et mettre en évidence d'éventuelles
spécificités nationales de ces mécanismes, nous
utilisons un modèle Var. Celui-ci contient non
seulement la variable instrument de la politique
monétaire, c'est-à-dire le taux d' intérêt à court terme
et les variables objectifs, prix et PIB, mais également
les variables-clés de la transmission : agrégats
monétaires, crédit, taux de change et taux d'intérêt
à long terme. La réponse de l'économie à un choc
de taux d'intérêt à court terme est ensuite comparée
dans quatre pays européens : l'Allemagne, la
France, l'Italie et le Royaume-Uni.
Le modèle comporte les sept variables endogènes
suivantes : le taux d'intérêt du marché monétaire, le
taux de change, l'agrégat monétaire M2, le crédit au
secteur privé et le taux d'intérêt sur les obligations
publiques, en tant que variables de transmission de
la politique monétaire. Enfin, l'indice des prix à la
consommation et le PIB représentent les variables
objectifs de la politique monétaire. Gerlach et Smets
(1995) ont comparé la transmission de la politique
monétaire dans les pays du G7, en utilisant un Var
à trois variables : taux d'intérêt à court terme, prix
et PIB. La spécification plus large retenue ici permet
de saisir l'impact de la politique monétaire non
seulement sur les objectifs finaux, mais aussi sur les
différents canaux de transmission possibles. Le taux
de change est une variable importante à prendre en
compte dans ces économies ouvertes. Il est défini
par rapport au dollar en Allemagne et par rapport au
mark dans les trois autres pays. La présence du taux
d'intérêt à long terme permet de prendre en compte
la diffusion de la politique monétaire aux autres taux
d'intérêt. Le taux long choisi, celui des obligations
publiques, est plus facilement comparable d'un pays
à l'autre que les taux du crédit. Ce canal de
transmission est moins souvent étudié à partir de
simulations Var que les trois autres. Cependant, la
transmission des impulsions du taux court vers les
autres taux est à l'évidence un canal de transmission
essentiel de la politique monétaire.
Ordre d'intégration et cointégration
L'étude des propriétés statistiques des séries est un
préalable nécessaire. Les séries utilisées sont tirées
des Statistiques Financières Internationales du
FMI(2)~sauf la~ masse monétaire française dont les
données nationales ont été jugées préférables(3) et le
taux d'intérêt du marché monétaire britannique, qui
est le taux interbancaire maximum de l'argent au
jour le jour tiré des statistiques de taux d'intérêt de
l'OCDE. Toutes les séries sont mises en logarithmes
sauf les taux d'intérêt. Les estimations sont faites
sur séries trimestrielles, pour la période allant de
1976-1 à 1993-2, sauf en France où la période
d'estimation commence en 1978-4 (et se termine
aussi en 1993-4). Toutes les estimations
comprennent une constante et trois variables
muettes saisonnières.
L'ordre d'intégration des séries est étudié ici selon
la méthodologie proposée par Dolado, Jenkinson et
Sosvilla-Rivero (1990). Le nombre de retards pour
les tests Dickey et Fuller augmentés est fixé selon
Campbell et Perron (1991). On utilise ici 8 retards
au maximum. On pourra se reporter à Barran,
Coudert, Mojon (1997), où cette méthode est
explicitée en détail. Les valeurs des tests sont
présentées dans le tableau 5. La plupart des séries
sont intégrées d'ordre 1. En Italie, le taux de change
lire-mark et le crédit sont stationnaires en niveau
avec un trend. En Allemagne, les taux d'intérêt sont
stationnaires, de même que le taux du marché
monétaire britannique. L'indice des prix à la
consommation allemand est intégré d'ordre 2(4), de
même que l'agrégat M2 et le crédit au
Royaume-Uni.
45
Tableau 5 : tests de racines unitaires
Statistiques
Ordre d'intégration
(1)
(2)
(3)
-2,85(**
-2,65
-0,60
Taux court
0
-1,82
-1,62
-1,14
Taux de change
1
-5,40(***
-5,44(***
-5,78(***
A taux de change
-2,72(**
Taux des obligations
-2,72
0,42
0
M2
-2,47
-0,83
3,18
1
-3,19e***
A M2
-3,12
-0,75
-2,45
Crédit
-1,97
1,34
1
Allemagne
-3,07(***
-3,13
0,03
A crédit
Prixàlaconsommation
-2,04
-0,63
1,36
2
A prix à la consommation
-1,95
-2,02
-1,12
-11,04e***
-9,60(***
A2 prix à la consommation
-w&n
PIB
-2,49
-1,00
0,99
1
-2,17(***
-2,47
-2,43
A PIB
Taux court
-2,37
-2,32
-0,58
1
-6,80e"*
-6,77(**»
