Éric Crubezy Norbert Telmon André Sevin Jacques Picard Daniel Rougé Georges Larrouy José Braga Bertrand Ludes Pascal Murail Microévolution d'une population historique. Étude des caractères discrets de la population de Missiminia (Soudan, IIIeVIe siècle) In: Bulletins et Mémoires de la Société d'anthropologie de Paris, Nouvelle Série, tome 11 fascicule 1-2, 1999. pp. 1213. Abstract Skeletons of historic populations generally originate from burial grounds. They do not systematically provide a representative sample of the population from which they derive. The most frequent factors of bias are demographic (over-or underrepresentation of an age group or sex) or social (organization of graves or sectors of the cemetery according to biological and/or family criteria). So, before starting research on the history of the population, the samples studied must be carefully defined. This was our aim in this work on the burial ground of Missiminia (Sudan) where hundred of graves and more than 350 intact skulls have been discovered distributed in four groups from Meroitic the Christian period... (more to read) Résumé Les squelettes des populations historiques proviennent généralement de cimetières. Ils ne représentent pas systématiquement un échantillonnage correct de la population dont ils sont issus. Les facteurs de biais les plus fréquents sont démographiques (sur ou sous-représentation d'une classe d'âge ou d'un sexe) ou sociaux (organisation sur des critères biologiques et/ou familiaux de tombes ou de secteurs de cimetières). Dès lors, avant d'entamer une recherche sur l'histoire d'un peuplement, il faut préciser la définition des échantillons retenus. C'est ce qui a été tenté dans cette étude portant sur la nécropole de Missiminia (Soudan) qui a livré des centaines de tombes et plus de 350 crânes intacts provenant de 4 groupes datés de la période méroitique à la période chrétienne... (texte à suivre) Citer ce document / Cite this document : Crubezy Éric, Telmon Norbert, Sevin André, Picard Jacques, Rougé Daniel, Larrouy Georges, Braga José, Ludes Bertrand, Murail Pascal. Microévolution d'une population historique. Étude des caractères discrets de la population de Missiminia (Soudan, IIIe-VIe siècle). In: Bulletins et Mémoires de la Société d'anthropologie de Paris, Nouvelle Série, tome 11 fascicule 12, 1999. pp. 1-213. doi : 10.3406/bmsap.1999.2537 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bmsap_0037-8984_1999_num_11_1_2537 Bulletins et Mémoires de la Société d'Anthropologie de Paris 1999, nouvelle série - Tome 11, Fascicule 1-2, pages 1 à 213. Microévolution d'une Population Historique Étude des caractères discrets de LA POPULATION DE MlSSEVflNIA (Soudan, IIP-VP siècle) MlCRO-EVOLUTION OF Historic Populations Study of discrete traits of the population of mlssiminia (Sudan, III^-VI™ century A.D.) En hommage à Madame Ginette Billy et à Monsieur André Vila Eric Crubézy1, Norbert Telmon1, André Sevin1, Jacques Picard2, Daniel Rouge1, Georges Larrouy1, José Braga3, Bertrand Ludes4, Pascal Murail3 1. Université Paul Sabatier, UMR 8555 du CNRS. 39 Allées Jules Guesde, 31 000 Toulouse, e-mail [email protected] 2. Centre de Recherche du Service de Santé des armées 3. Université de Bordeaux I, UMR 5809 du CNRS 4. Institut de Médecine Légale, Université Louis Pasteur, Strasbourg, UMR 8555 du CNRS Bulletins et Mémoires de la Société d'Anthropologie de Paris 1999, nouvelle série - Tome 11, Fascicule 1-2, pages 1 à 213. SOMMAIRE - CONTENTS Microévolution d'une population historique Etude des caractères discrets de la population de Missiminia (Soudan, IIP-VP siècle) Avant Propos Résumé Summary I. — INTRODUCTION, HISTORIQUE 1. — Contexte historique 2. — Contexte anthropologique IL — 7 9 11 13 17 18 LA NECROPOLE DE MISSIMINIA 21 1. — Situation 2. — Phases d'utilisation de la nécropole 21 25 3. — Les sujets, recrutement et démographie 30 Ш. — CARACTÈRES DISCRETS ET MARQUEURS GÉNÉTIQUES : CHOIX ET TRAITEMENT 37 1. — Définition et dénomination des caractères discrets 2. — Étiologie des caractères discrets 37 38 3. — Caractères discrets et marqueurs génétiques 42 4. — Choix, codage, démarche suivie en analyse univariée 5. — Recherche de regroupements topographiques en analyse univariée 6. — Démarche suivie en analyse multtvariée 7. — Études inter-groupes et analyse des données 44 48 55 63 8. — Sélection des caractères discrets 64 E. CRUBÉZY ETAL— MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN IV. — ÉTUDE DES CARACTÈRES DISCRETS 1. — Les caractères hypostotics 1.1. — Suture métopique présente (Sutura frontaljs) 1.2. — Scissure pétro-squameuse postérieure présente (Fissura squamomastoidea) 1.3. — Sutura transversa squamae occipuaus 1.4. — Sutura mendosa 7.5. — Suture infra-orbitaire présente (Sutura infraorbitaus) 1.6. — Traces de l'os japonicum (traces de la sutura zygomatica) et os japonicum (os zygomaticum bipartitum) 1.7. — Suture incisive visible (Sutura incisna) 1.8. — Trou ovale incomplet (Foramen ovale incompletum) 1.9. — Foramen épineux incomplet (Foramen spinosum incompletum) 1.10. — Foramen de Huschke (Foramen tympanicum) 1.11. — Facette condyuenne double (Faciès articularis condylaris bipartita) 1.12. — Fossette naviculaire 1.13. — Fossette pharyngienne 1.14. — Agénesiedela troisième molaire supérieure 1.15. — Caractères hypostotics : récapitulation 67 67 67 69 70 72 73 74 76 77 78 80 . 81 81 84 85 85 2. — Les caractères hyperostotics 2.1. — Torus palatin (Torus palatinus) 2.2. — Épine throchléaire (Spina throchlearis) 2.3. — Épine ptérygo-alaire (Spina pterygo-alaris) 2.4. — Pont ptérygo-alaire (Ponticulus pterygoalaris) 2.5. — Tubercule précondyuen (Tuberculum praecondylare) 2.6. — Canal hypoglosse bipartite ou multiple (Canaus hypoglossi ^ bipartite ou multiple) 2.7. — Canal condyuen intermédiaire (Canaus condylaris intermedius) 2.8. — Processus para-condyuen (Processus paracondylaris) 2.9. — Récapitulation : caractères hyperostotics 88 88 91 91 92 95 96 96 100 101 3. — os suturaires, fontanell aires, surnumeraires 3.1. — os suturaire coronal (ossa suturae coronaus) 3.2. — os suturaire sagittal (ossa suturae sagittaus) 3.3. — os suturaire lambdoïde (ossa suturae lambdoïdeae) 3.4. — Préinterpariétal (Os preinterparietale) 3.5. — os au ptérion (os pteril) 3.6. — Articulation fronto-temporale (Sutura frontotemporaus) 3.7. — Os À l'incisure pariétale (Os incisurae parietaus) 104 106 106 106 107 109 110 112 TABLE DES MATIÈERES 3.8. — 3.9. — 3.10. — 3.11. — Os À l'astérion (Os asterii) 05 suturaire occipito-mastoïdien (ossa suturae 0ccip1t0mast0ideae) os méd10-palatin antérieur (os mediopalatinus anterior) (46) 05 suturaires, fontanellaires et surnuméraires : récapitulation .... 112 113 113 115 4. — Présence/absence d'orifices et sillons a priori vasculaires et/ou nerveux .117 4.1. — Foramen infra-orbitaire accessoire (Foramen infraorbitale accessorium) 117 4.2. — Canal optique accessoire (Canaus opticus accessorium) (47) 119 4.3. — Trou zygomatico- facial double ou multiple : Foramen zygomaticofaciale double ou multiple) 120 4.4. — Trou zygomatico- facial absent (Foramen zygomaticofaciale absent) 121 4.5. — Foramen de la fosse mandibulaire du temporal 121 4.6. — Processus pariétal de la partie squameuse du temporal (Processus par1etaus squamae temporaus) 123 4.7. — Foramen pariétal présent (Foramen pariétale présent) 125 4.8. — Foramen mastoïdien absent (Foramen mastoideum absent) 126 4.9. — Canal condylaire présent (Canaus condylaris présent) 127 4.10. — Les orifices : récapitulation 128 5. — Caractères à la limite du normal et du pathologique 5./. — Amincissement pariétal et amincissement DYSPLASiQUE du crâne 5.2. — Synostose squamo-pariétale 130 130 133 6. — Récapitulation générale — Liaisons entre côtés — Liaisons au sexe — Liaisons À l'âge — Liaisons entre caractères 133 133 134 134 134 V. — RÉSULTATS DES ANALYSES INTRA ET INTER-GROUPES EN ANALYSE MULTIVARIÉES 137 1. — L'organisation du cimetière meroïtique 2. — L'organisation du groupe meroïtique tardif 137 153 3. — L'organisation du cimetière ballanéen 4. — L'organisation du cimetière chrétien 5. — Études inter-groupes à partir des fréquences 156 159 161 6. — Études inter-groupes à partir des sujets 167 E. CRUBÉZY ETAL— MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN VI. — DU MONDE DES MORTS AU MONDE DES VIVANTS ET À LAMICRO-ÉVOLUTION 169 1. — Organisation du monde des morts 2. — Études inter-groupes 169 173 3. — Organisation du monde des vivants et micro-évolution 174 VIL — PERSPECTIVES POUR UNE ETHNO-HISTOIRE 1. 183 la période mériotique 183 2. le groupe mériotique tardif 3. — Le groupe ballanéen 186 186 2. — Le groupe chrétien 191 VIII. —CONCLUSIONS : LE POST-MÉROÏTIQUE, L'HISTORIOGRAPHIE EUROPÉENNE ET L'HISTOIRE DE L'ANTHROPOLOGIE Le monde des morts Le monde des vivants et l'évolution BIBLIOGRAPHIE 193 193 195 197 AVANTPROPOS La base de ce travail est la thèse de doctorat es sciences d'E. Crubézy intitulée « Caractères Discrets et Evolution. Exemple d'une Population Nubienne : Missiminia (Soudan)» effectuée sous la direction du Professeur B. Vandermeersch et soutenue le 5 juillet 1991 au Laboratoire d'Anthropologie de l'Université de Bordeaux I. Les travaux statistiques avaient été réalisés au Centre de recherche du Service de Santé des Armées sous la direction de Monsieur J. Picard, Pharmacien-Chimiste en Chef. Mesdames G. Billy (Directeur de recherche au CNRS) et S.R. Saunders (Professeur, Université de Hamilton, Canada), Messieurs B. Arensburg (Professeur, Université de Tel Aviv, Israël), H. Duday (Directeur de recherche au CNRS), A. Girardie (Professeur, Université de Bordeaux), A. Mann (Professeur, Université de Philadelphie, USA) et J. Picard (Pharmacien-chimiste en chef, CRSSA, Grenoble) nous avaient fait l'honneur de composer le jury. Le travail de thèse a été réactualisé et Messieurs N. Telmon et D. Rougé ont travaillé sur les simulations et les tests de corrélations spatiales, Messieurs A. Sevin et G. Larrouy sur les interpolations linéaires et les recherches de clines dans la nécropole et le site internet résulte de leurs efforts, Messieurs J. Braga, E. Crubézy et B. Ludes ont réactualisé les données intéressant les caractères discrets et ont envisagé leurs relations avec les marqueurs génétiques. Monsieur P. Murail a donné aux analyses démographiques un caractère plus incisif. Madame Maggy Seurin (UMR 5809 du CNRS) et Monsieur Philippe Devèze ont permis à nombre d'illustrations d'avoir un caractère moins brut que celles du travail original et je leur en suis reconnaissant. Enfin, les tableaux des données brutes ne peuvent pas être fournis ici. Ils sont disponibles dans le tome 2 (Annexes) du travail original ou sur internet à l'adresse http ://www/sv.cict.fr/anthropologie/ dans « Projet Missiminia ». Pour le collectif des auteurs : Eric Crubézy RESUME Les squelettes des populations historiques proviennent généralement de cimetières. Ils ne représentent pas systématiquement un échantillonnage correct de la population dont ils sont issus. Les facteurs de biais les plus fréquents sont démographiques (sur ou sous-représentation d'une classe d'âge ou d'un sexe) ou sociaux (organisation sur des critères biologiques et/ou familiaux de tombes ou de secteurs de cimetières). Dès lors, avant d'entamer une recherche sur l'histoire d'un peuplement, il faut préciser la définition des échantillons retenus. C'est ce qui a été tenté dans cette étude portant sur la nécropole de Missiminia (Soudan) qui a livré des centaines de tombes et plus de 350 crânes intacts provenant de 4 groupes datés de la période méroitique à la période chrétienne. Dans cette nécropole, un premier cimetière est attribuable à la période méroitique du IIP et du IVe siècles A.D. Il a fourni deux échantillons de sujets ; l'un appelé « groupe méroitique » comporte les sujets inhumés dans les tombes, l'autre appelé «groupe méroitique tardif» comporte les sujets inhumés à la fin de cette période dans les tombes et/ou leurs escaliers. L'étude de la distribution par classes d'âges des 486 squelettes du groupe méroitique démontre que, à l'exception des sujets entre 0 et 2 ans manifestement sous-représentés, elle ne s'écarte pas de celle des tables-types de mortalité pour une espérance de vie à 30 ans (réseau 100 de Lederman, 1969). La population inhumée dans le cimetière Méroitique de Missiminia, pourrait donc correspondre à une population naturelle. Elle pourrait représenter une communauté de 80 à 150 sujets ayant vécu à Missiminia pendant environ 200 ans. Un second cimetière où 247 tombes, de culture ballanéenne, ont été fouillées se place dans la continuité chronologique (Ve et VIe siècles A.D.) du précédent. Il est très structuré avec, au sud des sépultures en fosse, et au nord des sépultures sous tumulus de plus en plus grand à mesure que l'on s'éloigne des tombes en fosses. L'étude de la distribution par classes d'âges montre que, par rapport à une population naturelle d'époque historique, il y a un net déficit des enfants entre 0 et 2 ans et, soit une sur-représentation des sujets de 10 et 20 ans, soit un déficit des adultes. De toute évidence, si le cimetière méroitique pouvait être celui d'une communauté villageoise, ce n'est pas le cas de celui du groupe Ballanéen qui a un recrutement très particulier. Dans cette partie de la vallée du Nil, longue de 63 km, les tombes du groupe ballanéen (plusieurs milliers), bien individualisées, faciles à distinguer et à dénombrer, pourraient représenter l'effectif des décès -à l'exception des jeunes enfants- survenus dans le secteur pendant cette période. Après correction du nombre d'enfants décédés en bas âge et non inhumés sous tumulus et après quelques ajustements concernant la chronologie, nous avons pu calculer la densité de population par kilomètre de rive dans cette partie de la vallée, elle est de l'ordre d'une vingtaine d'individus. Comme pour le groupe méroitique 11 cimetières de village ont été reconnus dans cette partie de la vallée, nous avons pu comparer la démographie de la population entre les deux périodes. En fait, il semble qu'il y ait eu une évolution sans à coup démographique majeur. Les sujets du groupe chrétien ont une provenance plus hétérogène. Toutefois, une bonne partie ď entre eux provient de ce qui semble être une sépulture de catastrophe ; ď autres avaient été inhumés autour des grands tumulus ballanéens. Pour 349 sujets (164 méroitiques, 57 méroitiques tardifs, 50 ballanéens, 78 chrétiens) 14 caractères hypostotics, 8 hyperostotics, 10 os suturaires, fontanellaires ou surnuméraires, 9 foramen et 2 caractères à la limite du normal et de la pathologie ont été étudiés. Pour chaque caractère nous 10 Б. CRUBÉZY ETAL— MICROÉVOLUTION D' UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN avons essayé de préciser son étiologie. Dans chaque groupe, pour chaque sexe, et pour les adultes jeunes et âgés, la fréquence, la symétrie et l'asymétrie des caractères et leurs associations ont été calculées. Les caractères hypostotics, comme de nombreux os suturaires ou fontanellaires et de foramen, correspondent à la persistance d'états fœtaux ou immatures du développement, c'est-àdire à une pédomorphose. Les caractères hyperostotics sont à la base de nombreuses concentrations, ils sont dus à la présence d'ébauches cartilagineuses se mettant en place très précocement chez l'embryon. La présence d'un caractère est en relation, soit avec une distribution spéciale des cellules cartilagineuses, soit avec le remplacement d'un clone cellulaire par un autre. Leur déterminisme génétique sur la base de leur liaison avec le système homeobox a été envisagée. Dans chaque groupe, mais surtout dans le méroitique où ce fut le plus aisé, des regroupements de caractères par tombe ou par secteur furent recherchés. Nous avons utilisé les projections sur plan (descriptif), les autocorrélations spatiales, le test des cases vides de Chessel et une simulation. Il a pu ainsi être démontré que dans la nécropole, des groupements de sujets par tombe et par zone ne sont pas aléatoires. Nous avons sélectionné 19 caractères discrets non liés entre eux, non liés à l'âge et au sexe et nous avons réalisé pour chaque groupe une analyse multivanée. Nous avons ainsi comparé les résultats des classifications hiérarchiques ascendantes avec ceux des analyses factonelles des tableaux de distances (Chi-2 selon Benzecn) et avec la situation des sujets dans le cimetière. Lorsque les analyses multivanées ont mis en évidence deux grands groupes, nous avons recherché s'il y avait une différence statistiquement significative entre eux et sur quels caractères elle était basée. Pour cela nous avons utilisé une régression logistique pas à pas. Dans le groupe méroitique nous avons aussi attribué à chaque sujet sa valeur sur les axes FI et F2 de l'analyse des tableaux de distances et des clines ont été calculés par un logiciel d'interpolation linéaire (UNIRAS). Pour le groupe méroitique le premier plan (F1/F2) de l'analyse factonelle du tableau de distances peut être mis en parallèle avec le plan du cimetière. Ceci est plus marqué pour les hommes que pour les femmes. Dans ces cas, la distance biologique entre sujets est donc fonction de la topographie ce qui suggère une organisation familiale, voire à l'échelon de la nécropole des variations de fréquence ou d'association des caractères pouvant être considérées comme révélateurs de facteurs micro-évolutifs. Nous avons ensuite étudié la totalité de l'échantillon (349 crânes) en définissant chaque sujet par les 19 caractères sélectionnés. Nous avons recherché des outliers en utilisant l'analyse factonelle du tableau de distances et la régression logistique pas à pas. L'analyse factonelle du tableau de distances retrouve 5 1 outliers parmi lesquels il y a les 5 sujets méroitiques étrangers à la nécropole et qui proviennent d'autres cimetières de cette partie de la vallée. Dans le groupe méroitique il y a 9,45 % ft outliers, ils sont répartis sur l'ensemble du cimetière à l'exception des sépultures les plus anciennes (« zone du V»). Une simulation et une comparaison avec des populations connues montre que ce pourcentage pourrait correspondre au flux migratoire minimum qui existe habituellement dans une communauté de 100 à 150 personnes. Ceci expliquerait qu'en dehors de ces outliers, le groupe méroitique apparaisse très homogène. Dans le groupe ballanéen, il y a 30,6% d'étrangers. Cette augmentation par rapport à la période méroitique signe, soit une organisation différente du monde des morts (des sujets provenant de plusieurs communautés seraient enterrés dans le cimetière), soit une augmentation des échanges de conjoints à cette période. Des variations de fréquence de l'agénésie de la M3, qui dépassent largement le cadre de cette partie du bief du Nil et différentes variations métriques du crâne sont en faveur de la seconde hypothèse. Toutefois, il n'est pas exclu qu'autour des grands tumulus ballanéens (dont les occupants semblent déjà avoir adopté la religion chrétienne) des sujets ballanéens et chrétiens d'autres communautés aient été inhumés. Ceci est renforcé par le fait que sur 9 outliers chrétiens, 8 ont été inhumés dans le cimetière ballanéen. SUMMARY 11 Les différences de fréquence entre les 4 groupes ont été étudiées avec la MMD. La période méroïtique et la période post-méroitique sont nettement séparées, mais cette séparation provient essentiellement de certains des sujets, qui se ressemblent beaucoup entre eux, et qui ont été inhumés en premier dans le groupe méroïtique. Ceci peut être dû à la composition initiale de la communauté de Missiminia qui pourrait résulter d'une fusion entre deux groupes. Finalement ces résultats ont été confrontés aux données archéologiques et historiques. Il apparaît que, plus que des changements de population, la période post-méroitique a surtout connu une modification de l'organisation de ses ensembles sépulcraux et peut-être une plus grande mouvance des sujets entre villages. Par ailleurs, nombre de sujets considérés comme postérieurs à cette période car inhumés suivant les rites chrétiens étaient certainement des sujets de culture ballanéenne ayant adopté précocement la religion qui allait devenir dominante quelques décennies plus tard. Ces changements culturels sont à l'origine de modifications d'échantillonnages de sujets provenant des cimetières. Ce sont elles qui pendant plus d'un siècle ont fait croire aux chercheurs qu'une population d'origine inconnue (Groupe X) avait remplacé la population méroïtique. Mots-clés : anthropobiologie, statistiques, paléodémographie, archéologie funéraire, Méroïtique SUMMARY Skeletons of historic populations generally originate from burial grounds. They do not systematically provide a representative sample of the population from which they derive. The most frequent factors of bias are demographic (over-or under- representation of an age group or sex) or social (organization of graves or sectors of the cemetery according to biological and/or family criteria). So, before starting research on the history of the population, the samples studied must be carefully defined. This was our aim in this work on the burial ground of Missiminia (Sudan) where hundred of graves and more than 350 intact skulls have been discovered distributed in four groups from the Meroitic to the Christian period. Within this burial ground, a first cemetery can be attributed to the Meroitic period of the III and IV* century AD. It has yielded two samples of skeletons : one, the "Meroitic group", consists of individuals buried in the tombs and the other, the "late Meroitic group", consists of individuals buned at the end of this period in the tombs and/or the steps leading down to them. Paleodemographic study of the 486 skeletons from the Meroitic group shows that, apart from the 0 to 2-year age group which is obviously under-represented, their distribution by sex and age group does not differ from that standard mortality tables for 30-year life expectancy (mortality patterns : Lederman's network 100, 1969). Apart from the 0 to 2-year age group, the population buned in the Meroitic cemetery of Missiminia could thus correspond to an expected mortality pattern from a traditional society. It could represent a community of 80 to 150 individuals who lived at Missiminia during a period of about 200 years. A second cemetery where 247 tombs of Ballanean culture have been excavated carries on chronologically (V* and VIth centuries AD) from the first. It has a distinct organization, with pit burials to the south, and to the north burials beneath barrow, which increase in size the further they are from the pit burials. Paleodemographic study shows that, in relation to a expected mortality 12 E. CRUBÉZY ETAL— MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN patterns in traditional societies, there is a marked absence of children between 0 and 2 years, with either over-representation of subjects aged between 10 and 20 or a deficit of adults. It is evident that while the Meroitic cemetery may be that of a village community, this is not the case of that of the Ballanean group, which had a highly specific sampling. In this stretch of the Nile valley, 63 km long, the tombs of the Ballanean group, several thousand in number, well individualised, easily distinguished and counted, may represent the number of deaths (children between 0 and 1 year excepted) which occurred in this sector over this period. After correction for children who died in infancy and were not buried under barrows and after some adjustments concerning chronology, we were able to calculate the population density per kilometre of n verbank in this part of the valley and found it around 20. Since for the Meroitic group, 1 1 villages' cemeteries have been identified in this part of the valley, we were able to compare the demography of the population between the two periods. In fact, evolution appeared to be steady without any major demographic upheaval. The subjects of the Christian group are of more heterogeneous origin. However, a large number appear to be part of a mass burial and others were buried around the Ballanean big barrows. In the skulls of 349 individuals (164 Meroitic, 57 of the late Meroitic group, 50 Ballanean, 78 Christians), we studied 14 hypostotics discrete traits, 8 hyperostotics, 10 suturai and/or fontanelle ossicles, 9 foramina and 2 traits which are on the borderline between normal and pathological. We attempted to define the aetiology of each discrete trait. In each group, for the whole sample, for each sex and for the adults divided in two categories (young and old), we calculated the frequency, symmetry and asymmetry of the discrete traits and their associations. Hypostotic traits like several suturai and fontanelle ossicles and foramina, are the persistence of foetal or immature states, so this category could be replaced by paedomorphosis. Hyperostotic traits show high concentrations in the necropolis. They originate from cartilagineous forms produced early in the embryo. This could be related to special distribution of cartilagineous cells or to the replacement of one cellular clone by another. Their genetic determinism, according to the homeobox system, has been considered. In each group, but in particular in the Meroitic group, where this was easiest, we looked for groupings of discrete traits according to tomb or according to sector. We used, (i) a descriptive method (planar projections), (n) spatial autocorrelations, (in) the Chessel empty-box test, (iv) simulations. These showed that within the burial ground the grouping of individuals according to tomb and zone was not random. We selected 19 cranial discrete traits, which were unrelated to each other and to age or sex, and we carried out multivanate analysis in each group. We thus compared the results of hierarchical classification with factorial analysis of the distance table -FADT- (Chi-2 according to Benzecn or 'French analysis') and the location of individuals in the burial ground In each group two major clusters were revealed by multivanate analysis and we used stepwise logistic regression to determine whether the difference between clusters were statistically significant and on which characteristics they were based. In the Meroitic group, we also gave at each individual his value on the Fl and F2 axes of the factorial analysis of the distance table and clines were calculated by linear interpolation software (UNIRAS). For the Meroitic group, the first map (F1/F2) of factorial analysis of the distance table can be placed on parallel with the plan of the cemetery. This was more marked for men than for women. In these cases, the biological distance between subjects is thus a function of topography suggesting a family-based organisation, or even on the scale of the necropolis, of variations in frequency or in association of discrete traits which can be considered as revealing micro-evolutionary factors. SUMMARY 13 We then studied the entire sample (349 skulls) and defined each subject according for the 19 cranial discrete traits we had selected. We looked for outliers using the factorial analysis of the distance table and stepwise logistic regression. Factorial analysis of the distance table revealed 5 1 outliers, among whom there were 5 Meroitic individuals who were outsiders to the burial ground and who originated from other cemeteries in this part of the valley. In the Meroitic group, there were 9,45 % of outliers, who were distributed over the burial ground with the exception of the oldest burials ("V zone"). Simulation and comparison with known populations showed that this percentage could correspond to the minimum migratory flow usually existing in a community of 100 to 150 persons. This would account for the fact, that apart from these outliers, the Meroitic group seems very homogeneous. In the Ballanean group there were 30,6 % of outliers. This is an increase in relation to the Meroitic period and indicates (i) either a change in the organization in the cemetery (individuals from various community may have been buried in the cemetery) (ii) or an increase in the exchange of spouse between communities during the Ballanean period. Variations in the frequency of agenesis of M3, which are also observed far beyond this stretch of the Nile and various differences in skull measurements are in favour of the (ii) hypothesis. However, it is not impossible that Ballanean and Christians from other communities may have been buried around the big Éallanean barrow, whose occupants seem to have already embraced the Christian religion. This hypothesis is supported by the fact that eight of mne Christian outliers were buried m the Ballanean cemetery. Differences in frequencies of cranial discrete traits between the four groups were studied using the MMD. The Meroitic and post-Meroitic periods were clearly differentiated, but this separation is mainly due to certain individuals who show a close resemblance to each other and who were the first to be buried in the Meroitic group (coming from the oldest burials, the "V zone"). This may be due to the initial composition of the community of Missiminia, which may be the result of fusion between two groups. Lastly, these results were compared with the archaeological and historical documents. It seems that, rather than changes in populations or invasions, the post-Meroitic period saw above all changes in the organization of burial ground and perhaps greater mobility of individuals between villages. Moreover, a number of subjects who were considered as later than this period because they were buried according to Christian ritual were certainly individuals of Ballanean culture who were early adepts of the religion which was to become dominant a few decades later. These cultural changes gave rise to modifications in the samples of subjects from the cemeteries, and for over one hundred years the led researchers to believe that a population of unknown origin (X group) had taken the place of the Meroitic population. Key words : anthropobiology, statistics, paleodemography, osteoarchaelogy, Meroitic. -I.— INTRODUCTION, HISTORIQUE L'étude de l'évolution et de l'histoire du peuplement est l'un des axes de recherche privilégiés de l'anthropologie des populations du passé. Jusque dans les années 70, il s'agissait même de la préoccupation majeure des anthropologues. Par la suite, il est apparu que l'anthropologie pouvait permettre un regard tout à fait nouveau, d'une part sur les pratiques funéraires, le recrutement et l'organisation des ensembles sépulcraux, autrement dit le monde des morts, et d'autre part sur la restitution des populations du passé, sur les structures démographiques, sur Г epidemiologie, etc., autrement dit, sur le monde des vivants. L'étude du monde des morts et celle du monde des vivants ont connu un extraordinaire essor durant ces 20 dernières années. Les travaux qui ont été menés dans ces domaines ont presque tous mis en évidence les facteurs de biais culturels ou naturels qui ont intéressé le recrutement des ensembles funéraires. De ce fait, les échantillons de squelettes qui en proviennent ne peuvent plus être considérés ipsofacto comme résultant d'un tirage aléatoire au sein de la population générale. Si cette constatation est riche d'enseignements pour l'approche paléoethnologique des nécropoles et des sépultures collectives, elle est cruciale pour l'étude de l'histoire du peuplement. Quel est en effet, l'anthropologue du vivant, le statisticien, l'épidémiologiste, le biologiste qui entreprendrait une étude sur la base d'échantillons dont il ne saurait pas s'ils sont représentatifs des populations étudiées? Cette constatation, plus ou moins formulée, a été à l'origine d'une diminution des travaux dans le domaine de l'histoire du peuplement. Dans le même temps, la génétique des populations, en se basant, non pas sur les individus mais sur leurs gènes et en ayant recours à une attitude probabiliste (Jacquard, 1973), a considérablement fait évoluer l'étude des transformations du patrimoine biologique. Pour certains anthropologues, l'étude des gènes d'une population contemporaine permettrait de mieux connaître son histoire biologique et son évolution que celle de l'étude des restes osseux de ses ascendants. En fait, cette opinion est à nuancer, car si les gènes sont bien le reflet de l'histoire biologique de la population et si leur distribution et leur fréquence sont fonctions des événements biologiques qui l'ont intéressée, sans étude des restes osseux, l'ancrage dans le temps de ces événements est impossible. Dans le même temps, les champs de recherche des différentes disciplines portant sur le passé ont été précisés. L'histoire porte essentiellement sur des événements, l'archéologie sur des faits et l'anthropologie sur des données biologiques. Dès lors, le passage d'une discipline à l'autre n'est pas aisé puisque ces 3 types de témoignages peuvent avoir des interactions très différentes. Par exemple, les mouvements de populations signalés par les historiens peuvent n'avoir eu aucune répercussion sur le mobilier archéologique ou les pratiques funéraires et avoir modifié peu ou prou la population. Ces 3 disciplines couvrant 16 E. CRUBÉZY ETAL — MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN des champs différents ne peuvent donc pas servir à se conforter l'une l'autre, sous peine d'appliquer des schémas trop simples. En fait, leur confrontation doit déboucher sur l'élaboration de nouvelles conceptions et de nouvelles hypothèses, en termes d'interactions socio-biologiques dans une perspective historique. Toute étude du peuplement est donc, à un moment ou un autre, tributaire de l'étude des restes osseux. Toutefois, lors de l'étude de ces restes, une méthodologie stricte doit être employée. Elle doit être de l'ordre du biologique. La définition des différents échantillons doit être précisée. Il faut essayer de savoir si les sujets étudiés peuvent être assimilés à un tirage aléatoire au sein d'une population naturelle, ou au contraire, si leur recrutement présente par rapport à une telle population un ou plusieurs facteurs de biais. Ceux-ci pourront le cas échéant être corrigés, mais il faudra en tenir compte lors de l'interprétation. Il faut aussi étudier l'organisation des ensembles funéraires sur des bases biologiques, afin de préciser d'éventuels biais de recrutement des sépultures, des zones de cimetières, etc. Une fois les facteurs de biais du recrutement de chaque échantillon plus ou moins bien cernés, leur comparaison s'impose. Il faut tout d'abord définir des caractères, continus ou discontinus, sur lesquels baser l'analyse puis classer ces échantillons les uns par rapport aux autres (statistiques descriptives). Ensuite il faut vérifier, en ayant recours à une attitude probabiliste par le biais de statistiques décisionnelles, la valeur de ce classement. L'information fournie par les moyennes, les médianes ou les fréquences est différente de celle fournie par l'analyse multivariée des données individuelles. C'est leur confrontation qui est riche d'enseignements. Une fois les comparaisons effectuées, l'anthropologue va se trouver face à des faits biologiques qu'il devra analyser en termes d'histoire du peuplement, c'est-à-dire de façon dynamique. Passer de faits statiques à des événements dynamiques implique soit une modélisation, soit la comparaison à des modèles Ceux-ci devront, évidemment, relever du domaine biologique. Une fois les données et les classements interprétés en termes d'événements biologiques, une confrontation à l'histoire s'impose. Afin d'essayer d'illustrer ce difficile passage entre monde des morts et histoire du peuplement il fallait plusieurs groupes qui devaient être définis le plus finement possible. Par ailleurs, il fallait définir des caractères à partir desquels nous pourrions effectuer nos analyses. Le choix porta sur les populations nubiennes et les caractères discrets. En effet, ces dernières sont parmi les mieux connues au monde (Adams, 1967), et les caractères discrets, caractères codés comme présent ou absent, sont les caractères osseux qui permettent actuellement de saisir le mieux l'organisation des ensembles sépulcraux (Crubézy et Sellier, 1990 ; Crubézy, 1991). I. — INTRODUCTION, HISTORIQUE 17 1. — CONTEXTE HISTORIQUE Du VIIIe siècle av. J.-C. au IIP siècle après J.-C, la Haute-Nubie et ce qui correspond aujourd'hui à la partie centrale du Soudan, semblent avoir connu une très grande stabilité culturelle et politique. L'ensemble formait un vaste royaume, qui sous une parure égyptienne, n'en avait pas moins un aspect « négro » africain. Sa capitale devint au IVe siècle av. J.-C, Méroé, non loin de la IVe cataracte, d'où le nom de culture méroïtique. Durant la même période, la Basse-Nubie, certainement en raison de données climatiques était dépeuplée. Elle fut réoccupée, (ou elle connut un « boom démographique » ?), entre le Ier et le IIP siècle après J.-C. (Carlson et Van Gerven, 1979). Il est probable que cette réoccupation et/ou cette croissance, allèrent de pair avec le développement ou l'introduction, à partir de l'Egypte, du saquié, machine hydraulique actionnée par des animaux, qui marquait une innovation technique considérable, et qui permettait la mise en culture de nouvelles terres. Aux alentours de 350 après J.-C, des changements culturels sont perceptibles. Les inscriptions en méroïtique disparaissent, les pratiques funéraires changent, et la poterie, tout en restant fidèle à sa tradition millénaire, prend des caractéristiques nouvelles. En Basse-Nubie, malgré un texte de Procopius relatant des troubles frontaliers avec l'Egypte romaine sous le règne de Dioclétien, il ne semble pas qu'il y ait eu une réelle discontinuité culturelle. Les changements auraient surtout été politiques, avec un fractionnement du pouvoir, et une plus grande autonomie villageoise ou régionale (Adams, 1967). La fouille du site de Ballana, à quelques kilomètres au sud d'Abou Simbel, ayant livré de riches tumulus, cette culture est désormais appelée ballanéenne. Plus au sud, les interprétations successives se sont pendant très longtemps calquées sur celles du nord. Actuellement de véritables problématiques régionales ont été développées, notamment pour toute la zone au sud de Méroé et de la quatrième cataracte. Ainsi, Geus et Lenoble (1984), puis Lenoble (1987) ont montré, pour le site de El Kadada, qu'au cours du quatrième siècle, ce qui change, ce n'est pas tant la modification de la fabrication de la céramique, graduelle, et la généralisation — ou la réapparition ? — de la superstructure tumulaire, mais le contact régulier avec la Méditerranée. De tels changements ont été attribués, au début de ce siècle (Reisner, 1910), à des mouvements de populations d'origine inconnue (groupe X ou ballanéen), dans lesquels les chercheurs ont tour à tour reconnu les voisins des Méroïtiques, Axoumites du sud, nomades Blemmyes de l'est ou Noubas de l'ouest. Actuellement, la «fin de Méroé» ne se conçoit plus comme un événement, mais comme une période d'évolution culturelle résultant de la scission d'un empire unique. Celle-ci aurait finalement débouché sur les trois royaumes chrétiens connus au VIe siècle après J.-C (Lenoble, 1994). La christianisation de la Nubie, marque, classiquement, la fin du Ballanéen. Elle est particulièrement visible lors de la fouille des cimetières et de celle des lieux de culte. Toutefois, il est probable qu'en dehors de l'aspect religieux, il y a eu une continuité culturelle et politique du groupe ballanéen au groupe chrétien. Cette christianisation est 18 E. CRUBÉZY ETAL— MICROÉVOLUTION D' UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN l'objet de vives controverses (Adams, 1977 ; Michalowski 1987) qui semblent dues à l'interprétation des documents historiques et archéologiques, ainsi que des confusions entre les données religieuses et d'autres données culturelles. Pour Jean d'Ephèse, la BasseNubie se serait convertie en 543 au christianisme de rite monophysite, mais il semble (Michalowski, 1987) qu'il y ait des traces antérieures de monastères et d'ermitages. En ce qui concerne la Haute-Nubie, elle aurait été convertie par une mission de l'empereur Justin II en 567/570 au rite orthodoxe melchite et la période chrétienne se serait poursuivie jusqu'au XIVe siècle. 2. — CONTEXTE ANTHROPOLOGIQUE Les populations nubiennes d'époque historique sont bien connues, car en raison des différents programmes de barrages sur le Nil, à hauteur d'Assouan, cette région a fait l'objet depuis la fin du siècle dernier de dizaines d'expéditions archéologiques (Carlson et Van Gerven, 1979). L'histoire culturelle de la Nubie pour les cinq derniers millénaires serait actuellement l'une des mieux connue de par le monde (Adams, 1967). Les études anthropologiques ont été très nombreuses depuis le First Archeological Survey of Nubia (1907-1911). Dès 1925 et 1945 plusieurs essais de synthèse furent réalisés sur les populations égyptiennes (Morant, 1925) et nubiennes (Batrawi, 1945). Par la suite, la campagne internationale pour la sauvegarde des monuments nubiens, organisée par l'UNESCO entre 1960 et 1970, entraîna la fouille de nombreux sites, et permit la confrontation sur le terrain de nombreuses équipes à un moment où de nouvelles conceptions, intéressant aussi bien l'archéologie que l'anthropologie, étaient en pleine discussion. Les Nord-américains, malgré une argumentation parfois assez peu convainc ante, ne voulaient en aucun cas admettre d'immigrations dans la vallée du Nil à quelque époque que ce soit (Van Gerven, Carlson et Armelagos, 1973). Les européens interprétaient les variations des données métriques comme autant de signes de flux et de reflux des populations négroïdes (Strouhal 1971, 1973 ; Billy 1975, 1981). Cependant, grâce à une meilleure diffusion de l'information et des différents arguments de chacun, des positions moins radicales furent adoptées. D. Van Gerven, en 1982, reconsidérait la question de l'immigration dans le Batn el Hajar à la période chrétienne en employant le terme gene flow et en précisant « without returning to outmodel of racial typologies». Billy montrait pour sa part (1986) que le «fond du peuplement nubien témoignait d'une grande stabilité de la phase dynastique à la phase Méroïtique». En revanche, du début de la phase culturelle Méroïtique (VIIIe siècle av. J.-C.) à la fin de l'époque chrétienne (début du XIVe siècle après J.-C.) de nombreux problèmes sont en suspens ; notamment celui de l'origine du ballanéen. Les changements culturels entre le Méroïtique et le Post-Méroïtique ont pendant longtemps été présentés comme résultant de mouvements de populations d'origine inconnue (groupe X). Celles-ci étaient soupçonnées, tant à partir ď analyses typologiques classiques (Smith et Wood- Jones, 1910), I. — INTRODUCTION, HISTORIQUE 19 que de comparaisons métriques basées sur des tests d'analyses unies ou multivariées (Batrawi, 1935 ; Knip, 1970 ; Strouhal, 1971 ; Billy, 1975, 1981) ou que sur les variations de fréquences de caractères discrets crâniens (Vagn Nielsen, 1970). Pour la période ballanéenne, une autre thèse, celle de la continuité biologique (Carlson et Van Gerven, 1979) s'appuie sur certaines données archéologiques (Adams, 1967, 1977), sur des études de caractères discrets dentaires (Greene, 1966, 1972) qui ne mettent pas en évidence de différences entre populations, ainsi que sur l'interprétation de données paléoépidémiologiques (Rudney et Greene, 1982). Par la suite, les partisans des mouvements de populations ont revu leurs appréciations antérieures (Strouhal, 1982a; Billy, 1986), et ils interprétèrent les variations morphologiques intéressant les populations post-méroïtiques, principalement celles du ballanéen, comme une « négroïtisation » ayant débuté en certains points dès le Méroïtique tardif (Billy, 1986). «Il ne s'agirait donc pas uniquement d'une vague d'immigration de populations négroïdes venues du Sud, mais plutôt d'un processus d'adaptation surplace des populations anciennes » (Billy, 1986). Cette évolution dans l'interprétation des données métriques traduit plus une évolution des hypothèses de travail qu'une évolution due à un changement des données ou de leur mode de traitement. Par ailleurs, ce changement d'interprétation ne règle en aucun cas le problème. En effet, les phénomènes bio-culturels capables de provoquer brusquement une « négroïtisation » de populations, présentant depuis des siècles une grande stabilité morphologique ne sont pas abordés et le doute de l'immigration plane toujours («Une s'agirait donc pas uniquement d'une vague d'immi gration ...» cf. supra). Malgré l'assurance de nombreux auteurs nord-américains, la thèse de la continuité biologique est très mal établie. Les démonstrations s' appuyant sur des données métriques sont rares (Carlson et Van Gerven, 1977), et aucune ne s'intéresse spécifiquement au problème de la transition Méroïtique/Post-Méroïtique. L'évolution est étudiée sur la longue durée et différents modèles sont proposés (Greene et Armelagos, 1972 ; Carlson et Van Gerven, 1977). Les différences morphologiques mises en évidence entre les sujets méroïtiques et ceux des groupes postérieurs (Carlson, 1976, p. 482) semblent difficilement explicables par ces modèles (changements brusques alors que les démonstrations sont basées sur la longue période), et ne sont pas prises en compte lors des conclusions. Ceci est d'autant plus regrettable que certaines de ces différences morphologiques sont précisément celles signalées par Batrawi (1946) à partir du « coefficient de ressemblance raciale » de l'école biométrique anglaise, ce qui permet à Strouhal (1981) de défendre lui aussi l'hypothèse d'une évolution surplace associée à des invasions de petits groupes. De plus, pour certaines communautés chrétiennes, l'hypothèse d'un gene flow a finalement été envisagée par les tenants de la continuité biologique (Van Gerven, 1982). En conclusion, le débat sur l'origine des populations post-Méroïtiques en Nubie reste actuellement ouvert. Aux environs de 350 après J.-C. des changements culturels affectent cette région et ils s'accompagnent de variations morphologiques. Ces dernières ne semblent en aucun cas s'apparenter au remplacement d'un groupe humain par un autre et encore moins au flux ou au reflux de populations « négroïdes » ou « caucasoïdes ». Cette variation 20 E. CRUBÉZY ETAL— MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN brusque n'a pour l'instant reçu aucune explication satisfaisante. Les chercheurs s'ils ne l'ont pas ignorée ou niée, l'ont inclus dans des schémas préétablis. Dans ce contexte, les caractères discrets ont été souvent évoqués mais les études en question sont excessivement rares et déjà bien anciennes. Alors qu'une étude fine de la variabilité s'imposait, elles ont été basées essentiellement sur les fréquences et les moyennes et il n'y a pas eu d'approche de la variabilité individuelle ni d'analyse des échantillons. Pour étudier finement le problème de la transition méroïtique/post-méroïtique, il fallait une population nombreuse, provenant d'un même site, dont les restes soient bien conservés et dont les études archéologiques et ostéométriques aient déjà été réalisées. La nécropole de Missiminia, située dans le bief Dal-Nilwatti, répondait à l'ensemble de ces critères grâce aux travaux de Monsieur Vila (1975 à 1985) et de Madame Billy (1986). — п.— LA NECROPOLE DE MISSIMINIA 1. — SITUATION La nécropole est située (Figure 1) dans la partie la plus septentrionale de ce que archéologues et historiens appellent la Haute-Nubie (Adams, 1977; Crubézy, 1991 ; Edwards, 1989). Celle-ci commence au sud de la cataracte de Dal et s'étend vers le sud sur plus de huit cents kilomètres. Elle est beaucoup moins connue archéologiquement que la Basse-Nubie. La nécropole a été fouillée, par une équipe franco-soudanaise (Vila, 1980), sous la direction de Vila, durant trois campagnes de 1972 à 1975. Elle a fait l'objet de trois monographies archéologiques (Vila, 1980, 1982, 1984) précédées de onze volumes (Vila, 1975 à 1980) livrant les acquis de la prospection de la vallée du Nil au sud de la cataracte de Dal, sur plus de soixante kilomètres de bief. La nécropole de Missiminia est située à environ 700 mètres au sud du Souk d'Abri. Elle mesure 950 m de long sur 100 m de large, et malgré la concentration de 1600 tombes sur une surface réduite et uniforme, aucune difficulté n'a été rencontrée par les archéologues (Vila, 1985) pour différencier sur le terrain les quatre grands horizons culturels : Napatéen, Méroïtique, Ballanéen et Chrétien. Les sépultures napatéennes ont été mises en place, sur un espace vierge, entre le IXe et le VIe siècle av. J.-C mais les squelettes étaient trop mal conservés pour pouvoir être étudiés. Dans la présente étude, deux grandes périodes ont été étudiées, la Méroïtique et la post-Méroïtique. Dans la première, nous distinguerons le groupe méroïtique et le groupe méroïtique tardif, dans la seconde, le groupe ballanéen et le groupe chrétien. Pour la première période, certains sites d'inhumations (Figure 2) semblent s'être déplacés, notamment dans les districts d'Abri et ď Amara Est, ce qui est peut-être à mettre en relation avec des déplacements de l'habitat (Vila, 1985). Toutefois, même lorsqu'il s'est déplacé, il est toujours resté assez proche de l'ancien. De ce fait, les zones signalées sur la carte par plusieurs triangles proches, ne comportent pas (comme dans le district d'Abri dont dépend Missiminia) plusieurs cimetières contemporains, mais des cimetières attribuables à différentes phases chronologiques au sein de la période méroïtique. 1 1 zones ď inhumations peuvent être définies (Crubézy, 1991) dans le bief. D'après leur distribution tous les 2,5 km à 8 km, elles pourraient correspondre à des cimetières de village, ce que les données démographiques {cf. infra) ne démentent pas pour Missiminia. La distribution des E. CRUBÉZY ETAL— MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN 22 cimetières ballanéens (Figure 3) est bien différente de celle des méroïtiques. Certains comportent des grands tumulus, qui devaient être ceux de personnages qui devaient avoir une certaine prééminence sociale, et ils peuvent être considérés comme de véritables sites centraux (Crubézy, 1991). Ainsi, pour le bief Dal-Nilwatti, deux sites centraux, correspondant chaque fois à l'asso ciation de deux cimetières (complé mentaires ?) peuvent être définis, celui de Eri/Mindiq (en 3-P-l) sur la rive droite du Nil, dans le district de Kosha Est, avec plus de deux cents tumulus dont un de trente-cinq mètres de dia mètre et celui de Missiminia, sur la même rive, avec de nombreuses tombes et quelques tumulus de plus de dix-sept mètres de diamètre. Au premier est associé, sur la rive gauche (en 3-P-12), Abri le cimetière de Nedjin avec plus de quatre cents tumulus de plus faible Nécropole de MISSIMINIA importance et au second, le cimetière de Serrana, formé de plus de deux cents tombes, dont quinze avec des super structures tumulaires atteignant jusqu'à vingt cinq mètres de diamètre. Les autres cimetières, de plus faible import ance, sont dans le prolongement de ces sites, et le seul espace inoccupé se trouve à la limite des districts ď Annab et de Ginis où il y a une frontière natu relle représentée à l'ouest par l'extréDoneolal m^ méridionale du Djebel Amanag, important massif granitique qui se prolonge jusqu'à la cataracte de Dal. N 50 km Figure 1. — Situation de la nécropole de Missiminia dans la vallée du Nil (d'après Vila, 1979). — Location of the burial ground of Missiminia in the Nile Valley (from Vila, 1979). П. — LA NECROPOLE DE MISSIMMA 23 30*30' 11*0 + N Oueds et kbors Zones rocheuses, djebels Terrasses Limites de district Ile d'arnyatta ♦ + ÀttamL 'ginise A'j 5 km Figure 2. — Cimetières méroitiques du bief Dal-Nilwatti (d'après Vila, 1979, p 38). — Meroitic cemeteries of the Dal-Nilwatti stech of the Nile (from Vila, 1979, p 38). E. CRUBÉZY ETAL— MICROÉVOLUTION D* UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN 24 N 21»» + Oueds et kfaors Zones rocheuses, djebels Terrasses Limites de district ...inhumation BLANC Groupe-X/ Chrétien ...inhumation Cl mm W *w ■ C2 C3 C4 CS 5 km Figure 3. — Cimetières ballanéens et ballanéens/chrétiens du bief Dal-Nilwatti (d'après Vila, 1979, p. 40). Les symboles sont fonction du nombre de tombes par site (Cl important, C5 faible). — Ballanean and Ballanean/Christian cemeteries of the Dal-Nilwatti stech of the Nile (from Vila, 1979, p. 38). The symbols are correlated to the number of graves in each site (Cl numerous, C5 small) П. — LA NECROPOLE DE MISSIMINIA 25 2. — PHASES D'UTILISATION DE LA NÉCROPOLE 2.1. — La période méroïtique (1) Au second siècle après J.-C, les Méroïtiques établirent leurs sépultures (Figure 4) non loin de la lisière méridionale du cimetière napatéen. La destruction d'une partie du site, lors de la construction d'une école (dont les limites apparaissent sur la gauche du plan), empêche d'avoir une vision de la totalité de ce cimetière. Toutefois, il semble (Vila, 1982, p. 6) que les plus anciennes sépultures méroïtiques soient celles formant des rangées plus ou moins parallèles au Nil. Une observation plus fine du plan de la nécropole, montre que les deux rangées les plus denses, dans les travées 42 et 43, convergent vers le carré T43, qui pourrait correspondre au noyau d'origine du cimetière méroïtique. Cette zone (travées 42 et 43) sera appelée la zone du V. À partir de cette zone, le cimetière s'est alors étendu, de façon plus dispersée, dans un premier temps vers le nord, puis dans un second vers le sud. Dans cette période Vila (1982,1985) a distingué plusieurs phases dont nous avons rassemblé les sujets en deux groupes, méroïtique et méroïtique tardif. 2.1.1. — Le groupe méroïtique <2> D'après les comparaisons du rare mobilier originel conservé — tout ayant été pilléavec celui d'autres cimetières (Vila, 1982, p. 186 ; Vila, 1985, p. 149) — il semble que la période d'inhumation ait duré environ deux cents ans, et qu'elle ait intéressé principalement le IIIe et le IVe siècle après J.-C. 2.1.2. — Le groupe méroïtique tardif Dans ce groupe sont rassemblés les sujets provenant de deux phases isolées par Vila. Toutefois, comme ils n'ont pas pu toujours être correctement distingués sur le terrain (Vila, 1982, page 186), ils ont été regroupés lors des études anthropologiques. Ils forment un ensemble de 1 72 sujets, dont 1 35 ont été mis au jour et 37 sont le résultat ď extrapolations (Vila, 1985, p. 149-151). Dans ce groupe « les deux sexes et toutes les classes d'âge ont été retrouvés» (Vila, 1985, p. 149). Si leur position en chronologie relative entre les groupes méroïtique et ballanéen ne pose pas de problème, leur datation absolue est beaucoup plus vague. Les phases définies par Vila semblent avoir été relativement courtes, et il n'est pas possible de préciser le recrutement de la nécropole ni de l'échantillon pris en compte pour ce groupe. 1. ou Méroïtique (Billy, 1986) ou Phase 3 de Vila. 2 Les phases 4 et 5 ou «Phases post-méroitiques » (Vila, 1986) ou «méroïtiques tardifs» (Billy, 1986) Les sujets des phases 4 et S ont « réoccupé» les sépultures du groupe méroïtique soit — pour les sujets de la phase 4, dits « sujets à anneaux » — en évacuant les corps précédents (Vila, 1982, p 181), soit — pour les sujets de la phase 5 — en déposant les corps dans des cistes situés en partie dans le puits et en partie dans la chambre des sépultures du groupe méroïtique Les sujets inhumés en cistes ont été les derniers à être inhumés dans ces sépultures, où ils n'ont pas bouleversé les inhumations précédentes (Vila, 1982, p. 180). 26 E. CRUBÉZY ET AL — MICROÉVOLUTION D' UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN Le cimetière méroïtique (d'après A. VILA, 1982) Zone du V Figure 4. — Plan du cimetière méroi tique avec le numéro des tombes. L'axe principal des tombes est orienté perpendiculairement au fleuve. Leur infrastructure, est conforme aux trois types classiques (Vila 1985 p. 149) : fosse simple, puits avec chambre latérale, puits avec une chambre axiale de loin le plus fréquent (78,8 %). D'après les rares éléments ayant échappés au pillage et aux réemplois, les sujets avec leur parure étaient inhumés en décubitus dorsal avec la tête à l'ouest dans des cercueils. Du mobilier céramique était déposé dans la tombe. Les descentes ou les escaliers d'accès aux П. — LA NECROPOLE DE MISSIMINIA 27 2.2. — La période post-méroïtique 2.2.1. — Le groupe ballanéen ou groupe X(3) Le groupe ballanéen n'a fait que poursuivre pour la construction des tombes (Figure 5) un mouvement n écharpe amorcé par ses prédécesseurs. En effet, la zone qui lui correspond commence à l'ouest de l'école actuelle, et elle se poursuit vers le nord par une zone présentant une forte densité d'inhumations (travées 34 à 40) à laquelle fait suite un espace plus ouvert où il y a des tumulus. Les tombes se placent dans la continuité des sépultures méroïtiques, et il ne doit pas y avoir eu de hiatus chronologique dans l'occupation du cimetière entre ces deux périodes. L'identité de l'orientation (axe N-S) et des types de structures, l'équipement du mort et le mobilier seraient selon Vila (1984) la preuve d'une durée d'utilisation assez courte. D'après les superstructures, l'orientation et le type des tombes, les éléments de mobilier et l'orientation et la position des sujets, il semble que ce soit au plein de la phase ballanéenne soit une centaine d'année entre le Ve et le VIe siècle après J.-C, que pourraient être placées les 247 tombes qui ont été fouillées (Vila, 1984, p. 181) et qui ont livré (Vila, 1984, p. 179) 255 sujets. Elles correspondent à des sépultures individuelles ou exceptionnellement doubles pour lesquelles il n'a pu être précisé si le dépôt des corps s'était effectué en un ou deux temps. À ce chiffre il convient d'ajouter une estimation puis une extrapolation de cent sépultures (Vila, 1982, p. 6) plus la probabilité Suite légende figure 4 sépultures — rebouchés après chaque inhumation — ainsi que les chambres relativement vastes permettaient des inhumations successives et espacées dans le temps. Les deux rangées les plus denses, dans les travées 42 et 43, convergent vers le carré T43, qui pourrait correspondre au « noyau d'origine » du cimetière méroitique. Cette zone (travées 42 et 43) sera appelée la zone du V. À partir de cette zone, le cimetière s'est alors étendu, de façon plus dispersée, dans un premier temps vers le nord, puis dans un second vers le sud. — Plan of the Meroitic cemetery with the numérotation of the graves. The main axis of the tombs is perpendicular to the river. Their infrastructure conforms to the three classical types (Vila 1985, p. 149): a single pit, a pit with a lateral chamber, and a pit with an axial chamber, which is by far the most frequent (78.8%). Judging by thefew graves, which escaped looting or subsequent re-use, the individuals with their ornaments were buried in coffins, supine with the head to the west. Ceramic grave goods were laid in the tomb. The steps or stairways leading into the tombs, which were filled in after each burial, and the relatively spacious chambers, allowed successive burials over a period of time. The two most densely populated rows, in blocks 42 and 43, converge towards square T 43, which could be the original nucleus of the Meroitic cemetery. This zone (blocks 42 and 43) will be called the V 'zone. Starting from this zone, the burial ground extended in a more scattered manner first towards the north and then towards the south. 3. La nécropole est située dans la partie la plus septentrionale de la Haute-Nubie et Vila (1984, p 6) assimile le début de la période post-méroitique à la culture ballanéenne En fait, cette appellation ne peut être acceptée que dans le sens, où le mobilier et les pratiques funéraires sont parfaitement semblables à ceux des cimetières plus septentrionaux de part et d'autre de la Seconde Cataracte (Vila, 1984, p. 181). 28 E. CRUBÉZY ETAL— MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN Figure 5. — Plan du cimetière ballanéen. — Plan of the Ballanean cemetery. T + + ! [ [ ?