
_____________________________________________________________________________________________________________ RÉSEAUX DE DISTRIBUTION
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© Techniques de l’Ingénieur, traité Génie électrique D 4 210 − 5
De plus, la coexistence de plusieurs tensions pose des problèmes
de jonctions entre les portions de réseaux de tensions différentes,
limitant ainsi la souplesse d’exploitation (secours mutuel compliqué
en cas d’incident) et restreignant les possibilités de développement
des réseaux.
2.3.1 Critères de choix de la MT
■Sur le plan théorique, les tensions élevées présentent des
avantages incontestables :
— dans les zones urbaines à densité de charge élevée, les
distances de desserte sont faibles, mais les puissances à desservir
importantes ; les contraintes essentiellement rencontrées sont les
limites dues à l’intensité du courant admissible dans les câbles ; à
section de conducteur égale, la charge pouvant être desservie est
directement proportionnelle à la tension du réseau ;
— dans les zones rurales à faible densité de charge, les problèmes
sont rarement liés aux contraintes de courants admissibles dans les
conducteurs, mais aux chutes de tensions admissibles en bout de
ligne, les longueurs des conducteurs étant beaucoup plus impor-
tantes qu’en milieu urbain ; à section et longueur de conducteur
égales, la charge pouvant être desservie est directement propor-
tionnelle au carré de la tension du réseau ;
— de plus, que ce soit en zone urbaine ou en zone rurale, à puis-
sance desservie égale, une tension plus élevée a l’avantage de
diminuer les pertes Joule dans les conducteurs.
On voit donc que les tensions élevées sont bien adaptées à la
fois en zones rurales et urbaines, surtout si les charges à desservir
sont importantes.
Néanmoins, il existe un facteur limitatif essentiel, qui est le coût
des ouvrages associé à la tension. Cela est vrai pour les réseaux
aériens ruraux, la taille des ouvrages augmentant avec la tension,
mais cela l’est encore plus en milieu urbain. En effet, les problèmes
liés aux techniques des réseaux souterrains (câbles, matériels de
coupure) et les contraintes d’encombrement font que la mise en
œuvre des matériels de tension élevée, particulièrement lorsque
l’on dépasse 20 kV pour atteindre 30 kV et plus, devient rapidement
coûteuse et délicate.
■La tension optimale de desserte résulte fondamentalement
d’un compromis entre charge à desservir et coût des ouvrages.
D’une façon générale, en Europe notamment, on peut classer les
tensions en trois groupes.
— Les tensions comprises entre 10 et 15 kV, plus particulièrement
utilisées dans les distributions urbaines, ont longtemps eu
l’avantage, contrairement aux tensions plus élevées, de permettre
l’utilisation de câbles souterrains simples, sûrs et bon marché. La
valeur limitée du rayon d’action des lignes à ces tensions rend néces-
saire l’utilisation d’une tension de répartition pour les zones rurales.
— Les tensions voisines de 20 kV peuvent être utilisées aussi bien
dans les distributions urbaines, grâce aux performances apportées
par des câbles maintenant sûrs et économiques, que dans les
distributions rurales, grâce au rayon de desserte des lignes
aériennes ; elles assurent une capacité de desserte beaucoup plus
étendue que celles du groupe précédent.
— Les tensions comprises entre 30 et 35 kV, d’utilisation difficile
dans les distributions urbaines par suite de l’encombrement de
l’appareillage et des transformations, et du coût des câbles, ont
retrouvé un regain d’intérêt pour la distribution en lignes aériennes
dans les zones d’habitat dispersé à faible densité de charge. La
capacité et le rayon de desserte des lignes à 30 kV leur permettent
également, pour ces mêmes zones, de jouer un rôle de répartition,
voire de transport pour les régions en début d’électrification.
Par ailleurs, les perspectives de développement des charges sont
un élément déterminant. En théorie, il y a une tension de desserte
optimale à un instant donné, fonction de la charge à desservir à ce
moment-là (schématiquement, en milieu rural tout au moins, elle
est proportionnelle à la racine carrée de la charge). Cependant la
décision de choix d’une tension doit couvrir une large période (de
l’ordre de 30 ans et plus), compte tenu de l’ampleur financière et
technique d’une opération de changement de niveau de tension, et
de l’inertie qui en découle.
On voit donc qu’un compromis doit être recherché sur la période,
qui peut en général conforter le choix d’une tension élevée, surtout
pour les pays ayant une forte croissance.
La Commission Électrotechnique Internationale (publication 38
de la CEI) a donc été amenée à normaliser une gamme de tensions
visant à regrouper les techniques et les marchés autour de valeurs
qui résultent d’un compromis entre ce qui existe dans le monde et
ce qui va se développer (tableau 1). (0)
La qualité de service est également un facteur qui intervient. En
zone rurale, des tensions de l’ordre de 30 kV ne sont intéressantes
que pour alimenter des départs de grandes longueurs issus de postes
sources à grands rayons d’action. Si, pour des raisons de qualité
de service, on veut diminuer les longueurs de départs (les défauts
éventuels affecteront d’autant moins de clients), et c’est notamment
la politique appliquée en France, la tension de 20 kV est alors
préférable.
2.3.2 Exemple du choix français
■En France, la décision a été prise, en 1962, de normaliser la
tension MT à la valeur unique de 20 kV, sur l’ensemble des réseaux
aériens et souterrains. Mais le choix de cette option est l’épilogue
d’une longue histoire.
Après la Seconde Guerre mondiale, il existait sur le territoire
français un grand nombre de moyennes tensions. On trouvait, par
exemple, en triphasé :
10 ; 11 ; 13,5 ; 15 ; 16,5 ; 17,3 ; 18 ; 22 kV
Les premières directives de normalisation n’ont retenu que 5
valeurs possibles, soit :
• 5,5 ; 10 ; 15 et 20 kV pour les réseaux de distribution MT propre-
ment dits, en considérant la tension de 15 kV comme préférentielle ;
• 30 kV pour les réseaux de sous-répartition MT.
En 1960, 85 % des longueurs des réseaux MT étaient exploitées
à l’une des 5 tensions normalisées et, parmi celles-ci, le réseau à
15 kV en représentait 52 %.
En réalité, beaucoup de réseaux fonctionnant à des tensions infé-
rieures à 15 kV étaient équipés de matériel prévu pour 15 kV (matériel
de tension spécifiée 17,5 kV). Cependant, il apparaissait que cette
tension de 15 kV était peu répandue sur le plan international.
Les résultats positifs d’études basées sur des essais de tenue du
matériel à 15 kV sous 20 kV, poursuivies sur plusieurs années, ont
été un critère essentiel du choix de 20 kV.
En 1991, les réseaux exploités à 20 kV représentent plus de 75 %
de l’ensemble des réseaux MT français. C’est d’ailleurs dans les
zones urbaines que l’inertie dans le transfert à 20 kV est la plus
forte, la rentabilité du changement n’étant pas, dans certains cas,
facilement justifiable sur le plan local.
Tableau 1 – Gamme normalisée (CEI)
des moyennes tensions
Réseaux triphasés sans neutre Réseaux triphasés avec neutre
11 kV ou 10 kV 12,5 kV ou 13,5 kV
22 kV ou 20 kV 25 kV
33 kV ou 35 kV 34,5 kV