-7,00(***
A taux court
Tauxdechange
-1,84
-2,28
1,29
1
-4,58(***
-3,77(**>
-2,94(***
A taux de change
Tauxdesobligations
-1,60
-1,14
0,53
1
-5,30(***
A taux des obligations
-5,10
-5,29
M2
-2,05
-2,45
0,04
1
France
• -8,54<***
-8,45(***
- 8,29(***
M2
-3,06(***
Crédit
-1,20
3,20
1
-6,30(***
-5,39<***
6,98e***
A crédit
Prixàlaconsommation
-0,86
-2,54
0,16
1
-3,40(*}
A prix à la consommation
-1,21
-1,20
PIB
-2,30
-1,67
2,55
1
-3,92e***
-3,71<***
A PIB
-2,72
Taux court
-2,57
-2,22
-0,56
1
-6,31(***
-6,31
A taux court
-6,52
- 3,72(**>
Tauxdechange
-2,50
3,46
0
Tauxdesobligations
-2,00
-1,42
-0,59
1
-4,87(**>
-4,86(***
-4,98(***
A taux des obligations
M2
-1,73
-2,67
1,42
1
Italie
AM2
-3,04
-2,13
3,76(***
-3,92(***
-1,14
Crédit
0
Prixàlaconsommation
-1,32
-3,29
0,04
1
-3,24e**
A prix à la consommation
-1,36
-1,39
PIB
-2,51
-2,56
2,06
-5,43(***
-5,35(***
-2,16e***
A PIB
1
- 2,85e**
Taux court
-2,81
-0,80
1
-4,5(***
-2,7(***
A taux court
-2,9
Tauxdechange
-2,83
-1,46
-1,49
1
-4,25(***
-4,27(***
-3,48<***
A taux de change
Tauxdesobligations
-1,01
-1,44
-2,61
1
-7,60(***
-7,63(***
-7,77(**>
A taux des obligations
M2
-1,69
-0,56
1,75
1
AM2
-2,39
-2,10
-0,73
Royaume- Uni
-9,84(***
-9,82(***
- 12,01(***
A2M2
2
Crédit
-U7
-1,33
0,73
A crédit
-1,06
-0,66
-1,56
-6,40(***
-6,82(***
A 2 crédit
-7,17
Pr ixà la con sommation
1
-1,33
-2,18
1,21
-3,25(***
-1.86<*>
A prix à la consommation
-3,00
PIB
1,75
1
-2,14
-0,96
-2,98(***
-2,29(***
A PIB
-2,99
Pour chaque pays, les lignes sont successivement la série et sa différence première. Les colonnes indiquent la statistique de Dickey- Fuller,! t , correspondant
aux trois modèles testés : (1) modèle avec trend et avec constante (P * 0 and |i * 0), (2) modèle sans trend et avec constante (P=0 and (J. * 0), (3) modèle sans
trend et sans constante (p=0 and (j. =0). Pour chaque modèle, le nombre de retards a été sélectionné par la procédure indiquée par Campbell et Perron (1990).
(*) significatif au seuil de 10 %, (**) significatif au seuil de 5 %. (La significativité correspond au fait que la série n'a pas de racine unitaire). Les chiffres
en gras signalent le modèle sur lequel la décision de rejeter ou d'accepter l'hypothèse de stationarité est prise.
46
Tableau 6 : tests de Johansen pour 4 et 6 retards
Test de la valeur propre maximale
Test de la trace
n
4 retards
6 retards
4 retards
6 retards
36,42e**>
54,76e**)
92,84e**)
130,88e**)
0
35,92e**)
56,43e**)
76,12e**)
25,83e*}
1
Allemagne
21,24e**)
30,60e**)
40,20e**)
2
18,55
16,67e**)
18,96e**)
3
11,38
12,05
4
0,66
2,29
0,66
2,29
87,28e**>
284,29e**)
306,34e**)
649,31e**)
0
70,63e**)
172,62e**)
219,06e**)
365,02e**)
1
87,38e**)
51,64e**)
148,43e**)
192,40e**)
2
France
39,15e*)
50,42e**)
96,79e**)
105,02e**)
3
31,45e**)
36,01e**)
57,65e**)
54,60e**)
4
22,19e**)
16,93e**)
26,20e**)
18,59e**)
5
4,01e**)
4,01e**)
6
1,66
1,66
63,16e**)
42,78e**)
168,12e**)
122,62e**)
0
50,39e**)
38,40e**)
104,96e**)
79,83e**)
1
Italie
31,27e**)
21,02e**)
54,57e**)
41,44e**)
2
18,69e**)
12,17e*)
23,30e**)
20,42e**)
3
4,60e**)
8,25e**)
4,60e**)
8,25e**)
4
63,74e**)
101,55e**)
220,74e**)
308,97e**)
0
47,17e**)
63,38e**)
157,00e**)
207,42e**)
1
40,78e**)
45,94e**)
109,83e**)
144,04e**)
2
Royaume-Uni
31,10e**)
42,05e**)
69,05e**)
98,10e**)
3
26,13e**)
26,84e**)
37,95e**)
56,05e**)
4
19,22e**)
11,82e*)
29,21e**)
5
11,42
io,oo(!*)
0,40e!*)
io,ooe**)
60,40 _
Dans les tests de la trace, (*) (respectivement (**)) signifie que l'on peut rejeter au seuil de 10% (respectivement 5%) l'hypothèse nulle de l'existence de
relations de cointégration en nombre inférieur ou égal à n. Dans les tests de la valeur propre maximale, (*) signifie que l'on peut rejeter au seuil de 5%
l'hypothèse de n relations de cointégration contre celle de n+1 relations.
Les tests de Johansen, dont les résultats sont reportés
dans le tableau 6, indiquent que les relations de
cointégration sont nombreuses entre nos sept
variables, de l'ordre de 5 ou 6 en France, 5 en Italie,
2 à 4 en Allemagne et 3 à 7 au Royaume-Uni. Ces
résultats varient beaucoup en fonction du nombre de
retards retenus dans le Var. Par la suite, nous avons
limité à 4 les retards pour préserver le nombre de
degrés de liberté des estimations, bien que les
critères de Schwartz et de Akaïke s'améliorent
quand on augmente les retards.