&rô\'X ! + + +*••:•■£'.:.V .. t. *»V,**,V *•'«••*•' + H; nVU +/ de disparition complète d'une cinquant aine d'autres (Vila, 1984, p. 181) ce qui porte à environ 400 le nombre total d'inhumés. Toutefois, la position légèr ement excentrée des tumulus et des sépultures qui les entourent, pose le problème de l'organisation initiale du cimetière. Il pourrait s'être développé en deux zones : celle du sud avec des sépultures individuelles rapprochées sans superstructure où le sujet avec la tête au sud et les membres inférieurs fléchis est sur le côté droit ou gauche ; et celle au nord avec tumulus. Dans cette dernière, les plus grands tumulus sont au nord, et les plus petits au sud, ce qui donne à l'ensemble un aspect très struc turé. Quatorze des tumulus les plus riches, de 10 à 17 mètres de diamètre, constitués de terre rapportée, et parfois doublés d'un fossé, ont des tombes à puits et à chambre axiale. Lorsque ces tombes n'avaient pas été pillées, le sujet qu'elles contenaient avait été inhumé sur le dos et non sur le côté. De plus, c'est dans certaines de ces tombes qu'ont été mises au jour deux jarres et une amphore où figurent des croix potencées peintes en noir. De telles données, concernant les tumulus se retrouvent dans de П. — LA NECROPOLE DE MISSIM1NIA 29 nombreux sites du monde ballanéen, et les interprétations proposées varient beaucoup. Le grand nombre de poteries associé au mort pourrait aussi bien être le résultat d'une oblation dévouée à l'inhumé que des ustensiles ayant servi à un banquet funéraire. De même, le dépôt sur le dos peut être considéré comme une percée de la foi chrétienne en milieu ballanéen ou comme la persistance d'un allongement osirien. Quoi qu'il en soit, ces caractères ne sont toujours retrouvés que pour une partie très restreinte des inhumations et il y a une liaison entre le diamètre du tumulus et le nombre d'objets associés au défunt. Sans que les termes de clan dominant ou d'aristocratie puissent être retenus, il semble que les sujets inhumés sous ces tumulus avaient, sinon un pouvoir, du moins une certaine prééminence sociale. 2.2.2. — Le groupe chrétien Le domaine funéraire chrétien recouvre tous les précédents ce qui donne l'impression d'un dispositif hasardeux, sauf au nord et au nord-ouest de la nécropole où les sépultures se déploient à partir d'une zone de sépultures ballanéennes. En revanche, la transformation des pratiques funéraires est radicale, qu'il s'agisse de l'orientation qui devient est-ouest, du dépôt sur le dos et de l'absence de tout mobilier funéraire. Selon Vila (1985, p. 154), les premières sépultures chrétiennes (4), au contact des sépultures ballanéennes, peuvent être datées du « début même du Chrétien ancien (au cours du Vif siècle) ». En fait, certaines superstructures chrétiennes ne font que reproduire celles de la période précédente. D' après les travaux de K. Michalowski (1987), et d'après la situation de ces sépultures, au contact des tombes ballanéennes, une datation antérieure d'un siècle (VIe) est plus vraisemblable. En ce qui concerne la présente étude, les sujets pris en compte proviennent, de la partie supérieure de quelques sépultures ballanéenne, de tombes qui forment des petits ensembles dans le cimetière méroïtique, de sujets provenant d'une immense sépulture napatéenne (2V6 46) réutilisée, certainement après l'évacuation des premiers restes. Cette dernière a livré les ossements superposés et en partie dispersés par les pillards (?) de 58 sujets (5). Le recrutement de cet ensemble 2V6- 46 est inconnu, mais il pourrait s'agir d'une sépulture multiple ou collective contenant des sujets sélectionnés en fonction de critères familiaux ou sociaux, à moins qu'il ne s'agisse d'une sépulture de catastrophe. Pour notre part nous la reprendrons sous le terme de sépulture de groupe (6). Selon Vila (1984), l'ignorance du nombre total de sépultures, ainsi que la dispersion des inhumations sur un très long espace de temps, interdisent toute approche démographique de la population chrétienne. 4. Phase 7 de Vila (1985). 5. Dénombrement effectué à partir des crânes. 6. Bien qu'il n'y ait pas de plan de répartition des ossements, il semble que les numéros d'enregistrement aient été attribués en fonction de la proximité des crânes. 30 E. CRUBÉZY ETAL— MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN 3. — LES SUJETS, RECRUTEMENT ET DÉMOGRAPHIE L'ensemble étudié, malgré un effectif important, ne reflète qu'imparfaitement la population exhumée et les observations réalisées sur le terrain. En effet, seules ont été prélevées les têtes osseuses intactes. Ainsi, s'explique la disparité existant entre le nombre de sujets mis au jour et celui faisant l'objet de la présente étude. Quelques sujets sont des étrangers à la nécropole. Ils ont quand même été inclus dans les analyses, car ils ont servi de « témoins » lors de la recherche ď outliers, c'est-à-dire de sujets s'écartant statistiquement des autres. Ainsi, le groupe méroïtique comprend 5 étrangers, 3 en provenance de 3 sépultures différentes (Vila, 1978, fascicule 9, p. 70) d'un même secteur du cimetière d'Amir Abdallah, très proche, sur une terrasse en retrait du Nil à mi-chemin entre Missiminia et le Djebel Abri, daté du IIIe au Ier siècle av. J.-C. (Fernandez, 1983) ; 2 proviennent d'une même tombe d'un site (8-G-40) distant d'une dizaine de kilomètres au sud, au lieu-dit Gamaa (district de Koyekka) ; dans le groupe ballanéen il y a 1 étranger qui provient du cimetière de El Beleh (8B 34 -C3-) ; dans le groupe chrétien il y a 4 étrangers, 2 de cimetières voisins juste en face de Missiminia, sur la rive ouest du Nil, (sites 2-V-l 1 et 2-V-13) et 2 de cimetières plus en aval, Amara (2-S10) et Ginis (3-P-37B). 3.1. — La détermination du sexe Elle a été effectuée, d'une part sur le terrain par l'équipe archéologique dirigée par Vila, d'autre part, en laboratoire, en aveugle par rapport aux observations de Vila, par Billy. Les archéologues avaient parfois à leur disposition, non seulement les os du bassin mais aussi des parties molles momifiées naturellement, auxquelles était souvent associé, dans certains groupes, un mobilier très spécifique. Billy (1985), qui a une grande expérience des populations nubiennes, a travaillé sur la morphologie crânienne et afin de confirmer son diagnostic et de classer quelques sujets incertains, elle a utilisé différentes fonctions discriminantes portant sur la capacité crânienne et la largeur bizygomatique (DefriseGussenhoven, 1966) en leur ajoutant la hauteur du processus mastoïde (Boulinier, 1968), ainsi que la fonction discriminante n° 7 de Giles (1964) associant plusieurs variables crânio-faciales. Pour ce faire, Billy a dû réajuster les valeurs discriminantes de ces fonctions, établies en général pour les Européens, grâce à un étalonnage préalable à partir de cas sexuellement bien différenciés. Pour le groupe méroïtique tardif, il y a 12 cas pour lesquels les comparaisons sont possibles entre les résultats obtenus par Vila (1982) et Billy (1985), et il y a 100% de concordances. Pour le groupe ballanéen, les comparaisons entre les deux chercheurs ont été effectuées par Strouhal (1987). Sur 45 comparaisons possibles, il ne trouve que 3 cas de désaccord entre Vila (1982) et Billy (1985). Il semble donc, qu'en raison du fort dimorphisme sexuel des populations nubiennes d'époque historique, la détermination du sexe à partir du crâne puisse dépasser 80% voire 90%. Par ailleurs, la suite de l'étude a démontré que les caractères discrets liés classiquement à l'un ou l'autre П. — LA NECROPOLE DE MISSIMINIA 31 sexe, dans des séries où ceux-ci étaient connus à partir de l'état civil des sujets, l'étaient aussi à Missiminia (Crubézy, 1991). 3.2. — La détermination de l'âge La détermination de l'âge des adultes et des enfants a été effectuée par Vila (1982, 1984) à partir de critères non précisés, et part Billy (1985), pour les adultes, à partir de l'usure de la denture et du degré de synostose des sutures exocrâniennes et Billy (1985) a ensuite classé les sujets en 5 classes. Les problèmes liés à la détermination de l'âge à partir des sutures crâniennes sont bien appréhendés (Masset, 1982) et la plus grande prudence est de rigueur. Dans le cas présent, le but recherché était de savoir si l'uni ou la bilatéralité de certains caractères était liée à l'âge. Or il est apparu que la classe I de Billy contenait presque autant de sujets que les classes II, III, IV, et V réunies. Pour rechercher chez les adultes les caractères liés à l'âge, seulement deux classes furent retenues (Crubézy, 1991), la I et celle résultant du regroupement des quatre autres. Il est bien entendu qu'il ne s'agit que d'une approximation très grossière, mais il est probable que dans la classe « adultes âgés » les sujets sont en moyenne plus âgés que dans la classe « adultes jeunes ». 3.3. — Le recrutement des groupes Nous avons essayé de préciser le recrutement du cimetière, afin de savoir si lors de l'étude du peuplement nous pourrions considérer les échantillons comme représentatifs ou non de la population générale. Pour cela, nous avons comparé les sujets provenant du cimetière à un modèle biologique, celui des tables-types de mortalité (Lederman, 1969) des populations d'époque historique pré-jennerienne, c'est-à-dire avant la généralisation des premiers vaccins. Lorsque les échantillons ne s'intègrent pas dans ce modèle, nous avons considéré qu'il y avait un biais dans le recrutement. Nous avons parfois été obligés de recourir à certaines approximations qui seront toutes précisées (7). 3.3.1. — Le groupe méroïtique Les 193 sépultures ont livré 486 sujets (Vila, 1982, p. 175) dont 340 sont attribuables au groupe méroïtique (les autres sont à rattacher au groupe méroïtique tardif). Sur ces 340 sujets, 235 ont pu être classés dans l'une des cinq classes d'âge définies par les archéologues sur le terrain (Vila, 1982) : de 0 à 2 ans, de 2 à 12 ans, de 12 à 18 ans, de 18 à 50 ans, et plus de 50 ans. Bien que ces classes d'âge ne recoupent pas celles utilisées généralement par les anthropologues ou les démographes, quelques constatations peuvent être réalisées, et des approximations peuvent être tentées. 7. Dans ces cas, nous avons dû calculer un nombre moyen de sujets par tombe Ceci est toutefois à considérer avec prudence car la distribution du nombre de sujets par tombe n'est pas homogène lorsque la distribution observée est comparée à une loi de Poisson de paramètre lambda, où lambda est le nombre moyen de sujets par tombe (Crubézy, 1991). 32 E. CRUBÉZY ETAL— MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN La population adulte de plus de 18 ans(8), représente 73 % de la population totale et la classe d'âges des sujets de plus de 50 ans en représente seulement 3,5%. Dans les populations pré-jenneriennes, avec les quotients médians pour une espérance de vie à la naissance à 30 ans, habituelle dans ces populations, ce dernier pourcentage devrait être de 27 %. Ici, cette donnée a priori aberrante est certainement liée à une erreur méthodologique, classique dans le cas d'observateurs non anthropologues, avec l'inclusion dans la classe d'âge des sujets de plus de 50 ans uniquement ceux présentant une synostose complète des sutures ou présentant de très importants phénomènes dégénératifs. Il est donc probable que les archéologues ont inclus la plupart des sujets décédés après 50 ans dans la classe d'âge 18-50. D'après les tables-types de mortalité pour une espérance de vie à 30 ans (réseau 100 de Lederman, 1969), en considérant le quotient médian, le pourcentage de sujets décédés après 18 ans n'est que de 46 %. Il manque donc, dans le groupe méroïtique par rapport à une population naturelle, des sujets immatures. Nous avons essayé de préciser dans quelles classes se situaient ces manques, parmi celles retenues par Vila, 0-2, 2-12, 12-18 ans. La classe d'âge de 0 à 2 ans ne compte que 5,1 % des sujets (2qO = 5,1 pour mille). C'est une valeur très faible, compte tenu que dans les populations historiques lqO était d'au moins 200 pour 1000. Cette sous-représentation des enfants de 0 à 2 ans est à rapprocher d'une donnée classique dans les cimetières du passé où souvent les cadavres des nouveau-nés et des jeunes enfants ont fait l'objet d'un traitement particulier destiné à les écarter du lieu d'inhumation des adultes (9). La classe de 2 à 12 ans regroupe 3 des classes utilisées par les démographes, elle comporte 57 sujets. D'après les tables-types de mortalité, pour une espérance de vie à 25 ans par exemple, lorsque les extrêmes sont pris en compte, une population naturelle ayant livré un nombre d'adultes équivalent à celui de Missiminia, aurait pu être à l'origine de 30 à 120 sujets. Une sous-représentation de cette classe ne peut donc être retenue. La classe de 12 à 18 ans a un quotient de mortalité de 84 pour 1000. Ce quotient est tout à fait plausible et s'intègre bien dans les quotients de mortalité des périodes historiques. La population inhumée dans le cimetière méroïtique de Missiminia, pourrait donc correspondre à une population naturelle d'époque historique, à l'exception des sujets entre 0 et 2 ans manifestement sous-représentés. Cette hypothèse conforte celle de nécropole de village. 3.3.2. — Le groupe ballanéen Malgré les remaniements, les ossements étaient bien conservés et une estimation de l'âge a pu être effectuée sur 260 sujets par les archéologues, dans de meilleures conditions 8 Le nombre de sujets décédés entre 1 8 et 20 ans est négligeable par rapport au nombre de sujets décédés après 20 ans et les deux classes (sujets décédés après 18 ans et sujets décédés après 20 ans) peuvent être confondues. 9. Ainsi, dans l'aire de répartition de la culture méroïtique ce déficit en enfants a déjà été signalé (Strouhal, 1982b) à Aksha et à Wadi Haifa En revanche, à Sayala si certains des grands ensembles funéraires n'ont livré que quelques enfants, un autre en a livré 62,5 % (Strouhal, 1982) preuve d'un recrutement très spécialisé. П. — LA NECROPOLE DE MISSIMINIA 33 que pour le groupe méroïtique. Douze classes d'âge ont ainsi été définies, toutefois, dès les premiers examens il apparaît que l'échantillon est étonnant par sa répartition en classes d'âge. La classe 0-2 ans, comme dans le groupe méroïtique est sous-représentée (2qO = 76 pour 1000). La classe de 2 à 10, avec 74 sujets, pourrait correspondre à celle d'une mortalité naturelle lorsque les sujets de plus de 20 ans sont pris comme référence. C'est le rapport de sujets décédés entre 10 et 20 ans, sur celui des sujets décédés après 20 ans, égal à 53 %, qui est très fort. En effet, d'après les tables-types de mortalité, pour une espérance de vie à 30 ans (réseau 100 de Lederman, 1969), en considérant le quotient médian, ce pourcentage est de 9%. Il y a donc, par rapport à une population naturelle d'époque historique, un net déficit des enfants entre 0 et 2 ans et (i) soit une sur-représentation des sujets 10 et 20 ans, (ii) soit un déficit des adultes. De toute évidence, si le cimetière méroïtique pouvait être celui d'une communauté villageoise, ce n'est pas le cas de celui du groupe ballanéen qui a un recrutement très particulier. Par ailleurs, parmi les adultes il y a plus de femmes (51) que d'hommes (39) mais, par rapport à une population naturelle qui devrait comporter environ 50% d'hommes et 50% de femmes, cette différence est non statistiquement significative (3C2 corrigé de Yates = 1,34, p = 0,22). 3.4. — Estimation de la population vivante dans les différents groupes Nous avons tenté d'estimer la population vivante afin de pouvoir par la suite discuter plus finement de son recrutement. 3.4.1. — Le groupe méroïtique Le recrutement de ce cimetière ne s'oppose pas à celui d'une population naturelle à l'exception des enfants de 1 à 2 ans. Afin d'estimer la population vivante à un moment donné nous avons utilisé la formule classique : Population vivante = (N/D) Xe avec N, nombre total de décès ; D, durée d'utilisation du cimetière ; e, espérance de vie à la naissance (10). Le nombre total de sujets inhumés dans les 377 tombes supposées du groupe méroïtique peut faire l'objet d'une extrapolation (11) (Crubézy, 1991), il est de 652. Si la répartition par classes d'âges des 652 sujets estimés est superposable à celle des 235 dont l'âge avait été déterminé sur le terrain, alors 94,9 % d'entre eux sont décédés après l'âge de 4 ans si la classe de 2 à 12 ans est assimilée à celle de 4 à 12 ans. À ce nombre de 619, il faut ajouter les enfants n'ayant pas été inhumés dans la nécropole et dont l'importance peut 10 Cette formule est valable pour une population stationnaire, c'est-à-dire dont le nombre de décès est égal à celui des naissances 1 1 II faut noter le caractère très approximatif de cette extrapolation, dans la mesure où elle est basée sur une valeur moyenne de sujets par tombe 34 E. CRUBÉZY ETAL — MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN être évaluée grâce aux tables-types de mortalité de Lederman (1969) (12). Pour une espérance de vie à la naissance de 21 ans environ (valeur faible pour une population historique), 56 % des individus sont décédés entre 0 et 4 ans et le nombre total de décès est donc de 964. Dans ce cas, la communauté méroïtique comportait 101 sujets. Pour une espérance de vie à la naissance de 27 ans environ (valeur tout à fait classique pour une population historique) 46,7 % des individus sont décédés entre 0 et 4 ans et le nombre total de décès est donc de 908. Dans ce cas, la communauté méroïtique comportait 122 sujets. Compte tenu des approximations précédentes, le groupe méroïtique pourrait représenter une communauté de 80 à 150 sujets ayant vécu à Missiminia pendant environ 200 ans. Toutefois, il est possible que la population de Missiminia ait eu pour origine un groupe fondateur ou une fusion entre deux populations — cf. infra — . De ce fait, les variations démographiques ont pu être importantes, et l'hypothèse d'une population stationnaire, qui a servi de base à nos estimations, doit être modulée. De plus, le groupe méroïtique tardif est constitué de sujets, dont certains doivent être apparentés avec des sujets méroïtiques — cf. infra — . Ces sujets dont le nombre peut être estimé à 172 (Vila, 1985, p. 149-150) n'ont pas été pris en compte lors de la recherche du profil démographique du groupe. De nouveaux calculs ont donc été réalisés, en retranchant «les sujets du V», considérés comme les premiers de la nécropole (à un moment où les fluctuations démographiques ont dû être les plus importantes), et en ajoutant le nombre de sujets estimés pour le groupe méroïtique tardif. Cette suite d'approximations conduit en fait à retrouver les chiffres proposés, c'est-à-dire ceux d'une communauté qui, vers la fin de la période méroïtique, devait comporter de 80 à 150 sujets. Ce chiffre ne semble pas aberrant dans un tel contexte. Ainsi, plus au sud chez les Nuers, les «petites communautés » (EvansPritchard, 1973) sont formées (pour les établissements permanents) d'une population de 80 à 100 personnes établies dans un village et ses fermes attenantes. 3.4.2. — Le groupe ballanéen Selon Vila (1979, p. 41), dans le bief, les tombes du groupe ballanéen (2 500 tumulus), bien individualisées, faciles à distinguer et à dénombrer, pourraient représenter l'effectif exact des décès. Après quelques ajustements, il admet que 3500 personnes auraient été inhumées en un siècle. À partir de là, sur la base d'une mortalité annuelle de 35 pour 1000 habitants (n), il en déduit que la population vivant dans le bief à un moment donné était de 1000 habitants, soit « une vingtaine d'habitants par kilomètre de bief» (14). En raison de la rigueur de la prospection et des divers sondages réalisés par Vila, les différentes approximations proposées concernant le nombre de tumulus semblent tout à fait plausibles. Cependant, il faut noter que si les cadavres ont été répartis entre les 12 II faut cependant rappeler que celles-ci ont été établies à partir de populations récentes et qu'elles représentent des populations stationnaires 1 3 Chiffre tiré de la publication de Maciver sur El Amrah and Aby dos Cet auteur avait en fait pris en compte le chiffre fourni par une enquête anglaise réalisée en Egypte à la fin du siècle dernier 14 Le bief faisant 63 kilomètres de long, ce dernier chiffre semble une estimation « à la hausse » II. — LA NECROPOLE DE MISSIMINIA 35 différentes nécropoles, ceci n'est pas du tout sûr pour les nouveau-nés et les sujets entre 0 et 1 an qui sont sous-représentés à Missiminia mais aussi dans la plupart des cimetières d'époque historique de par le monde, en raison du traitement spécifique de cette classe d'âge (Duday et al., 1995). De ce fait, l'hypothèse la plus probable serait que le nombre de tumulus estimé pour l'ensemble du bief représente approximativement l'effectif des décès, à l'exception de la classe 0-1 an. Le nombre de sujets décédés dans cette classe ď âge peut être évalué grâce aux tables-types de mortalité de Lederman (1969) (15) ; puisque pour une espérance de vie à 27 ans à la naissance, les 3500 décès estimés représentent 73 % de la population. Toutes classes d'âges confondues, le nombre total de décès pour l'ensemble du bief a donc été de 4800 en un siècle, ce qui donne 1296 pour un moment donné — (4800 / 100) x 27 — . Le bief faisant 63 kilomètres de long cela représente une vingtaine d'habitants par kilomètre de bief, chiffre déjà retrouvé par Vila à la suite d'ajustements basés sur son expérience personnelle. Le seul moyen de tester la crédibilité de ce chiffre est d'estimer le nombre de sujets au début ou à la fin de cette période et de voir si les différences constatées sont aberrantes ou impliquent des hypothèses lourdes telles qu'un effondrement ou un boom démographique majeur (épidémie ou immigration intéressant par exemple plus de 20 % du chiffre initial de la population). Si pour la fin de cette période, toute estimation est impossible, elle est envisageable pour le début. En effet, il semble qu'il y ait eu dans le bief 11 îlots de population {cf. chapitre II. 1) et qu'ils ont dû subir des fluctuations dans le temps, et il est même possible qu'avant le IPsiècle après J.-C, vers la fin de la période méroïtique, seule la partie en amont du bief à partir du temple ď Amara Est ait été réellement occupée (Vila, 1979, p. 37). Toutefois, il ne semble pas aberrant d'admettre que, quelques temps avant la période ballanéenne, ces 11 îlots de population étaient occupés. En raison des distances qu'il y a entre eux ils pourraient correspondre à des cimetières de villages. Dans le cas de Missiminia, pour une espérance de vie à la naissance de 27 ans environ, le village était formé par une communauté de 122 individus. En ce qui concerne les autres, donner un chiffre est évidemment hasardeux, et il devait exister des différences entre communautés, toutefois, celles-ci se compensaient peut-être, car d'une façon générale, les situations écologiques sont semblables. Si les dix autres communautés comportaient, dans leur ensemble, le même nombre de sujets que celle de Missiminia, alors c'est 1340 sujets qui vivaient dans le bief à un moment donné. Ce chiffre est presque le même que celui obtenu pour la période ballanéenne (1296). Bien que les deux chiffres soient équivalents, la plus grande prudence reste de rigueur car il faut se rappeler qu'ils restent basés tous deux sur de nombreuses hypothèses et approximations, même si celles-ci diffèrent pour chaque période (nombre de tumulus dans le bief pour l'une, de sujets par village, estimé à partir d'une seule nécropole pour l'autre). En ce qui concerne les valeurs brutes de ces chiffres : « une vingtaine d'habitants 1 5 II faut cependant rappeler, encore une fois, que celles-ci représentent des populations stationnaires, hypothèse qui pourrait être fondée sur l'ensemble du bief pour un siècle, bien que des variations ne soient pas à exclure 36 E. CRUBÉZY ETAL— MICROÉVOLUTION D* UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN par kilomètre de bief» il faut se souvenir que nos estimations sont fondées sur une espérance de vie à la naissance, inchangée entre les deux périodes, d'environ 27 ans. Ainsi, si à la fin de la période méroïtique seuls 10 îlots de population étaient actifs et si l'espérance de vie à la naissance était de 21 ans (chiffre très bas) alors c'était seulement 1000 sujets qui vivaient dans le bief à un moment donné, soit 16 par kilomètre. À propos de la constance des chiffres de population au cours du temps, les deux hypo thèses les plus lourdes, concernent l'espérance de vie inchangée, le nombre d'îlots de populations et de tumulus. Quoi qu'il en soit, il semble que les hypothèses d'une densité de population de 15 à 20 habitants par kilomètre de bief pour la période ballanéenne, d'une évolution démographique sans à-coup majeur entre la fin de la période méroïtique et la période ballanéenne soient très probables (16). 16 Trouver une évolution démographique sans à-coup majeur, alors que les hypothèses postulent une population stationnaire peut sembler un truisme Toutefois, même si sur le long terme des variations démographiques étaient retenues, elles ne changeraient pas fondamentalement nos données sur la fin de la période méroïtique et la phase ballanéenne qui se succèdent dans le temps En revanche, nos résultats s'opposent tout à fait au rapport (0,6/1) des populations méroitique/ballanéen, tel qu'il avait été calculé par Vila (1979, p 41) En fait, cet auteur se basait uniquement sur le nombre de sites repérés, et il ne savait pas (l'étude anthropologique n'ayant pas encore eu heu ) qu'entre les deux phases il y avait eu une évolution considérable du mode de recrutement des ensembles funéraires. — III. — CARACTÈRES DISCRETS ET MARQUEURS GÉNÉTIQUES CHOIX ET TRAITEMENT 1. — DÉFINITION ET DÉNOMINATION DES CARACTÈRES DISCRETS Les caractères discrets sont des caractères codés comme présents ou absents. Largement utilisés dans l'approche de la délimitation des populations humaines depuis les travaux de Berry et Berry (1967) et d'Ossenberg (1969), ils ont aussi été largement utilisés pour l'étude de l'organisation des espaces funéraires (Crubézy et Sellier, 1990). Les travaux développés au cours des années 70 et 80 ont permis de faire le tri en éliminant notamment certains caractères repris par les premiers auteurs sous le terme de discret et qui relevaient en fait de la pathologie ou de stress mécaniques. Leur déterminisme précis est inconnu, mais les travaux de ces 30 dernières années (Crubézy, 1991) démontrent que leur héritabilité chez l'homme comme chez l'animal est généralement faible. Toutefois, lorsque la définition des échantillons est correcte, ils permettent de définir à l'échelon de la macro-évolution des relations taxonomiques entre groupes (Braga, 1995) et à l'échelon de l'histoire du peuplement des différences pertinentes entre groupes et populations. À l'échelon taxonomique comme à celui de l'histoire du peuplement, les résultats vont dans le même sens que ceux tirés de données purement génétiques (Crubézy, 1991, 1992). La dénomination des caractères discrets est bien souvent problématique car ils ne sont généralement pas repris, actuellement, dans la dénomination anatomique internationale. Depuis le début du siècle pour chaque caractère plusieurs dizaines de noms (Reinhard et Rôsing, 1985 ; Hauser et De Stefano, 1989) et de définitions ont parfois été proposés. Ceci est excessivement gênant lorsque un même nom désigne, suivant les auteurs, des caractères différents. Cela devient catastrophique lorsque les chercheurs ne s'en aperçoivent pas et procèdent à des comparaisons tirées de données de la littérature. La majorité des études étant à ce jour publiées en anglais, certains caractères ne sont connus des chercheurs que par leur dénomination dans cette langue. Différentes équipes, conscientes de ces problèmes, ont proposé des noms latins se voulant conformes à la dénomination anatomique internationale (Correnti et al., 1972, 1973, 1979; Movsesyan et al, 1975; Cesnys et 38 E. CRUBÉZY ETAL — MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN Pavilonis, 1982 ; Hauser et De Stefano, 1989). La plupart de ces listes sont incomplètes, et d'une liste à l'autre, pour un même caractère, le nom proposé en latin est souvent différent. En ce qui concerne les dénominations, bien que l'ouvrage de Hauser et De Stefano (1989) soit le plus complet, les noms retenus sont parfois surprenants (os des Incas par exemple). En revanche, l'argumentation développée par Cesnys et Pavilonis (1982) semble pertinente, et nous avons essayé de la suivre. Pour chaque caractère, nous avons donc donné le nom français (Augier, 1931) ; lorsqu'il n'était pas cité par Augier, nous avons proposé une traduction de l'appellation anglaise ou latine la plus courante. Le nom latin provenant, soit de la dénomination anatomique internationale (lorsqu'il y en avait un), soit de l'article de Cesnys et Pavilonis (1982), soit un des noms cités par Hauser et De Stefano (1989). Toutefois, il y a quelques caractères pour lesquels proposer un nom français, un nom latin, (et même un nom) semble particulièrement hasardeux. En effet, certains ne sont connus que par leur nom latin, et pour d'autres il existe de telles confusions entre les diverses appellations que la multiplication des dénominations ne pouvait que l'augmenter. Face à ces problèmes, après le nom français et/ou latin des caractères, nous avons indiqué pour chacun d'entre eux une définition. Cette dernière est un problème crucial, car il est apparu (Thoma, 1981 ; Rosing, 1984) que les observations de différents observateurs ne sont pas toujours comparables. En effet, il existe un hiatus non négligeable entre les définitions (souvent différentes) citées dans la littérature à partir de cas typiques et ce qui est observé sur les pièces osseuses. Le problème s'est par ailleurs posé à Missiminia, pour quelques caractères déjà codés lors des études précédentes (Billy, 1985), selon des critères tout à fait différents des nôtres. Ces éléments sont des problèmes classiques de ce type d'étude (Molto, 1983 ; Saunders, 1989 ; Crubézy, 1991). Cependant, ils ne sont pas spécifiques aux caractères discrets ; ils sont retrouvés pour bon nombre de données métriques (Utermohle et Zegura, 1982), et mêmes immunologiques dans la mesure où la définition des sérums-tests peut elle aussi varier. 2. — ÉTIOLOGIE DES CARACTÈRES DISCRETS Certaines des dernières synthèses (Hauser et De Stefano, 1989 ; Saunders, 1989) sur ces caractères reprenaient encore le modèle quasi-continu à effet seuil, tiré de la génétique des années 50, pour expliquer leur présence ou leur absence. En fait, sur le plan conceptuel la discussion pour savoir s'il s'agissait de caractères discrets ou quasi-continus est caduque (Crubézy, 1992). En effet, chez l'embryon ou le fœtus, tout caractère nouveau peut être relayé par une hétérochronie qui peut entraîner une expression plus ou moins importante. En fait, les résultats de ces dernières années (Crubézy 1991 , 1992 ; Braga 1995) ont permis de montrer qu'il était impossible d'assimiler la présence/absence de tous les caractères discrets à un même modèle sous-jacent. III. — CARACTÈRES DISCRETS ET MARQUEURS GÉNÉTIQUES : CHOIX ET TRAITEMENT 39 2.1. — Caractères discrets et ontogenèse Les éléments sous-jacents à la présence des caractères discrets peuvent tout d'abord être définis en termes d'ontogenèse. En ce qui concerne les caractères hypostotics et nombre de foramen, ils correspondent à la persistance de morphes fœtaux ou immatures du développement somatique, c'est-à-dire à une paedomorphose (Alberch et al, 1979). Ce terme traduit au plan morphologique différentes perturbations possibles de l'ontogenèse : progenèse, néoténie, post-déplacement, etc. Chez Homo sapiens sapiens aucune association entre la gracilité et ces caractères n'a été démontrée (Sjovold, 1977) et un processus de progenèse isolé semble devoir être rejeté. Il en est de même de la néoténie où le déroulement du développement somatique est ralenti, ce qui devrait entraîner des associations fréquentes et importantes entre caractères hypostotics, ce qui n'est pas le cas, à Missiminia par exemple. Dans le post-déplacement — cas de l'ossification postérieure du foramen ovale par exemple — le début de la morphogenèse est différé En ce qui concerne les caractères hyperostotics, ils correspondent, par rapport aux morphes les plus fréquents pris comme référence, à l'introduction de caractères phénotypiques nouveaux, inconnus à tous les stades de l'ontogenèse. De ce fait, ils ne correspondent pas à une peramorphose, c'est-àdire à un arrêt de la croissance à des stades plus tardifs du développement somatique, mais plutôt à des innovations, tout comme les os surnuméraires. 2.2. — Caractères discrets et système homeobox La reconnaissance des processus ontogénétiques, du type innovation ou post-déplace ment, suggère que les gènes architectes ou homéogènes sont impliqués dans le déterminisme de ces caractères (Hérault et Duboule, 1998). Cette hypothèse, soupçonnée de longue date (Crubézy, 1991), trouve de plus en plus d'arguments avec le développement de la mutagenèse expérimentale (Bulfone et al, 1993). Celle-ci, en modifiant des gènes architectes des vertébrés, induit des malformations qui, pour certaines, ne semblent que l'expression extrême de certains caractères discrets. Ces gènes responsables de l'homéosis(17) ont été séquences et localisés sur les chromosomes d'invertébrés et de vertébrés, du plus primitif au plus évolué. Leurs produits, appelés homéoprotéines, grâce à leur séquence spécialisée — l'homéodomaine — , régulent la transcription d'autres gènes en se fixant au niveau de leurs régions régulatrices. À cet homéodomaine correspond une séquence codante sur le gène homéotique, l'homéoboîte (ou homeobox des anglophones). Jusqu'à ce jour, environ 170 gènes homéotiques, responsables de la mise en place du schéma corporel global, de l'avant vers l'arrière, mais aussi du haut vers le bas, ont été décrits (Stein étal, 1996). Ces gènes sont répartis au sein de différents complexes plus ou moins nombreux selon les groupes zoologiques considérés. 17 Le phénomène d'homéosis est une modification d'un organe qui adopte partiellement ou totalement la morphologie d'un organe homologue 40 E. CRUBÉZY ETAL— MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN La correspondance entre la position d'un homéogène sur le chromosome et son site d'expression dans l'organisme est un point important. Par exemple, chez la souris, un homéogène du complexe HOX est le plus souvent exprimé en gradient décroissant de l'avant vers l'arrière, à partir d'une frontière antérieure nette. Ainsi, plus le gène est en 31 du chromosome, plus la frontière d'expression antérieure est en position rostrale. Les homéogènes s'exprimant d'avant en arrière, le long de l'axe principal de l'embryon, sont également exprimés le long des axes secondaires dans une succession allant du tronc vers les extrémités. Par ailleurs, la division cellulaire est liée à la vitesse de propagation, le long du complexe homéotique, des enzymes (polymérases) qui transcrivent les homéogènes sur le chromosome. Les cellules se divisent à l'intérieur de leur zone de prolifération et en fin de division, Г homéogène suivant du complexe est rendu accessible puisqu'il est ouvert à la transcription. Aussi, au fur et à mesure que le tronc et les membres s'allongent, en parallèle le nombre d'homéogènes transcrits augmente, de nouveaux gènes étant activés. Des variations morphologiques peuvent naître de modifications de coordination entre la prolifération des cellules (vitesse de croissance des organes) et la progression des enzymes (polymérases) qui transcrivent les homéogènes sur le chromosome. Dans le cas des homéogènes, l'espace (la position sur le complexe homéotique) comme le temps (la vitesse ou la durée de transcription et de prolifération) sont deux facteurs d'évolution pouvant induire une homéosis ou une hétérochronie (un décalage de développement chez le descendant par rapport à l'ancêtre). Les homéogènes possèdent donc deux fonctions essentielles ; ils permettent une régulation précise de la chronologie des événements et de la répartition dans l'espace des tissus embryonnaires. Dans cette perspective, l'action des produits des gènes pourrait conduire une condensation précartilagineuse à se diviser par branchement, sous l'effet d'une augmentation locale du nombre de cellules. De même, il pourrait entraîner l'arrêt prématuré d'une condensation par une diminution du nombre de cellules. Les liens des homéogènes avec les caractères discrets sont suggérés par les expériences de transgenèse chez la souris. Celles-ci ont confirmé le rôle des homéogènes dans le contrôle de la segmentation chez l'embryon (Kesset et al, 1990 ; Kessel et Gruss, 1991 ; Lufkin et al, 1992; McGinnis et Krumlauf, 1992; Chisaka et al, 1992; Mark et al, 1993). Certaines mécanismes moléculaires coordonnent Г activation séquentielle dans l'espace et dans le temps des gènes homéotiques pour une morphogenèse normale (Gérard et al, 1993). Certains résultats sont très intéressants du fait des analogies que les transformations homéotiques décrites présentent avec certains caractères discrets hyperostotics (notamment ceux liés aux manifestations d'une vertèbre occipitale). Par exemple, Mark et al. (1993) décrivent des transformations homéotiques du complexe osseux occipital après l'expression ectopique du gène Hoxd-4. Ce gène est exprimé dans les quatre premiers somites (ou somites occipitaux) c'est-à-dire en avant de sa limite antérieure d'expression normale correspondant au cinquième somite (ou premier somite cervical). Les principales anomalies macroscopiques obtenues chez les souriceaux transgéniques sont : l'agénésie de la partie basilaire de l'os occipital, le remplacement d'une partie ou de la totalité des parties latérales par une à quatre formations osseuses ni. — CARACTÈRES DISCRETS ET MARQUEURS GÉNÉTIQUES : CHOIX ET TRAITEMENT 41 semblables à des arcs neuraux de vertèbres. L'os occipital a acquis des caractères morpholog iques qui sont ceux de vertèbres, structures homologues plus postérieures. Kessel et Gruss (1991) décrivent, à propos des transformations homéotiques obtenues, des malformations et/ou des fusions survenant à la jonction crânio-cervicale. Sur 33 % des individus transgéniques, ils observent des « ossifications supplémentaires » ou des «structures vertébrales» qu'ils assimilent à la «manifestation d'une vertèbre occipitale partielle, un proatlas». En ce qui concerne le squelette crânien, des expériences de transgenèse réalisées chez la souris ont montré que les homéogènes n'interviennent pas seulement dans la formation de la partie de l'os occipital dérivée du mésoderme paraxial embryonnaire, segmenté. Des mutations homéotiques peuvent induire des modifications du matériel osseux dérivé des arcs branchiaux. Par exemple, la mutation de certains homéogènes induit l'absence des petites cornes de l'os hyoïde et des altérations du squelette facial (Chisaka et Capecchi, 1991 ) ou l'absence des osselets de l'oreille moyenne (Chisaka et ai, 1 992). Dans ce cas, les homéogènes contrôlent la mise en place des modèles (patterns) phénotypiques des cellules de la crête neurale rhombencéphalique dans la région des arcs branchiaux (Hunt étal., 1991 ; Sham et ai, 1992). Un des points les plus importants mis en évidence, c'est que ces homéogènes sont à l'origine d'un plan d'organisation global et que leurs modifications n'entraînent jamais une anomalie isolée. Ils sont impliqués dans de nombreuses fonctions au cours de l'embryogenèse et les contrôles du développement qu'ils gouvernent ont peu de spécificité spatiale (Hérault et Duboule, 1998), il n'existe donc pas un gène de la main ou des doigts. 2.3. — Conclusions Dans le cas des caractères discrets, leur présence ou leur absence pourrait être fixée par des petites variations dans l'équilibre de l'information à l'intérieur du plan de construction de la région anatomique où ils se trouvent et par celle du moment de la mise en œuvre progressive de nouveaux gènes. De ce fait, pas plus qu'il n'existe un gène des doigts (Hérault et Duboule, 1998) il n'existe de gène de la spina pterygoalaris, du métopisme ou de n'importe quel autre caractère discret. Leur présence résulterait des effets pléiotropiques des homéogènes, des variations minimes pourraient entraîner la présence ou l'absence de ces caractères. Cette hypothèse expliquerait pourquoi de nombreux caractères sont associés entre eux et pourquoi ils relèveraient plus d'innovations ou de post-déplacement que de peramorphose ou de néotéme. L'expression pléiopique des homéogènes expliquerait aussi pourquoi l'héritabilité de chaque caractère considéré isolément est souvent faible, alors que l'association de ces mêmes caractères permet de définir finement des relations entre sujets ou entre groupes. En effet, leur association renvoie aux mécanismes mis en place par les homéogènes alors que séparément ils n'en sont qu'un mode d'expression. 42 E. CRUBÉZY ETAL— MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN 3. — CARACTERES DISCRETS ET MARQUEURS GÉNÉTIQUES Les caractères discrets pourraient être considérés comme un système complexe. Dans un tel système, il y a des instructions essentielles et contingentes. L'intégration et la dépendance de ces instructions est à l'origine de propriétés émergentes. Dans le cas des caractères discrets, celles-ci seraient la ressemblance entre sujets ou entre populations. Les informations essentielles seraient les homéogènes et les informations contingentes, d'une part l'équilibre de l'information à l'intérieur du plan de construction de la région anatomique où ils se trouvent et, d'autre part le moment de la mise en œuvre progressive de nouveaux gènes. Selon certains (Reeves, 1998), la complexité maximale serait atteinte quand les informations liées aux gènes et à l'environnement seraient sensiblement égales. Il est possible qu'avec les caractères discrets ce maximum soit approché. Les mensurations pourraient aussi être considérées comme un tel systéme, toutefois, dans ce cas, la part d'instructions contingentes l'emporterait sur celle des informations essentielles. D'ailleurs, à Missiminia, les données métriques ont été traitées de façon semblable aux caractères discrets (Michon, 1994) et les résultats ont été beaucoup moins satisfaisants, car quasiment ininterprétables sans les recours des informations fournies par ces caractères. Les systèmes compliqués, contrairement aux systèmes complexes, contiennent de nombreux éléments mais sans relation d'ensemble. Dans le cas de marqueurs génétiques polymorphes sans relation entre eux, les distances calculées entre deux sujets ou entre deux populations mesurent plus la complication des liens que leur complexité. Plus des marqueurs sont ajoutés et plus la complication des liens apparaît. Il est possible de se servir de cette propriété pour définir, par exemple, des liens de parenté avec une probabilité de un sur plusieurs millions en combinant plusieurs marqueurs entre eux. Toutefois, comme le système est plus compliqué que complexe, plus le lien de parenté est éloigné plus il faut rajouter de marqueurs pour le mettre en évidence et une mutation peut perturber les résultats. Dans un système complexe, une telle finesse ne peut-être atteinte, en raison des informations contingentes, toutefois, de faibles variations de celles-ci pourraient laisser à Г identique les propriétés émergentes. Ceci pourrait signifier que certains caractères discrets pourraient, par exemple, signer une parenté très éloignée que seuls plusieurs marqueurs pourraient mettre en évidence. De même, les caractères discrets, caractères résultant de phénomènes pléiotropiques, ne sont pas soumis au hasard et à la dérive génétique. Dès lors, dans certains cas ils pourraient être plus intéressants que certains marqueurs classiques. Ceci expliquerait pourquoi, par exemple, à l'échelon de la distribution chez Pan, Gorilla et Pongo, la classification obtenue à partir des caractères discrets semble plus pertinente que celle obtenue à partir des données génétiques en raison d'une correspondance plus étroite avec les données biogéographiques (Braga, 1995). En fait, ce qui est l'idéal c'est de confronter les études basées sur les marqueurs génétiques et celles sur les caractères discrets et de ne pas chercher à conforter l'une par l'autre mais, au contraire, à en tirer des éléments explicatifs. Jusqu'à présent cela n'a HI. — CARACTÈRES DISCRETS ET MARQUEURS GÉNÉTIQUES : CHOIX ET TRAITEMENT 43 guère été réalisé ; lorsque les deux types d'analyses vont dans le même sens, les auteurs suggèrent simplement que les caractères discrets ont un déterminisme génétique. Lorsque l'information fournie est différente, les auteurs auraient tendance à privilégier les caractères génétiques. En fait, si bon nombre d'études chez l'homme sont discordantes c'est bien souvent parce que la définition des échantillons sur lesquels reposent les caractères discrets est mauvaise et ne peut être assimilée à celle des échantillons sur lesquels ont été effectuées les analyses génétiques (Crubézy, 1991). Lorsque les échantillons sont les mêmes et intéressent des populations proches dans l'espace, les résultats vont généralement dans le même sens (Saunders, 1989). Cette confrontation des études basées sur les caractères discrets et sur les marqueurs génétiques pourrait être riche d'enseignements. Par exemple, dans le cas de l'origine de l'homme moderne, les caractères discrets sont en faveur d'une origine polycentnque tandis que les marqueurs génétiques impliquent plutôt une origine monocentnque. L'hypothèse des systèmes complexes et compliqués suggère que l'origine de l'homme moderne est bien de type polycentrique mais qu'il y a 100 à 500 000 ans, l'humanité a connu une restriction drastique de son pool génétique, sans préciser pour l'instant si l'émergence de l'homme moderne et la restriction de ce pool sont liées. Il est impossible de proposer une liste type qui pourrait servir de façon uniforme, quelles que soient les populations, à mettre en évidence des regroupements familiaux entre sujets. Une des méthodes employées (Crubézy, 1991) consiste à coder un nombre assez élevé de caractères, puis de sélectionner ceux qui semblent le moins lié aux conditions d'observations, ou à certains paramètres tels que l'âge et/ou le sexe puis de rechercher ceux qui sont liés entre eux afin de n'en retenir qu'un seul ceci afin d'éviter la redondance de l'information. Par ailleurs, une certaine «priorité» semble à accorder aux caractères hyperostotics(m, notamment ceux de la base du crâne, dont le déterminisme serait bien lié aux gènes du système homéobox (Crubézy, 1991 ; Braga, 1995). Les foramen (19) pourraient dans certains cas être assimilés aux caractères hypostotics(20) et les os suturaires(21) à des éléments qui permettent au crâne d'adapter sa croissance. Les caractères discrets dentaires, à l'exception de l'agénésie de la troisième molaire, ne furent pas pris en compte en raison de l'usure trop avancée de la denture d'une majorité des sujets (Verger-Pratoucy, 1985). Pour les autres, la liste initiale fut inspirée de divers travaux (Berry et Berry, 1967 ; Ossenberg, 1969 ; Muller, 1977 ; Molto, 1983 ; Crubézy, 1986, 1988 ; Hauser et De Stefano, 1989). Elle comportait initialement 50 caractères (Crubézy, 1991). 1 8 Caractères qui résultent de l'ossification d'éléments anatomiques habituellement formés par du cartilage, un ligament ou de la dure-mère On classe aussi, parfois, dans cette catégorie les éléments pouvant éventuellement être considérés comme un «excès» d'ossification par rapport à ce qui est rencontré habituellement 19 La présence/absence d'orifices et de sillons représente, classiquement, des variations de nombre, de position, ou de situation d'afférences ou d'efférences vasculo-nerveuses 20 caractères qui correspondent, chez l'adulte, à une ossification ou à une synostose incomplète, de sutures habituellement totalement synostosées à cet âge, ou à la persistance d'un stade foetal ou immature 2 1 Os qui sont soit notés dans les sutures et à l'emplacement des fontanelles, soit habituellement absents et qui «s'intercalent» généralement entre deux os Ils sont donc repérés grâce à une suture surnuméraire 44 E. CRUBÉZY ETAL— MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN Les deux hypothèses à la base de ce travail, qui pourront être réfutées dans le dernier temps de l'étude, sont (i) la distribution des caractères discrets n'est pas aléatoire dans une population, et certains d'entre eux ont, au moins en partie, un déterminisme familial ; (ii) les changements de fréquence et de combinaison des caractères discrets au cours du temps sont en partie sous la dépendance des facteurs (tels le choix du conjoint) qui conditionnent la micro-évolution. Ces hypothèses sont classiques, cependant tous les résultats obtenus par différents chercheurs ne vont pas dans leur sens. Il semble que cela puisse s'expliquer: (i) en raison de biais dus aux grandes différences d'échantillonnage (âge, sexe, distribution spatio-temporelle, formation de groupes hétérogènes) ; (ii) en raison de traitements statistiques non appropriés. 4. — CHOIX, CODAGE, DEMARCHE SUIVIE EN ANALYSE UNIVARIÉE 4.1. — Choix des caractères discrets Dans le cadre de cette étude les informations sont fournies par les caractères discrets du cranium qui sont les seuls éléments ayant été prélevés sur le terrain. Plus de deux cents variantes anatomiques (dont certaines très rares) étant connues pour le cranium (Ossenberg, 1969), un choix s'imposait. Les caractères discrets dentaires ne furent pas pris en compte en raison de l'usure trop avancée de la denture d'une majorité des sujets (Verger-Pratoucy, 1985). En ce qui concerne ceux du cranium la liste initiale fut inspirée de divers travaux (Berry et Berry, 1967 ; Ossenberg, 1969 ; Muller, 1977 ; Molto, 1983 ; Reinhard et Rôsing, 1985 ; Crubézy, 1986, 1988). Par ailleurs, certains autres caractères, relativement fréquents dans la population étudiée, furent pris en compte. Il en est ainsi des processus paracondy liens et de l'amincissement pariétal. Ce dernier élément n'est pas un caractère discret, au sens défini habituellement mais il a été pris en compte lors de l'analyse caractère par caractère. Deux groupes de caractères ne seront pas présentés ici. Il s'agit de (i) l'os au bregma (os bregmae) et l'os médio-palatin postérieur qui ont une fréquence nulle dans tous les groupes, (ii) Le trou mastoïdien double {foramen mastoideum accessorium), l'orifice palatin postérieur accessoire (foramen palatinum minus accessorium), le trou sus-orbitaire (foramen supraorbitale), le trou frontal (foramen frontale), le marginal foramen of the tympanic plate et le torus du conduit auditif ont été éliminés car pour ces caractères, les erreurs intra-observateur ont dépassé 10% (Crubézy, 1991). III. — CARACTÈRES DISCRETS ET MARQUEURS GÉNÉTIQUES Г CHOIX ET TRAITEMENT 45 4.2. — Fréquence, uni et/ou bilatéralité des caractères Pour chaque caractère et pour chaque côté (droit, gauche) ont été calculées dans chaque groupe : les fréquences du groupe, les fréquences par classe d'âge et par sexe. Pour chaque caractère et dans chaque groupe ont aussi été calculées, la fréquence des sujets ne présentant pas le caractère, celle d'entre eux qui le présentent de façon unilatérale et de façon bilatérale. Pour chaque côté (droit, gauche), ont été recherchées les différences en fonction de l'âge et du sexe. Comme les sujets sont regroupés en deux classes d'âges, les différences ont été recherchées avec le test du Chi-carré (idem pour le sexe) et les probabilités sont donc données pour un degré de liberté. Dans chaque groupe, la recherche de l'uni ou de la bilatéralité du caractère, en fonction de l'âge puis en fonction du sexe, est effectuée avec un test du Chi-carré et les probabilités sont données pour deux degrés de liberté (22). Cependant, lorsque deux occurrences (soit plus de 20 % des occurrences possibles) ont moins de 5 sujets théoriques (ou calculés), la question de la validité du Chi-carré doit être posée. Elle peut être testée par des processus de simulation pour les cas où la fréquence calculée est inférieure à 5 dans une case, mais ceci n'a pas été effectué ici. Dans chaque groupe, dans les cas d'unilatéralité, la prédominance d'un côté (droit ou gauche) a été recherchée. Des controverses importantes ont été développées à ce propos (Green et ai, 1979), car dans les années 70, des auteurs (Finnegan, 1972 ; Zegura, 1975 ; Trinkaus, 1978) ont confondus la liaison entre côtés avec (i) les différences entre les fréquences du côté droit et du côté gauche, et (ii) la prédominance d'un côté. Green et al. (1979) ont montré que, pour déterminer si la probabilité de la présence d'un caractère était la même à droite et à gauche, il fallait employer le test(23) défini par Howe et Parsons, (1967), dont le résultat est à comparer à la table de distribution du Chi-carré pour un degré de liberté. Perizonius (1979b) a critiqué cette formule, car pour lui elle ne tient pas compte du fait que le chercheur pourrait tout aussi bien coter la présence ou l'absence d'un caractère. À partir de cette constatation, il a démontré que le numérateur est à multiplier par deux. Nous avons donc effectué les deux. Les cas statistiquement significatifs sont évidemment plus nombreux avec la deuxième formule. Savoir si un caractère a tendance à être plus souvent uni que bilatéral est aussi l'objet de multiples discussions (Perizonius, 1979b; Molto, 1983), et des index de bilatéralité ont même été créés (Molto, 1983). Dans le cas présent, il est apparu que, pour savoir quels étaient les caractères qui avaient tendance à être le plus souvent unilatéraux ou bilatéraux que d'autres, l'utilisation du coefficient du phi suffisait amplement. 22 En effet, Jfc (sexe et/ou âge) = 2 ; n • (nombre d'occurrences) = 3 ; ddl = (k - 1) X (n - 1) 23 (a - b)2/(a + b) avec a le nombre de fois où le caractère est uniquement présent à droite , b le nombre de fois où le caractère est uniquement présent à gauche. 46 E. CRUBÉZY ETAL— MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN 4.3. — Codage des caractères, Symétrie / Asymétrie À l'exception de quelques caractères, qui ont une position médiane, la plupart peuvent être codés à droite et à gauche. Ceci est l'objet de controverses, l'une concernant le problème pratique du codage de ces caractères, et l'autre, plus théorique, concernant la valeur à accorder à la symétrie ou à l'asymétrie. Si l'asymétrie ou la symétrie ont un déterminisme génétique (Ossenberg, 1981), alors un codage côté par côté s'impose, en revanche, si l'asymétrie n'est que l'expression d'un trouble du développement (Korey, 1980 ; Me Grath et ai, 1984), alors c'est un codage par individu qui doit être retenu. Ces controverses ont été résumées par ailleurs (Saunders, 1989), et dans le cadre de la méthodologie développée dans ce travail, seuls les deux points forts seront rappelés et quelques remarques seront formulées : (i) Ossenberg (1981), dans un échantillon de plus de 1200 mandibules d'amérindiens et d'esquimaux, avait noté que l'augmentation de fréquence de l'agénésie de la troisième molaire et du pont mylohyoïde (un caractère discret de la mandibule) était associée à une augmentation de la bilatéralité de ces caractères. Elle en avait déduit que l'asymétrie du caractère était autant en relation avec le pool génique de la population qu'avec des facteurs d'environnement, (ii) En 1984, Me Grath et ai, étudièrent 1 3 caractères discrets de Macaca mulatta et ils trouvèrent que seulement « two asymetry heritabilities were significantly differentfrom zero, providing no significant support for Ossenberg 's contention that asymetry is genetically determined». De ce fait, pour eux ces résultats montreraient que «asymetry represent a mesure of the ability of an organism to buffer stresses ». Par ailleurs, deux autres problèmes viennent s'ajouter à cette controverse (Saunders, 1978 ; Winder, 198 1 ) : (i) Pour certains caractères crâniens et infra-crâniens, la bilatéralité augmente avec l'âge. Dans ces cas (Saunders, 1989), «asymetry is attributed to random environmental disruptions occuring during development», (n) Certains caractères discrets seraient plus fréquents d'un côté ou de l'autre (Ossenberg, 1969 ; Saunders, 1978 ; Molto, 1983). Pour expliquer ce fait, les auteurs font appel à la « directionnal asymetry» et proposent des hypothèses basées sur les différences entre les hémisphères cérébraux. En fait, dans la démarche de Me Grath étal. (1984), tous les caractères discrets ont la même valeur, et ce que recherchent ces auteurs (comme leurs prédécesseurs), c'est un schéma général valable pour tous les caractères. Ils soulignent que leurs résultats ne peuvent être appliqués à l'homme qu'avec réserve, mais ils ne prennent pas en compte le fait que ce qui est possible chez les esquimaux et les amérindiens pour deux caractères donnés ne l'est peut-être pas chez Macaca mulatta pour 1 3 autres. Le débat est donc loin d'être clos. Il faut en fait rechercher, dans une population donnée, les caractères pour lesquels la symétrie et l'asymétrie pourraient être le reflet d'un certain déterminisme génétique, et ceux pour lesquels «asymetry represent a mesure of the ability of an organism to buffer stresses ». Par ailleurs, en tenant compte du fait que l'héntabilité est une donnée spécifique de chaque population, il semble intéressant de rechercher si les phénomènes de symétrie observés dans un groupe, sont les mêmes dans un autre. III. — CARACTÈRES DISCRETS ET MARQUEURS GÉNÉTIQUES : CHOIX ET TRAITEMENT 47 Pour arriver à ces fins, il faut rechercher dans chaque groupe, les caractères liés à l'âge et au sexe, en fonction du côté où ils sont présents, mais aussi en fonction de leur uni ou de leur bilatéral ité ; les caractères qui, lorsqu'ils sont unilatéraux, le sont plus d'un côté que de l'autre ; des sous-ensembles topographiques, en fonction de la présence ou de l'absence du caractère par individu, mais aussi en fonction des côtés et de l'uni ou de la bilatéralité. 4.4. — Associations entre caractères Elles ont été recherchées dans chaque groupe en différentiant le côté droit du côté gauche. Les tests à utiliser pour ces recherches ont fait l'objet de multiples discussions (Molto, 1983). Actuellement le consensus semble s'être établi sur le coefficient du phi (24) qui est un Chi-carré normalisé. Il sera donc employé, assorti de sa probabilité, dont la distribution se rapproche de celle du Chi-carré. Deux caractères peuvent être associés pour plusieurs raisons (Molto, 1983 ; Saunders, 1989), ils représentent différentes expressions d'une même variable sous-jacente ; ils ont une origine embryologique commune ; ils sont influencés par des facteurs similaires (hormonaux par exemple) ; ils se mettent en place de façon concomitante ; de ce fait tout retentissement sur la croissance, intéressant l'organisme entier ou la zone où sont situés ces caractères, jouera sur les deux. En fait, ces recherches effectuées de façon systématique posent deux problèmes, (i) II n'y a pas de véritable hypothèse posée a priori; (n) la validité d'une telle démarche peut être discutée. Lorsque plusieurs milliers d'associations, ici 6400 par groupes, sont recherchées, si les caractères sont distribués de façon aléatoire, un certain nombre d'entre elles peuvent être statistiquement significatives car il n'y a pas d'indépendance des tests. Ce nombre est, ici, théoriquement de 320 pour une probabilité inférieure ou égale à 0,05 et de 7 avec une probabilité inférieure ou égale à 0,001. Il apparaît (Tableau I) que, lorsque le nombre de sujets augmente, la puissance du test augmente, et par conséquent le nombre de liaisons statistiquement significative est plus grand. La comparaison entre le pourcentage observé et le pourcentage théorique montre que la différence n'est statistiquement significative que dans le cas du groupe méroitique. C'est dans le groupe chrétien que les liaisons sont les plus nombreuses. La comparaison entre le pourcentage observé et le pourcentage théorique montre que la différence est statistiquement significative dans tous les groupes. Le nombre de sujets est donc l'une des données fondamentales, déjà mise en évidence par Sjovold (1977). Cependant, en raison du nombre d'associations, positives ou négatives, avec une probabilité inférieure ou égale à 0,001 , d'autres phénomènes doivent intervenir. Afin de rechercher ce qui pouvait lier ces variables, tout en sachant que toute association est spécifique d'un groupe et d'un environnement donné, toutes les associations retrouvées, avec une probabilité inférieure ou égale à 0,05, dans au moins deux groupes ont été discuttées. Nous avons recherché, pour chaque caractère, si les associations se faisaient de façon préférentielle avec des 24 phi = (Chi-carré/N)l/2 avec N nombre total de sujets 48 E. CRUBÉZY ETAL— MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN Nbre de sujets Nbre d'associations p < 0,05 Nbre d'associations p < 0,001 % d'associations sur 6400 avec p< 0,05 % d'associations sur 6400 avec p< 0,001 Méroitique Méroitique . ^ Ballaneen Chrétien 164 446 81 6,96% 1,26% 57 315 64 4,92% 1,00% 50 270 32 4,21% 0,05% 78 344 86 5,37% 1,34% Tableau I. — Nombre et pourcentage d'associations, positives ou négatives, avec une probabilité inférieure ou égale à 0,05 dans les différents groupes. — Number and percentage of associations, positive or negative, in the different group with a probability inferior or equal to 0.05 and to 0.001. caractères de la même catégorie. Par ailleurs, les associations de caractère, non pas deux à deux, mais entre eux tous est un problème qui a relativement été peu abordé en anthropologie. Dans le cas présent, une analyse des correspondances multiples été réalisée, pour chaque groupe, sur l'ensemble des caractères, avec chaque côté considéré de façon indépendante. Les plans principaux fournissent des ensembles très homogènes où seuls certains caractères très rares (osjaponicum par exemple) sont légèrement en périphérie. 