Économie & prévision Asymétries financières et transmission de la politique monétaire en Europe Virginie Coudert, Benoît Mojon Citer ce document / Cite this document : Coudert Virginie, Mojon Benoît. Asymétries financières et transmission de la politique monétaire en Europe. In: Économie & prévision, n°128, 1997-2. L'intégration européenne : nouveaux enjeux. pp. 41-60; doi : https://doi.org/10.3406/ecop.1997.5848 https://www.persee.fr/doc/ecop_0249-4744_1997_num_128_2_5848 Fichier pdf généré le 12/05/2018 Résumé Asymétries financières et transmission de la politique monétaire en Europe par Virginie Coudert et Benoît Mojon Dans la perspective d'une politique monétaire unique en Europe, il est essentiel de savoir si une même politique monétaire a un impact similaire sur les économies nationales. Malgré l'utilisation générale du taux d'intérêt comme instrument par les banques centrales, les canaux de transmission de la politique monétaire à la sphère réelle sont multiples. En plus du canal de type ISLM qui transite par la monnaie ou le taux d'intérêt et le canal du taux de change dont l'impact sur les prix et le commerce extérieur sont bien connus, un canal de transmission par le crédit a été récemment mis en avant par une littérature abondante. La dépendance au crédit bancaire de certaines catégories d'agents, les ménages et les PME, introduit un canal de transmission si les banques modifient leur offre de crédit selon la tension de la politique monétaire. L'importance relative de ces différents canaux, dont les effets peuvent être contradictoires, conditionne l'efficacité de la politique monétaire. Or, tout porte à croire que ces canaux de transmission peuvent différer d'un pays à l'autre, voire d'une période à l'autre pour un même pays, parce que l'organisation institutionnelle des systèmes financiers est différente et qu'elle évolue dans le temps. Abstract Financial Asymmetries and Monetary Policy Transmission by Virginie Coudert and Benoît Mojon In view of an impending single monetary policy in Europe, it is essential to know whether one and the same monetary policy has a similar effect on national economies. Despite the prevalent use of the interest rate as an instrument by the central banks, there are numerous channels via which monetary policy is transmitted to the real sphere. In addition to the IS-LM channel concerning the money supply and interest rates, and the exchange rate channel with its well-known effect on prices and foreign trade, a credit transmission channel has recently been highlighted by numerous studies. Dependency on bank loans by certain categories of players, households and SMEs, introduces a transmission channel when banks adjust their credit supply in line with the tightness of the monetary policy. The relative weight of these different channels, with their potentially contradictory effects, conditions the efficiency of the monetary policy. Yet there are good grounds for believing that these transmission channels can differ from one country to another and even from one period to another in a single country. This is because the institutional organisation of the financial system differs and changes over time. L'adhésion à une union monétaire se traduit par la Çerte d'un instrument de politique économique. Évaluer le coût de l'union monétaire suppose donc d'estimer si la perte de l'instrument a des conséquences négatives ou non. Deux questions importantes se posent alors. Premièrement, il s'agit de savoir si l'instrument monétaire peut sans difficulté être utilisé pour atteindre des objectifs communs à l'ensemble des pays de l'union. Les pays sont d'autant moins pénalisés que leur conjoncture est en phase, ou, pour être plus précis que les chocs subis par les économies nationales sont symétriques. De nombreuses études ont été consacrées à cette question à la suite des travaux de Bayoumi et Eichengreen (1993)(1). Deuxièmement, en admettant la possibilité de définir un objectif commun à la politique monétaire de l'union, il reste la question de savoir si cet objectif peut être atteint, de manière uniforme pour tous les pays. La mise en oeuvre d'une politique monétaire unique pose le problème de l'homogénéité de son impact dans les différents pays d'une union monétaire. Les différences de transmission de la politique monétaire entre les pays membres de l'Union monétaire européenne pourraient en effet conduire à des distorsions préjudiciables. C'est à cette question qu'est consacré cet article. Asymétries financières et transmission de la politique monétaire en Europe Virginie Coudert(*) Benoît Mojon^ Dans la réalité, la transmission de la politique monétaire ne fonctionne pas selon des mécanismes invariants, tels qu'ils sont représentés par exemple dans un modèle ISLM. Cette transmission dépend des caractéristiques des économies et en particulier de leur structures financières. Ainsi, une politique monétaire restrictive n'aura pas les mêmes effets sur la consommation dans un pays où les ménages sont très endettés et dans un pays où leur endettement est limité. (*) Centre d'Études Prospectives et d'Informations Internationales. Nous remercions les deux lecteurs anonymes de la revue pour leurs remarques et suggestions. Économie et Prévision n°128 1997-2 La théorie économique distingue plusieurs canaux de transmission de la politique monétaire. Au canal ISLM traditionnel, qui passe par la quantité de monnaie disponible et son impact sur le taux d'intérêt réel, il faut ajouter le canal du taux de change et le canal du crédit. Le canal du taux de change renforce le canal traditionnel dès lors qu'une augmentation des taux d'intérêt entraîne une appréciation de la monnaie nationale. Ce canal ne devrait plus jouer en union monétaire. En revanche le canal du crédit devrait perdurer et se trouve fortement conditionné par les structures financières. Son influence sur la sphère réelle résulte de la dépendance de certains agents non financiers à l'égard du crédit bancaire. Comme le crédit bancaire représente la seule source de finance externe, pour les ménages ou les PME, une politique monétaire restrictive réduit la demande finale si elle conduit à une baisse de l'offre de crédit bancaire. Parallèlement, une hausse des taux d'intérêt peut réduire la valeur des actifs patrimoniaux, ce qui contribue également à réduire le crédit bancaire en affectant leur valeur du collatéral des emprunteurs. 41 Dans cette perspective, il est important de comparer les structures financières qui influencent la transmission de la politique monétaire dans les pays de l'Union européenne. Deux séries d'études menées à la BRI (1993,1995) ont déjà examiné ces questions pour les pays membres de la BRI et rassemblé un grand nombre d'éléments permettant de comparer leurs structures financières. Mais la problématique n'était pas abordée sous l'angle d'une comparaison européenne. Cet article décrit d'abord les raisons pour lesquelles la transmission de la politique monétaire pourrait s'effectuer différemment dans quatre grands pays européens l'Allemagne, la France, le Royaume-Uni et l'Italie. Une contribution empirique est ensuite apportée au débat en calculant les réponses de l'économie à un choc de taux d'intérêt dans ces quatre pays européens au moyen d'un modèle Var, incluant instrument, objectifs de la politique monétaire et variables de transmission. Une dernière partie est consacrée à analyser l'effet d'une décomposition de période sur les résultats. Ceci permet d' évaluer la convergence éventuelle des pays européens quant à leur réponse à la politique monétaire. Les sources de différence dans la transmission monétaire La transmission