Du fait du nombre de variables en jeu, les vecteurs
de cointégration obtenus sont complexes et
difficilement interprétables. Nous avons testé les
relations bilatérales entre nos variables au moyen de
tests d'Engle et Granger. On obtient alors
notamment la relation de cointégration entre le taux
long et le taux court. Mais par cette méthode, on
n'obtient qu'une petite partie des relations
existantes prévues par le test de Johansen. Au total,
pour ne pas perdre les relations de long terme
existant entre nos variables mais sans pouvoir
effectivement les préciser dans un VECM, nous
choisissons d'effectuer le Var sur les variables en
niveau (Hamilton, 1994), ce qui s'apparente à un
VECM non contraint.
Tests d'exogénéité
Les simulations de chocs de politique monétaire à
partir de ces Var présentent le double intérêt
d'observer les comportements des variables objectif
de politique monétaire, prix et PIB, et ceux des
variables de transmission de la politique monétaire,
change, taux d'intérêt à long terme, monnaie et
crédit, mais aussi l'inconvénient de multiplier les
coefficients à estimer. Nous avons donc testé
l'opportunité d'ajouter les trois variables de
transmission, taux d'intérêt à long terme, monnaie
et crédit dans le modèle. Pour cela, on teste
l'exogénéité du bloc instrument-objectif (taux court,
taux de change, prix et PIB) par rapport à ces trois
variables de transmission. On peut rejeter
47
l'hypothèse d'exogénéité dans trois pays sur quatre
(tableau 7). Pour pouvoir comparer les résultats
entre les pays, on conservera le même modèle à sept
variables pour les quatre pays.
Tableau 7 : test d'exogénéité du bloc
instrument-objectif
Statistique
Allemagne
70,08
France
66,71
Italie
69,08
Royaume-Uni
55,33
Ces statistiques suivent un 2 à 48 degrés de liberté.
Niveau de
significativité
0,020
0,038
0,024
0,2174
Nous avons également estimé un modèle Var
"parcimonieux" où les coefficients peu
significativement différents de zéro (ceux dont la
statistique de Student est inférieure à 1 en valeur
absolue) sont contraints à zéro. Cependant,
l'hypothèse de nullité de l'ensemble de ces
coefficients est rejetée dans chacun des quatre pays.
Par conséquent, les simulations présentées dans la
suite de ce papier sont réalisées à partir de modèles
Var non contraints.
La représentation du choc
Deux démarches ont été suivies dans la littérature
pour représenter les chocs de politique monétaire.
Une première démarche consiste à repérer les dates
des
"historique"
chocs de suivie
politique
par Romer
monétaires
et Romer
selon(1989).
la méthode
Pour
les États-Unis, ces derniers ont étudié
systématiquement les comptes-rendus de session du
Comité des Interventions à' Open Market de la
Federal Reserve, pour identifier les dates auxquelles
la politique monétaire est devenue restrictive. Cette
méthode a été étendue par Tsatsaronis (1995) au
Royaume-Uni et à l'Allemagne. Une fois les dates
repérées, on peut leur affecter une variable muette
dans une régression et simuler un choc de politique
monétaire dans un modèle économétrique.
L'inconvénient de cette méthode pour notre étude
est que notre période d'estimation, qui commence
en 1975, ne contient, selon Tsatsaronis qu'une date
en Allemagne (février 1981) et que deux dates au
Royaume-Uni (novembre 1978 et août 1988).
Une seconde démarche consiste à utiliser un modèle
Var. C'est la démarche suivie dans de nombreux
travaux, comme ceux de Bernanke et Blinder (1992),
Christiano, Eichenbaum et Evans (1994), Sims
(1992), Dale et Haldane (1995). Le taux du marché
monétaire joue généralement le rôle de variable
instrument de politique monétaire. Les variations de
ce taux peuvent résulter tout autant de dynamiques
endogènes à l'économie que d'impulsions exogènes
48
déclenchées par les autorités monétaires.
L'utilisation d'un modèle Var permet de construire
des chocs exogènes de politique monétaire, en
distinguant les variations endogènes du taux
d'intérêt, telles qu'elle résultent de la fonction de
réaction habituelle des autorités, des impulsions
exogènes qui lui sont données. La méthode est la
suivante.
En appelant Y t le vecteur formé par ces n-1
variables représentatives de l'économie, le modèle
structurel de l'économie est supposé de la forme :
où 8, désigne les chocs structurels du modèle,
supposés d'espérance nulle, orthogonaux et tels que
On estime ici la forme réduite suivante, par OLSQ :
avec
£[w,w',] = Q..
Cette forme est équivalente à :
(3)Yt=[I-B0]-l[BlYt_l + ... + .
