Réseaux de distribution Structure et planification par Philippe CARRIVE D 4 210 12 - 1991 Ingénieur de l’École Nationale Supérieure des Ingénieurs Électriciens de Grenoble Ingénieur à EDF GDF SERVICES ASNIÈRES 1. 1.1 1.2 Généralités................................................................................................. Structure générale d’un réseau. Hiérarchisation par niveau de tension Réseaux de distribution : objectifs généraux ............................................ D 4 210 - 2 — 2 — 2 2. 2.1 2.2 2.3 2.4 2.5 2.6 2.7 Options techniques fondamentales.................................................... Choix du système et de la fréquence......................................................... Distributions triphasée et monophasée..................................................... Choix de la moyenne tension ..................................................................... Choix de la basse tension ........................................................................... Régimes de neutre MT ................................................................................ Régimes de neutre BT ................................................................................. Choix du courant maximal de court-circuit ............................................... — — — — — — — — 3 3 3 3 6 6 8 8 3. 3.1 3.2 3.3 3.4 3.5 3.6 3.7 Architecture des réseaux de distribution ......................................... Choix de l’architecture des réseaux ........................................................... Postes sources de la MT ............................................................................. Réseaux MT.................................................................................................. Postes MT/ BT............................................................................................... Réseaux BT................................................................................................... Contrôle-commande associé aux réseaux ................................................ Évolution des réseaux de distribution ....................................................... — — — — — — — — 9 9 9 12 16 19 19 21 4. 4.1 4.2 4.3 4.4 4.5 4.6 4.7 Planification des réseaux de distribution ......................................... Enjeux. Contexte politico-économique...................................................... Calcul technico-économique ...................................................................... Connaissance des charges.......................................................................... Qualité du produit électricité ...................................................................... Méthodologie. Outils informatiques .......................................................... Organisation et nature des études de planification.................................. Planification budgétaire des investissements........................................... — — — — — — — — 21 21 22 23 25 28 29 30 5. Conclusion ................................................................................................. — 31 6. Annexe A : ouvrages de distribution EDF (statistiques au 1er janvier 1990) ........................................................ — 31 7. Annexe B : caractéristiques des réseaux et de la qualité du produit électricité (1986)................................................................. — 32 a fonction générale d’un réseau électrique est d’acheminer l’énergie électrique des centres de production jusque chez les consommateurs et, l’électricité n’étant pas directement stockable (dans ce traité, article Stockage de l’électricité dans les systèmes électriques [D 4 030]), d’assurer la liaison à tout instant dans l’équilibre production-consommation. De plus, le réseau a un rôle de transformation, puisqu’il doit permettre de livrer aux utilisateurs un bien de consommation adapté à leurs besoins, le produit électricité, caractérisé par : — une puissance disponible, fonction des besoins quantitatifs du client ; — une tension fixée, fonction de cette puissance et du type de clientèle ; — une qualité traduisant la capacité à respecter les valeurs et la forme prévues de ces deux paramètres et à les maintenir dans le temps. L Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie électrique D 4 210 − 1 RÉSEAUX DE DISTRIBUTION ______________________________________________________________________________________________________________ 1. Généralités 1.1 Structure générale d’un réseau. Hiérarchisation par niveau de tension Dans les pays dotés d’un système électrique élaboré, le réseau est structuré en plusieurs niveaux (figure 1), assurant des fonctions spécifiques propres, et caractérisés par des tensions adaptées à ces fonctions. ■ Les réseaux de transport à très haute tension (THT) transportent l’énergie des gros centres de production vers les régions consommatrices (de 150 à 800 kV, en France 400 et 225 kV). Ces réseaux sont souvent interconnectés, réalisant la mise en commun de l’ensemble des moyens de production à disposition de tous les consommateurs. ■ Les réseaux de répartition à haute tension (HT ) assurent, à l’échelle régionale, la desserte des points de livraison à la distribution (de 30 à 150 kV, en France 90 et 63 kV). ■ Les réseaux de distribution sont les réseaux d’alimentation de l’ensemble de la clientèle, à l’exception de quelques gros clients industriels alimentés directement par les réseaux THT et HT. On distingue deux sous-niveaux : — les réseaux à moyenne tension (MT) : 3 à 33 kV ; — les réseaux à basse tension (BT) : 110 à 600 V. Dans la suite de cet article, on se référera à cette classification des tensions, couramment utilisée. Néanmoins, il convient de signaler que la récente publication UTE C 18-510 relative à la sécurité sur les ouvrages électriques, applicable en France depuis janvier 1989, définit de nouveaux domaines de tension. En courant alternatif, ces domaines sont : — domaine haute tension (HT) : • HTB .................................................................... U n > 50 000 • HTA........................................................1 000 < Un 50 000 — domaine basse tension (BT) • BTB...........................................................500 < Un 1 000 • BTA.............................................................50 < Un 500 • domaine très basse tension (TBT)................... Un 50 avec U n tension nominale (valeur efficace en volts). Il est à noter que les choix des différents niveaux de tension résultent directement de l’optimisation des volumes d’ouvrages au regard de la fonction à assurer, les tensions les plus élevées étant les plus adaptées au transport de quantités d’énergie importantes sur de longues distances. Dans le présent article, sont traités les réseaux de distribution, les autres réseaux étant développés dans l’article Réseaux de transport et d’interconnexion de l’énergie électrique. Développement et planification [D 4 070]. 1.2 Réseaux de distribution : objectifs généraux 1.2.1 Traité de concession. Service public Dans pratiquement tous les pays, la distribution de l’électricité fait l’objet d’une concession attribuée au distributeur par la puissance publique. Le sociétés concessionnaires, qu’elles soient publiques ou privées, ont le bénéfice du monopole sur un territoire fixé. D 4 210 − 2 Figure 1 – Hiérarchisation d’un réseau Cette situation de monopole permet de développer un réseau de distribution optimal pour la collectivité. En contrepartie de ce monopole, ces sociétés sont assujetties à un certain nombre d’obligations constitutives de leur mission de service public. En France, cette mission impose notamment le respect de deux règles fondamentales : — règle d’égalité : service de l’électricité dans des conditions égales pour tous (égalité de traitement et d’accès), dès lors que les besoins desservis sont semblables ; — règle de continuité : fonctionnement sans interruption du service de l’électricité (sauf cas de force majeure). Les cahiers des charges relatifs aux traités de concessions précisent ainsi l’ensemble des règles qui définissent les performances de base dont doivent être capables les réseaux de distribution, en tant qu’outil principal du distributeur. 1.2.2 Priorités liées au contexte socio-économique Si le respect des cahiers des charges est un objectif fondamental que doit viser à remplir le réseau, les priorités en matière de développement de réseau peuvent être variables en fonction de l’environnement social, technique, économique et écologique auquel est confronté le distributeur. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie électrique _____________________________________________________________________________________________________________ RÉSEAUX DE DISTRIBUTION Suivant le niveau de développement du pays, la distribution se situe dans un contexte différent. On distingue généralement trois phases : — la phase électrification, dans laquelle le souci essentiel consiste à créer et étendre le réseau sur l’ensemble du territoire pour satisfaire les besoins élémentaires de la population (l’éclairage principalement) ; — la phase croissance, dans laquelle le réseau doit suivre la demande spontanée en énergie électrique, liée à l’expansion économique du pays (développement quantitatif) ; — la phase qualité, dans laquelle le réseau doit répondre à des exigences accrues de la clientèle, liées au développement des usages de l’électricité dans les domaines les plus divers (développement qualitatif) et, particulièrement, dans les techniques de pointe ; ce souci de la qualité est d’autant plus important, qu’il est une condition de l’augmentation des ventes dans un contexte où, en raison de la saturation relative des usages captifs, la pénétration de l’électricité se fait de plus en plus dans les secteurs concurrentiels. La France, après avoir successivement connu les deux premiers stades, se situe depuis quelques années dans cette troisième phase. On voit ainsi que l’évolution d’un réseau de distribution est conditionnée par le respect de trois objectifs fondamentaux, même si les priorités sont variables : — la desserte de la clientèle ; — l’aptitude à faire face au développement de la consommation ; — la recherche d’une qualité du produit électricité adaptée aux besoins de la clientèle (si nécessaire au-delà des spécifications des cahiers des charges de concession). Et, bien évidemment, cela doit se faire au coût le plus faible (coûts d’investissements, d’exploitation et d’entretien). Il convient, également, de prendre en compte, dans la conception et la réalisation des réseaux, d’autres aspects, notamment : — la sécurité des personnes (exploitants ou tiers) ; — les contraintes relatives à l’environnement (écologie, encombrement). 