Cahier de
l’auto-
immunité
LA BARRIÈRE INTESTINALE ET SES
PATHOLOGIES
27/01/2019
Du microbiote au leaky gut syndrome
L'intestin constitue une frontière entre l'organisme et l'environnement
extérieur. Son rôle est crucial dans la protection contre les éléments
potentiellement dangereux. En outre, dans un contexte particulier, il exerce
les deux fonctions vitales que sont labsorption et la digestion des
nutriments. Il est en permanence colonisé par une communauté riche de
micro-organismes, la plus dense sur terre, le microbiote intestinal. Et les
preuves s’accumulent que ce microbiote assure des fonctions essentielles
pour la digestion ou la protection contre les infections. Un équilibre entre
toutes ces composantes est le seul garant de l’efficacité de la barrière
intestinale et, de là, de l’intégrité de tout notre organisme.
Cahier de lauto-immunité médecine interne Dr Khadija Moussayer
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D U M I C R O B I O T E A U L E A K Y G U T S Y N D R O M E
SOMMAIRE
I/ Le microbiote : un centre de gravité
II/ Le GALT : premier organe immunitaire
III/ Un second cerveau dans l’intestin
IV/ Barrière intestinale et maladies auto-immunes
IV.1/ Le diabète de type 1
IV.2/ La polyarthrite rhumatoïde
IV.3/ Maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI)
V/ Atrophies villositaires et pathologies associées
V.1/ La maladie cœliaque
V.2/ Causes inflammatoires et infectieuses
V.3/ La maladie des chaînes lourdes alpha
V.4/ L’entéropathie auto-immune
V.5/ Déficits immunitaires
V.6/ Intolérance aux protéines du lait de vache
V.7/ Autres causes des atrophies villositaires
ANNEXES
1/ Infusion fécale : nouveau traitement du Clostridium difficile
2/ Bisphénol A : action délétère sur l’intestin
3/ Perméabilité intestinale : test de mesure
4/ Probiotiques : amis des intestins
5/ La barrière intestinale : effet des médicaments
Bibliographie
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L’épithélium intestinal humain est la plus grande surface de contact avec le milieu
extérieur. Il représente 300 m2 de muqueuse, contre 140 m2 pour le poumon et 2 m2
pour la peau. Il a la particularité de n’avoir qu’une couche de cellules se renouvelant
toutes les 36 heures et reliées entre elles par des jonctions serrées assurant le rôle de
barrière. Par ailleurs, l'intestin contient la plus forte concentration de cellules
immunologiquement compétentes, et la flore qu’il renferme représente 10 fois le nombre
de cellules de l'organisme.
L’altération de cette flore, de plus en plus importante depuis les deux derniers siècles, a
fragilisé notre système immunitaire et a favorisé le développement de maladies dites « de
civilisation » : phénomènes allergiques et maladies inflammatoires chroniques.
L’augmentation de la perméabilité intestinale ou leaky gut syndrome est de plus en plus
incriminée dans certains désordres auto-immuns et dans plusieurs autres pathologies
telles l’obésité, l’arthrose, l’autisme…
I/ Le microbiote : un centre de gravité
Antérieurement appelé flore intestinale, le microbiote est l’ensemble de la microflore
résidant dans l’intestin. Le nombre de bactéries est de 10 puissance 14, soit 10 fois le
nombre de cellules de l’organisme. La diversité bactérienne est maximale dans le gros
intestin. Il comporte 100 fois plus de gènes que le nome humain avec plus de 500
espèces réparties le long du système digestif. L’ADN humain compte environ 20 000
gènes, mais l’ensemble des ADN des micro-organismes (bactéries, virus et champignons)
présents en permanence à la surface ou à l’intérieur du corps humain en compte plus d’un
million !
À la naissance, le tube digestif est stérile. Sa colonisation commence à l'accouchement et
dépend de son mode, de l'environnement et de l'alimentation. Le microbiote est mature à
l'âge de 2 à 4 ans. Chaque individu possède un microbiote qui lui est propre. Il s’agit d’une
vraie carte d’identité biologique.
Il a des fonctions capitales de protection contre la colonisation par d'autres bactéries, de
production de molécules antibactériennes, d'aide à la maturation du système immunitaire
et d’induction de la réponse immunitaire. Il contribue également à la maturation de
l'épithélium intestinal et au renforcement des jonctions cellulaires.
De plus, sa fonction métabolique est incontournable, avec la production de vitamines et
d'acide gras à courte chaîne, à partir de polyosides non absorbés, la synthèse d'acides
aminés et la fermentation des substrats non digérés par l'homme.
Des couvertes passionnantes faisant état d’un lien entre anomalies du microbiote et
plusieurs pathologies ont récemment été rendues possibles, grâce à l’arrivée d’outils de
détection moléculaire permettant d’identifier les bactéries de la flore intestinale et de
détecter des anormalités : avec la PCR quantitative, les sondes dhybridation in situ et la
possibili d’étudier le transcriptome (ARN messager), le métabolome (proines) et même
le potentiel génétique des gènes non exprimés (méta-génomique), les paysages
bactériens et les écosystèmes sont identifiables aujourd’hui. Il existe un échange de
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matériel gétique entre le microbiote intestinal et l'organisme humain faisant de ce
dernier un "méta-organisme".
II/ Le GALT : premier organe immunitaire
Le tissu lymphoïde associé au tube digestif ou GALT, (gut-associated lymphoid tissue)
contient plus de lymphocytes que tous les organes lymphoïdes secondaires, abritant ainsi
plus de 70 % des cellules du système immunitaire. Il est composé de structures
organisées en follicules (plaques de Peyer et ganglions mésentériques) et d’une autre,
diffuse, la lamina propria.