+ [I-B0]-let
En identifiant (2) et (3), on obtient :
(4) Ai=[I-B0]-lBi
et les résidus de l'équation m, en fonction des chocs
structurels :
(5) [I-Bo]-1 e, = K,
Soit en notant :
(6) A0=[I-B0]-l,ut = A0Et
on a :
O)E[utu't] = n = £[Ao£,e',A'o]=AoA'o
En représentation MA, dans le cas où le polynôme
[I—A (L) ]-1 est inversible, on a :
(8)l>[/-A(L)rX
Les fonctions de réponse à une impulsion aux chocs
orthogonaux s'écrivent alors :
Les matrices du polynôme A(L) sont estimées par la
régression. Pour calculer la matrice A 0 , on utilise
l'équation (7). Q. étant symétrique, cette équation
fournit n (n +l)/2 contraintes pour identifier A 0. Il
faut donc imposer n{n-\)ll contraintes
supplémentaires pour identifier les n2 éléments de
Ao . On pose ici l'hypothèse standard de Sims
(1980,1992) de récursivité instantanée du modèle,
c'est-à-dire que la matrice Ao des interactions
instantanées est triangulaire inférieure. L'intérêt de
cette hypothèse est de garantir l'existence et
l'unicité de la solution de l'équation (7). La solution
s'obtient alors en utilisant une décomposition de
Choleski de la matrice Q. Cette hypothèse est
justifiée dans les cas où les corrélations entre les
ut sont faibles : dans ce cas les coefficients non
diagonaux de la matrice A 0 sont proches de zéro et
les fixer à zéro n'est donc pas une hypothèse trop
contraignante.
L'ordre des variables dans le Var n'est pas
indifférent pour les simulations, puisque, par
hypothèse, les interactions instantanées suivent un
système_récursiL_ Ainsi du fait de la forme
triangulaire inférieure de la matrice Ao, le choc
simulé de la variable i n'a une incidence instantanée
que sur les variables y telles que j > i.
Ici l'ordre adopté est le suivant : le PIB, les prix,
l'agrégat M2, l'agrégat de crédit, le taux des
obligations publiques, le taux de change, puis le taux
du marché monétaire. En plaçant le taux d'intérêt en
dernier, on suppose implicitement que les autorités
monétaires fixent le taux d'intérêt en tenant compte
de l'évolution simultanée de toutes les autres
variables. La fonction de réaction du taux d'intérêt
inclut donc toutes les variables contemporaines.
Ceci paraît naturel dans le cas d'une périodicité
trimestrielle. En revanche, le taux d'intérêt du
marché monétaire n'a pas d'effet instantané sur les
autres variables. Son action ne s'exerce qu'après un
retard d'un trimestre. Cette hypothèse paraît assez
forte dans le cas du taux de change, car elle exclut
les réactions rapides du taux de change à la politique
monétaire. Pour lever cette hypothèse
contraignante, nous avons également simulé des
chocs selon un ordre alternatif, plaçant les variables
objectifs de la politique monétaire, taux de change,
prix et PIB après le taux d'intérêt du marché
monétaire. Cependant, les principaux résultats sont
le plus souvent indifférents à l'ordre retenu. Nous
ne présentons ici que les résultats de l'ordre décrit
au début de ce paragraphe, où le taux d'intérêt est
placé en dernier.
La réponse des économies à un choc de
politique monétaire
Les graphiques suivants représentent les réponses à
des chocs non entretenus d'un écart- type sur le taux
d'intérêt manipulé par les banques centrales, le taux
de change et le taux d'intérêt, à long terme. Les
réponses des variables sont données sur un horizon
de trois ans, en termes d'écart au compte central.
Comme les variables sont prises en logarithme, cet
écart peut être interprété comme un taux de
croissance ; pour les taux d'intérêt il s'agit d'écart
de points de taux d'intérêt. Les traits pointillés
donnent un intervalle de confiance d'un écart- type
calculé par simulation de Monte-Carlo autour de la
trajectoire en trait plein.
La forme du choc de taux d'intérêt est représentée
sur la dernière colonne des graphiques 1. Le choc
n'est pas entretenu, mais du fait de l'autorégressivité
du modèle, il persiste pendant un certain temps avant
de disparaître, ou même éventuellement de devenir
négatif du fait de la réaction des autorités monétaires
aux nouvelles conditions macro-économiques. Les
chocs sont différents selon les pays, quant à leur
amplitude initiale mais aussi quant à leur inertie. En
Italie et en France, le taux d'intérêt revient vers le
compte central très rapidement respectivement au
bout de trois et quatre trimestres, alors que dans les
deux autres pays, le taux est plus inerte. Il reste
supérieur à celui du compte central durant six
trimestres au Royaume-Uni et trois ans en
Allemagne.
Les réponses des autres variables économiques au
choc de taux d'intérêt sont représentées sur les
graphiques 1. Le choc restrictif sur le taux d'intérêt
a un effet négatif sur la croissance dans les quatre
pays. En Italie et au Royaume-Uni, cet effet est
transitoire, le retour au compte central du PIB
s'effectuant dès le début de la troisième année. On
retrouve bien en France et au Royaume-Uni une
appréciation du change significative suite à une
augmentation du taux court. En revanche, en Italie,
un choc restrictif de politique monétaire entraîne
d'abord une dépréciation temporaire du change
avant l'appréciation attendue. Le délai nécessaire au
taux court pour influencer le taux de change traduit
peut-être le manque de crédibilité des autorités
monétaires italiennes. En Allemagne, on observe
aussi une dépréciation, mais celle-ci n'est pas
significative.
Le taux long augmente suite à un choc sur le taux
court au Royaume-Uni et en Allemagne, mais il
n'intègre instantanément qu'une partie du choc du
taux court. Dans les deux autres pays, le taux long
subit un léger fléchissement, ce qui peut refléter un
gain de crédibilité dû à l'augmentation du taux court.