de la politique monétaire passe par plusieurs canaux, dont les circuits peuvent être différents d'un pays à l'autre. L'intensité de la transmission est d'abord liée à la vitesse et à l'ampleur avec lesquelles le taux directeur de la banque centrale se répercute sur les taux qui sont appliqués aux agents non financiers. Une source de divergence réside donc dans la façon dont réagissent les différents taux d'intérêt à une impulsion de la politique monétaire. D'autres sources de divergence peuvent intervenir dans les répercussions des différents taux d'intérêt eux-mêmes, sur le revenu et la richesse. Les hétérogénéités liées au marché du crédit L'intégration plus grande des marchés financiers, leur décloisonnement, la création de nouveaux produits de finance directe ont partout renforcé la liaison entre les taux d'intérêt. La libéralisation financière a certainement contribué à accroître cette transmission en créant davantage de produits de finance directs, à taux liés au taux du marché monétaire (billets de trésorerie, certificats de dépôts, etc.) et en limitant les produits à taux rigides et réglementés. Le changement a surtout eu lieu dans les années quatre-vingts en France et en Italie, car en Angleterre, le système financier était déjà libéralisé et en Allemagne la déréglementation des 42 taux d'intérêt bancaires était acquise de longue date. Dans les quatre pays actuellement, l'action de la banque centrale sur le taux du marché monétaire se trouve plus directement répercutée aux conditions appliquées aux agents non financiers. Cependant l'ensemble des taux d'intérêt ne varie jamais parallèlement. Il persiste des écarts, d'ailleurs irréductibles, entre les taux d'intérêt sur les différents marchés dus notamment à l'imparfaite substituabilité des actifs sous-jacents. Il est donc important d'observer comment les intermédiaires financiers modifient leurs taux d'intérêt à la suite d'un changement de politique monétaire, et aussi sur quels taux d'intérêt sont assis les actifs et passif des agents. Sur ces points, et d'une manière plus générale sur les différences entre les marchés du crédit dans les pays européens, on pourra se reporter à Barran, Coudert et Mojon (1996). Trois aspects sont examinés dans cette étude, qu'il convient de rappeler brièvement : l'indexation des crédits, la répercussion du taux du marché monétaire sur les autres taux d'intérêt et les contraintes d'accès au crédit. Premièrement, concernant l'indexation des crédits, les différences les plus frappantes tiennent certainement au marché hypothécaire. Ces crédits sont accordés majoritairement à taux fixe en France, et à taux variables en Italie, en Allemagne et surtout au Royaume-Uni. Les hausses de taux d'intérêt ont donc peu d'incidence sur les ménages déjà endettés en France et au contraire, diminuent le revenu des ménages endettés au Royaume-Uni. Sur le crédit total, les différences paraissent fortes d'un pays à l'autre. Les trois quarts sont accordés à court terme ou à taux ajustables au Royaume-Uni et en Italie, contre 43 % en France et 39 % en Allemagne. Ces différences semblent persister, puisqu'en comparant deux dates, 1983 et 1993, Borio (1995) ne constate pas de tendance à la convergence en matière de pratique d'indexation des taux du crédit d'un pays à l'autre. L'importance des crédits en devises joue également un rôle et contribue sans doute à atténuer l'effet interne de la politique monétaire. De même les crédits bonifiés sont une pratique fréquente, qui peut réduire l'impact de la transmission de la politique monétaire à certains secteurs économiques. Deuxièmement, le taux du crédit bancaire s'ajuste à des vitesses variables au taux du marché monétaire dans les pays européens, même s'il est vrai qu'à long terme, le coefficient est proche de 1. C'est ce que montrent deux études de Cotarelli et Kourelis (1994) et de Borio et Fritz (1995), dont les résultats sont reportés dans le tableau 1. C'est au Royaume-Uni que la répercussion sur le taux du crédit est la plus rapide. L'effet est répercuté à plein au bout de trois mois, ce qui est l'effet le plus fort à cet horizon parmi les pays de l'OCDE. En Allemagne et en Italie, l'impact est nettement plus faible à court terme. C'est en France que la réaction est la plus longue. Tableau 1 : ajustement du taux d'intérêt du crédit sur le taux du marché monétaire À trois mois À six mois Instantané À long terme Sources : (D (2) (1) (2) (D (2) (D (2) Allemagne 0,11 0,61 1,04 0,38 0,67 0,45 0,83 1,05 Italie 0,11 0,26 0,61 0,84 1,22 1,22 0,40 0,69 Royaume-Uni 0,82 1,00 1,02 1,01 1,04 1,01 1,04 1,01 France n.d. 0,43 0,51 0,74 n.d. 0,45 n.d. n.d. Sources : (1) Cotarelli et Kourelis (1994), p. 16, modèle 1 , en niveau ; n.d. : non disponible. (2) Borio et Fritz (1995) p. 125 1984-1994. Tableau 2 : conditions d'accès au crédit et endettement des ménages Allemagne France Italie Royaume-Uni Apport personnel minimum en % de la valeur du logement (1980-1987) 20 20 44 13 31,4 Dette des ménages en % de leur revenu disponible (1993) 77,9 51,0 102,0 Sources : Japelli et Pagano (1994), p. 92 et Kneeshaw (1995), p. 12. Troisièmement, les contraintes d'accès au crédit de certains agents, ménages ou petites et moyennes entreprises, peuvent donner lieu à des changements importants dans la transmission d'une politique monétaire par les taux d'intérêt. En effet, si les agents sont contraints dans leur demande de crédit, une hausse du taux d'intérêt, à supposer qu'elle soit répercutée sur le coût du crédit, pourra susciter une baisse de la demande de crédit bancaire, mais en situation d'excès de demande, cela ne se traduira pas nécessairement par une baisse des crédits distribués. De nombreuses études, liées au canal du crédit (Bernanke et Blinder, 1992 ; Barran, Coudert et Mojon, 1995a) montrent en effet qu'une hausse du taux d'intérêt n'est généralement pas suivie immédiatement d'une baisse du crédit bancaire. Naturellement, plus le crédit est contraint, moins la politique monétaire par le taux d'intérêt est efficace, puisque les effets de substitution intertemporelle sont limités. Des éléments empiriques montrent que l'accès au crédit est différencié pour les ménages européens en matière de logement. Jappelli et Pagano (1994) ont procédé à une comparaison internationale sur un échantillon de 30 pays en utilisant un indicateur intéressant : il s'agit de l'apport personnel initial requis pour un emprunt en vue de l'acquisition d'un logement. Pour les quatre pays européens qui nous intéressent ici, le montant minimum de cet apport personnel par rapport à la valeur du logement acheté était fixé à 44 % en Italie, 20 % en France et en Allemagne, contre 13 % seulement au Royaume-Uni sur la période 1980-1987 (tableau 2). L'accès au crédit est donc très différent entre ces pays. Cet indicateur est corrélé négativement avec le crédit aux ménages rapporté à leur revenu. Plus l'indicateur d'apport initial est élevé, plus l'accès des ménages au crédit est contraint, et plus faible est le ratio d'endettement des ménages. La confrontation avec les statistiques plus récentes d'endettement des ménages de Kneeshaw (1995) montre que ces asymétries persistent encore. Les ménages sont, proportionnellement à leur revenu disponible, faiblement endettés en Italie, davantage en France et en Allemagne et beaucoup plus fortement au Royaume-Uni (tableau 2). Effets revenus et effets richesse Toute variation des taux d'intérêt produit mécaniquement une modification du revenu des agents proportionnelle aux différents stocks d'actifs mais aussi de dettes qu'ils détiennent. Les effets directs se répercutent dans les flux d'intérêts reçus ou