Il fait partie de la grande famille du MALT (Mucosae Associated Lymphoid Tissue), qui
comprend, entre autres, le NALT pour la muqueuse Nasale et le BALT pour le tissu
Bronchique. Ceux-ci partagent la migration des cellules entre les différents sites et des
effecteurs identiques : les IgA sécrétoires (on rappellera que ces immunoglobulines sont
des anticorps qui jouent un rôle crucial dans la fonction immunitaire des muqueuses en
constituant une première ligne de défense contre les toxines et les agents infectieux
présents dans l'environnement). Ces dernières participent à l’inhibition de la translocation
bactérienne et de la multiplication virale dans les entérocytes. Elles peuvent également
neutraliser les toxines et bloquer l’adhésion des bactéries à la muqueuse intestinale.
De connaissance récente -fin des années mille neuf cents soixante-dix-, le système
immunitaire digestif utilise les mêmes acteurs moléculaires et cellulaires que le système
immunitaire systémique, tout en présentant la particulari de distinction entre les
antigènes inoffensifs contenus dans les aliments et les bactéries commensales, d’une
part, et les agents pathogènes, d’autre part. Les cellules épithéliales de ces sites sécrètent
des peptides antimicrobiens (défensines et cathélicidines) qui bloquent la croissance des
cellules bactériennes et fongiques.
Le MALT couvre un territoire de plus de 600 confronté à différents types
d'antigènes. Les antigènes alimentaires sont les plus importants en volume et
représentent environ une tonne par an chez un humain. La majorité des antigènes de
l’environnement parviennent également dans le tube digestif par le biais des secrétions
ORL et lacrymales avalées constamment et des secrétions bronchiques remontant au
carrefour oro-pharyngé.
III/ Un second cerveau dans l’intestin
Le tube digestif est innervé comme tout organe périphérique par une composante
extrinsèque du système nerveux autonome (SNA), les corps cellulaires des neurones
étant en dehors de lintestin. (rappelons que le système nerveux autonome ou système
nerveux viscéral, encore appe système nerveux végétatif, est la partie du système
nerveux responsable des fonctions non soumises au contrôle volontaire).
Mais sa grande particularité est représentée par le système nerveux entérique (SNE), une
composante intrinsèque du SNA. Le système nerveux entérique est la partie du système
nerveux autonome qui contrôle le système digestif aussi bien pour l'activité motrice
(péristaltisme, vomissements, complexes moteurs migrants, réflexes entériques) que pour
les sécrétions et la vascularisation. Il est formé de plus de 200 à 600 millions de cellules
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nerveuses, soit approximativement le même nombre que celles de la moelle épinière (le
cerveau en contient une centaine de milliards).
Les neurones du SNE (système nerveux entérique) et le SNC (système nerveux central
: partie du système nerveux comprenant l'encéphale et la moelle spinale.) partagent
la même origine embryonnaire, des similarités fonctionnelles et chimiques : vingt
neurotransmetteurs ont été répertoriés dans le SNE (sérotonine, acétylcholine,
noradrénaline …). La sérotonine est produite à 95 % dans lintestin. Le SNE est connecté
au système nerveux central via le nerf pneumogastrique qui joue un rôle fondamental
dans la régulation végétative (digestion, fréquence cardiaque…) ainsi que dans le contrôle
sensorimoteur du larynx, et donc de la phonation. Il véhicule un courant permanent de
messages entre le cerveau et l’intestin.
Il existe donc un axe intestin-cerveau qui contrôle les processus digestifs, le
comportement alimentaire, le système immunitaire gastro-intestinal et la réponse au
stress, à la douleur ou aux émotions. Ce SNE s’apparente au cerveau, souffrant parfois
des mêmes maux. Il est également capable de lui transmettre les siens en nérant des
émotions. Le stress, ressenti au niveau du SNE, agit directement sur la muqueuse
intestinale et provoque la sécrétion de sérotonine. Le SNE serait aussi capable de se
souvenir et participerait à la phase de ves pendant le sommeil en produisant également
de la sérotonine.
A contrario, le SNE peut être lésé lors de maladies qui touchent le cerveau comme la
maladie de Parkinson. Les lésions spécifiques observées dans les pathologies neuro-
génératives se retrouvent dans les neurones du SNE. Les substances chimiques neuro-
actives (antiparkinsoniennes, neuroleptiques …) agissent également au niveau du SNE,
provoquant ainsi de nombreuses manifestations digestives (troubles du transit, spasmes,
irritations …).
IV/ Barrière intestinale et maladies auto-immunes
La rupture de la barrière intestinale serait à l’origine des troubles auto-immuns par la mise
en relation d’un environnement perturbateur avec des gènes prédisposants. En cas
d’hyperperméabilité de la barrière intestinale, une entrée massive de molécules provenant
d’aliments mal digérés ou de substances xénobiotiques issues de l’alimentation ou de
prises médicamenteuses peut déclencher, selon le terrain génétique, des troubles auto-
immuns intestinaux et extra-intestinaux affectant la peau, les articulations, les tendons, les
muscles, la thyroïde, les poumons, le système nerveux…
Ce nouveau paradigme suggère que les processus d’auto-immuni sont susceptibles
d’être arrêtés si cette interaction est empêchée en rétablissant la fonction de la barrière
intestinale.
IV.1/ Le diabète de type 1
Des scientifiques ont comparé la composition et linteraction du microbiote chez des
enfants développant des auto-anticorps spécifiques au diabète avec les mêmes données
chez des enfants en bonne santé. L’existence d’interactions, chez les diabétiques de type
1, entre leur microbiote et certains anticorps typiques du diabète des années avant même
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