49
Graphiques 1 : réponses à un choc sur le taux du marché monétaire
Allemagne (1976-Tl à 1993-T4)
Fra™e (1979-Tl à 1993-T2)
PIB
PIB
Prix
Prix
M2
M2
Crédit
Crédit
Taux d'intérêt
long
Taux d'intérêt
long
Taux de
change
Taux de
change
Taux d'intérêt
de la politique
monétaire
Taux d'intérêt
de la politique
monétaire
50
Graphiques 1 : réponses à un choc sur le taux du marché monétaire
Italie (1976-Tl à 1993-T3)
Royaume-Uni (1976-Tl à 1993-T4)
PIB
PIB
Prix
Prix
M2
M2
Crédit
Crédit
Taux d'intérêt
long
Taux d'intérêt
long
Taux de
change
Taux de
change
Taux d'intérêt
de la politique
monétaire
Taux d'intérêt
de la politique
monétaire
51
En France, en Italie et en Allemagne, l'agrégat de
monnaie M2 et l'encours de crédit diminuent
significativement après un choc restrictif de taux
d'intérêt, ce qui est bien conforme à l'effet attendu.
Au Royaume-Uni au contraire, masse monétaire et
crédit restent inerte. Les travaux sur le canal du
crédit permettent d'expliquer cette inertie voire cette
hausse du crédit. Christiano, Eichenbaum et Evans
(1994), par exemple, ont observé ce même
comportement du crédit agrégé aux États-Unis et
l'expliquent par le fait que les entreprises sont
conduites à emprunter davantage pour pallier les
baisses de cash flow induites par la récession.
Bernanke et Gertler (1995) font la même
interprétation.
La détermination des prix diffère largement d'un
pays à l'autre. C'est ce que montre leur
décomposition de variance (cf. tableau 8). Ce sont
surtout les taux d'intérêt qui influencent les prix en
France et en Allemagne. A un horizon de trois ans,
l'influence des taux longs sur les prix devient
importante dans ces deux pays, alors qu'en Italie et
au Royaume-Uni, c'est le taux de change qui, à cette
échéance, détermine fortement les prix. L'Italie se
singularise par une faible influence directe des taux
d'intérêt sur les prix et un fort impact de la masse
monétaire M2.
d'intérêt apparaît ainsi suivi d'une montée des prix,
qui se serait produite de toute façon, mais de manière
plus forte si le taux n'avait pas été relevé. Cette
explication est en partie confortée par nos
simulations dans lesquelles les variables, ont un
ordre différent. En effet, quand le taux d'intérêt est
placé avant les prix, ce qui revient à considérer que
les autorités monétaires ne tiennent pas compte de
l'évolution simultanée des prix quand elles fixent le
taux d'intérêt, l'impact positif sur les prix s'accroît
en Allemagne, et il devient temporairement positif
en France. La seconde explication de l'impact positif
des taux d'intérêt sur les prix réside dans la
répercussion des charges financières sur les prix. En
situation de concurrence imparfaite, les entreprises
peuvent dans un premier temps effectivement être
conduites à augmenter leurs prix pour maintenir
leurs marges, alors que dans un deuxième temps,
c'est l'effet désinflationiste du ralentissement de
l'activité qui l'emporte, probablement au delà de
l'horizon de simulation de trois ans.
Les décompositions de variance du PIB (tableau 9)
révèlent des mécanismes de transmission de la
politique monétaire spécifiques à chaque pays. Les
taux courts apparaissent déterminants pour le PIB
en France et en Italie et les taux longs déterminants
en Allemagne et au Royaume-Uni. La masse
monétaire M2 détermine particulièrement l'activité
réelle en France et au Royaume-Uni, ce qui peut
aussi être mis en évidence par des tests de causalité
(Barran, Coudert et Mojon, 1997). Enfin, le taux de
change influence fortement le PIB en Italie et au
Royaume-Uni à échéance de trois ans.