5. — RECHERCHE DE REGROUPEMENTS TOPOGRAPHIQUES EN ANALYSE UNIVARIÉE Les caractères discrets permettent d'individualiser au sein d'une sépulture ou d'une nécropole des sous-groupes d'individus possédant un ou plusieurs de ces caractères. Si ces sous-groupes sont associés à des sous-groupes archéologiquement pertinents il y a alors une concordance entre données biologiques et archéologiques (Crubézy et Sellier, 1990). Dans ce cas l'organisation de l'ensemble funéraire n'est pas aléatoire mais repose (en partie au moins) sur des données biologiques qu'il convient d'analyser en gardant à l'esprit lors de l'interprétation cinq éléments, (i) Plus que l'interprétation familiale, qui est l'hypothèse privilégiée (surtout si des données archéologiques vont aussi dans ce sens), c'est la répartition des individus en sous-groupes archéologiquement pertinents qui reste le résultat fondamental, (ii) Les regroupements familiaux, ou de sujets apparentés, sont ceux de sujets génétiquement liés, et aucun lien familial précis (père, fille, cousin, etc.) ne peut être précisé, (iii) Certaines concentrations pourraient plus que ď autres être considérées comme familiales. Ce sont celles qui sont définies à partir de regroupements de caractères discrets, dont des études portant sur d'autres séries ont montré qu'un déterminisme familial existait, (iv) Ces concentrations représentent les regroupements familiaux mis en évidence ; d'autres existaient peut-être, mais ils n'ont pu être détectés, (v) Ce qui est recherché ce sont les regroupements de sujets apparentés et non les sujets apparentés (ils ne sont sûrement pas limités aux regroupements). III. — CARACTÈRES DISCRETS ET MARQUEURS GÉNÉTIQUES : CHOIX ET TRAITEMENT 49 Différents types de mise en évidence de regroupements topographiques ont été effectués, projection graphique, test des cases vides de Chessel, simulations, corrélations spatiales. Toutes ces mises en évidence n'ont pas la même valeur et n'explorent pas exactement les mêmes relations entre sujets. La projection graphique est subjective mais n'est liée à aucune loi statistique de distribution des sujets, elle explore aussi bien les relations à l'intérieur d'une même tombe qu'entre tombes adjacentes ou entre secteurs de cimetières. Les autres méthodes sont plus intéressantes car moins subjectives, une signification statistique pouvant être attribuée à chaque test. Toutefois, elles impliquent, sinon systématiquement — cf. infra — une distribution homogène du nombre de sujets, du moins un nombre minimum de sujets qui présentent le caractère. Le test des cases vides de Chessel et les simulations portent sur les regroupements à l'intérieur d'une même tombe, d'une façon plus restreinte pour le premier test que pour les simulations. Les corrélations spatiales explorent en plus les relations entre tombes adjacentes (avec la valeur du coefficient /qui a été choisie ici). En fait, ces méthodes sont complémentaires et ne donnent pas forcément le même résultat. La projection graphique, par exemple, semble particulièrement efficace pour repérer des regroupements topographiques basés sur des caractères très rares situés dans des tombes proches. En effet, dans ces cas, les regroupements apparaissent « évidents » à l'oeil alors qu'ils ne peuvent pas être mis en évidence par un test statistique (en raison du nombre trop faible de sujets présentant le caractère). Le test des cases vides de Chessel et les simulations permettent de préciser la valeur de regroupements situés dans des même tombes, quelle que soit leur situation dans le cimetière, lorsque les sujets qui présentent le caractère sont assez nombreux. Dans ces cas, bien souvent, l'interprétation de la projection graphique peut varier d'un observateur à l'autre. Les corrélations spatiales ont comme immense avantage de prendre en compte les sujets provenant de tombes adjacentes et de traiter des plans où les sujets présentant le caractère sont nombreux. Dans certains cas, ce qui peut apparaître à certains observateurs comme un fouillis, peut avoir une valeur statistiquement significative. 5.1. — Projection graphique Pour chaque caractère, dans chaque cimetière, une recherche de regroupements topographiques a été effectuée avec chaque fois une carte de répartition pour la présence/ absence du caractère par sujet ; la présence/absence du caractère du côté droit ; la présence/ absence du caractère du côté gauche ; l'unilatéralité du caractère ; la bilatéralité du caractère. Pour l'interprétation nous avons retenu, avant tout, les regroupements au sein d'une même tombe plus que la proximité topographique. En effet, cette dernière est une notion relativement vague, qui peut être perçue plus ou moins différemment suivant les observateurs, et qui est peut-être différente de la façon dont la concevaient les utilisateurs de la nécropole. Dans les groupes autres que le Méroïtique, il faut se contenter de cette projection. Pour le groupe méroïtique tardif, et pour le groupe ballanéen, même s'il y avait initialement des regroupements, ils seront difficiles à mettre en évidence. En effet, pour le groupe 50 E. CRUBÉZY ET AL — MICROÉVOLUTION О' UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN méroïtique tardif, il y a une distribution assez lâche des sépultures, et dans le groupe ballanéen, la plupart des sujets étudiés ne proviennent pas de sépultures adjacentes. Toutefois, dans ce dernier cas, certains sous-ensembles archéologiquement pertinents sont formés par les tumulus, et parmi ceux-ci il y en a qui ont un diamètre semblable. Le cas du groupe chrétien est le plus difficile à traiter. En raison de sa diversité, et de sa mauvaise définition archéologique, rechercher des regroupements de caractères discrets est sans grande signification. Cependant, dans le cas de la sépulture 2V6 46, nous signalerons les individus présentant le même caractère et dont les squelettes devaient être assez proches. Pour le groupe méroïtique, les cartes les plus intéressantes seront commentées pour chaque caractère. 5.2. — Le test des cases vides de Chessel Afin de contourner le caractère subjectif des interprétations précédentes, nous avons recherché des tests statistiques qui puissent conforter nos hypothèses. Nous avons du nous limiter aux tombes comportant plusieurs sujets, c'est-à-dire au cimetière méroïtique. Afin de savoir si l'utilisation de tests était possible nous avons d'abord vérifié si la distribution des sujets entre tombes suivait une loi de Poisson, de paramètre lambda, où lambda est le nombre moyen de sujets par tombe. Il apparaît que ce n'est pas le cas. Pour trouver une distribution de ce type, il faut se contenter d'étudier, de façon séparée, les tombes avec respectivement 2 et 3 sujets, celles avec 4 ou 5 sujets étant en trop petit nombre. Sur le plan méthodologique se limiter à ces deux échantillons est assez aventureux parce-que les tombes avec 2 ou 3 sujets sont relativement rares (22 et 9) et que les conclusions ne pourront donc pas être extrapolées à l'ensemble du cimetière. Dans le cas des tombes comportant 2 ou 3 sujets nous avons recherché, grace au test des cases vides de Chessel, la probabilité pour que le regroupement de x individus, présentant le même caractère dans une même tombe ne soit pas dû au hasard. Ce test n'implique pas qu'il y ait un même nombre de sujets par sous-ensembles ; il suffit que la distribution des sujets dans ces sous-ensembles soit homogène. Soit, N le nombre de tombes, P le nombre de sujets présentant le caractère, E [Zo] la probabilité d'avoir une tombe, sans sujet présentant le caractère, multiplié par le nombre de sous-ensembles : = Nx(l-l/N)p Variance : V [Z()] = NX(N-1)X(1- 2/N)p + E [ZJ - E [ZJ 2 Sigma = Racine de V [ZJ Pour savoir dans quelle mesure le résultat obtenu est dû au hasard, une « studentisation », recherchant les limites à partir desquelles le Zo calculé est asymptomatiquement distribué comme une variable t, doit être effectuée, t = (cases vides observées - E [Z()])/Racine de V [ZJ. Ce résultat doit être comparé à la table du t de Student. III. — CARACTÈRES DISCRETS ET MARQUEURS GÉNÉTIQUES : CHOIX ET TRAITEMENT 51 Les seuls regroupements statistiquement significatifs furent, le caractère foramen infraorbitale accessorium codé par crâne pour les tombes de 3 sujets ; le canalis condylaris intermedius codé du côté droit pour les tombes de 2 sujets ; la sutura frontotemporalis codée du côté gauche pour les tombes de 2 sujets. Cette faiblesse du nombre de cas statistiquement significatifs n'est pas étonnante dans la mesure où dans le cas des 22 tombes avec 2 sujets, la simulation des différentes situations (Crubézy, 1991), montre que les seuls cas statistiquement significatifs sont ceux où 2 sujets dans une même tombe, ou 3 sujets répartis dans deux tombes, présentent le même caractère. Dans le cas des 9 tombes avec 3 sujets, la simulation des différentes situations (Crubézy, 1991), montre que les seuls cas statistiquement significatifs sont ceux où 2 sujets provenant d'une même tombe présentent le même caractère. 5.3. — Recherche de regroupements statistiquement significatifs dans une même tombe par simulations Face aux difficultés soulevées par le caractère d'application très limitatif du test des cases vides de Chessel, nous avons eu recours à des simulations. Nous avons donc modélisé (Organigramme, Tableau II) la répartition aléatoire de 143 individus, dans 54 sépultures simples, 24 sépultures doubles, 6 sépultures triples, 2 sépultures de 4 sujets et 3 sépultures de 5 sujets, représentant le cimetière méroïtique. 25 Les sujets du groupe méroïtique dont nous possédons les crânes, et qui peuvent être replacés sur plan, sont au nombre de 147 répartis comme suit 54 tombes avec 1 sujet, 22 tombes avec 2 sujets, 9 tombes avec 3 sujets , 3 tombes avec 4 sujets , 2 tombes avec 5 sujets Le nombre moyen de sujets par tombe, est donc égal à 1 ,63 La distribution observée est la suivante Nombre de sujets par tombe Nombre de tombes 1 54 e ,X Px nx 2 0,206 38,22 Chi-deux = 48,6 4 3 3 9 5 2 >5 0 avec к - 1,63 et xE 11 > x! 1 0,319 46,89 Chi-deux = 2 22 3 0,141 20,8 4 0,0576 8,47 5 0,0149 2,2 (54-46,89)2 (22-38,22)2 (0-30.43)2 46,89 38,22 30,43 ddl = 5 1p rnilQUť < 5.Ю4 >5 0,207 30,43 52 E. CRUBÉZY ETAL— MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN Initialisation Caractéristiques de la nécropole Repartition des sepultures simples et multiples & nombre d'individus Caractéristiques du cntère retenu Nombre de sujets avec le caractère Fréquence à laquelle est observée une répartition n=0 Répétition en fonction du nombre de tirages aléatoires Repartition aléatoire des individus Caractéristiques de la répartition théonque = Répartition réellement observée dans la nécropole Comparaison Répartition observée ">="> Repartition théonque Tableau II. — Organigramme du programme en langage Pascal qui a permis d'effectuer des répartitions aléatoires d'individus présentant un caractère discret ou non dans les sépultures individuelles et multiples du groupe méroitique. — Diagram of the program (Pascal Language) which has allowed to perform the random repartitions of subjects with or without a discrete trait in the multiple and individual graves of the Meroitic group. Nous nous sommes intéressé aux caractères, présents au moins une fois sur les crânes, pour lesquels il existait plusieurs regroupements dans des tombes (26). Pour chaque tirage, nous avons dénombré le nombre de fois où la répartition est identique à celle observée dans le groupe méroitique. La répartition des sujets présentant les caractères (Tableau III) 26 Os au ptérion 2 sujets dans une tombe de 5 , 3 sujets dans une tombe de 4 ; 1 sépulture triple dont tous les sujets présentent le caractère , 1 sépulture double dont tous les sujets présentent le caractère Trou petit rond 3 sujets dans une sépulture de 5, 4 sépulture triple dont 2 sujets présentent le caractère, 3 sépultures doubles dont tous les sujets présentent le caractère Canal umdyhen intermédiaire 3 regroupements de 2 et 3 individus dans les sépultures de 5, 2 sépultures triples dont 2 sujets présentent le caractère, 2 sépultures doubles dont tous les sujets présentent le caractère III. — CARACTÈRES DISCRETS ET MARQUEURS GÉNÉTIQUES : CHOIX ET TRAITEMENT Caractère Moyenne Os au pténon 2,74 Canal condyhen int 0,47 Foramen épineux incomplet 0, 12 53 Percentiles Standard 1 5 10 50 90 95 99 5,49 1,41 0,79 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 10 2 0 15 3 0 24 7 4 Tableau III. — Les résultats des 100 000 tirages réalisés sous la forme de 1000 simulations de 100 tirages aléatoires. — Results of 100,000 drawings realised from 1000 simulations of 100 drawings made at random. dans les différentes sépultures individuelles et multiples est retrouvée en moyenne dans moins de 5 fois sur 100 lors des tirages aléatoires ce qui permet de supposer l'existence d'une répartition non aléatoire des individus présentant ce caractère dans les sépultures multiples du groupe méroïtique. 5.4. — Recherche de regroupements topographiques statistiquement significatifs. Les corrélations spatiales Lorsque nous ne nous intéressons plus uniquement au nombre de sujets par tombes mais à leur proximité topographique plusieurs approches dites de statistiques spatiales peuvent être réalisées (Walter, 1992). Certaines ont déjà été appliquées en anthropologie (Sokal et Jacquez, 1989 ; Epperson et Li, 1996). Une des méthodes les plus connues pour mettre en évidence les relations entre différentes unités spatiales est le coefficient / d'autocorrélation spatiale décrit par Moran (1950). Cette approche spatiale a déjà été appliquée à la recherche de relation familiale dans des cimetières (Sokal, Lengyel, 1987). En effet, au sein d'une nécropole l'existence de corrélations spatiales tend à indiquer que le marqueur choisi exprime des liens entre des sujets ou des groupes de sujets proches, tendant à démonter que l'inhumation n'a pas été aléatoire. Nous venons de démontrer (loi de Poisson, cf. supra) que la répartition des sujets par tombe n'est pas aléatoire, mais qu'en est il des relations entre ces individus mais aussi entre tous les individus inhumés à proximité l'un de l'autre ? Cette approche spatiale de la répartition des caractères discrets tente de répondre à cette question. Le coefficient / , semblable à un coefficient de corrélation de Pearson, prend en compte les relations entre les différentes unités spatiales sous la forme d'une pondération (Waldhor, 1996). Plusieurs méthodes de pondération peuvent être proposées (inverse de la distance euclidienne, pondération dichotomique avec un poids égale à l'unité pour les régions contiguës et à zéro pour les autres). La distribution du coefficient / , son espérance et sa variance sont connues, ce qui permet de calculer sa significativité (Munasinghe et Morris, 1996). La recherche de relations spatiales entre les inhumés a conduit à choisir une pondération représentant le possible lien entre des sujets inhumés dans la même tombe ou dans des tombes adjacentes. Nous avons donc défini deux types de relations spatiales : celle représentée par des sujets proches (tombes adjacentes ou identiques) pour laquelle 54 E. CRUBÉZY ETAL — MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN W est égal à 1 et celle représentée par les autres sujets éloignés, quelque soit cette distance, pour laquelle Wt est égal à zéro. La programmation des calculs de l'indice / de Moran, de sa significativité et du coefficient d'autocorrélation spatiale /? a été réalisée en langage IML {Interactive Matrix Language) sur SAS(27). Avec un tel indice, nous n'avons pu retenir que les caractères discrets suffisamment présents chez les sujets de la nécropole pour permettre la réalisation et l'interprétation des calculs. Trois résultats sont significatifs (Tableau IV). Pour le trou petit rond incomplet il semble exister 3 regroupements, dans les zones U-42, T/U-43/44, et T45. Pour le dédoublement du trou infra-orbitaire, un seul regroupement est mis en évidence dans la zone T/U-42 et pour l'épine ptérygo-alaire dans la zone U-43. Il apparaît donc que les zones U-42, U-43 et T-45 sont des zones de regroupements pour les caractères retenus. 27. Le coefficient de Moran est défini par : /= 1 J I où • xt et je . les valeurs de la variable dans les sous-unités géographiques i et j W: la pondération pour représenter la relation spatiale entre les sous-unités géographiques i et j Sous l'hypothèse d'une distribution spatiale aléatoire, la moyenne et la variance sont égales à E(I) = l/(n - 1 ) ^ ' Un coefficient R = — J d'autocorrélation spatiale pour chaque unité géographique i peut n-1 être défini permettant la représentation spatiale des corrélations entre les unités géographiques sur des cartes géographiques, mettant en évidence les zones d'auto-corrélation spatiale III. — CARACTÈRES DISCRETS ET MARQUEURS GÉNÉTIQUES : CHOIX ET TRAITEMENT Caractère discret indice / Traces de Y os japomcum -0,0400 Foramen de Huschke -0,1287 Suture mfra-orbitaire 0,0398 Sutura transversa squamae otcipitalis -0,0709 Sutura mendoia -0,0479 0 suturaire sagital -0,0552 Préinterpanétal -0,0741 Os à l'incisure pariétale 0,0619 Os suturaire lambdoide -0,1477 Articulation fronto-temporale -0,0100 Foramen épineux incomplet 0,2633 foramen mfra-orbitaire accessoire 0,2295 0,1342 Os au pténon 0,0844 Torus palatin Canal condylien intermédiaire 0,0540 Métopisme 0,1019 Os suturaire occipito-mastoidien 0,0470 Foramen mastoïdien absent 0,0225 Epine trochléaire 0,0672 Pont ptérygo-alaire -0,0435 Epine ptérygo-alaire 0,2324 Canal hypoglosse bipartite 0,0742 Processus pariétal squam Temp 0,0797 * résultat significatif au seuil de a = 0.05 55 t 0,4997 1,6074 0,4970 0,8852 0,5986 0,6892 0,9253 0,7730 1,8446 0,1251 3,2878* 2,8661* 1,6754 1,0539 0,6749 1,2731 0,5873 0,2808 0,8392 0,5437 2,9017* 0,9262 0,9955 Tableau IV. — Groupe méroitique, Test de corrélation spatiale, résultats de l'indice I de Moran. — Meroitic Group, autocorrelation analysis, result of the index of Moran. 6. — DÉMARCHE SUIVIE EN ANALYSE MULTIVARIEE Les méthodes d'analyses multidimensionnelles permettent la confrontation d'un ensemble d'informations qui, a priori, peut être plus riche que leur examen séparé. De données trop nombreuses pour être appréhendées directement, elles extraient les tendances les plus marquantes, les hiérarchisent, et éliminent les effets marginaux ou ponctuels qui perturbent la perception globale des faits (Escofier et Pages, 1988). Dans la présente analyse, les données sont sous forme de tableaux où se croisent des sujets et des variables. Face aux nombreuses méthodes d'analyses de données proposées actuellement, il convient de choisir celles qui permettront de passer de l'anecdotique au général dans la recherche 56 E. CRUBÉZY ETAL— MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN de sous-ensembles topographiques permettant de repérer d'éventuels regroupements familiaux (Crubézy, 1991). Les facteurs de biais des comparaisons entre groupes sont notamment ceux liés à l'âge et/ou au sexe ainsi que les liaisons entre caractères. Il faut donc procéder à une sélection des caractères en éliminant les plus liés à l'âge et/ou au sexe, et en n'en retenant quun seul pour ceux liés entre eux. Une fois cette étape effectuée, les analyses des correspondances multiples, semblent de peu d'intérêt, car un nombre insuffisant d'éléments va contribuer à leurs premiers facteurs (28). Face aux nombreuses méthodes d'analyses de données proposées actuellement, afin de passer de l'anecdotique au général dans la recherche de sous-ensembles topographiques (29) (Crubézy, 1991), nous avons utilisé deux approches descriptives complémentaires, les classifications automatiques ascendantes et l'analyse factorielle du tableau de distances (AFTD). Le plus souvent c'est deux grandes classes qui ont été mises en évidence. Aussi, afin de vérifier la réalité des partitions obtenues, nous avons utilisé la régression logistique pas à pas. Par ailleurs, cette dernière permet de préciser sur quels caractères ces classes sont principalement définies, puisque lors d'analyses portant sur les tableaux de distances, la notion de variable est perdue. 6.1. — La distance entre sujets et entre groupes Définir une distance revient à exprimer par un seul nombre la relation entre deux individus, définis chacun par plusieurs caractères. Une distance, d, est une application qui associe à chaque couple de sujets ou d'éléments (i, j), un nombre réel positif d (i, j), telle que: d(i,j) > Osi i =j d (i, i) = 0 Les 3 premières conditions traduisent notre intuition qu'une distance entre deux objets est un nombre positif, qu'elle est indépendante du sens parcouru et qu'elle ne s'annule que dans le cas où les deux objets sont confondus. La dernière correspond à l'inégalité triangulaire : un côté est plus petit que la somme des deux autres ; elle traduit notre besoin d'une certaine cohérence dans les proximités entre éléments. Elle signifie que deux éléments proches d'un troisième ne sont pas très éloignés l'un de l'autre. Il est possible de construire une multitude de distances, chacune ayant des propriétés plus ou moins bien adaptées au problème étudié, ou correspondant plus ou moins à l'objectif 28 Dans un soucis de vérification, une analyse des correspondances multiples a cependant été effectuée à partir des 19 caractères retenus II est apparu que l'inertie cumulée expliquée des deux premiers facteurs n'est que de 15 %, et que les sujets forment un centroide îninterprétable 29 Dans ce cadre la stratégie méthodologique a bénéficié des travaux de Doctorat de J Picard (1987) ainsi que des logiciels (SAM) mis au point dans le service de Biomathématique et d'Informatique Générale du Centre de Recherches du Service de Santé des Armées III. — CARACTÈRES DISCRETS ET MARQUEURS GÉNÉTIQUES : CHOIX ET TRAITEMENT 57 de l'étude. Dans le cas de caractères codés présent ou absent, la distance la plus appropriée définie de façon analogue tant pour les lignes (sujets), que pour les caractères (colonnes), semble la distance du Chi-deux au sens de Benzecri, c'est à dire la distance calculée sur le tableau disjonctif complet. Ce tableau est une juxtaposition de tableaux de contingence qui récapitule l'ensemble des liaisons entre les variables prises deux à deux (Escofier et Pages, 1988). De ce fait, la distance entre deux lignes dépend essentiellement des différences terme à terme entre les deux profils, dont elle fait une somme des carrés pondérés. Celle-ci équilibre l'influence des colonnes sur la distance entre les lignes. Elle augmente donc les termes plus faibles concernant les modalités rares. Cette dernière donnée est particulièrement importante pour la recherche de regroupements à partir de caractères discrets. En effet, plus les caractères sont rares plus il peuvent servir à définir des regroupements précis. Comme les sujets sont caractérisés par des données qualitatives il aurait pu sembler intéressant d'utiliser un indice de ressemblance puis de le transformer en un indice de dissemblance à partir duquel seraient effectuées les différentes classifications hiérarchiques et l'AFTD. Un tel indice est en fait un coefficient d'association ou de similitude. Il ne peut être assimilé à une distance mathématique, car il ne répond pas à l'inégalité triangulaire. Avec un tel indice deux objets relativement proches d'un troisième peuvent être à une distance infinie l'un de l'autre (Jacquard, 1973, p. 30) et il va y avoir une distorsion importante du nuage de points. En revanche, la distance du Chi-deux au sens de Benzecri étant une distance euclidienne, lors de Г AFTD l'image euclidienne du nuage de sujets sera exacte, et la distorsion dans les premiers facteurs limitée à la perte d'inertie. Toutefois, l'ensemble des analyses a été effectué une fois à partir de la distance du Chi-deux et une autre fois à partir du coefficient de Sokal et Michener (Crubézy, 1991). Il s'est avéré, que la première méthode a toujours retrouvé les principaux résultats de la seconde, et qu'elle a toujours permis d'aller plus loin. Il ne sera donc question ici que des résultats basés sur la distance du Chi-deux. 6.2. — Algorithmes et classifications hiérarchiques ascendantes Nous présenterons successivement, le type de classification retenu, la procédure suivie, l'algorithme général commun aux diverses techniques de classifications hiérarchiques ascendantes, les critères d'agrégation de classes, puis leur mise en oeuvre, leurs intérêts et leurs inconvénients. Aucun caractère ne peut fonctionner comme une clé de classification, donc les techniques de classification automatique ne pourront pas se baser sur les méthodes monothétiques et une méthode polithétique devra être utilisée. Parmi ces dernières, celles basées sur un algorithme ascendant, qui procède à la construction des classes par agglomérations successives des individus deux à deux, et qui peuvent fournir une hiérarchie de partitions, semblent appropriées. De même, lors des analyses intergroupes, comme le problème posé concerne, avant tout, la transition de la période méroïtique à la période post-méroïtique (chacune contenant deux groupes), la recherche d'agglomérations successives des groupes deux à deux semble la plus intéressante. 58 E. CRUBÉZY ETAL — MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN Lorsque l'on utilise la classification hiérarchique ascendante, les sujets regroupés dans une même classe sont voisins globalement, au sens de la distance utilisée, et c'est bien ce qui est recherché. Toutefois, il faut tenir compte du fait que, lorsque des sujets sont agrégés au même niveau, pour une distance et une ultramétrique choisie, ils sont seulement équidistants. Ceci peut parfois venir, surtout pour une distance du Chi 2 dans le cas de caractères rares, de caractères différents. Il semble important de rappeler que ces techniques utilisent des critères très variés et que les références à la statistique mathématique sont assez rares : ce sont des méthodes algorithmiques dont les principes généraux relèvent plus du bon sens que d'une théorie formalisée (d'après Lehart et ai, 1982; Picard, 1987). Il est indispensable d'avoir une stratégie lorsque plusieurs couples de classes se trouvent à la même distance. Selon les critères ď agrégation choisis, la hiérarchie dépend de Г ordre dans lequel les classes sont agrégées à égales distances. Dans la classification hiérarchique ascendante programmée par J. Picard (1987), toutes les classes à égale distance sont agrégées au même niveau. De ce fait, lors de la procédure de regroupement, les deux classes à agréger sont remplacées par une nouvelle classe et le tableau des distances est modifié en calculant la distance des autres classes à cette dernière. Ici, quelque soit le critère d'agrégation, l'algorithme qui a été utilisé est le même ; il s'inspire de celui décrit par Jambu (1978 ; In Picard, 1987). 6.3. — Les critères d'agrégation de classes Un critère d'agrégation correspond à une règle de calcul des distances entre groupements disjoints d'objets. Benzecri (1973 ; cité par Picard, 1987) a montré qu'il existe une équivalence entre hiérarchie indicée et distance ultramétrique. Les espaces ultramétriques correspondants sont des espaces ou tous les triangles sont isocèles avec le plus petit côté pour base. Dans ces conditions, l'algorithme de la classification hiérarchique ascendante revient à remplacer le tableau des distances entre objets par un tableau d'ultradistances. L'équivalence entre ultramétrique et hiérarchie de partition fournit alors le dendrogramme pour Г ultramétrique choisie. Les ultramétriques les plus utilisées sont (Picard, 1987) : — Ultramétrique du voisin le plus proche (single linkage) Elle consiste à définir la distance entre deux classes comme étant celle des deux sujets les plus proches appartenant à chaque classe. L'arbre associé est l'arbre de longueur minimum qui est très utilisé en recherche opérationnelle. Cette technique d'agrégation' fournit un effet de chaînage, c'est à dire des agrégations successives dans une même classe. Dans ces cas, les classes de forme caténaire, ou la succession des classes peuvent être le reflet du continuum unissant deux individus à ceux qui les entoure puis au reste de la population. La rupture de ce continuum peut par ailleurs servir à détecter des outliers dans une population ou dans un groupe, et pour certains auteurs (Kanal, 1972 ; Milligan, 1980) ce serait le principal intérêt de cette ultramétrique. III. — CARACTÈRES DISCRETS ET MARQUEURS GÉNÉTIQUES : CHOIX ET TRAITEMENT 59 — Ultramétrique de la distance moyenne aux sujets de la classe (average linkage) Elle permet une bonne prise en compte des objets appartenant aux classes car elle parait «naturelle» (Picard, 1987). L'effet de chaînage y est également limité, et avec la distance du voisin le plus proche c'est l'une des plus usitées dans les comparaisons de population. Pour de nombreux auteurs (Fards, 1969 ; Wilmink et Uytterschaut, 1984), ce serait même une des méthodes les plus robustes en anthropologie. — Ultramétrique de la distance au barycentre de la classe Ce critère prend le barycentre de la classe. De ce fait, la forme du nuage des différentes classes est perdue, ce qui n'était pas le cas avec la distance moyenne aux sujets de la classe. La comparaison de ce critère avec le précédent permet donc d'estimer la forme du nuage des différentes classes et donc leur plus ou moins grande dispersion. — Critère de la perte minimale d'inertie II minimise la perte d'inertie que constitue le regroupement de deux classes. Au lieu de chercher les deux éléments les plus proches, ce sont les éléments correspondant à la perte minimale d'inertie qui sont recherchés. En limitant considérablement l'effet de chaîne, le critère de la perte d'inertie minimum permet d'obtenir des classes mieux séparées et plus denses et peut être plus fiables. En contrepartie cette stratégie, en augmentant les indices de regroupement, à tendance à donner à l'utilisateur l'illusion de classes très bien séparées, alors qu'il n'en est rien. L'inspection des classes dans le plan principal d'une AFTD est alors d'un grand secours pour éviter les mauvaises interprétations. Ce dernier critère semble le critère de choix lors des études intergroupes, surtout lorsque se sont les fréquences des caractères qui sont prises en compte et où ce qui est recherché ce sont des classes bien séparées. Par ailleurs, il semble aussi intéressant dans toutes les études intra ou intergroupes lorsque ce sont des sujets qui sont étudiés. Dans ces cas en limitant la succession des classes, il diminue l'impression d'homogénéité relative du groupe ou de la population. Ceci revient en fait à diminuer le bruit de fond de la population en fournissant des classes plus denses et en maximisant leurs ultra distances. 6.4. — Mise en oeuvre des différentes classifications Plus que l'utilisation d'un critère, ce sont les comparaisons entre les différentes hiérarchies qui doivent fournir une idée de la variabilité intra et intergroupe. Celles-ci permettent de faire la part entre le bruit de fond de la population et ce qui pourrait être plus le propre de certains sous-groupes. De ce fait, lors de chaque étude, si certaines ultramétriques seront plus prises en considération, toutes seront chaque fois utilisées. 6.5. — L'analyse factorielle du tableau de distances (AFTD), son interprétation, sa visualisation L' AFTD fournit une visualisation plane et continue qui devrait permettre de préciser les relations entre chaque individus. En effet, il y a équivalence, pour une distance 60 E. CRUBÉZY ETAL— MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN euclidienne, entre le tableau des distances et celui du produit scalaire, et l'image euclidienne obtenue est bien la plus proche du nuage des individus, même si à ce niveau là, la notion de variable est perdue (Picard, 1987). Il faut remarquer que classification hiérarchique et AFTD, sont l'expression d'une même réalité, dont le ou les premiers plans de l'AFTD, n'expriment qu'une partie ; de ce fait le pouvoir décisionnel est le propre de la classification. Les propriétés de cette image, dans le cas de distances euclidiennes, semblent particu lièrement adaptées aux problèmes définis, car la distance reflète la ressemblance entre le profil des individus. De ce fait, si le tableau des distances entre les différents sujets a un certain déterminisme familial ; si dans le cimetière la distance entre individus dépend des liens familiaux ; alors l'image euclidienne obtenue devrait pouvoir être mise en parallèle avec le plan des sépultures. Par ailleurs, si au cours du temps, le cimetière a évolué dans l'espace, si l'image euclidienne reflète aussi cette évolution, cela signifie qu'avec le temps il y a eu des variations de fréquence ou d'association des caractères discrets. Ces changements en fonction du temps, pourraient être considérés comme révélateurs de facteurs micro-évolutifs. Comme dans toute analyse factorielle, les plans ne sont pas étudiés, ils sont interprétés. C'est à dire qu'il faut essayer de leur donner un sens, en les intégrant dans trois contextes de plus en plus larges (Escofier et Pages, 1988). (i) Classiquement le premier contexte dans lequel il convient de situer une valeur d'un tableau est le tableau lui-même. Cependant, en AFTD, la notion de variable est perdue et les coordonnées factorielles ne peuvent pas être traduites en termes de données initiales ; toutefois, un bilan, sur les inerties associées aux différents facteurs devra être effectué, (ii) Le second contexte, dans le cadre particulier de Missiminia, est constitué par l'observation des quelques sujets extérieurs à la nécropole, qui vont servir de points de repère, (iii) Le troisième contexte devra essayer de dégager les grandes tendances observées et en ce sens il ne pourra qu'être réducteur. Il va toutefois, être guidé, (i) par la differentiation des hommes et des femmes qui devrait permettre de préciser laquelle des AFTD fournit la zonation la plus proche de celle du cimetière ; (ii) par l'analyse univariée; ainsi, pour la période méroïtique, si aucun sous-ensemble topographique n'est mis en évidence, alors que l'analyse univariée en a retrouvé plusieurs, il conviendra de s'interroger, d'abord sur la méthode et après sur le résultat. À partir de ces éléments il n'y aura que deux grands cas, celui où Г AFTD reproduit les partitions (zonation) de la nécropole et celui où elle ne les reproduit pas. Cette reproduction des partitions est un élément descriptif et, plus la forme donnée aux représen tationssera parlante, plus l'interprétation pourra être fine. C'est pourquoi, pour le groupe méroïtique qui s'y prête particulièrement, nous avons donné à chaque sujet sur le plan du cimetière ses valeurs sur le premier et le second axe de l'AFTD. Ensuite, grace à un logiciel d'interpolation linéaire (UNIRAS) des gradients furent recherchés et mis en évidence grace à un dégradé de couleurs et/ou de hauteurs. III. — CARACTÈRES DISCRETS ET MARQUEURS GÉNÉTIQUES : CHOIX ET TRAITEMENT 61 6.6. — La régression logistique pas à pas Les classifications hiérarchiques et Г AFTD sont des méthodes descriptives qui placent les sujets les uns par rapport aux autres. Si certaines classes sont agrégées à des niveaux différents et/ou si elles sont nettement séparées sur l'AFTD, il faut savoir s'il existe des variables qui, combinées, pourraient expliquer la différence entre ces classes ainsi que leur valeur discriminante une fois combinées. Autrement dit, pour un sujet tiré au hasard dans la population, connaissant ses caractères discrets, quelle est la probabilité pour qu'il soit correctement classé ? Dans la présente étude, et pour tous les groupes étudiés, il est apparu que deux grandes classes pouvaient être individualisées et qu'elles étaient retrouvées sur les AFTD. Sur les logiciels utilisés, l'analyse discriminante qualitative n'étant pas disponible, nous avons utilisé, d'une part en raison de ces partitions en deux grands sous-ensembles, et d'autre part en raison du caractère discret (présent/absent) des variables, la régression logistique pas à pas. Celle de BMDP basée sur le critère de convergence du maximum de vraisem blancefut choisie. Il y a deux parties à cette analyse : (i) Recherche de la ou des variables (caractères discrets) explicatives en fonction d'un modèle de régression logistique (30) (Kahn et Sempos, 1989) : У 1 1 + e-(a + b1x] + b2x2+ ... + bx) où y, qui représente la probabilité d'appartenance à l'un des 2 ensembles, va varier entre 0 — lorsque a + (somme de bx) tend vers plus l'infini — et 1 — lorsque a + (somme de bx) tend vers moins l'infini — ; a est une constante; x,, x2, ..., xt sont les caractères discrets retenus ; b,, b2, br sont les coefficients affectés aux caractères discrets retenus (ils sont estimés à partir du critère de convergence sur le maximum de vraisemblance 01)). 30 Dans ce modèle, basé sur une fonction logistique multiple, les caractères discrets vont être introduits progressivement (pas à pas) II peut arriver, après un certain nombre de pas que des caractères introduits en tête, par le biais de leur liaison avec un ou plusieurs autres caractères introduits ultérieurement, ne soient plus significatifs La procédure de sélection progressive utilise ce fait pour les éliminer. 31 Au bout d'un certain nombre de pas, même si le nombre de variables augmente, le pourcentage de sujets bien classés dans un groupe reste stable ou diminue, c'est le modèle final Par ailleurs, le programme de BMDP fournit, entre autres, la probabilité du goodness offit chi-square au sens de Brown qui correspond à l'adéquation du modèle (le modèle retenu est-il un «bon modèle » ?) et qui n'est pas soumis à la limitation des cases à moins de 5 occurrences 62 E. CRUBÉZY ETAL— MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN (ii) Recherche d'un seuil décisionnel par simulation puis application de ce seuil dans un processus décisionnel permettant de faire une discrimination (32> "\ 6.7. — Démarche suivie L'analyse de chaque groupe sera d'abord effectuée de façon globale, puis en fonction de chaque sexe. Afin d'éviter toutes confusions, nous analyserons successivement: Les classifications hiérarchiques ascendantes. L'analyse se fera en deux temps : (i) Division des groupes suivant les ultramétriques, recherche de formes fortes ou communes à plusieurs ultramétriques puis régression logistique pas à pas entre les partitions mises en évidence, (ii) Analyse des partitions en tenant compte du plan des cimetières analysés, afin de rechercher une concordance ente données biologiques et topographiques L'AFTD L'analyse se fera en trois temps : (i) Analyse de Г AFTD proprement dite (nombre de plans retenus, inertie associée à chaque facteur, répartition des individus) et lorsque deux ensembles seront mis en évidence, une régression logistique pas à pas pourra être effectuée, (ii) Analyse de Г AFTD, en tenant compte des partitions obtenues à partir des principales 32 Au bout d'un certain nombre de pas, même si le nombre de variables augmente, le pourcentage de sujets bien classés dans un groupe reste stable ou diminue, c'est le modèle final Par ailleurs, le programme de BMDP fournit, entre autres, la probabilité du goodness offit chi-square au sens de Brown qui correspond à l'adéquation du modèle (le modèle retenu est-il un « bon modèle » ?) et qui n'est pas soumis à la limitation des cases à moins de 5 occurrences Cette analyse va déterminer, lorsque le modèle retenu est un «bon modèle», dans quelle mesure, l'on peut prévoir statistiquement, qu'un sujet pris au hasard appartient à l'un des deux sous-ensembles Elle débouche sur des histogrammes qui mettent en évidence, pour chaque sous-ensemble, le nombre de sujets correctement classés en fonction des probabilités estimées (eut-point) à partir de ces variables Pour un eut point proche de 0, le pourcentage de sujets correctement classé dans l'un des sous-ensembles (A) est maximal, tandis que celui des sujets correctement classés dans l'autre est minimal A mesure que le tut-point augmente, le nombre de sujets correctement classé dans A diminue et celui dans В augmente — Pour un eut-point donné (appelé le cut-off), le pourcentage de sujets correctement placés dans un groupe et dans l'autre est maximal Ce pourcentage est alors comparé aux valeurs théoriques d'une table binomiale qui précise son degré de signification statistique 33 Remarque Dans la deuxième partie de l'étude, le problème majeur est celui du nombre de sujets par sousensemble En effet, si A et В ont le même nombre de sujets, si l'on met d'office tous les sujets dans A, alors sur la totalité des deux groupes il n'y aura finalement que 50 % de sujets bien classés, ce qui correspond à un tirage au hasard Dans ce cas, la connaissance de quelques variables peut considérablement améliorer le classement En revanche, si A contient 95 sujets et В 5 sujets, il suffit de classer d'emblée les 100 sujets dans A pour avoir déjà 95% des sujets correctement classés Dans ce cas la valeur prédictive combinée des variables ne peut presque jamais être statistiquement significative De ce fait, lorsque nous serons confrontés à des sous-ensembles où le nombre de sujets est très différent, si les variables combinées n'ont pas une valeur prédictive, il faudra se demander dans quelle mesure cela n'est pas dû au déséquilibre des deux sous-ensembles La régression logistique sera donc réeffectuée en reprenant, d'une part les sujets du sous-ensemble d'effectif le plus réduit, et d'autre part un nombre de sujets équivalent, provenant du sous-ensemble le plus important, et recrutés par tirage aléatoire III. — CARACTÈRES DISCRETS ET MARQUEURS GÉNÉTIQUES : CHOIX ET TRAITEMENT 63 classifications hiérarchiques afin de voir où se projettent les différentes classes sur les plans obtenus, (iii) Analyse de Г AFTD en tenant compte du plan des cimetières analysés. Dans quelle mesure les plans de Г AFTD, retrouvent-ils la zonation du cimetière ? 7. — ETUDES INTER-GROUPES ET ANALYSE DES DONNEES Le but de cette étude est la mise en évidence des différences et/ou les rapprochements entre groupes, définis d'abord par la fréquence de leurs caractères discrets, puis par la variabilité de leurs sujets. Comme pour la plupart des données biologiques chez Homo sapiens sapiens, la variabilité intra et intergroupes est telle que seules les fréquences devraient fournir des différences ou des rapprochements. Ceux-ci, combinés aux résultats et aux tendances dégagés des études intra-groupes, pourraient, éventuellement, être interprétés comme révélateurs de tendances micro-évolutives. L'étude de la variabilité de la population dans son ensemble devrait plutôt nous renseigner sur les facteurs à l'origine de celle-ci. En raison du faible nombre de groupes étudiés, la stratégie méthodologique sera divisée en 3 parties : (i) Etudes intergroupes à partir des fréquences des caractères discrets sélectionnés. Ces études seront effectuées avec les principales ultramétriques précédemment décrites. (ii) Une autre méthode fréquemment employée, lors des études intergroupes, est celle de C. A.B Smith-Grewal — ou MMD ou « mesure moyenne de divergence » — qui compare les groupes deux à deux. De nombreux travaux concernant la validité de la MMD ont été réalisés (Sjovold, 1977a; Finnegan etCooprider, 1978). Il apparaît (Lane, 1977) qu'elle s'apparente plus à un test statistique qu'à une distance biologique, car elle est influencée par le nombre de crânes dans chaque échantillon, et elle peut être négative. (iii) Relations entre les groupes à partir de la variabilité des différents individus. Classification hiérarchique ascendante, AFTD et régression logistique pas à pas seront de nouveau utilisées. Problèmes méthodologiques Dans une distribution binominale la variance étant proportionnelle à la moyenne il faut dans un premier temps effectuer une transformation en arc sinus de la fréquence des 19 caractères afin de rendre la variance indépendante de la moyenne. Un grand nombre de formules sont connues, et toutes ont fait l'objet de multiples discussions (Green et Suchey, 1976 ; Sjovold, 1977a), car elles sont plus ou moins adaptées aux petits échant illons, cas qui se pose ici dans le groupe ballanéen, lorsque les sexes sont traités séparément. À la suite de Green et Suchey (1976), puis de Lane (1977), la formule suivante, où к est le nombre de crânes présentant le caractère et n le nombre total de crânes, a été retenue : в' = 0,5 arcsin [l-2k/(n+l)J + 0,5 arcsin [l-2(k+l)/(n+l)] 64 E. CRUBÉZY ETAL — MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN Par ailleurs, la correction de Barlett (Sjovold, 1973) a été appliquée pour les caractères absents (k/n = 0) et dans ces cas la valeur de k/n a été considérée comme égale à l/4n. À partir des valeurs de 0, deux types d'analyses furent effectués, (i) Celle basée sur des distances entre groupes en utilisant la distance du CHI2 (Jacquard, 1973) qui a l'avantage de pondérer les écarts entre groupes en donnant plus de poids aux caractères les moins fréquents dans certains groupes, (ii) La MMD, calculée selon Green et Suchey (1976) (34). La MMD entre deux groupes est statistiquement significative, avec une probabilité de 0,05, si elle est égale ou supérieure à deux fois sa déviation standard. La variance est donnée suivant Sjovold (1973) (35). La Mesure Moyenne de Divergence peut-être négative. Ceci a largement été discuté {cf. Molto, 1983). En effet, par définition, une distance doit être positive ou égale à 0. Dans la présente étude, la MMD sera uniquement considérée comme un test statistique {cf. Lane, 1977) et non comme une distance. 8. — SÉLECTION DES CARACTÈRES DISCRETS Celle-ci a été réalisée à partir des données obtenues lors des études uni et bi variées. Nous avons recherché des caractères non liés à l'âge et/ou au sexe, et pour ceux liés entre eux nous n'en avons retenu qu'un. Il est cependant apparu qu'aucune liaison n'était commune, à la fois, aux quatre groupes étudiés. Nous aurions donc pu réaliser l'étude de chaque groupe avec des caractères différents. Toutefois, comme une phase de comparaison intergroupes est prévue et que c'est l'évolution au long cours de la population qui reste le but final de cette étude, une sélection des mêmes caractères pour les quatre groupes s'imposait. Pour cette sélection, nous avons éliminé les caractères les plus rares afin d'éviter au maximum des fréquences inférieures à 5 %, mais surtout égales à 0 % dans certains groupes. En raison du faible nombre de sujets dans certains échantillons, les fréquences les plus basses peuvent simplement être le fait de quelques sujets apparentés. Nous avons aussi été influencés par les débats antérieurs (sur d'autres populations) notamment ceux de Ossenberg (1981) et de Me Grath et al. (1984), ce qui a conduit à l'élimination d'un 34 9| в du caractère i dans le premier groupe ; 0'^ 0 du caractère i dans le second groupe ; n nombre d'observations dans le premier groupe pour le caractère i ; n nombre d'observations dans le second groupe pour le caractère i ; N le nombre de caractères pris en compte MMD = JT 35. III. — CARACTÈRES DISCRETS ET MARQUEURS GÉNÉTIQUES : CHOIX ET TRAITEMENT 65 Nom Proposition de nom latin • Scissure pétro-squameuse postérieure . fissura squamomastoidea -Traces de Vos japomcum traces de la sutura zygomatica - Foramen épineux incomplet foramen spinosum incompletum - Foramen de Huschke . foramen tympanicum - Agénésie de la troisième molaire supérieure . .. ■ Torus palatin torus palatinus - Epine trochléaire spina trochlearis - Epine ptérygo-alaire spina pterygoalans - Canal condyhen intermédiaire . canahs condylans intermedius - Processus para-condyhen processus paracondylaris - Préinterpanétal os preinterpanetale -Osaupténon os pteru - Articulation fronto-temporale sutura frontotemporahs - Os à l'incisure pariétale os incisurae panetahs - Os suturaire occipito-mastoidien . ossa suturae occipitomastoideae - Foramen zygomatico-facial double ou multiple .. foramina zygomaticofaciale (double ou multiple) -Foramen pariétal présent foramen pariétale présent - Foramen mastoïdien absent foramen mastoideum absent - Canal condylaire présent . . ... canahs condylans présent Tableau V. — Liste des caractères discrets retenus pour les analyses multivanées. — List of the discrete traits selected for the multivanate analysis. caractère tel que Y ossa suturae lambdoidea. En effet, bien qu'il n'y ait pas de problème de codage, il faut, dans ce cas, se demander si le codage en présent/absent est bien le plus approprié, et si une pondération fonction du nombre d'os suturaires présents n'était pas nécessaire. Nous nous sommes basés sur les points forts des analyses univariées, et pour les liaisons nous avons surtout retenu celles qui étaient le plus élevées parmi les statistiquement significatives. Il est ainsi apparu que : (i) Les côtés étant souvent étroitement liés, un codage par sujet, et non plus par côté s'impose ; (ii) certains caractères, tel que l'os asterii, liés au sexe dans plusieurs groupes à Missiminia, mais aussi dans d'autres séries, doivent être éliminés ; (iii) certains caractères, tels que des traces de sutures, sutura incisiva notamment, même si leurs fréquences varient, peut-être en fonction d'une certaine consanguinité, doivent être éliminés, car tout de même liés à l'âge. Les caractères hyperostotics ont fourni de nombreux regroupements, dans de nombreuses études ils ont une forte héritabihté et leurs liaisons avec le système homéogéne est probable, ils ont presque tous été retenus. Nous avons retenu 19 caractères (Tableau V) puis nous avons vérifié, par le biais d'une analyse des correspondances multiples, que ce qui était obtenu dès le premier plan pour les sujets comme pour les variables, était bien un centroïde et que l'âge et le sexe n'intervenaient pas. — IV.— ÉTUDE DES CARACTÈRES DISCRETS 1. — LES CARACTÈRES HYPOSTOTICS Les caractères hypostotics sont des caractères qui correspondent, chez l'adulte, à une ossification ou à une synostose incomplète, de sutures habituellement totalement synostosées à cet âge, ou à la persistance d'un morphe fœtal ou immature. Nous avons classé dans cette catégorie : les traces de sutures, la persistance de stades immatures d'orifices de la base du crâne, des caractères qui pouvaient apparaître, suivant différents auteurs, comme la persistance de morphes embryonnaires, fœtaux ou de l'enfance. Par ailleurs, nous avons ajouté à cette catégorie l'agénésie de la troisième molaire, considérant qu'elle représentait la persistance d'un morphe immature. 1.1. — Suture métopique présente {Sutura frontalis) Persistance de la sutura frontalis après 1 ' âge physiologique ď oblitération qui est proche de deux ans, dans les populations contemporaines occidentales. Dans la présente étude, dans tous les cas la suture est visible sur toute sa longueur. Les cas de traces suturaires partant du nasion et longs de 0,5 à 2 cm {sutura supranasalis) n'ont pas été recensés, car elles correspondent à un remaniement osseux secondaire intervenant après la synostose de la sutura frontalis . La sutura frontalis a été l'un des premiers caractères discrets étudiés. Elle a fait l'objet d'une multitude d'études, qui montrent toutes l'interaction étroite entre facteurs génétiques, bio-culturels et pathologiques. Des cas familiaux sont connus (Ossenberg, 1969) ; Torgersen (195 le) a signalé une fréquence particulièrement élevée dans quelques familles Scandinaves et 1 ' héritabilité de ce caractère est relativement élevée dans l'étude de Sjovold (1984). L'influence du milieu est prouvée, d'une part par l'augmentation du caractère, dans certains types de déformations artificielles du crâne (Comas, 1942; Ossenberg, 1970; Crubézy, 1986), et d'autre part par la pathologie, car il est fréquemment associé aux carences en fer de l'enfance (Reiman et al, 1978). Cette dernière donnée rappelle celle obtenue par l'expérimentation chez la souris (Gruneberg, 1963), où une réduction de nourriture chez la femelle en gestation entraîne un faible poids des souriceaux à la naissance et une augmentation de fréquence du métopisme. Dans les populations du passé ce caractère a été l'un des premiers utilisés pour mettre en évidence des concentrations de sujets dans des sous-ensembles topographiques et/ou 68 E. CRUBÉZY ETAL— MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN 40 Métopisme Groupe Méroïtique Torus Palatin 41 Groupe Méroïtique ^ Groupe Méroïtique tardif ■HED 42 Zone du V Tombes avec nombre ZD indiqué de crânes masculins et féminins • Tombes sans crâne intact * Enlèvement de Sebbakh [ ГГЦ 43 * 44 +. . Еэ + es # 45 CED* + 0 ï 5 10m Figure 6. — Cimetière méroïtique, sutura frontalis et torus palatinus. — Meroitic cemetery, sutura frontalis and torus palatinus. 46 IV. — ÉTUDE DES CARACTÈRES DISCRETS 69 stratigraphiques (par exemple Masset, 1979 ; Mollesson, 1981). Cependant, à Poundbury en Angleterre, bien qu'il ne soit pas distribué de façon aléatoire dans la nécropole (Mollesson, 1981), sa fréquence chez les sujets porteurs de cribra orbitalia ou d'une hyperostose poreuse (parfois témoins d'une anémie de l'enfance) semble plus à mettre en relation avec les observations réalisées en clinique chez les enfants anémiques (StuartMacadam, 1985) qu'avec de possibles regroupements familiaux (à moins d'admettre des regroupements familiaux de sujets défavorisés). Comme dans des nécropoles, d'Amérique du Nord ou d'Europe, ce caractère a permis à Missiminia, de repérer (Figure 6) un regroupement de sujets. Dans ce regroupement aucun sujet sur trois ne présente des traces d'anémie de l'enfance et/ou de l'adolescence. Quelques sujets, plus dispersés, ont été repérés. Dans un cas, le métopisme pourrait être associé à une déformation crânienne, et pour les autres les sujets présentaient un épaississement du diploé. 1.2. — Scissure pétro-squameuse postérieure présente {Fissura squamomastoidea (S6)) Chez l'adulte, sur le processus mastoïde, il existe parfois (Figure 7) des traces d'aspects suturaires, plus ou moins étendues et plus ou moins profondes, orientées vers en bas et en Figure 7. — Fissura squamomastoidea (Missiminia) 36. Un des noms cités par Hauser et De Stefano (1989). 70 E. CRUBÉZY ETAL. — MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN avant. Elles correspondent aux vestiges de la scissure pétro-squameuse postérieure. Dans la présente étude, seuls les cas où la suture est visible sur toute sa longueur ou sur les deux tiers ou le tiers inférieur du processus mastoïde furent pris en compte. Ainsi, les cas où la suture n'est visible que dans son tiers supérieur, à l'endroit où le processus mastoïde n'est pas encore individualisé (prés de l'incisure pariétale: type b de Hauser et De Stefano, 1989, p. 207), ne furent pas décomptés. En effet, des traces minimes, peu nettes, pour lesquelles l'erreur intra-observateur fut importante sont souvent rencontrées à Missiminia. Hauser et De Stefano (1989) rapportent les travaux de Kiesselbach (1 880), pour qui la suture est totalement oblitérée chez 3,85 % des enfants de 1 an et chez 66,6 % des sujets de 16 à 19 ans. Selon Augier (1931), il s'agirait plus d'un arrêt du développement des travées osseuses les plus superficielles que d'un retard de fusion de la partie squamosale et pétreuse. En faveur de cette dernière explication, il faut noter la ressemblance macroscopique de ce caractère avec la sutura supranasalis, qui provient d'un processus d'ossification, intervenant bien après la fermeture de la sutura frontalis dans cette zone. Ce caractère avait été pris en compte, lors de l'étude de la nécropole de Rivel en Haute Garonne, France (Crubézy, 1986), et plusieurs sujets, pour lesquels un fort degré d'apparentement avait pu être soupçonné, le présentaient. À Missiminia, d'une façon générale, ce caractère est plus fréquent chez les hommes et les sujets âgés. Au cours du temps, à mesure que sa fréquence a tendance à légèrement augmenter, ses liaisons avec les os suturaires diminuent. Cependant, les interactions entre facteurs génétiques et mésologiques ne semblent pas toujours s'effectuer, ni de façon constante ni dans la même voie, puisque les liaisons avec l'âge et/ou le sexe peuvent être, suivant les côtés, variables d'un groupe à l'autre. 1.3. — Sutura transversa squamae occipitalis La sutura transversa squamae occipitalis de Virchow est une suture qui va d'un astérion à l'autre et qui sépare l'occipital en deux parties. Cette suture, sus inio-biasténque, qui prend naissance classiquement à chaque astérion, peut en fait naître un à deux centimètres au-dessus de ce point. La partie de l'occipital située au-dessus de cette suture prend le nom d'os interpariétal. Ce dernier peut être subdivisé en différentes parties pouvant prendre toutes les formes. Cependant, certaines, surtout à Missiminia, sont plus fréquemment rencontrées que d'autres, (i) La pluripartition totale: Dans ces cas Г interpariétal peut être subdivisé en quatre ou en trois os assez symétriquement disposés (centres médiaux et centres latéraux, ou un médian et deux latéraux), (ii) La pluripartition partielle : Un des centres latéraux précédemment cités semble seul avoir subsisté, tandis que les deux centres médiaux semblent soudés en une seule pièce, (iii) Disposition asymétrique : Un centre latéral associé ou non à un centre médian a seul persisté ; de ce fait la sutura transversa squamae occipitalis n'est présente que sur la moitié de son trajet. IV. — ÉTUDE DES CARACTÈRES DISCRETS 71 Dans la présente étude, ont été codés, comme sutura transversa squamae occipitalis, les sutures naissant à l'astérion ou un à deux centimètres au-dessus et se poursuivant sur au moins la moitié de la largeur de l'occipital. Lorsque la suture a été retrouvée sur la totalité de la largeur de l'occipital, elle a été codée présente à droite et à gauche. En revanche, lorsqu'elle a été retrouvée seulement sur une hémi-largeur, elle a été codée présente de façon unilatérale. Dans ces derniers cas, elle se poursuit et se termine, soit au lambda, soit au contact des sutures lambdoides droite ou gauche. L'embryologie et le développement de la partie squameuse de l'occipital étant encore imparfaitement connus, il existe de nombreuses ambiguïtés à propos des noms des caractères de cette région, et de nombreuses classifications — toutes incomplètes à ce jour — ont été proposées. En ce qui concerne le nombre de points d'ossification de la partie membraneuse de l'occipital, deux théories existent, (i) Pour Augier (193 1), la partie membraneuse, dénommée interpariétal, naît de deux centres droit et gauche qui habituellement fusionnent très précocement. D'après l'étude de nombreux embryons, il rejette catégoriquement les hypothèses selon lesquelles quatre centres existeraient systématiquement à l'origine. Cependant, il admet la présence, inconstante, de deux centres osseux surnuméraires, (ii) Pour Ranke (1913), Brash (1951), Srivastava (1977) et Pal et al. (1984), Г interpariétal naîtrait de quatre centres (deux droits et deux gauches). Deux autres centres, inconstants, pourraient apparaître dans le tissu membraneux vers la pointe lambdatique. Dès lors, il apparaît que presque tous les auteurs admettent l'existence de deux centres osseux inconstants dans le tissu membraneux de la pointe lambdatique. C'est de ces deux centres que proviendrait, selon Augier, le préinterpariétal, et il sera donc traité à part. L' interpariétal d'origine membraneuse va fusionner, lors du troisième mois de la vie intra-utérine (Gray, 1980), avec le supra-occipital d'origine cartilagineuse. Cependant, cette fusion ne se fait pas en bout à bout, car l'interpanétal se développe dans un plan plus superficiel que le supra-occipital et sa partie inférieure le recouvre donc en partie (Lacoste, 1930; cité par Augier). La seule trace de cette fusion serait, selon Paturet (1951), une incisure latérale très apparente et parfois dédoublée (la sutura mendosa) qui persisterait, suivant cet auteur, jusqu'au huitième mois in utero. Cependant, pour Gray (1980), elle serait encore visible à la naissance, et elle ne se synostoserait que par la suite. L'origine de cette sutura mendosa est très discutée. Pour Augier (193 1 , p. 160), elle pourrait être produite par la gêne qu'apporte au développement ostéo-membraneux la présence, longtemps persistante à cet endroit, d'une bande de cartilage tectal. Toutefois, cet auteur n'élimine pas un phénomène d'érosion secondaire. Dès lors 3 problèmes peuvent être posés : (i) En raison de la superposition partielle des parties d'origine cartilagineuse et membraneuse il semble difficile d'assimiler l'os interpariétal rencontré chez l'adulte et l'os interpariétal embryonnaire. En effet, si c'était le cas, il faudrait admettre que la sutura transversa squamae occipitalis correspond à une absence de superposition des deux parties (ce qui reste à démontrer). 