versés. Mais là aussi les divergences de pays àpays sont importantes pour plusieurs raisons. D'abord, les différents agents sont plus ou moins créditeurs ou débiteurs. Cette hétérogénéité se constate aisément au vu du tableau 2 en ce qui concerne les dettes des ménages et du tableau 3 pour ce qui est de leur richesse financière, mais ceci est aussi valable pour la dette des entreprises et des États. Ensuite, les actifs sont détenus en proportion variable sous forme de dépôts bancaires, d'obligations ou d'actions. Les dettes sont contractées à plus ou moins long terme, sous forme de crédit bancaire ou d'obligations ; d'où des effets revenus variables d'un pays à l'autre. Les flux d'intérêt versés et reçus par les ménages dépendent de la répartition de leurs actifs et dettes ainsi que des taux d'intérêt pratiqués dans les pays. Le tableau 4 montre que leur ampleur est assez différente dans les quatre pays étudiés ici. Naturellement dans les pays à forte inflation et à taux d'intérêts nominaux élevés, on peut s'attendre à ce que les flux d'intérêts bruts soient importants. Les ménages italiens sont ceux qui perçoivent le plus d'intérêts bruts en % de leur revenu (16 % en 1992), et leur endettement étant limité, ce sont eux qui, de loin, perçoivent le plus d'intérêts nets, (11,3 % de leur revenu disponible en 1992). Pour les ménages britanniques, les flux d'intérêts représentent une part importante du revenu, tant pour les intérêts reçus (15,8 %) que pour les versés . 43 Au Royaume-Uni, du fait de l'indexation sur les taux courts, les flux d'intérêt versés et perçus par les ménages suivent un cycle très marqué. Ces mouvements ne sont sans doute pas neutres sur la demande finale, car ils affectent des ménages hétérogènes dont les propensions à dépenser sont différentes. En revanche en Allemagne et en France, les flux d'intérêt versés et perçus par les ménages sont relativement stables. En ce qui concerne les entreprises, la baisse des flux d'intérêt versés entre 1982 et 1992 reflète la baisse des taux d'intérêt nominaux au cours de cette période ainsi que le désendettement entrepris en France et en Italie et dans une moindre mesure en Allemagne au cours des années 1980. La comparaison est plus difficile que pour les ménages car le poids des intérêts varie aussi en fonction du dénominateur, l'excédent brut d'exploitation, qui est soumis à de fortes variations conjoncturelles. Les effets richesse, qui résultent de la modification du patrimoine des ménages à la suite des variations des taux d'intérêt dépendent aussi de la structure des actifs des agents. Par exemple, une hausse des taux d'intérêt se traduit par une baisse de la valeur du patrimoine détenu en obligations mais aussi généralement en actions. Si les ménages détiennent des montants importants de leur patrimoine sous cette forme, comme au Royaume-Uni, ils seront conduits à épargner davantage pour le reconstituer ; d'où une baisse de la consommation, allant à rencontre de l'effet revenu précédent. En outre, l'expérience du dernier cycle a montré que l'effet richesse pouvait aussi jouer de manière importante sur le crédit. De nombreux crédits étant accordés avec des collatéraux dépendant du prix des actifs, les variations de prix d'actifs peuvent se trouver au coeur d'une dynamique de cycle économique (Aglietta, Coudert et Mojon, 1995). Ces effets richesse sont particulièrement difficiles à quantifier. On a vu plus haut que le niveau d'endettement des ménages n'est pas homogène et qu'il ne semble pas converger entre les quatre pays. Le tableau 3 montre l'importance croissante de la richesse financière des ménages ainsi que les différences de sa composition dans les quatre pays. Les effets richesse dépendent de la sensibilité des prix d'actifs aux variations de taux d'intérêt. Or, dans les dix dernières années, de fortes non linéarités ont été constatées dans la réponse des prix immobiliers, des prix des actions ou des cours des obligations aux variations de taux. On ne peut exclure la possibilité d'un retournement des prix d'actifs à la suite d'un revirement de politique monétaire. Pour les entreprises, effet richesse, effet revenu et effet de substitution jouent dans le même sens, pour Tableau 3 : richesse flnanciere des ménages, en % du revenu disponible Actif financier total 1993 1983 Décomposition en 1993 - dépôts et titres de dette - actions - fonds commun de placement - assurances et droits à pensions Source : Kneeshaw (1995). Allemagne 217,5 172,3 France 237,5 133,5 Italie 262,8 219,2 Royaume-Uni 356,5 240,2 144 11,7 nd 62,2 109 74 17,4 36,5 165,7 56,3 9,4 23,8 101,1 45,6 7,4 192,0 Tableau 4 : flux d'intérêt reçus et versés par les ménages et les entreprises non financières Flux d'intérêt versés 1992 1982 Flux d'intérêt reçus 1992 1982 Allemagne France Ménages en % du revenu disponible 5,5 5,6 5,4 4,1 9,6 5,8 7,7 6,3 1entreprises en % de l'excédent brut d'exploitation 42 63 52 103 29 51 44 86 Flux d'intérêts bruts versés 1992 1982 Flux d'intérêt nets reçus 1992 1982 Source : Kneeshaw (1995). (1) Au Royaume-Uni, les flux d'intérêts comprennent aussi les dividendes. 44 Italie Royaume- Uni ^ 4,7 3,9 16,0 13,0 10,6 7,7 15,8 13,3 73 121 58 94 43 n.d. 42 n.d. limiter l'investissement en cas de resserrement monétaire. En effet, dans ce cas, par l'effet substitution, l'investissement devient plus coûteux par rapport à l'épargne ; l'effet revenu va dans le même sens puisqu'il augmente la charge de la dette, limitant donc de fait les fonds disponibles pour l'investissement. De plus, comme en cas de hausse des taux, les cours des actions ont tendance à baisser, la richesse des entreprises diminue. La baisse du q de Tobin (rapport entre la valeur boursière de l'entreprise et le coût de remplacement de ses actifs réels) décourage l'investissement, puisqu' émettre de nouvelles actions coûte plus cher. Ceci est surtout sensible dans les pays anglo-saxons où le financement par actions est important. Le crédit bancaire peut aussi se trouver réduit, car la valeur boursière de l'entreprise sert souvent de garantie pour l'octroi de crédit. À ces canaux de transmission interne de la politique monétaire, il faut naturellement ajouter le taux de change, puisque toute variation de taux d'intérêt se répercute sur le marché des changes. La variation du taux de change produit ensuite des conséquences sur les prix et sur l'économie réelle. Cette courroie de transmission contribue à augmenter l'efficacité de la politique monétaire. En effet, un choc restrictif sur le taux d'intérêt s'accompagne généralement d'une appréciation du change, qui contribue à la modération de l'inflation et à la baisse de l'activité. Au total, les canaux de transmission de la politique monétaire sont nombreux et certains effets peuvent être contradictoires. Il est donc intéressant de poser empiriquement la question de leur importance relative et d'évaluer les conséquences de la politique monétaire dans les différents pays européens. Le modèle utilisé pour représenter l'effet de la politique monétaire Pour représenter de manière exhaustive les mécanismes de transmission de la politique monétaire et mettre en évidence d'éventuelles spécificités nationales de ces mécanismes, nous utilisons un modèle Var. Celui-ci contient non seulement la variable instrument de la politique monétaire, c'est-à-dire le taux d' intérêt à court terme et les variables objectifs, prix et PIB, mais également les variables-clés de la transmission : agrégats monétaires, crédit, taux de change et taux d'intérêt à long terme. La réponse de l'économie à un choc de taux d'intérêt à court terme est ensuite comparée dans quatre pays européens : l'Allemagne, la France, l'Italie et le Royaume-Uni. Le modèle comporte les sept variables endogènes suivantes : le taux d'intérêt du marché monétaire, le taux de change, l'agrégat monétaire M2, le crédit au secteur privé et le taux d'intérêt sur les obligations publiques, en tant que variables de transmission de la politique monétaire. Enfin, l'indice des prix à la consommation et le PIB représentent les variables objectifs de la politique monétaire. Gerlach et Smets (1995) ont comparé la transmission de la politique monétaire dans les pays du G7, en utilisant un Var à trois variables : taux d'intérêt à court terme, prix et PIB. La spécification plus large retenue ici permet de saisir l'impact de la politique monétaire non seulement sur les objectifs finaux, mais aussi sur les différents canaux de transmission possibles. Le taux de change est une variable importante à prendre en compte dans ces économies ouvertes. Il est défini par rapport au dollar en Allemagne et par rapport au mark dans les trois autres pays. La présence du taux d'intérêt à long terme permet de prendre en compte la diffusion de la politique monétaire aux autres taux d'intérêt. Le taux long choisi, celui des obligations publiques, est plus facilement comparable d'un pays à l'autre que les taux du crédit. Ce canal de transmission est moins souvent étudié à partir de simulations Var que les trois autres. Cependant, la transmission des impulsions du taux court vers les autres taux est à l'évidence un canal de transmission essentiel de la politique monétaire. Ordre d'intégration et cointégration L'étude des propriétés statistiques des séries est un préalable nécessaire. Les séries utilisées sont tirées des Statistiques Financières Internationales du FMI(2)~sauf la~ masse monétaire française dont les données nationales ont été jugées préférables(3) et le taux d'intérêt du marché monétaire britannique, qui est le taux interbancaire maximum de l'argent au jour le jour tiré des statistiques de taux d'intérêt de l'OCDE. Toutes les séries sont mises en logarithmes sauf les taux d'intérêt. Les estimations sont faites sur séries trimestrielles, pour la période allant de 1976-1 à 1993-2, sauf en France où la période d'estimation commence en 1978-4 (et se termine aussi en 1993-4). Toutes les estimations comprennent une constante et trois variables muettes saisonnières. L'ordre d'intégration des séries est étudié ici selon la méthodologie proposée par Dolado, Jenkinson et Sosvilla-Rivero (1990). Le nombre de retards pour les tests Dickey et Fuller augmentés est fixé selon Campbell et Perron (1991). On utilise ici 8 retards au maximum. On pourra se reporter à Barran, Coudert, Mojon (1997), où cette méthode est explicitée en détail. Les valeurs des tests sont présentées dans le tableau 5. La plupart des séries sont intégrées d'ordre 1. En Italie, le taux de change lire-mark et le crédit sont stationnaires en niveau avec un trend. En Allemagne, les taux d'intérêt sont stationnaires, de même que le taux du marché monétaire britannique. L'indice des prix à la consommation allemand est intégré d'ordre 2(4), de même que l'agrégat M2 et le crédit au Royaume-Uni. 45 Tableau 5 : tests de racines unitaires Statistiques Ordre d'intégration (1) (2) (3) -2,85(** -2,65 -0,60 Taux court 0 -1,82 -1,62 -1,14 Taux de change 1 -5,40(*** -5,44(*** -5,78(*** A taux de change -2,72(** Taux des obligations -2,72 0,42 0 M2 -2,47 -0,83 3,18 1 -3,19e*** A M2 -3,12 -0,75 -2,45 Crédit -1,97 1,34 1 Allemagne -3,07(*** -3,13 0,03 A crédit Prixàlaconsommation -2,04 -0,63 1,36 2 A prix à la consommation -1,95 -2,02 -1,12 -11,04e*** -9,60(*** A2 prix à la consommation -w&n PIB -2,49 -1,00 0,99 1 -2,17(*** -2,47 -2,43 A PIB Taux court -2,37 -2,32 -0,58 1 -6,80e"* -6,77(**» -7,00(*** A taux court Tauxdechange -1,84 -2,28 1,29 1 -4,58(*** -3,77(**> -2,94(*** A taux de change Tauxdesobligations -1,60 -1,14 0,53 1 -5,30(*** A taux des obligations -5,10 -5,29 M2 -2,05 -2,45 0,04 1 France • -8,54<*** -8,45(*** - 8,29(*** M2 -3,06(*** Crédit -1,20 3,20 1 -6,30(*** -5,39<*** 6,98e*** A crédit Prixàlaconsommation -0,86 -2,54 0,16 1 -3,40(*} A prix à la consommation -1,21 -1,20 PIB -2,30 -1,67 2,55 1 -3,92e*** -3,71<*** A PIB -2,72 Taux court -2,57 -2,22 -0,56 1 -6,31(*** -6,31 A taux court -6,52 - 3,72(**> Tauxdechange -2,50 3,46 0 Tauxdesobligations -2,00 -1,42 -0,59 1 -4,87(**> -4,86(*** -4,98(*** A taux des obligations M2 -1,73 -2,67 1,42 1 Italie AM2 -3,04 -2,13 3,76(*** -3,92(*** -1,14 Crédit 0 Prixàlaconsommation -1,32 -3,29 0,04 1 -3,24e** A prix à la consommation -1,36 -1,39 PIB -2,51 -2,56 2,06 -5,43(*** -5,35(*** -2,16e*** A PIB 1 - 2,85e** Taux court -2,81 -0,80 1 -4,5(*** -2,7(*** A taux court -2,9 Tauxdechange -2,83 -1,46 -1,49 1 -4,25(*** -4,27(*** -3,48<*** A taux de change Tauxdesobligations -1,01 -1,44 -2,61 1 -7,60(*** -7,63(*** -7,77(**> A taux des obligations M2 -1,69 -0,56 1,75 1 AM2 -2,39 -2,10 -0,73 Royaume- Uni -9,84(*** -9,82(*** - 12,01(*** A2M2 2 Crédit -U7 -1,33 0,73 A crédit -1,06 -0,66 -1,56 -6,40(*** -6,82(*** A 2 crédit -7,17 Pr ixà la con sommation 1 -1,33 -2,18 1,21 -3,25(*** -1.86<*> A prix à la consommation -3,00 PIB 1,75 1 -2,14 -0,96 -2,98(*** -2,29(*** A PIB -2,99 Pour chaque pays, les lignes sont successivement la série et sa différence première. Les colonnes indiquent la statistique de Dickey- Fuller,! t , correspondant aux trois modèles testés : (1) modèle avec trend et avec constante (P * 0 and |i * 0), (2) modèle sans trend et avec constante (P=0 and (J. * 0), (3) modèle sans trend et sans constante (p=0 and (j. =0). Pour chaque modèle, le nombre de retards a été sélectionné par la procédure indiquée par Campbell et Perron (1990). (*) significatif au seuil de 10 %, (**) significatif au seuil de 5 %. (La significativité correspond au fait que la série n'a pas de racine unitaire). Les chiffres en gras signalent le modèle sur lequel la décision de rejeter ou d'accepter l'hypothèse de stationarité est prise. 46 Tableau 6 : tests de Johansen pour 4 et 6 retards Test de la valeur propre maximale Test de la trace n 4 retards 6 retards 4 retards 6 retards 36,42e**> 54,76e**) 92,84e**) 130,88e**) 0 35,92e**) 56,43e**) 76,12e**) 25,83e*} 1 Allemagne 21,24e**) 30,60e**) 40,20e**) 2 18,55 16,67e**) 18,96e**) 3 11,38 12,05 4 0,66 2,29 0,66 2,29 87,28e**> 284,29e**) 306,34e**) 649,31e**) 0 70,63e**) 172,62e**) 219,06e**) 365,02e**) 1 87,38e**) 51,64e**) 148,43e**) 192,40e**) 2 France 39,15e*) 50,42e**) 96,79e**) 105,02e**) 3 31,45e**) 36,01e**) 57,65e**) 54,60e**) 4 22,19e**) 16,93e**) 26,20e**) 18,59e**) 5 4,01e**) 4,01e**) 6 1,66 1,66 63,16e**) 42,78e**) 168,12e**) 122,62e**) 0 50,39e**) 38,40e**) 104,96e**) 79,83e**) 1 Italie 31,27e**) 21,02e**) 54,57e**) 41,44e**) 2 18,69e**) 12,17e*) 23,30e**) 20,42e**) 3 4,60e**) 8,25e**) 4,60e**) 8,25e**) 4 63,74e**) 101,55e**) 220,74e**) 308,97e**) 0 47,17e**) 63,38e**) 157,00e**) 207,42e**) 1 40,78e**) 45,94e**) 109,83e**) 144,04e**) 2 Royaume-Uni 31,10e**) 42,05e**) 69,05e**) 98,10e**) 3 26,13e**) 26,84e**) 37,95e**) 56,05e**) 4 19,22e**) 11,82e*) 29,21e**) 5 11,42 io,oo(!*) 0,40e!