Selon les fonctions de réponses à une impulsion des
graphiques 1, un choc à la hausse du taux d'intérêt
conduit à une diminution des prix en Italie et en
France, où le niveau des prix baisse
significativement par rapport au compte central
environ un an après le choc. Dans les deux autres
pays, l'impact d'une augmentation du taux court
L'impact d'un choc de taux de change est représenté
conduit à augmenter le niveau des prix. Ce résultat
sur les graphiques 2. Il est intéressant de constater
a déjà été relevé dans de nombreux articles (Sims,
que les effets de la dépréciation du change
1992 ; Dale et Haldane, 1995), nous le retrouvons
apparaissent rapidement bénéfiques au
ici pour l'Allemagne et le Royaume-Uni. Ce
Royaume-Uni et en Allemagne en termes de
paradoxe dit "price puzzle" peut avoir deux
stimulation du PIB. En revanche les effets sur
explications. La première est que les autorités
l'activité ne sont pas significatifs en France, alors
monétaires relèvent leur taux d'intérêt lorsqu'elles
qu'en Italie ils se font ressentir après deux ans. On
anticipent la montée des prix en considérant
remarque enfin qu'une dépréciation du change est
l'évolution de variables qui ne sont pas prises en
accompagnée par une baisse marquée des taux
compte dans le modèle. Le relèvement du taux
d'intérêt en Italie et au Royaume-Uni, alors qu'elle
Tableau 8 : décomposition de la variance de l'erreur sur l'équation des prix à horizon de prévision
de 4, 8 et 12 trimestres (en % du total)
Taux de
Horizon
PIB
Prix
M2
Crédit
Taux court
Taux long
change
4
1
68
1
14
0
9
3
Allemagne
8
3
59
1
18
6
6
4
12
4
13
42
0
11
13
12
4
2
78
2
1
13
0
1
France
8
4
59
2
1
19
0
11
12
6
20
0
16
49
3
2
4
5
82
5
2
0
0
2
Italie
8
20
4
42
13
1
0
16
12
26
26
16
7
00
16
5
4
0
79
2
1
7
8
o
to
Royaume-Uni
8
11
23
50
2
3
5
to
12
27
35
2
2
3
25
52
Graphiques 2 : réponses à un choc sur le taux de change (dépréciation)
Allemagne (1976-Tl à 1993-T4)
France (1979-T3 à 1993-T4)
PIB
PIB
-0.0025-0,0050Prix
Prix
Crédit
Crédit
M2
M2
Taux d'intérêt
long
Taux d'intérêt
long
Taux de
change
Taux de
change
Taux d'intérêt
de la politique
monétaire
Taux d'intérêt
de la politique
monétaire
53
PIB
Graphiques 2 : réponses à un choc sur le taux de change (dépréciation)
Italie (1976 -Tl à 1993- T3)
Royaume-Uni (1976- Tl à 1993-T4)
PIB
Prix
Prix
M2
M2
Crédit
Crédit
Taux d'intérêt
long
Taux d'intérêt
long
Taux de
change
Taux de
change
Taux d'intérêt
de la politique
monétaire
Taux d'intérêt
de la politique
monétaire
54
est sans effet sur les taux en Allemagne et en France.
Cette différence illustre les stratégies suivies par les
deux premiers pays à leur sortie du SME en 1993.
taux d'intérêt, de taux de change et de taux long ne
sont pas représentées par contraintes de place mais
sont disponibles auprès des auteurs.
L'impact du taux long sur l'activité est plus faible
que celui du taux court, sauf au Royaume-Uni
(graphique 3). Dans ce pays, un choc sur le taux long
fait jouer chacun des canaux de transmission. Il
entraîne une baisse parallèle de la monnaie et du
crédit et une appréciation de la livre sterling. Le
faible rôle dévolu au taux long dans le coût du crédit
bancaire n'empêche donc pas la hausse du taux long
de produire des effet réels. Ceux-ci passent
probablement par le taux de change et par un effet
richesse.
En Allemagne, les simulations semblent indiquer
une plus forte transmission des chocs de politique
monétaire à la demande finale sur la période récente.
La masse monétaire et le crédit baissent de manière
plus marquée sur la période récente, ce qui accentue
la transmission de la hausse du taux d'intérêt. Le
taux intérêt à long terme se redresse aussi
légèrement. En revanche, l'appréciation du change
est plus significative et plus importante dans la
première sous-période. Le PIB répond aussi de
manière plus orthodoxe à une hausse du taux long
dans la première sous-période que dans la seconde
sous-période. En effet dans la seconde sous période,
l'augmentation du taux long conduit à une hausse
du crédit et à une reprise de l' activité. Ce phénomène
tient probablement à la période atypique de la
réunification allemande où la hausse des taux
d'intérêt a coïncidé avec une forte croissance.
Les chocs de monnaie ou de crédit stimulent
l'activité réelle de manière tout à fait standard en
Allemagne, en France et au Royaume-Uni. En
revanche, en Italie, un choc de monnaie a un faible
impact et un choc de crédit un effet quasi nul.
Peut-on parler de convergence ?
Les initiatives nationales de transformation des
marchés financiers et/ou l'intégration internationale
croissante de ces marchés ont pu influencer les
canaux . de- transmi s sion de- la - politique- monétaire,Réaliser des simulations de choc de politique
monétaire à partir de modèles estimés sur des
sous-périodes est susceptible de faire apparaître de
telles évolutions. Afin de garder suffisamment de
degrés de liberté pour les estimations, nous avons
sélectionné deux sous-périodes : les 12 premières
années et les 12 dernières, ces deux sous-périodes
pouvant se recouper plus ou moins selon la taille de
l'échantillon initial. Les estimations mettent en
évidence des différences entre les deux
sous-périodes. Les réponses à des impulsions sur le
Au Royaume-Uni, la réponse de l'économie semble
avoir évolué entre ces deux sous-périodes. Dans la
première sous-période, le taux de change joue son
rôle de transmission standard : une hausse des taux
d'intérêt provoque une appréciation du change, qui
contribue à la baisse du PIB. Dans la seconde
sous-période au contraire, la hausse du taux d'intérêt
coïncide non seulement avec une dépréciation du
change, mais aussi avec des augmentations de la
masse monétaire et du crédit, ce qui produit une
stagnation du PIB au lieu de la baisse attendue. En
revanche, les prix ont moins tendance à augmenter
dans la seconde sous-période.