72 Б. CRUBÉZY ETAL — MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN (ii) L' interpariétal naissant chez l'embryon de deux centres, sa bipartition pourrait être considérée comme la persistance d'un morphe embryonnaire (caractère hypostotic). Il ne peut cependant en être de même pour des tri ou des pluri-partitions (os surnuméraires), à moins que les théories de Ranke (1913), Brash (1951) et Srivastava (1977), selon lesquelles il y aurait initialement quatre centres (deux droits et deux gauches), soient les bonnes. Cependant, ces dernières théories n'expliquent pas les cas où la partie squameuse de l'occipital est divisée par des sutures en huit parties différentes — type 1 de Hauser et De Stefano (1989) par exemple. (iii) En fait, une très grande variabilité semble exister dans la soudure des différentes subdivisions de Г interpariétal (qu'il s'agisse de la subdivision classique en deux parties chez l'embryon ou d'une variante pluripartite). En effet, une étude (Gelot et al, 1989) menée sur 8 12 radios de crânes de sujets âgés de 0 à 97 ans a montré que la fréquence des os « interpariétaux » (suivant la dénomination des auteurs) et des os suturaires lambdoïdes décroît très rapidement entre la naissance et 11 ans. Le type d'étude mené (radiographie en pratique quotidienne) rendant très difficile la reconnaissance des petits os suturaires lambdoïdes, il est probable que ce résultat corresponde en partie à des fusions tardives, soit de la sutura mendosa, soit de bi ou de pluripartition de Г interpariétal ou encore de celles de préinterpariétaux. L'origine de la présence et/ou de la persistance de ces sutures est totalement inconnue. Torgersen ( 195 lb) chez l'homme en a décrit quelques cas familiaux. Chez la souns la grande diversité observée pour l'os interpariétal (qui normalement ne fusionne pas avec l'occipital) suivant les lignées, serait en faveur d'un certain déterminisme génétique (Ossenberg, 1969). Ce caractère, et en particulier certaines formes de pluripartition de l'occipital, sont d'une façon générale peu fréquents et même souvent très rares dans certaines populations. Pour Missiminia il est discuté avec le préinterpariétal. 1.4. — Sutura mendosa Ce caractère correspond à la persistance, sur une distance allant de quelques millimètres à un ou deux centimètres, des traces de l'incisure latérale de la partie squameuse de l'occipital. Cette incisure, qui est située, classiquement, un à deux centimètres au-dessus de chaque astérion, peut en fait naître à ce point ou un à deux centimètres au-dessous. Cette dernière disposition est par ailleurs fréquente à Missiminia. Dans la présente étude, même les traces les plus minimes de cette incisure, parfois représentée par des sillons plus ou moins larges et plus ou moins profonds partant des régions astériques ou juste sus ou sous astériques, ont été prises en compte. Ce caractère semble correspondre à la persistance de l'incisure qui habituellement est rencontrée chez les nouveau-nés. D'après les différentes données de la littérature, les liaisons au sexe varient beaucoup suivant les séries étudiées. Les facteurs, génétiques ou mésologiques, pouvant favoriser sa persistance sont totalement inconnus. À Missiminia, ce caractère est lié principalement à des os suturaires et/ou surnuméraires — en particulier occipitaux — et à d'autre caractères hypostotics. Bien que le codage par IV. — ÉTUDE DES CARACTÈRES DISCRETS 73 sujets différencie légèrement les groupes des périodes méroïtique et post-méroïtique, sa tendance à l'uni ou à la bilatéralité, ses liaisons avec le sexe et les autres caractères varient beaucoup d'un groupe à l'autre. À l'exception de quelques sujets chrétiens aucun regroupement strict n'a été enregistré dans la nécropole. 1.5. — Suture infra-orbitaire présente (Sutura infraorbitalis) Ce caractère correspond à une fissure située sur la face antérieure du maxillaire où elle a l'apparence d'une suture. Elle peut s'étendre du bord antérieur du plancher de l'orbite jusqu'à la partie supérieure an foramen infraorbitale. Dans la présente étude, seules furent prises en compte les fissures visibles dans leur partie verticale depuis le bord inférieur de l'orbite jusqu'au/oramen infraorbitale. Les fissures s' interrompant avant le foramen infraorbitale ne furent donc pas considérées. Ainsi, ont été exclues de l'étude : (i) Les sutures infra-orbitaires dont seule la partie située sur le bord de l'orbite est visible (seuls quelques rares cas ont en fait été rencontrés à Missiminia). (ii) Les sutures situées sur la face antérieure du maxillaire dans le prolongement de la suture lacrymo-maxillaire. Ces sutures sont extrêmement fréquentes à Missiminia et pour elles deux etiologies peuvent être envisagées : (i) Suture due, soit à la présence initiale d'un point d'ossification surnuméraire entrant dans la constitution de la partie supérieure du canal nasal, soit à un trouble de l'ossification de l'un des divers noyaux d'ossification du plancher de l'orbite. De telles anomalies suturaires ne semblent pas rares (Le Double, 1906, p. 196), elles s'intègrent dans les variations connues sous le nom «d'os du canal nasal». Cependant, la persistance isolée d'une suture dans le prolongement de la suture lacrymo-maxillaire ne semble jamais avoir été décrite, (ii) Suture due au prolongement sur la face antérieure du maxillaire de la fissura infraorbitalis transversa (Le Double, 1906, p. 182). Classiquement, la portion longitudinale intraorbitaire de la sutura infraorbitalis peut donner naissance, en arrière du bord inférieur de l'orbite, à une branche collatérale interne (fissura infra orbitalis transversa) qui se termine, soit sur le bord de la gouttière lacrymale du maxillaire, soit à l'angle antérieur de l'entrée du sinus maxillaire (Le Double, 1906). Dans plusieurs cas à Missiminia cette fissura infraorbitalis transversa rejoint la gouttière lacrymale ou l'os lacrymal. De ce point part alors une suture — ou une fissure — , qui n' a pas été prise en compte dans le dénombrement, qui se prolonge sur la face antérieure du maxillaire sur quelques millimètres. Dans un cas au moins (2V6/46 -33) cette fissure se poursuit jusqu'à un foramen infraorbitalis accessoire. Il faut remarquer que distinguer ce prolongement antérieur de la fissura infraorbitalis transversa d'un point d'ossification surnuméraire ou accessoire semble, a priori, impossible dans de nombreux cas. En effet, selon Le Double (1906) cette suture serait très visible quand existerait un os du canal nasal. Chez le fœtus, au cours de la croissance du maxillaire, les nerfs et vaisseaux sousorbitaires, qui reposent sur le plancher de l'orbite, s'enfoncent dans une dépression en gouttière qui se transforme très vite en canal puis en tunnel en raison du développement de lames osseuses. Leur accolement, qui pourrait varier de la naissance à l'adolescence 74 E. CRUBÉZY ETAL. — MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN (Davida, 1914), détermine la présence ou l'absence de ce caractère. Pour Ossenberg (1969), qui a étudié des populations indiennes et inuits d'Amérique du Nord, la portion orbitaire, en particulier celle du bord antérieur de l'orbite, ne disparaîtrait jamais complètement (de tels cas furent pourtant retrouvés sur plusieurs sujets de Missiminia). Par ailleurs, ce caractère serait plus fréquent chez les femmes et il diminuerait avec l'âge. Ces résultats ont été retrouvés par Perizonius (1979a) sur une population européenne d'âge et de sexe connus, ainsi que dans de très nombreux groupes (Oetteking, 1930 ; Akabori, 1933 ; Molto, 1983). À Missiminia, ce caractère différencie les groupes de la période méroïtique et postméroïtique. Dans le groupe méroïtique, il est lié à l'âge : généralement unilatéral chez les adultes jeunes, il est systématiquement bilatéral chez les adultes âgés. Cependant, sa distribution dans le cimetière méroïtique, pourrait ne pas être aléatoire. 1.6. — Traces de Vosjaponicum (traces de la sutura zygomaticà) et osjaponicum (Os zygomaticum bipartitum) L'os zygomatique peut être divisé en deux par une suture trans verse située entre les sutures zygomatico-temporale et zygomatico-maxillaire. Dans ces cas, la partie située sous cette suture prend le nom ď osjaponicum. Quand seule est présente la partie postérieure de la suture au contact de la suture zygomatico-temporale, la dénomination de traces of os Japonicum est utilisée par les auteurs anglophones. Dans la présente étude, seuls deux cas de suture transverse, divisant l'os zygomatique en deux parties distinctes, ont été enregistrés sous le nom à1 os japonicum. En revanche, sur la face antéro-latérale de l'os, même les traces les plus minimes de suture transverse, en contact avec la suture zygomaticotemporale, furent codées présentes sous la dénomination de « traces de la sutura zygomaticà » (Figure 8). Les orifices vasculo-nerveux «jalonnant le trajet virtuel de la suture » (Augier, 193 1 , p. 476) n'ont pas été considérés comme des traces de celle-ci mais bien comme des foramen zygomaticofaciale multiples. D'après les travaux de Augier (1931), portant sur cinq cents fœtus européens, l'os zygomatique se développe dans une trame membraneuse à partir d'un seul centre d'ossification qui apparaît au deuxième mois. Pour Lang (1985), de ce centre naîtraient différentes expansions, correspondant par la suite à autant de zones d'appositions osseuses, séparées chez le fœtus par des sillons peu profonds qui disparaissent habituellement au cours du septième ou du huitième mois in utero. Leur persistance plus ou moins complète chez l'adulte, prendrait l'aspect de sutures, et serait à l'origine des traces de la sutura zygomaticà et de l'os zygomaticum bipartitum. Selon Hauser et De Stefano (1989), ces subdivisions de l'os zygomatique correspon draient donc à des modifications des appositions osseuses secondaires, à partir desquelles l'os zygomatique se constitue. Les traces de la sutura zygomaticà correspondraient donc, comme l'avait déjà supposé Augier (193 1 ), à des incisures de formation secondaire plutôt qu'à une bi ou une plunpartition primitive. IV. — ÉTUDE DES CARACTÈRES DISCRETS 75 Figure 8. — Traces de la sutura zygomatica (Missiminia) II faut cependant noter la banalité, dans de nombreuses populations mondiales, des traces de Vos japonicum et sa présence stricto sensu exceptionnelle dans ces mêmes populations. Chez les Européens, Г os japonicum est rarissime, tandis qu'il est beaucoup plus fréquent dans certaines populations asiatiques, dont la population japonaise. Ajoutons que la partition de l'os zygomatique pourrait être liée à un hyperdéveloppement de cet os en hauteur tandis qu'il resterait plutôt court en largeur. Ceci pourrait expliquer sa plus grande fréquence dans certaines populations asiatiques. Les observations réalisées sur les grands singes viennent confirmer cette hypothèse. En 1902, Toldt (In Braga, 1995) décrit un cas de bipartition de l'os zygomatique chez l'orang-outan. À partir de mesures, il soulignait que, dans le cas d'une partition, l'os zygomatique est plus haut et plus étroit. Cette observation est confirmée par Braga (1995) qui n'a jamais observé ce caractère sur 712 crânes de chimpanzés, une seule fois (unilatéralement) sur 396 crânes de gorilles et 14 fois (côtés confondus) chez l'orang-outan dont la morphologie de la face est très différente de celle des autres grands singes. Dans ce cas, il s'agissait, sans aucun doute possible, d'une partition par une véritable suture, visible sur les deux faces de l'os. De ce fait, la question de savoir si Vos zygomaticum bipartitum n'est que l'exagération des traces de la sutura zygomatica reste posée. Pour l'instant, il semble préférable de les distinguer soigneusement. Le premier pourrait correspondre à un noyau d'ossification surnuméraire, tandis que le second pourrait bien être considéré comme un caractère hypostotic. Dans la vallée du Nil, sept cas au moins ď os japonicum ont déjà été décrits par Smith et Wood Jones (1910). 76 E. CRUBÉZY ETAL— MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN À Missiminia, il s'agit d'un caractère facilement reconnu, ni lié à l'âge et/ou au sexe qui différencie peu les groupes. 1.7. — Suture incisive visible (Sutura incisiva) La suture incisive est la suture de séparation des deux centres prémaxillaire et maxillaire. Ils s'unissent classiquement avant la naissance, mais la suture peut encore être visible chez l'adulte, sur la face inférieure du processus palatin du maxillaire. Dans la présente étude, toutes les traces de sutures, situées sur la partie antérieure des processus palatins droit et/ou gauche, ont été codées comme présentes. Les centres prémaxillaire et maxillaire s'unissent très rapidement, et leur soudure forme au cinquième mois de la vie intra-utérine la suture incisive. Celle-ci, tout d'abord incomplète, devient rapidement complète et se soude de dehors en dedans. Classiquement à la naissance elle est visible, sur la base de la face médiane du processus montant du maxillaire, et sur les deux faces du processus palatin. À Missiminia, c'est un caractère lié à l'âge mais qui sépare bien les périodes méroïtique et post-méroïtique. Dans certains groupes (notamment le Chrétien), la sutura incisiva est plus fréquente chez les femmes. De plus, malgré une bilatéralité exceptionnellement fréquente, il y a une très légère prédominance du côté gauche. L'observation des différents chiffres montre que le pourcentage d'adultes âgés présentant le caractère varie peu ; c'est celui des adultes jeunes qui augmente de la période méroïtique à la post-méroïtique. Cela signifie, qu'au cours du temps, une proportion de plus en plus importante de sujets est arrivée à l'âge adulte avec la sutura incisiva non totalement synostosée (Tableau VI). Par ailleurs, ce caractère est lié au canalis condylaris (qui rentre dans les manifestations de la vertèbre occipitale) et dans le groupe chrétien où il est fréquent il y a des dents maxillaires antérieures surnuméraires ou incluses (VergerPratoucy, 1985) qui peuvent être considérées (Dronamraju et Bixler, 1982) comme des formes frustres d'atteintes des bourgeons faciaux (Dronamraju, 1986). Or chez la souris, l'expression normale d'un gène homéobox peut entraîner des malformations des bourgeons faciaux et des manifestations de la vertèbre occipitale. Chez Homo sapiens sapiens, les Caractère absent % Caractère unilatéral % Caractère bilatéral % Méroïtique Méroïtique tardif Ballanéen Chrétien 7/164 40,85 % 18/164 10,98 % 79/164 48,17 % 22/57 38,60 % 8/57 14,04 % 27/57 47,37 % 14/50 28,00 % 10/50 20,00 % 26/50 52,00 % 25/78 32,05 % 6/78 7,69 % 47/78 60,26 % Tableau VI. — Fréquence de la suture incisive dans les différents groupes. — Frequency of the sutura incisiva in the different groups. IV. — ÉTUDE DES CARACTÈRES DISCRETS 77 manifestations les plus fréquentes de ces malformations (bec de lièvre) sont retrouvées chez la femme et du côté gauche. Dès lors, il est légitime de se demander si les phénomènes à l'origine d'une augmentation de la fréquence de cette suture chez les sujets jeunes ne sont pas du même ordre que ceux intéressant la mise en place et la croissance de certains éléments de la région orofaciale. La variation de fréquence d'un caractère discret pourrait être ici en relation avec des éléments de régulation intéressant des gènes homéobox. Il est évident que, ce n'est qu'une supposition, mais si dans les années qui viennent celles-ci pouvaient s'étayer avec de nouveaux éléments, nous aurions là une voie de recherche prometteuse pour la morphogenèse. 1.8. — Tïou ovale incomplet {Foramen ovale incompletum) Ce caractère correspond à la communication, sur un crâne sec (Figure 9), entre le trou ovale (foramen ovale) et le trou petit rond (foramen spinosum) et/ou le trou déchiré antérieur (foramen lacerum). Il existe des cas, où foramen spinosum et ovale ne sont pas différenciés (foramen lacerum medium), et des cas où ces orifices sont différenciés mais où le foramen ovale est ouvert dans le foramen spinosum et ce dernier dans le foramen lacerum. Dans la présente étude, en raison des difficultés subies par de nombreux auteurs (Suchey, 1975 ; Molto, 1983), lors du codage des formes incomplètes de ce caractère, seuls les cas de déhiscence postérieure avec communication avec le foramen lacerum ou le foramen spinosum furent enregistrés (quelle que soit leur importance). Figure 9. — foramen ovale incompletum (Missiminia) 78 Б. CRUBÉZY ETAL. — MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN L'os sphénoïde est formé par la réunion de dix-huit ou dix-neuf centres d'ossification. Le centre alipostsphénoïdal (centre de la grande aile) apparaît précocement dans le chondrocrâne en dehors du foramen rotundum et le circonscrit. Dans le même temps, une ossification membraneuse englobe à ce niveau l'ébauche précédente puis s'étend dans toutes les directions de l'espace. Classiquement (Augier, 1931) elle progresse plus lentement vers l'arrière où elle va circonscrire le foramen ovale qui ne se fermera qu'après la naissance. Il semble qu'il existe une très grande variabilité dans les modalités d'ossification du centre alisphénoïde (Sasaki et Kodama, 1976) dont, par exemple, l'union au postsphénoïde peut varier du huitième mois in utero au douzième mois après la naissance. D'après l'iconographie de Sasaki et Kodama (1976), l'intervention de Kier (1976) et les récentes contributions de Madeline et Elster (1995a, b) et de Ginsberg étal. (1994), l'ossification de la partie postérieure du foramen ovale semble très variable. Retrouvée sur certaines pièces au dixième mois post-natal, elle ne l'est pas sur des sujets de quatre ans d'âge. Le foramen ovale incomplet correspond donc à la persistance d'un morphe post-natal. Notons que Braga (1995) associe la communication, plus ou moins large, entre les orifices ovale et épineux (qu'il nomme «foramina ovale etspinosum confluens ») à l'absence totale de foramen épineux. Il considère que ce caractère peut être interprété comme «un défaut de l'ossification de la partie postérieure de la grande aile de l'os sphénoïde». Il souligne d'ailleurs que ce caractère a son association la plus significative avec l'osselet de la fontanelle postérieure, autre caractère pouvant être interprété comme un défaut d'ossification. À Missiminia, il s'agit d'un caractère rare, dont l'origine semble à mettre en relation avec des modalités de développement particulières de Г alisphénoïde et/ou un trouble de l'ossification entre deux et quatre ans. 1.9. — Foramen épineux incomplet {Foramen spinosum incompletum) Ce caractère correspond à la communication, sur un crâne sec, entre le trou petit rond {foramen spinosum) et le trou déchiré antérieur {foramen lacerum). Dans la présente étude, quelle que soit l'importance de la déhiscence, tous les cas de communication entreforamen spinosum et foramen lacerum ont été codés présents. En revanche, les traces de fissures oblitérées, entre ces deux orifices, n'ont pas été prises en compte. Le foramen spinosum est situé à la partie médiale de la spina angularis, et bien qu'il soit situé normalement uniquement sur le territoire du sphénoïde, s'il n'est pas délimité du côté postéro-médial il peut être considéré comme d'origine intersphéno-pétreuse. Dans certaines études (Ossenberg, 1969; Perizonius, 1979a; Molto, 1983 ; Sjovold, 1984) ce caractère a tendance à être plus fréquent chez les femmes que chez les hommes ; cependant, les différences sont rarement statistiquement significatives et ce résultat n'est pas systématique (Finnegan, 1972). Dans ces mêmes études, d'une part sa liaison avec l'âge n'est jamais significative, mais d'autre part les tendances varient d'une série à l'autre. Dans la série de Hallstat (Sjovold, 1984), l'héritabilité de ce caractère apparaît moyenne. À Missiminia, ce caractère différencie bien les groupes. Beaucoup plus souvent rencontré chez les femmes que chez les hommes à la période post-méroïtique, il pose un IV. — ÉTUDE DES CARACTÈRES DISCRETS 79 40 Trou petit rond incomplet Groupe Méroïtique Д bilatéral ',,% unilatéral 41 Groupe Méroïtique tardif ф bilatéral ф unilatéral Zone du V -db""* 42 Tombes avec nombre ЕИЗ indiqué de crânes masculins et féminins • Cli Tombes sans crâne intact * Enlèvement de Sebbakh 43 *\ • EU d3 44 .®**---+.. 45 - > . • • 0 и + S + U 46 Юл + V Figure 10. — Cimetière méroïtique, foramen spinozum incompletum. — Meroitic cemetery, foramen spinozum incompletum. problème étiologique complexe ď autant plus que sa répartition dans le cimetière méroïtique n'est peut être pas aléatoire (Figure 10). 80 E. CRUBÉZY ETAL— MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN 1.10. — Foramen de Huschke (Foramen tympanicum) Ce terme désigne un ou plusieurs orifices du segment antérieur de la face superficielle du tympanal (Figure 11). Dans la présente étude, tous les orifices décrits par Anderson (1960), allant de la vaste déhiscence à la juxtaposition de petits orifices, furent rencontrés. Ce ne fut pas le cas de ces petites lacunes, pouvant être assimilées à une raréfaction osseuse, qui existeraient parfois sur des crânes séniles (Le Double, 1903 ; Muller, 1977). Cependant, faire la distinction entre les orifices dues à la « raréfaction osseuse » et un foramen tympanicum semble excessivement difficile. Suivant Augier (1931), la croissance vers l'extérieur de la face latérale du tympanal est à Г origine du conduit auditif externe. En ce qui concerne ce dernier, son accroissement plus rapide aux extrémités supérieures de l'anneau serait à l'origine de la lacune, qui persisterait dans la partie antéro-moyenne du conduit jusqu'à l'âge de deux ou quatre ans. Pour Anderson (1962), le processus serait légèrement différent, puisque seule l'extrémité et la partie antérieure de l'anneau participeraient à la formation du conduit auditif externe. Par ailleurs, la lacune se fermerait à partir de petits processus osseux provenant de ses bords, ce qui lui donnerait transitoirement un aspect criblé. La variabilité de cette période de fermeture serait assez importante. Chez les Européens elle s'étend généralement de deux à quatre ans, elle pourrait dans certains groupes, tels que les Esquimaux et les Amérindiens, s'effectuer au cours de l'adolescence (Ossenberg, 1969). Figure 11. — Foramen tympanicum, canalys condylaris intermedms, canalys condylaris présent. IV. — ÉTUDE DES CARACTÈRES DISCRETS 81 La liaison de ce caractère, à l'âge et/ou au sexe, varie considérablement suivant les études et aucune tendance ne semble pouvoir être dégagée. Dans le travail de Sjovold (1984) les valeurs d'héritabilité obtenues sont négatives. En ce qui concerne les populations nubiennes des périodes méroïtique et post-méroïtique, dans l'étude de Vagn Nielsen (1970), la fréquence du foramen tympanicum varie entre 17 et 40 % et atteint ses valeurs les plus élevées dans le groupe ballanéen. À Missiminia, ce caractère ne différencie pas bien les groupes, et les liaisons entre côtés, celles avec l'âge et le sexe et les liaisons sont très variables dans le temps. Cependant, des concentrations de caractères ont été mises en évidence, et suivant les concentrations l'uni ou la bilatéralité du caractère prédominent. 1.11. — Facette condylienne double {Faciès articularis condylaris bipartita) Ce caractère correspond à la division en deux facettes par une crête ou une gouttière de la surface articulaire des condyles occipitaux. Dans la présente étude, un seul cas unilatéralisé à droite (sujet chrétien 2V 6 46 : 231) a été rencontré. Les condyles occipitaux sont divisés, à la naissance, en deux parties inégales, par une synchondrose formée par un cartilage de conjugaison basi-exoccipital. Classiquement (Augier, 193 1), ce dernier va être remplacé par une suture basi-exoccipitale au cours de la troisième année, et cette dernière va se synostoser de la partie endocrânienne vers la partie exocrânienne entre quatre et dix ans. Pour Corrucini (1974a), ce caractère aurait un faible déterminisme génétique car il trouverait son origine dans l'interférence mécanique d'un vaisseau sanguin au cours de l'ossification (Corrucini, 1974a; Tillmann et Lorenz, 1978). De fait, le faciès articularis condylaris bipartita a une héritabilité très faible dans l'étude familiale de Sjovold (1984) et Bocquet-Appel (1984) a mis en évidence sa dérive séculaire au cours du XIXe siècle dans une population portugaise. À Missiminia, un seul cas a été noté. Dans diverses populations mondiales ce caractère est plus souvent rencontré chez les hommes que chez les femmes. Il est toujours peu fréquent, cependant sa rareté à Missiminia surprend. Il semble très rare dans diverses populations de la vallée du Nil (Berry etal., 1967), mais des séries de référence pour les périodes considérées font défaut. 1.12. — Fossette naviculaire(37) Ce caractère correspond à une fossette de forme grossièrement circulaire ou ovalaire, située à la partie antérieure de la face inférieure du corps de l'occipital. Dans la présente étude, toute dépression, située en avant du tuberculum pharyngeum, fut codée présente quelles que soient ses dimensions. Ces fossettes ont généralement des mensurations de un à deux millimètres de large, de deux à trois millimètres de long et de un à deux millimètres de profondeur. 37 En raison de la confusion de termes qui règne dans la littérature, aucun nom de la dénomination internationale n'a été retenu, et aucun n'a été suggéré 82 E. CRUBÉZY ETAL — MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN Cependant, certaines fossettes, de forme grossièrement cylindriques, ont des dimensions exceptionnelles de l'ordre du demi-centimètre de diamètre et de profondeur; elles répondent à la définition donnée par W. Gruber (cité par Augier, 1931) de fossette pharyngienne. En raison de problèmes de délimitation entre ces deux types de fossette, les fossettes pharyngiennes furent enregistrées une fois avec les fossettes naviculaires et une fois séparément. Depuis le siècle dernier, ainsi que dans l'ouvrage le plus récent (Hauser et De Stefano, 1989), la littérature anatomique présente une énorme confusion de termes en ce qui concerne les différentes dépressions de la face inférieure de l'occipital. Ceci semble lié : (i) au fait que les différents auteurs ont souvent préjugé de l'origine ou de la fonction de ces dépressions au moment où ils les décrivaient; (ii) à leur plus ou moms grand développement pouvant facilement faire assimiler les unes aux autres et vice versa. Lorsque les différentes données de la littérature sont passées en revue, deux dépressions et une ouverture peuvent schématiquement être décrites : (i) La «fossa navicularis» décrite par Poelchen (1890) correspondrait à l'espace délimité par les insertions des muscles longui capitatum. C'est une fausse dépression puisqu'elle est due à la présence de deux reliefs. Elle ne semble pas avoir fait l'objet de nombreuses études depuis Poelchen (1890) et il faut même s'interroger sur son existence. (ii) La «foveola pharyngea» décrite par Tortual (1846) est une fosse médiane de forme grossièrement circulaire ou ovalaire située à la partie antérieure de la face inférieure du corps de l'occipital ou du sphénoïde. Elle peut prendre (Hauser et De Stefano, 1989) presque toutes les formes et toutes les dimensions. Elle semble correspondre à la fossette naviculaire de Augier (1931). L'ouverture (de un à neuf millimètres de distance du foramen magnum) d'un canal basilaire médian. Il se terminerait parfois (Hauser et De Stefano, 1989) par une «foveola pharyngea» bien développée et il pourrait être bouché. De plus, il ne semble pas y avoir de cas où canal basilaire médian et «foveola pharyngea » existent sur une même pièce. Dès lors toute distinction entre «foveola pharyngea » bien développée et « orifice de sortie d'un canal basilaire médian bouché» devient presque impossible. C'est pour ces éléments que Augier (1931) retient le terme de fossette pharyngienne. Il existe de nombreuses variantes — toutes rarissimes — de ces différents éléments. Ainsi,le canal basilaire médian peut être dédoublé, tout comme la foveola pharyngea. Il faut d'ailleurs se demander, si ces dernières pièces ne correspondent pas à un canal basilaire médian dédoublé dont chaque partie serait bouchée. Si l'origine du canal basilaire médian est bien connue, celle des autres formations est plus discutée, en raison de l'existence de nombreux cas limites. Origine du canal basilaire médian : À sa sortie du crâne embryonnaire la notocorde, accompagnée d'un plexus veineux, est très courbée et présente, assez souvent, un petit bourgeon qui vient au contact de la partie postérieure de l'épithélium du pharynx. Habituellement, la notocorde disparaît ne laissant que quelques vestiges, rapidement envahis par du cartilage prenant naissance dans les sclérotomes occipitaux. Ces derniers IV. — ÉTUDE DES CARACTÈRES DISCRETS 83 s'ossifient avec le reste du chondrocrâne. Parfois, la persistance de résidus de la notocorde et/ou d'éléments vasculaires peut être à l'origine, sur un crâne sec, d'un canal basilaire médian. Origine de la fossette naviculaire et de la fossette pharyngienne : Au moins 4 théories existent. Toutes s'appuient sur des travaux, souvent anciens, dans lesquels les termes retenus — qui ne semblent pas souvent les plus appropriés — ne sont pas discutés par les auteurs qui les citent. (i) Pour certains auteurs (Perna cité par Augier, 1931 ; Ossenberg, 1969 ; Currarino, 1988) l'emplacement de sortie de la notocorde, du crâne embryonnaire, serait bien souvent non ossifiée et il y aurait en quelque sorte une progression dans cette non-ossification : la fossette naviculaire ne serait qu'une forme atténuée de fossette pharyngienne qui ne serait elle-même qu'un canal basilaire médian bouché, (ii) Pour d'autres (Romiti et Tourneux cités par Augier, 193 1) la fossette pharyngienne correspondrait plutôt à l'impression d'une fossette épithéliale du pharynx et elle pourrait donc parfois être en relation avec un diverticule pharyngien, (iii) Hauser et De Stefano (1989) reprennent les travaux de Poelchen (1890) pour qui la membrane muqueuse de la bourse pharyngienne (diverticule au fond du récessus médian de l'amygdale pharyngée) est presque au contact de l'occipital et peut même dans certains cas faire protrusion dans l'os formant un foramen caecum : lâfoveola pharyngea. Cette hypothèse semble à associer aux travaux de Fronep et Tourneux (cités par Rouvière, 1970) pour qui chez le fœtus de trois mois, la bourse pharyngienne a son extrémité profonde unie au segment pharyngien de la corde dorsale. Ces données rapprochent cette hypothèse de la (iii), toutefois, elle impliquerait un nombre énorme de foramen caecum pharyngiens, bien rares sur le vivant, (iv) Selon Oetteking (1930) — cité par Hauser et De Stefano (1989) — lafoveola pharyngea n'apparaîtrait qu'après la naissance et ne pourrait donc provenir de la persistance d'un élément embryonnaire. Cependant, il faut se demander si Oetteking dans cette étude ne confond pas foveola pharyngea et fossa navicularis. Dès lors, sans préjuger des origines, la terminologie de Augier (1931) sera employée. Une récente étude de Madeline et Elster (1995b) semble apporter des éléments nouveaux quant à l'étiologie de ces caractères. Ils ont en effet observé plusieurs variations sur la partie basilaire de l'os occipital, le plus souvent en position médiane, qui pourraient être liées au développement de cet os. Leur échantillon comprenait 12 nouveau-nés et 56 nourrissons étudiés en coupes tomographiques. Ils notent, en particulier, la présence d'une «median raphe, suggestive of possible prenatal fusion of paired parachordal centers» chez plusieurs enfants de moins de 1 an. Pour Collins (1927) et Ossenberg (1969), qui ont étudié ce caractère sur plusieurs milliers de crânes, il serait plus fréquent chez les femmes que chez les hommes. En revanche, suivant les délimitations de classes d'âge retenues et les populations (Le Double, 1903b ; Collins, 1927 ; Ossenberg 1969), les résultats semblent assez divergents en ce qui concerne la présence de ce caractère en fonction de l'âge. Savoir si cela provient des séries ou des définitions est impossible à savoir a posteriori. À Missiminia, ce caractère 84 E. CRUBÉZY ETAL — MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN différentie les sujets ballanéens de ceux des autres groupes, cependant sa fréquence rend difficile la recherche de regroupements à l'intérieur des cimetières. 1.13. — Fossette pharyngienne (38) Ce caractère correspond à une fossette, de forme grossièrement cylindrique, située en avant du tubercule pharyngien sur la face inférieure du corps de l'occipital et dont les dimensions sont de l'ordre du demi centimètre de diamètre et de profondeur (Figure 12). Dans la présente étude, en raison des problèmes précédemment explicités, les fossettes pharyngiennes furent codées deux fois : une fois séparément (ici) et une autre fois avec les fossettes naviculaires. Figure 12. — Fossette pharyngienne (Missiminia) La fossette pharyngienne ne serait, pour certains auteurs (Perna cité par Augier, 193 1 ; Ossenberg, 1969), qu'un cas bien développé de fossette naviculaire ; tandis que pour d'autres (Romiti et Tourneux cités par Augier, 1931) elle correspondrait plutôt à l'impression d'une fossette épithéliale du pharynx et elle pourrait donc parfois être en relation avec un diverticule pharyngien. 38 En raison de la confusion des termes qui règne dans la littérature, aucun nom de la dénomination internationale n'a été retenu, et aucun autre n'a été suggéré IV. — ÉTUDE DES CARACTÈRES DISCRETS 85 À Missiminia, il s'agit d'un caractère rare dont l'étiologie semble, en partie du moins, différente de celle de la fossette naviculaire. Il a permis de suggérer un regroupement dans le groupe chrétien où sur 5 sujets qui présentent ce caractère, 3 sont très proches. 1.14. — Agénesie de la troisième molaire supérieure Ce caractère correspond à une absence de formation de la troisième molaire. Celle-ci n'est présente ni sur l'arcade dentaire ni à l'intérieur de l'os maxillaire. Dans la présente étude, en raison de perforations par sondes (dues à des d'études antérieures) à l'emplacement de cette dent, lorsque celle-ci était absente sur l'arcade, les fréquences indiquées sont le résultat d'observations répondant parfaitement à la définition. Le nombre de troisièmes molaires incluses, pour la totalité de la série de Missiminia, est de sept (Verger-Pratoucy, 1985). L' agénesie de la troisième molaire est un caractère discret sur lequel ont été réalisés de multiples travaux en raison d'observations faciles et d'un intérêt clinique évident. Ce caractère semble dû à l'interaction de facteurs génétiques et d'environnement complexes (Gruneberg, 1952). Dans des cimetières européens où des recherches de regroupements ont été effectuées (Crubézy 1986, 1988), aucune véritable concentration n'a jamais été mise en évidence. Dans la vallée du Nil, l'étude de Greene (1967) sur la population de Wadi Haifa a montré que le groupe ballanéen présentait la plus grande fréquence de ce caractère. À Missiminia, ce caractère, comme à Wadi Haifa, est légèrement plus fréquent à la période post-méroïtique qu'à la méroïtique (surtout dans le groupe ballanéen). Cependant, plus que les fréquences, ce sont l'uni ou la bilatéralité du trait, les différences entre côtés et les diverses liaisons qui différencient le mieux les deux périodes. Il n'a pas permis de mettre en évidence des regroupements de sujets. 1.15. — Caractères hypostotics : récapitulation Liaisons entre côtés À l'exception du groupe méroïtique tardif, les liaisons entre côtés sont relativement élevées. Trois caractères {la fissura squamomastoidea, la sutura infraorbitalis et la sutura incisiva) présentent dans chaque groupe une fréquence des cas bilatéraux supérieure à celle des unilatéraux. Dans le cas de la sutura incisiva, la liaison atteint même 0,83 dans le groupe chrétien. Seul un caractère : le foramen ovale incompletum a presque systéma tiquement tendance à être unilatéral. Lorsque les caractères sont unilatéraux la prédominance du côté gauche est notée pour le foramen spinosum incompletum dans les groupes ballanéen et chrétien, pour le foramen tympanicum dans le groupe chrétien, pour les traces de la sutura zygomatica et pour l'agénésie de la troisième molaire supérieure dans le groupe méroïtique. La prédominance du côté droit n'est enregistrée que pour la sutura mendosa dans le groupe chrétien, mais ici suivant la formule de Green et Suchey (1976) alors que ce 86 E. CRUBÉZY ETAL. — MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN n'était que selon celle de Perizonius (1979 b) pour les caractères qui prédominaient du côté gauche. Il faut noter que ces résultats ne vont pas dans le sens de ceux de Ossenberg (1969) et Molto (1983) qui avaient signalé au contraire une légère prédominance des caractères hypostotics du côté droit... Dans le groupe méroïtique, la projection sur plan an foramen tympanicum a montré le caractère apparemment non aléatoire de l'unilatéralité de cet élément. Liaisons au sexe Sept caractères présentent une différence en fonction du sexe. Cependant, ceci ne se retrouve chaque fois que dans un ou deux groupes, et parfois seulement sous forme de tendance. Lafissura squamomastoidea et la sutura mendosa sont plus fréquentes chez les hommes que chez les femmes. Pour le premier caractère ceci est retrouvé dans tous les groupes mais ce n'est statistiquement significatif que dans le méroïtique du côté droit. Pour la sutura mendosa elle est en fait plus souvent bilatérale chez les hommes méroïtiques que chez les femmes. Ces deux caractères ont plusieurs éléments en commun : (i) Ils intéressent la partie la plus superficielle de sutures, dont la partie endocrânienne présente une synostose précoce, (ii) Ils sont localisés tous deux dans des régions qui sont le siège de fortes insertions de muscles du cou. Dans ce cas la liaison au sexe pourrait être le signe d'une vulnérabilité de cette zone, durant la croissance, à certains stress mécaniques dus en particulier à l'action des muscles du cou. À titre d'hypothèse, il ne s'agirait sûrement pas d'un phénomène purement mécanique mais plutôt d'une transformation de stress mécaniques en signaux électriques (Roberts étal, 1981 ; Roberts et al, 1982) retentissant secondairement sur l'ostéogenèse. Dans ce cas, les hypothèses de Augier (1931) suivant lesquelles ces caractères provien draient plus de remaniements secondaires ou d'arrêts de développement des travées osseuses les plus superficielles que de fermetures tardives seraient sérieusement à envisager. Il faut noter, en faveur de ces hypothèses, la liaison dans les groupes méroïtique et chrétien entre fissura squamomastoidea et os incisurae parietalis pour lequel une participation mécanique a été sérieusement envisagée. En ce qui concerne les autres caractères liés au sexe, à l'exception de la sutura incisiva pour laquelle des hypothèses ont pu être formulées, aucun des résultats n'est facile à analyser. Comme dans de nombreuses séries, le foramen spinosum incompletum et la fossette naviculaire sont plus fréquents chez les femmes que chez les hommes. Cependant, ceci n'est retrouvé que dans le groupe ballanéen, et dans le cas du foramen spinosum incompletum c'est principalement dû à la bilatéralité de ce trait chez les sujets féminins. De plus ces données ne sont pas constantes au cours du temps, car la fossette naviculaire aurait tendance à être plus fréquente, dans le groupe méroïtique, chez les hommes que chez les femmes. IV. — ÉTUDE DES CARACTÈRES DISCRETS 87 Par ailleurs, le foramen tympanicum est plus souvent bilatéral chez les femmes du groupe méroitique tardif que chez les hommes et dans le groupe ballanéen l'agénésie de la troisième molaire droite est souvent féminine... Sur sept caractères hypostotics liés au sexe, cinq le sont au féminin. Ces données vont dans le sens de plusieurs études (Ossenberg, 1969; Saunders, 1978; Molto, 1983) qui montrent une plus forte incidence de ces caractères chez les femmes. À l'inverse, lorsqu'une influence significative du sexe a été notée pour ces caractères chez les grands singes, leur incidence était systématiquement plus élevée chez les sujets mâles (Braga, 1995). Cette remarque n'est pas valable pour la suture incisive. En effet, comme Cheverud et Buikstra (1982) l'ont noté pour le singe Macaca mulatta, Braga (1995) a observé que les gorilles mâles, plus prognathes, montrent une plus grande fréquence de synostose totale de la suture incisive que les femelles. Liaisons à l'âge Paradoxalement les caractères liés à l'âge sont peu nombreux. Seule la sutura incisiva, est plus rare (à l'exception des individus du groupe ballanéen) chez les adultes âgés que chez les adultes jeunes. Pour les traces de la sutura zygomatica ceci n'est noté que sous forme de tendance. Si dans le premier cas, ce caractère hypostotic pourrait refléter la plus ou moins grande variabilité de synostose d'une suture en fonction de l'âge, pour le second ce phénomène a dû intervenir mais il n'est sûrement pas seul en cause. Dans le groupe méroitique, la sutura infraorbitalis, lorsqu'elle est présente, est plutôt unilatérale chez les adultes et bilatérale chez les âgés. Cela signifie qu'une fois l'âge adulte, les individus chez qui la suture n'était pas synostosée à droite et à gauche ont eu une espérance de vie supérieure à ceux chez qui elle l'était de façon unilatérale. Dans le groupe méroitique tardif, le foramen tympanicum est plus fréquent, du côté droit, chez les sujets âgés que chez les sujets jeunes. Dans ce cas, il est cependant difficile d'en tirer des données sur l'espérance de vie. De même, la fissura squamomastoidea а tendance à être plus fréquente chez les sujets âgés que chez les sujets jeunes ; sauf dans le groupe méroitique tardif où c'est l'inverse qui est statistiquement significatif du côté droit. Lorsque les caractères hypostotics, qui représentent la persistance de morphes immat ures, sont plus fréquents chez les sujets âgés que chez les sujets jeunes cela signifie que, ceux chez qui ces caractères n'ont pas disparu ont, dans l'ensemble, vécus plus vieux que les autres. Liaisons entre caractères Les liaisons des caractères hypostotics retrouvées dans plusieurs groupes sont relativement nombreuses. Elles se font, pour une grande part, avec des os suturaires ou surnuméraires puis des orifices surnuméraires. Celles avec d'autres caractères hypostotics ne viennent qu'en troisième position. Les liaisons avec des caractères hyperostotics sont rares. E. CRUBÉZY ETAL. — MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN La liaison entre caractères hypostotics et os suturaires est une donnée classique déjà signalée par Ossenberg en 1969. Cette même remarque a été faite pour les grands singes puisque Braga (1995) soulignait que les caractères hypostotics montrent les plus fortes associations: (i) avec d'autres caractères du même groupe; (ii) «très souvent, avec les caractères du ptérion, de la paroi médiale de l'orbite, et les os wormiens ». Quelques liaisons ont permis de formuler des hypothèses concernant l'origine de certains caractères. Ainsi, suivant les groupes, le foramen ovale incompletum est associé à des modalités de développement particulières de l'alisphénoïde et/ou des troubles de l'ossification entre deux et quatre ans. Il n'est pas inintéressant de noter que ce caractère, associé à des modalités de croissance très particulières de la base et de la voûte du crâne lors de la période post-natale, soit le seul caractère hypostotic qui soit presque systématique ment unilatéral. Le foramen spinosum incompletum est lié à la fossette pharyngienne, ceci pourrait être soit le reflet de contraintes bio-mécaniques intéressant la paroi du pharynx, soit le fait que ces deux caractères sont plus souvent présents chez les femmes que chez les hommes. Les groupes les plus intéressés deux à deux sont [méroïtique-chrétien] pour les liaisons entre caractères hypostotics et os suturaires ou surnuméraires ainsi que celles avec d'autres caractères hypostotics. Le couple [ballanéen-chrétien] a aussi de nombreuses liaisons en commun entre caractères hypostotics et os suturaires ou surnuméraires. Aucune liaison positive dans le groupe méroïtique n'est négative dans le groupe méroitique tardif ou vice versa, ce qui n'est pas le cas pour les paires [ballanéen-chrétien], [méroïtique- ballanéen] , [méroïtique-chrétien] . 2. — LES CARACTÈRES HYPEROSTOTICS Les caractères hyperostotics sont des caractères qui résultent de l'ossification d'éléments anatomiques habituellement formés par du cartilage, un ligament ou de la dure-mère. Parfois, les auteurs classent aussi dans cette catégorie les éléments pouvant éventuellement être considérés comme un « excès » d'ossification par rapport à ce qui est rencontré habituellement. 2.1. — Torus palatin {Torus palatinus) C'est un caractère qui correspond à une protubérance osseuse, bilatérale et paramédiane ou simple et médiale, fusiforme plus ou moins saillante et plus ou moins large, située le long de la suture palatine médiane du palais osseux. Le torus palatinus peut s'étendre depuis le foramen incisif jusqu'au bord postérieur du palais. Cependant, le plus souvent, il est beaucoup plus court et limité à une petite portion de ce trajet : généralement la médiane, quelquefois la postérieure et plus rarement l'antérieure. Ses dimensions peuvent IV. — ÉTUDE DBS CARACTÈRES DISCRETS 89 être importantes mais, dans la plupart des cas, elles demeurent très modestes. Dans la présente étude, tous les épaississements osseux visibles, quel que soit leur développement, en hauteur en longueur ou en largeur, furent codés présents. Ceci correspond à l'ensemble des stades, développés par Suzuki et Sakai (1960) et repris par Hauser et De Stefano (1989), depuis le stade a («trace: the midline or the area beside it is slighty elevated either partially or completely») jusqu'au stade d correspondant à un développement maximum en longueur et en largeur, tel celui représenté par Augier (1931, Figure 288, p. 424). Le caractère peut être bilatéral, unilatéral ou même médian. Dans ce dernier cas, c'est la suture elle-même qui est surélevée. De ce fait, la distinction droite/gauche n'a pas été recherchée et c'est la seule présence/absence du caractère qui a été enregistrée. Le torus palatinus correspond à un épaississement, du tissu osseux spongieux et de la corticale, de la face inférieure du palais. La corticale supérieure, celle des fosses nasales, n'est pas intéressée. Dans cet épaississement, les travées osseuses sont disposées d'avant en arrière (Woo, 1950). Il existe une littérature très importante à propos de ce caractère, elle a été résumée par Axelsson et Hedegaard (1985) lors de l'étude de populations islandaises, puis reprise par Hauser et De Stefano (1989). Les premiers auteurs mettent surtout en avant certaines données environnementales tandis que les seconds insistent beaucoup sur un éventuel déterminisme génétique. Un cas de torus palatinus a été décrit chez un fœtus de plusieurs mois (Woo, 1950), il a été noté chez des nouveau-nés, et il a été souvent signalé chez les enfants. Presque tous les auteurs admettent que sa fréquence augmente au cours de l'enfance, et dans certains groupes jusqu'à l'âge de trente ans. Parfois, il est moins fréquent chez les sujets édentés mais, encore une fois, ce résultat n'est pas systématique. De même, une prédominance féminine a souvent été signalée. Cependant, dans une même population, suivant le groupe considéré, c'est une prédominance masculine ou féminine qui peut être enregistrée (Axelsson et Hedegaard, 1985). De très nombreux cas familiaux de torus palatinus ont été publiés (cf. Hauser et De Stefano, 1989), chez des jumeaux monozygotes sa concordance est très élevée, bien que non systématique (Lasker, 1947 ; Hertel, 1959) et son héritabilité est forte dans l'étude de Sjovold (1984). En revanche, les variations de ce caractère au cours du dernier millénaire dans des populations islandaises, les différences de fréquence observées à l'échelon d'une même population, les différences en fonction de l'âge et du sexe, seraient plutôt en faveur selon Axelsson et Hedegaard (1985) d'un fort déterminisme environnemental. En fait, il doit s'agir dun caractère polyfactoriel où le rôle et l'interaction des différents facteurs varie beaucoup dans les diverses populations. Dans la série de Wadi-Halfa (Vagn Nielsen, 1970), le torus palatinus est plus fréquent dans le groupe méroïtique que dans le groupe ballanéen, et il est très rare chez les sujets masculins du groupe chrétien (mais l'échantillon est très petit : 13 sujets). Dans ce dernier groupe, la fréquence féminine est sensiblement la même que dans les deux premiers. À Missiminia, les fréquences et les liaisons du torus palatinus différencient bien les périodes méroïtique et post-méroïtique. À coté de nombreux sujets présentant le caractère de façon apparemment isolée, quelques regroupements ont pu être mis en évidence (Figure 6). 90 E. CRUBÉZY ETAL — MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN QZ3 Epine trochléaire Groupe Méroïtique [ijpj bilatéral Çj) unilatéral + 40 • + E? . ÍED L-Д — « Cndé ed" ca ED Groupe Méroïtique tardif (Я| bilatéral ® unilatéral *.-»""' Zone du V Tombes avec nombre L ...J indiqué de crânes masculins et féminins • • m Tombes sans crâne intact ff-i . 41 .£й •* 42 [TD 43 • ЕЕЭ Enlèvement de Sebbakh 44 ltd _ • 45 ED^ED •• • Gb ca . ED* + 0 + + R Sř". S .+ T Figure 13. — Cimetière méroitique, spina trochlearis. — Meroitic cemetery, spina trochlearis. 5 10 л 46 IV. — ÉTUDE DES CARACTÈRES DISCRETS 91 2.2. — Épine throchléaire (Spina throchlearis) L'épine throchléaire est une crête, un tubercule ou une épine osseuse situé sur le frontal à la partie supéro-médiale de l'orbite. Dans la présente étude, la distinction n'a pas été réalisée entre la spina throchlearis supérieure ou inférieure (cette dernière est excessive ment rare) et les restes d'un éventuel anneau osseux throchléaire (Augier, 1931, p. 364). Par ailleurs, même les spicules osseux les plus fins ont été pris en considération. Ces spicules sont très facilement détectables au toucher. De ce fait, les erreurs intra et inte robservateurs sont quasiment nulles. Le petit ligament, qui sert de poulie de réflexion au muscle obliquus superior, a ses insertions osseuses qui peuvent être ossifiées. Ces épines, parfois observées dans l'enfance, seraient toutefois, (Ossenberg, 1969) moins fréquentes chez ces sujets que chez les adultes. Les différences entre sexes, quelquefois statistiquement positives, sont très variables d'une étude à l'autre (Hauser et De Stefano, 1989). À Missiminia, la spina throchlearis est relativement rare et sa fréquence ne différencie pas les périodes. Dans le groupe méroïtique, où le caractère est le plus souvent rencontré, des concentrations et des regroupements de sujets ont pu être mis en évidence (Figure 13). La prédominance droite du trait enregistrée dans ce groupe est uniquement due aux sujets provenant d'une seule et même zone. 2.3. — Épine ptérygo-alaire (Spina pterygo-alaris){39) Pour Hauser et De Stefano (1989), l'épine ptérygo-alaire ne serait qu'une «forme mineure » de ponticulus pterygoalaris. Si c' est peut-être le cas pour le type b de Hauser et De Stefano (1989), c'est plus difficile à admettre pour les spicules les plus minuscules (cf. infra). Jusqu'à présent la dénomination de ce caractère dans les ouvrages d'anatomie de langue française était depuis Augier (1931) «épine postérieure de Hyrtl». Le nom d'épine ptérygo-alaire semble actuellement plus approprié dans la mesure où depuis les travaux de Ossenberg (1969), le terme «pterygo-alar» est repris par la totalité des auteurs. Cette épine se présente sous la forme d'un spicule osseux, situé à la partie latérale du foramen ovale, orienté vers en haut en avant et en dedans (Figure 14). Dans la présente étude, tous les spicules osseux répondant à la définition furent codés présents (type a et b de Hauser et De Stefano (1989), p. 158), quelles que soient leurs dimensions. Par ailleurs, même les spicules osseux les plus fins ont été pris en considération. Ces spicules étant très facilement détectables au toucher, les erreurs intra-observateurs sont très faibles. À Missiminia, c'est un caractère non lié à l'âge ou au sexe, dont les fréquences relativement élevées différencient peu les périodes. Plusieurs regroupements ont pu être mis en évidence (Figure 15), surtout dans le groupe méroïtique et méroïtique tardif. La répartition dans le cimetière de l'uni ou de la bilatéralité du trait pourrait ne pas être aléatoire. 39. Nom proposé car non cité par G Cesnys et S. Pavilonis (1982). 92 E. CRUBÉZY ETAL — MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN Figure 14. — Spina pterygo-alaris (Missiminia) 2.4. — Pont ptérygo-alaire (Ponticulus pterygoalaris) (40) La dénomination de ce caractère, dans les ouvrages ď anatomie de langue française, est depuis Augier (193 1) « orifice de Hyrtl » ou «porus crotaphitico-buccinatorius ». En fait, le nom de pont ptérygo-alaire semble actuellement plus approprié d'une part, parce que, depuis les travaux de Ossenberg (1969), le terme de pterygo-alar bridge est repris par la totalité des auteurs ; d'autre part, parce que celui de porus crotaphitico-buccinatorius, quelquefois employé (Hauser et De Stefano, 1989), existe systématiquement sur le vivant (Rouvière, 1970, p. 267) que le ligament innominé décrit par Hyrtl soit ossifié ou non. Ce caractère correspond à un pont osseux réunissant un point situé à la partie latérale au foramen ovale et un point situé à la partie supérieure du bord postérieur de la lamina lateralis processus pterigoidei (Figure 16). Dans la présente étude, tous les ponts osseux complets répondant à la définition furent codés présents (type с de Hauser et De Stefano (1989), p. 158). De plus, furent pris en compte les ponts osseux droit et gauche du sujet 2V6 (C) réunissant la lamina lateralis processus pterigoidei et un point situé entre le foramen ovale et le foramen spinosum. En effet, le ligament innominé décrit par Hyrtl (cf. infra) qui s'insère classiquement à la partie latérale du foramen ovale, peut aussi s'insérer entre ce foramen et le foramen spinosum. 40 Un des noms cités par Hauser et De Stefano (1989). IV. — ÉTUDE DES CARACTÈRES DISCRETS 93 40 Epine pterygo-alaire Groupe Méroïtique Юй bilatéral Л unilatéral Groupe Méroïtique tardif Щ bilatéral ® unilatéral Zone du V Tombes avec nombre indiqué de crânes masculins et féminins Tombes sans crâne intact • Enlèvement de Sebbakh • : •. /a ^ . • 0 Figure 15. — Cimetière méroïtique, spina pterygo-alaris. — Meroitic cemetery, spina pterygo-alaris 5 10 n 94 E. CRUBÉZY ETAL — MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN Figure 16. — Ponticulus pterygoalans (Missimmia) Figure 17. — Tuberculum praecondylare, processus praecondylaris (Missiminia) IV. — ÉTUDE DES CARACTÈRES DISCRETS 95 Le ponticulus pterygoalaris est situé à l'emplacement du ligament innominé décrit par Hyrtl (Paturet, 1 95 1 , p. 96). Ce dernier est la partie libre et épaissie du fascia pterygotemporo-maxillare (formation distincte du fascia interpterygoïdei) qui limite avec la partie correspondante de la base du crâne le porus crotaphitico-buccinatorius. Dans ce porus crotaphitico-buccina torius sont retrouvés différents rameaux du nervus mandibularis (variables suivant la division plus ou moins précoce des branches terminales du nerf) et en particulier les nervis temporales profundi accompagnés quelquefois d'éléments veineux (Ossenberg, 1969; Hauser et al, 1989). L'ossification de différentes parties an fascia pterygo-temporo-maxillare ou du fascia interpterygoïdei est parfois retrouvée dès le septième mois fœtal (Augier, 1931, p. 244). Selon les différents travaux résumés par Hauser et De Stefano (1989) elle proviendrait, soit de l'ossification de ponts cartilagineux antérieurs (Lang et Hetterich, 1983), soit de l'ossification — centres secondaires — des ligaments eux-mêmes (Gray, 1980). À Missiminia, le ponticulus pterygoalaris est relativement rare, sa fréquence ne différencie pas les périodes, et aucun regroupement n'a pu être mis en évidence dans les différents groupes. En ce qui concerne l'ontogenèse, ce caractère pourrait être dû au remplacement ou à la substitution d'éléments ligamentaires ou aponévrotiques par des éléments cartilagineux à un stade très précoce de la vie fœtale. Cette hypothèse va dans le sens des résultats obtenus chez les grands singes (Braga, 1995), où parfois ce caractère est observé dès la naissance avec, dans certains cas, une incidence supérieure chez les animaux juvéniles. 2.5. — Tubercule précondylien (Tuberculum praecondylare){4l) Ce caractère correspond à un tubercule osseux, plus ou moins bien marqué, situé sur la face inférieure du corps de l'occipital juste en avant du bord antérieur du trou occipital (Figure 17). Dans la présente étude, la distinction n'a pas été réalisée entre tuberculum praecondylare unique ou médian, plus ou moins porteur d'une surface articulaire (condylus tertius), et les tubercules moins bien marqués, unilatéraux ou subdivisés en deux parties droite et gauche, de part et d'autre de la ligne médiane (tubercules basilaires paramédians antérieurs de Augier, 1931, p. 168). Par ailleurs, ces tubercules peuvent être reliés au condyle correspondant. D'après les travaux cités par Hauser et De Stefano (1989), dont notamment ceux de Lang (1981), le tuberculum praecondylare apparaîtrait relativement tôt chez l'embryon. Suivant les études, une prépondérance masculine ou féminine a pu être notée et, dans l'étude de Sjovold (1984), son héritabilité est quasiment nulle. À Missiminia, le tubercule précondylien est un caractère rare, non lié à l'âge ou au sexe, qui ne différencie pas les périodes. À côté de sujets apparemment isolés présentant un tuberculum praecondylare, deux regroupements ont pu être mis en évidence dont un pour la phase 4 (Vila, 1985) du groupe méroïtique tardif. 41. Nom cité par Hauser et De Stefano (1989). 96 E. CRUBÉZY ETAL — MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN 2.6. — Canal hypoglosse bipartite ou multiple (Canalis hypoglossi bipartite ou multiple) Ce caractère correspond à la division, en deux ou plusieurs parties, du canalis hypoglossi par un ou plusieurs spicules osseux. Dans la présente étude, seuls les cas de division complète du canal (spicule osseux d'un bord à l'autre) ont été codés, et il n'y a pas eu de de distinction entre la bi et la multipartition. Le canalis hypoglossi permet, sur le vivant, le passage du nerf hypoglossus, d'éléments veineux associés et quelquefois de Yarteriae meningea posterior qui est un rameau méningé de Y arteria pharyngea ascendens. Même lorsque le canal est simple, les racines du nerf se groupent presque toujours en deux paquets, qui passent chacun par un orifice fibreux dure-mèrien, avant de s'engager dans le canal osseux (Augier, 1931, p. 165). Le canalis hypoglossi pourrait résulter de deux phénomènes (Crubézy, 1988) : (i) Soit une manifestation de la vertèbre occipitale, ce qui pourrait expliquer son importante héritabilité dans les modèles animaux (Self et Leamy, 1978 ; Cheverud et Buikstra, 1981a) et sa présence à des stades embryonnaires relativement précoces (Lewis, 1920). À ce sujet, Braga (1995) observe ce caractère chez les grands singes avec des incidences «très élevées dès la naissance sans augmentation avec l'âge». Par ailleurs, toujours chez les grands singes, la fréquence de ce caractère varie conformément aux données biogéographiques et moléculaires sans aucune différence significative à l'échelle de la sous-espèce (Braga, 1997). (ii) Soit une ossification de la dure-mère séparant les différentes racines du nerf, ou une ossification d'éléments fibreux séparant les racines du nerf et les vaisseaux satellites. Cette dernière hypothèse pourrait expliquer, l'augmentation de la fréquence de ce caractère avec l'âge dans de nombreuses études (Ossenberg, 1969 ; Dodo, 1980; Guidotti et al, 1983 ; Cesnys, 1985), et éventuellement sa liaison avec des indicateurs de niveau de vie dans l'étude de Bocquet-Appel (1984) ou encore sa faible héritabilité dans l'étude de Sjovold(1984). À Missiminia, ce caractère est plus souvent uni que bilatéral, et il a tendance à être plus fréquent du côté gauche que du côté droit. Il pourrait correspondre à l'expression d'au moins deux éléments différents : d'une part une manifestation de la vertèbre occipitale et d'autre part une ossification tardive de la dure-mère. Ceci pourrait expliquer, qu'à côté de nombreux cas apparemment isolés, des regroupements aient pu être mis en évidence dans les trois premiers groupes (Figure 18). 