2. Options techniques fondamentales 2.1 Choix du système et de la fréquence ■ Historiquement, et notamment dans beaucoup de grandes villes des pays industrialisés, c’était le courant continu qui était utilisé dans les premiers réseaux de distribution. L’évolution technologique des moyens de production, la faculté d’adapter les tensions aux puissances au moyen de transformateurs, l’avantage que procure le passage par zéro du courant pour couper celui-ci dans les disjoncteurs ont conduit depuis longtemps déjà à utiliser le courant alternatif dans les réseaux de distribution, et cela de manière quasi universelle. À Paris, par exemple, les derniers réseaux à courant continu ont disparu vers 1965. Ceux-ci n’étaient d’ailleurs plus développés depuis 1930, ce qui montre le poids de l’histoire dans les structures de réseaux. ■ Par le passé, des fréquences diverses ont été utilisées à travers le monde. Actuellement, il n’en reste que deux : 50 Hz, notamment en Europe, et 60 Hz, principalement en Amérique du Nord. Notons qu’une valeur commune de la fréquence a l’avantage capital de permettre une interconnexion internationale des réseaux de transport, ce qui est effectivement largement le cas en Europe. Le cahier des charges français spécifie une tolérance de ± 1 Hz autour de la valeur nominale. Dans la réalité, et du fait de l’interconnexion, les écarts enregistrés sont beaucoup plus faibles (de l’ordre de 0,1 Hz en exploitation normale). Les baisses de fréquences sont liées à un déséquilibre accidentel entre production et consommation, la production devenant insuffisante. 2.2 Distributions triphasée et monophasée Un avantage bien connu des systèmes électriques triphasés est de permettre le transport de la même quantité d’énergie avec une section conductrice totale deux fois moindre qu’en système monophasé. L’intérêt économique découlant de ce principe fait que, dans les pays industrialisés, la distribution MT est très généralement triphasée, tout au moins sur les lignes d’ossature. Néanmoins, sur des dérivations desservant des charges faibles et dispersées, les transits étant faibles par rapport aux capacités électriques des conducteurs, même de faible section (la limite inférieure étant liée à des considérations de tenue mécanique), l’alimentation monophasée peut être intéressante économiquement (2 fils au lieu de 3). En vertu de ces principes, et en fonction des topologies rencontrées, on distingue, à travers le monde, différents systèmes de distribution MT. Citons principalement (figure 2) : — le système nord-américain (figure 2a ) à neutre distribué directement mis à la terre ; l’ossature triphasée est composée de quatre fils, et les dérivations, à distribution monophasée entre phase et neutre, comportent un ou plusieurs fils de phase, suivant la puissance à desservir, plus le neutre ; — le système utilisé par exemple en Grande-Bretagne ou en Irlande (figure 2b ), qui à partir d’ossatures triphasées à trois fils sans neutre distribué alimente des dérivations qui peuvent être à deux fils de phase ; — le système australien (figure 2c ), particulièrement économique, est constitué d’ossatures à trois fils sans neutre distribué, avec, entre autres, des dérivations monophasées à un seul fil avec retour par la terre (cette solution nécessite une faible résistivité du sol) ; — le système français (figure 2d ), entièrement triphasé en ossatures et dérivations, à neutre non distribué. Il est à noter que, à ces différents systèmes, doivent être associés des dispositifs de protection contre les défauts électriques adaptés, dont la mise en œuvre est plus ou moins aisée, mais que nous ne détaillerons pas ici (articles Protection des réseaux [D 4 800] [D 4 810] [D 4 815] [D 4 820] dans ce traité). Nota : signalons au passage, l’existence à Paris, de réseaux diphasés, liés à des errements anciens et destinés à disparaître à terme. 2.3 Choix de la moyenne tension Le choix d’une moyenne tension est une décision stratégique engageant l’avenir, lourde de conséquences quant à la structure et à l’évolution des réseaux et ayant un impact économique important. La volonté de standardiser les matériels, pour des raisons d’exploitation, d’approvisionnement et de réduction des prix de revient au niveau des constructeurs, conduit naturellement à limiter le plus possible le nombre de MT à mettre en œuvre sur les réseaux. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie électrique D 4 210 − 3 RÉSEAUX DE DISTRIBUTION ______________________________________________________________________________________________________________ Figure 2 – Différents modes de distribution D 4 210 − 4 Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie électrique _____________________________________________________________________________________________________________ RÉSEAUX DE DISTRIBUTION De plus, la coexistence de plusieurs tensions pose des problèmes de jonctions entre les portions de réseaux de tensions différentes, limitant ainsi la souplesse d’exploitation (secours mutuel compliqué en cas d’incident) et restreignant les possibilités de développement des réseaux. est proportionnelle à la racine carrée de la charge). Cependant la décision de choix d’une tension doit couvrir une large période (de l’ordre de 30 ans et plus), compte tenu de l’ampleur financière et technique d’une opération de changement de niveau de tension, et de l’inertie qui en découle. 2.3.1 Critères de choix de la MT On voit donc qu’un compromis doit être recherché sur la période, qui peut en général conforter le choix d’une tension élevée, surtout pour les pays ayant une forte croissance. ■ Sur le plan théorique, les tensions élevées présentent des avantages incontestables : — dans les zones urbaines à densité de charge élevée, les distances de desserte sont faibles, mais les puissances à desservir importantes ; les contraintes essentiellement rencontrées sont les limites dues à l’intensité du courant admissible dans les câbles ; à section de conducteur égale, la charge pouvant être desservie est directement proportionnelle à la tension du réseau ; — dans les zones rurales à faible densité de charge, les problèmes sont rarement liés aux contraintes de courants admissibles dans les conducteurs, mais aux chutes de tensions admissibles en bout de ligne, les longueurs des conducteurs étant beaucoup plus importantes qu’en milieu urbain ; à section et longueur de conducteur égales, la charge pouvant être desservie est directement proportionnelle au carré de la tension du réseau ; — de plus, que ce soit en zone urbaine ou en zone rurale, à puissance desservie égale, une tension plus élevée a l’avantage de diminuer les pertes Joule dans les conducteurs. On voit donc que les tensions élevées sont bien adaptées à la fois en zones rurales et urbaines, surtout si les charges à desservir sont importantes. Néanmoins, il existe un facteur limitatif essentiel, qui est le coût des ouvrages associé à la tension. Cela est vrai pour les réseaux aériens ruraux, la taille des ouvrages augmentant avec la tension, mais cela l’est encore plus en milieu urbain. En effet, les problèmes liés aux techniques des réseaux souterrains (câbles, matériels de coupure) et les contraintes d’encombrement font que la mise en œuvre des matériels de tension élevée, particulièrement lorsque l’on dépasse 20 kV pour atteindre 30 kV et plus, devient rapidement coûteuse et délicate. ■ La tension optimale de desserte résulte fondamentalement d’un compromis entre charge à desservir et coût des ouvrages. D’une façon générale, en Europe notamment, on peut classer les tensions en trois groupes. — Les tensions comprises entre 10 et 15 kV, plus particulièrement utilisées dans les distributions urbaines, ont longtemps eu l’avantage, contrairement aux tensions plus élevées, de permettre l’utilisation de câbles souterrains simples, sûrs et bon marché. La valeur limitée du rayon d’action des lignes à ces tensions rend nécessaire l’utilisation d’une tension de répartition pour les zones rurales. — Les tensions voisines de 20 kV peuvent être utilisées aussi bien dans les distributions urbaines, grâce aux performances apportées par des câbles maintenant sûrs et économiques, que dans les distributions rurales, grâce au rayon de desserte des lignes aériennes ; elles assurent une capacité de desserte beaucoup plus étendue que celles du groupe précédent. — Les tensions comprises entre 30 et 35 kV, d’utilisation difficile dans les distributions urbaines par suite de l’encombrement de l’appareillage et des transformations, et du coût des câbles, ont retrouvé un regain d’intérêt pour la distribution en lignes aériennes dans les zones d’habitat dispersé à faible densité de charge. La capacité et le rayon de desserte des lignes à 30 kV leur permettent également, pour ces mêmes zones, de jouer un rôle de répartition, voire de transport pour les régions en début d’électrification. Par ailleurs, les perspectives de développement des charges sont un élément déterminant. En théorie, il y a une tension de desserte optimale à un instant donné, fonction de la charge à desservir à ce moment-là (schématiquement, en milieu rural tout au moins, elle La Commission Électrotechnique Internationale (publication 38 de la CEI) a donc été amenée à normaliser une gamme de tensions visant à regrouper les techniques et les marchés autour de valeurs qui résultent d’un compromis entre ce qui existe dans le monde et ce qui va se développer (tableau 1). (0) Tableau 1 – Gamme normalisée (CEI) des moyennes tensions Réseaux triphasés sans neutre Réseaux triphasés avec neutre 11 kV ou 10 kV 22 kV ou 20 kV 33 kV ou 35 kV 12,5 kV ou 13,5 kV 25 kV 34,5 kV La qualité de service est également un facteur qui intervient. En zone rurale, des tensions de l’ordre de 30 kV ne sont intéressantes que pour alimenter des départs de grandes longueurs issus de postes sources à grands rayons d’action. Si, pour des raisons de qualité de service, on veut diminuer les longueurs de départs (les défauts éventuels affecteront d’autant moins de clients), et c’est notamment la politique appliquée en France, la tension de 20 kV est alors préférable. 2.3.2 Exemple du choix français ■ En France, la décision a été prise, en 1962, de normaliser la tension MT à la valeur unique de 20 kV, sur l’ensemble des réseaux aériens et souterrains. Mais le choix de cette option est l’épilogue d’une longue histoire. Après la Seconde Guerre mondiale, il existait sur le territoire français un grand nombre de moyennes tensions. On trouvait, par exemple, en triphasé : 10 ; 11 ; 13,5 ; 15 ; 16,5 ; 17,3 ; 18 ; 22 kV Les premières directives de normalisation n’ont retenu que 5 valeurs possibles, soit : • 5,5 ; 10 ; 15 et 20 kV pour les réseaux de distribution MT proprement dits, en considérant la tension de 15 kV comme préférentielle ; • 30 kV pour les réseaux de sous-répartition MT. En 1960, 85 % des longueurs des réseaux MT étaient exploitées à l’une des 5 tensions normalisées et, parmi celles-ci, le réseau à 15 kV en représentait 52 %. En réalité, beaucoup de réseaux fonctionnant à des tensions inférieures à 15 kV étaient équipés de matériel prévu pour 15 kV (matériel de tension spécifiée 17,5 kV). Cependant, il apparaissait que cette tension de 15 kV était peu répandue sur le plan international. Les résultats positifs d’études basées sur des essais de tenue du matériel à 15 kV sous 20 kV, poursuivies sur plusieurs années, ont été un critère essentiel du choix de 20 kV. En 1991, les réseaux exploités à 20 kV représentent plus de 75 % de l’ensemble des réseaux MT français. C’est d’ailleurs dans les zones urbaines que l’inertie dans le transfert à 20 kV est la plus forte, la rentabilité du changement n’étant pas, dans certains cas, facilement justifiable sur le plan local. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie électrique D 4 210 − 5 RÉSEAUX DE DISTRIBUTION ______________________________________________________________________________________________________________ Deux méthodes peuvent être utilisées pour changer la tension des réseaux de distribution : — soit par superposition d’un nouveau réseau à 20 kV sur lequel on raccorde toutes les nouvelles charges et on transfère progressivement les charges du ou des anciens réseaux ; — soit par substitution progressive d’éléments prévus pour 20 kV à ceux du réseau existant, puis, à un moment donné, on procède à l’opération de changement des transformateurs et de raccordement à une nouvelle source à 20 kV. 2.3.3 Articulation des tensions entre elles ■ D’une manière générale, le poids des choix passés explique que beaucoup de pays exploitent en fait, et parfois sur une proportion importante de leur réseau, plusieurs tensions MT. Ces tensions sont d’ailleurs rarement en cascade de transformation, mais il existe, néanmoins, des cas où le choix de deux niveaux de tension MT a été fait entre la HT et la BT (exemple du système britannique : 33 kV et 11 kV). Les cascades de deux niveaux MT successifs peuvent se justifier dans des situations particulières de morphologie des charges où la tension MT1, plus forte, joue un rôle de petit transport et la tension MT2, plus faible, un rôle de desserte locale avec des postes de transformation MT/BT de petite puissance (une tension primaire plus élevée conduirait, avec la technologie actuelle, à des transformateurs surdimensionnés, par rapport à la charge à desservir). D’autres considérations peuvent conduire à orienter le choix de la valeur de la MT. Les valeurs des tensions encadrantes HT et BT, par exemple, sont bien évidemment à prendre en compte de manière à bénéficier d’un échelonnement HT/MT et MT/BT intéressant. À cet égard, les pays ayant développé des HT fortes comme l’Allemagne (110 kV) ou l’Italie (132 kV) ont un échelonnement plus favorable (rapport HT/MT aux alentours de 5 ou 6) que la France (beaucoup de lignes HT sont à 63 kV et le rapport HT/MT est égal à 3). 2.4 Choix de la basse tension La tension de distribution BT est bien évidemment liée aux standards des appareils d’utilisation chez la clientèle. 2.4.1 Historique En dehors des consommateurs industriels qui utilisent des tensions plus élevées pour certaines applications, les tensions de distribution des clients BT se limitent à deux groupes : 115 /220 V et 230/400 V. Cette dernière valeur est pratiquement d’usage général dans les pays européens en réseau triphasé, alors que l’autre est plus répandue en Amérique du Nord, plutôt d’ailleurs sous la forme de deux ponts monophasés de 120 V. L’usage du système 230/400 V se trouve justifié surtout dans les schémas où il existe un réseau de distribution à basse tension (lignes ou câbles) important, car alors les économies sur les investissements sont élevées par rapport au système 115/220 V, par suite du rayon de desserte plus grand ou de la réduction des sections de conducteurs. Cette tension conduit aussi à des postes MT/BT plus puissants et situés à de plus grandes distances les uns des autres, ce qui est un facteur favorable aux valeurs élevées de la moyenne tension. Il y aura donc toujours intérêt, pour des réseaux de conception européenne (postes de 100 à 1 000 kVA, réseaux BT assez étendus), à utiliser une tension du groupe 230/400 V. Les recommandations de la CEI confortent largement les choix pris dans ce sens. L’utilisation en Amérique de moyennes tensions relativement basses, 2 400 ou 4 800 V, avec des transformateurs de petites puissances et des réseaux BT réduits à de simples branchements (2 à 4 clients) a permis de conserver une desserte de ces clients sous 120 V. 2.5 Régimes de neutre MT Le choix du régime du neutre d’un réseau MT engage l’avenir, car chaque système entraîne l’installation de matériels spécifiques pour le niveau d’isolement, les conditions d’exploitation et d’entretien, les systèmes de protection contre les défauts. Le système de neutre adopté doit être cohérent avec la structure du réseau MT (niveau de tension, longueur des départs, réseau souterrain ou aérien, densité de charge) et a une incidence sur les niveaux de sécurité et de qualité de service. On rencontre ainsi à travers le monde des systèmes variés (tableau 2). 2.5.1 Neutre isolé ■ Historiquement, la tension de 110 V est celle qui a été utilisée la première. La tendance en Europe, après la Seconde Guerre mondiale, a été une généralisation de la tension 220 V. ■ En France, vers 1950, une première décision n’a retenu que deux systèmes de tensions : 127/220 V et 220/380 V (dénommés respectivement B1 et B2 et choisis dans le rapport 3 pour permettre d’alimenter les clients à 220 V soit entre phases sur les réseaux B1, soit entre phase et neutre sur les réseaux B2). En 1956, fut décidée la normalisation et la généralisation de la seule tension 220/380 V. Aujourd’hui, le passage des réseaux B1 à B2 a été effectué sur la quasi-totalité du territoire, permettant du reste d’augmenter la capacité de desserte des anciens réseaux B1. À la suite des recommandations de la CEI, un arrêté ministériel de 1986 demande qu’une nouvelle tension BT normalisée (230/400 V, avec une fourchette de + 6 % à – 10 %) soit mise en œuvre dans les 10 ans qui suivent. Cette normalisation conduira la France à une révision d’ensemble du plan de tensions à respecter avant 1996. D 4 210 − 6 2.4.2 Tensions BT utilisées L’intérêt de ce système est de favoriser une bonne qualité de service. En cas de défauts entre phase et terre, il permet d’éviter des déclenchements, les courants de défauts étant limités à des valeurs très faibles (sauf lorsque les départs, surtout s’ils sont constitués de câbles souterrains, sont longs et la tension de desserte élevée, auquel cas le courant capacitif devient non négligeable). Mais, pour bénéficier de cet avantage, une surveillance attentive est nécessaire de manière à éviter le maintien prolongé d’un défaut entre phase et terre ; sinon, on risquerait trop souvent l’apparition de court-circuit biphasé, en cas de nouveau défaut à la terre sur une des autres phases. En revanche, la montée des phases saines à la tension composée nécessite l’utilisation d’un matériel surisolé, ou bien d’un dispositif d’élimination des défauts associé à la surveillance de l’isolement entre phase et terre. De plus, le système à neutre isolé a l’inconvénient de générer des surtensions importantes en régime transitoire (lors de manœuvres). (0) Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie électrique _____________________________________________________________________________________________________________ RÉSEAUX DE DISTRIBUTION Tableau 2 – Différents régimes de neutre MT utilisés dans le monde Régime de neutre MT Pays Neutre isolé Allemagne (1) Belgique Italie Japon Norvège Bobine d’extinction dite de Petersen L : compensation de la capacité du réseau Allemagne (1) Finlande Norvège Neutre directement à la terre Neutre impédant Z n : quelques dizaines d’ohms Canada États-Unis Belgique France Grande-Bretagne Irlande Japon Suède (1) ancienne République fédérale d’Allemagne. 2.5.2 Mise à la terre du neutre par bobine d’extinction (dite de Petersen) Le principe consiste à insérer, entre le point neutre du réseau et la terre, une bobine dont la réactance est telle qu’il y ait résonance, à la fréquence industrielle, avec la capacité homopolaire du réseau. Le courant de défaut est donc nul lorsqu’un conducteur est relié accidentellement à la terre. Ce système ne fait pas l’objet des limitations rencontrées avec le neutre isolé, mais nécessite une réadaptation de la valeur de la réactance de la bobine à chaque changement de configuration du réseau. Il présente, sur le plan de la qualité de service, l’avantage, grâce à l’extinction spontanée des arcs engendrés sur défauts entre phase et terre, de ne pas perturber la distribution comme dans le cas du neutre isolé. Il présente néanmoins les mêmes inconvénients, les surtensions transitoires au moment des manœuvres étant toutefois un peu moins élevées. 2.5.3 Neutre relié directement à la terre Cette technique engendre des courants de défauts entre phase et terre très importants. C’est pourquoi, pour des raisons de sécurité, afin de limiter le retour du courant par le sol, on installe un conducteur de neutre relié à la terre de proche en proche et par lequel circule une part notable du courant de défaut. Ce système présente l’avantage de minimiser les surtensions éventuelles. Il conduit à des déclenchements fréquents, mais permet une élimination sélective des défauts, en utilisant par exemple des fusibles adaptés en différents emplacements des départs. Les courants de court-circuit élevés entraînent des contraintes importantes sur les matériels. Ce système nécessite une surveillance de la continuité du conducteur de neutre. Une rupture de celui-ci serait dangereuse, entraînant de forts gradients de potentiel autour des connexions de terre, liés aux courants élevés d’écoulement à la terre. La présence du conducteur de neutre permet la réalisation de dérivations monophasées (système à neutre distribué, § 2.2 et 3.3.1.1). Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie électrique D 4 210 − 7 RÉSEAUX DE DISTRIBUTION ______________________________________________________________________________________________________________ 2.5.4 Neutre relié à la terre par impédance L’intérêt de cette impédance est de limiter les valeurs des courants de court-circuit sur défauts entre phase et terre, tout en ayant des surtensions modérées. Les valeurs relativement peu élevées des courants de défauts ne nécessitent pas l’ajout d’un conducteur de neutre. Ce système est un compromis entre ceux décrits aux paragraphes 2.5.2 et 2.5.3, conduisant à des contraintes raisonnables de tenue des matériels aux courts-circuits et permettant un fonctionnement fiable des systèmes de protection aptes notamment à déceler les défauts résistants. Néanmoins, il conduit à des déclenchements en cas de défaut. Remarque : il est possible d’éviter les déclenchements sur défaut monophasé fugitif en installant au poste source un disjoncteur shunt. Celui-ci permet en effet, en shuntant temporairement (0,2 s) l’impédance de neutre sur la phase en défaut, d’abaisser suffisamment la tension au point de défaut pour éviter le réamorçage du défaut lors du passage du courant d’arc par zéro. Il n’y a donc pas de coupure triphasée et, comme les tensions composées sont pratiquement inchangées, les utilisateurs ne sont pas perturbés. En France, ce régime de neutre est normalisé depuis 1959 avec des courants de court-circuit à la terre théoriquement limités à : • 1 000 A sur les réseaux souterrains ; • 300 A sur les réseaux aériens et mixtes. Nota : certains problèmes apparaissent de nos jours quant à l’application de cette doctrine, notamment sur les réseaux mixtes pour lesquels la part de câbles souterrains a notablement augmenté, ce qui engendre des courants capacitifs non prévus à l’origine. Des études sont en cours, conduisant à des solutions diverses en fonction des configurations de réseaux rencontrées (augmentation des impédances de court-circuit monophasé par résistance ou bobine de compensation, renforcement des protections contre les surtensions, réadaptation des protections contre les courts-circuits). Notons également, dans l’optique d’une meilleure qualité de service, une expérimentation d’un système de type Petersen, dans la région de Mulhouse. 2.6 Régimes de neutre BT D’une manière très générale, les transformateurs MT/BT ont pratiquement toujours leur point accessible et raccordé à un conducteur de neutre (réseau BT triphasé à quatre conducteurs). Le point neutre du transformateur est mis directement à la terre au poste MT/BT. Le conducteur de neutre des réseaux BT est mis à la terre au moins tous les kilomètres, sauf dans les zones à risque élevé de surtensions atmosphériques où la mise à la terre doit être réalisée tous les 300 mètres. En fait, les problèmes essentiels qui se posent sont liés à la protection des utilisateurs BT contre les risques de contact électrique indirect et concernent le régime de mise à la terre des enveloppes métalliques (masses) des appareils d’utilisation (article Prévention des accidents électriques [D 5 100] dans ce traité). Les deux schémas les plus généralement utilisés pour les réseaux de distribution BT sont ceux donnés ci-après (publication CEI 364). ■ Le schéma T T, avec neutre à la terre et masses d’utilisation à la terre, présente l’avantage de ne pas mettre sous tension les masses en cas de coupure du neutre du réseau. La terre des abonnés ne bénéficie pas de l’interconnexion avec les autres terres par l’intermédiaire du neutre du réseau ; il est toutefois facile d’éliminer les défauts d’isolement des appareils d’utilisation des abonnés, en installant, en tête du branchement, un disjoncteur différentiel à moyenne sensibilité, par exemple 0,5 A, qui permet d’éviter les risques de montée en tension dangereuse des masses avec des prises de terre de résistance allant jusqu’à 50 ou 100 Ω. D 4 210 − 8 ■ Le schéma TN, avec neutre à la terre et masses reliées au neutre et à la terre, présente l’avantage d’obtenir une plus faible valeur de la résistance de terre grâce à l’interconnexion de la prise de terre du poste avec celles des abonnés, par l’intermédiaire du neutre. Cela limite les surtensions dues à l’écoulement de courants de défaut à la terre, mais en revanche, en cas de coupure du neutre, les masses sont portées à une tension plus ou moins élevée, fonction de la répartition des charges sur les trois phases du réseau. En fait, il n’existe aucune statistique valable permettant de démontrer qu’un schéma est préférable à l’autre pour un réseau de distribution. En France, le schéma TT a été retenu par EDF pour éviter les risques d’élévation de tension des masses en cas de coupure du neutre. 2.7 Choix du courant maximal de court-circuit Le choix de la valeur du courant de court-circuit (ou de la puissance de court-circuit P c c ) maximal admissible est une caractéristique essentielle à prendre en compte lors de la conception d’un réseau de distribution, les conséquences qui en découlent étant particulièrement importantes. Le choix du courant de court-circuit maximal admissible est un compromis technico-économique. Une puissance de court-circuit Pcc élevée a des avantages et des inconvénients. Au titre des avantages : — elle permet d’atténuer l’influence des clients susceptibles de faire remonter des perturbations sur le réseau (amplitude des creux de tension, à-coups de tension, flicker, harmoniques), le rapport des impédances du réseau amont et du client perturbateur étant diminué ; cela permet donc d’améliorer la pureté de l’onde de tension ; — elle favorise le bon fonctionnement des télécommandes centralisées du type signal porteur à 175 ou 188 Hz superposé à la tension à 50 Hz du réseau d’énergie (article Télécommande centralisée [D 4 280] dans ce traité). Par ailleurs, sur des réseaux conçus pour supporter une valeur importante de P cc , il est possible d’utiliser, pour les postes sources, des transformateurs de puissances élevées (de faible impédance interne), sans avoir à mettre en place des dispositifs de limitation des courants de court-circuit (tels que des réactances limitatives insérées en série en sortie de transformateur). L’augmentation des densités de charges à desservir à tendance à accroître corrélativement l’intérêt d’une valeur admissible élevée de P cc (aspect économique). Au titre des inconvénients, une valeur élevée de P c c a des conséquences néfastes sur les éléments constitutifs du réseau lors de courts-circuits éventuels, puisqu’elle se traduit par : — des effets d’échauffement, dus à l’arc et aux surintensités dans les circuits alimentant le défaut ; — des effets électrodynamiques dans les conducteurs traversés par les courants de défauts. Ces effets sont proportionnels au carré du courant de court-circuit, mais ils dépendent aussi de la durée du passage du courant. Il faut prendre en compte une durée de l’ordre d’une seconde pour l’élimination du défaut, afin de permettre un fonctionnement sélectif des protections. Il y a lieu de noter également des effets d’induction pouvant affecter les lignes de télécommunication et autres canalisations avoisinantes (gaz, par exemple). Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie électrique _____________________________________________________________________________________________________________ RÉSEAUX DE DISTRIBUTION L’augmentation de la puissance de court-circuit nécessite donc d’utiliser un appareillage adapté du point de vue de la section des conducteurs et de la tenue mécanique. Cela entraîne une augmentation des coûts, mais relativement modérée vis-à-vis du coût du réseau, jusqu’à un certain seuil. Au-dessus de ce seuil, le coût est beaucoup plus important puisque les renforcements de réseau portent aussi sur les sections des conducteurs des lignes et sur leurs fixations, au-delà de ce qui est prévu naturellement pour les transits de charges et chutes de tension en régime normal. Dans ce cas, l’augmentation de P cc devient beaucoup plus difficilement justifiable économiquement. En France, jusqu’en 1970, la puissance de court-circuit du réseau de transport et la puissance maximale des transformateurs HT/MT avaient conduit à normaliser la tenue des matériels des réseaux MT à 6 kA (125 MVA en 15 kV), puis à 8 kA (250 MVA en 20 kV). À cette époque, l’évolution des charges en zones urbaines denses ayant conduit à une utilisation plus généralisée de transformateurs HT/MT de puissance supérieure à 40 MVA, les études technicoéconomiques ont montré l’intérêt de relever le seuil du courant de court-circuit maximal admissible. Parmi la gamme de valeurs normalisées recommandées par la CEI (8 kA, 12,5 kA, 16 kA), c’est la valeur 12,5 kA qui a été retenue pour les réseaux MT français, ce qui correspond à une puissance de court-circuit maximale admissible de 500 MVA en 20 kV. En fait, dans les zones rurales, la puissance de court-circuit effective est, en général, beaucoup plus faible. Pour les raisons exposées plus haut, et notamment pour des raisons de qualité du produit, il est apparu souhaitable de fixer par ailleurs, comme objectif, un niveau minimal de P c c de 250 MVA en sortie de poste source, à atteindre sur l’ensemble des réseaux français avant l’an 2000. 3. Architecture des réseaux de distribution 3.1 Choix de l’architecture des réseaux Très généralement, le réseau est composé, de manière hiérarchisée dans le sens du transit de l’énergie (figure 1) des éléments suivants : — les postes sources HT/MT ou THT/MT (§ 3.2), alimentés par le réseau de transport ou de répartition ; — le réseau MT (§ 3.3), constitué des départs MT issus des sources (en lignes aériennes ou câbles enterrés) ; — les postes MT/BT de distribution publique (§ 3.4) ; — le réseau BT (§ 3.5), sur lequel sont raccordés les branchements desservant la clientèle. ■ À partir de cette organisation générale, il existe des schémas variés, qui dépendent d’exigences et de critères multiples, tels que : — l’étendue des territoires à desservir, les densités de charge et de population, le caractère rural ou urbain des zones à alimenter, mais aussi la morphologie des villes et de l’habitat. Par exemple, des clients groupés appelant une puissance modérée sont desservis par des réseaux BT importants, alors que, pour de plus gros consommateurs dispersés, on rapproche le réseau MT et on utilise des réseaux BT courts ; — le degré de qualité de fourniture que l’on vise à atteindre (nombre et durée des coupures admissibles, chutes de tension, forme de l’onde de tension) ; — la possibilité ou non d’une réalimentation en secours lors d’indisponibilité d’élément de réseau, sur incident ou pour travaux programmés ; — les contraintes d’environnement : contraintes sur les sites d’implantation des postes sources, problèmes d’esthétique et de sécurité conduisant à préférer les câbles souterrains aux lignes aériennes ; — la nécessité de tenir compte des réseaux existants (poids du passé), mais aussi les perspectives de développement des charges (par exemple, prévision d’apparition d’un client important, volonté de se ménager une capacité d’accueil) ; — la cohérence avec les grandes options techniques choisies (§ 2) ; — les coûts pouvant être consentis. ■ En fonction de ces critères, les réponses porteront sur des choix tels que : — le nombre et la densité des postes sources ; — la longueur et le nombre des départs à moyenne tension ; — l’architecture soit de type purement radiale (une voie d’alimentation possible), soit bouclable (secours par d’autres voies d’alimentation), soit même maillée (voies d’alimentation multiples) pour garantir une très bonne continuité de service ; — la technique du réseau souterrain et celle du réseau aérien. Concernant le dernier point, il était communément admis par le passé, dans des pays comme la France, de réserver l’utilisation des réseaux souterrains aux zones urbaines denses et d’alimenter les zones rurales en aérien. Cela se justifiait par les coûts importants de mise en œuvre du souterrain (coûts des câbles et tranchées), mais aussi par la nécessité d’y associer une architecture bouclable ou maillée, compte tenu des plus grandes difficultés de localisation de défauts et des réparations ; ces coûts ne pouvaient être consentis que dans les grandes villes, où les réseaux aériens ne pouvaient pas être acceptables (encombrement, esthétique, exigence de qualité de service). De nos jours, la volonté de relever le niveau de qualité des zones rurales, l’augmentation des densités de charge dans ces zones, les contraintes d’environnement de plus en plus sévères conduisent à utiliser des solutions réservées jusqu’ici aux zones urbanisées. Ainsi, l’utilisation du souterrain devient plus fréquente (les procédés de pose mécanisée avec charrue trancheuse-fileuse permettant même d’être compétitif avec le réseau aérien dans certains cas) et les structures bouclables se systématisent. La distinction entre réseaux rural et urbain a donc tendance à s’estomper, du moins dans les pays industrialisés de type européen. Nota : en ce qui concerne les volumes d’ouvrages, l’annexe A (§ 6) donne les chiffres caractéristiques essentiels permettant de mesurer l’importance de la distribution d’électricité en France. 