*) io,ooe**) 60,40 _ Dans les tests de la trace, (*) (respectivement (**)) signifie que l'on peut rejeter au seuil de 10% (respectivement 5%) l'hypothèse nulle de l'existence de relations de cointégration en nombre inférieur ou égal à n. Dans les tests de la valeur propre maximale, (*) signifie que l'on peut rejeter au seuil de 5% l'hypothèse de n relations de cointégration contre celle de n+1 relations. Les tests de Johansen, dont les résultats sont reportés dans le tableau 6, indiquent que les relations de cointégration sont nombreuses entre nos sept variables, de l'ordre de 5 ou 6 en France, 5 en Italie, 2 à 4 en Allemagne et 3 à 7 au Royaume-Uni. Ces résultats varient beaucoup en fonction du nombre de retards retenus dans le Var. Par la suite, nous avons limité à 4 les retards pour préserver le nombre de degrés de liberté des estimations, bien que les critères de Schwartz et de Akaïke s'améliorent quand on augmente les retards. Du fait du nombre de variables en jeu, les vecteurs de cointégration obtenus sont complexes et difficilement interprétables. Nous avons testé les relations bilatérales entre nos variables au moyen de tests d'Engle et Granger. On obtient alors notamment la relation de cointégration entre le taux long et le taux court. Mais par cette méthode, on n'obtient qu'une petite partie des relations existantes prévues par le test de Johansen. Au total, pour ne pas perdre les relations de long terme existant entre nos variables mais sans pouvoir effectivement les préciser dans un VECM, nous choisissons d'effectuer le Var sur les variables en niveau (Hamilton, 1994), ce qui s'apparente à un VECM non contraint. Tests d'exogénéité Les simulations de chocs de politique monétaire à partir de ces Var présentent le double intérêt d'observer les comportements des variables objectif de politique monétaire, prix et PIB, et ceux des variables de transmission de la politique monétaire, change, taux d'intérêt à long terme, monnaie et crédit, mais aussi l'inconvénient de multiplier les coefficients à estimer. Nous avons donc testé l'opportunité d'ajouter les trois variables de transmission, taux d'intérêt à long terme, monnaie et crédit dans le modèle. Pour cela, on teste l'exogénéité du bloc instrument-objectif (taux court, taux de change, prix et PIB) par rapport à ces trois variables de transmission. On peut rejeter 47 l'hypothèse d'exogénéité dans trois pays sur quatre (tableau 7). Pour pouvoir comparer les résultats entre les pays, on conservera le même modèle à sept variables pour les quatre pays. Tableau 7 : test d'exogénéité du bloc instrument-objectif Statistique Allemagne 70,08 France 66,71 Italie 69,08 Royaume-Uni 55,33 Ces statistiques suivent un 2 à 48 degrés de liberté. Niveau de significativité 0,020 0,038 0,024 0,2174 Nous avons également estimé un modèle Var "parcimonieux" où les coefficients peu significativement différents de zéro (ceux dont la statistique de Student est inférieure à 1 en valeur absolue) sont contraints à zéro. Cependant, l'hypothèse de nullité de l'ensemble de ces coefficients est rejetée dans chacun des quatre pays. Par conséquent, les simulations présentées dans la suite de ce papier sont réalisées à partir de modèles Var non contraints. La représentation du choc Deux démarches ont été suivies dans la littérature pour représenter les chocs de politique monétaire. Une première démarche consiste à repérer les dates des "historique" chocs de suivie politique par Romer monétaires et Romer selon(1989). la méthode Pour les États-Unis, ces derniers ont étudié systématiquement les comptes-rendus de session du Comité des Interventions à' Open Market de la Federal Reserve, pour identifier les dates auxquelles la politique monétaire est devenue restrictive. Cette méthode a été étendue par Tsatsaronis (1995) au Royaume-Uni et à l'Allemagne. Une fois les dates repérées, on peut leur affecter une variable muette dans une régression et simuler un choc de politique monétaire dans un modèle économétrique. L'inconvénient de cette méthode pour notre étude est que notre période d'estimation, qui commence en 1975, ne contient, selon Tsatsaronis qu'une date en Allemagne (février 1981) et que deux dates au Royaume-Uni (novembre 1978 et août 1988). Une seconde démarche consiste à utiliser un modèle Var. C'est la démarche suivie dans de nombreux travaux, comme ceux de Bernanke et Blinder (1992), Christiano, Eichenbaum et Evans (1994), Sims (1992), Dale et Haldane (1995). Le taux du marché monétaire joue généralement le rôle de variable instrument de politique monétaire. Les variations de ce taux peuvent résulter tout autant de dynamiques endogènes à l'économie que d'impulsions exogènes 48 déclenchées par les autorités monétaires. L'utilisation d'un modèle Var permet de construire des chocs exogènes de politique monétaire, en distinguant les variations endogènes du taux d'intérêt, telles qu'elle résultent de la fonction de réaction habituelle des autorités, des impulsions exogènes qui lui sont données. La méthode est la suivante. En appelant Y t le vecteur formé par ces n-1 variables représentatives de l'économie, le modèle structurel de l'économie est supposé de la forme : où 8, désigne les chocs structurels du modèle, supposés d'espérance nulle, orthogonaux et tels que On estime ici la forme réduite suivante, par OLSQ : avec £[w,w',] = Q.. Cette forme est équivalente à : (3)Yt=[I-B0]-l[BlYt_l + ... + . + [I-B0]-let En identifiant (2) et (3), on obtient : (4) Ai=[I-B0]-lBi et les résidus de l'équation m, en fonction des chocs structurels : (5) [I-Bo]-1 e, = K, Soit en notant : (6) A0=[I-B0]-l,ut = A0Et on a : O)E[utu't] = n = £[Ao£,e',A'o]=AoA'o En représentation MA, dans le cas où le polynôme [I—A (L) ]-1 est inversible, on a : (8)l>[/-A(L)rX Les fonctions de réponse à une impulsion aux chocs orthogonaux s'écrivent alors : Les matrices du polynôme A(L) sont estimées par la régression. Pour calculer la matrice A 0 , on utilise l'équation (7). Q. étant symétrique, cette équation fournit n (n +l)/2 contraintes pour identifier A 0. Il faut donc imposer n{n-\)ll contraintes supplémentaires pour identifier les n2 éléments de Ao . On pose ici l'hypothèse standard de Sims (1980,1992) de récursivité instantanée du modèle, c'est-à-dire que la matrice Ao des interactions instantanées est triangulaire inférieure. L'intérêt de cette hypothèse est de garantir l'existence et l'unicité de la solution de l'équation (7). La solution s'obtient alors en utilisant une décomposition de Choleski de la matrice Q. Cette hypothèse est justifiée dans les cas où les corrélations entre les ut sont faibles : dans ce cas les coefficients non diagonaux de la matrice A 0 sont proches de zéro et les fixer à zéro n'est donc pas une hypothèse trop contraignante. L'ordre des variables dans le Var n'est pas indifférent pour les simulations, puisque, par hypothèse, les interactions instantanées suivent un système_récursiL_ Ainsi du fait de la forme triangulaire inférieure de la matrice Ao, le choc simulé de la variable i n'a une incidence instantanée que sur les variables y telles que j > i. Ici l'ordre adopté est le suivant : le PIB, les prix, l'agrégat M2, l'agrégat de crédit, le taux des obligations publiques, le taux de change, puis le taux du marché monétaire. En plaçant le taux d'intérêt en dernier, on suppose implicitement que les autorités monétaires fixent le taux d'intérêt en tenant compte de l'évolution simultanée de toutes les autres variables. La fonction de réaction du taux d'intérêt inclut donc toutes les variables contemporaines. Ceci paraît naturel dans le cas d'une périodicité trimestrielle. En revanche, le taux d'intérêt du marché monétaire n'a pas d'effet instantané sur les autres variables. Son action ne s'exerce qu'après un retard d'un trimestre. Cette hypothèse paraît assez forte dans le cas du taux de change, car elle exclut les réactions rapides du taux de change à la politique monétaire. Pour lever cette hypothèse contraignante, nous avons également simulé des chocs selon un ordre alternatif, plaçant les variables objectifs de la politique monétaire, taux de change, prix et PIB après le taux d'intérêt du marché monétaire. Cependant, les principaux résultats sont