2.7. — Canal condylien intermédiaire {Canalis condylaris intermedius) (42) Ce caractère est rarement retrouvé dans les ouvrages ď anatomie de langue française et il existe (Augier, 1931, pp. 202-203) une certaine ambiguïté à son sujet. En effet, si la 42 Nom cité par Hauser et De Stefano (1989) IV. — ÉTUDE DES CARACTÈRES DISCRETS 97 40 Canal hypoglosse bipartite Groupe Méroïtique УЦ bilatéral ;yŠ unilatéral + • + • oie Groupe Méroïtique tardif ® unilatéral CED Zone du V Tombes avec nombre CD indiqué de crânes masculins et féminins • Tombes sans crâne intact * • Enlèvement de Sebbakh + EED 43 * + 44 EED 1 1 • # • ^ , • • ' • . m qd • • Efa • Ed CD* CD 45 + 0 S % Юн Figure 18. — Cimetière méroïtique, Canalis hypo glossi bipartita. — Meroitic cemetery, Canalis hypoglossi bipartita. 46 98 E. CRUBÉZY ETAL. — MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN définition donnée ici du canal condylien intermédiaire est bien la même que celle de Poirier et Tavares (cités par Augier), en revanche, pour Augier (1931), il faut réserver cette appellation au second canal condylien postérieur lorsque celui-ci est double. Par ailleurs, pour Hauser et De Stefano (1989), le canal condylien intermédiaire a été codé pour la première fois par Schwegel (1859); or ce que Schwegel (1859) appelait canal condylien intermédiaire était, selon Augier (1931, p. 203), l'orifice «qui traverse le rebord postérieur du trou déchiré, c'est à dire dont l'orifice exocrânien est situé un peu en dehors de la fossette condylienne antérieure et dont l'orifice endocrânien est placé dans la fosse jugulaire, en avant de l'orifice endocrânien du canal condylien postérieur normal. » De ce fait, ce que codent Hauser et De Stefano (1989) comme canal condylien intermédiaire n'est pas ce que décrivait Schwegel (1859). Les remarques de Augier (1931), qui semblent totalement justifiées, ne devaient pas être connues de Ossenberg (1969). Celle-ci a donc fourni une définition erronée de ce canal, laquelle a été reprise par Hauser et De Stefano (1989). De ce fait, depuis 1969 la définition erronée fait force de loi, et il apparaît que la remettre en cause ne ferait que renforcer la confusion. De ce fait, celle donnée ici du canal condylien intermédiaire, est celle reprise ou sous-entendue par la plupart des auteurs. Elle ne tient donc pas compte des remarques de Augier (193 1). Compte tenu de ces remarques, ce terme désigne (Figure 11) un tunnel osseux, de 1 à 3 millimètres de diamètre et de 1 à 15 millimètres de long, situé sur la face exocrânienne de l'occipital à la partie latérale (de 1 à 10 millimètres) des condyles occipitaux. Si son ouverture antérieure jouxte généralement l'ouverture antérieure du canalis hypoglossi, son ouverture postérieure est, soit près du canalis condylaris ou de la fossa condylaris, soit légèrement à distance. Dans la présente étude, seuls les tunnels ont été pris en considération. En effet, à leur emplacement il y a parfois un sillon qui peut être transformé en gouttière, soit par les expansions de l'une de ses lèvres, médiale ou latérale, soit par des processus osseux provenant médialement du condylus occipitalis et latéralement d'un processus paracondylaris lorsqu'il y en a un (type d de Hauser et De Stefano, 1989). C'est la fusion complète de ces expansions osseuses qui détermine le tunnel. Sur le vivant, ce canal contient une petite veine qui relie le plexus sub-occipital ou la veine condylienne postérieure avec la veine condylienne antérieure ou le confluent jugulaire médial. Pour Ossenberg (1969), ce canal n'apparaîtrait pas avant l'âge adulte, tandis que pour Hauser et De Stefano (1989) un élément cartilagineux, qui pourrait intervenir dans sa constitution, aurait été observé par Macklin ( 1 9 1 4) sur un fœtus de quarante millimètres. Cependant, Augier (193 1) signale que ce que Macklin (1914) a décrit dans cette publication sous le nom de canal para-condylien correspond bien au canal condylien intermédiaire de Schwegel (1859) qui {cf. supra) ne semble avoir aucun rapport avec ce que différents auteurs (Ossenberg, 1969; Corrucini, 1974; Scarsini et al, 1980; Molto, 1983 ; Hauser et De Stefano, 1989) ont repris sous cette dénomination. À Missiminia, les fréquences et les liaisons du canalis condylaris intermedius différencient la période méroïtique et la période post-méroïtique. Bien qu'ils soient liés à l'âge dans le groupe ballanéen, de nombreux regroupements ont pu être mis en évidence IV. — ÉTUDE DES CARACTÈRES DISCRETS 99 40 Canal condylien intermédiaire + • + сзз Groupe Méroïtique fay) bilatéral Л unilatéral 4I Zone du V 42 Tombes avec nombre indiqué de crânes masculins et féminins • Tombes sans crâne intact ci E: f% П—1 • 43 EnlèvementdeSebbakh 44 45 • • /1 0 5 Figure 19. — Cimetière méroïtique, canalys condylaris intermedius. — Meroitic cemetery, canalys condylaris intermedius. lOn 46 100 E. CRUBÉZY ETAL — MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN surtout pour la première période (Figure 19). Par ailleurs, dans le groupe méroïtique, pour une même sépulture, les sujets du même sexe présentent généralement le caractère du même côté. Ce phénomène (surtout le côté de la latéralisation) n'est pas retrouvé chez les individus provenant de tombes adjacentes ni pour ceux déposés de façon plus différée (groupe méroïtique tardif) dans les premières tombes. 2.8. — Processus para-condylien (Processus paracondylaris) Dans la littérature de langue française, le terme de processus para-condylien occipital est parfois réservé (Dastugue, 1985) aux tubercules osseux porteurs d'une facette articulaire. Ceux qui n'en présentent pas sont alors appelés : tubercule para-condylien occipital. Par ailleurs, pour Dastugue (1985) les processus para-condyliens occipitaux peuvent être considérés comme des malformations congénitales à caractère nettement pathologique en raison des « douleurs, limitation des mouvements de la charnière crâniocervicale» qu'ils entraîneraient. Cette dernière affirmation est assez discutable, dans la mesure où une articulation surnuméraire n'a jamais empêché ou limité un mouvement, et où, en clinique, la plupart des cas de découverte de processus para-condyliens sont fortuits. De plus A. Wackenheim (1975) ne les considère que comme une variante du normal. Le processus para-condylien est un tubercule osseux inconstant, situé en arrière de la fosse jugulaire et à la partie latérale du condyle occipital, dont il est habituellement séparé par une rainure assez profonde. Il est plus ou moins développé en hauteur et en largeur, et sa partie inférieure peut présenter une surface articulaire (Figure 17) qui s'articule alors avec le processus trans verse de l'atlas. Dans la présente étude, tous les cas de processus paracondylaris, autres que ceux assimilables à un léger bombement de l'os à cet endroit, furent codés présents, qu'ils soient porteurs ou non d'une surface articulaire. En effet, pour certains auteurs ( Augier, 1 93 1 , p. 1 72 ; par exemple) le processus para-condylien est une structure normale habituellement peu développée. En fait, sur de très nombreux crânes de Missiminia l'os à cet endroit est parfaitement lisse, et d'autres fois il y a un léger bombement assimilable au « petit processus para-condylien normal» (Augier, 1931) qui ne fut donc pas pris en compte. En raison de sa localisation, le processus paracondylaris est souvent assimilé à une manifestation de la vertèbre occipitale. Selon Ossenberg (1969), Ingelmark (1947), sur des embryons de 21 à 82 millimètres, a décrit un épaississement des structures tissulaires, dans la région qui plus tard correspondra à celle du processus. Cependant, il semble s'agir à ces stades, d'une constante morphologique et pour l'instant aucun travail ne semble avoir expliqué l'origine du plus ou moins grand développement de cette formation osseuse. Suivant les études (et les modes de codage), des variations très différentes en fonction de l'âge et du sexe ont été rapportées (Hauser et al, 1989). Dans la série d'Amérindiens étudiée par Ossenberg (1969), ce caractère est plus fréquent sur les crânes déformés que sur les autres. Comme pour d'autres manifestation de la vertèbre occipitale, un fort déterminisme génétique est soupçonné et Ossenberg (1969) signale pour des populations d'Amérique du Nord les fortes différences de fréquence entre sites. Pour elle, ces différences pourraient être l'indice de recrutements familiaux. IV. — ÉTUDE DES CARACTÈRES DISCRETS 1 01 Dans les populations de la vallée du Nil, ce caractère est très souvent rencontré (Dastugue, 1977, 1981), et nous nous sommes interrogés sur son éventuelle relation avec les déformations crâniennes. En fait, aucun des crânes que nous avons identifié comme déformé (Crubézy, 1991) n'en présente. À Missiminia, il n'est lié ni au sexe, ni à l'âge, ni aux déformations crâniennes. En raison de divers travaux et des liaisons enregistrées, il pourrait provenir de l'ossification d'ébauches cartilagineuses de la base du crâne se mettant en place très précocement au cours de la vie fœtale. Le caractère apparaît souvent isolé, mais au moins un regroupement a pu être mis en évidence dans le groupe ballanéen. Par ailleurs, son uni ou sa bilatéralité pourraient ne pas être des éléments aléatoires. 2.9. — Récapitulation : caractères hyperostotics Liaisons entre côtés À l'exception du groupe méroïtique, les liaisons entre côtés sont relativement faibles. Aucun caractère n'a, dans chaque groupe, une fréquence des cas bilatéraux supérieure à celle des unilatéraux. Seuls la spina trochlearis et le processus paracondylaris ont des liaisons relativement élevées, surtout pour la période post-méroïtique. Pour certains caractères (ponticulus pterygoalaris, canalis condylaris intermedius, canalis hypoglossi bipartite par exemple), la bilatéralité semble même l'exception. Lorsque les caractères sont unilatéraux, curieusement la prédominance d'un côté est rare. Celle avec le côté droit est notée pour la spina trochlearis dans le groupe méroïtique, et celle avec le côté gauche pour le canalis hypoglossi bipartite dans les groupes méroïtique, méroïtique tardif et chrétien. Ces deux résultats sont des données classiques, signalées de longue date par de nombreux auteurs. Dans le groupe méroïtique, le canalis condylaris intermedius n'est pas lié au sexe et aucun côté ne prédomine. Cependant, dans une même sépulture le caractère est toujours présent du même côté et se sont les sujets du même sexe - à une exception près dans une sépulture de 3 sujets - qui le présentent. Par ailleurs, les observations effectuées dans les autres groupes, mettent en évidence, le caractère apparemment non aléatoire de la bilatéralité ou de l'unilatéralité de ce trait, et l'importance de sa latéralisation droite ou gauche. Liaisons au sexe Aucun caractère n'est lié au sexe de façon statistiquement significative. Liasons à l'âge Seuls trois caractères (canalis condylaris intermedius, canalis hypoglossi bipartite, torus palatinus) ont tendance à augmenter avec l'âge. Cependant, cette liaison ne se retrouve chaque fois que dans un seul groupe et généralement sous forme de tendance. En effet, deux fois le nombre de sujets analysés est trop petit pour que le résultat des tests puisse être considéré comme probant. 102 Б. CRUBÉZY ETAL — MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN Le canalis condylaris intermedius a tendance à être plus fréquent, de façon uni comme de façon bilatérale, dans le groupe ballanéen, chez les adultes âgés que chez les adultes jeunes ; ceci est statistiquement significatif du côté gauche. En revanche, c'est l'inverse qui est noté pour ce même caractère du côté gauche dans le groupe méroïtique tardif. Le torus palatinus a tendance à être plus fréquent chez les sujets âgés que chez les sujets jeunes du groupe méroïtique. Le canalis hypoglossi bipartite a tendance à être unilatéral chez les sujets jeunes, et bilatéral chez les sujets âgés du groupe chrétien. La bilatéralité du trait reste toutefois, excessivement rare. Aucun de ces résultats n'est facile à analyser. Il est possible que dans le cas du canalis hypoglossi la bilatéralité du caractère chez les sujets âgés provient d'une ossification tardive de la dure-mère de l'un des côtés, comme ce qui est parfois observé dans certains cas de maladies hyperostosiques... mais d'autres phénomènes rentrent certainement en jeu (espérance de vie plus importante pour les sujets présentant le caractère bilatéral ?). En effet, il ne s'agit chaque fois que de tendances, et il n'y pas forcément de cohérence d'un groupe à l'autre (canalis condylaris intermedius). Dans le cas de caractères symétriques la latéralisation semble jouer un rôle important, et il faut se demander si ce qui est observé ici ne dépend pas de phénomènes sociaux (espérance de vie de quelques individus présentant le caractère supérieure à celle du reste de la population) plus que de phénomènes physiologiques intéressant l'ensemble de la population... Liaisons entre caractères Les liaisons des caractères hyperostotics retrouvées dans plusieurs groupes sont relativement rares. Elles se font avec d'autres caractères hyperostotics et des orifices surnuméraires. Celles avec des caractères hypostotics et des os suturaires et/ou surnuméraires sont beaucoup plus exceptionnelles. Comme pour les caractères hypostotics, les résultats obtenus pour les caractères hyperostotics chez les grands singes sont très comparables avec ceux de cette étude. En effet, Braga (1995) note que, chez les grands singes, les caractères hyperostotics montrent les plus fortes associations : (i) avec d'autres caractères du même groupe (par exemple, le processus para-condylien et le canal hypoglosse partite) ; (ii) moins souvent, avec des caractères hypostotics ; (iii) plus généralement, avec des caractères fortement liés à l'âge. Parmi les principales liaisons mises en évidence, deux ensembles de caractères semblent particulièrement intéressants, (i) Celui du ponticulus pterygoalaris, du processus paracondylaris et du canalis hypoglossalis bipartite, (ii) Celui de la spina trochlearis et de la spina pterygoalaris À propos de ces caractères de nombreuses controverses se sont développées (Hauser et al, 1989), et plus particulièrement pour le ponticulus pterygoalaris, la spina trochlearis et la spina pterygoalaris. En effet, certains voient dans ces éléments l'ossification d'ébauches cartilagineuses se mettant en place très précocement au cours de la vie fœtale, tandis que pour d'autres elles ne seraient que le résultat de l'ossification des ligaments. Les tenants de la première hypothèse se basent sur l'observation d'ébauches cartilagineuses IV. — ÉTUDE DES CARACTÈRES DISCRETS 103 chez l'embryon, et les seconds principalement sur l'augmentation de ces caractères au cours de la vie. En fait, les éléments anatomiques intéressés proviennent du ligament servant de poulie de réflexion au muscle obliquus superior et du ligament innominé décrit par Hyrtl. Ces ligaments, comme tous les ligaments et les tendons, sont ancrés dans l'os dans une zone appelée enthèse. L'enthèse normale n'est pas recouverte de périoste, mais la gaine péri-tendineuse ou péri-tendon est en continuité avec le périoste adjacent. Elle se divise schématiquement en quatre zones dont les cellules proviendraient de clones cellulaires différents. La première faite de fibres collagènes très résistantes, plus ou moins parallèles, se prolonge dans une deuxième zone cartilagineuse, puis dans une troisième ou le fibro-cartilage est calcifié avant de se mélanger avec les fibres de l'os lamellaire qui forment la quatrième zone. Les enthèses, vasculansées et innervées, sont métabohquement actives surtout chez le sujet jeune. Lorsque l'enthèse est affaiblie, elle réagit de façon pathologique, et l'enthésopathie correspond à une ossification de la partie extra-osseuse de l'enthèse pouvant être précédée d'une chondrification. Cette ossification n'intéresse pas systématiquement une zone anatomiquement bien définie, elle se développe aussi bien dans le ligament qu'à sa surface ou que dans le tissu conjonctif voisin. Dès lors, la liaison entre spina trochlearis et spina pterygoalaris pourrait être le signe d'une origine semblable. Ces deux caractères pourraient, dans certains cas, être assimilés à des enthésopathies. Les enthésopathies sont encore peu connues, et leurs causes sont multiples. Celles qui ne sont pas directement en rapport avec un stress mécanique proviennent généralement d'atteintes ou de maladies où très souvent les hommes sont plus atteints que les femmes, où une notion de terrain est connue et un déterminisme génétique mis en évidence ou soupçonné (Ibanez, 1990). Ainsi, la maladie hyperostosique touche principalement les hommes avec, dans les populations d'Europe occidentale par exemple, une incidence de 3 à 6 % entre 40 et 60 ans et plus de 1 1 % après 60 ans (Arlet etMazières, 1985). L'augmentation de ces caractères discrets avec l'âge, et même leur prédominance masculine, pourrait donc être simplement le fait ď enthésopathies se mettant en place au cours de la vie. En revanche, spina trochlearis et spina pterygoalaris sont parfois rencontrées chez de très jeunes enfants, ou même des nouveau-nés. Dans ces cas il faut soupçonner, soit une ossification très précoce de la partie extra-osseuse de l'enthèse (déterminisme environnemental) ; soit une modification, ou une répartition différente (déterminisme génétique), des clones cellulaires à l'origine des différentes parties de l'enthèse. Il est bien évidemment impossible, à l'heure actuelle, de savoir laquelle de ces deux propositions est la bonne. Toutefois, à titre d'hypothèse, il n'est pas impossible que l'acide rétinoique joue un rôle dans ces mécanismes. Il est soupçonné de plus en plus de participer à l'organisation des différents gradients cellulaires chez l'embryon (De Robertis et al, 1990) et chez l'adulte c'est un trouble du métabolisme de la vitamine A qui pourrait être à l'origine de la maladie hyperostosique (Abiteboul, 1987) et donc de la transformation des enthèses... 104 E. CRUBÉZY ETAL — MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN Le ponticulus pterygoalaris pour sa part ne peut en aucun cas être assimilé à une enthésopathie, ou à une modification de l'enthèse. En effet, dans ce cas, c'est la majorité du ligament qui est intéressée. En fait, ce dernier n'existe pas puisqu'il est remplacé par une console osseuse. La liaison de ce caractère avec le processus paracondylaris et le canalis hypoglossalis bipartite qui proviennent d'ébauches cartilagineuses se mettant en place très tôt in utero semble tout à fait révélatrice de cet état de fait ; il semble donc que le ponticulus pterygoalaris relève du même phénomène. Les deux ensembles de liaisons enregistrées semblent révélateurs de l'origine des différents caractères étudiés : spina trochlearis et spina pterygoalaris rentreraient dans le cadre plus général des modifications des enthèses, tandis que le ponticulus pterygoalaris serait dû à la présence chez le fœtus d'éléments cartilagineux à la place d'éléments fibreux. Dans cette logique, la spina pterygoalaris, ne serait donc pas une forme mineure de ponticulus pterygoalaris . Il faut toutefois, remarquer que certaines spina pterygoalaris peuvent être très développées et que parfois le ponticulus pterygoalaris peut être incomplet. En fait, il faut espérer qu'à l'avenir des cas de ce type soient observés et étudiés sur des pièces anatomiques. En effet, les éléments cartilagineux du ponticulus pterygoalaris peuvent s'ossifier progressivement au cours de la vie comme le prouverait parfois la «presence of distinct suture in these laminae » (Hauser et De Stefano, 1989). Le nombre relativement peu élevé de liaisons intéressant ces caractères et la persistance des liaisons au cours du temps font de ces traits des marqueurs intéressants pour l'évolution des populations. 3. — OS SUTURAIRES, FONTANELLAIRES, SURNUMERAIRES Les os suturaires, fontanellaires et surnuméraires sont des os qui sont soit notés dans les sutures et à l'emplacement des fontanelles, soit qui habituellement ne sont pas rencontrés et qui s'intercalent généralement entre deux os. Ils sont donc repérés grâce à une suture surnuméraire. Données anatomiques et ou anthropologiques générales Ces caractères ont, pour la plupart, été codés dès les toutes premières études anatomiques, et il existe donc une littérature considérable à propos, de leurs définitions, de leurs morphologies, de leurs etiologies et des différences entre groupes, particulièrement pour les os suturaires lambdoïdes. En ce qui concerne leur développement, ces trois types d'os sont parfois retrouvés, pour certains d'entre eux, chez le fœtus (El Najjar et Dawson, 1977), quelquefois très précocement, dès 62 millimètres (Augier, 1931). Cependant, une majorité d'entre eux n'apparaîtraient qu'après la naissance, et Augier (1931 , p. 612) signale que sur deux cents fœtus, de moins de huit mois, il n'a pas rencontré un seul cas net ď os fonticuli mais fréquemment des «granulations rattachables aux os normaux voisins». Pour Hauser et IV. — ÉTUDE DES CARACTÈRES DISCRETS 105 al. (1989), celles-ci pourraient en fait correspondre à des points secondaires d'ossification. Selon Gelot et al. (1989), d'après des données provenant d'une population actuelle, la fréquence des os suturaires diminuerait d'autant plus rapidement, que le groupe de sujets considérés aurait un âge moyen plus bas. Cette diminution, d'après les chiffres publiés et malgré certains problèmes méthodologiques {cf. sutura transversa squamae occipitalis), est spectaculaire surtout entre zéro et dix ans. Elle avait d'ailleurs déjà été signalée par Augier (1931, p. 613) et elle pourrait être mise en relation avec une synostose rapide de petits os en périphérie de centres osseux en plein développement. Par la suite, cette diminution, notamment pour les os suturaires lambdoïdes, est moins marquée (Perizonius, 1979a ; Gelot et al, 1989), bien que des différences existent entre populations (Hauser et De Stefano, 1989). Cependant, pour certains d'entre eux, ospterii notamment (dans l'étude de Bocquet- Appel (1984) sur une population portugaise du XIXe siècle), il y a parfois des différences statistiquement significatives entre adultes jeunes et âgés. A priori celles-ci peuvent être dues, soit à la disparition par synostose de ces os chez les sujets âgés, soit à un décès en moyenne plus précoce des sujets porteurs de ce caractère. En ce qui concerne leur origine et leur cause, trois travaux méritent d'être cités : (i) Sjovold (1984) a montré sur une population autrichienne du XVIIIe et du XIXe siècle que l'héritabilité de ces divers caractères était très différente, et que tous ne pouvaient donc pas être considérés de la même façon, (ii) Les travaux de Bocquet- Appel (1984) ont mis en évidence, sur une population portugaise du XIXe siècle, une association entre les os pterii, les os suturaires lambdoïdes et les périodes où le niveau de vie était moins élevé, (iii) Ils seraient, pour Gelot et al. (1989), l'un des éléments permettant au crâne d'adapter sa croissance. Les conclusions de ces auteurs sont basées sur la diminution de ces os au cours de la première décennie et sur l'augmentation de l'ostéogenèse sur les sutures, lorsque des tensions sont exercées sur celles-ci. Bien qu'il semble illusoire de vouloir généraliser, des interactions étroites entre divers éléments, génotypiques, phénotypiques et physiologiques, pourraient expliquer certaines des variations intra ou intergroupes en fonction des séries. Problèmes théoriques et pratiques liés au codage de ces caractères Actuellement deux problèmes théoriques concernant leur codage persistent : (i) La définition de ces caractères, malgré une mise au point récente (Hauser et De Stefano, 1989) est très variable d'un auteur à l'autre. Ce problème est particulièrement aigu pour l'occipital où la distinction entre certains os fontanellaires ou surnuméraires est impossible chez l'adulte. De ce fait, l'attribution d'un os à telle ou telle catégorie est purement arbitraire, (ii) Augier (1931) a souligné (de façon assez empirique) que les os suturaires pouvaient être divisés en deux catégories : ceux qui représentent des centres osseux indépendants, et ceux qui ne sont que des parties détachées de la zone ostéogène primitive d'un os principal. Dans cette dernière catégorie peuvent être classés les « interdigitated suturai bones » (Melbye, 1969) qui seraient dus aux complications des sutures. Ils semblent d'avantage sous l'influence de facteurs d'environnement que les premiers, et la distinction devrait théoriquement être faite au cours des études. Pratiquement elle est impossible. 106 E. CRUBÉZY ETAL — MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN Deux éléments pratiques, concernant cette étude, doivent être signalés, (i) Le nombre de ces os est très variable sur une même suture d'un individu à l'autre, et le mode de codage employé ici (présence/absence) n'en rend pas compte, (ii) L'observation a porté uniquement sur la face exocrânienne. Ces os occupent le plus souvent toute l'épaisseur de la paroi crânienne. Cependant, ils sont parfois uniquement exocrâniens ou endocrâniens. Les os répondant à la dernière éventualité n'ont donc pas été enregistrés. 3.1. — Os suturaire coronal (Ossa suturae coronalis) C'est un os suturaire de la suture coronale à l'exception du bregma et du ptérion. Dans la présente étude, sur la face exocrânienne tout os répondant à la définition fut codé présent quelles que soient ses dimensions. À Missiminia, c'est un caractère rare dont la fréquence et l'unilatéralité restent sensiblement constantes au cours du temps. La prédominance de l'unilatéralité semble inhabituelle par rapport aux études antérieures (Pietrusewski, 1984). 3.2. — Os suturaire sagittal (Ossa suturae sagittalis) II s'agit des os suturaires de la suture sagittale à l'exception du bregma et du lambda. Dans la présente étude, sur la face exocrânienne tout os répondant à la définition fut codé présent quelles que soient ses dimensions. À Missiminia, c'est un caractère rare, totalement absent du groupe ballanéen, et pour lequel aucun regroupement n'a pu être mis en évidence. 3.3. — Os suturaire lambdoïde (Ossa suturae lambdoïdeae) Os suturaire situé dans la suture lambdoïde à l'exception de l'astérion. Dans la présente étude, sur la face exocrânienne, la présence d'un ou plusieurs os, répondant à la définition a entraîné un codage positif du caractère. De même, tout os situé au lambda et inférieur à deux centimètres de hauteur (dimension définie arbitrairement) fut enregistré comme ossa suturae lambdoïdeae. Cependant, le cas d'un os répondant à ce dernier critère, et non associé à d'autres os suturaires lambdoïdes ne s'est pas présenté. Ces os suturaires ont fait l'objet d'études considérables ayant mis en évidence des cas familiaux, mais surtout des liaisons entre ces caractères, des données ostéométriques de la base du crâne et des stress mécaniques et alimentaires. Les sujets avec des os suturaires aux sutures lambdoïdes auraient, en moyenne, une longueur basi-occipitale inférieure à ceux qui n'en présentent pas (Bennet, 1965). Pour Ossenberg (1969) c'est cette longueur qui influencerait la présence d'os suturaires, tandis que pour Bennet (1965) à l'origine de leur formation, il y aurait un retard de croissance de la synchondrose sphéno-occipitale qui entraînerait un stress des sutures lambdoïdes. Les retards de croissance de la synchondrose sphéno-occipitale pourraient être dus à différents stress métaboliques et/ou bio-mécaniques touchant le mésoderme. En effet, il y parfois des liaisons significatives entre ces os suturaires et certaines anomalies crâniennes (Hess, 1946), et certains types de déformations volontaires du crâne (Bennet, 1965 ; El Najjar et Dawson, 1977 ; Gotheb, IV. — ÉTUDE DES CARACTÈRES DISCRETS 107 1978 ; Vives et Bertranpetit, 1986). Cependant, ces résultats méritent d'être modulés, puisque pour El Najjar et Dawson (1977) ainsi que pour Gottlieb (1978), la déformation artificielle, n'augmenterait pas l'incidence du nombre de sujets présentant ce caractère, mais seulement le nombre d'os suturaires par sujets. À Missiminia, ceci pourrait être le cas d'un sujet qui a une déformation crânienne, et qui est l'un des individus présentant le plus grand nombre d'os suturaires de la population. Un facteur métabolique est suggéré par l'étude de Bocquet-Appel (1984) mettant en évidence dans une série portugaise du XIXe siècle une augmentation des os suturaires lors des périodes économiquement difficiles. Les apparentes oppositions de ces travaux sont en faveur d'une interaction étroite entre facteurs innés et acquis. Dans le même temps elles reflètent peut-être les facteurs de biais de certaines études familiales où le niveau socio-économique des enfants est étroitement lié à celui des parents. À Missiminia, c'est un caractère très fréquent, différenciant peu les groupes, et lié à plusieurs caractères d'étiologies, a priori, assez diverses. Des regroupements ont pu être mis en évidence dans la nécropole, toutefois, en raison des fréquences de chaque groupe ils sont difficilement interprétables. Il faut cependant noter — malgré le faible nombre de cas observés — que, dans le groupe méroïtique, lorsque des sujets d'une même sépulture présentent le caractère de façon unilatérale, c'est du même côté qu'il est noté. 3.4. — Préinterpariétal (Os preinterparietale)(43) Pour cet os divers noms ont été proposés dans la littérature : os au lambda, os épactal, quadratum, triangulaire, os des Incas. Ici, le nom déjà ancien de préinterpariétal, pris en compte par Augier (1931), a été retenu. En effet, il fait appel à une notion topographique très générale et non à un repérage anatomique précis (le lambda : ce qui en ferait un os fontanellaire), ou à la forme supposée de l'os (très variable en raison des différentes modalités d'ossification) ou à sa fréquence dans certains groupes. Ce caractère correspond à un os surnuméraire, de forme losangique ou triangulaire, situé à la partie supérieure de la partie squameuse de l'occipital. Son extrémité supérieure se situe habituellement au lambda (sauf s'il y a interposition d'un os suturaire), et ses extrémités inféro-latérales sont délimitées par les sutures lambdoïdes, sauf s'il y a interposition de nombreux os suturaires lambdoïdes (44). Dans la présente étude, seuls ont été pris en compte les os de forme triangulaire atteignant au moins deux centimètres de hauteur (dimension définie arbitrairement) et répondant à la définition ci-dessus. Les os inférieurs à deux centimètres ont été enregistrés comme des os suturaires lambdoïdes. Les hyperdéveloppements de l'écaillé (Stiédacité par Augier, 1931) et vraisemblablement dus à la synostose totale des préinterpanétaux à l'écaillé, et quelquefois rencontrés sous le nom de pars incoidea squamae occipitalis, n'ont pas été recherchés. En effet, cet hyperdéveloppement est une notion, somme toute ostéométrique, difficile à définir. Le 43 Nom proposé, car non cité par Cesnys et Paviloms (1982) 44 Cette définition correspond aux types «/» et «w» de Vos incae de Hauser et De Stefano(1989). 108 E. CRUBÉZY ETAL. — MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN codage d'un os de fontanelle lambdatique n'a pas été effectué. En effet, chez l'adulte, la distinction entre un os interpariétal peu développé (inférieur à deux centimètres), un os fontanellaire lambdatique et un os suturaire lambdoïde empiétant sur le lambda, semble aléatoire. Elle ne repose sur aucun critère anatomique et/ou ontogénésique, les limites exactes de la fontanelle lambdatique n'étant pas strictement fixées sur les crânes de fœtus ou de nouveau-nés. Par ailleurs, il est indéniable que chez l'adulte les problèmes de définition et de diagnostic différentiel entre préinterpariétal (tel qu'il est défini ici) et os interpariétal (dû à la présence de la sutura transversa squamae occipitalis) sont cruciaux dans la mesure où un interpariétal tripartite (Augier, 1931, p. 191, figure 142) avec synostose des parties inféro-latérales droite et gauche de la sutura transversa squamae occipitalis est absolument indiscernable d'un préinterpariétal (Augier, 1931, p. 194, figure 147). Problèmes anatomiques: Selon Augier (1931), «le préinterpariétal dérive de deux centres, qui apparaissent anormalement dans le tissu membraneux, vers la pointe lambdatique de la région interpariétale. Le plus souvent ils se réunissent et forment, chez l 'adulte un os médian connu depuis fort longtemps sous des noms divers [...]; plus rarement les deux préinterpariétaux persistent ou seulement l'un des deux [...]. Ces centres préinterpariétaux s'unissent le plus souvent au reste de l'écaillé de l'occipital mais ils peuvent aussi s'avancer en pointes entre les pariétaux». Cette présence d'une paire de points ď ossification surnuméraires a depuis Augier ( 1 93 1 ) été confirmée par Brash ( 1 95 1 ), Srivastava (1977), Pal et al. (1984). D'après cette définition, et celles données lors de Figure 20. — Os pterii (Missimima) IV. — ÉTUDE DES CARACTÈRES DISCRETS 109 l'étude des caractères hypostotics, il est théoriquement possible de rencontrer, sur une même pièce, un ou deux préinterpariétaux, une sutura transversa squamae occipitalis uni ou bilatérale, une sutura mendosa uni ou bilatérale, et des os suturaires lambdoïdes. Dans la pratique, chez l'adulte, faire la distinction entre certains de ces éléments est souvent difficile. En effet, les préinterpariétaux et les interpariétaux peuvent exister sous différentes modalités, ils peuvent se souder plus ou moins entre eux et avec les os adjacents et se compliquer, à leur périphérie, avec des os suturaires lambdoïdes parfois assez développés. À Missiminia, ce caractère semble lié à l'apparition de deux centres osseux surnuméraires vers la pointe lambdatique de la région interpariétale. Chez l'adulte, malgré des problèmes de définition, il semble que le préinterpariétal et Г interpariétal ne soient pas des expressions différentes d'une modalité unique de l'ossification de la partie squameuse de l'occipital. En effet, l'os preinterparietale serait plutôt associé à des modalités particulières d'ossification de la périphérie du pariétal, tandis que l' interpariétal serait bien une modalité particulière d'ossification de la partie squameuse. Dans l'un des regroupements mis en évidence, deux sujets masculins ont exactement la même forme de préinterpariétal. Ce qui souligne, encore une fois, les problèmes concernant l'origine et la définition de ces os. 3.5. — Os au ptérion (Os pterii) Ce caractère correspond à un os fontanellaire au ptérion (Figure 20). Dans la présente étude, sur la face exocrânienne tout os qu'il soit sphéno-pariétal, sphéno-frontal, sphénopanéto-temporal, sphéno-pariéto-frontal ou sphéno-pariéto-fronto-temporal fut codé présent quelles que soient ses dimensions. L'os au ptérion est tout os qui se développe dans la fontanelle ptérique fœtale. Il peut prendre contact avec les quatre os qui la délimitent, ou simplement avec trois ou deux d'entre eux. Depuis le XIXe siècle, il a fait l'objet de multiples études, car il est facilement repéré et les erreurs intra et inter-observateurs sont minimes. Dans de nombreuses études (Perozimus, 1979a; Cesnys, 1982a; Molto, 1983), ces os sont moins fréquents chez les sujets âgés que chez les sujets jeunes. Cependant, ceci n'est pas systématique (Hauser et ai, 1989), et la différence est rarement statistiquement significative. Elle provient peutêtre du fait que, chez des sujets âgés, les sutures délimitant cet os sont totalement synostosées et qu'il n'est donc pas repéré. La question à laquelle se heurtent anatomistes et anthropologues, depuis plus d'un siècle, est de savoir dans quelle mesure cet os est un élément indépendant ou une partie détachée du territoire ostéogène du frontal, du pariétal, du sphénoïde ou du temporal. Par ailleurs, les os pténques endocrâniens pourraient avoir une origine cartilagineuse (Augier, 1931, p. 291). Selon Augier (1931), ces os semblent apparaître après la naissance, bien que certaines «granulations osseuses» (?) aient été repérées, dans la fontanelle ptérique, dès le septième mois fœtal. Leur développement et leur situation dépendraient, toujours selon cet auteur, de la rapidité de développement des os voisins. Bien que, pour Anoutchine (1882), Ranke (1899) et Collins (1926), cités par Vagn Nielsen (1970), il y ait de grandes différences de forme de ptérion entre les groupes 1 10 E. CRUBÉZY ETAL. — MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN humains, l'héritabilité de ce caractère est pratiquement nulle dans l'étude de Sjovold (1984). Chez les grands singes (Braga, 1985), les os suturaires de la voûte crânienne sont systématiquement associés à la conformation du ptérion. Une telle association pourrait être un « argument en faveur de l'hypothèse selon laquelle la conformation de ces régions du crâne est conditionnée par la fusion, plus ou moins précoce, d'un os wormien avec les os adjacents». Dans la population nubienne étudiée par Vagn Nielsen (1970), il n'y a pratiquement pas de différences, pour ce caractère, au cours du premier millénaire A.D. À Missiminia, ce caractère a permis de mettre en évidence, pour chaque période, quelques regroupements. De plus son uni ou sa bilatéralité ne semblent pas a priori — du moins dans le groupe méroïtique — des éléments aléatoires. 3.6. — Articulation fronto-temporale {Sutura frontotemporalis) Ce caractère correspond au contact, par l'intermédiaire d'une suture, entre la partie squameuse de l'os temporal et l'os frontal. En raison d'éventuelles relations au cours de sa formation avec Vos pterii ce caractère est abordé avec les os surnuméraires. Dans la présente étude, tout contact, par l'intermédiaire d'une suture, entre os frontal et os temporal fut codé présent quelles que soient les dimensions de celle-ci. Classiquement, le contact entre l'os frontal et l'os temporal est dû à un processus frontal de la partie squameuse de l'os temporal. Cependant, des cas de processus temporaux du frontal sont connus. La question, à laquelle se heurtent les anatomistes depuis le début du siècle, concerne le rapport entre l'os ptérique et l'articulation fronto-temporale. Toutes les transitions existent entre l'os ptérique libre et l'articulation fronto-temporale mais aussi entre cette dernière et le ptérion en X. De ce fait, les thèses selon lesquelles l'articulation frontotemporale résulterait, de la fusion d'un os ptérique au temporal ou d'une extension plus ou moins grande de la partie squameuse, dans une région ou les os voisins peuvent être déficients, pourraient être aussi recevables l'une que l'autre (Augier, 1931, p. 291). Cependant, si l'héritabilité de l'os au ptérion est pratiquement nulle dans l'étude de Sjovold (1984), celle de la suture fronto-temporale, malgré le faible nombre de cas observés, est très élevée. Dans certaines séries, quelquefois importantes, qualifiées de négroïdes (Anoutchine et Ranke cités par Augier, 1931 ; Broth well, 1959), des fréquences relativement élevées d'articulations fronto-temporales ont parfois été mises en évidence. Dans la population nubienne étudiée par Vagn Nielsen (1970), une différence, statistiqu ement significative, a été mise en évidence entre les sujets masculins méroïtiques et chrétiens. L'auteur interprète ceci comme une augmentation de l'influence négroïde dès le Ballanéen... À Missiminia, l'os au ptérion est plus fréquent dans le groupe méroïtique tardif chez les sujets jeunes que chez les sujets âgés, et dans le groupe ballanéen c'est la suture fronto-temporale qui est majoritaire chez ces derniers. Cependant, les rapports entre ces deux caractères ne sont pas faciles à préciser. Les résultats obtenus à Missiminia (Figure 21) ne recoupent pas toujours ceux des études précédentes, et dans la population, d'un IV. — ÉTUDE DES CARACTÈRES DISCRETS | I to Articulation Fronto-temporale . 111 ED 40 Groupe Méroïtique 1^1 bilatéral „^k unilatéral 111:3 41 Zone du V 42 Tombes avec nombre CZZ3 indiqué de crânes masculins et féminins • Tombes sans crâne intact =■+ e=D .-"ai • Enlèvement + de Sebbakh EU ED • 43 • CD 44 CO • ca + . Db un • CED 45 СП* + 0 5 U Figure 21. — Cimetière méroïtique, sutura frontotemporalis. — Meroitic cemetery, sutura frontotemporalis. 10 46 112 E. CRUBÉZY ETAL— MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN groupe à l'autre, les données (liaisons entre caractères, liaison à l'âge et/ou au sexe, etc.) se recoupent très peu, bien que les fréquences soient sensiblement les mêmes. 3.7. — Os à l'incisure pariétale (Os incisurae parietalis) II s'agit de l'os surnuméraire situé à l'incisure pariétale. Dans la présente étude, sur la face exocrânienne tout os situé à l'incisure pariétale fut codé présent quelles que soient ses dimensions (même ceux de l'ordre du millimètre). Pour Hauser et De Stefano (1989), suivant les travaux de Ranke (1899), les os à l'incisure pariétale seraient dus à des centres d'ossification surnuméraires qui se mettraient en place à la fin du quatrième mois fœtal. Cependant, dans l'étude de Ossenberg (1969), sur des crânes de Nord-amérindiens, les os à l'incisure pariétale étaient beaucoup plus fréquents chez les adolescents que chez les sujets âgés. Selon elle, cette région semblait plus vulnérable, que d'autres parties de la voûte, aux stress de croissance de l'adolescence. Le développement des processus mastoïdes et des muscles du cou étaient, chez l'homme, envisagés comme d'éventuels facteurs déterminants. Ces données et ces hypothèses ne semblent pas avoir été confirmées par d'autres études. Ce caractère semble relativement fréquent chez les nubiens, et Vagn Nielsen (1970) trouve dans ses séries méroïtique et post-méroïtique des chiffres assez proches de ceux de Missiminia. À Missiminia, l'unilatéralité du caractère différencie peu les groupes et ne met quasiment pas en évidence de regroupements au sein des cimetières. La bilatérahté du trait, en revanche, est plus rare ; elle différencie les périodes et sa répartition dans les cimetières pourrait, dans certains cas, ne pas être aléatoire. Cependant, le nombre de cas enregistrés ne permet pas d'étayer d'avantage cette hypothèse. Certaines des constatations réalisées par Ossenberg (cf. supra) sont retrouvées ici mais uniquement pour la période post-méroïtique. Curieusement, à Missiminia, la hauteur du processus mastoide varie peu d'une série à l'autre dans les deux sexes, sauf chez les hommes ballanéens «dont le développement [du processus mastoide] est plus affirmé, avec des différences significatives par rapport au séries méroïtiques » (Billy, 1 985, p. 37). Dès lors il est tentant de rapprocher ce fort développement des processus mastoïdes des hommes ballanéens, de la fréquence des os à l'incisure pariétale. L'hypothèse de Ossenberg (1969) selon laquelle le développement de ces reliefs osseux pourrait être un facteur déterminant prend alors toute son importance. Il faut remarquer que si les différences entre hommes et femmes avaient été réalisées, non pas par groupe, mais sur l'ensemble de la série, un observateur peu averti aurait pu rejeter l'hypothèse de Ossenberg (1969) en ajoutant même qu'à Missiminia les processus mastoïdes sont dans l'ensemble très bien développés. 3.8. — Os à l'astérion (Os asterii) Ce terme désigne l'os fontanellaire centré sur l'astérion. Seul son bord médial, ou supéro-médial, peut prendre contact avec la suture lambdoïde ou un os suturaire situé à la partie latérale de celle-ci. Dans la présente étude, sur la face exocrânienne tout os répondant IV. — ÉTUDE DES CARACTÈRES DISCRETS 1 13 à la définition fut codé présent quelles que soient ses dimensions. Il est indéniable qu'un os suturaire occipito-mastoidien situé à la partie la plus inféro-latérale de la suture lambdoïde et débordant sur l'astérion pose un problème pratique. Selon Ranke (1899), un point d'ossification pourrait apparaître dans la fontanelle astérique au cours du quatrième mois fœtal. Ceci a largement été discuté par Augier (1931) et D. Kadanoff et S. Mutafov (1968), (cités par Hauser et De Stefano, 1989), pour qui ces os n'apparaîtraient qu'après la naissance. Dans plusieurs études (Berry, 1975 ; Mouri, 1976), ce caractère est plus fréquent chez les hommes que chez les femmes. À Missiminia, ce caractère est lié au sexe masculin. Il est lié, suivant les groupes, à certains caractères hypostotics correspondant à des modalités de maturation et/ou d'ossification particulières au cours de la seconde ou de la troisième année. La fontanelle astérique s 'oblitérant, classiquement, au cours des six premiers mois de la vie, cet os ne peut avoir comme origine un stress perturbant l'ossification au cours de la seconde année. Ce qui lie ces éléments est donc d'un autre ordre, difficilement appréciable actuellement. 3.9. — Os suturaire occipito-mastoidien (Ossa suturae occipitomastoideae){45) II s'agit d'un os suturaire de la suture occipito-mastoïdienne, à l'exception de l'astérion. Dans la présente étude, sur la face exocrânienne la présence d'un ou plusieurs os répondant à la définition a entraîné un codage positif du caractère. À Missiminia, ce caractère est peu lié aux autres os suturaires et fontanellaires et sa fréquence différencie peu les groupes. Cependant, dans chaque groupe, des concentrat ions ont été mises en évidence (Figure 22), et en cas d'unilatéralité du trait il ne semble pas que le côté de la latéralisation soit aléatoire. Ainsi, dans le groupe méroïtique et le groupe chrétien, les sujets d'une même sépulture présentant le caractère de façon unilatérale l'ont du même côté et ce phénomène est aussi constaté pour les sujets de sépultures adjacentes des groupes méroïtique tardif et ballanéen. 3.10. — Os médio-palatin antérieur (Os mediopalatinus anterior) (46) II s'agit d'un os situé dans la partie maxillaire du palais. Il est délimité, du côté médial par la suture palatine médiane, et du côté latéral par une suture surnuméraire : la suture palatine longitudinale paramédiane (Augier, 1931). Parfois, cette suture, plus ou moins concave vers l'intérieur, délimite aussi l'os du côté postérieur, cependant, le plus souvent, il est délimité, de ce côté, par la suture palatine. Du côté antérieur sa limite semble être, systématiquement, la suture incisive. Le nouveau nom français de cette suture palatine longitudinale paramédiane pourrait être, en accord avec la nomenclature anatomique internationale, la suture palatine paramédiane (Sutura palatina paramedianà). Dans la 45 Nom proposé, car non cité par Cesnys et Paviloms (1982). 46 Nom proposé, car non cité par Cesnys et Pavilonis (1982). 114 E. CRUBÉZY ETAL — MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN Os suturaire rétro-mastoïdien Groupe Méroïtique |^| bilatéral ■■£ unilatéral Groupe Méroïtique tardif bilatéral unilatéral Zone du V Tombes avec nombre L— 3 indiqué de crânes masculins et féminins • Tombes sans crâne intact • Enlèvement de Sebbakh + " + // ■■"■ 5s " '7' Figure 22. — Cimetière méroïtique, 055а suturae occipitomastoideae. — Meroitic cemetery, ossa suturae occipitomastoideae. IV. — ÉTUDE DES CARACTÈRES DISCRETS 11 5 présente étude, tout os répondant à la définition et situé sur la partie inférieure du palais fut codé présent. Les traces de la suture palatine paramédiane ne furent pas recherchées. Caractère excessivement rare, plus souvent bilatéral qu'unilatéral, et pour lequel bien peu de données sont disponibles. Parfois, il n'intéresse qu'une partie très limitée du palais, dans sa partie antéro-médiale (Woo, 1948), ce qui suggère une variabilité dans la synostose des différentes sutures délimitant cet os. Par ailleurs, ceci a déjà été mis en évidence pour la suture incisive. Cet élément va cependant à rencontre d'une constatation de Augier ( 1 93 1 ) pour qui ce centre ne serait pas plus souvent visible chez le fœtus que chez Г adulte. Rien n'est connu sur son héritabilité mais Le Double (1906) en a trouvé 21 cas sur 512 crânes provenant de Touraine. Pour Augier (1931), il serait dû à un centre osseux surnuméraire, indépendant ou d'origine vomérienne, mais cette hypothèse est rejetée par Woo (1948) qui, à la suite de Killermann (1894), le considère d'origine maxillaire. Ce caractère a déjà été observé chez des sujets originaires de la vallée du Nil puisque Adachi (1900) en signale un cas sur cent trente cinq crânes «d'anciens Egyptiens ». À Missiminia, il s'agit d'un caractère rare dont la fréquence rappelle celle d'autres populations, en particulier de la vallée du Nil. 3.11. — Os suturaires, fontanellaires et surnuméraires : récapitulation Liaisons entre côtés Les liaisons entre côtés sont relativement faibles surtout dans les groupes méroïtique tardif et ballanéen. Seul l'os suturaire lambdoïde a, dans deux groupes (le méroïtique et le chrétien), une fréquence des cas bilatéraux supérieure à celle des unilatéraux ; pour aucun caractère une corrélation supérieure à 0,50 n'a été rencontrée dans plus de deux groupes. L'os suturaire coronal est même systématiquement unilatéral dans les trois premiers groupes. Lorsque les caractères sont unilatéraux, la prédominance d'un côté est rare. Seule la sutura frontotemporalis est plus fréquente du côté gauche dans le groupe méroïtique (suivant la méthode de Perizonius, 1979 b). Les observations effectuées dans tous les groupes sur les os suturaires occipitomastoidiens mettent en évidence, en cas d'unilatéralité, le caractère apparemment non aléatoire du côté intéressé. La même chose est retrouvée pour les os suturaires lambdoïdiens, dans les sépultures du groupe méroïtique, et il semble qu'il existe — non à l'échelon sépulcral, mais zonal — pour l'os au ptérion. Liaisons au sexe Comme dans de nombreuses études, l'os à l'astérion est plus fréquent chez les hommes que chez les femmes. Il semble qu'il y ait réellement en ce qui le concerne un certain déterminisme sexuel. Quelques autres liaisons, toutes en faveur du sexe masculin, sont notées : os à l'incisure pariétale du côté gauche dans le groupe ballanéen, os suturaire occipito-mastoïdien (sous forme de tendance) du côté droit et toujours dans le groupe ballanéen. Cette plus grande fréquence masculine est une donnée classique déjà signalée par Chambellan en 1883. 116 E. CRUBÉZY ET AL — MICROÉVOLUTION D' UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN Liaisons à l 'âge Quatre de ces caractères sont, dans un groupe, statistiquement plus fréquents chez les sujets jeunes que chez les sujets âgés : (i) os suturaire lambdoïde : plutôt bilatéral chez les sujets jeunes, et unilatéral chez les sujets âgés, dans le groupe chrétien, (ii) Os au ptérion plus fréquent du côté droit dans le groupe méroïtique tardif chez les sujets jeunes que chez les sujets âgés, (iii) Os à l'incisure pariétale plus fréquent du côté droit dans le groupe chrétien chez les sujets jeunes que chez les sujets âgés, (iv) Os suturaire occipitomastoïdien absent du côté gauche chez les sujets âgés du groupe chrétien (mais l'échantillon est petit). Il n'y a pas de suture fronto-temporale du côté gauche chez les adultes jeunes du groupe ballanéen. Ces différences entre sujets jeunes et âgés vont toujours dans le sens d'un nombre moindre d'os chez les adultes âgés. Ce phénomène peut avoir pour causes, soit la disparition par synostose de ces os chez ces derniers, soit une espérance de vie moindre pour les sujets porteurs des caractères précédemment cités. Il est cependant étonnant, alors que les fréquences de ces différents os sont sensiblement les mêmes dans chaque groupe, que ce phénomène ne soit presque retrouvé que chez les sujets de la période post-méroitique et plus particulièrement dans le groupe chrétien. Liaisons entre caractères Les liaisons des os suturaires ou surnuméraires retrouvées dans plusieurs groupes sont relativement nombreuses. Elles se font pour une grande part avec des caractères hypostotics, d'autres os suturaires puis des orifices surnuméraires. Les liaisons avec des caractères hyperostotics sont rares. Ces données sont tout à fait comparables à celles obtenues pour les grands singes. En effet, Braga (1995) note que les os suturaires et surnuméraires sont très significativement associés entre eux. Ils sont également fortement associés à certains caractères hypostotics (la confluence des trous ovale et épineux, la suture infra-orbitaire persistante, la suture incisive). Parmi les principales liaisons mises en évidence, deux ensembles de caractères attirent plus particulièrement l'attention: (i) L'os préinterpariétal, contrairement à la sutura transversa squamae occipitalis, est lié a de nombreux os suturaires. (ii) Les rapports de l'articulation fronto-temporale et de l'os au ptérion n'ont pu être précisés. Ces deux caractères, bien que unilatéraux la plupart du temps, ne sont pas liés entre eux. Les groupes les plus intéressés deux à deux sont [Méroïtique-Méroitique tardif] et [MéroitiqueChrétien]. IV. — ÉTUDE DES CARACTÈRES DISCRETS 1 17 4. — PRESENCE/ABSENCE D'ORIFICES ET SILLONS A PRIORI VASCULAIRES ET/OU NERVEUX La présence ou l'absence de foramen représente, classiquement, des variations de nombre, de position ou de situation d'afférences ou d'efférences vasculo-nerveuses. Cette catégorie est la plus ambiguë dans la mesure où si «the formation of the foramen is not the structural variation under consideration» (Richtsmeier et Me Grawth, 1986) le caractère doit être classé parmi les caractères hyper ou hypostotics. C'est cette considération qui a amené, par exemple, à classer parmi les caractères hyperostotics, le ponticulus pterygoalaris et parmi les orifices surnuméraires le foramen infraorbitale accessorium. Cependant, la considération de Richtsmeier et Me Grawth (1986) implique que la «structural variation under consideration » soit connue, ce qui n'est pas toujours le cas. En fait, les listes de foramen, de caractères hypo ou hyperostotics proposées dans la littérature depuis le début des études ont rarement été modifiées. C'est pourquoi nous avons suivi les listes actuelles (Richtsmeier et Me Grawth, 1986 ; Saunders, 1989), sur lesquelles reposent quantités de données concernant l'héritabilité ou la symétrie des caractères (Cheverud et Buikstra, 1981, 1982 ; Richtsmeier et Me Grawth, 1986). 4.1. — Foramen infra-orbitaire accessoire {Foramen infraorbitale accessorium) Présence sur le maxillaire d'au moins deux orifices infraorbitale. Dans la présente étude, contrairement à certaines études (Molto, 1983), il n'y a pas eu d'erreur intraobservateur importante. Cela tient peut-être au fait que d'une part, les «faux trous sousorbitaires» (Le Double, 1906, p. 179), c'est-à-dire les orifices trouvés au dessous du bord inférieur de l'orbite et dont l'extrémité postérieure ne s'ouvre pas sur le plancher de l'orbite, sont certainement rares à Missimima; d'autre part, aucune différence n'a été faite entre le canalis infraorbitalis internus de Gruber, le canalis infraorbitalis externus et le canalis infraorbitalis surnumerarius de ce même auteur. Le canal infra-orbitaire contient le paquet vasculo-nerveux du même nom. Le nerf infra-orbitaire est la branche de terminaison du nerf maxillaire. Il possède classiquement : Deux branches collatérales qui naissent, soit dans le canal, soit à son extrémité postérieure ; plusieurs branches terminales, divisées habituellement en trois groupes qui naissent à la sortie du canal. La naissance de ces branches collatérales et terminales semble très variable. Parfois, lorsqu'elles naissent en arrière du plancher sous-orbitaire, il en résulte un canalicule supplémentaire médial ou latéral (canalis infraorbitalis internus et externus de Gruber) dont les branches terminales peuvent naître à l'intérieur de ce canalicule, qui peut avoir plusieurs orifices de sortie. D'autres fois, c'est le canal infra-orbitaire qui présente un orifice postérieur unique, mais deux ou plusieurs foramen infraorbitale correspondant au passage des différentes branches collatérales ou terminales. 118 E. CRUBÉZY ETAL — MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN 40 Trou sous orbitaire accessoire Groupe Méroïtique fy| bilatéral Ç^ unilatéral + • 41 Groupe Méroïtique tardif ® unilatéral З1^ Qp Zone du V Tombes avec nombre indiqué de crânes masculins et féminins • + ' Tombes sans crâne intact • Enlèvement de Sebbakh + 43 • + 44 ГЕЗ • •• •* /m BID • ED 45 СО 0 S 10m Figure 23. — Cimetière méroïtique, foramen infraorbitale accessorium. — Meroitic cemetery, foramen infraorbitale accessorium. 46 IV. — ÉTUDE DES CARACTÈRES DISCRETS 119 II semble (bien qu'aucun auteur n'ait insisté sur ces points), que la naissance précoce des branches collatérales et terminales (et plus particulièrement des terminales) n'entraîne pas de façon systématique la division du canal infraorbitaire ; qu'un foramen infraorbitale accessorium n'implique pas, systématiquement, une division précoce des branches collatérales ou terminales du nerf infraorbitalis. En effet, le canalis infraorbitalis principal peut contenir les éléments nerveux et l'accessoire les éléments vasculaires. Bien qu'un cas familial (cinq sujets) ait déjà été signalé (Schultz, 1954), et que des différences parfois marquées aient été retrouvées entre des localités voisines (Riesenfield, 1956 ; cité par Hauser et De Stefano, 1989), dans l'étude de Sjovold (1984) ce caractère a une héritabilité nulle. Cependant, dans cette dernière étude, la fréquence du caractère est particulièrement élevée (de l'ordre de 40 %). À Missimima, le caractère sépare bien la période méroïtique et post-méroïtique. Dans trois groupes des regroupements ont pu être mis en évidence (Figure 23). D'après les fréquences de certains groupes, et les concentrations observées, son uni ou sa bilatéralité pourraient ne pas être des éléments aléatoires. À titre d'hypothèse, d'après les données anatomiques et certaines liaisons, la division plus ou moins précoce des branches collatérales ou terminales du nerf infraorbitalis pourrait être sous contrôle génétique, tandis que leur inclusion dans différents canaux pourrait dans certains cas dépendre de facteurs tels que la croissance du sinus maxillaire. 4.2. — Canal optique accessoire (Canalis opticus accessorium) (47) Ce caractère se présente comme une encoche dans le plancher du canal optique, séparée de la lumière du canal par un ou plusieurs spicules osseux. Dans la présente étude, seuls les orifices parfaitement bien individualisés (spicule osseux complet) furent codés présents. Le développement du canal optique peut être divisé en trois stades (Kier et al, 1976) : la formation ď une ébauche cartilagineuse qui va délimiter le foramen optique (qui contient le nerf optique et l'artère ophtalmique), son ossification, puis sa transformation en canal. L'ossification de l'ébauche se fait de la douzième à la dix septième semaine de vie fœtale. Le développement de l'os, dans le prolongement de la partie postérieure du foramen, au cours du cinquième mois fœtal, le transforme en canal. Ce développement peut se faire suivant deux modalités : (i) soit par le développement d'une structure osseuse unique de la petite aile du sphénoïde vers le pré-sphénoïde ; (il) soit par le développement de deux structures osseuses implantées, l'une sur la petite aile du sphénoïde, et l'autre sur le présphénoide. La première va rejoindre le post-sphénoïde et la seconde la petite aile du sphénoïde. Ces deux structures, qui se développent suivant des orientations différentes, vont fusionner par leurs parties latérales au cours du septième mois fœtal en laissant entre elles un petit orifice. Celui-ci va généralement s'oblitérer au cours des deux mois précédant la naissance. Parfois, ce phénomène retardé et n'intervient qu'au cours de l'enfance (Kier étal, 1976). Cela expliquerait les orifices signalés par Augier (1931, p. 48) sur les crânes 47 Nom proposé, car non cité par Cesnys et Pavilonis (1982) 120 E. CRUBÉZY ETAL. — MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN de fœtus, de nouveau-nés et déjeunes enfants. Ils ne correspondraient en fait qu'aux différents morphes d'un même phénomène. Selon Kier et al. (1976, p. 136), c'est la non-fusion des deux structures osseuses qui va être à l'origine du canal optique accessoire. Sur le vivant il contient l'artère ophtalmique tandis que dans le canal optique le seul élément retrouvé est le nerf. Le canal optique accessoire résulte bien de la non-fusion des structures osseuses provenant du pré-sphénoïde et de la petite aile, et non de l'absence de comblement du petit orifice résiduel. En effet, dans ce dernier il n'y a aucun élément anatomique. Parfois, les deux structures osseuses peuvent ne pas rejoindre le post-sphénoïde ou la petite aile d'où la présence non plus d'un canal accessoire mais de spicules osseux. Cette explication pose trois problèmes : (i) Ce caractère apparaît comme la persistance chez l'adulte d'une des modalités possibles d'un morphe fœtal. Il s'agit donc plus d'un caractère hypostotic que d'un foramen surnuméraire, (ii) Seul le diamètre de l'orifice permet théoriquement de faire la différence entre, d'une part la non fusion des deux structures osseuses, et d'autre part l'absence de comblement du petit orifice résiduel — à condition qu'une telle modalité puisse être retrouvée chez l'adulte — . Il faut toutefois, noter que, d'après certaines descriptions de Calori (cité par Augier, 1931), ce type de modalité très rare pourrait parfois être rencontré. Dans ces cas, le petit orifice résiduel, qui chez le fœtus ne contient aucun élément anatomique, est occupé par une veine, (iii) L'hypothèse de Calori, souvent reprise par la suite, selon laquelle le canalis opticus accessorius serait dû à l'ossification de la lame dure-mérienne qui sépare le nerf optique de l'artère, pourrait être non soutenable. Ce caractère serait généralement unilatéral (Keyes, 1935) et sa fréquence varie, suivant les études (Ossenberg, 1 969) de zéro à cinq pour cent. À Missiminia, les données concernant l'ontogenèse de ce caractère, sa fréquente unilatéralité, les liaisons enregistrées dans le groupe méroïtique, l'absence de liaison avec des caractères hyperostotics sont en faveur de son classement avec les caractères hypostotics. 