3.2 Postes sources de la MT Ces postes sources sont alimentés par les réseaux de répartition HT, soit, en France, à 90 ou 63 kV. Dans les zones urbaines très denses, il peut être intéressant de sauter cet échelon de répartition et de réaliser des injections directes THT/MT (en France 225 kV/MT). Ces deux types de postes présentent quelques différences de conception du fait des fonctions à assumer (puissance plus importante à desservir pour les postes THT/MT). 3.2.1 Postes HT/MT ■ En phase initiale, ce type de poste (figure 3) est constitué d’un transformateur (T1) alimenté par une ligne HT (HT1). Avec l’augmentation des charges à desservir, on peut y adjoindre un deuxième (T2), puis, en stade final, un troisième (parfois plus) transformateur (T3) généralement en double attache. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie électrique D 4 210 − 9 RÉSEAUX DE DISTRIBUTION ______________________________________________________________________________________________________________ Figure 4 – Principe d’une rame MT : schéma 3.2.2 Postes THT/MT Ces postes sont conçus pour desservir des puissances nettement plus importantes que les postes HT/MT, notamment dans les grandes agglomérations. Figure 3 – Poste HT/MT : schéma En même temps que le deuxième transformateur, on raccorde généralement une deuxième arrivée HT (HT2), dite garantie ligne, opérant en cas de défaut sur la première. Nota : en France, trois puissances sont normalisées pour les transformateurs : 10, 20 et 36 MVA. ■ Le ou les transformateurs débitent sur un tableau MT qui forme un jeu de barres composé de rames. Chaque rame est un ensemble d’une dizaine de cellules environ, organisée en deux demi-rames reliées entre elles par un organe de couplage, en sectionnement de barre (figure 4). La demi-rame élémentaire comprend : — une arrivée de transformateur ; — plusieurs départs MT ; — une cellule de condensateurs (compensation de l’énergie réactive) ; — éventuellement, un disjoncteur shunt. Au fur et à mesure de l’évolution de la charge à desservir et de l’augmentation du nombre de départs MT que l’on veut créer à partir du poste, on est amené à multiplier le nombre de rames. ■ Différentes configurations peuvent être retenues pour l’alimentation des rames en régime normal ; par exemple : — un seul transformateur alimente l’ensemble des rames, le deuxième n’opérant qu’en cas de secours ; — les alimentations des différentes rames sont réparties sur plusieurs transformateurs de manière prédéterminée (en général, les transformateurs ne sont jamais en parallèle sauf quelques instants pendant une manœuvre de changement de schéma d’exploitation). Le choix de ces configurations dépend de la puissance à desservir au regard de la puissance installée à un moment donné, en recherchant les pertes minimales. ■ Les départs MT sont regroupés sur les différentes rames en fonction : — de leur nature (réseau aérien ou souterrain), afin d’éviter de répercuter sur les réseaux souterrains les perturbations affectant les lignes aériennes plus exposées ; — de leur similitude quant à leur courbe de charge, pour un bon fonctionnement des régleurs en charge (§ 3.6.2.1). D 4 210 − 10 En France, deux puissances de transformateur sont normalisées pour équiper ce type de poste : 40 et 70 MVA (cette dernière valeur étant compatible avec le courant de court-circuit maximal normalisé, soit 12,5 kA). Il a été néanmoins développé, à Paris notamment, des puissances unitaires de 100 MVA, mais nécessitant d’intercaler, en aval des transformateurs, des réactances afin de limiter la puissance de court-circuit à la valeur normalisée. La structure du poste THT/MT, comme celle du poste HT/MT, est évolutive en fonction de l’augmentation des charges à desservir. À partir d’un stade initial, dans lequel le poste ne comporte qu’une alimentation THT et un seul transformateur, une évolution progressive peut s’effectuer jusqu’à un stade final comprenant deux (voire trois) alimentations et quatre transformateurs. La structure d’un poste en stade final est représentée sur la figure 5a pour la partie THT et sur la figure 5b pour la partie MT. Compte tenu des puissances importantes, cette structure est conçue pour aménager de multiples possibilités d’alimentation et de secours interne, en THT et en MT. ■ Néanmoins, de telles concentrations de puissance (280 MVA) en un seul point ne sont pas sans poser des problèmes, au niveau de la desserte en MT. Si l’on conçoit le bénéfice que peut apporter l’effet de taille, allié à la difficulté de trouver des sites (rareté et coût) dans les zones fortement urbanisées, il y a lieu cependant de considérer la composante sécurité d’alimentation dans l’aspect qualité de service de la clientèle desservie par ces postes. Ces dernières années, un certain nombre d’incidents affectant tout ou partie de gros postes sources alimentant des grandes villes françaises (avec coupure de 50 000 clients et plus pendant plusieurs heures) ont eu des répercussions médiatiques importantes, mettant en évidence la nécessité de mieux prévenir les défaillances durables sur ce type de poste. À EDF, des réflexions sont en cours actuellement, portant sur la fiabilisation de telles alimentations et l’amélioration de la garantie de la puissance par le réseau aval (§ 3.2.3). Par ailleurs, s’il semble difficile de baisser ces limites de puissance installée dans un même site, compte tenu de la rareté des emplacements et de l’augmentation des charges, il est envisagé des solutions comme le fonctionnement étanche des postes (création, dans un même site, de postes de puissance moindre, indépendants et complètement séparés). Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie électrique _____________________________________________________________________________________________________________ RÉSEAUX DE DISTRIBUTION 3.2.3 Notion de puissance garantie 3.2.3.1 Définitions et généralités ■ Cette notion, concernant les postes aussi bien HT/MT que THT/MT, est particulièrement importante et a des implications sur la structure du poste source et des réseaux qu’il alimente. On dit qu’un poste source est à puissance garantie lorsque, sur incident simple (perte d’une ligne HT ou perte d’un transformateur), le poste peut, à lui seul, continuer à desservir la puissance qu’il fournissait avant l’incident. Cela implique que le poste ait une alimentation HT supplémentaire (garantie ligne ) et un transformateur de réserve (garantie transformateur ), pouvant se substituer en secours à l’élément défaillant. Exemple : un poste ayant trois transformateurs de 36 MVA pourra desservir une puissance garantie de 72 MVA (hors surcharge). Un poste est dit à puissance non garantie lorsque, sur un incident simple du type précédent, il ne peut plus, même partiellement, desservir la charge qu’il alimentait (par exemple poste à une ligne HT et un seul transformateur HT/MT). Enfin, un poste est dit à puissance partiellement garantie, lorsqu’il pourra reprendre, en cas d’incident simple, une partie de la charge qu’il alimentait. Dans les deux derniers cas, si l’on veut assurer une qualité de desserte satisfaisante, la puissance ne pouvant être reprise par le poste devra être alimentée par d’autres moyens, par exemple par les sources voisines, par l’intermédiaire de liaisons MT reliant les postes entre eux. On parle alors de garantie par le réseau MT.Ces liaisons peuvent être soit des liaisons MT spécialisées, soit des lignes ou câbles MT de desserte de la clientèle que l’on bascule sur les sources voisines. ■ On rencontre, à travers le monde, les trois types d’alimentation. En général, dans les zones rurales à faible densité de charge où les sources de puissance sont éloignées les unes des autres, alimentant des réseaux indépendants, la garantie se fait plutôt au niveau de la source elle-même. Par contre, dans les zones urbaines de forte densité de charge, les postes sources, proches entre eux, ont souvent des possibilités de secours par le réseau MT, optimisant ainsi l’équilibre global entre puissance installée et puissance desservie en régime normal et en secours. ■ En France, avec la politique de densification des postes sources amorcée depuis quelques années et le développement des télécommandes, les secours MT inter-sources se généralisent même en milieu rural, permettant de ne pas garantir la totalité de la puissance au niveau du poste lui-même. De plus, la mise en place d’un système de dépannage avec des transformateurs HT/MT mobiles de secours basés dans les différentes régions françaises, pouvant être mis en œuvre en quelques heures, permet de repousser de plusieurs années l’installation d’un deuxième transformateur dans les postes HT/MT. Cela a notamment l’avantage de réduire les coûts unitaires des postes à leur création. 