le plus souvent indifférents à l'ordre retenu. Nous ne présentons ici que les résultats de l'ordre décrit au début de ce paragraphe, où le taux d'intérêt est placé en dernier. La réponse des économies à un choc de politique monétaire Les graphiques suivants représentent les réponses à des chocs non entretenus d'un écart- type sur le taux d'intérêt manipulé par les banques centrales, le taux de change et le taux d'intérêt, à long terme. Les réponses des variables sont données sur un horizon de trois ans, en termes d'écart au compte central. Comme les variables sont prises en logarithme, cet écart peut être interprété comme un taux de croissance ; pour les taux d'intérêt il s'agit d'écart de points de taux d'intérêt. Les traits pointillés donnent un intervalle de confiance d'un écart- type calculé par simulation de Monte-Carlo autour de la trajectoire en trait plein. La forme du choc de taux d'intérêt est représentée sur la dernière colonne des graphiques 1. Le choc n'est pas entretenu, mais du fait de l'autorégressivité du modèle, il persiste pendant un certain temps avant de disparaître, ou même éventuellement de devenir négatif du fait de la réaction des autorités monétaires aux nouvelles conditions macro-économiques. Les chocs sont différents selon les pays, quant à leur amplitude initiale mais aussi quant à leur inertie. En Italie et en France, le taux d'intérêt revient vers le compte central très rapidement respectivement au bout de trois et quatre trimestres, alors que dans les deux autres pays, le taux est plus inerte. Il reste supérieur à celui du compte central durant six trimestres au Royaume-Uni et trois ans en Allemagne. Les réponses des autres variables économiques au choc de taux d'intérêt sont représentées sur les graphiques 1. Le choc restrictif sur le taux d'intérêt a un effet négatif sur la croissance dans les quatre pays. En Italie et au Royaume-Uni, cet effet est transitoire, le retour au compte central du PIB s'effectuant dès le début de la troisième année. On retrouve bien en France et au Royaume-Uni une appréciation du change significative suite à une augmentation du taux court. En revanche, en Italie, un choc restrictif de politique monétaire entraîne d'abord une dépréciation temporaire du change avant l'appréciation attendue. Le délai nécessaire au taux court pour influencer le taux de change traduit peut-être le manque de crédibilité des autorités monétaires italiennes. En Allemagne, on observe aussi une dépréciation, mais celle-ci n'est pas significative. Le taux long augmente suite à un choc sur le taux court au Royaume-Uni et en Allemagne, mais il n'intègre instantanément qu'une partie du choc du taux court. Dans les deux autres pays, le taux long subit un léger fléchissement, ce qui peut refléter un gain de crédibilité dû à l'augmentation du taux court. 49 Graphiques 1 : réponses à un choc sur le taux du marché monétaire Allemagne (1976-Tl à 1993-T4) Fra™e (1979-Tl à 1993-T2) PIB PIB Prix Prix M2 M2 Crédit Crédit Taux d'intérêt long Taux d'intérêt long Taux de change Taux de change Taux d'intérêt de la politique monétaire Taux d'intérêt de la politique monétaire 50 Graphiques 1 : réponses à un choc sur le taux du marché monétaire Italie (1976-Tl à 1993-T3) Royaume-Uni (1976-Tl à 1993-T4) PIB PIB Prix Prix M2 M2 Crédit Crédit Taux d'intérêt long Taux d'intérêt long Taux de change Taux de change Taux d'intérêt de la politique monétaire Taux d'intérêt de la politique monétaire 51 En France, en Italie et en Allemagne, l'agrégat de monnaie M2 et l'encours de crédit diminuent significativement après un choc restrictif de taux d'intérêt, ce qui est bien conforme à l'effet attendu. Au Royaume-Uni au contraire, masse monétaire et crédit restent inerte. Les travaux sur le canal du crédit permettent d'expliquer cette inertie voire cette hausse du crédit. Christiano, Eichenbaum et Evans (1994), par exemple, ont observé ce même comportement du crédit agrégé aux États-Unis et l'expliquent par le fait que les entreprises sont conduites à emprunter davantage pour pallier les baisses de cash flow induites par la récession. Bernanke et Gertler (1995) font la même interprétation. La détermination des prix diffère largement d'un pays à l'autre. C'est ce que montre leur décomposition de variance (cf. tableau 8). Ce sont surtout les taux d'intérêt qui influencent les prix en France et en Allemagne. A un horizon de trois ans, l'influence des taux longs sur les prix devient importante dans ces deux pays, alors qu'en Italie et au Royaume-Uni, c'est le taux de change qui, à cette échéance, détermine fortement les prix. L'Italie se singularise par une faible influence directe des taux d'intérêt sur les prix et un fort impact de la masse monétaire M2. d'intérêt apparaît ainsi suivi d'une montée des prix, qui se serait produite de toute façon, mais de manière plus forte si le taux n'avait pas été relevé. Cette explication est en partie confortée par nos simulations dans lesquelles les variables, ont un ordre différent. En effet, quand le taux d'intérêt est placé avant les prix, ce qui revient à considérer que les autorités monétaires ne tiennent pas compte de l'évolution simultanée des prix quand elles fixent le taux d'intérêt, l'impact positif sur les prix s'accroît en Allemagne, et il devient temporairement positif en France. La seconde explication de l'impact positif des taux d'intérêt sur les prix réside dans la répercussion des charges financières sur les prix. En situation de concurrence imparfaite, les entreprises peuvent dans un premier temps effectivement être conduites à augmenter leurs prix pour maintenir leurs marges, alors que dans un deuxième temps, c'est l'effet désinflationiste du ralentissement de l'activité qui l'emporte, probablement au delà de l'horizon de simulation de trois ans. Les décompositions de variance du PIB (tableau 9) révèlent des mécanismes de transmission de la politique monétaire spécifiques à chaque pays. Les taux courts apparaissent déterminants pour le PIB en France et en Italie et les taux longs déterminants en Allemagne et au Royaume-Uni. La masse monétaire M2 détermine particulièrement l'activité réelle en France et au Royaume-Uni, ce qui peut aussi être mis en évidence par des tests de causalité (Barran, Coudert et Mojon, 1997). Enfin, le taux de change influence fortement le PIB en Italie et au Royaume-Uni à échéance de trois ans. Selon les fonctions de réponses à une impulsion des graphiques 1, un choc à la hausse du taux d'intérêt conduit à une diminution des prix en Italie et en France, où le niveau des prix baisse significativement par rapport au compte central environ un an après le choc. Dans les deux autres pays, l'impact d'une augmentation du taux court L'impact d'un choc de taux de change est représenté conduit à augmenter le niveau des prix. Ce résultat sur les graphiques 2. Il est intéressant de constater a déjà été relevé dans de nombreux articles (Sims, que les effets de la dépréciation du change 1992 ; Dale et Haldane, 1995), nous le retrouvons apparaissent rapidement bénéfiques au ici pour l'Allemagne et le Royaume-Uni. Ce Royaume-Uni et en Allemagne en termes de paradoxe dit "price puzzle" peut avoir deux stimulation du PIB. En revanche les effets sur explications. La première est que les autorités l'activité ne sont pas significatifs en France, alors monétaires relèvent leur taux d'intérêt lorsqu'elles qu'en Italie ils se font ressentir après deux ans. On anticipent la montée des prix en considérant remarque enfin qu'une dépréciation du change est l'évolution de variables qui ne sont pas prises en accompagnée par une baisse marquée des taux compte dans le