4.3. — Trou zygomatico-facial double ou multiple : Foramen zygomaticofaciale double ou multiple) Ce caractère correspond à la présence, sur la partie exocrânienne de l'os zygomatique, d'un ou plusieurs foramina zygomaticofaciale accessoires. Dans la présente étude, furent codés présents tous les os zygomatiques présentant, sur leur face latérale, au moins deux orifices parfaitement visibles, ne s 'apparentant pas, a priori, à de minuscules orifices vasculaires se terminant dans l'os. Les orifices jalonnant le trajet virtuel de la sutura zygomatica n'ont pas été considérés comme des traces de celle-ci, mais bien comme des foramina zygomaticofaciale multiples. En effet, dans ces cas, même si la sutura zygomatica a existé il est possible que les orifices ne soient pas seulement des vestiges de celle-ci, puisque « dans la plupart des cas de pluripartition, les orifices correspondent aux sutures ; les branches vasculo-nerveuses passent par ces sutures» (Augier, 1931, p. 479). IV. — ÉTUDE DES CARACTÈRES DISCRETS 121 Le conduit zygomatique est un canal classiquement en Y qui commence sur la face médiale du processus orbitaire par un orifice unique et qui livre passage aux nerfs et vaisseaux temporo-zygomatiques. Il se divise, dans l'épaisseur de l'os, en deux canaux secondaires dont l'un se termine sur la face latérale de l'os, et l'autre sur la face temporale du processus orbitaire. Il existe, en fait, une grande variabilité vasculo-nerveuse à cet endroit. L'absence de canal n'est pas rare, les deux canaux sont parfois indépendants l'un de l'autre, et ils peuvent présenter des subdivisions tant du côté médial que latéral ou temporal, etc. Les foramina zygomaticofaciale peuvent être au nombre de quatre. Leur disposition est assez fixe ; elle répond à une ligne courbe parallèle au rebord orbitaire et assez proche de ce bord. Pour Augier (1931) cette ligne serait superposable à la «suture supérieure de l'os tripartite ». Bien que ce caractère ait été fréquemment codé, bien peu de données réellement fiables sont disponibles. Dans l'étude de Cheverud et Buikstra (198 1), sur des singes Macaca mulatta, il présente une héritabilité relativement importante, surtout par rapport à celle des autres orifices. À Missiminia, c'est un caractère très fréquent dont les fréquences, les liaisons au sexe, et dans une certaine mesure les liaisons différencient bien la période méroïtique et la post-méroïtique. 4.4. — IVou zygomatico-facial absent (Foramen zygomaticofaciale absent) II s'agit de l'absence sur l'os zygomatique du foramen zygomaticofacial. Dans la présente étude, furent codés présents : (i) Les os zygomatiques ne présentant pas de foramen de leur face latérale ; (ii) les os zygomatiques présentant sur leur face latérale quelques minuscules orifices s' apparentant plus, a priori, à de minuscules orifices vasculaires se terminant dans l'os qu'à des foramina zygomaticofaciale multiples. L'absence de canal zygomatique est une éventualité qui n'est pas exceptionnelle. Dans l'étude de Sjovold (1984) Г héritabilité de ce caractère a été recherchée, mais sa valeur est relativement faible et elle est assortie d'un écart-type très important. À Missiminia, pour ce caractère le groupe ballanéen s'écarte sensiblement des autres. Il est cependant lié à des éléments très différents d'un groupe à l'autre. 4.5. — Foramen de la fosse mandibulaire du temporal Ce foramen se situe sur le faciès articularis de la fossa mandibularis (Figure 24). Dans la présente étude, si certains de ces orifices sont retrouvés à la partie postérieure de la surface articulaire, d'autres, en revanche, sont notés dans sa concavité. C'est l'observation de ce foramen, systématiquement unique, apparemment non lié à un phénomène pathologique et situé sur une surface diarthrodiale qui a amené à le prendre en compte. Cet orifice ressemble à un orifice de passage vasculaire, notamment veineux, ce qui est surprenant en pleine surface articulaire. L'éventualité d'un îlot fibreux ou cartilagineux bénin, tels ceux retrouvés sur les surfaces articulaires du carpe et du métacarpe des sujets âgés, ou une hernie de la synovie, à travers l'os cortical ne sont pas à écarter. De toute façon, si un élément veineux existait, il devait être entouré d'un revêtement synovial. 122 E. CRUBÉZY ETAL — MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN Figure 24. — Foramen de la fosse mandibulaire du temporal.. — Foramen on the faciès articulons of the fossa mandibulans En raison de sa situation sur le faciès articularis de la fossa mandibulans il ne rentre pas exactement dans le cadre de la définition du foramen praetympanicum ou trou postglénoïdien : « trou percé dans l'écaillé du temporal entre l'articulation temporo-maxillaire et la portion osseuse du conduit auditif externe » (Le Double, 1903a, p. 317). Cette définition est reprise par Hauser et De Stefano (1989) qui présentent un cas (p. 113) de foramen praetympanicum très vaste, ouvert en partie sur la fissura tympanosquamosa, et qui empiète sur la surface articulaire. Il semble qu'une des seules mentions qui soit faite dans la littérature, d'un orifice tel que celui défini ici, soit celle de Le Double (1903a, p. 318) qui assimile « les orifices qu'on voit accidentellement à la partie postérieure de la cavité glénoïde » à un foramen praetympanicum. Rappelons que, classiquement (Le Double, 1903a, p. 320), le foramen praetympanicum permet le passage d'une veine émissaire entre le sinus pétro-squameux (originaire du sinus latéral et inconstant chez l'adulte) et les veines temporales profondes, qui se jettent dans le plexus ptérygoïdien. Cependant, pour Hauser et De Stefano (1989) «the external connection from the postglenoidforamen is by way of a postglenoid vein » (qui rejoint la veine temporale profonde). Pour eux, c'est la veine provenant d'un autre foramen, le foramen supra- glénoïdien (inconstant et situé sur la partie squameuse du temporal), qui rejoindrait les veines temporales profondes . D'après Le Double (1903a, p. 320), «l'embryon humain a un trou post-glénoïdien par lequel le sang du sinus latéral apporté par le sang du sinus pétro-squameux se vide dans la veine jugulaire unique qui part de ce trou, celle qui deviendra plus tard la veine jugulaire externe. Dès que la veine jugulaire interne, bien développée, suffit à vider le IV. — ÉTUDE DES CARACTÈRES DISCRETS 123 sinus latéral, le trou post- glénoïdien devenu inutile, disparaît. » Dès lors, cet orifice pourrait être considéré comme un caractère hypostotic. Chez les grands singes (Braga, 1 995) Г orangoutan se distingue très nettement des grands singes africains avec une fréquence relativement élevée de ce caractère. Selon Braga (1995) «la disparition de ce caractère représente une apomorphie partagée par les grands singes africains et les représentants de la lignée humaine ». Cependant, selon Butler (1967), cette notion, issue de l'anatomie comparée, serait erronée chez l'homme, et le problème reste donc en partie posé. À Missiminia, c'est un caractère rare, lié à l'âge. Il pourrait permettre, sur le vivant, le passage d'un élément veineux, entouré de synovie, et il pourrait être associé à une disposition particulière des branches d'origine de la veine jugulaire externe, à moins qu'il ne s'agisse d'un îlot cartilagineux bénin. 4.6. — Processus pariétal de la partie squameuse du temporal {Processus parietalis squamae temporalis) Ce caractère est une expansion, sur le pariétal, du bord supérieur de l'écaillé du temporal (Figure 25). Elle a, suivant les cas, de deux à dix millimètres de large et de hauteur. Sous cette expansion, et dans son prolongement, il y a sur le pariétal, un sillon vasculaire, classiquement en forme de pointe. Orienté vers en haut et en arrière, il prend naissance à la sutura squamosa. Dans la présente étude, les expansions du bord supérieur de la partie squameuse du temporal ne furent pas toujours faciles à préciser. De ce fait, furent codés tous les sillons vasculaires, quelles que soient leurs dimensions, en forme de pointe, orientés Figure 25. — Processus parietalis squamae temporalis 124 E. CRUBÉZY ETAL — MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN Processus pariétal de la partie squameuse du temporal Groupe Méroïtique Щ bilatéral CM unilatéral Zone du V Tombes avec nombre СЭ indiqué de crânes masculins et féminins • Enlèvement de Sebbakh • Figure 26. — Cimetière méroitique, Processus parietalis squamae temporalis. — Meroitic cemetery, Processus parietalis squamae temporalis. IV. — ÉTUDE DES CARACTÈRES DISCRETS 125 vers en haut et en arrière, et prenant naissance à la sutura squamosa. Si ces sillons atteignent parfois 3 centimètres de long, la majorité d'entre eux fait de 0,5 à 1 centimètre. Sur le vivant, ce sillon permet le passage d'une branche de l'artère méningée moyenne. Ce rameau artériel serait constant chez l'enfant (Tenchini, 1904 ; cité par Hauser et De Stefano, 1989) ce qui, théoriquement, pourrait en faire un caractère hypostotic. À Missiminia, le processus parietalis squamae temporalis est relativement fréquent, et il différencie bien la période méroïtique et post-méroïtique. Il est lié à des caractères de toutes origines, et une origine hypostotic reste très hypothétique. Dans tous les groupes des concentrations et des regroupements de sujets ont pu être mis en évidence (Figure 26). L'uni ou la bilatéralité du trait, ainsi que sa latéralisation à droite ou à gauche, ne semblent pas, a priori, des éléments aléatoires, et une certaine cohérence est retrouvée tant dans les concentrations que dans les différents groupes. 4.7. — Foramen pariétal présent (Foramen pariétale présent) Ce foramen est situé au tiers postérieur du pariétal, près de la suture sagittale. Dans la présente étude, furent codés présents les orifices (uniques, doubles ou très rarement multiples), situés sur la table externe au tiers postérieur du pariétal, dans un espace compris entre les digitations de la suture sagittale et une ligne parallèle à celle-ci distante de vingt millimètres (arbitraire). Pour qu'un orifice soit codé présent il fallait qu'il soit circonscrit en totalité, ou très partiellement, par une légère dépression. Ici, comme la majorité des études (Lang, 1979 ; Hauser et De Stefano, 1989), pour coder le foramen présent, il n'a pas semblé nécessaire (en raison de données anatomiques cf. infra), qu'il soit assimilé à un permis osseux mettant en communication, de façon parfaitement bien distincte à l'œil nu, l'exocrâne et l'endocrâne. C'est cette dernière définition qu'avait retenu Billy (1985), dans son travail sur Missiminia. Ceci explique que, dans le présent travail, les fréquences soient del 3 à 30 % supérieures à celles du sien. Une attention toute particulière fut accordée à la distinction entre foramen pariétale de petites dimensions et certains orifices résultant de toute évidence de l'hyperostose porotique très fréquente dans la série. Ils sont généralement moins bien dessinés que les foramen pariétale et surtout ils ne sont généralement pas circonscrits, même très partiellement, par une légère dépression. Cependant, la distinction n'est pas toujours facile, d'autant plus que le foramen pariétale peut parfois percer uniquement la table externe et se terminer dans le diploé (Hauser et De Stefano, 1989). Les quelques orifices, nets mais ouverts dans leur partie médiale sur la suture sagittale, furent codés présents à droite ou à gauche, suivant l'endroit où se fait l'ouverture (dans l'étude de Billy — 1985 — , ils ont été codés comme médians). C'est l'un des caractères les plus enregistrés, depuis les débuts de l'anthropologie, mais son codage doit beaucoup varier d'un auteur à l'autre et les comparaisons s'avèrent difficiles. Il correspond aux restes chez l'adulte de la fontanelle obélique fœtale, qui se ferme habituellement aux alentours de la naissance ou dans les mois suivants. Sur le vivant il y a habituellement dans cet orifice : (i) Une veine mettant en relation — surtout 126 E. CRUBÉZY ETAL — MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN pour celles de petit calibre (Gisel, 1954-1956 ; cité par Hauser et al, 1989) — le sinus sagittal supérieur et le lacis veineux péricrânien. (ii) Quelquefois une petite branche de l'artère occipitale qui s'anastomose avec une branche de l'artère méningée moyenne, (iii) Le Double (1903) lors d'autopsies a, dans certains cas, retrouvé dans ces orifices uniquement du tissu conjonctif, dont une fois chez un enfant de huit ans. Augier (1931), à partir d'études sur le crâne sec (1931, p. 21), emploie le terme de « vestiges de trous pariétaux » certainement pour désigner ceux de ces orifices qui ne mettent pas en communication, de façon parfaitement bien distincte, l'exocrâne et l'endocrâne. Pour lui (p. 322-323), ceci proviendrait du fait qu'à la suite d'une « atrophie vasculaire » les orifices se boucheraient progressivement. Il y en aurait donc moins chez les sujets âgés que chez les jeunes. Cette hypothèse n'a toujours pas été vérifiée, cependant pour Billy (1955) les foramen pariétale situés sur la suture sagittale pourraient disparaître lors de sa synostose. Par ailleurs, suivant les études (Bocquet-Appel, 1984 ; et Perizonius, 1979a, par exemple) et foramen est ou n'est pas lié à l'âge et/ou au sexe. À Missiminia, il s'agit d'un caractère très fréquent. Il est plus souvent uni que bilatéral, particulièrement dans le groupe ballanéen. Ses liaisons avec des caractères hypostotics sont en faveur d'une étiologie commune. Il pourrait notamment être assimilé à la persistance d'un état de fermeture de la fontanelle obéhque fœtale. Selon Augier (1931), Broca avait déjà avancé que la cause des trous pariétaux était due à « une pénurie d'ossification », mais pour lui cette hypothèse devait être rejetée. Cependant, à l'époque aucun de ces auteur n'avait réellement apporté d'arguments décisifs. Si la présence de ce caractère, par individus, est seule envisagée il n'y a pas de différences importantes entre les groupes. Lorsque chaque côté est considéré indépendamment, des différences existent, mais elles sont difficilement interprétables. En revanche, les liaisons mettent en évidence certaines spécificités des sujets du groupe ballanéen par rapport, notamment, aux sujets des groupes méroïtique et chrétien. 4.8. — Foramen mastoïdien absent (Foramen mastoideum absent) Ce caractère correspond à l'absence de foramen sur la face exocrânienne du processus mastoïde, en arrière de celui-ci sur le temporal, dans la sutura occipitomastoidea, et 3 centimètres (définition arbitraire) en arrière de celle-ci sur l'occipital. Dans la présente étude, les os présentant sur l'occipital de minuscules orifices se terminant dans le diploé et associés à une hyperostose porotique ne furent évidemment pas pris en considération. he foramen mastoideum permet, sur le vivant, le passage d'une veine émissaire et celui d'un élément artériel (ramus mastoideus). L'élément veineux relie le sinus sigmoideus et, soit la vena auricularis posterior, soit la vena occipitalis superficialis, soit la vena occipitalis profondis. L'élément artériel provient, soit de Yarteria occipitalis, soit de Yarteria auricularis posterior. L'élément veineux peut être dédoublé, la veine ou l'artère peuvent manquer et lorsque le foramen est absent, aucune n'est présente. Selon Hauser et De Stefano (1989), durant le cinquième mois de la vie intra-utérine, il n'existe aucune démarcation entre les parties cartilagineuses du temporal et de l'occipital. C'est dans IV. — ÉTUDE DES CARACTÈRES DISCRETS 127 cette zone (d'où provient en partie l'exoccipital) que le foramen mastoideum est visible. Selon Augier (1931 , p. 298) dans le chondrocrâne il semble répondre à la fissura occipitocapsularis. Nous n'avons pas trouvé de données sur son éventuelle absence dès ce moment là. À Missiminia, le caractère sépare bien la période méroïtique et post-méroïtique. Dans certains groupes, quelques concentrations ont pu être mises en évidence. Son uni ou sa bilatéralité pourraient ne pas être — au moins dans le groupe chrétien — des éléments aléatoires. 4.9. — Canal condylaire présent (Canalis condylaris présent) C'est un foramen de l'occipital situé à l'emplacement de la fossa condylaris dorsalis (Figure 11). Dans la présente étude, furent codés présents uniquement les orifices qui représentent l'extrémité postérieure d'un canalis condylaris entre la partie exocrânienne et la partie endocrânienne de l'occipital. Lorsque ce canal est présent il contient, le plus souvent, une veine émissaire qui fait communiquer le sinus sigmoideus avec le plexus venosi vertébrales externi et le plexus venosus sub-occipitalis. Occasionnellement, selon Le Double (1903), il transmettrait un rameau artériel à Yarteria meningea posterior. Pour Augier (1931), l'absence du canalis condylaris a pu être observée sur des fœtus de trois mois, et sa fréquence serait la même chez le fœtus que chez l'adulte. En revanche, pour Ossenberg (1969), la fréquence de ce canal diminuerait de l'enfance à l'adolescence mais elle serait stable par la suite. D'après Lang et al. (1983) la taille définitive du canal serait atteinte à l'âge de 15-17 ans. Braga (1995) note que, chez les grands singes, le canal condylaire est un caractère fortement lié à l'âge avec des fréquences toujours significativement plus élevées après l'éruption des troisièmes molaires. Il observe que ce caractère a des liaisons significatives avec deux caractères hypostotics (le canal basilaire médian et la suture incisive). Par ailleurs, ce canal serait plus souvent présent chez les femmes que chez les hommes (Berry, 1975 ; Perizonius, 1979; Scarsini et al, 1980). Pour les grands singes, c'est l'inverse qui est observé (Braga, 1995). Dans l'étude de Sjovold (1984), son héritabilité est quasiment nulle. À Missiminia, c'est un caractère dont la fréquence augmente progressivement, chez les sujets féminins, au cours de la période méroïtique et au début de la post-méroïtique. La différence avec les sujets masculins s'accentue de façon spectaculaire dans le groupe chrétien. Comme les liaisons entre caractères et celles à l'âge et au sexe sont très variables d'un groupe à l'autre, aucun facteur favorisant ne peut être soupçonné. 128 E. CRUBÉZY ETAL — MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN 4.10. — Les orifices : récapitulation C'est pour les orifices que les difficultés de reconnaissance pour un même observateur ont été les plus importantes. Liaisons entre côtés À l'exception du groupe méroïtique les liaisons entre côtés sont relativement faibles. Ce phénomène est particulièrement marqué dans le groupe ballanéen. Ainsi.seul le foramen pariétale a une fréquence de cas bilatéraux supérieure à celle des unilatéraux dans les quatre groupes, et seule l'absence de foramen zygomaticofaciale a une liaison supérieure à 0,50 dans au moins trois groupes. Lorsque les caractères sont unilatéraux, la prédominance du côté droit est notée (selon la méthode de Perizonius, 1979b) pour les foramen zygomaticofaciale multiple dans le groupe ballanéen, pour l'absence de ce même foramen dans le groupe chrétien, et pour le foramen pariétale dans le groupe méroïtique tardif. La prédominance du côté gauche n'est notée (de façon statistiquement significative selon la méthode de Green et Suchey, 1976) que pour leforamen infraorbitale accessorium dans le groupe chrétien. Dans le groupe chrétien, le caractère apparemment non aléatoire de la bilatéralité ou de l'unilatéralité de l'absence de foramen mastoideum et de la présence du foramen infraorbitale accessorium a pu être soupçonné. Le même phénomène a été observé dans divers groupes pour le processus parietalis squamae temporalis, mais en plus, dans ce cas, le côté de la latéralisation ne semble pas aléatoire. Liaisons au sexe Comme dans de nombreuses études, le canalis condylaris est plus fréquent chez les femmes que chez les hommes et ceci est statistiquement significatif dans le groupe chrétien. Il se pourrait, que dans ce cas, il y ait un certain déterminisme sexuel. Pour le reste d'assez nombreux orifices ont tendance à être plus fréquents dans un sexe ou dans l'autre. Cependant, ces données sont très difficiles à analyser dans la mesure où la prédominance sexuelle peut varier d'un groupe à l'autre (cas du foramen parietal et du foramen de la fosse mandibulaire du temporal par exemple), où les différences n'intéressent bien souvent qu'un seul côté ou seulement l'unilatéralité du trait (foramen zygomaticofaciale absent ou multiple par exemple). Liaisons a l'âge Trois des caractères étudiés sont influencés par l'âge : Le foramen pariétale dans les groupes ballanéen et chrétien est plus fréquent, à gauche, chez les adultes âgés que chez les adultes jeunes. L'absence de foramen zygomaticofaciale est plus souvent rencontrée chez les adultes âgés que chez les adultes jeunes, c'est statistiquement significatif du côté gauche dans le groupe méroïtique. IV. — ÉTUDE DES CARACTÈRES DISCRETS 129 Le foramen de la fosse mandibulaire du temporal est plus souvent rencontré chez les adultes âgés que chez les adultes jeunes (statistiquement significatif dans le groupe méroïtique). Ces trois liaisons à l'âge pourraient avoir des causes tout à fait différentes ; le foramen zygomaticofaciale et le foramen pariétale pourraient être assimilés à des caractères hypostotics. En tant que traces de sutures ou de fontanelle, ils pourraient subir, dans une certaine mesure suivant les éléments qu'ils contiennent, un phénomène de synostose physiologique, he foramen de la fosse mandibulaire du temporal semble plutôt à associer à un îlot fibreux ou cartilagineux bénin dont la fréquence augmente chez les sujets âgés. Liaisons entre caractères Les liaisons des orifices, retrouvées dans plusieurs groupes, sont relativement nombreuses. Elles se font de façon à peu prés égale avec des os suturaires ou surnuméraires et des caractères hypostotics. Celles avec d'autres orifices ou des caractères hyperostotics sont très rares. En fait, l'appellation « orifices et sillons surnuméraires » semble plus une invention de l'anatomie descriptive que l'expression d'un phénomène sous-jacent à l'origine d'une multiplication des orifices vasculo-nerveux. Les liaisons suggèrent que la plupart de ces caractères sont en fait des caractères hypostotics qui reflètent la persistance de stades immatures. L'exemple le plus pertinent semble celui du canalis opticus accessorius qui n'est ni plus ni moins que la persistance, chez l'adulte, d'une des modalités possibles d'un morphe fœtal. De même, le foramen pariétale pourrait être assimilé à la non fermeture totale de la fontanelle obélique. Il est vrai que ce foramen permet généralement le passage de vaisseaux, toutefois, la persistance d'un morphe immature et le passage de vaisseaux ne sont pas des éléments incompatibles. En effet, lorsqu'il existe plusieurs/cramen zygomaticofaciale, « les orifices correspondent aux sutures ; les branches vasculo-nerveuses passent par ces sutures» (Augier, 1931, p. 479). Or foramen zygomaticofaciale multiples et foramen pariétale sont liés de façon positive dans les groupes méroïtique, méroïtique tardif et chrétien. Ils le sont de façon négative dans le ballanéen, mais cela pourrait être dû au fait que dans ce groupe le foramen pariétale est plus fréquent à gauche chez les sujets âgés et que le foramen zygomaticofaciale multiple soit lui plus fréquent à droite. Les données recueillies sur les grands singes vont dans le même sens (Braga, 1995). En effet, pour les quatre espèces étudiées, plusieurs orifices neuro-vasculaires sont souvent associés à des caractères hypostotics. Foramen zygomaticofaciale multiple et foramen pariétale pourraient donc se mettre en place de façon similaire : ils proviendraient de la non fermeture, ou du non remaniement, de zones de contact osseux disparaissant quelquefois assez tôt; ils permettraient généralement le passage d'éléments nerveux et/ou vasculaires. En fait, nous ne savons pas si c'est la persistance du foramen qui a permis le passage des éléments vasculo-nerveux ou si ce sont ces derniers qui ont entraîné sa persistance. En ce qui concerne les liaisons, les groupes les plus intéressés deux à deux sont méroïtique-méroïtique tardif et méroïtique tardif-chrétien. 130 E. CRUBÉZY ETAL — MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN 5. — CARACTÈRES À LA LIMITE DU NORMAL ET DU PATHOLOGIQUE. Quelques caractères à la limite du normal et du pathologique et pour lesquels des cas familiaux sont décrits ont été étudiés. En effet, ils sont relativement fréquents à Missiminia. De plus, dans le cas de Г amincissement pariétal, il pourrait être, dans la vallée du Nil, un bon indicateur des structures de parenté (Rôsing, 1986). L'intérêt de ces caractères est, bien évidemment, de faciliter la recherche de sousensemble topographiques au sein des nécropoles. Bien que s'écartant, en partie, du sujet de ce travail, ils seront donc pris en considération, car ils peuvent être traités comme des caractères discrets. Par ailleurs, certains auteurs — Ossenberg (1969) par exemple pour la synostose squamo-pariétale — ne prenant pas en compte le fait qu'ils puissent être considérés comme des anomalies, voire de la pathologie (dysplasie dans le cas de l'amincissement pariétal, et craniosténose dans le cas de la synostose squamo-pariétale), les considèrent comme des caractères discrets stricto sensu. 5.1. — Amincissement pariétal et amincissement dysplasique du crâne L'amincissement bilatéral et symétrique des os pariétaux est connu des anatomistes depuis le XVIIIe siècle. Toutefois, les synthèses anthropologiques les plus récentes (Breitinger, 1982, 1983 ; Hauser et De Stefano, 1989), à l'exception de celle de Thillaud (1983), insistent toutes — et à tort — sur l'amincissement bilatéral, symétrique, uniquement pariétal qui épargnerait la suture sagittale. De ce fait, le nom proposé par Breitinger (1983) de depressio biparietalis circumscripta, a été retenu depuis par la plupart des auteurs. En fait, depuis les travaux de Camp et Nash (1944), il a été démontré qu'à côté des formes typiques étendues à fond plat, il existe des formes en gouttières ou en sillons et surtout des formes asymétriques ou unilatérales et des formes extensives débordant sur le frontal, l'occipital, le temporal et même la suture sagittale (Durant et al, 1980). Des formes touchant un autre os que le pariétal et n'intéressant pas ce dernier n'ont pas été signalées, cependant à Missiminia il existe au moins un cas — 2V6 46 (21) — où ce problème peut-être posé. Dès lors, le terme de depressio biparietalis circumscripta doit être réservé aux cas typiques, et celui de depressio parietalis aux formes unilatérales. Le terme plus général « d'amincissement dysplasique du crâne » (Thillaud, 1983) pourrait être retenu pour l'ensemble des amincissements, uniques ou multiples, se développant au détriment de la table externe et du diploé à n'importe quel endroit de la voûte. L'amincissement se présente sous la forme d'une dépression nette et régulière, plus ou moins étendue, située sur l'os pariétal. Il associe un amincissement de la lamina externa avec une perte du diploé et sans lésion de la lamina interna. Dans la présente étude, tous les cas d'amincissement ou de dépression non rapportables à une atteinte traumatique ou chirurgicale furent pris en compte. Pour certains de ces aplatissements, la perception manuelle est plus nette que l'aspect visuel, en raison de la saillie relative de la partie latérale de la dépression. IV. — ÉTUDE DES CARACTÈRES DISCRETS 131 Amincissement pariétal Groupe Méroïtique Ш Synostose squamo-pariétale Groupe Méroïtique Щ £) bilatéral unilatéral Groupe Méroïtique tardif • bilatéral Zone du V Tombes avec nombre ЕЭ indiqué de crânes masculins et féminins • Tombes sans crâne intact + • inlevesent -t Figure 27. — Cimetière méroïtique, Amincissement pariétal et synostose squamo-pariétale. — Meroitic cemetery, parietal depression and squamo-parietal synostosis. 132 E. CRUBÉZY ETAL.— MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN L'origine de la depressio biparietalis circumscripta reste très controversée. Les hypothèses, d'une atrophie acquise liée à la sénilité, d'une forme de début d'ostéose décalcifiante, ou de pression extérieure et continue des os pariétaux, sont désormais abandonnées. Celle de Greig (1926), qui évoque une dysplasie du diploé pariétal qui débuterait dans l'enfance, permettrait d'expliquer la fréquence de la symétrie de cette atteinte, cependant elle n'a jamais été démontrée. Plusieurs cas familiaux sont connus dans la littérature (Hauser et al, 1989), et si la depressio biparietalis circumscripta est relativement rare dans les populations européennes (de 1/3000 à 1/200 en clinique —Durant et al, 1 980 — et de 0,4 % à 1 ,3 % sur des crânes secs — Breitinger, 1982 — ), elle est plus fréquente chez les populations de la vallée du Nil. Ainsi, elle touche par exemple 14,4 % (27/187) des sujets de la série de Gizeh de la fin de la quatrième dynastie (Breitinger, 1983), elle est retrouvée chez plusieurs pharaons (Lodge, 1967). Rôsing (1986b) Га prise en compte lors de la recherche de regroupements familiaux dans les cimetières d'époque dynastique d'Assouan. À Missiminia, comme dans d'autres populations de la vallée du Nil, plusieurs cas de depressio parietalis non liés au sexe ont été enregistrés. Dans le groupe méroïtique, où ce caractère est le plus souvent rencontré, 4 des 5 cas proviennent d'une même zone de cimetière et deux sujets féminins ont été mis au jour dans une même sépulture (Figure 27). Par ailleurs, dans le groupe chrétien une concentration de trois sujets présentant un amincissement dysplasique du crâne, à des degrés divers, a été évoquée. Figure 28. — Synostose squamo-pariétale. — Squamo-parietal synostosis. IV. — ÉTUDE DES CARACTÈRES DISCRETS 133 5.2. — Synostose squamo-pariétale II s'agit de la synostose de la sutura squamosa qui n'est plus visible (Figure 28). Dans la présente étude, toutes les synostoses complètes, ou n'intéressant que la partie centrale de la sutura squamosa, furent codées présentes. La synostose des os du crâne s'accroît habituellement avec l'âge, celle de la sutura squamosa serait assez lente et sa partie centrale est rarement oblitérée. Cependant, des cas, à la limite du pathologique (craniosténose), ont été signalés et ce caractère a été enregistré par Ossenberg (1969) comme un caractère discret. Chez la souris une étude de Gruneberg (1963) a montré que l'accolement, à la naissance, entre la partie squameuse du temporal et le pariétal, joint à l'absence de suture, serait apparemment déterminé génétiquement. À Missiminia, il s'agit d'un caractère relativement rare pour lequel, dans le groupe méroïtique où il est le plus souvent rencontré, 4 des 5 cas proviennent d'une même zone de cimetière (Figure 27). 6. — RÉCAPITULATION GÉNÉRALE — Liaisons entre côtés C'est pour les caractères hypostotics que les liaisons sont les plus élevées à l'exception du groupe méroïtique tardif. Pour les caractères hyperostotics, seuls la spina trochlearis et le processus paracondylaris ont des liaisons relativement élevées, surtout à la période post-méroïtique. Pour les autres caractères, les ossa suturae lambdoidea, le foramen pariétale et l'absence de foramen zygomaticofaciale présentent des liaisons relativement élevées dans au moins deux groupes. Les projections sur plan ont permis, pour certains caractères, de soupçonner le caractère apparemment non aléatoire de leur uni ou de leur bilatéralité. C'est notamment le cas du canalys condylaris intermedius, du processus parietalis squamae temporalis, de l'absence de foramen mastoideum et de la présence an foramen infraorbitale accessorium et aussi peut-être du foramen tympanicum. Par ailleurs, pour les deux premiers il y a, en cas d'unilatéralité, le caractère apparemment non aléatoire de la latéralisation droite ou gauche (alors que dans chaque groupe aucun côté ne prédomine). Ce phénomène de latéralisation préférentielle, en fonction des sépultures, est aussi rencontré en cas d'unilatéralité pour les ossa suturae occipitomastoideae, pour les ossa suturae lambdoideae dans les sépultures du groupe méroïtique. Par ailleurs, il semble qu'il existe — non pas à l'échelon sépulcral, mais zonal — pour Vos pterii. 134 E. CRUBÉZY ETAL — MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN — Liaisons au sexe Les résultats obtenus sur la population de Missiminia, sont en tous points superposables à ceux des autres grandes enquêtes de ce type. Il y a plus de caractères hypostotics chez les femmes, et plus d'os suturaires chez les hommes. Par ailleurs, Vos asterii est plus fréquent chez les hommes que chez les femmes, c'est l'inverse pour le canalis condylaris. Les prédominances des orifices sont nombreuses, mais très variables d'un groupe à l'autre. — Liaisons à l'âge L'augmentation du foramen de la fosse mandibulaire du temporal reflète l'importance des îlots cartilagineux chez le sujet âgé. La diminution de la fréquence de la sutura incisiva ne reflète pas seulement la plus ou moins grande variabilité de synostose d'une suture en fonction de l'âge. Pour le reste, les caractères liés à l'âge sont peu nombreux et les variations de fréquence peu faciles à expliquer. La fréquence des caractères hyperostotics n'augmente presque pas, et celle des hypostotics diminue très peu (tendances dans quelques groupes). Seuls deux orifices (le foramen zygomaticofaciale et le foramen pariétale), qui pourraient être assimilés à des caractères hypostotics, ont leur fréquence qui diminue avec l'âge. Il en est de même pour quatre os suturaires, qui sont, dans un groupe, statistiquement plus fréquents chez les sujets jeunes que chez les sujets âgés. — Liaisons entre caractères Les liaisons, retrouvées dans plusieurs groupes, intéressent beaucoup de caractères hypostotics et d'os suturaires ou surnuméraires. Les liaisons des orifices sont relativement nombreuses. Elles se font de façon à peu près égale avec des os suturaires ou surnuméraires et des caractères hypostotics. Les liaisons des caractères hyperostotics sont relativement rares. Elles se font avec d'autres caractères hyperostotics et des orifices. Celles avec des caractères hypostotics et des os suturaires et/ou surnuméraires sont beaucoup plus exceptionnelles. Les liaisons préférentielles entre caractères observées ici sont très proches de celles observées sur un large échantillon de grands singes (Braga, 1995). Lorsque les groupes sont classés par paires, en fonction du nombre de liaisons qu'ils ont en commun, nous obtenons (des paires qui en ont le plus vers celles qui en ont le moins) : — groupe méroïtique / groupe méroïtique tardif — groupe méroïtique / groupe chrétien — groupe méroïtique / groupe ballanéen — groupe ballanéen / groupe chrétien — groupe méroïtique tardif/ groupe chrétien — groupe méroïtique tardif / groupe ballanéen IV. — ÉTUDE DES CARACTÈRES DISCRETS 135 Ces liaisons montrent la ressemblance des groupes méroïtique et méïoïtique tardif, et l'écart des groupes méroïtique tardif et ballanéen, qui pourtant se succèdent dans le temps. Les groupes de la période post-méroïtique semblent, en ce qui concerne leurs liaisons, se ressembler beaucoup moins que nous aurions pu le penser initialement. Le groupe chrétien se rapproche même beaucoup plus du groupe méroïtique que du groupe ballanéen. Si, pour une liaison commune à au moins deux groupes, il y a des facteurs en commun identiques, il faudra alors expliquer : (i) Ce qui écarte le groupe méroïtique tardif du groupe ballanéen, alors qu'ils sont sensiblement contemporains ; (ii) Ce qui rapproche le groupe chrétien du groupe méroïtique, alors que deux à trois siècles les séparent. v RÉSULTATS DES ANALYSES INTRA ET INTER GROUPES EN ANALYSE MULTIVARIÉES 1. — L'ORGANISATION DU CIMETIERE MEROÏTIQUE 1.1. — Étude du groupe dans son ensemble Hommes et femmes ensemble, 153 sujets ont été étudiés. L' ultramétrique du voisin le plus proche est présentée (Figure 29) ; avec les autres ultramétriques nous avons recherché les classes plus denses dont les ultra-distances sont maximisées. Les hiérarchies obtenues mettent toutes en évidence une classe, formée de la majorité des sujets du premier ensemble de Г ultramétrique du voisin le plus proche. Dans tous les cas les sujets sont agrégés au même niveau, avec un indice de regroupement nul et un saut indiciel assez important avec la classe suivante. Dans le cas de la perte minimale d'inertie cette classe ne comporte que 39 sujets, et sa projection sur plan est encore plus limitée au carrés T et U 43 qui correspondent à la phase la plus ancienne du cimetière. Elle comporte aussi les étrangers à la nécropole. Les autres classes sont évidemment beaucoup plus nettes qu'avec l'ultramétrique du voisin le plus proche, mais les projections sur le plan du cimetière sont peu évocatrices. L'AFTD distingue deux grands sous-ensembles (Figure 30) et l'analyse univariée montre que le seul caractère, dont la fréquence présente une différence statistiquement significative (p = 0,02) entre eux, est le foramen pariétale. Il est présent chez 21,6 % des sujets agrégés au même niveau et chez 41,8 % des autres. Une régression logistique pas à pas a été effectuée entre ces deux sous-ensembles, mais la probabilité du goodness offît chi-squareau sens de Brown montre que l'adéquation du modèle n'est pas bonne (p = 0,91), même lorsque un effet de masse est éliminé en rééquilibrant le nombre de sujets de chaque sous-ensemble grâce à un tirage aléatoire. En donnant à chaque sujet ses valeurs sur les deux premiers axes de ГАКИ) et en prenant en compte sa situation dans le cimetière nous avons recheché les corrélations spatiales. Celles-ci apparaissent assez forte, en particulier pour le premier axe (Tableau VII). E. CRUBÉZY ETAL— MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN 138 46 sujets Figure 29. — Groupe méroïtique. Aspect général du dendrogramme avec l'ultramétnque du voisin le plus proche. La hiérarchie obtenue peut être divisée en deux grands ensembles - (i) Un de 46 sujets, agrégés au même niveau, avec un indice de regroupement nul, avec un saut indiciel assez important avec la classe suivante. Cet ensemble est formé de sujets provenant dans leur majorité des carrés T 42, T 43 et U 43 ; de quelques uns des sépultures 2V20 193 et 2V20 194 en U 41 ; de quelques autres plus épars ; des « étrangers » au cimetière. C'est à dire les deux sujets provenant du site de Gamaa et les trois provenant de la nécropole d'Amir Abdallah - (ii) Une suite de classes d'un, quelquefois deux, exceptionnellement trois, sujets. Celles-ci avec des progressions indicielles croissantes de faible amplitude (effet de chaînage) s'agrègent les unes aux autres. [ = i t 1 i \-A В —1 —i •rr, — 0,0 „'i Indice 0,298 E-01 - Meroitic group. General appareance of the dendrogram with ultrametnc of single linkage. The hierarchy obtained can be divided into two mains sets. - (i) a set of 46 subjects, clustered at the same level with a nil regrouping index and a fairly marked difference of index with the following category. This cluster is made up of individuals who come mainly from squares T 42, T 43, and V'43 ; of some subjects from graves 2V20 193 and 2V20 194 in square U 41 ; and of a few other more scattered ones, "strangers" to the burial ground. That is, the two individuals from the Gamaa site and the three from the burial ground of Amir Abdallah. - (ii) a sequence of categories of one, two or exceptionally three subjects. Their indexes increase by small degrees ("linkage effect") and cluster one to another. V. — RÉSULTATS DES ANALYSES INTRA ET INTER-GROUPES EN ANALYSE MULTIVARIÉES 139 F2 (6.8 %ďinertie expliquée) : m * » *• • (13.5% d'inertie expliquée) Figure 30. — Groupe méroitique, allure générale de l'AFTD (les sujets superposés ne sont pas représentés). Le plan principal (facteurs 1 et 2 ; F1/F2) représente un peu plus de 22 % de l'inertie cumulée expliquée ce qui, compte tenu du nombre de sujets étudiés, peut-être considéré comme très bon. Il faut aller jusqu'au septième facteur pour expliquer 50% de cette inertie. Dès le second plan, mais surtout à partir du troisième, il y a une homogénéité totale du groupe et dans ces conditions nous limiterons notre propos aux sujets les mieux représentés dans ce plan où deux grands sousensembles apparaissent. Le premier situé à droite s'étale suivant l'axe F2 ; le second à gauche, plus dispersé, est très bien séparé du premier. Il est formé par l'ensemble des sujets agrégés au même niveau, avec un indice de regroupement nul dans la hiérarchie obtenue avec Г ultramétrique de la perte minimale d'inertie auquel s'ajoute le sujet 2V20 253 (1). Ce sujet est, avec quelques autres, l'un des sujets agrégés avec ceux du premier ensemble dans la hiérarchie obtenue avec Г ultramétrique du voisin le plus proche. — Meroitic group. General appareance of the factorial analysis of the distance table (FADT). The subjects superposed are not delineated. The main plan (factors 1 and 2 ; F1/F2) represents just over 22% of explained cumulative inertia. Taking into account the number of individuals studied, this can be considered as very good. The seventh factor must be reached to explain 50% of this inertia. From the second plan onwards, and especially from the third, the group is totally homogeneous and so we will discuss only the individuals who are best represented in this plan where two main sets appear. The first lies to the right and extends along the F2 axis ; the second lies to the left, is more scattered and is clearly separated from the first. It is made up of all the subjects clustered at the same level, with a nil regrouping index in the hierarchy obtained using ultrametry of minimal inertia loss, with the addition of the individual 2V20 253 (1). This subject together with a few others, is one of the individuals clustered with those of the first set in the hierarchy obtained by ultrametry of single linkage. 140 E. CRUBÉZY ETAL— MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN AFTD Indice I de Moran Coefficient d'autocorrélation spatiale Axe FI AxeF2 0,601 0,183 5,693 1,735 < 0,001 0,084 Tableau VII. — Coefficient ď autocorrélation spatiale pour les sujets du groupe méroitique en fonction de leur situation dans le cimetière et de leurs valeurs sur les axes FI et F2 de l'AFTD. — Spatial autocorrelations coefficient of the subject of the Meroitic group for the values from the FADTon the axis Fl and F2. 1.2. — Étude des sujets masculins du groupe méroitique La hiérarchie obtenue avec Г ultramétrique du voisin le plus proche peut être divisée en deux grandes parties : Un ensemble (№ 1 ) de 35 sujets agrégés au même niveau, avec un indice de regroupement nul, un saut indiciel assez important avec la classe suivante et une rupture du continuum très importante par rapport au reste de la série. La majorité des sujets de cet ensemble proviennent des carrés T 42, T 43 (partie la plus ancienne du cimetière méroitique). Il y a aussi quelques sujets de sépultures du carré U41 et quelques individus épars. Un second ensemble (№ 2), qui est une suite de classes d'un seul sujet (quelquefois deux) avec un effet de chaînage et des pro gressions indicielles de faible amplitude ; il est formé de sujets provenant de zones périphériques à l'ensemble précédent. Les hiérarchies obtenues avec les autres ultramétrique (Figure 31) mettent toutes en évidence une classe, formée de 30 sujets, qui Figure 31. — Groupe méroitique, sujets masculins. Dendrogramme avec Г ultramétrique de la distance moyenne. - Meroitic group, male individuals. Dendrogram with ultrametry of average linkage. V. — RÉSULTATS DES ANALYSES INTRA ET INTER-GROUPES EN ANALYSE MULTIVARIÉES 141 forment la majorité des sujets de l'ensemble №1 de Г ultramétrique du voisin le plus proche. Les sujets sont presque tous agrégés au même niveau avec un indice de regroupe ment nul. L'indice d'agrégation de cette classe (symbolisée par des étoiles sur les figures) aux autres va en croissant depuis Г ultramétrique de la distance moyenne (Figure 31) puis à celle de la distance au barycentre de la classe et finalement à la perte minimale d'inertie. Ce dernier résultat est classique dans la mesure où c'est cette ultramétrique qui tend à maximiser le plus les ultra-distances. Suivant les ultramétriques, les différentes partitions obtenues se recoupent sensiblement, cependant leurs projections sur le plan du cimetière sont loin d'être nettes, à l'exception de la classe symbolisée par un cercle, retrouvée sur les différentes ultramétriques, et dont 3 sujets sur 4 proviennent de deux sépultures proches du nord du cimetière ; ainsi que des sujets marqués a, b, с et d sur le dendrogramme qui forment une partition individualisable parmi les □ et qui proviennent des sépultures 109, 112, 113, 114 au nord du cimetière (travée 40). Sur Г AFTD (Figure 32), deux sous-ensembles apparaissent et une régression logistique pas à pas a été effectuée entre eux. Afin d'éliminer un effet de masse l'analyse a été effectuée en rééquilibrant le nombre de sujets de chaque sous-ensemble grâce à un tirage aléatoire. Le modèle logistique multiple final est le suivant : 1 J _|_ e -(- 1,32 + 1,81 FP + 1,18 SP) y représente la probabilité d'appartenance à l'ensemble des sujets non agrégés au même niveau ; FP : foramen pariétale ; SP : spina pterygoalaris. La probabilité du goodness offit chi-square au sens de Brown montre que Г adéquation du modèle est excellente (p inférieure à 10'3). Toutefois, la recherche d'un seuil décisionnel par simulation, puis l'application de ce seuil dans un processus décisionnel permettant de faire une discrimination, montre qu'elles ne sont pas statistiquement significatives. Une analyse de Г AFTD (Figure 32), en tenant compte des partitions obtenues à partir des principales classifications hiérarchiques, dont celle basée sur Г ultramétrique de la distance moyenne (Figure 31), a été effectuée. Les sujets appartenant à une même classe d'une ultramétrique ont été indiquées sur le plan de Г AFTD (Figure 32) et sur le plan du cimetière (Figure 33). Dans le cas présent, c'est Г ultramétrique de la distance moyenne aux sujets de la classe qui a fournit les meilleurs résultats, c'est donc les partitions obtenues à partir d'elle qui seront principalement discutées. (i) Le sous-ensemble de gauche est formé par 32 sujets qui sont tous retrouvés dans l'ensemble № 1 de Г ultramétrique du voisin le plus proche. Les trois individus*48' de ce № 1 qui ne sont pas retrouvés ici se projettent sur le sous-ensemble de droite. Un des sujets(49) provient d'une partition de deux sujets du dendrogramme de Г ultramétrique de 48 236(1), 253(1) et 194 (4) 49 236 142 E. CRUBÉZY ETAL— MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN Figure 32. — AFTD- Groupe méroïtique, sujets masculins. Les symboles renvoient au dendrograrnme établi avec Г ultramétrique de la distance moyenne. Blanc: sujets situés au nord du cimetière, en noir sujets de la zone du V, en gris les sujets du sud du cimetière. Les №1,2, correspondent aux sujets méroitiques étrangers à la nécropoles, les lettres renvoient à des sujets situés sur la figure 33. Le plan principal des facteurs 1 et 2 (F1/F2) représente environ 27 % de l'inertie cumulée expliquée (ce qui est bon compte tenu du nombre de sujets étudiés), et au troisième facteur il y en a 33 %. L'inertie expliquée du premier facteur est relativement importante par rapport à celle du second. Dès le second plan (F2 et F3), il y a une homogénéité relative (en fait les sujets sont assez dispersés et l'on ne peut distinguer de sous-ensembles). Sur le premier plan deux grands sous-ensembles apparaissent :(i) A gauche, très bien séparé de l'ensemble de droite, assez dispersé et étalé suivant l'axe FI . Il est formé par 32 sujets, tous retrouvés dans l'ensemble №1 de Г ultramétrique du voisin le plus proche. Les trois individus -2V20 236 (1), 2V20 253 (1) et 2V20 194 (4)- de cet ensemble №1 qui ne sont pas retrouvés à cet endroit sur le plan se projettent sur l'ensemble de droite. Parmi ces 32 sujets on retrouve les deux individus de sexe masculin (numérotés 1 et 2 sur le plan) étrangers à la nécropole. Le sujet 2V20 223 (1), décallé vers la droite par rapport aux autres. Curieusement il provient d'une sépulture en U42 dont l'orientation est complètement décallée par rapport à celles de l'ensemble où il est. Cependant pour toutes les ultramétriques il est retrouvé dans la classe formée de 30 à 35 sujets agrégés au même niveau, (ii) A droite, un sous-ensemble s'étale suivant l'axe F2, il est approximativement formé de d'une partie assez homogène au dessus et légèrement en dessous de l'axe FI et d'une autre partie formée de sujets plus dispersés situés dans le quart inférieur droit du plan. — Meroitic group, male individuals. The symbols are the sames than those of the dendrogram with ultrametry of average linkage. In white, subjects from the north of the cemetery, in black subjects from the Vzone, in grey subjects from the south of the cemetery. № 1 and 2 are not from Missiminia (Meroitic stangers), the letters are those from subjects of the figure n°33. The main plan offactors 1 and 2 (F1/F2) represents about 27% of explained cumulative inertia {a good result considering the number of subjects studied) and at the thirdfactors there are 33 %. The explained inertia of the V. — RÉSULTATS DES ANALYSES INTRA ET INTER-GROUPES EN ANALYSE MULTIVARIÉES 143 la distance moyenne, mais c'est la seule ultramétrique qui permette de le séparer des sujets agrégés au même niveau. Par ailleurs, celui qui forme avec lui cette partition sur le dendrogramme est retrouvé dans le sous ensemble de gauche de l'AFTD. Parmi ces 32 sujets il y a les deux individus de sexe masculin (numérotés 1 et 2) étrangers à la nécropole, (ii) Le sous-ensemble de droite est formé par l'ensemble des sujets provenant des 4 partitions où les sujets ne sont pas agrégés au même niveau. La classe symbolisée par un cercle, retrouvée sur les différentes ultramétriques, et dont 3 sujets sur 4 proviennent de deux sépultures du nord du cimetière, proches l'une de l'autre, est située au dessus de l'axe FI. Les sujets marqués a, b, с et d sur le dendrogramme, qui forment une partition individualisable parmi les □ et qui proviennent des sépultures 109, 112, 113, 1 14 au nord du cimetière (travée 40) font partie des sujets ayant, pour 3 d'entre eux, l'ordonnée la plus importante. Dans l'analyse de l'AFTD (Figure 32), en tenant compte du plan du cimetière (Figure 33), les sujets ont été divisés en trois zones, la zone du V qui correspond, surtout dans les travées T et U aux plus anciennes tombes mises en place (en noir) ; la zone nord qui est celle des sépultures en rangées plus ou moins parallèles au Nil mises en place, certainement pour une bonne part, après la zone précédente (en blanc) et la zone sud constituée par les tombes dispersées bâties en dernier (en gris). Il apparaît que les sujets de la zone du V se répartissent sur l'AFTD, en deux grands pools, d'une part ceux situés sur la partie gauche de Г AFTD et qui proviennent, dans leur immense majorité de la zone du V, notamment dans la travée T où devaient reposer les premiers sujets méroïtiques du cimetière ; d'autre part ceux dispersés sur l'ensemble de la partie droite de l'AFTD. Les sujets de la zone nord sont regroupés principalement au dessus de l'axe FI et la plupart d'entre eux ont des ordonnées très importantes sur l'axe F2. Quelques uns sont retrouvés sur la partie gauche de l'AFTD. Les sujets de la zone sud sont retrouvés sur la partie droite de l'AFTD. Ils (Suite légende figure 32) third factor is relatively marked in relation to that of the second. From the second plan onwards (F2/F3) there is relative homogeneity (in fact the subjects are somewhat scattered and no subsets can be distinguished). On the first plan two large subsets appear: (i) To the left, clearly separated from the set on the right, somewhat scattered and extending along the Fl axis. It consists of 32 subjects, all found in set n °1 ofultrametry of single linkage. The three individuals -2V20 236 (1), 2V20 253 (1) and 2V20 194 (4)- of this set n °1 who where not found at this location on the plan overlap onto the right-hand set. Among these 32 subjects we find the two males individuals (numbered 1 and 2 on the plan) who were strangers to the burial ground. Subject 2V20 223 (1) is displaced to the right in relation to the others. Curiously, he comes from a grave in U42 which is oriented quite differently from the others in the set. However, all ultrametric measurements show he belongs to the group of 30 to 35 subjects clustered at the same level, (ii) To the right, a subset extends along the F2 axis. It consists roughly of a fairly homogeneous part above and slightly below the Fl axis and of another part consisting of more scattered subjects located in the lower right quarter of the plan. 144 E. CRUBÉZY ETAL— MICROÉVOLUTION D* UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN Les symboles renvoient à l'ultramétnque de la distance moyenne Zone du V Tombes avec nombre П indique de crânes masculins et féminins • Tombes sans crâne intact Enlèvement de Sebbakh 1X3 ГТ-1 • • • "*••••* l 45 • • « • г- 0__J A™1 • • o • s + и 46 tom + v Figure 33. — Cimetière méroitique, sujets masculins. Les symboles renvoient à l'AFTD et au dendrogramme. — Map of the meroitic burial ground, males individuals. The symbols are the same than those of the dendrogram and the FATD \J V. — RÉSULTATS DES ANALYSES INTRA ET INTER-GROUPES EN ANALYSE MULTIVARIÉES 145 sont, tout comme sur le plan du cimetière, beaucoup plus dispersés que ceux de la zone nord et ils ont les ordonnées les plus faibles. Dans la comparaison entre les dendrogrammes (Figure 3 1 ), le plan de 1 ' AFTD (Figure 32) et celui du cimetière (Figure 33), deux méthodes ont été utilisées : Une méthode descriptive : La partie gauche de Г AFTD comporte une majorité de sujets, formant une classe à part avec les différentes ultramétriques. Ils proviennent de la zone du V, et plus particulièrement de la travée T, où devaient reposer les sujets les plus anciennement inhumés du cimetière. La partie droite de Г AFTD apparaît formée de deux sous-ensembles, qui sont séparés sur l'AFTD par l'axe FI et sur le plan du cimetière par les deux travées formant la zone du V: (i) Le sous-ensemble au dessus de l'axe FI est formé principalement de sujets provenant des travées 40 et 41, et plus particulièrement d'une travée de tombes parallèles à la travée nord du V. Parmi ces sujets certains ont été nettement individualisés avec les dendrogrammes (sujets notés a, b, с ; sujets représentés par un disque dans un cercle, (ii) Le sous-ensemble au dessous de l'axe FI est plus dispersé et il est formé de sujets épars provenant en partie des travées 44 et 45 sur le plan du cimetière. Une méthode graphique : Chaque sujet du cimetière s'est vu attribuer ses valeurs sur les axes FI ou F2 et grace à un logiciel d'interpolation linéaire des clines ou gradients ont été recherchés dans le cimetière (Figure 34). Ils ont été mis en évidence grace à un dégradé de couleur ou de hauteur. Grace à cette méthode, nous n'avons plus à distinguer les sujets à droite ou à gauche de FI sur l'AFTD. Avec ce type de représentation, les sujets de la zone du V se démarquent nettement mais il y a aussi un gradient nord/sud très net des travées 40 et 41 aux travées 44/45/46. Il y a même, plus étonnant, un pincement de la zone du V en son milieu. Comme la zone la plus ancienne est le V puis que les tombes ont ensuite été établies au nord, puis au sud, il se pourrait que ce pincement corresponde à des inhumations réalisées dans la zone du V lors de l'évolution de la nécropole du nord vers le sud. Toutefois, nous touchons là aux limites de la méthodologie et de l'interprétation. Conclusions : Le plan principal de l'AFTD des sujets masculins du groupe méroïtique reproduit la zonation du cimetière. En effet, lorsque il est fait abstraction sur le plan de l'AFTD de la distance séparant les sous ensembles de droite et de gauche, l'organisation en travées est retrouvée. Particulièrement démonstratifs sont, les regroupements de sujets de la zone du V (en T 43), l'individualisation des sujets provenant de la travée au nord de la zone du V et situés en majorité en U et V 41, et la dispersion, en grande partie sous l'axe FI, tout comme sur le plan du cimetière, des sujets des travées 44, 45. Plus que le plan du cimetière qui est une donnée statique, Г AFTD semble surtout refléter la mise en place des différentes tombes (donnée dynamique). En effet, l'organisation en travées représente la partie la plus ancienne du cimetière (Vila, 1982, p. 6), tandis que les sépultures dispersées notamment dans les travées 44, 45 et 46 correspondent plutôt aux dernières tombes de ce groupe. 146 E. CRUBÉZY ET AL — MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN Figure 34. — Carte du cimetière méroïtique, sujets masculins. Représentation sous forme de clines des valeurs attribuées aux sujets masculins sur les axes FI et F2 de Г AFTD (Fig, 32). Le nord est en haut, le sud en bas (le trait mince au niveau du plan supérieur indique les limites du cimetière, l'analyse n'ayant repris pour limites que les tombes comportant des sujets masculins). Les valeurs sur l'axe FI sont à l'origine du plan supérieur de la carte et illustrées sous forme de couleur. La zone du V, en rouge, se démarque nettement. Les valeurs sur l'axe F2 sont à l'origine du plan inférieur de la carte et illustrées sous forme de couleurs et de hauteurs. Le gradient nord/sud apparaît (bleu et haut au nord, rouge et bas au sud). — Map oj the meroitic burial ground, males individuals. The clines represent the values attributed to the male individuals on the Fl and F2 axes of the FADT (Figure 32). North lies at the top and south at the bottom (the thin line in the upper plan indicates the limit of the burial ground, as only graves of male subject s were analysed). The values on the FIaxis resulted in the upper plan of the map and are distinguished by different colors. The V zone, in red, stands out and clearly. The values on the F2 axis resulted in the lower plan of the map and are indicated by color and height. The north/south gradient is shown (blue and high in the north), rd and low in the south). V. — RÉSULTATS DES ANALYSES INTRA ET INTER-GROUPES EN ANALYSE MULTTVARIÉES 147 L'axe FI pourrait donc être considéré, de façon dynamique, comme l'axe des fondateurs du cimetière, l'axe F2 pourrait, grosso modo, être assimilé à l'axe de développement historique nord/sud de ce cimetière. 1.3. — Étude des sujets féminins du groupe méroïtique La hiérarchie obtenue avec Г ultramétrique du voisin le plus proche peut être divisée en deux sous-ensembles. Le premier est formé d'une succession de 30 sujets qui proviennent dans leur majorité de la travée 42 et du carré T 43 ; ils sont agrégés au même niveau, avec un indice de regroupement nul et un saut indiciel assez important avec la classe qui leur fait suite. Le second est une suite de classes d'un seul sujet (quelquefois deux) qui s'agrègent les unes aux autres avec un effet de chaînage et des progressions indicielles de faible amplitude. Ce sous-ensemble est formé de sujets provenant de zones périphériques au premier ensemble. Les hiérarchies obtenues avec les autres ultramétriques mettent toutes en évidence une classe de 27 sujets, qui forment la majorité des sujets du premier sousensemble de Г ultramétrique du voisin le plus proche, où les sujets sont agrégés au même niveau et où figurent les trois sujets féminins étrangers à la nécropole. L'indice d'agrégation de cette classe aux autres va en croissant, depuis Г ultramétrique de la distance moyenne aux sujets de la classe, puis à celle de la distance au barycentre de la classe et finale ment à la variation d'inertie mini male (Figure 35). Suivant les ultr amétriques, les différentes partitions obtenues se recoupent sensiblement, mais leur projection sur plan ne fournissent pas de sous ensembles topographiquement pertinents. Figure 35.. — Groupe méroïtique, sujets féminins. Dendrogramme suivant Г ultramétrique de la variation d'inertie minimale. — Meroitic group, female individuals. Dendrogram obtained with the minimum variation of inertia. 