En France, les réponses des variables à des chocs sur
le taux du marché monétaire deviennent plus
orthodoxes dans la seconde sous-période. En effet,
une augmentation de taux d'intérêt d'une ampleur
plus faible que pendant la première sous-période
induit une appréciation plus nette du change, une
Tableau 9 : décomposition de la variance de l'erreur sur l'équation du PIB à horizon de prévision de 4, 8 et 12
trimestres (en % du total)
Taux de
Horizon
PIB
Prix
M2
Crédit
Taux court
Taux long
change
4
76
2
0
2
13
1
3
Allemagne
8
64
9
2
5
11
0
4
12
53
16
6
9
9
0
4
54
9
27
5
0
0
2
France
4
19
12
35
14
0
0
16
12
44
8
10
12
1
0
17
4
83
0
8
0
1
1
3
Italie
8
61
9
8
1
5
5
8
12
42
9
7
1
3
28
6
4
73
6
13
0
0
0
5
Royaume-Uni
8
56
11
16
0
7
7
0
14
12
48
10
0
10
15
0
55
Graphiques 3 : réponses à un choc sur le taux d'intérêt à long terme
Allemagne (1976- Tl à 1993- T4)
France (1979-T3 àl993-T2)
PIB
PIB
Prix
Prix
M2
M2
0010
0,008
0,006
00040002'
0,000
-0.002
Crédit
■
Crédit
Taux d'intérêt
long
Taux d'intérêt
long
Taux de
change
Taux de
change
Taux d'intérêt
de la politique
monétaire
Taux d'intérêt
de la politique
monétaire
56
PIB
Graphiques 3 : réponses à un choc sur le taux d'intérêt à long terme
Royaume-Uni (1976-Tl à 1993-T4)
Italie (1976-Tl à 1993-T3)
PIB
Prix
Prix
M2
M2
Crédit
Crédit
Taux d'intérêt
long
Taux d'intérêt
long
Taux de
change
Taux de
change
Taux d'intérêt
de la politique
monétaire
Taux d'intérêt
de la politique
monétaire
57
baisse des agrégats de monnaie et de crédit et une
baisse des prix. Le PIB diminue sans délai dans la
seconde sous-période. Cette plus forte réponse de
l'économie française au taux d'intérêt court dans la
période récente avait déjà été constatée par Bordes,
Girardin et Marimoutou (1995), qui analysent les
effets d'un choc de taux d'intérêt sur les différentes
composantes de la demande finale avant et après la
libéralisation financière. Icard (1994) avait aussi
montré comment les changements dus à la
libéralisation financière ont contribué à modifier la
politique monétaire française dans le sens d'un
impact plus fort des chocs du taux d'intérêt court sur
la demande finale. Cependant, dans nos simulations,
l'impact du taux long sur la demande finale s'atténue
entre la première et la seconde sous-périodes. Cette
modification est comparable, quoique de moindre
ampleur, à celle observée en Allemagne. On peut
probablement l'expliquer par la forte intégration de
ces deux économies et la dépendance des taux
français à l'égard des taux allemands.
En Italie, l'évolution des canaux de transmission de
la politique monétaire est à mi-chemin entre celle
constatée en France et celle du Royaume-Uni. D'un
coté, les réactions de certaines variables, comme les
prix ou le crédit, deviennent plus conformes à une
politique par les taux d'intérêt dans la seconde
sous-période. Ainsi la réaction positive des prix,
nette dans la première sous-période devient non
significativement différente de zéro dans la seconde.
De même, le crédit diminue au cours de la seconde
sous-période alors qu'il augmentait dans la
première. Le PIB diminue aussi plus rapidement. En
revanche, sur la période récente, la hausse du taux
d'intérêt est suivie par une dépréciation de la lire par
rapport au mark, et non par l'appréciation attendue.
Globalement, les évolutions de chacun des systèmes
financiers nationaux ne paraissent aller ni dans le
sens d'une plus grande uniformisation, ni dans le
sens d'une plus grande diversité. D'une part, le
comportement atypique des prix s'estompe dans la
seconde sous-période, et le PIB décroît plus
nettement dans la période récente en France et en
Allemagne et plus rapidement en Italie. D'autre part,
le PIB du Royaume-Uni devient insensible au choc
sur le taux d'intérêt court et les taux de change
britannique et italien se déprécient suite à ces chocs.
Cependant, les fortes perturbations qui ont marqué
la seconde sous-période, comme la réunification ou
les sorties du SME, ont largement affecté la
transmission de la politique monétaire dans les
quatre pays. D'un côté, au Royaume-Uni et en Italie,
les taux de change se déprécient suite à une
augmentation du taux d'intérêt, ce qui reflète les
tentatives entreprises pour défendre les parités avant
la sortie du SME. Dans ces deux pays, la
dépréciation du change vient contrecarrer l'effet
récessif attendu de la hausse des taux. D'un autre
côté, en Allemagne, et dans une moindre mesure, en
58
France, l'activité s'accroît après une hausse de taux
long pendant la seconde sous-période. Ce
phénomène est probablement dû à la montée
parallèle des taux et de l'activité au moment de la
réunification. Les différences de transmission de la
politique monétaire sont donc largement influencées
par la nature des chocs subis par les économies.
Conclusion
Les résultats empiriques de cette étude doivent être
interprétés avec prudence car le modèle utilisé, s'il
présente l'avantage de s'affranchir d'à priori
théoriques, n'est pas exempt de faiblesses,
notamment en ce qui concerne les variables absentes
comme les liaisons internationales. À cette réserve
près, l'analyse des décompositions de variance porte
à croire que les canaux de transmission sont
d'ampleur différente dans les pays étudiés et
l'analyse des fonctions de réponse montre que le
taux de change, la masse monétaire, le crédit
bancaire et le taux d'intérêt à long terme sont
affectés différemment à la suite d'un choc sur le taux
d'intérêt. Ces différences sont cohérentes avec la
diversité des structures financières mise en évidence
dans la première partie. En particulier, les pratiques
d'indexation des taux du crédit ou le niveau et la
composition de la richesse financière des agents non
financiers dans les quatre pays demeurent différents.