3.2.3.2 Garantie en n – 1 et n – 2 ■ Lorsqu’un poste ou, d’une manière plus générale, le réseau est structuré pour réalimenter rapidement (le temps d’effectuer des manœuvres de report) la clientèle coupée à la suite d’un incident simple, c’est-à-dire affectant un seul élément de réseau, on parle de garantie en n – 1. Figure 5 – Poste THT/MT Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie électrique D 4 210 − 11 RÉSEAUX DE DISTRIBUTION ______________________________________________________________________________________________________________ ■ Mais il peut arriver, beaucoup plus rarement il est vrai, de perdre simultanément deux éléments de réseau, par exemple lorsqu’un défaut affecte une partie du réseau comportant déjà une installation consignée pour travaux. Cette situation, bien que relativement improbable, peut néanmoins avoir des conséquences suffisamment graves sur la clientèle, notamment dans les zones fortement urbanisées, pour qu’elle soit envisagée dans le cadre de la planification des réseaux. On peut y faire face en assurant, du moins partiellement, une garantie en n – 2. Le problème est de savoir si l’on considère comme justifié le surcoût important à consentir sur le réseau, en regard de la qualité de service apportée. En France, on n’assure pas systématiquement la garantie en n – 2, mais, néanmoins, pour les villes de plus de 25 000 habitants, la règle est de garantir au moins 25 % de la charge, les réflexions en cours s’orientant vers des critères tels que la reprise immédiate de 60 % de la clientèle coupée lors de la perte totale d’une source urbaine. Nota : la structure du réseau 20 kV particulier de Paris a été conçue pour assurer une garantie en n – 2 (perte de deux sources voisines) entièrement par les câbles MT. Dans des pays comme la Grande-Bretagne ou l’Allemagne, les structures avec garantie n – 2 sont beaucoup plus fréquentes, tout au moins en milieu urbain. 3.2.4 Emplacement et densité des postes sources L’emplacement idéal d’un poste source nouveau est normalement au centre de gravité des charges à desservir sur sa zone d’action prévue. En fait, l’optimum économique résulte d’un compromis intégrant, en plus du coût du poste, les coûts de développement des réseaux HT et MT nécessaires, compte tenu de leur situation existante. De plus, il faut tenir compte des contraintes externes d’environnement (problème de passage de lignes, recherche d’un site, encombrement...), qui sont souvent déterminantes. Il est difficile de dire, pour une densité de charge donnée, quel est le nombre optimal de postes sources à créer dans une région. Il dépend d’un certain nombre de facteurs, comme la structure THT et HT de la région, les niveaux de tension HT et MT. L’équilibre technico-économique résulte d’un compromis entre la densité des postes sources et le nombre de départs MT par poste. La recherche d’économie d’échelle conduit plutôt à des postes peu nombreux, la densité minimale étant imposée par la limitation des chutes de tension du réseau MT. Mais il est certain que l’augmentation du nombre de postes sources a une incidence sur la continuité du service, notamment par la réduction corrélative de la longueur des départs. En effet, à taux de défaillance constant, la réduction de longueur d’un départ entraîne une réduction égale du nombre de défauts perturbant la clientèle raccordée. De plus, le raccourcissement des départs permet d’augmenter la puissance de court-circuit, réduisant ainsi les éventuelles perturbations de l’onde de tension. En France, la volonté affichée de relever le niveau de qualité de service dans les zones rurales a conduit à mettre en œuvre, depuis 1985, une politique vigoureuse de multiplication du nombre des postes sources. D’un rythme moyen de 35 postes créés par an avant 1985, on est passé à un rythme de 65 par an sur la période 1986-1995. Cette politique permettra ainsi de réduire la longueur maximale des départs de 200 à 70 km. Nota : en plus, à cette politique, est associée la recherche d’une baisse des coûts unitaires des postes sources, basée notamment sur : — la simplification de la conception ; — la modularité des équipements ; — l’utilisation des techniques préfabriquées ; — le report dans le temps de la garantie transformateur. D 4 210 − 12 3.3 Réseaux MT 3.3.1 Réseaux MT aérien Ce sont essentiellement des impératifs d’ordre géographique qui ont influencé la conception technique et structurelle des réseaux aériens MT, en particulier l’étendue des territoires, la densité des populations et la puissance unitaire des clients à desservir. C’est ainsi que sont nées deux doctrines : — la doctrine nord-américaine, à neutre distribué (figure 2a) ; — la doctrine française et, en général, européenne (figure 2d ), à trois fils, le neutre n’étant pas distribué. En général, les structures développées dans le monde peuvent s’apparenter à l’une ou l’autre de ces doctrines. 3.3.1.1 Réseau de type nord-américain L’objectif est de distribuer le plus possible en moyenne tension, en multipliant les postes de livraison MT/ BT, afin de limiter la longueur des antennes BT à 200 m et, en conséquence, de diminuer les pertes. Partant de l’ossature triphasée (trois phases et un neutre), le réseau MT (figure 6), de type arborescent, se développe par des antennes triphasées ou biphasées et largement par des antennes monophasées (une phase et un neutre). Les supports en bois des lignes aériennes sont communs à la MT, à la BT, à l’éclairage public et au téléphone. Le conducteur de neutre N, commun à la MT et à la BT, est raccordé au point neutre de la source et mis à la terre tous les 300 m en ligne et à chaque transformateur ou branchement de client. Dans la technique de mise à la terre (MALT), le maintien d’une stricte continuité du conducteur de neutre et la qualité des mises à la terre constituent des facteurs essentiels à la sécurité des personnes (§ 2.5.3). De la continuité du neutre dépend également le bon fonctionnement de la distribution monophasée. En conséquence, la protection des réseaux MT et du système MALT met en œuvre un ensemble d’appareils disposés en cascade, d’une façon coordonnée (fusibles, sectionneurs, disjoncteurs, appareils à réenclenchement automatique dits reclosers ) ; cet appareillage nécessite une surveillance et une maintenance soignées, assurées par un personnel compétent disposant en permanence d’un jeu de rechanges appropriés. 3.3.1.2 Réseau de type européen La conception européenne se distingue de la doctrine nord-américaine essentiellement par le fait qu’au poste source le point neutre est relié à la terre par une impédance (§ 2.5.4), limitant ainsi le courant de défaut entre phase et terre. Ce choix résulte notamment de considérations axées sur la fiabilité et la sécurité des personnes. À titre d’exemple, les réseaux aériens français classiques (de conception antérieure à 1985) sont constitués de départs MT (trois fils), de structure arborescente. Ils sont équipés en conducteurs nus ou, exceptionnellement, en conducteurs isolés (par exemple en zone boisée). Le départ type (figure 7) est constitué : — d’une ossature principale de relativement forte section (conducteurs en alliage d’aluminium de 148 mm 2) et de bonne fiabilité ; — de lignes de dérivations secondaires de section plus faible (54 mm2), de technologie allégée et économique, alimentant des grappes de plusieurs postes MT/BT. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie électrique _____________________________________________________________________________________________________________ RÉSEAUX DE DISTRIBUTION Figure 6 – Structure d’un départ aérien MT : type nord-américain Le système de protection comporte : — au poste source, en tête d’ossature, un disjoncteur MT à cycle de réenclenchements rapides puis lents permettant d’éliminer les défauts auto-extincteurs, fugitifs et semi-permanents ; — en ligne, en tronçonnement d’ossature et en tête de dérivation et de grappes MT/BT, divers types d’interrupteurs : • interrupteur aérien à commande manuelle (IACM), • interrupteur à creux de tension (IACT) ; l’IACT, installé en tête de dérivation, permet d’éliminer celle-ci en cas de défaut, en s’ouvrant automatiquement, pendant les déclenchements lents du cycle du disjoncteur de départ De, évitant ainsi d’affecter l’ossature principale. On peut également rencontrer des interrupteurs aériens télécommandés (IAT). Figure 7 – Structure d’un départ aérien MT : type français d’avant 1985 Ces interrupteurs permettent de faciliter la localisation des défauts permanents et de réduire les tronçons non alimentés lors de réparations à la suite d’incidents ou lors de travaux programmés, si ceux-ci ne peuvent être effectués sous tension. Notons l’absence de fusible sur un tel système. On peut également signaler que cette conception de réseau permet, comme le système nord-américain, de créer des dérivations monophasées à deux fils (mais entre deux phases et non entre phase et neutre), ce qui peut être intéressant pour alimenter des zones à habitat dispersé. Cette possibilité, utilisée dans certains pays (Irlande), conduit à des économies qui peuvent atteindre 15 % par rapport à une solution triphasée. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie électrique D 4 210 − 13 RÉSEAUX DE DISTRIBUTION ______________________________________________________________________________________________________________ Comme on l’a dit, la structure des réseaux aériens MT est, dans cette conception classique, essentiellement arborescente, à une seule voie d’alimentation des charges, les possibilités de secours par bouclage n’étant pas, sauf cas particulier, systématiquement recherchées. Cette structure a longtemps été considérée comme suffisante, les durées de localisation des défauts et de réparation, relativement modérées en milieu aérien, étant du même ordre de grandeur que les temps de manœuvres nécessaires pour effectuer manuellement sur place des bouclages permettant un secours éventuel. 3.3.1.3 Évolution des réseaux ruraux français En 1985, le constat d’une qualité de fourniture, dans le domaine rural français, en deçà des attentes de la clientèle et en général moins bonne que celle des pays européens comparables, a conduit EDF à s’interroger sur les causes et les remèdes à apporter. Le diagnostic effectué sur les réseaux a montré que 80 % des défauts d’alimentation de la clientèle avaient pour origine les réseaux MT, en l’occurrence totalement aériens en zones rurales. Afin de relever notablement le niveau de qualité (coupures permanentes, mais aussi coupures brèves et qualité de l’onde de tension) à l’horizon 1995, il a été décidé de porter les efforts en priorité sur ces réseaux MT, notamment en recherchant des améliorations structurelles. Ainsi, sans remettre fondamentalement en cause leur conception, de nouvelles règles de développement des réseaux ruraux ont été définies. Le principe structurel majeur est le raccourcissement de la longueur des départs par l’augmentation du nombre des postes sources (§ 3.2.4). À terme, la longueur moyenne des départs sera ramenée de 52 à 35 km. Le raccourcissement des départs sera obtenu par dédoublement des départs existants et création de nouveaux départs. À l’occasion de cette restructuration, il sera recherché des schémas de départ MT simples et clairs, s’appuyant sur des ossatures fortes. Ces ossatures, relativement courtes (10 à 12 km) seront de forte section, réalisées largement en câble souterrain (figure 8). Il est à noter que les techniques modernes de pose du câble MT conduisent à des surcoûts de réalisation relativement limités par rapport aux ouvrages