148 E. CRUBÉZY ETAL — MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN Figure 36. — Groupe méroïtique, sujets féminins. AFTD. Les symboles renvoient au dendrogramme établi avec Г ultramétrique de la distance moyenne. Blanc: sujets situés au nord du cimetière, en noir sujets de la zone du V, en gris les sujets du sud du cimetière. Les № 1, 2,3 correspondent aux sujets méroitiques étrangers à la nécropoles, les lettres renvoient à des sujets situés sur la figure 37. Le plan principal des facteurs 1 et 2 (F1/F2) représente environ 25 % de l'inertie cumulée expliquée (ce qui est bon, compte tenu du nombre de sujets étudiés), et au troisième facteur il y en a 32 %. L'inertie expliquée du premier facteur est relativement importante par rapport à celle du second. Dès le second plan (F2 et F3), il y a une homogénéité relative (en fait les sujets sont assez dispersés et l'on ne peut distinguer de sous-ensembles) et dans ces conditions nous limiterons notre propos au premier plan. Deux grands sous-ensembles apparaissent : Le premier, à gauche, assez dispersé et étalé suivant FI, est formé par les 27 sujets retrouvés dans le premier ensemble de Г ultramétrique de la perte minimale d'inertie. Il y a en plus un sujet, 2V20 252 (1), retrouvé dans cet ensemble de Г ultramétrique du voisin le plus proche. Deux individus (1) de cet ensemble, qui ne sont pas retrouvés dans la classe des 30 sujets de Г ultramétrique de la perte minimale d'inertie, se projettent sur l'ensemble de droite. Les trois sujets féminins (numérotés 1 ,2,3) étrangers à la nécropole font partie de cet ensemble. Le second, à droite, s'étale suivant l'axe F2. Assez homogène, il est cependant légèrement plus dispersé en dessous de l'axe FI. — Meroitic group, female individuals. AFTD. The symbols are the sames than those of the dendrogram with ultrametry of average linkage. In white, subjects from the north of the cemetery, in black subjects from the V'zone, in grey subjects from the south of the cemetery. № 1, 2 and 3 are not from Missiminia (Meroitic stangers), the letters are those from subjects of the figure n°37. The main plan offactors 1 and 2 (F1/F2) represents about 25 % ofexplained cumulative inertia (a good result, taking into account the number of subjects studied), and at the third factor there are 32 %. The explained inertia of the first factor is relatively marked in relation to that of the second. To the second plan (F2/F3) onwards, there is relative homogeneity (in fact the subjects are some what scattered and no subsets can be distinguished) and so we will discuss only the first plan. Two large subsets appear : the first, on the left, somewhat scattered and extending along Fl, is made up of the V. — RÉSULTATS DES ANALYSES INTRA ET INTER-GROUPES EN ANALYSE MULTIVARÈES 1 49 Suite légende figure 36, 27 subjects found in the first set of ultrametry of minimal loss of inertia. There is also one subject, 2V20 252 (1), found in this set of ultrametry of single linkage. Two individuals of this set, 2V20 13 (3) and 2V20 228 (3), who were not found in the group of the 30 subjects of ultrametry of single linkage, overlapped on the right-hand-set. The three female individuals (numbered 1, 2, 3) who were strangers to the burial ground were part of this set. The second subset, to the right, extends along the F2 axis. It is fairly homogeneous but is nevertheless slightly more scattered below the Fl axis. Dans l'analyse de Г AFTD (Figure 36), en tenant compte des partitions obtenues à partir des principales classifications hiérarchiques (notamment celle basée sur le critère de la perte d'inertie minimale), les sujets, appartenant à une même classe d'une ultramétrique, ont été indiqués sur le plan de Г AFTD puis localisés sur le plan du cimetière (Figure 37). Dans le cas présent c'est Г ultramétrique de la perte minimale d'inertie qui a fourni les meilleurs résultats. Sur le plan de Г AFTD deux grands sous-ensembles apparaissent: (i) Celui de gauche, assez dispersé, étalé suivant l'axe de Fl et formé par les 27 sujets retrouvés dans le premier ensemble de Г ultramétrique de la perte minimale d'inertie(50). Dans cet ensemble il y a les trois sujets (numérotés 1,2,3) féminins étrangers à la nécropole, (ii) Celui de droite est formé par l'ensemble des sujets provenant des 4 partitions où les sujets ne sont pas agrégés au même niveau. La classe symbolisée par des О se projette uniquement au dessus de l'axe Fl , elle comporte une majorité de sujets provenant de la partie nord du cimetière et de la zone du V. Les sujets marqués a, b, с sur le dendrogramme, qui forment une partition individualisable parmi les О et qui proviennent des sépultures 26, 25, 1 10 au nord du cimetière (travée 40) sont parmi les sujets qui ont l'ordonnée la plus importante. La classe symbolisée par des triangles se projette, pour la plupart de ses sujets, sous l'axe Fl . La classe symbolisée par des □ est regroupée autour de l'axe Fl. La classe symbolisée par un disque dans un cercle est dispersée. Dans l'analyse de l'AFTD (Figure 36) en tenant compte du plan du cimetière (Figure 37), les sujets ont été divisés en trois zones, bien évidemment identiques à celles définies pour les sujets masculins. Il apparaît que, (i) les sujets de la zone du V se répartissent sur l'AFTD, en deux grands sous-ensembles, d'une part ceux situés sur la partie gauche de l'AFTD, d'autre part ceux dispersés sur l'ensemble de la partie droite de l'AFTD. Parmi ces sujets, il y a des cas où, en fonction de leur localisation dans telle ou telle zone du V, ils sont plus ou moins regroupés dans certaines parties de Г AFTD(51). (ii) Les sujets de la zone nord sont moins regroupés, que ne l'étaient les sujets masculins, au dessus de l'axe Fl . Toutefois, les 6 sujets (numérotés de a à f) qui ont l'ordonnée la plus importante sur F2 font partie des 6 sujets les plus au nord du cimetière. Les autres sujets du nord du cimetière, situés en 50 II s'y ajoute un sujet, 2V20 252 (1), retrouvé dans l'ensemble №1 de Г ultramétrique du voisin le plus proche Deux individus (2V20 1 3 (3), 2V20 228 (3) de cet ensemble № 1 qui ne sont pas retrouvés dans la classe des 30 sujets de l'ultramétnque de la perte minimale d'inertie se projettent sur l'ensemble de droite 51 Ainsi.les sujets situés en U42 (dans la branche nord du V) sont au dessus de F 1, et ceux en U44 (dans la branche sud du V) sont au dessous de Fl. 1 50 Б. CRUBÉZY ETAL — MICROÉVOLUTION D' UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN Les symboles renvoient à l'ultramétrique de la distance moyenne Zone du V Tombes avec nombre CD indiqué de crânes masculins et féminins Tombes sans crâne intact Enlèvement de Sebbakh . , . л + • G## о • 5 ют 46 U Figure 37. — Cimetière méroïtique, sujets féminins. Plan du cimetière. Les symboles renvoient à l'AFTD et au dendrogramme. — Meroitic group, female individuals. Map of the burial ground. The symbols are the same than those of the dendrogram and the FATD V. — RÉSULTATS DES ANALYSES INTRA ET INTER-GROUPES EN ANALYSE MULTIVARIÉES 151 Figure 38. — Carte du cimetière méroïtique, sujets féminins. Représentation sous forme de dines des valeurs attribuées aux sujets féminins sur les axes FI et F2 de Г AFTD (Figure 36). Le nord est en haut, le sud en bas. Les valeurs sur l'axe FI sont à l'origine du plan supérieur de la carte et illustrées sous forme de couleur. La zone du V, en vert et jaune, se démarque. Les valeurs sur l'axe F2 sont à l'origine du plan inférieur de la carte et illustrées sous forme de couleurs et de hauteurs. Le gradient Nord/sud est beaucoup moins marqué que pour les hommes (Figure 34), il est absent au sud du V. — Map of the meroitic burial ground, female individuals. The values attributed to the female individuals on the Fl and F2 axes of the FADT (Figure 36) are shown as dines. North is a t the top and south at the bottom. Values on the Flaxis resulted in the upper plan of the map and are illustrated by colors. The V zone, green and yellow, is clearly seen. The values on the F2 axis resulted in the lower plan of the map and are illustrated by color and height. The north/south gradient is much less marked than for the men (Figure 34) and is absent to the south of the V zone. 152 E. CRUBÉZY ETAL — MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN majorité dans la partie sud de la travée 41 , tout prés de la zone du V, sont dans leur majorité au contact de ceux du V au dessus de l'axe FI . La plupart d'entre eux ont des ordonnées très importantes et seuls deux sujets de la partie nord du cimetière sont retrouvés sur la partie gauche de Г AFTD. (iii) À deux exceptions près, les sujets de la zone sud sont retrouvés sur la partie droite de Г AFTD. Le sujet féminin le plus au sud du cimetière est celui dont l'ordonnée est la plus basse sur l'axe F2. Par ailleurs, les trois sujets les plus au sud de la zone du V (les trois ■ sur le plan), et dont l'appartenance à cette zone pourrait être discutée sont au dessous de FI. Les autres sujets du sud du cimetière sont dispersés au dessus de l'axe FI. Comme pour les hommes, la comparaison entre les dendrogrammes (Figure 35), le plan de Г AFTD (Figure 36) et du cimetière (Figure 37) a bénéficié de deux méthodes : Une méthode descriptive : La partie gauche de Г AFTD comporte une majorité de sujets, formant des classes à part avec les différentes ultramétriques, ils proviennent presque tous de la zone du V. Pour ceux à droite sur Г AFTD, comme pour les hommes, l'axe F2 peut grosso modo être assimilé à l'axe nord/sud de la nécropole. En effet, il y a deux sousensembles, qui sont séparés sur l'AFTD par l'axe FI et sur le plan du cimetière par les deux travées formant la « zone du V» : (i) Le sous-ensemble au dessus de l'axe FI est formé, principalement, de sujets provenant des travées 40, 41 et 42. La presque totalité des sujets symbolisés par des cercles, qui proviennent d'une même partition sur le dendrogramme, sont au dessus de l'axe FI. Ils tirent presque tous leur origine du nord du cimetière ou de la branche nord du V. Les 6 sujets les plus au nord de la nécropole (et dont 5 proviennent de cette classe) sont les plus hauts situés sur l'axe F2. En revanche, ceux qui sont au contact de la branche nord de la « zone du V» sont en contact avec les sujets de cette partie de la nécropole, (ii) Le sous-ensemble au dessous de l'axe FI est relativement homogène si nous considérons le dendrogramme (classe des triangles), en revanche, les sujets proviennent de la totalité de la nécropole. Une méthode graphique : Chaque sujet du cimetière s'est vu attribué ses valeurs sur les axes FI ou F2 et grace à un logiciel d'interpolation linéaire des clines ou gradients ont été recherchés dans le cimetière (Figure 38). Ils ont été mis en évidence grace à un dégradé de couleur ou de hauteur. Grace à cette méthode, nous n'avons plus à distinguer les sujets à droite ou à gauche de FI sur l'AFTD. Avec ce type de représentation, les sujets de la zone du V se démarquent nettement mais, en revanche, si le gradient nord/sud est bien retrouvé au nord du V, il ne l'est pas au sud. Conclusions : Le plan principal (facteurs 1 et 2) de l'AFTD des sujets féminins du groupe méroïtique reproduit, dans une certaine mesure, la zonation du cimetière. En effet, lorsque il est fait abstraction sur ce plan de la distance qui sépare les sous-ensembles de droite et de gauche, l'organisation est retrouvée. Particulièrement démonstratifs sont les regroupements de sujets de la zone du V (en T 43), l'individualisation des sujets du nord de la nécropole, et les liaisons entre les sujets du nord de la zone du V et de ceux des travées nord qui leur sont proches. En revanche, les sujets de la partie sud du cimetière, très dispersés, ne se projettent que dans une certaine mesure sous l'axe F2. V. — RÉSULTATS DES ANALYSES INTRA ET INTER-GROUPES EN ANALYSE MULTIVARIÉES 153 2. — L'ORGANISATION DU GROUPE MEROITIQUE TARDIF 2.1. — Étude du groupe dans son ensemble 51 sujets ont été étudiés.Toutes les ultramétriques (Figure 39) mettent en évidence deux sous-ensembles qui sont parfaitement séparés sur le plan F1/F2 de l'AFTD (Figure 40). Le premier comporte 24 sujets (15 hommes et 9 femmes), agrégés au même niveau, avec un indice de regroupement nul et un saut indiciel assez important avec la classe suivante, ils proviennent essentiellement des carrés T44, T45, T46, U44, U45. Le second comporte 27 sujets agrégés dans différentes classes, plus ou moins denses, suivant les ultramétriques, dans le cimetière ils sont situés de part et d'autre de l'ensemble précédent. Figure 39. — Groupe méroftique tardif. Dendrogramme suivant Г ultramétrique de la variation d'inertie minimale. — Late Mewitic group. Dendrogram obtained with the minimum variation of inertia. 154 E. CRUBÉZY ETAL — MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN F2 (8%) * .* « . • F1 (22,7%) Figure 40. — AFTD. Groupe méroïtique tardif. Le plan principal (facteurs 1 et 2 ; F1/F2) représente un peu plus de 30% de l'inertie cumulée expliquée. — FADT. Late Meroitic group The main plan of factors I and 2 (F1/F2) represents about 30 % of explained cumulative inertia. L'analyse univariée montre qu'aucun caractère n'a une différence statistiquement signi ficative entre les deux sous-ensembles. Une régression logistique pas à pas a été effectuée, mais la probabilité du goodness offit chi-square au sens de Brown montre que l'adéquation du modèle n'est pas bonne (p= 1). Elle prend en compte le foramen zygomaticofaciale double ou multiple. 2.2. — Étude séparée des sujets masculins et féminins Dans chaque sexe, pour les différentes ultramétriques, un effet de chaînage plus ou moins important est retrouvé, sauf pour la perte minimale d'inertie (Figure 41). Sur les AFTD (Figure 42), le plan principal des facteurs 1 et 2 représente environ 29 %, tant pour les femmes que pour les hommes, de l'inertie cumulée expliquée. Pour les sujets féminins, les projections des différentes classes sur le plan factoriel et sur le plan du cimetière ne sont guère spécifiques. Pour les sujets masculins, le critère de la perte d'inertie minimale permet d'isoler quatre grandes classes, dont les individus sont représentés sur le dendrogramme (Figure 41) et sur le plan factoriel (Figure 42) par des symboles semblables, (i) une classe où les six sujets (représentés par des *) sont situés dans le cimetière en T44 et sont retrouvés sur le plan factoriel sous FI ; (ii) une classe où les sujets (représentés par des •) qui proviennent pour la plupart des travées 45 et 46 sont essentiellement retrouvés à la partie droite de F2 sur le plan factoriel ; (iii, iv) deux classes où les neuf sujets V. — RÉSULTATS DES ANALYSES INTRA ET INTER-GROUPES EN ANALYSE MULTIVARIÉES 155 Figure 41. — Groupe mérortique tardif, sujets masculins. Dendrogramme en fonction de la perte minimale d'inertie. — Late Meroitic group, males individuals. Dendrogram obtained with the minimum variation of inertia. F2 (13,9%) i i 1 • A А * * .* • -F1 (14,8%) • * ■ Figure 42. — Groupe méroïtique tardif, sujets masculins. AFTD. Le plan principal (facteurs 1 et 2 ; F1/F2) représente environ 28 % de l'inertie cumulée expliquée. — Late Meroitic group, males individuals. FADT The main plan offactors 1 and 2 (F1/F2) represents about 28 % of explained cumulative inertia. 1 56 E. CRUBÉZY ETAL— MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN Figure 43. — Groupe ballanéen. Dendrogramme obtenu à partie de la perte minimale d'inertie. — Ballanean group. Dendrogram obtained with the minimum variation of inertia. (représentés par des ■ ou des A) dispersés sur le plan du cimetière sont retrouvés en majorité à la partie gauche de F2 sur le plan factoriel. La comparaison du plan de l'AFTD et du plan du cimetière, montre donc que deux ensembles peuvent être mis en évidence, celui formé par les sujets provenant des travées 45 et 46 et celui formé par ceux provenant de T 44. 3. — L'ORGANISATION DU CIMETIÈRE BALLANÉEN 3.1. — Étude du groupe dans son ensemble (50 sujets ont été étudiés) Toutes les ultramétriques (Figure 43) mettent en évidence deux grandes parties qui sont parfaitement séparées sur le plan F1/F2 de l'AFTD (Figure 44). La première comporte 22 sujets, agrégés au même niveau, avec un indice de regroupement nul et un saut indiciel assez important avec la classe suivante et évidemment maximal avec le critère de la perte minimale d'inertie. Ce groupe est constitué de 13 hommes et de 9 femmes, dont l'étranger à la nécropole. Sur le plan principal de l'AFTD (Figure 44) ce groupe est situé à gauche. Les sujets représentés par des disques sont dispersés suivant l'axe FI. Les deux plus bas sur l'axe F2 sont l'étranger (en blanc) et le 169 qui a comme particularité d'avoir dans sa tombe une coupe carénée d'un type unique dans la nécropole (Vila, 1984, p. 85)(52). Sur les 20 sujets de ce sous-ensemble qui peuvent être replacés sur le plan du cimetière, 14 52. Type II-3B, soit un décor de tirets transversaux sur la partie supérieure de la lèvre. V. — RÉSULTATS DES ANALYSES INTRA ET INTER-GROUPES EN ANALYSE MULTIVARIÉES 157 Figure 44. — Groupe ballanéen, AFTD. Le plan principal (facteurs 1 et 2 ; F1/F2) représente environ 28% de l'inertie cumulée expliquée. Les symboles renvoient au dendrogramme établi avec Г ultramétrique de la perte minimale d'inertie. En gris les sujets du nord du cimetière, en noir ceux du sud, en blanc un étranger à la nécropole. — Ballanean group. FADT. The main plan offactors I and 2 (F1/F2) represents about 28 % of explained cumulative inertia. The symbols are the sames than those of the dendrogram obtained with the minimum variation of inertia. In grey subjects from the north of the cemetery, in black subjects from subjects from the south, in white a ballanean strangerfrom the necropolis. proviennent de la partie sud, c'est-à-dire de la zone à forte densité de tombes (travées 34 à 43) où les superstructures tumulaires sont inexistantes et 6 (4 hommes et deux femmes) de la partie nord qui est la zone avec des sépultures dispersées autour des tumulus. Toutefois, plus que leur prédominance dans la partie sud, c'est l'observation d'un gradient sud/nord qui semble la plus intéressante, dans la mesure où ces sujets constituent la totalité des sujets les plus au sud (travées 40 à 43), puis la majorité des travées suivantes, et finalement dans la partie nord ils sont de plus en plus rares. La seconde partie comporte les 28 autres individus (12 hommes et 16 femmes), pour qui, avec Г ultramétrique du voisin le plus proche, il y a un effet de chaînage, les classes ne comportent qu'un seul sujet séparé du précédent par une progression indicielle de faible valeur ; avec les autres ultramétriques les classes sont évidemment plus denses, et avec Г ultramétrique de la perte minimale d'inertie trois grandes partitions peuvent être repérées. Elles sont plus ou moins bien séparées sur le plan principal de Г AFTD, et elles correspondent, grosso modo, à des 158 E. CRUBÉZY ETAL — MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN secteurs du plan du cimetière. Ainsi, la classe représentée par des étoiles, pour laquelle les sujets ont l'ordonnée la plus importante sur le plan de Г AFTD, est formée essentiellement (3/4) par des sujets de la partie la plus au nord du cimetière et les trois sujets dont l'ordonnée est la plus élevée sont féminins. La classe représentée par des carrés est formée par des sujets des travées 30 à 39, ceux qui sont les plus au sud ont l'ordonnée la plus faible sur le plan de Г AFTD, ils sont (pour les 3 qui ont l'ordonnée la plus faible) féminins ; les plus au nord, sont au dessus de l'axe FI sur le plan de Г AFTD à une exception, 219, en N 33, à la limite (plus ou moins arbitraire) de la partie sud. La classe représentée par des triangles est formée, principalement, par des sujets des travées 30 à 35, à cheval sur les parties sud et nord, à un endroit où les tumulus sont de petit diamètre et où la densité de tombes est moyenne par rapport au reste de la nécropole ; ils se projettent de part et d'autre de l'axe FI. En analyse univariée, le seul caractère dont la fréquence présente une différence statistiquement significative (p= 0,01) entre les deux parties de Г AFTD est la spina pterygoalaris. Elle est présente chez 40,9 % des sujets agrégés au même niveau et chez 10,7 % des autres. C'est par ailleurs la seule variable retrouvée dans le modèle logistique multiple final de la régression logistique pas à pas qui a été effectuée. Toutefois, la probabilité du goodness offit chi-squarean sens de Brown montre que l'adéquation du modèle n'est pas bonne (p= 1). De façon descriptive, le groupe ballanéen peut donc être divisé en deux sous-ensembles. L'un situé à gauche de l'axe F2, contient plus d'hommes que de femmes. Ils proviennent d'un groupe de sujets très homogènes situés, dans leur majorité, dans la zone à forte densité d'inhumations et dont l'importance numérique diminue vers l'extrémité nord du cimetière. L'autre, à droite de l'axe F2, contient plus de femmes que d'hommes. Une partie des sujets féminins situés au nord et au sud peuvent être individualisés, tandis que les autres, provenant de la partie centrale du cimetière, forment, tous sexes confondus, un ensemble assez homogène. 3.2. — Étude séparée des sujets féminins et masculins Pour chaque sexe, dans les différentes ultramétriques, un effet de chaînage, plus ou moins marqué, est retrouvé sauf pour la perte minimale d'inertie. Cependant, les projec tions, tant sur le plan factoriel que sur le plan du cimetière, des différentes partitions ne sont guère spécifiques. V. — RÉSULTATS DES ANALYSES INTRA ET OTER-GROUPES EN ANALYSE MULTIVARIÉES 159 4. — L'ORGANISATION DU CIMETIÈRE CHRÉTIEN 4.1. — Étude du groupe dans son ensemble (77 sujets ont été étudiés) Les ultramétriques, dont celle de la perte minimale d'inertie (Figure 45), mettent en évidence deux sous-ensembles séparés par un saut indiciel très important et qui sont parfaitement distincts sur le plan F1/F2 de Г AFTD (Figure 46). En analyse univariée, le foramen pariétale et les os suturaires occipito-mastoïdiens ont leurs fréquences qui présente une différence statistiquement significative (p= 0,003 et p= 0,03) entre les deux sousensembles (53). Ce sont, par ailleurs, les seuls caractères retrouvés dans le modèle logistique multiple final de la régression logis tique pas à pas qui a été effectuée. Toutefois, la probabilité du goodness offit chi-square au sens de Brown montre que Г adéquation du modèle n'est pas bonne (p = 1). Le sous-ensemble de gauche sur l'Ait' I'D (Figure 46) comporte 44 sujets, 17 hommes et 27 fem mes, regroupés autour de l'axe FI . Ils sont agrégés au même niveau et ils proviennent d'une seule grande classe avec Г ultramétrique du voisin le plus proche et d'une même grande classe, divisée en deux parties (Figure 46), de 24 et 20 individus, avec le critère de la variation d'inertie minimale. La Figure 45. — Groupe chrétien. Dendrogramme en fonction de la perte minimale d'inertie. — Christian group. Dendrogram obtained with the minimum variation of inertia. S3. Le foramen pariétale et les os suturaires occipito-mastoïdiens sont présents chez respectivement environ 80 % et 7 % des sujets agrégés au même niveau contre moins de 50 % et plus de 23 % des autres. 160 E. CRUBÉZY ETAL— MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN F2 (6.1%) A* A A A A. ▲ Л д А л л д д F1 А Д *лд А Д пР Figure 46. — Groupe chrétien. AFTD. Le plan principal (facteurs 1 et 2 ; F1/F2) représente environ 28% de l'inertie cumulée expliquée. Les symboles renvoient au dendrogramme établi avec Г ultramétrique de la perte minimale d'inertie. En noir, sujets inhumés dans le cimetière ballanéen ; en grisé, sujets inhumés dans le cimetière méroite ; en blanc, sujets de la sépulture multiple 2V6-46. — Christian Group. FAUT. The main plan of factors I and 2 (F1/F2) represents about 28 % of explained cumulative inertia. The symbols are the sames than those ofthe dendrogram obtained with the minimum variation of inertia. In black, chnstian subjects from the ballanean cemetery, in grey Christian subjects from from the meroitic cemetery, in white subjects from the mass burial 2V6-46. classe de 24 individus (16 femmes et 8 hommes) est formée par 18 sujets (11 femmes et 7 hommes) inhumés dans la partie ballanéenne du cimetière, par 4 étrangers et par 2 sujets de la sépulture de groupe 2V6 46(54). Ces sujets se projettent pour 23 d'entre eux au dessus de l'axe FI sur le plan principal de Г AFTD. La classe de 20 individus (1 1 femmes et 9 hommes) est formée par 19 sujets de la « sépulture de groupe » 2V6 46 qui proviennent tous de sa partie la plus profonde (55) et par le sujet « chrétien » restant de la partie ballanéenne du cimetière. Ces sujets se projettent, pour 19 d'entre eux, au dessous de l'axeFldel'AFTD. Le sous-ensemble de droite sur Г AFTD comporte les 33 autres individus (23 hommes et 9 femmes) légèrement dispersés suivant l'axe F2. Ces sujets montrent, avec l'ultramétrique du voisin le plus proche, un effet de chaînage, les classes ne comportent qu'un seul sujet séparé chaque fois des autres par une progression indicielle de faible importance. Avec les autres ultramétriques les classes sont évidemment plus denses, mais aucune grande classe ne peut réellement être dégagée. Ces sujets proviennent de la partie supérieure 54. n°9 et 33 55 Ce sont les numéros : 21, 22, 23, 24, 25, 27, 28, 30, 31, 32, 34, 36, 37, 38, 40, 41, 42, 43, 52 (1). V. — RÉSULTATS DES ANALYSES INTRA ET INTER-GROUPES EN ANALYSE MULTIVARIÉES 16 1 de la sépulture 2V6 46 (56) et de la partie méroïtique de la nécropole. Pour ces sujets, sur Г AFTD, l'ensemble de ceux provenant du cimetière méroïtique se projette au dessus de l'axe FI et ceux provenant de la sépulture de groupe 2V6 46 se projettent pour la plupart, essentiellement des hommes, sous cet axe. 4.2. — Étude séparée des sujets féminins et masculins Pour chaque sexe, les différentes ultramétriques montrent un effet de chaînage sauf pour la perte minimale d'inertie. Cependant, les projections sur le plan factoriel et les localisations sur le plan du cimetière des différentes partitions ne sont guère spécifiques. En conclusion, le dendrogramme basé sur le critère de la perte d'inertie minimale, et le plan principal de l'AFTD du groupe chrétien, mettent en évidence les différents regroupements topographiques observés dans la nécropole de Missiminia. En effet, la première partie des différents dendrogrammes, qui se projette à gauche sur le plan de l'AFTD, regroupe les sujets provenant uniquement de la couche inférieure de la sépulture de groupe 2V6 (46) et les sujets chrétiens inhumés dans la partie ballanéenne du cimetière dont, pour dix d'entre eux, dans sa partie la plus au nord. La seconde partie des différents dendrogrammes, qui se projette à droite sur le plan de l'AFTD, regroupe les sujets de la couche supérieure de la sépulture de groupe 2V6 (46) et les sujets chrétiens de la partie méroïtique de la nécropole. 5. — ÉTUDES INTER-GROUPES À PARTIR DES FRÉQUENCES 5.1. — Tous sexes confondus Les quatre ultramétriques, à partir des fréquences par groupe (Tableau VIII), sont à l'origine d'un dendrogramme avec des partitions semblables mais avec des niveaux d'agrégation légèrement différents. Seule la perte minimale d'inertie est présentée ici (Figure 47). Toutes les ultramétriques montrent que le groupe ballanéen et le groupe chrétien sont les plus proches, suivis des groupes méroïtique et méroïtique tardif. Un écart important est enregistré entre la période méroïtique et post-méroitique. La MMD entre les groupes pris deux à deux (Tableau IX), est statistiquement significative pour toutes les paires à l'exception de celle [ballanéen - chrétien]. Il apparaît donc qu'il y a une ressemblance très importante entre les groupes ballanéen et chrétien et une séparation entre les périodes méroïtique et post-méroïtique. 56. Ce sont les numéros : 1, 2, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 26, 29, 31, 39 162 E. CRUBÉZY ETAL — MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN Méroitique n/154l % V^aTaclCIC Epine ptérygo-alaire Os à l'incisure pariétale Os au pténon Articulation fronto-temporale Foramen pariétal présent Foramen mastoïdien absent Epine trochléaire Scissure pétro-squameuse post. Foramen zygomatico-facial double Traces de Vosjaponwum Agénésie de la troisième molaire supérieure Foramen de Huschke Foramen épineux incomplet Canal condylaire présent Processus para-condylien Canal condyhen intermédiaire Torus palatin Préinterpanétal Os suturaire occipito-mastoidien Méroitique tardif n/51 % Ballanéen x/3C ) % Chrétien x/77 % 43 42 41 14 120 15 23 60 70 27 27,9% 27,3% 26,6% 9,1% 77,9% 9,7% 14,9% 38,9% 45,4% 17,5% 14 10 12 2 39 3 3 17 23 11 27,4% 19,6% 23,5% 3,4% 76,4% 5,8% 5,8% 33,3% 45,1% 21,6% 12 15 10 6 36 10 2 20 29 9 24,0% 30,0% 20,0% 12,0% 72,0% 20,0% 4,0% 40,0% 5g,0% 18,0% 20 19 14 6 52 10 6 34 42 7 25,9% 24,3% 18,2% 7,8% 67,3% 12,3% 7,8% 44,2% 54,5% 9,1% 22 34 43 111 g 40 24 26 21 14,3% 22,1% 27,9% 72,1% 5,2% 26,0% 15,6% 16,9% 13,7% 4 16 9 36 6 16 7 0 10 7,8% 31,4% 17,7% 70,6% 11,8% 31,4% 13,8% 0,0% 19,7% 9 10 25 35 3 25 2 8 5 18,0% 20,0% 50,0% 70,0% 6,0% 50,0% 4,0% 16,0% 10,0% 13 21 28 65 4 40 4 6 10 16,9% 27,3% 36,7% 84,5% 5,2% 52,0% 5,2% 7,8% 13,0% Tableau VIII. — Fréquence des caractères dans les différents groupes. Les cas unilatéraux et les cas bilatéraux ont été comptés de façon similaire égal à 1. — Frequencies of the discrete traits in the different groups. The unilateral cases, such the bilateral cases, have been counted equal to 1. Méroitique Méroitique tardif Ballanéen Chrétien Méroitique Méroitique tardif Ballanéen Chrétien / 0,00839 0,00852 0,0062 0.0247 / 0,0127 0,010 0.0238 0.0625 / 0,010 0.0262 0.0346 - 0,00748 / Tableau IX. — MMD et déviation standard des quatre groupes. La partie supérieure du tableau donne la MMD entre les groupes et la partie inférieure l'écart type qui lui est associé. Les MMD significatives avec p < 0,05 sont soulignées. — MMD and standard deviation of the four groups. The upper part of the table give the value of the MMD, the inferior part the standard deviation associated to it. The values with a positive probability (p <0.05) are underlined. V. — RÉSULTATS DES ANALYSES INTRA ET INTER-GROUPES EN ANALYSE MULTIVARIÉES Groupe méroitique Groupe méroitique tardif Groupe ballanéen Groupe chrétien Groupe méroiuque H Groupe méroitique tardif H Groupe méroitique tardif F Groupe méroitique F Groupe ballanéen H Groupe chrétien H Groupe ballanéen F Groupe chrétien F 163 Indice 0,0 0.I86E-02 0.37 1 E-02 15 Indice 0.0 0.694E-02 0.I39E-02 Figure 47. — Dendrogramme des études inter-groupes, à partir des fréquences des caractères discrets, avec le critère de la perte minimale d'inertie. Tous sexes confondus pour le premier dendrogramme, en différentiant les sexes pour le second. — Inter-group study, dendrogram obtained with the minimum variation of inertia, from the frequencies ofdiscrete traits in each group. First dendrogram, without sex differentiation, second dendrogram with sex differentiation. 5.2. — En différentiant les sexes Les quatre ultramétriques livrent toutes un dendrogramme avec des partitions sem blables mais avec des niveaux d'agrégation légèrement différents. Seule la perte minimale d'inertie est présentée ici (Figure 47), il y a un saut indiciel marqué entre les sujets de la période post-méroïtique et l'ensemble formé par les sujets du groupe méroïtique tardif et les femmes du groupe méroïtique. Les hommes du groupe méroïtique s'agrègent à une grande distance de l'ensemble. La MMD (Tableau X) entre les hommes et les femmes de chaque groupe, pris deux à deux, est statistiquement significative pour les paires formées par un des groupes masculins de la période méroïtique, et un des groupes féminins de la post-méroïtique. Cette partie de l'étude montre : (i) la ressemblance entre les groupes ballanéen et chrétien, et surtout entre les femmes de ces deux groupes, (ii) la séparation entre la période méroïtique et post-méroïtique, particulièrement entre les hommes de la première période et les femmes de la seconde. Par ailleurs, un problème est posé par l'indice d'agrégation très élevé entre les hommes du groupe méroïtique et l'ensemble des autres sujets de Missiminia. Il faut se demander si cela n'est pas dû aux sujets masculins dont l'indice d'agrégation était nul lors de l'étude du groupe dans son ensemble. De ce fait, les sujets masculins du groupe méroïtique ont été divisés en deux parties : ceux provenant de la partie gauche de Г AFTD et ceux provenant de la partie droite. 164 E. CRUBÉZY ETAL— MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN Hommes Hommes méroit Hommes méroit tardif Hommes ballanéen Hommes chrétien Femmes méroit Femmes méroit tardif Femmes ballanéen Femmes chrétien Méroit. Méroit tardif / 0,0151 0,0167 0,0127 0,00842 0,0196 0,0177 0,0129 0,0187 / 0,022 0,0188 0,0144 0,0257 0,023 0,019 Femmes Ballanéen Chrétien 0,00838 0,0316 / 0,0204 0,0160 0,027 0,025 0,020 0,0101 0,00135 -0,0128 / 0,0120 0,0233 0,0214 0,0166 Méroit. Méroit tardif -0,0068 0,0160 0,0208 0,0186 1 -0,0241 -0,0320 0,0126 -0,0200 -0,0128 / 0,017 0,0122 0,0235 Ballanéen Chrétien 0.0390 0.0783 0,0140 0,0173 0,028 0,0522 / 0,021 0.0303 0.0436 0,00215 -0,0130 0,0217 0,0243 -0,0365 / Tableau X. — MMD et déviation standard des quatre groupes en différentiant les sexes. La partie supérieure du tableau donne la MMD entre les groupes et la partie inférieure l'écart type qui lui est associé. Les MMD significatives avec p <0,05 sont soulignées. — MMD and standard deviation for males and females of the four groups. The upper part ofthe table give the value of the MMD, the inferior part the standard deviation associated to it. The values with a positive probability (p <0,05) are underlined. Groupe méroitique* H Groupe méroitique F Groupe "méroitique tardif" H Groupe "méroitique tardif" F Groupe méroitique** H Groupe ballanéen H Groupe chrétien H Groupe ballanéen F Groupe chrétien F IL * non agrégés au même niveau 0.0 ** agrégés au même niveau Indice 0.230E-02 0.46IE-02 Figure 48. — Etude inter-groupes, dendrogramme obtenu avec la perte minimale d'inertie, à partir des fréquences en différentiant les sexes et en répartissant les hommes du groupe méroitique en deux sous-ensembles. Les hommes et les femmes du groupe méroitique tardif sont très proches tout comme les femmes du groupe méroitique et des hommes de ce groupe non agrégés au même niveau ainsi que les hommes des groupes ballanéen et chrétien. L'ensemble [femmes méroitiques, hommes méroitique non agrégés au même niveau] s'agrège à l'ensemble [hommes et femmes méroitique tardif] puis l'agrégation se fait avec [hommes méroitique agrégés au même niveau]. L'ensemble [hommes des groupes ballanéen et chrétien] s'agrège à l'ensemble [femmes des groupes ballanéen et chrétien]. Il y a donc une nette séparation entre les deux périodes. — Inter-group study, dendrogram obtained with the minimum variation of inertia, from the frequencies ofdiscrete traits in each group with sex differentiation and distribution of the meroitic males in two sub-groups. The men and women of the late Meroitic group are very close, as are the women of the Meroitic group and the V. — RÉSULTATS DES ANALYSES INTRA ET INTER-GROUPES EN ANALYSE MULTIVARIÉES 165 F2(3,7%) Hommes ballanéens ' Hommes chrétiens Femmes chrétiennes Hommes méroitiques non agrégés au même niveau Femmes "méroitique tardif" ►- FI (39,5 %) Hommes "méroitique tardif" Femmes méroitiques Femmes ballanéennes Hommes méroitiques agrégés au même niveau Figure 49. — AFTD des différents groupes en différentiant les sexes et en répartissant les hommes du groupe méroïtique en deux sous-ensembles. Le plan principal (facteurs 1 et 2 ; F1/F2) représente environ 43% de l'inertie cumulée expliquée. — Inter-group study, FADT, front the frequencies of discrete traits in each group with sex differentiation and distribution of the meroitic males in two sub-groups. The main plan of factors 1 and 2 (F1/F2) represents about 43 % of explained cumulative inertia. En différentiant les sexes et en répartissant les hommes du groupe méroïtique en deux sous ensembles, les ultramétriques de la distance moyenne aux sujets de la classe et le critère de la perte minimale d'inertie fournissent les mêmes dendrogrammes. Celui du voisin le plus proche et de la distance au bary centre Ile la classe sont légèrement différents et ils seront donc interprétés dans un second temps, car pour étudier les différences entre groupes le critère de la perte minimale d'inertie (Figure 48) semble le plus approprié. L' ultramétrique de la distance du voisin le plus proche, celle de la distance moyenne et le critère de la perte minimale d'inertie montrent une nette séparation entre les sujets de la période méroïtique (à l'exception des hommes méroïtique provenant des sépultures où les sujets sont agrégés au même niveau) et ceux de la période post-méroïtique. Dans cette dernière, les femmes des groupes chrétien et ballanéen sont toujours les plus proches. Avec l'ultramétrique de la distance au barycentre de la classe, ces résultats sont retrouvés, toutefois, les sujets de la période méroïtique s'agrègent aux hommes du groupe chrétien (Suite légende figure 48) men of this group not clustered at the same level, as well as the men of the Balanean and Christians groups. The set [Meroitic women, Meroitic men not clustered at the same level] adjoins the set [late Meroitic men and women] and then adjoins [Meroitic men clustered at the same level]. The set [men of the Ballanean and Christian groups] is adjacent to the set [women of the Ballanean and Christian groups]. There is therefore a separation between the two periods. 166 E. CRUBÉZY ETAL — MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN Hommes méroïtique tardif Hommes ballanéen Hommes chrétien Femmes méroïtique Femmes méroïtique tardif Femmes ballanéen Femmes chrétien Hommes méroïtique du V Hommes méroit. e.t. MMD Hommes méroit du V MMD e.t. 0,034 0,00413 0,0076 -0,0036 -0,00945 0,0428 0,0287 -0,0116 -0,023 0,0096 0,0130 -0,023 -0,0150 0,0165 0,0236 / 0,016 0,0184 0,014 0,001 0,021 0,019 0,0145 0,022 0,086 0,028 0,024 0,020 0,031 0,029 0,025 / Tableau XI. — MMD (nombre du haut) et son écart type (nombre du bas) en divisant les hommes du groupe méroïtique en deux sous-groupes ceux en dehors du V (Hommes méroit.) et ceux du V (Hommes méroit. du V). Les MMD significatives avec p <0,05 sont soulignées. — MMD (upper part of the table ) and standard deviation (inferior of the table). The men of the meroitic group have been divided in two sets, those of the Vzone, those out of the of the У zone. The MMD with a positive probability (p <0,05) are underlined. puis aux hommes du groupe méroïtique provenant des sépultures où les sujets sont agrégés au même niveau. Le saut indiciel maximal se fait avec cet ensemble et celui [femmes chrétiennes et ballanéennes agrégées aux hommes ballanéens]. Une AFTD a été réalisée (Figure 49) afin de préciser la position des différentes classes. Le plan F1/F2 montre les rapprochements entre les sujets du groupe méroïtique tardif, ceux du groupe méroïtique (sans les hommes méroïtique provenant des sépultures où les sujets sont agrégés au même niveau), la proximité d'une part des hommes et d'autre part des femmes de la période post-méroïtique. Les deux périodes sont nettement séparées par l'axe F2 et les hommes méroïtiques provenant du sous-ensemble où les sujets sont agrégés au même niveau, bien qu'à part, sont à rattacher à la période méroïtique. La MMD, entre les hommes du groupe méroïtique répartis en deux sous-ensembles et les hommes et les femmes de chaque groupe pris deux à deux (Tableau XI), est statistiqu ement significative pour les paires [sujets masculins méroïtiques non agrégés au même niveau/sujets masculins méroïtiques tardifs], [sujets masculins non agrégés au même niveau/sujets féminins du groupe ballanéen]. Cependant, le nombre de sujets comparé est parfois assez faible. V. — RÉSULTATS DES ANALYSES INTRA ET INTER-GROUPES EN ANALYSE MULTIVARIÉES 1 67 6. — ÉTUDES INTER-GROUPES À PARTIR DES SUJETS Cette partie a pour buts d'étudier la variabilité intergroupes et de rechercher les outliers sur l'ensemble de la population de Missiminia. Toutes les ultramétriques fournissent une hiérarchie qui peut être divisée en deux grands sous-ensembles. Le premier sous-ensemble est formé par les sujets agrégés au même niveau avec un indice de regroupement nul ou quasi nul et un saut indiciel assez important avec la classe précédente. Il y a ici une rupture du continuum par rapport au reste de la série très importante. Il y a 38 sujets avec le critère de la variation d'inertie minimale et 13 de plus avec Г ultramétrique du voisin le plus proche. Ces 51 sujets forment un ensemble tout à fait distinct sur le premier plan de Y At'I'D (23 % de l'inertie cumulée expliquée). Le second sous-ensemble est formé par les autres classes ; la division des partitions et l'indice d'agrégation varient beaucoup suivant les ultramétriques et aucune ne met en évidence un ensemble de sujets rattachable à un seul groupe ou une seule période. Par ailleurs, cette seconde partie, à droite sur le plan principal de l'AFTD, est orientée suivant l'axe F2. Toutefois, avec le critère de la variation d'inertie minimale, 26 sujets (19 du groupe méroïtique, 2 du groupe méroïtique tardif, 5 du groupe chrétien et aucun du groupe ballanéen) forment une partition. Leurs indices de regroupement sont très faibles et l'ensemble montre par rapport au reste de la série une rupture du continuum moins importante que pour le premier sous-ensemble. L'analyse uni variée montre que cinq caractères ont leur fréquence qui présente une différence statistiquement significative (p critique peu différent de 0,03) entre les deux sous-ensembles. Le torus palatinus, le foramen pariétale, Y os incisurae parietalis et la sutura frontotemporalis sont plus fréquents chez les sujets du second sous-ensemble que chez ceux du premier. En revanche, le canalis condylaris intermedius est plus fréquent chez ceux du premier. Une analyse de régression logistique pas à pas été effectuée. Le modèle logistique multiple final est le suivant: 1 J + e -(-3,63 + 0,89 WI + 0,69 FF -0,73 TOI -0,70 CCI + 2,11 TP) y est la probabilité d'appartenance au sous-ensemble des sujets non agrégés au même niveau ; WI, os incisurae parietalis ; FP, foramen pariétale ; TOJ, traces de la sutura zygomatica ; CCI, canalys condylaris intermedius ; TP, torus palatinus. La probabilité du goodness offit chi-square au sens de Brown est de 0,34 et donc le modèle n'est pas excellent. Afin d'éliminer un effet de masse l'analyse a été reprise en rééquilibrant le nombre de sujets de chaque sous-ensemble grâce à un tirage aléatoire (51 sujets dans chaque sous-ensemble). Le modèle logistique multiple final est le suivant : 1 + e - (1,64 - 1,12 CCI + 2,38 TP) 168 E. CRUBÉZY ETAL — MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN y est la probabilité d'appartenance à l'ensemble des sujets non agrégés au même niveau ; CCI, canalis condylaris intermedius ; TP, torus palatinus. La probabilité du goodness offit chi-square au sens de Brown montre que Г adéquation du modèle est excellente (p inférieure à 10"3). La recherche d'un seuil décisionnel par simulation puis l'application de ce seuil dans un processus décisionnel permettant de faire une discrimination montre que pour le seuil de décision (valeur 0,408) le pourcentage du nombre total de sujets correctement classé est de 66,4 % (statistiquement significatif: p peu différent de 0,05). Pour ce seuil, le pourcentage de sujets correctement classé dans le sous-ensemble des individus agrégés au même niveau est d'environ 50% et il est de 81 % dans le second sous-ensemble. — VI.— DU MONDE DES MORTS AU MONDE DES VIVANTS ET À LA MICRO-ÉVOLUTION 1. — ORGANISATION DU MONDE DES MORTS 1.1. — Organisation du cimetière méroïtique Le développement du cimetière a commencé par la mise en place des tombes de la zone du V, puis a intéressé le nord de cette zone et s'est terminé avec l'implantation, au sud puis sud-ouest de cette zone, de tombes plus dispersées. Toutefois, même au sud, les sépultures les plus proches de la zone du V montrent encore une légère organisation en travées. Comme la durée d'utilisation du cimetière méroïtique est de deux siècles environ, il est probable qu'à certains moments, alors même que de nouvelles tombes étaient bâties au sud, les méroïtiques continuaient d'inhumer des sujets dans des sépultures construites antérieurement. Des résultats des chapitres précédents, quatre grands points peuvent être dégagés : (i) L'étude du groupe dans sa totalité et celles en fonction du sexe, mettent toutes en évidence deux sous ensembles. D'une part, celui provenant, en partie, des travées 42 et 43 et plus particulièrement de la zone du V, formée de deux rangées de sépultures plus ou moins parallèles au Nil ; d'autre part, les individus du reste de la nécropole. Par ailleurs, en ce qui concerne le groupe dans sa totalité, cette division s'accompagne aussi d'une donnée statistique basée sur le foramen pariétale et les traces de la sutura zygomatica. (ii) Les images euclidiennes obtenues ne reflètent pas le plan des sépultures. (iii) En revanche, les AFTD en fonction du sexe fournissent des regroupements qui reflètent les grands moments de la mise en place du cimetière : Ainsi, il y a une partie des sujets de la zone du v qui forment un groupe à part (à gauche) sur Г AFTD ; les sujets situés, dans leur majorité, au dessus de l'axe FI sur la partie droite de Г AFTD, proviennent des sépultures en rangées, parallèles au Nil, situées au nord de la nécropole ; les sujets dispersés sous l'axe F2 sur la partie droite de Г AFTD proviennent, pour les hommes, des sépultures dispersées dans les travées 44, 45 et 46 du plan du cimetière (iv) Les sujets mal situés sur Г AFTD sont, dans leur majorité, ceux de zone du V qui ne se projettent pas à gauche sur cette AFTD. Ceci est d'autant plus net chez les femmes, qu'elles sont plus nombreuses que les hommes provenant de cette zone. 1 70 E. CRUBÉZY ETAL— MICROÉVOLUTION D* UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN Lorsque le développement du cimetière est pris comme référence, environ deux tiers des hommes et des femmes sont correctement placés sur les plans des AFTD. Le tiers «mal classé» reflète, soit un problème de méthode (57), soit une non association entre données biologiques et culturelles pour des causes liées à l'une ou l'autre donnée : étrangers inhumés parmi des sujets génétiquement liés, sujets non enterrés parmi des sujets génétique ment proches, ou même sujets d'une même famille inhumés en un même lieu mais relevant de plusieurs générations ce qui fait que le patrimoine génétique en commun entre le premier et le dernier inhumé est relativement faible. L'image euclidienne reflétant donc partiellement l'évolution du cimetière, cela signifie qu'au cours du temps, il y a eu des variations de fréquence ou d'association des caractères discrets. Ces changements chronologiques, pourraient être considérés comme révélateurs de facteurs micro-évolutifs. Cependant, il faut bien admettre qu'il est très difficile de faire la part du micro-évolutif et du familial. En effet, l'individualisation des rangées (sujets de la zone du V et au nord de cette zone par exemple) pourrait tout aussi bien refléter l'appartenance à différents grands ensembles familiaux que la micro-évolution de la population. En revanche, la reconnaissance de l'axe nord/sud sur les AFTD et la dispersion des hommes sous l'axe F2 qui va de pair avec celle des sépultures au cours du temps irait plutôt dans le sens de la mise en évidence de facteurs micro-évolutifs. 1.2. — Organisation du groupe méroïtique tardif Ce groupe, tel qu'il a été défini pour les études anthropologiques, regroupe selon Vila, deux phases distinctes d'occupation de la nécropole. En fait, la seule certitude que nous puissions avoir est que ces sujets ont dû être inhumés après les méroïtiques et avant la plupart des sujets ballanéens. De plus, en ce qui concerne les sujets inhumés à la partie supérieure des sépultures (58), il y a des cas où l'analyse univariée a montré qu'ils avaient des caractères identiques à ceux des inhumés sous-jacents (Crubézy, 1991). De ce fait, la notion de phase distincte telle qu'elle avait initialement été envisagée par Vila semble devoir être nuancée. Aucun secteur topographique de la nécropole n'est spécifique de l'une où de l'autre phase (Vila, 1982, p. 182 et 185). Les deux grandes classes de sujets mises en évidence, lors de l'étude du groupe dans son ensemble, contiennent des sujets provenant des sépultures typiques des deux phases. Dès lors, deux ensembles de données peuvent être opposés, (i) Les données archéologiques, qui intéressent le mode d'inhumation et dans de rares cas le mobilier associé au défunt, qui entraînent Vila à distinguer deux phases d'utilisations distinctes, définies à partir d'inhumations typiques (rares) auxquelles ont été ajoutées des «probables» et des «assimilées» (Vila, 1982, p. 177 à 187). (ii) Les données anthropologiques basées sur les caractères discrets mettent en évidence d'une part, deux groupes topographiquement cohérents, mais sans relation aucune avec les 57. Il pourrait être lié à la variabilité, à la sélection ou au traitement des caractères discrets. 58. Phase 5 de Vila. VI. — DU MONDE DES MORTS AU MONDE DES VIVANTS ET À LA MICRO-ÉVOLUTION 171 données archéologiques définies (59) et d'autre part, une image euclidienne qui chez les hommes peut grosso modo être mise en relation avec la zonation des sépultures . À partir de ces données deux explications, radicalement opposées, peuvent être avancées, (i) Soit le mobilier archéologique est suffisamment pertinent pour prendre en compte les hypothèses de Vila et les données anthropologiques ne seraient que le fait du hasard ou d'un problème méthodologique, (ii) Soit les données anthropologiques, validées par la cohérence topographique dans la nécropole, illustrent divers regroupements famil iaux, et/ou l'évolution de la population ; dans ce cas le type de mobilier archéologique et le mode d'inhumation ne seraient que le reflet de la variabilité des pratiques funéraires vers la fin de la période méroïtique. Par ailleurs, les différentes études intergroupes ont montré le rapprochement entre les sujets de la période méroïtique (méroïtique et méroïtique tardif), et nous avions suggéré, sur la base de l'étude univariée (Crubézy, 1991), qu'ils étaient peut-être apparentés en raison des regroupements de caractères discrets entre les sujets provenant de la partie inférieure des tombes (méroïtique) et ceux de la partie supérieure (méroïtique tardif). Cette hypothèse pourrait expliquer que presque aucun outlier n'ait été détecté dans le groupe méroïtique tardif lors de l'étude de la population dans son ensemble. 1.3. — Organisation du cimetière ballanéen Les différents plans (facteurs 1 et 2 et 2 et 3) de Г AFTD du groupe ballanéen montrent que les grandes subdivisions entre sujets (bien que faibles) sont de deux ordres qui ne peuvent que très difficilement être séparées en raison du petit nombre de sujets étudiés (50). Dans chaque sexe il semble y avoir une certaine hétérogénéité des individus ; en effet, un effet de chaînage avec sauts indiciels important est retrouvé pour plusieurs ultramétriques et sur les AFTD les sujets étant dispersés, il n'y a pas de zones à fortes concentrations. Il faut cependant remarquer que, contrairement au groupe méroïtique, n'ont pu être analysés que quelques sujets assez dispersés dans le cimetière. Toutefois, les sujets féminins semblent plus homogènes que les masculins, même si dans le groupe féminin cette homogénéité est troublée par quelques individus (relations entre eux ?) provenant de la zone nord du cimetière. Ces sujets sont retrouvés, lors de l'analyse du groupe dans sa totalité et sur Г AFTD des sujets féminins. Il y a donc une relative opposition, entre les sujets inhumés dans la zone à forte densité d'inhumations et ceux de la zone des tumulus. Le cimetière ballanéen ne peut être considéré comme un cimetière de village et, en raison des grands tumulus et du nombre de tombes, l'hypothèse d'un site central a même été évoquée (cf. chapitre II- 1). Si nous essayons d'intégrer ces données et les grandes tendances dégagées par les analyses précédentes, il semble que dans ce cimetière aient été inhumés des sujets masculins et féminins provenant d'une même communauté biolo gique ainsi que des sujets qui lui étaient étrangers. La partie du cimetière à forte densité 59. Le mode d'inhumation en cistes ou la présence d'anneaux aux chevilles chez certaines femmes. 172 E. CRUBÉZY ETAL — MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN d'inhumations pourrait essentiellement correspondre, en raison de son homogénéité relative, à la zone d'inhumation de cette communauté tandis que la zone à tumulus pourrait avoir accueilli préférentiellement des étrangers à cette communauté. À partir de ces données, deux hypothèses peuvent être formulées : la première, celle de Vila (1985), pour qui le cimetière a évolué du sud vers le nord et, dans ce cas, il faut se demander si ce qui est mis en évidence sur les AFTD ne correspond pas à la micro évolution de la population ; la seconde suivant laquelle il y aurait eu deux zones, nord et sud de recrutement différent. Toutefois, il se pourrait que nous soyons face à un phénomène plus complexe. Ainsi, il pourrait y avoir eu, initialement, deux zones de recrutement différent et le développement du cimetière vers le nord aurait secondairement recouvert la zone à tumulus. 1.4. — Organisation du groupe chrétien L'analyse des données biologiques retrouve de façon quasi-parfaite les grands ensemb les topographiques : sujets provenant de la sépulture du groupe 2V6 46 d'un côté, sujets provenant des autres parties de la nécropole de l'autre, notamment ceux inhumés dans la partie nord et la partie sud du cimetière ballanéen. Cette dernière donnée est assez étrange, car selon Vila (1986, p. 153 à 155) les sujets chrétiens inhumés dans la partie nord du cimetière ballanéen dateraient du « chrétien ancien » (IXe siècle) et ceux de la partie sud seraient postérieurs au « chrétien tardif» (XIIIe siècle). Comme tous sont retrouvés sur la même zone de Г AFTD, on pourrait en déduire qu'ils faisaient partie d'un même groupe biologique, qui ne comportait que quelques sujets, et qu'ils sont restés biologiquement distincts des autres pendant quatre siècles. En fait, il est plus probable que certaines des différentes phases chrétiennes définies par Vila (1985, p. 153 à 155) sont incorrectes et de ce fait, les regroupements mis en évidence témoignent, soit des subdivisions chronologiques de l'ordre de quelques décenn ies,soit des subdivisions sociales. En faveur de cette dernière hypothèse, il faut noter que Vila signale lui-même (1985, p. 153), que les critères utilisés pour effectuer la division en phases du groupe chrétien étaient basés sur de très nombreux a priori (Vila, 1986, pp. 154-155 ; Crubézy, 1991). Par ailleurs, il faut noter que les sépultures chrétiennes situées dans la partie nord du cimetière ballanéen s'y intègrent parfaitement car, à l'exception de l'orientation du corps, rien ne change (Vila, 1985, p. 154) par rapport aux tombes ballanéennes. Ainsi, comme le fait remarquer Vila, si les tombes chrétiennes ne sont pas toutes surmontées d'un tumulus, il en était déjà de même pour certaines tombes balla néennes. Il est donc probable que les sujets chrétiens provenant de la partie sud du cimetière ballanéen, doivent être contemporains de ceux des sépultures de la partie nord. En effet, l'hypothèse de l'évolution progressive du cimetière du sud vers le nord durant la phase ballanéenne doit être considérablement nuancée — cf. supra. Par ailleurs, neuf sépultures ballanéennes dispersées sur toute l'étendue du cimetière ballanéen et orientées est-ouest «pourraient témoigner aussi d'une dérive vers les pratiques chrétiennes» (Vila, 1985, p. 153). De plus, l'étude univariée (Crubézy, 1991), a montré VI. — DU MONDE DES MORTS AU MONDE DES VIVANTS ET À LA MICRO-ÉVOLUTION 173 qu'il existait parfois des caractères discrets en commun entre les sujets ballanéens et chrétiens d'une même sépulture. De ce fait, l'hypothèse de sépultures réutilisées par des sujets apparentés mais de religion différente pourrait être avancée. Il apparaît donc que les sujets chrétiens inhumés dans le cimetière ballanéen, ne doivent pas être chronologique ment différents des sujets ballanéens. Ces sujets, répartis dans deux échantillons différents par les archéologues, ont peut être vécus en même temps dans la même communauté. Dans la sépulture de groupe 2V6 (46) il y a autant d'hommes que de femmes, et les archéologues ne signalent pas de différence dans le remplissage de la tombe susceptible d'évoquer une utilisation en deux phases distinctes. Les différences biologiques sont donc plus certainement à associer à des facteurs dissociants de nature sociale qu'à la micro évolution de la population. Par ailleurs, la presque totalité des sujets chrétiens inhumés dans le cimetière méroïtique sont masculins tandis qu'il y a plus de femmes que d'hommes chrétiens dans le cimetière ballanéen, (ces deux localisations étaient peut-être complém entaires). 2. — ÉTUDES INTER-GROUPES L'étude basée sur les fréquences a mis en évidence la séparation entre les deux périodes et pour la période méroïtique une différence entre hommes et femmes, notamment au début de cette période. En revanche, à la période post-méroïtique, il y a une grande ressemblance entre les femmes des groupes ballanéen et chrétien, chronologiquement proches. Dans l'étude de la population de Missiminia dans son ensemble, la quasi-totalité des outliers du groupe chrétien provient des sépultures chrétiennes du cimetière ballanéen. Parmi eux il y a quelques sujets féminins inhumés dans la partie nord du cimetière. L'étude fondée sur les sujets a mis en évidence 51 outliers qui en plus de leur signification descriptive ont une signification statistique. Celle-ci repose sur des caractères hyperostotics pour lesquels une héritabilité importante est soupçonnée. Les sujets étrangers à la nécropole de Missiminia font partie de ce sous-ensemble des 51 outliers, les autres sujets de ce sous-ensemble proviennent, dans leur majorité, des groupes méroïtique, ballanéen et chrétien. Le groupe méroïtique tardif est sous représenté. Les outliers provenant du groupe méroïtique de Missiminia sont au nombre de 14 (7 hommes et 7 femmes), soit 9,4 % des individus méroïtiques de la nécropole inclus dans l'analyse. Ils sont répartis sur l'ensemble du cimetière à l'exception des sépultures les plus anciennes formant la zone du V (60). Les outliers provenant du groupe ballanéen de Missiminia, sont au nombre de 15 (9 hommes et 6 femmes), soit 30,6 % des individus 60 En fait, il y en a un qui provient des rangées de sépultures les plus anciennes du cimetière, mais il ne faisait pas partie des individus retrouvés sur le sous-ensemble de gauche sur Г AFTD du groupe méroïtique En revanche, 8 des individus de ce sous-ensemble de Г AFTD sont retrouvés ici , ils correspondent à la majorité des sujets méroïtiques qui étaient agrégés au mêmes niveau mais qui n'étaient pas inhumés dans la zone du V. 174 E. CRUBÉZY ETAL — MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN ballanéen de la nécropole inclus dans l'analyse. Ils sont répartis sur l'ensemble du cimetière ballanéen et le sujet masculin du grand tumulus 33, celui du tumulus moyen 145 et une femme de l'un des petits tumulus (176) en font partie. Les outliers provenant du groupe chrétien de la nécropole sont au nombre de 9 (4 femmes et 5 hommes). Ce sont, pour 8 d'entre eux, des sujets chrétiens inhumés dans la partie ballanéenne du cimetière (au nombre de 19). L'interprétation de l'ensemble de ces données ne peut être effectuée qu'en tenant compte de la totalité des informations fournies par les autres études. 