modèle. Le relèvement du taux d'intérêt en Italie et au Royaume-Uni, alors qu'elle Tableau 8 : décomposition de la variance de l'erreur sur l'équation des prix à horizon de prévision de 4, 8 et 12 trimestres (en % du total) Taux de Horizon PIB Prix M2 Crédit Taux court Taux long change 4 1 68 1 14 0 9 3 Allemagne 8 3 59 1 18 6 6 4 12 4 13 42 0 11 13 12 4 2 78 2 1 13 0 1 France 8 4 59 2 1 19 0 11 12 6 20 0 16 49 3 2 4 5 82 5 2 0 0 2 Italie 8 20 4 42 13 1 0 16 12 26 26 16 7 00 16 5 4 0 79 2 1 7 8 o to Royaume-Uni 8 11 23 50 2 3 5 to 12 27 35 2 2 3 25 52 Graphiques 2 : réponses à un choc sur le taux de change (dépréciation) Allemagne (1976-Tl à 1993-T4) France (1979-T3 à 1993-T4) PIB PIB -0.0025-0,0050Prix Prix Crédit Crédit M2 M2 Taux d'intérêt long Taux d'intérêt long Taux de change Taux de change Taux d'intérêt de la politique monétaire Taux d'intérêt de la politique monétaire 53 PIB Graphiques 2 : réponses à un choc sur le taux de change (dépréciation) Italie (1976 -Tl à 1993- T3) Royaume-Uni (1976- Tl à 1993-T4) PIB Prix Prix M2 M2 Crédit Crédit Taux d'intérêt long Taux d'intérêt long Taux de change Taux de change Taux d'intérêt de la politique monétaire Taux d'intérêt de la politique monétaire 54 est sans effet sur les taux en Allemagne et en France. Cette différence illustre les stratégies suivies par les deux premiers pays à leur sortie du SME en 1993. taux d'intérêt, de taux de change et de taux long ne sont pas représentées par contraintes de place mais sont disponibles auprès des auteurs. L'impact du taux long sur l'activité est plus faible que celui du taux court, sauf au Royaume-Uni (graphique 3). Dans ce pays, un choc sur le taux long fait jouer chacun des canaux de transmission. Il entraîne une baisse parallèle de la monnaie et du crédit et une appréciation de la livre sterling. Le faible rôle dévolu au taux long dans le coût du crédit bancaire n'empêche donc pas la hausse du taux long de produire des effet réels. Ceux-ci passent probablement par le taux de change et par un effet richesse. En Allemagne, les simulations semblent indiquer une plus forte transmission des chocs de politique monétaire à la demande finale sur la période récente. La masse monétaire et le crédit baissent de manière plus marquée sur la période récente, ce qui accentue la transmission de la hausse du taux d'intérêt. Le taux intérêt à long terme se redresse aussi légèrement. En revanche, l'appréciation du change est plus significative et plus importante dans la première sous-période. Le PIB répond aussi de manière plus orthodoxe à une hausse du taux long dans la première sous-période que dans la seconde sous-période. En effet dans la seconde sous période, l'augmentation du taux long conduit à une hausse du crédit et à une reprise de l' activité. Ce phénomène tient probablement à la période atypique de la réunification allemande où la hausse des taux d'intérêt a coïncidé avec une forte croissance. Les chocs de monnaie ou de crédit stimulent l'activité réelle de manière tout à fait standard en Allemagne, en France et au Royaume-Uni. En revanche, en Italie, un choc de monnaie a un faible impact et un choc de crédit un effet quasi nul. Peut-on parler de convergence ? Les initiatives nationales de transformation des marchés financiers et/ou l'intégration internationale croissante de ces marchés ont pu influencer les canaux . de- transmi s sion de- la - politique- monétaire,Réaliser des simulations de choc de politique monétaire à partir de modèles estimés sur des sous-périodes est susceptible de faire apparaître de telles évolutions. Afin de garder suffisamment de degrés de liberté pour les estimations, nous avons sélectionné deux sous-périodes : les 12 premières années et les 12 dernières, ces deux sous-périodes pouvant se recouper plus ou moins selon la taille de l'échantillon initial. Les estimations mettent en évidence des différences entre les deux sous-périodes. Les réponses à des impulsions sur le Au Royaume-Uni, la réponse de l'économie semble avoir évolué entre ces deux sous-périodes. Dans la première sous-période, le taux de change joue son rôle de transmission standard : une hausse des taux d'intérêt provoque une appréciation du change, qui contribue à la baisse du PIB. Dans la seconde sous-période au contraire, la hausse du taux d'intérêt coïncide non seulement avec une dépréciation du change, mais aussi avec des augmentations de la masse monétaire et du crédit, ce qui produit une stagnation du PIB au lieu de la baisse attendue. En revanche, les prix ont moins tendance à augmenter dans la seconde sous-période. En France, les réponses des variables à des chocs sur le taux du marché monétaire deviennent plus orthodoxes dans la seconde sous-période. En effet, une augmentation de taux d'intérêt d'une ampleur plus faible que pendant la première sous-période induit une appréciation plus nette du change, une Tableau 9 : décomposition de la variance de l'erreur sur l'équation du PIB à horizon de prévision de 4, 8 et 12 trimestres (en % du total) Taux de Horizon PIB Prix M2 Crédit Taux court Taux long change 4 76 2 0 2 13 1 3 Allemagne 8 64 9 2 5 11 0 4 12 53 16 6 9 9 0 4 54 9 27 5 0 0 2 France 4 19 12 35 14 0 0 16 12 44 8 10 12 1 0 17 4 83 0 8 0 1 1 3 Italie 8 61 9 8 1 5 5 8 12 42 9 7 1 3 28 6 4 73 6 13 0 0 0 5 Royaume-Uni 8 56 11 16 0 7 7 0 14 12 48 10 0 10 15 0 55 Graphiques 3 : réponses à un choc sur le taux d'intérêt à long terme Allemagne (1976- Tl à 1993- T4) France (1979-T3 àl993-T2) PIB PIB Prix Prix M2 M2 0010 0,008 0,006 00040002' 0,000 -0.002 Crédit ■ Crédit Taux d'intérêt long Taux d'intérêt long Taux de change Taux de change Taux d'intérêt de la politique monétaire Taux d'intérêt de la politique monétaire 56 PIB Graphiques 3 : réponses à un choc sur le taux d'intérêt à long terme Royaume-Uni (1976-Tl à 1993-T4) Italie (1976-Tl à 1993-T3) PIB Prix Prix M2 M2 Crédit Crédit Taux d'intérêt long Taux d'intérêt long Taux de change Taux de change Taux d'intérêt de la politique monétaire Taux d'intérêt de la politique monétaire 57 baisse des agrégats de monnaie et de crédit et une baisse des prix. Le PIB diminue sans délai dans la seconde sous-période. Cette plus forte réponse de l'économie française au taux d'intérêt court dans la période récente avait déjà été constatée par Bordes, Girardin et Marimoutou (1995), qui analysent les effets d'un choc de taux d'intérêt sur les différentes composantes de la demande finale avant et après la libéralisation financière. Icard (1994) avait aussi montré comment les changements dus à la libéralisation financière ont contribué à modifier la politique monétaire française dans le sens d'un impact plus fort des chocs du taux d'intérêt court sur la demande finale. Cependant, dans nos simulations, l'impact du taux long sur la demande finale s'atténue entre la première et la seconde sous-périodes. Cette modification est comparable, quoique de moindre ampleur, à celle observée en Allemagne. On peut probablement l'expliquer par la forte intégration de ces deux économies et la dépendance des taux français à l'égard des taux allemands. En Italie, l'évolution des canaux de transmission de la politique monétaire est à mi-chemin entre celle constatée en France et celle du Royaume-Uni. D'un coté, les réactions de certaines variables, comme les prix ou le crédit, deviennent plus conformes à une politique par les taux d'intérêt dans la seconde sous-période. Ainsi la réaction positive des prix, nette dans la première sous-période devient non significativement différente de zéro dans la seconde. De même, le crédit diminue au cours de la seconde sous-période alors qu'il augmentait dans la première. Le PIB