La décomposition par sous-période de notre
échantillon montre que la libéralisation financière
qui a eu lieu dans les années quatre-vingts en France
et en Italie a pu contribuer à accroître l'impact du
taux d'intérêt court sur le crédit et sur la demande
finale. La déréglementation aurait donc permis dans
ces deux pays de transformer les mécanismes de
transmission de la politique monétaire vers une
action plus directe des taux d'intérêt, l'action sur les
quantités, notamment par l'encadrement du crédit,
ayant été abandonnée. Le renforcement de l'impact
du taux court sur la demande finale s'observe
également en Allemagne. L'indexation plus forte sur
la période récente des actifs et passifs des agents non
financiers sur le taux à court terme a pu contribuer
à renforcer cet effet. Le changement de période
montre une évolution dans la transmission au
Royaume-Uni. Dans ce pays, la hausse du taux
d'intérêt à court terme n'est plus renforcée par
l'appréciation du taux de change, elle s'accompagne
au contraire d'une dépréciation du change, dont
l'effet expansif, particulièrement marqué au
Royaume-Uni, l'emporte sur l'effet récessif de la
hausse des taux.
Les simulations par sous-périodes montrent qu'il
n'y a pas de convergence dans les effets du taux
d'intérêt dans les quatre pays étudiés. Il reste à savoir
si ces asymétries persistantes sont de nature à porter
obstacle à l'efficacité d'une politique monétaire
commune. Il est certain que la fixité du taux de
change, l'unification du marché monétaire et
l'harmonisation des règles de concurrence entre les
systèmes financiers nationaux devrait opérer un
changement important dans la transmission
monétaire des pays concernés. De plus, le décalage
de conjoncture souvent subi en cas d'initiative
monétaire isolée disparaîtra. Les effets de la
politique monétaire seront donc modifiés. Des
études complémentaires sont nécessaires pour
simuler les effets d'une politique monétaire
commune dans ce nouvel environnement.
Notes
(1) Voir par exemple dans ce numéro l' article de Erkel-Rousse
et Mélitz.
(2) Les codes des séries sont, 60b pour le taux du marché
monétaire, 61 pour le taux des obligations publiques, 64 pour
les prix à la consommation, 32d pour le crédit, la somme des
séries 34 et 35 pour M2 en Italie, au Royaume-Uni et en
Allemagne (ou 38nbc en France pour M2 et pour M3 en
Allemagne), 99br pour le PIB réel. Pour les taux de change, on
utilise l'inverse de la série rf en Allemagne et la division des
séries rf française, italienne et britannique par la série rf
allemande pour définir un taux de change par rapport au mark
dans ces trois pays. En Allemagne le PIB est celui de l' ancienne
RFA et les agrégats de monnaie et de crédit sont obtenus par
application des taux de croissance pour l'Allemagne réunifiée
sur le niveau des agrégats de la RFA à partir du second trimestre
de 1990.
(3) Des travaux antérieurs nous avaient déjà montré que la
série publiée par la Banque de France est beaucoup plus
corrélée à l'activité que celle du FMI (Barran, Coudert et
Mojon, 1997).
(4) C'est-à-dire que les tests que nous avons entrepris rejettent
l'hypothèse de stationnarité des différences premières de ces
séries
(5) En Allemagne, les tests sont posés sur un Var à 5 variables,
sans les deux taux d'intérêt qui sont stationnaires ; les prix sont
introduits en différence première. En Italie, les tests sont posés
sur un Var à 5 variables, sans le taux de change et sans le crédit
qui sont stationnaires. Au Royaume-Uni, on retient" les~
différences premières du crédit et de l'agrégat M2.
(6) Le taux de change a un statut particulier, puisqu'il figure
à la fois un canal de transmission mais aussi un objectif de la
politique monétaire dans les pays européens.
(7) Du fait du grand nombre de variables contenu dans les
modèles, il est préférable de réduire le nombre de retards pour
réaliser cet exercice. Les estimations sur les sous-périodes
comportent deux retards, ce qui permet de gagner 14 degrés de
liberté. Pour le choix de la date de rupture de période, nous
avons été contraints par le nombre de degrés de liberté
minimum à préserver pour l'estimation. Afin de garder un
minimum de 30 degrés de liberté, les estimations doivent
comporter au minimum 48 points, soit 12 ans. Avec deux
retards, l'échantillon total comporte 63 trimestres en France,
73 en Italie et 74 dans les 2 autres pays. Les deux sous-périodes
d'estimation ont donc de 22 à 33 trimestres communs. On a
également estimé des modèles à quatre variables (PIB, prix,
taux de change et taux d'intérêt) et quatre retards sur chaque
sous-période. Les principaux résultats quant à l'évolution de
la transmission de chocs de taux court à l'activité, aux prix et
au taux de change sont confirmés par. ces modèles. Les
simulations obtenues par ces modèles à quatre variables ne sont
pas reportées ici mais sont disponibles auprès des auteurs.
59
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