3. — ORGANISATION DU MONDE DES VIVANTS ET MICRO-ÉVOLUTION Si l'organisation du monde des morts permet de préciser certains des rapprochements entre groupes, elle n'explique pas cependant, les problèmes posés, (i) par les hommes méroïtiques de la zone du V qui s'écartent nettement des autres, (ii) par les ressemblances entre hommes et femmes de chaque phase pour la première période, (iii) par les ressem blances entre sexes de phases différentes pour la seconde. De plus, elle ne peut expliquer les variations de certains caractères morphologiques signalés de longue date pour de très nombreux sites. Si les sépultures chrétiennes sont chronologiquement plus homogènes que ne l'est imait initialement Vila (1985), la population de Missiminia se répartit sur une période de 300 à 400 ans. Lorsqu'à celle-ci sont ajoutés quelques étrangers provenant d'autres nécropoles du bief, pour la plupart contemporains des sujets de la nécropole, pour d'autres antérieurs d'un à deux siècles, ils sont tous retrouvés lors de la recherche à' outliers. Ceci suggère que la population inhumée à Missiminia devait être très différenciée par rapport aux autres populations du bief, à tel point qu'il faut y soupçonner des «popul ations partielles» (Dahlberg, 1929; cité par E. Crognier, 1972). Parmi les facteurs ayant pu jouer un rôle dans l'isolement des groupes formant la population du bief, le Nil peut être évoqué pour les communautés de rives opposées, mais pour celles situées d'un même côté un isolement par l'intermédiaire de facteurs de nature sociologique, semble plus à envisager. Un reflet du mouvement des gènes dans le bief, voire au delà, pourrait être fourni par l'étude des outliers qui pourraient refléter, au moins en partie, l'importance des mouvements migratoires entre communautés. Par ailleurs, l'étude des sujets agrégés au même niveau lors de l'étude du groupe méroïtique, formés en majorité des sujets les plus anciennement inhumés, pourrait renseigner sur les modalités de mise en place de ces communautés. Les différences d'associations dans les clusters, entre groupes pour la première période et entre sexes pour la seconde, pourraient être inter prétées comme le reflet de la nature des unions. VI. — DU MONDE DES MORTS AU MONDE DES VIVANTS ET À LA MICRO-ÉVOLUTION 175 3.1. — Les outliers Ces outliers sont des sujets qui statistiquement s'écartent des autres, mais il est impossible de préciser si c'est dû au fait (i) qu'il s'agit de sujets provenant d'autres « populations partielles » que celle de Missiminia, qui n'ont jamais eu de liens avec elle, mais qui ont toutefois, été inhumés dans sa nécropole, (ii) des sujets provenant d'autres « populations partielles » mais mariés avec des sujets de Missiminia et inhumés prés de leur(s) conjoint(e)(s), (iii) des descendants des sujets précédents ayant hérité le profil de leurs ancêtres, (iv) ou tout simplement des sujets de la «population partielle » de Missiminia dont les caractères discrets diffèrent en raison de facteurs génétiques ou d'environnements. Toutefois, le nombre de ces outliers est très différent d'un groupe à l'autre. Dans quelle mesure reflètent-ils l'organisation du monde des morts, celle des vivants et/ou un facteur de micro-évolution? Pour le groupe chrétien, la situation des outliers n'est pas aléatoire puisqu'ils proviennent en majorité du cimetière ballanéen. En revanche, dans les groupes méroïtique et ballanéen, leurs sépultures ne se distinguent en rien, pour une majorité d'entre eux, de celles des autres sujets. Il est donc possible que l'augmentation du nombre ď outliers entre les deux groupes résulte des changements de l'organisation du monde des vivants et par là-même évoque un ou des facteurs de micro-évolution. À ce stade de l'analyse, seule la modélisation et la comparaison avec des situations les plus proches possibles, sont susceptibles d'apporter des éléments de réponse. Toutefois, la plus grande prudence est de rigueur, car la similitude des situations n'implique pas toujours des réponses biologiques semblables. 3.1.1. — Les outliers dans le groupe méroïtique Dans ce groupe méroïtique, les outliers retrouvés dans la nécropole (et dispersés dans celle-ci à l'exception du V) sont au nombre de 14 (7 hommes et 7 femmes). Le nombre de sujets de ce groupe inclus dans l'analyse finale est de 153, mais seulement 148 proviennent de la nécropole (5 sujets méroïtiques proviennent d'autres cimetières). Le pourcentage à1 outliers dans le cimetière méroïtique est donc de 9,45 %. Comme dans toute petite communauté, un flux migratoire minimum a dû être nécessaire pour assurer sa pérennité. Bocquet- Appel a montré (1985) que ce flux, fonction des dimensions de la population (considérée comme stationnaire), pouvait être représenté par un taux d'émigration (com pensé par un taux d'immigration). Il est égal à : 1/2 x N'm où N représente les dimensions de la population totale (Bocquet- Appel, 1985). Pour une communauté de 80 sujets, ce taux est de 5,6 % et il est de 4, 1 % pour une communauté de 150 sujets. Le taux de 9,45 %, a été calculé sur la population adulte. Si l'espérance de vie de cette population était proche de 25 ans, cela signifie qu'environ 50% de la population décédait avant 18 ans. Le pourcentage ď outliers par rapport à la population totale estimée (adultes et enfants) est dans ce cas de 4,7 % (9,45 / 2). Le nombre d' outliers mis en évidence n'apparaît donc pas aberrant. Il pourrait repré senter, compte tenu de tout ce qui a été exposé précédemment, les étrangers à la « population partielle » méroïtique inhumée à Missiminia. Par ailleurs, comme il rentre tout à fait dans 176 E. CRUBÉZY ETAL — MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN les pourcentages du flux migratoire minimum, cela explique que la communauté de Missiminia apparaisse très homogène et que la totalité des sujets provenant des autres nécropoles soit retrouvée par les analyses. 3.1.2. — Les outliers, leur augmentation du groupe méroïtique au groupe ballanéen II y a 30,6 % à' outliers (9 hommes et 3 femmes) parmi les sujets inhumés dans le cimetière ballanéen. À ce chiffre pourraient même être ajoutés 9 sujets du groupe chrétien inhumés à côté des sujets ballanéens. Ce pourcentage traduit certainement en partie l'organisation du monde des morts, mais il n'est pas exclu qu'il traduise également celui du monde des vivants. Faire la part entre les deux est bien évidemment impossible, quoique toute donnée sur l'évolution de ce groupe des vivants permettrait de faire évoluer la discussion dans un sens ou dans l'autre. Comparaisons et simulations : Afin d'apprécier la façon dont une augmentation des échanges entre communautés aurait pu entraîner une modification de la morphologie, 2 études, la première uni et bivariée sur les caractères discrets (Crubézy, 1991), la seconde (Billy, 1985) sur les données métriques du crâne sont disponibles. Elles seront comparées, dans la mesure du possible, avec des situations d'augmentation d'échanges entre populations. — Les caractères discrets Si une augmentation des échanges à la période ballanéenne a dépassé le cadre du bief Dal Nilwatti, il pourrait y avoir, entre les séries, une variation parallèle des caractères liés à de nombreux gènes. En effet, ces caractères échappent aux effets fondateurs et à la dérive génétique. De ce fait, les risques de différences importantes de fréquences entre séries, en raison de quelques sujets apparentés, sont minimes. Une série de comparaison possible est celle de Wadi-Halfa (Vagn Nielsen, 1970) en Haute Nubie, à plus de 150 kilomètres au nord de Missiminia. Les caractères pouvant être comparés sont ceux présents dans les deux études et pour lesquels aucun regroupement (ils n'ont été recherchés qu'à Missiminia) n'a pu être mis en évidence car si des regroupements avaient été détectés, le déterminisme familial des caractères était peut-être important. Seuls deux caractères répondent à ces critères, l'agénésie de la troisième molaire et l'articulation frontotemporale. À Missiminia comme à Wadi Haifa (Verger-Pratoucy, 1985), c'est dans le groupe ballanéen que l'agénésie de la troisième molaire est la plus fréquente. Dans les deux séries, la fréquence de l'articulation fronto-temporale augmente d'environ 5 % du groupe méroïtique au Groupe ballanéen. Il se pourrait que ces variations de fréquences reflètent un gene flow ou un processus de demie diffusion (Wijsman et Cavalli-Sforza, 1984) dépassant largement le cadre du bief Dal-Nilwatti. — Les données métriques Les phénomènes d'ouverture et de fermeture des «petites communautés » (EvansPritchard, 1973) ont fait l'objet, en Afrique de l'Ouest notamment, de très nombreuses études dans les années 1960 et 1970. Celles réalisées sur les Bedik du Sénégal Oriental VI. — DU MONDE DES MORTS AU MONDE DES VIVANTS ET À LA MICRO-ÉVOLUTION 1 77 (Gomila, 1969) et sur les Sara du Tchad (Crognier, 1972), sont parmi les plus documentées. Des dizaines de mensurations ont été prises sur le vivant, dans des groupes dont la démographie et les échanges matrimoniaux étaient connus. Ces études recherchaient, entre autre, les barrières culturelles susceptibles d'entraîner une hétérogénéité morphologique, et analysaient si celles-ci étaient anarchiques ou orientées par rapport aux différences d'endogamie. Chez les Sara et les Bedik, la problématique et la méthodologie suivie ne sont pas exactement les mêmes et les résultats ne sont pas comparables. Toutefois, dans les populations les plus exogames il y a une tendance à l'augmentation de différentes mensurations anthropologiques. Chez les Bedik, selon Gomila (1980) « chez les hommes le village le plus exogame tend à être plus grand pour un plus grand nombre de dimensions que les autres villages plus endo games, tandis que chez les femmes le village le plus endogame tend à être plus petit pour un plus grand nombre de dimensions que les autres villages plus exogames ». Par ailleurs, le groupe ethnique Bedik, peut être réparti en deux factions recevant chacune des femmes de l'autre faction et des étrangères. Une des factions reçoit ainsi 4,13 % de sujets, autres que ceux de la faction, et l'autre 25,25 % (Gomila, 1969). Les hommes de la faction la plus exogame montrent, pour les mensurations susceptibles d'être comparées à celles de Missiminia, une augmentation de la hauteur faciale supérieure. Par ailleurs, les femmes originaires et vivant dans une même faction montrent par rapport aux autres, toujours pour les mensurations susceptibles d'être comparées à celles de Missiminia, une diminution de la largeur frontale minimum. Chez les Sara (Crognier, 1972), une partie de l'étude a porté sur la géographie matrimoniale et les caractères biométriques. Les habitants des villages ont été divisés en deux groupes, ceux dont les parents étaient nés dans le même village et ceux nés dans des villages différents. Dans ces cas, la longueur et la largeur de la tête ne varient pas, mais pour les hommes comme pour les femmes il y a une augmentation de l'indice nasal pour ceux dont les parents sont nés dans des villages différents. À Missiminia, les analyses multidimensionnelles (Billy, 1985), réalisées sur les données métriques (61) séparent les périodes méroïtique et post-méroïtique. Les analyses uni et bivariées (Billy, 1985) sur ces mêmes variables ont montré que les groupes méroïtique et méroïtique tardif sont indiscernables ; que les différences, statistiquement significatives, entre l'ensemble méroïtique et post-méroïtique, sont rares. Il n'y a que la largeur du nez entre les sujets du groupe méroïtique tardif et du groupe chrétien qui augmente. Entre les périodes méroïtique et post-méroïtique il y a, une accentuation du dimorphisme sexuel (surtout dans le groupe ballanéen), tendance à l'augmentation en longueur du crâne, à la diminution de la largeur du front, à l'accroissement de l'indice nasal entre le groupe méroïtique tardif et les deux groupes suivants ; une relative hétérogénéité de la série masculine ballanéenne pour la hauteur faciale supérieure par rapport aux autres groupes, 61 . Méthodes de Penrose et de la classification hiérarchique ascendante, basée sur l'ultramétrique du voisin le plus proche, à partir des distances de forme. 178 E. CRUBÉZY ETAL— MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN et une avancée plus marquée du massif facial avec le temps. Une majorité de ces caractères, tenus pour négroïdes (Chrichton, 1966 ; cité par Billy, 1985), sont à la base de la théorie de la poussée négroïde, ou d'une « négroïtisation surplace » au sein de l'ensemble postméroïtique (Billy, 1985, 1986). À Missiminia, les variations métriques enregistrées entre les deux périodes, lorsqu'elles sont prises une à une, sont très faibles et sont du même ordre que celles observées dans d'autres groupes africains lors d'une ouverture du cercle des mariages. L'augmentation du nombre ď outliers dans le groupe ballanéen, par rapport aux précédents, pourrait donc refléter une plus grande ouverture de la communauté ballanéenne par rapport à la méroïtique. — Les outliers dans le groupe chrétien À l'exception des sujets inhumés dans le cimetière ballanéen, un seul outlier au reste de la population totale de Missiminia est retrouvé. Les femmes semblent assez homogènes, et le terme de consanguinité, au sens de consanguinité apparente (Jacquard, 1977), pourrait même être employé dans ce groupe. En effet, il y a une nette augmentation de la sutura incisiva. Elle est plus fréquente chez les sujets féminins que chez les masculins. Il est possible (Crubézy, 1991), que les phénomènes à l'origine de la persistance de cette suture étaient peut-être les mêmes que ceux intéressant les fentes palatines. C'est justement dans le groupe chrétien que des anomalies de la denture, assimilées à des fentes palatines à minima, ont été repérées. Or les fentes palatines, déjà considérées comme rares dans les populations africaines sont plus fréquentes en cas de consanguinité (Dronamraju,1986). 3.2. — Les sujets agrégés au même niveau dans le groupe méroïtique Ce sous-ensemble est formé par les étrangers à la nécropole, par des sujets parmi les plus anciennement inhumés (dont plusieurs proviennent des mêmes tombes), et de quelques sujets provenant du reste du cimetière (ils sont presque tous retrouvés parmi les outliers à l'ensemble de la population, alors qu'aucun des sujets précédents ne l'est). La nécropole de Missiminia étant peut-être associée à un déplacement de l'habitat (cf. chapitre II- 1), l'hypothèse d'un groupe fondateur ou d'un phénomène de fusion est à envisager. L'importance de tels phénomènes sur les fréquences de caractères discrets à forte héritabilité a déjà été observée, dans une situation quasi expérimentale, chez une population de singes Macaca mulatto (Cheverud et Dow, 1985) et les données obtenues rappellent celles de Missiminia. Dans les sociétés humaines, dans le processus de fission-fusion, les tensions sociales aboutissent à l'éloignement d'un groupe d'une partie de ses membres qui vont former un nouveau village ou se joindre à un autre. Dans le premier cas il y a effet fondateur, dans le second fusion. Ici le problème posé est de savoir si face à quel cas nous sommes. Théoriquement, un effet fondateur devrait être perceptible dans la totalité de la population, tandis qu'un phénomène de fusion pourrait avoir un impact beaucoup plus limité. En fait, trois observations sont à opposer : (i) les sujets de la zone du V, les plus anciennement inhumés, se répartissent sur les dendrogrammes et Г AFTD, en deux grands sous-ensembles VI. — DU MONDE DES MORTS AU MONDE DES VIVANTS ET À LA MICRO-ÉVOLUTION 179 (ii) les sujets masculins et féminins provenant de la zone du V et agrégés au même niveau lors de l'étude du groupe méroïtique, ne sont pas retrouvés lors de l'étude de la population de Missiminia dans son ensemble ; (iii) lors de l'étude des groupes basée sur les fréquences, les hommes du groupe méroïtique s'agrègent loin des hommes et des femmes du reste de la population. L'observation (i) semble en faveur d'un phénomène de fusion, entre, au moins, deux groupes, dont le premier (sujets agrégés au même niveau) aurait eu un poids très limité dans le patrimoine des caractères discrets des générations ultérieures. Seuls quelques sujets au nord (principalement des hommes) ont encore un profil semblable. L'observation (ii) suggère que, parmi les sujets agrégés au même niveau dans le groupe méroïtique, ceux provenant du V ne s'écartent pas de la majorité des sujets inhumés dans la nécropole durant les trois ou quatre siècles suivants. Pour concilier l'ensemble de ces observations, il faudrait admettre qu'il y a eu un processus de fusion et que l'un des groupes impliqués a moins participé, surtout pour les hommes, au patrimoine de la population. Cependant, il doit s'agir d'un phénomène complexe, pour lequel des phénomènes de fusion, de démog raphie différentielle et/ou d'environnement ont dû intervenir. Faire la part des différents éléments semble impossible à partir des données en notre possession. 3.3. — Les différences entre sexes 3.3.1. — Dans les groupes méroïtique et méroïtique tardif L'étude uni variée (Crubézy, 1991) a montré que dans le groupe méroïtique, les regroupements n'intéressaient pas seulement les sujets d'une même tombe, mais souvent ceux de tombes adjacentes, et l'un ou l'autre sexe n'est jamais intéressé de façon préférent ielle. Lors des études intergroupes, les hommes et les femmes méroïtique, à l'exception des hommes dont l'indice d'agrégation est nul avec les différentes ultramétriques, sont très proches. Par ailleurs, le plan principal de Г AFTD des sujets masculins et des sujets féminins retrouve dans une certaine mesure la zonation du cimetière, mais ceci est plus marqué pour les hommes que pour les femmes et pour ces dernières, les sépultures les plus au sud ne sont presque pas mises en évidence. Les sépultures du groupe méroïtique tardif, situées dans leur majorité au sud de la nécropole, reproduisent ce phénomène. Dans leur cas, seul le plan de Г AFTD des sujets masculins retrouve, grosso modo, la zonation des sépultures. Cela traduit peut-être la poursuite du phénomène précédent. Il semble donc y avoir des différences entre le début et le fin de la période méroïtique. La forte différenciation masculine lors du début de l'utilisation du cimetière pourrait être l'indice de la prépondérance des lignées paternelles, lors des phénomènes de fondation ou de fusion. Cela rappelle une donnée classique (Benoist, 1980), «les généalogies montrent que la fission qui se produit dans une communauté n 'échantillonne pas les individus au hasard, elle suit les failles qui séparent entre eux des groupes d'apparentés. Cette ligne de fracture entraîne ainsi un lignage à s'écarter du groupe ». 1 80 E. CRUBÉZY ETAL— MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION fflSTORIQUE DU SOUDAN 3.3.2. — Dans les groupes ballanéens et chrétien Les femmes semblent assez homogènes, et le terme de consanguinité pourrait même être employé dans le groupe chrétien. Sur le plan principal de Г AFTD des sujets féminins du groupe ballanéen, une partie des sujets situés au nord et au sud peuvent être individua lisés. Ceci semble provenir de la differentiation entre des femmes de la partie sud du cimetière et des femmes de la zone à tumulus. Les hommes sont beaucoup plus dispersés et aucune organisation ne peut être retrouvée. Il est possible que certaines des différences soient le fait du choix du conjoint ou d'une modification du cercle des alliances. À la période méroïtique, après une phase de formation du groupe durant laquelle les lignées paternelles semblent avoir eu un rôle prépondérant et les mariages ont certainement concerné pour une bonne part les membres de la même communauté. Pour la période ballanéenne, le phénomène est plus complexe : d'une part il y a eu une augmentation des échanges entre communautés, d'autre part les femmes des groupes chrétien et ballanéen se ressemblent beaucoup. Il faut donc se demander si, à l'augmentation des échanges entre communautés à la période ballanéenne (intéressant de façon préférentielle les hommes), n'a pas fait suite une diminution de ces mêmes échanges à la phase suivante. Ceci permettrait d'expliquer, l'absence presque totale d1 outliers par rapport à la population générale dans le groupe chrétien (à l'exception de ceux inhumés dans le cimetière ballanéen), l'augmentation de la sutura incisiva dans ce groupe, les nombreuses associations de caractères discrets communes à la fois aux groupes méroïtique et chrétien, et le fait que lors des analyses portant sur les données métriques, les sujets du groupe chrétien soient plus près du groupe méroïtique que les ballanéens (Billy, 1985). 3.4. — Conclusions et hypothèses L'évolution de la population de Missiminia pourrait très bien s'expliquer par une série de variations des échanges et/ou de l'aire de recrutement des conjoints. À une phase de formation de la communauté, à la période méroïtique, peut être par un phénomène de fusion, feraient suite des mariages locaux où le nombre d'étrangers à la communauté biologique aurait été réduit au minimum. À la période post-méroïtique, une ouverture des communautés, de l'ordre de quelques générations, et intéressant vraisemblablement plus les hommes que les femmes, lui aurait succédé. Lors de la christianisation, un repli d'une partie au moins des communautés sur elles-mêmes pourrait s'être réalisé. Ce schéma général doit toutefois, être modulé en raison des facteurs de biais très important de nos échantillons à la période post-méroïtique. Cependant, sa valeur semble importante, dans la mesure où il permet d'expliquer les constatations enregistrées, par presque tous les auteurs, sur la plupart des séries de Haute et de Basse Nubie. Il réconcilie les théories de l'arrivée d'éléments « négroïdes », de l'évolution sur place et du gene flow. En effet, ce qui était enregistré par le « coefficient de ressemblance raciale » de l'école biométrique anglaise (Batrawi, 1946), ce qui était appelé « négroïtisation » ou VI. — DU MONDE DES MORTS AU MONDE DES VIVANTS ET À LA MICRO-ÉVOLUTION 181 « adaptation sur place » (Billy, 1986) concernait les variations de données métriques dont certaines vont dans le sens d'une meilleure adaptation à la chaleur. Ces mêmes variations, dans des les populations contemporaines, ont parfois été interprétées en termes d'hétérosis. Toutes ces interprétations, sont discutables, mais elles semblent traduire un même phénomène, celui de l'ouverture des communautés. Ce modèle peut être largement critiqué et amélioré en tenant compte du fait que les variations morphologiques (métriques et caractères discrets) enregistrées, entre ces périodes, résultent à la fois de phénomènes touchant à l'organisation du monde des morts et à celle des vivants. De telles modifications ne représentent certainement qu'une des facettes d'une restructuration de l'espace qui doit être appréhendée dans une perspective historique. — VIL — PERSPECTIVES POUR UNE ETHNO-HISTOIRE Les études précédentes ont été fondées sur la proximité biologique entre sujets et entre groupe et sur les associations entre données biologiques et archéologiques. Ensuite la synthèse anthropobiologique qui a été tentée s'est révélée difficile, car le mode de recrutement des ensembles funéraires a évolué. Dans le même temps, nous n'avons pu manier que des concepts tels que celui de «populations partielles » qui font appel à des notions comme la panmixie. Les «populations partielles» étant plus un concept de biologiste qu'une réalité humaine, le terme de communauté étant assez imprécis, de quoi avons-nous discouru ? Il semble donc nécessaire à ce stade de l'analyse de rechercher une approche de la communauté et de ses différentes entités. Ceci implique de sortir du domaine biologique pour passer dans celui de l'historique en tenant compte des différentes catégories de témoignages. L'intérêt de cette approche n'est pas d'avoir la confirmation ou l'infirmation d'un type de témoignage par un autre, mais d'essayer de confronter différentes approches afin de mieux les définir et d'élaborer de nouvelles conceptions. En raison des problèmes posés par l'organisation du monde des morts et celui des vivants, ces conceptions devraient intéresser avant tout la façon dont la vie des groupes a sous-tendu la mise en place et l'organisation du monde des morts. Cela nécessite une approche des cimetières où ceux-ci ne soient plus considérés de façon statique mais de façon dynamique. Plutôt que de n'observer que leur état d'abandon, il faut s'attacher à suivre au cours du temps l'évolution et l'organisation de l'espace funéraire. 1. — LA PÉRIODE MÉROÏTIQUE Pour cette période, compte tenu de la répartition des cimetières dans le bief Dal-Nil watti et de l'étude paléodémographique, la nécropole pourrait être celle d'une communauté. Un problème majeur a été rencontré, il n'est pas impossible que l'effectif de cette communauté ait varié de façon importante dans le temps. Cependant, avant la fin de la période méroïtique, elle a pu compter de 80 à 150 sujets. Implantation des tombes, distribution par nombre de sujets, sexes et âges À la fouille, les tombes méroïtiques « n 'avaient rien conservé de leur contenu originel, sinon des ossements dispersés» (Vila, 1985, p. 148). De ce fait, l'approche des pratiques funéraires ne peut qu'être très limitée. Même le décompte des individus a parfois été 1 84 E. CRUBÉZY ET AL — MICROÉVOLUTION D' UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN difficile, dans la mesure où certaines sépultures (Vila, 1982) ne contiennent, en raison du pillage (Vila, comm. pers.) que des parties de squelettes. Toutefois, ce décompte (la distinction entre groupe méroïtique et méroïtique tardif n'ayant pas été recherchée), et l'application d'une loi de Poisson démontrent que le nombre d'individus par tombes n'est pas homogène. La majorité de celles-ci contient les restes d'un sujet, mais le nombre peut aller jusqu'à sept. La projection sur plan des tombes contenant au moins les restes de 4 sujets montre qu'elles sont presque toutes localisées dans la partie la plus ancienne du cimetière (travées 40, 41, 42, 43). C'est dans le carré U 42, où la densité en tombes est maximale, qu'elles sont les plus nombreuses. Il apparaît donc que la partie la plus ancienne du cimetière a été marquée par l' implantations de tombes, en rangées assez denses parallèles au Nil et dans lesquelles les restes de nombreux sujets ont été mis au jour. Par la suite, avec le développement du cimetière vers le sud, les tombes ont la même orientation, mais elles sont plus dispersées, et rares sont celles qui contiennent plus de deux ou trois sujets. Le sexe n'a pu être déterminé pour chacun des squelettes. Le pourcentage des indéte rminésest trop important pour que des aires d'inhumations spécialisées en fonction de ce critère, puissent être reconnues. Sur les crânes étudiés, pour les sépultures situées dans la partie la plus ancienne du cimetière, aucun recrutement sépulcral ou zonal lié au sexe n'a été rencontré. Toutefois, l'observation des cartes de répartition des sujets masculins et féminins montre que pour le groupe méroïtique, parmi les sépultures les plus récentes, le nombre de femmes est légèrement supérieur à celui des hommes. Les problèmes rencontrés pour la distribution par âge sont les mêmes que pour le sexe. Toutefois, le plan de la nécropole (Vila, 1982) montre que les dernières tombes méroïtiques mises en places sont certainement celles situées dans les carrés P44, Q44, R44. Dans ces carrés, les 33 tombes dispersés ont livré les restes de 27 adultes dont 13 sujets inférieurs à 12 ans et 2 adolescents. Le pourcentage d'enfants est ici beaucoup plus élevé que dans le reste du cimetière méroïtique et le profil démographique de ces sépultures se rapproche de celui du groupe ballanéen. Les liens de parenté et les particularités familiales Dans le groupe méroïtique, un caractère discret est souvent présent chez plusieurs sujets par tombes, exceptionnellement chez la totalité. Cependant, les regroupements sont rarement limités à une seule tombe. Ils intéressent souvent des sépultures adjacentes, et parfois ce sont des secteurs du cimetière où la fréquence d'un caractère est élevée. Ces secteurs se calquent sensiblement sur l'organisation et le développement de la nécropole : tombes des travées 42, 43 correspondant aux plus anciennes rangées de sépultures, puis travées au nord (40, 41) et enfin sépultures plus dispersées du sud. Pour une même tombe ou des tombes adjacentes, ces regroupements se font généralement sans distinction de sexe (Crubézy, 1991). Cependant, il y a des tombes où seuls des sujets de même sexe présentent un caractère du même côté. Dans le cas des sujets des sépultures adjacentes, ceux qui ont le caractère sont du même sexe, mais la latéralisation est différente. УЛ. — PERSPECTIVES POUR UNE ETHNO-fflSTOIRE 1 85 Des phénomènes du même ordre ont été constatés pour l'uni ou la bilatéralité du trait. Ceci a surtout été réalisé pour les premières rangées de tombes de la nécropole (la zone du V), et pour celles du nord. Pour les autres c'est plus difficile car les sépultures sont plus dispersées et comportent moins de sujets. Ces observations, qui tendraient à montrer que l'organisation cémétériale était basée sur l'un ou l'autre sexe, tout au moins lors du début de l'utilisation du cimetière, sont à moduler. En effet, les analyses suggèrent pour cette phase la prépondérance des lignées paternelles. Certaines de ces données tendraient à montrer que le recrutement de la plupart des tombes repose sur des critères d'apparentement. De plus, à l'intérieur d'une même sépulture des sujets du même sexe se ressemblent plus que d'autres de sexe opposé. Ici aussi le recrutement de tombes proches ou adjacentes pourrait, dans certains cas, dépendre de ce critère. Toutefois, il possible que les concentrations de caractères discrets soient dues au fait que les sujets aient vécu dans un environnement très semblable (dans le temps et/ou l'espace), ou qu'ils aient un degré de parenté plus important que ceux de tombes éloignées. Il faut constamment garder à l'esprit que nous sommes face à une population qui était certainement d'effectif limité, que la plupart des facteurs d'environnements devaient être semblables et qu'une bonne part des mariages devaient être des mariages locaux. De ce fait, après quelques générations, le coefficient de parenté de nombreux sujets devait être très proche. Il n'est pas étonnant que de grandes concentrations de caractères discrets soient mises en évidence. Elles pourraient simplement refléter l'appartenance des sujets à quelques générations, les facteurs de changement n'étant perçus qu'au long cours. D'éventuelles particularités familiales liées aux pratiques funéraires sont difficiles à saisir, dans la mesure où presque toutes les tombes ont été pillées. Toutefois, il apparaît que les regroupements de caractères discrets, ne recoupent pas les types architecturaux des tombes. Cependant, pour le processus parietalis squamae temporalis, qui avait permis la reconnaissance de deux regroupements (Crubézy, 1991) une particularité liée au mobilier archéologique a été rencontrée dans l'un des regroupements (62) formé par 4 sujets (63) disper sés dans 3 tombes qui pour deux(64) d'entre elles relèvent du même type architectural (65) (un puits rectangulaire avec une descenderie amenant à une chambre axiale à l'ouest) chez la troisième bâtie sur le même schéma la descenderie est remplacée par un escalier (66). Deux d'entre elles (67) contenaient du matériel archéologique semblable (68). 62. L'autre regroupement est formé par 2 sujets qui proviennent de tombes relevant de types architecturaux différents. 63. 298(1) et 298(2), 2V20 307, 2V20 311 64. 298 et 307 65. M III-A1 (Vila, 1982) 66. Type architectural M III-A2 (Vila, 1982). 67. 307 et 311 68. Une poterie de type 1-1 a été enregistrée dans chacune d'entre elles. Sur les cinquante deux pots et trente neuf tessons isolés dans la nécropole pour ce groupe, seuls neuf exemplaires de ce type sont connus 186 E. CRUBÉZY ETAL — MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN 2. — LE GROUPE MÉROÏTIQUE TARDIF 14 sujets méroïtique tardif ont au moins un caractère discret en commun avec un des sujets méroïtiques de la même tombe, et pour 6 d'entre eux ils en ont deux(69) (Crubézy, 1991). Par ailleurs, les concentrations de caractères des sujets du groupe méroïtique tardif sont bien souvent superposables à celles des sujets du groupe méroïtique. Les caractères métriques ne permettent pas de différencier les deux groupes, de nombreuses liaisons de caractères discrets entre eux leur sont communes, la position du corps est le même qu'à la phase précédente, les vases déposés à leurs côtés sont méroïtiques, tout comme les parures. De plus comme le signale Vila (1985, p. 151), les sujets méroïtiques tardifs n'ont occupé que des sépultures méroïtiques, alors que les tombes napatéennes ou pharaoniques étaient tout aussi accessibles ; il existe « un lien évident, quoique indéfinissable avec précision, entre les utilisateurs et les tombes qu 'ils ont choisies pour y être inhumés » (Vila, 1982, p. 177). Il apparaît donc que les sujets de ce groupe pourraient être des sujets méroïtiques, inhumés de façon légèrement différente des autres vers la fin de la période. En effet, ils sont surtout retrouvés dans la partie sud du cimetière, où ils occupent généralement la partie supérieure du remplissage. Un des points fondamentaux dans l'utilisation du cimetière, est que la plupart des tombes du groupe méroïtique avaient été pillées avant ce que Vila considérait comme le groupe méroïtique tardif. Par ailleurs, les sujets de ce groupe sont caractérisés par la rareté du matériel associé, et leurs sépultures ont rarement été pillées. Le pillage des tombes, au cours de la période, est peut être le fait des fossoyeurs lors des réutilisations, de sujets étrangers ou de la même communauté. La rareté du mobilier, et sa pauvreté, dans les inhumations du méroïtique tardif traduit une modification des pratiques funéraires. Celle-ci pourrait être soit rituelle, soit en rapport avec le pillage, les proches des défunts évitant de mettre un mobilier qui attirait très rapidement le boule versement des squelettes. 3. — LE GROUPE BALLANEEN La répartition des tumulus dans le bief Dal-Nilwatti montre une restructuration totale des espaces funéraires par rapport à la période précédente (Crubézy, 1991). En raison du nombre très différent des cimetières, entre les deux périodes le recrutement de ceux-ci a dû varier. Compte tenu du nombre d'adolescents rencontrés dans le groupe ballanéen, la nécropole n'est plus celle de la communauté telle qu'elle avait été définie à la période précédente. Son recrutement n'est pas facile à préciser. En effet, les restructurations 69. Ces sujets sont des sujets de la phase S (Vila, 1982), c'est-à-dire des sujets inhumés au-dessus de sujets méroïtiques. УЛ. — PERSPECTIVES POUR UNE ETHNO-HISTOIRE 1 87 semblent avoir été tellement importantes, que des domaines tels que le cercle des alliances, l'organisation du monde des morts et peut être aussi celle du mode de résidence post marital ont été modifié. Les hypothèses pour expliquer l'organisation de la nécropole à cette période, sont donc beaucoup plus lourdes que précédemment. 3.1. — La zone sud du cimetière Dans cette zone semblent avoir été inhumés les descendants d'une partie au moins de la communauté précédente. Il est probable qu'il y a eu dans cette communauté une ouverture du cercle des alliances. Les crânes étudiés ne sont pas suffisamment nombreux pour que la réalité de concentrations zonales puisse être assurée. Toutefois, les regroupements entre certaines tombes sont tels, que leur existence peut être soupçonnée de façon plus général isée.Ainsi, deux hommes (70) très proches topographiquement et qui présentent tous deux un os preinterparietale de la même forme sont inhumés dans des tombes de même architecture funéraire {71). En revanche, dans un cas l'individu a été inhumé avec deux poteries et dans l'autre avec trois (72). Le type de poterie commun aux deux tombes est relativement rare par rapport au reste du cimetière, puisque sur 342 poteries mises au jour dans celui-ci, seules 1 8 ď entre elles sont de ce type (parmi ces 1 8, aucune n' est réellement identique à une autre — Vila, 1984, p. 158 — , toutefois, ce sont ces deux là qui se ressemblent le plus). 3.2. — La zone nord du cimetière La zone au nord comprend les tumulus et les tombes qui leur sont proches. Si certaines sont disposées autour des structures tumulaires, les autres ne semblent pas leur être rattachées. Le recrutement de cette zone est le plus problématique dans la mesure où certains des sujets provenant des tumulus apparaissent dans des études comme des sujets étrangers à la communauté. De plus, l'analyse caractère par caractère ne recoupe pas toujours ici l'analyse des données. Des individus, considérés comme apparentés sur la base d'un caractère (74) ne se retrouvent pas tous les deux dans le groupe des outliers par rapport à la population générale. Les sujets inhumés sous les grands tumulus, devaient avoir une certaine prééminence sociale. Il est probable que les facteurs d'environnement devaient être, entre eux et les autres sujets, plus différents qu'entre deux sujets du reste de la population. Les facteurs d'environnement spécifiques ont peut être joué un rôle non négligeable. 70. 198 et 212 71.BII-Avar.2 72.TypesII-l-AetV3B 73.UnII-l-AetdeuxV2A 74. 33 et 80 par exemple. 188 E. CRUBÉZY ETAL— MICROÉVOLUTION D' UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN 3.2.1. — Les liens de parenté et les particularités familiales Certains des caractères qui apparaissent comme les plus pertinents permettent des rapprochements entre certains tumulus. Cela permet par ailleurs une approche des éven tuelles particularités familiales, liées au pratiques funéraires dans cette partie de la nécropole. Il faut toutefois, souligner que la plupart de ces tombes ont été pillées et que les comparaisons ne se font qu'avec le mobilier céramique laissé par les pillards. Sur les huit sujets présentant un processus parietalis squamae temporalis dans ce groupe, les quatre qui l'ont de façon unilatérale gauche peuvent être rattachés à un même ensemble. Deux sont des sujets masculins âgés qui avaient été inhumés avec un ou des vêtements en cuir(75), et ils proviennent des deux plus grands tumulus de la nécropole (76) ; les deux autres sont les femmes (77) issues d'un tumulus de huit mètres de diamètre et d'une sépulture situés à la périphérie d'un grand tumulus (78). Trois des tumulus ont livré un important mobilier archéologique (79) (Vila, 1984, p. 25 et 38), toutefois, parmi les éléments ayant échappé au pillage, seules les coupes carénées à petite base annulaire permettent des comparaisons. Celles avec le décor (80) le plus compliqué sont les moins représentées, en nombre égal dans les deux grands tumulus, et le petit tumulus n'en présente qu'un cas. Dans les deux grands tumulus, chaque fois l'une des coupes est intacte et l'autre est, soit ébréchée, soit déformée (problème de cuisson ?) ; dans le petit tumulus la seule coupe de ce type est ébréchée. Les coupes avec un décor moins compliqué, traits verticaux parallèles alternant avec des motifs de tirets horizontaux superposés, sont plus fréquentes dans les grands tumulus, toutefois, leur nombre n'est pas exactement le même, et il n'y en a qu'un seul exemplaire dans le petit tumulus. Les coupes sans décor, en nombre très variable d'une tombe à l'autre, sont très nombreuses dans un des grands tumulus. Les sujets inhumés dans, ou à côté des tumulus et présentant un canalis condylaris intermedius, sont au nombre de sept(81). 75. Seuls cinq cas ont été reconnus dans la nécropole (Vila, 1984, p. 178). 76. 33 (situé en P 21) et 80 (situé en О 24) (respectivement dix-sept et dix-huit mètres de diamètre). 77. 83 (situé en N 24) et 82 (situé en N 25). 78.80 79. Les éléments communs aux trois tumulus (33, 80 et 83) sont : (0 restes de vêtements en cuir (pagne?) en 33 et 80 ; (ii) coupes carénées à petite base annulaire (Vila 1984 p 159) type II-2 ; (îii) type H-2 2A, carène haute avec décor 1 (Vila, 1984, p 156) 33 : 5 exemplaires, 80 : 3 exemplaires, 83 • 1 exemplaire ,. type II-2 2C: carène haute avec décor 3 (Vila, 1984, p. 156 et illustrations) 33 : 2 exemplaires (Vila, 1984, p 30), 80 : 2 exemplaires (Vila, 1984, p. 40), 83 : 1 exemplaire ;. type H-2 2D : carène haute sans décor peint apparent (Vila, 1984, p. 159), 33 : 10 exemplaires, 80 : 2 exemplaires, 83 : 2 exemplaires. 80. 3 (type II-2 2C) avec une frise continue de festons sous la lèvre (Vila, 1984, p. 156). 81 93 une femme sous tumulus (10 mètres de diamètre) avec le caractère à gauche, 2V6 122 un homme sous tumulus (7 mètres de diamètre) avec le caractère à gauche, 121 une femme avec le caractère à droite, 82 (1) une femme avec le caractère à gauche, 83 une femme sous tumulus (8 mètres de diamètre) avec le caractère à droite, 219 une femme sous tumulus (7 mètres de diamètre environ) avec le caractère à gauche, 176 une femme sous tumulus (5 mètres et demi environ de diamètre) avec le caractère à gauche. УЛ. — PERSPECTIVES TOUR UNE ETHNO-HISTOIRE 1 89 Deux sujets provenant de tumulus de 10 mètres de diamètre chacun présentent un processus paracondylarism . Les seuls éléments comparables entre les deux tumulus sont les éléments céramiques. D'une tombe à l'autre le nombre de coupes carénées est le même, et bien que chaque fois elles soient décorées, dans 3 cas la carène est haute dans l'un(83) tandis qu'elle est basse ou médiane dans l'autre (84). Par ailleurs, les deux seules jarres sans col sans décor et sans large fond plat, de la nécropole sont retrouvées dans ces deux tumulus. Dans un cas comme dans l'autre elles étaient recouvertes par un récipient, soit en céramique (85), soit en vannerie (86). 3.2.2. — Les tumulus et leurs occupants II ressort de ces éléments plusieurs points importants pour l' organisation de la nécropole et les pratiques funéraires. (i) Cette partie du cimetière semble très structurée, plus les tumulus sont au nord, plus leur diamètre est grand et plus le diamètre du tumulus est grand, plus le nombre d'objets céramiques déposés avec l'inhumé est important ; il convient même de noter que dans le cas des deux plus grands tumulus, celui qui est un peu plus au nord a légèrement plus d'objets que celui au sud. (ii) Certains types de céramique ne se retrouvent, presque exclusivement, que dans les tumulus. Plus ces poteries apparaissent rares, plus elles sont retrouvées dans des tumulus de grand diamètre ; le nombre des types céramiques « rares » déposé dans chaque tumulus, 82. 93 et 145 83.93 84 145 85.93 86. 145. 93 est un sujet féminin, tandis que 145 serait masculin selon la détermination de G Billy et féminin selon celle de Vila. Les tumulus 93 et 145 ont tous deux livré un important mobilier archéologique (Vila, 1984, p. 45 et 72), avec cependant une plus grande abondance de matériel en 145 car la chambre, contrairement à 93 n'était pas pillée De ce fait les seuls éléments comparables entre les deux tumulus sont d'une part le type de tombe (BII A pour 93 et В IV A pour 145) et d'autre part le mobilier céramique qui semble avoir en grande partie échappé au pillage: - Coupes carénées à petite base annulaire (Vila, 1984, p. 159), 124 ont été mises au jour dans la nécropole : 93 : 3 exemplaires de type II 2A, 145 : 3 exemplaires de type 1 1 A. - Pot ovoïde, encore appelé (Vila, 1984, p. 161) jarre sans col, ou type V 5 Seuls six exemplaires en sont connus dans la nécropole, sur ces six, seuls trois d'entre eux (type V 5B) n'ont pas de décor et sur ces trois là les deux plus ressemblants (Vila, 1984, p. 161) proviennent des sépultures 93 et 145 Dans la sépulture 93, ce pot ovoïde de type V 5B était contenu dans une jarre à large col cylindrique (Vila, 1984, p. 46) tandis qu'en 145 il était couvert par un panier en vannerie (Vila, 1984, p. 74) - Un pichet à col étroit et bec (Vila, 1984, p. 159) type III 1A, un exemplaire en 93. - Un gobelet 1 2A, un exemplaire en 145 - Une bouteille ovoïde IV 2A, un exemplaire en 145 - Une jarre ovoïde V 4C, un exemplaire en 145 190 E. CRUBÉZY ETAL— MICROÉVOLUTION D'UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN semble strictement codifié, tandis que celui de la céramique commune pourrait l'être moins. (iii) Les quelques sujets provenant des tumulus avec des caractères discrets en commun, proviennent généralement de tumulus ayant un diamètre du même ordre de grandeur ; cependant quelques regroupements se font, entre des tumulus de diamètre différent, ou entre des sujets inhumés sous tumulus et des sujets provenant de tombes à la périphérie. (iv) À côté des règles précédentes concernant le dépôt des poteries, une grande variabilité existe, entre les types déposés, leur nombre exact etc. Toutefois, des constantes émergent lorsque nous comparons le mobilier provenant de tumulus de même diamètre, où les sujets présentent un caractère discret pertinent en commun. Ces comparaisons permettent de dégager certaines constantes, non soupçonnées au départ. Ainsi, pour les coupes carénées (87), ce qui ressort, c'est leur nombre et le fait qu'elles soient décorées. En revanche, si la situation de la carène est variable entre les deux tombes, elle est presque identique à l'intérieur de chaque tombe. L'élément déterminant dans le dépôt semble donc le nombre, le décor et la ressemblance dans la forme pour un même dépôt. De même, les jarres à fond plat sont fermées (elles contenaient peut être quelque chose), mais la nature du récipient qui les recouvre est variable. Une partie du mobilier associé aux défunts semble donc dépendre des objets disponibles par les proches au moment de l'inhumation. Ceci semble d'autant plus valable que la nature de l'objet est courante et que son nombre est peut être moins codifié, seule sa présence étant nécessaire (coupes sans décors dans les grands tumulus par exemple). Les jarres à fond plat semblent échapper à la règle commune, et elles représentent peut être une particularité familiale. Cette dernière hypothèse banalise l'événement, mais d'autres hypothèses plus normatives pourraient être formulées : position ou situation sociale des défunts, dépendant elle même de relations familiales, etc. Ainsi,dans certains cimetières africains (Holl, 1990), les objets en terre déposés dans les tombes, qui entrent dans le schéma hiérarchique des valeurs en quatrième position, sont ensuite subdivisés en fonction du travail investi dans la production de chaque objet, pour laquelle les jarres occupent ainsi la position dominante. L'ensemble de ces données permet de supposer que les sujets inhumés sous les tumulus avaient une prééminence sociale dont l'importance semble fonction de l'importance de la structure tumulaire et de la place dans la nécropole. Ici, comme dans d'autre cimetières africains d'époque historique (Holl, 1990) l'organisation hiérarchique du monde des morts, pourrait refléter celle du monde des vivants. Le fait, que les sujets ayant des caractères discrets en commun proviennent de tumulus de diamètre semblable tendrait à accréditer l'hypothèse d'une prééminence à divers degrés, chacun d'eux étant tenu par des factions, des lignages, ou des segments de lignages ayant peut-être pour certains d'entre eux des rapports étroits. 87. En 93 et 145 VII. — PERSPECTIVES POUR UNE ETHNO-fflSTOIRE 191 Le fait que la plupart des sujets inhumés sous tumulus soient indiscernables des autres sujets inhumés dans la nécropole est en faveur de l'émergence d'une hiérarchie locale. Cependant, les outliers reposent le problème du site central dans lequel auraient été inhumés des sujets extérieurs à la communauté, ou des sujets relevant d'un élargissement ou d'une modification du cercle des alliances au plus haut niveau. 4. — LE GROUPE CHRÉTIEN Les éléments en notre possession, ainsi que la fouille de la partie chrétienne de la nécropole, sont trop incomplets pour permettre une approche globale. Cependant, l'étude des caractères discrets a montré que chaque sous-ensemble individualisé dans le groupe chrétien était étonnamment homogène. Un des faits qui semble le plus intéressant, pour l'organisation de la nécropole de Missiminia est que la presque totalité des outliers chrétiens provient de tombes chrétiennes situées dans le cimetière ballanéen. Pour Vila (1985), ces sépultures chrétiennes situées dans le cimetière ballanéen seraient intrusives « utilisant les espaces libres entre les tombes des périodes antérieures ». Cependant, selon lui le fait troublant est que les chrétien soient restés dans le domaine funéraire et que finalement il n'y ait que quelques tombes. Ceci amène Vila à formuler des hypothèses très lourdes concernant soit un effondrement démogra phique par le biais de conditions de vie moins favorables, soit un retrait des populations dans d'autres lieux (îles ou escarpements). En fait, une autre hypothèse envisageable est celle d'une avancée précoce de la foi chrétienne en milieu ballanéen. Des sujets attribués au groupe chrétien seraient en fait des sujets « ballanéens christianisés ». Que certains d'entre eux se retrouvent parmi les outliers pourrait être l'indice d'une inhumation dans cette nécropole de sujets chrétiens d'autres communautés. Leur situation, pour certains d'entre eux, près des grands tumulus où ont été enterrés des sujets prééminents, soit christianisés, soit favorables au christianisme, n'est peut être pas étrangère à cet état de fait. Cette apparition de la foi chrétienne en milieu ballanéen, est un élément attesté de longue date et retrouvé à Missiminia. Décubitus des sujets inhumés sous tumulus, apparition dans des tumulus de 2 jarres et d'une amphore où figurent des croix potencées peintes en noir (Vila, 1985, p. 152). De même, dans la partie sud du cimetière ballanéen, des sépultures dont l'axe est orienté Est-Ouest «pourraient témoigner aussi d'une dérive vers les pratiques chrétiennes». En fait, le problème qui se pose ici est l'attribution d'une sépulture à l'un ou l'autre groupe. Il apparaît que la typologie des structures funéraires est rarement caractéristique. L'attribution des sépultures au groupe chrétien a été réalisée à partir de la position du corps en décubitus (bien que des exceptions soient connues) et de la présence ou de l'absence du mobilier funéraire. C'est-à-dire que tout sujet ballanéen inhumé en suivant les règles d'inhumation des premiers chrétiens, a été attribué à une phase chrono logiquement postérieure, tandis que ceux auprès desquels était déposé du mobilier étaient chronologiquement bien classés. — VIII.— CONCLUSIONS: LE POST-MÉROÏTIQUE, L'HISTORIOGRAPHIE EUROPÉENNE ET L'HISTOIRE DE L'ANTHROPOLOGIE Jusque dans les années 1970, le problème de la transition méroïtique / ballanéen était encombré par des interférences engendrées par l'historiographie européenne. Le débat anthropologique sur les grandes invasions du Haut Moyen Age en Europe était transposé à la vallée du Nil. À cette époque, l'anthropologie était considérée comme une science annexe. Elle devait valider, à partir de données raciologiques, des interprétations historiques tirées de données archéologiques, intéressant principalement l'architecture et le mobilier. Avecle développement de la New Archaeology, les archéologues ont privilégié les facteurs d'évolution sur place. Ceci a eu pour corollaire une nouvelle validation demandée à l'anthropologie qui était basée, entre autres, sur les caractères discrets dont, à l'époque, la sélection et le traitement en étaient à leurs débuts. Ces deux approches présentées longtemps comme radicalement différentes ont bien abouti à des résultats opposés qui ne mettaient en exergue que les hypothèses de départ. Il apparaît aujourd'hui que, si les méthodes et la façon d'envisager le problème étaient différentes, les fondements de ces études étaient en fait exactement semblables. Ceux-ci postulaient, d'une part que des données anthropologiques pouvaient valider ou invalider des données archéologiques et/ou historiques, d'autre part que le monde des morts était représentatif du monde des vivants. La nécropole de Missiminia, grâce à l'état de conservation absolument parfait de plus de 350 crânes, et grâce au contexte archéologique reconnu par Vila sur plus de 60 kilomètres de bief, permet de reposer le problème. En effet, grâce aux caractères discrets, il apparaît que la question anthropologique du post-Méroïtique ne peut être posée aussi brutalement qu'elle l'avait été jusqu'à présent. Il semble que les changements aient intéressé les structures de parenté et l'organisation des ensembles sépulcraux. Ces données, qui intéressent aussi bien le monde des morts que celui des vivants, ne peuvent être appré hendées que conjointement et de façon dynamique au cours du temps. LE MONDE DES MORTS Le cimetière méroïtique forme un ensemble étudiable en tant qu'entité et la distribution des nécropoles de cette période, le long du bief Dal-Niwatti, s'apparente à une juxtaposition d'entités. Celles-ci semblent le reflet de communautés relativement fermées, provenant, 1 94 E. CRUBÉZY ETAL— MICROÉVOLUTION D* UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN dans le cas de Missiminia, vraisemblablement d'un phénomène de fusion. Par la suite le nombre d'étrangers à la communauté biologique devait être réduit au minimum. Le passage au post-méroïtique n'a peut-être pas été aussi brutal que le laisseraient penser le mobilier et la position des cadavres. Lorsque d'autres éléments sont priviligiés, comme par exemple le nombre de sujets par tombe, ou la proximité de sujets apparentés, des signes avant coureurs du passage du méroïtique au ballanéen apparaissent très tôt à Missiminia, et une certaine stabilité est enregistrée. Ainsi, une évolution dans la disposition des tombes dans le nombre de sujets qu'elles contiennent est très tôt perceptible. Les sépultures les plus au sud du cimetière méroïtique ont un profil démographique qui s'apparente à celui du cimetière ballanéen. De plus, les derniers inhumés (groupe méroïtique tardif) ont été déposés dans des coffres individuels situés, soit dans le remplissage de tombes méroïtiques, soit à l'intérieur de celles-ci, une fois les squelettes antérieurs évacués. Le passage de la tombe contenant un ou plusieurs sujets à la tombe individuelle semble donc s'être réalisé en mosaïque, chaque composante évoluant à des vitesses différentes. Les causes de cette évolution sont difficilement perceptibles. Cependant, il est probable qu'elles intéressaient les rapports entre la famille, la faction et/ou les lignages, et la communauté. C'est en effet lorsque la tombe devient individuelle que la hiérarchisation entre les sépultures apparaît et qu'une ouverture des communautés, intéressant vraisembla blement plus les hommes que les femmes, se réalise. Le cimetière ballanéen est très structuré, tout comme les différentes aires d'inhumations le sont entre elles. À l'opposition nord/sud de la nécropole peut être comparée celle entre le nombre de tombes et le diamètre des tumulus de chaque site. Nous ne sommes plus face à une entité étudiable en tant que telle, mais à l'un des maillons d'une organisation plus générale, d'une appropriation de l'espace. Dans celle-ci, les différentes parties de cimetière et les différentes nécropoles doivent avoir des fonctions complémentaires de statut, de recrutement, etc. Il semble qu'il y ait eu une apparition relativement précoce de la foi chrétienne en milieu ballanéen, et les deux religions ont certainement coexisté. Les rapports entre les communautés ballanéenne et chrétienne ne sont pas faciles à analyser. Il apparaît, en tout cas, que la sépulture de groupe chrétienne 2V6 46 contient des sujets très homogènes en ce qui concerne les caractères discrets, tandis qu'au moins une partie de la communauté ballanéenne, plus hétérogène, devait avoir un cercle des alliances beaucoup plus ouvert. Curieusement, à Missiminia, deux phénomènes sont à opposer, d'une part l'inhumation dans la partie supérieure des sépultures Ballanéennes de sujets de religion chrétienne, certainement parents avec les premiers inhumés, d'autre part l'inhumation de sujets chrétiens, pour certains vraisemblablement étrangers à la communauté de Missiminia, près des grands tumulus de la nécropole. Dans ces derniers, si la position des corps et l'existence de croix rappellent une certaine expression du christianisme, telle celle connue en Europe, il n'en est pas de même de la richesse du mobilier associé. Tout se passe donc comme si il y avait deux religions (la ballanéenne et la chrétienne) et comme si, chez les sujets chrétiens, il y avait deux rites : l'un intéressant les sujets ayant une certaine prééminence sociale et l'autre le reste de la population. vni. — conclusions 195 Cette coexistence de deux rites n'est pas, a priori, impossible. Au nord de la seconde cataracte, en 543, le prêtre Julien avait baptisé, suivant le rite monophysite, les souverains du pays, tandis que la majorité de la population avait déjà adopté, sous l'influence de l'Egypte chrétienne, cette foi. Classiquement, la région au sud de la seconde cataracte jusqu'à Méroé fut convertie, par une mission de l'empereur Justin II, en 567/570 au rite orthodoxe melchite et elle adopta le monophysisme en 660/700 (Michalowski, 1987). En raison de la position très particulière de Missiminia, juste au sud de la seconde cataracte, il n'est pas impossible que le christianisme soit apparu avant 567/570 et qu'à un moment donné les deux rites aient coexisté. Les croix potencées peintes en noir sur les poteries retrouvées dans les grands tumulus sont vraisemblablement un signe de glorification (Tristan, 1996, p. 560). Ce dernier s'intègre dans un concept de gloire, cher aux monophysites pour qui la nature divine du Messie avait absorbé la nature humaine (Concile d'Ephése de 449). Il ne serait donc pas impossible que la mission de l'empereur Justin II en 567/570 qui aurait converti la Haute Nubie au rite orthodoxe melchite ait trouvé les classes dirigeantes déjà converties, comme en Basse Nubie, au rite monophysite LE MONDE DES VIVANTSET L'ÉVOLUTION En ce qui concerne les données anthropologiques, les caractères discrets ont permis de mettre en évidence la micro-évolution à l'intérieur des groupes eux même ainsi que certains des facteurs intéressant notamment les structures de parenté. Il est ainsi apparu que la communauté inhumée à Missiminia provenait certainement de la fusion de deux ou plusieurs groupes où les lignées paternelles ont joué un rôle prédominant au cours de la période méroïtique. D'après des données tirées des caractères discrets et des compar aisons avec différentes situations biologiques, il semble qu'au post-méroïtique il y ait eu une ouverture des communautés, accompagnée vraisemblablement d'une modification ou d'un élargissement du cercle des alliances. Le passage d'une période à l'autre ne semble pas s'être accompagné de modifications démographiques majeures, même si celles-ci restent toujours difficiles à quantifier. Cependant, l'appréciation des transformations au post-méroïtique est troublée par le changement d'organisation des nécropoles et l'apparition de la foi chrétienne en milieu ballanéen. Il n'est pas toujours aisé de distinguer ce qui résulte des facteurs de biais de l'échantillon en raison des pratiques funéraires, de ce qui est le propre de la micro-évolution de la population. En effet, les grands tumulus où sont inhumés des sujets ayant une certaine prééminence sociale et peut-être convertis plus tôt que les autres au christianisme semblent avoir servi de pôle à l'inhumation de sujets christianisés et vraisemblablement étrangers à la communauté biologique de Missiminia. Le post-méroïtique apparaît désormais accompagné d'une modification profonde de l'espace vécu (Fremont et ai, 1982) des communautés. Il semble qu'il y ait eu une appropriation de l'espace par une élite locale, composée de factions, de lignages ou de 196 E. CRUBÉZY ETAL — MICROÉVOLUTION D* UNE POPULATION HISTORIQUE DU SOUDAN segments de lignages. Paradoxalement, les modifications profondes de l'espace vécu, la coexistence de deux religions et de plusieurs rites, tout en gênant la définition même des groupes à analyser, nous renseignent directement sur les raisons des changements observés. Les premiers archéologues, faute de pouvoir donner une définition historique plus précise, avaient employé le terme de «groupe X». Pendant plus de 80 ans, en postulant des invasions ou une évolution sur place, les anthropologues ont cherché à conforter des explications ne prenant pas en compte les gisements d'où provenaient les squelettes. Le travail présent en s'intéressant au recrutement et à l'organisation des ensembles sépulcraux, avant toute approche de la micro-évolution, montre que la question du post-Méroïtique restera ouverte, pendant longtemps encore, alors que s'évanouissent déjà les images des invasions ou de l'évolution sur place. BIBLIOGRAPHIE Abiteboul (M.), 1987. Hyperostose vertébrale ankylosante. Encyclopédie Médico-chirurgicale, Paris, Appareil locomoteur, 15 861 A 10, 4 C. Adachi (В.), 1900. Anatomische Untersuchungen an Japanem. Z. Morph. Anthrop., 2: 198-222. Adams (W.Y.), 1967. Continuity and Change in Nubian Culture History. Sudan Notes and Records, 48:1-32. 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