diminue aussi plus rapidement. En revanche, sur la période récente, la hausse du taux d'intérêt est suivie par une dépréciation de la lire par rapport au mark, et non par l'appréciation attendue. Globalement, les évolutions de chacun des systèmes financiers nationaux ne paraissent aller ni dans le sens d'une plus grande uniformisation, ni dans le sens d'une plus grande diversité. D'une part, le comportement atypique des prix s'estompe dans la seconde sous-période, et le PIB décroît plus nettement dans la période récente en France et en Allemagne et plus rapidement en Italie. D'autre part, le PIB du Royaume-Uni devient insensible au choc sur le taux d'intérêt court et les taux de change britannique et italien se déprécient suite à ces chocs. Cependant, les fortes perturbations qui ont marqué la seconde sous-période, comme la réunification ou les sorties du SME, ont largement affecté la transmission de la politique monétaire dans les quatre pays. D'un côté, au Royaume-Uni et en Italie, les taux de change se déprécient suite à une augmentation du taux d'intérêt, ce qui reflète les tentatives entreprises pour défendre les parités avant la sortie du SME. Dans ces deux pays, la dépréciation du change vient contrecarrer l'effet récessif attendu de la hausse des taux. D'un autre côté, en Allemagne, et dans une moindre mesure, en 58 France, l'activité s'accroît après une hausse de taux long pendant la seconde sous-période. Ce phénomène est probablement dû à la montée parallèle des taux et de l'activité au moment de la réunification. Les différences de transmission de la politique monétaire sont donc largement influencées par la nature des chocs subis par les économies. Conclusion Les résultats empiriques de cette étude doivent être interprétés avec prudence car le modèle utilisé, s'il présente l'avantage de s'affranchir d'à priori théoriques, n'est pas exempt de faiblesses, notamment en ce qui concerne les variables absentes comme les liaisons internationales. À cette réserve près, l'analyse des décompositions de variance porte à croire que les canaux de transmission sont d'ampleur différente dans les pays étudiés et l'analyse des fonctions de réponse montre que le taux de change, la masse monétaire, le crédit bancaire et le taux d'intérêt à long terme sont affectés différemment à la suite d'un choc sur le taux d'intérêt. Ces différences sont cohérentes avec la diversité des structures financières mise en évidence dans la première partie. En particulier, les pratiques d'indexation des taux du crédit ou le niveau et la composition de la richesse financière des agents non financiers dans les quatre pays demeurent différents. La décomposition par sous-période de notre échantillon montre que la libéralisation financière qui a eu lieu dans les années quatre-vingts en France et en Italie a pu contribuer à accroître l'impact du taux d'intérêt court sur le crédit et sur la demande finale. La déréglementation aurait donc permis dans ces deux pays de transformer les mécanismes de transmission de la politique monétaire vers une action plus directe des taux d'intérêt, l'action sur les quantités, notamment par l'encadrement du crédit, ayant été abandonnée. Le renforcement de l'impact du taux court sur la demande finale s'observe également en Allemagne. L'indexation plus forte sur la période récente des actifs et passifs des agents non financiers sur le taux à court terme a pu contribuer à renforcer cet effet. Le changement de période montre une évolution dans la transmission au Royaume-Uni. Dans ce pays, la hausse du taux d'intérêt à court terme n'est plus renforcée par l'appréciation du taux de change, elle s'accompagne au contraire d'une dépréciation du change, dont l'effet expansif, particulièrement marqué au Royaume-Uni, l'emporte sur l'effet récessif de la hausse des taux. Les simulations par sous-périodes montrent qu'il n'y a pas de convergence dans les effets du taux d'intérêt dans les quatre pays étudiés. Il reste à savoir si ces asymétries persistantes sont de nature à porter obstacle à l'efficacité d'une politique monétaire commune. Il est certain que la fixité du taux de change, l'unification du marché monétaire et l'harmonisation des règles de concurrence entre les systèmes financiers nationaux devrait opérer un changement important dans la transmission monétaire des pays concernés. De plus, le décalage de conjoncture souvent subi en cas d'initiative monétaire isolée disparaîtra. Les effets de la politique monétaire seront donc modifiés. Des études complémentaires sont nécessaires pour simuler les effets d'une politique monétaire commune dans ce nouvel environnement. Notes (1) Voir par exemple dans ce numéro l' article de Erkel-Rousse et Mélitz. (2) Les codes des séries sont, 60b pour le taux du marché monétaire, 61 pour le taux des obligations publiques, 64 pour les prix à la consommation, 32d pour le crédit, la somme des séries 34 et 35 pour M2 en Italie, au Royaume-Uni et en Allemagne (ou 38nbc en France pour M2 et pour M3 en Allemagne), 99br pour le PIB réel. Pour les taux de change, on utilise l'inverse de la série rf en Allemagne et la division des séries rf française, italienne et britannique par la série rf allemande pour définir un taux de change par rapport au mark dans ces trois pays. En Allemagne le PIB est celui de l' ancienne RFA et les agrégats de monnaie et de crédit sont obtenus par application des taux de croissance pour l'Allemagne réunifiée sur le niveau des agrégats de la RFA à partir du second trimestre de 1990. (3) Des travaux antérieurs nous avaient déjà montré que la série publiée par la Banque de France est beaucoup plus corrélée à l'activité que celle du FMI (Barran, Coudert et Mojon, 1997). (4) C'est-à-dire que les tests que nous avons entrepris rejettent l'hypothèse de stationnarité des différences premières de ces séries (5) En Allemagne, les tests sont posés sur un Var à 5 variables, sans les deux taux d'intérêt qui sont stationnaires ; les prix sont introduits en différence première. En Italie, les tests sont posés sur un Var à 5 variables, sans le taux de change et sans le crédit qui sont stationnaires. Au Royaume-Uni, on retient" les~ différences premières du crédit et de l'agrégat M2. (6) Le taux de change a un statut particulier, puisqu'il figure à la fois un canal de transmission mais aussi un objectif de la politique monétaire dans les pays européens. (7) Du fait du grand nombre de variables contenu dans les modèles, il est préférable de réduire le nombre de retards pour réaliser cet exercice. Les estimations sur les sous-périodes comportent deux retards, ce qui permet de gagner 14 degrés de liberté. Pour le choix de la date de rupture de période, nous avons été contraints par le nombre de degrés de liberté minimum à préserver pour l'estimation. Afin de garder un minimum de 30 degrés de liberté, les estimations doivent comporter au minimum 48 points, soit 12 ans. Avec deux retards, l'échantillon total comporte 63 trimestres en France, 73 en Italie et 74 dans les 2 autres pays. Les deux sous-périodes d'estimation ont donc de 22 à 33 trimestres communs. On a également estimé des modèles à quatre variables (PIB, prix, taux de change et taux d'intérêt) et quatre retards sur chaque sous-période. Les principaux résultats quant à l'évolution de la transmission de chocs de taux court à l'activité, aux prix et au taux de change sont confirmés par. ces modèles. Les simulations obtenues par ces modèles à quatre variables ne sont pas reportées ici mais sont disponibles auprès des auteurs. 59 Bibliographie Aglietta M., Coudert V., Mojon B. (1995). 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