aériens, pouvant ne pas dépasser 10 à 20 % lorsque les conditions de passage le permettent (pas de domaine privé à traverser). Ce surcoût est acceptable compte tenu des avantages du système souterrain en matière d’environnement et de fiabilité. En 1995, l’objectif est d’obtenir 20 % d’ossatures enterrées, en portant la part des ouvrages souterrains dans les travaux neufs à plus de 50 %, au lieu de 32 % en 1989. En particulier, le câble souterrain MT sera utilisé systématiquement en sortie de poste source sur une longueur d’au moins 1 km. Ces dispositions permettront notamment d’atténuer la sensibilité des réseaux aux incidents généralisés d’origine atmosphérique (tempêtes, neige collante). De plus, la structure type du départ MT devra être systématiquement bouclable, les solutions de bouclages de lignes d’ossature entre postes sources étant du reste préférées aux boucles raccordées sur une même source (secours en cas de défaut sur un départ, mais aussi en cas de perte d’une source). Les structures bouclables seront d’autant plus efficaces que sera généralisée l’installation d’organes de manœuvre télécommandés tels que les IAT, pour réduire les délais de réalimentation. Figure 8 – Évolution de la structure rurale MT française à l’horizon 1995 employée. En effet, les réseaux aériens sont, en général, proscrits en agglomération pour des raisons d’encombrements de l’espace, d’esthétique et de sécurité. Remarque : certains pays à forte densité de population, notamment en Europe occidentale, ont pris l’option d’équiper à terme leurs réseaux exclusivement en câble souterrain, que ce soit en milieu rural ou en milieu urbain. Par exemple, aux Pays-Bas, les réseaux sont d’ores et déjà souterrains à 100 %. 3.3.2 Réseaux MT souterrains 3.3.2.1 Généralités On a indiqué, au paragraphe 3.3.1.3, les raisons pour lesquelles les réseaux MT souterrains sont amenés à se développer dans le domaine rural. Mais c’est évidemment dans les zones urbanisées que la technique du câble MT isolé enterré est le plus fréquemment D 4 210 − 14 Les différences de structure entre réseaux aériens et souterrains proviennent essentiellement, par nature, de la nécessité de faire face à des indisponibilités beaucoup plus longues en système souterrain, pour localiser une avarie éventuelle et en effectuer la réparation (10 à 20 h) ou bien pour réaliser des travaux programmés (article Localisation de défauts dans les réseaux de câbles d’énergie [D 4 540] dans ce traité). Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie électrique _____________________________________________________________________________________________________________ RÉSEAUX DE DISTRIBUTION De plus, dans les zones urbanisées à forte densité de charge, ces indisponibilités affectent un nombre important de clients et les exigences de continuité de fourniture sont, en général, plus fortes que pour des réseaux ruraux aériens. Par ailleurs, les fortes densités de charge dimensionnent les réseaux par les courants admissibles plutôt que par les chutes de tension, et la structure choisie peut avoir une fonction d’optimisation des transits et de répartition de charge, dans les différentes configurations d’exploitation. Ainsi, une caractéristique fondamentale d’un réseau MT souterrain est le nombre de voies d’alimentation utilisables pour desservir une même charge (poste MT/BT) : — la structure à une voie d’alimentation, c’est-à-dire purement radiale en antenne, est simple et économique, mais n’offre pas de possibilité de reprise de service en cas d’incident ; c’est pourquoi, sauf cas particuliers rares, elle est proscrite en souterrain ; — les structures à deux voies d’alimentation sont les plus fréquentes ; on y distingue deux grandes familles : les réseaux en double dérivation et les réseaux en coupure d’artère ; — les structures à voies d’alimentation multiples sont plus rares, mais assurent une qualité de service encore meilleure. 3.3.2.2 Réseau en double dérivation La façon la plus simple d’obtenir deux voies distinctes d’alimentation consiste à doubler le réseau radial en antenne à partir du jeu de barres du poste source (figure 9a). Chaque transformateur MT/BT est raccordé aux deux câbles par un dispositif inverseur (Iv). En cas de défaut sur la première alimentation (câble de travail), il peut être basculé sur la deuxième (câble de secours) sans attendre que le tronçon en défaut soit identifié. Les deux câbles proviennent, en général, du même poste et sont souvent disposés dans un tranchée commune. Il est néanmoins préférable de les séparer. La double dérivation (DD), relativement coûteuse, se prête mal à une exploitation manuelle à cause des nombreuses interventions nécessaires pour reprendre tous les postes MT/BT en cas de défaut. Elle est, en revanche, facilement automatisable (dispositifs de permutateurs automatiques à manque de tension dans les postes MT/ BT) ; dans ces conditions, elle est avantageuse pour des fortes densités de charge (plus de 4 à 5 MW/km2) lorsqu’une grande continuité de service est exigée. Suivant la densité de charge, on développe une double dérivation simple (deux câbles) ou multiple (typiquement trois à six câbles). Dans un système à double dérivation multiple, chaque poste ne dispose que de deux alimentations, mais celles-ci sont raccordées alternativement sur chacun des câbles. La charge admissible de N câbles est répartie sur N + 1 câbles. On définit un degré d’emploi, rapport de la charge pouvant être transitée à la capacité du matériel. Le degré d’emploi est, dans ce cas, égal à N /(N + 1). En cas de défaut sur l’un d’eux, la charge peut être basculée, soit sur un câble de secours [(DD à secours spécialisé (figure 9b)], soit répartie sur les autres câbles [(DD à secours intégré (figure 9c )]. Il y a intérêt à sectionner chaque câble par un poste de coupure (figure 9d ) tous les 10 à 15 postes MT/BT, de façon à faciliter la localisation des avaries et à limiter le nombre de postes à manœuvrer pour mettre une portion de câble hors réseau. Ces structures se prêtent bien à la réalisation de liaisons entre postes sources. Les postes de coupure sont alors télécommandés. 3.3.2.3 Réseau en coupure d’artère Un câble partant d’un poste source HT/MT passe successivement par les postes MT/BT à desservir, puis rejoint une seconde source d’alimentation qui peut être soit un départ différent du même poste HT/MT, soit un autre poste HT/MT, soit un câble de secours (figure 10). Dans chaque poste MT/BT, le câble passe par deux interrupteurs (I1 et I2) en série. Tous les interrupteurs de l’artère sont normalement fermés sauf un qui constitue le point d’ouverture normale, évitant la mise en parallèle des deux sources d’alimentation. En cas de défaut sur un tronçon de câble, il est possible de l’isoler en ouvrant les deux interrupteurs qui l’encadrent. La fermeture de l’interrupteur normalement ouvert de l’artère permet alors de réalimenter la totalité des points d’utilisation. La coupure d’artère est, en général, plus économique que la double dérivation. Les temps d’interruption sont de l’ordre de 1 h en exploitation manuelle. L’automatisation des réseaux en coupure d’artère est coûteuse et difficile, car l’automate de reconfiguration doit reconnaître la topologie du réseau ; l’automatisation, de plus en plus nécessaire à cause des difficultés de déplacement dans nombre d’agglomérations, se développera grâce à la baisse des coûts de transmission et des systèmes de gestion centralisée. Le principe de la coupure d’artère peut s’appliquer à plusieurs schémas. Les plus courants sont les schémas en boucles, en fuseau et en épi. ■ Boucles : dans la structure en boucles ou pétales de marguerite (figure 10a), chaque câble revient au même poste source HT/ MT. Il n’y a pas de liaisons transversales entre boucles. Lorsque le centre de gravité des charges est excentré par rapport au poste source, on alimente parfois un poste tête de pétales par un ou plusieurs feeders issus de la source. Dans ces dispositions, la sécurité de la fourniture d’énergie par le poste doit être assurée puisqu’il n’y a pas de possibilité de reprise par une autre source. La structure en boucles juxtaposées est simple, mais se prête mal au développement. De plus, le degré d’emploi théorique des câbles est au maximum de 0,5. ■ Fuseau : dans la structure en fuseau (figure 10b), tous les câbles issus d’un même poste HT/ MT convergent vers un même point, appelé point de réflexion. Si les câbles sont tous des câbles de travail et se secourent mutuellement, la structure est dite à secours intégré. Une disposition plus intéressante consiste à utiliser un câble réservé au secours, joignant le poste source HT/MT au point de réflexion. Le fuseau procure un excellent degré d’emploi et une exploitation facile. Le point de réflexion constitue tout naturellement l’emplacement d’un futur poste source HT/MT. ■ Épi : dans cette structure (figure 10c ), les câbles de travail partent du poste source et rejoignent un câble de secours qui suit une direction privilégiée de développement. Le degré d’emploi est bon. Le développement autour d’un même poste est économique et souple. La longueur des câbles est bien adaptée à la répartition des charges. Il est généralement possible de pallier une double indisponibilité. Cette structure se prête à l’évolution vers une structure en fuseau. 3.3.2.4 Alimentation par voies multiples Dans certains très grands centres urbains, on a cherché à améliorer le degré d’emploi et les performances en qualité de service, par l’utilisation de structure dite en grille, permettant de nombreuses possibilités de secours (figure 11). Des points d’ouverture avec interrupteurs sont ménagés à chaque intersection pour interdire, en fonctionnement normal, la marche en parallèle de deux ou plusieurs câbles. Cette structure offre de grandes possibilités d’exploitation, mais exige des compétences accrues de la part du personnel. Le remplacement des interrupteurs par des disjoncteurs autorise le fonctionnement en parallèle de toutes les artères (réseau maillé). Il n’y a alors aucune interruption du service en cas de défaut sur un câble. Mais le coût élevé de l’installation et la grande difficulté de réalisation des protections limitent l’utilisation de cette technique à de très rares cas. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie électrique D 4 210 − 15 RÉSEAUX DE DISTRIBUTION ______________________________________________________________________________________________________________ Figure 9 – Réseaux en double dérivation 3.4 Postes MT/ BT Ils sont l’interface entre les réseaux MT et BT. Ils ont essentiellement un rôle de transformation MT/BT auquel peuvent éventuellement être associées une fonction d’exploitation MT (point de coupure) et une fonction de répartition BT, suivant la charge à desservir. Le poste MT/BT est un organe très répandu sur le réseau, qui se présente sous des formes extrêmement variées, suivant l’environnement et la puissance à desservir. D 4 210 − 16 Une des caractéristiques essentielles des postes MT/BT est leur puissance nominale. On rencontre à travers le monde des puissances comprises entre quelques kilovoltampères et plusieurs mégavoltampères. Les plus petits sont réduits à un simple transformateur (monophasé dans la technique nord-américaine) alimentant une habitation isolée. Les plus gros se présentent sous la forme de bâtiment comportant tout un appareillage de répartition MT et BT, plusieurs transformateurs de puissance, des systèmes de protection et de contrôle-commande, un atelier d’énergie, etc. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie électrique _____________________________________________________________________________________________________________ RÉSEAUX DE DISTRIBUTION 3.4.1 Types de postes MT/BT Si on se limite au cas de la France, on peut citer plusieurs types de postes MT/BT de niveau de complexité croissante (figure 12). Le lecteur pourra se reporter, pour plus de détails, dans ce traité à l’article Postes à moyenne tension [D 4 600]. Figure 10 – Réseaux en coupure d’artère Figure 11 – Alimentation par voies multiples (grille) Figure 12 – Structures de postes MT/BT Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie électrique D 4 210 − 17 RÉSEAUX DE DISTRIBUTION ______________________________________________________________________________________________________________ ■ Poste sur poteau dit H61 C’est le plus simple, utilisé en réseau aérien. Apparu dans les années 50, son principe de conception est de considérer qu’il fait partie intégrante de la ligne. Sur le même poteau sont supportés l’arrivée MT (du type à simple dérivation sans organe de coupure), un transformateur apparent et une sortie BT avec un disjoncteur BT en milieu de poteau (figure 12a ). Ce disjoncteur a un rôle de protection universel contre les surintensités. Ce type de poste, simple et peu coûteux, a permis, dans le passé, l’électrification rapide des écarts ruraux grâce à la grande souplesse de distribution des charges. Les puissances normalisées du transformateur sont : 63 ; 100 ; 160 kVA 3.4.2 Nombre optimal de postes MT/BT Pour limiter les pertes et les chutes de tension, il y a intérêt à amener le réseau MT le plus près possible des points de consommation, afin de réduire au maximum le réseau BT. Mais un excès dans ce sens conduirait à une multiplication des postes MT/BT, non rentable sur le plan économique, compte tenu de leur coût relativement élevé, surtout en zone urbaine dense. Le nombre optimal est donc le résultat d’un compromis que l’on peut traduire schématiquement de la manière suivante : — en zone rurale peu dense, sauf s’il y a contrainte de chute de tension ∆U, l’opportunité de créer un nouveau poste (figure 13) va dépendre de la vérification d’une inégalité du type : L<a–b les puissances d’origine (16, 25 et 40 kVA) ayant été abandonnées, compte tenu de l’évolution des densités de charge. ■ Poste bas simplifié sous capot Généralement préfabriqué, raccordé exclusivement sur des réseaux aériens MT, ce type de poste (relativement simplifié et compact, 3 m 2 et 1,50 m de hauteur), permet de délivrer des puissances (160 ; 250 ; 400 kVA) supérieures à celles du H61, dans des conditions encore économiques. La liaison avec le réseau MT s’effectue par descente aérosouterraine en câble sec sans organe de coupure (figure 12b), le raccordement au transformateur étant réalisé par prise embrochable. L’énergie BT peut être répartie par un ensemble comportant un organe de coupure et jusqu’à quatre départs protégés par fusibles. Ce type de poste remplace les conceptions plus anciennes en maçonnerie traditionnelle (cabine basse), coûteuses et aujourd’hui abandonnées. avec L longueur de la ligne MT à tirer pour raccorder le nouveau poste, longueur de la ligne BT à tirer pour alimenter la charge, a et b coefficients dépendant des coûts des ouvrages (lignes et poste) ; — en zone urbaine dense, le coût des postes est tel que la solution la plus rentable est de mettre en œuvre le nombre minimal de postes, compatible avec la densité de charge et permettant d’assurer une desserte sans contrainte BT (thermique ou chute de tension). Ainsi, d’une manière générale, lorsque les charges croissent, il y a intérêt, la plupart du temps, à augmenter la puissance installée d’un poste MT/BT (mutation de transformateur) plutôt que de dédoubler le poste. La puissance unitaire des postes MT/BT est très directement liée à la densité de charge à desservir. ■ Postes de type urbain raccordés en souterrain (figure 12c ) Suivant les contraintes d’environnement rencontrées, diverses solutions sont utilisées pour l’enveloppe du poste : enterrée dans le domaine public, local en immeuble, cabine en maçonnerie traditionnelle ou préfabriquée manœuvrable soit de l’extérieur, soit de l’intérieur. Du fait des structures de réseau MT en coupure d’artère ou en double dérivation, ils comportent un appareillage MT composé en général de deux arrivées MT (MT1, MT2) avec cellules interrupteur en technique protégée, et une cellule de protection du transformateur avec fusible et éventuellement un interrupteur. Le poste est prévu en général pour un seul transformateur, mais dans certains cas, il peut y en avoir plusieurs pour faire face à des charges ponctuelles importantes. Les puissances normalisées de transformateur sont : 250 ; 400 ; 630 ; 1 000 kVA En basse tension, la répartition de l’énergie se fait par l’intermédiaire d’un tableau BT comportant, en aval d’un disjoncteur ou d’un interrupteur, quatre ou huit départs protégés par fusibles. Les transformateurs installés dans ces différents postes sont équipés de trois prises de réglage de la tension BT à vide (0 %, ± 2,5 %). Remarque importante : la technique française fait appel exclusivement à des transformateurs triphasés. Au contraire, le système nord-américain (avec MALT) utilise essentiellement des transformateurs monophasés, que la distribution soit monophasée ou triphasée : — dans le premier cas, les postes sont généralement constitués d’un unique transformateur monophasé sur poteau, d’une puissance variant entre 5 et 167 kVA ; — dans le second cas, la transformation triphasée est réalisée par trois transformateurs monophasés (puissance entre 167 et 2 000 kVA), sur poteau pour les puissances moyennes, ou sur plate-forme pour les unités importantes. D 4 210 − 18 Figure 13 – Création d’un nouveau poste MT/BT Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie électrique _____________________________________________________________________________________________________________ RÉSEAUX DE DISTRIBUTION 3.5 Réseaux BT 3.5.1 Généralités On rencontre à travers le monde les deux systèmes de distribution BT : monophasé et triphasé. Le choix entre les deux systèmes résulte de considérations diverses : — cohérence avec le système de distribution MT et la technique choisie de transformation MT/BT ; — topologie des charges, justifiant économiquement l’un ou l’autre des deux systèmes (à partir de raisons analogues à celles exposées au paragraphe 2.2) ; — contraintes liées aux appareils d’utilisation (moteurs,...). Ainsi, en Europe, les réseaux BT sont très généralement triphasés (4 fils, 3 phases et neutre), alors que la distribution BT monophasée (2 fils, phase et neutre) est très répandue en Amérique du Nord. Dans certains cas, la distribution monophasée BT peut être effectuée avec 3 fils (double système monophasé en opposition de phase avec retour commun). Suivant les contraintes d’environnement, les ouvrages peuvent être réalisés soit en lignes aériennes, soit en câbles enterrés. Cette dernière technique est plus coûteuse, mais c’est la seule qui puisse être employée en zone urbaine dense ; les câbles sont en général de forte section (150 ou 240 mm2) en prévision des aléas d’évolution des charges. Dans les autres cas, le réseau est généralement aérien. Bien que l’on rencontre encore des réseaux BT équipés de conducteurs nus, la technique des conducteurs isolés préassemblés en faisceau a tendance à se généraliser tant en France qu’à l’étranger. Cette technique, apparue dans les années 60, d’un coût équivalent à celle des conducteurs nus, présente de nombreux avantages : meilleure fiabilité, meilleure qualité de service, exploitation plus aisée, amélioration de la sécurité des tiers et des intervenants. Ces conducteurs peuvent être tendus sur des supports ou épouser les contours des façades, ce qui les rend moins apparents (article Câbles aériens isolés [D 4 500] dans ce traité). 3.5.2 Types de structures 3.5.2.2 Structure bouclable Elle consiste à insérer des points de bouclage (par boîtes de coupure, ou dans les postes) ouverts en fonctionnement normal, entre deux départs du même poste MT/BT ou de deux postes voisins. On vient de voir qu’elle n’était que rarement justifiée. Néanmoins, une telle structure peut être réalisée progressivement au fur et à mesure du développement du réseau et, notamment, lors de l’apparition de postes MT/BT supplémentaires, certains bouclages s’établissant de fait. Sur les réseaux aériens, les temps de manœuvre étant du même ordre que les temps de réparation, c’est essentiellement en souterrain que la structure bouclable peut éventuellement être envisagée. Il est à noter que l’exploitation de cette structure nécessite de se doter d’équipes d’intervention, pour effectuer les manœuvres de reprise de service en cas de panne et de retour en schéma normal après réparation. La mise en œuvre de systèmes de télécommande n’est pas réaliste sur les réseaux BT, compte tenu des coûts importants qui en résulteraient, dans l’état actuel des technologies. 3.5.2.3 Structure maillée Cette structure très coûteuse a été réalisée dans des cas où l’on souhaite un niveau de qualité de service très élevé (certaines grandes villes). L’ensemble du réseau BT est interconnecté par l’intermédiaire de fusibles de calibre adapté. En cas d’incident sur un poste MT/ BT ou sur un tronçon BT, l’élimination sélective par fusible de l’ouvrage avarié permet de ne pas couper la clientèle (sauf celle raccordée directement sur le tronçon BT en défaut). Outre son coût élevé, la fragilité de ce système en cas de surcharge et son exploitation très délicate (connaissance des transits, vérification des fusibles) ont conduit, à Paris par exemple, à abandonner cette conception. 3.6 Contrôle-commande associé aux réseaux 3.6.1 Dispositifs de protection On peut distinguer schématiquement trois types de structures de réseau à basse tension. 3.5.2.1 Structure arborescente C’est de loin la plus répandue. Elle est, dans la plupart des cas, considérée comme suffisante. En effet, bien que les détails de localisation de défauts et de réparation soient non négligeables, surtout en souterrain, le nombre de clients affectés par l’indisponibilité d’un tronçon est beaucoup plus faible qu’en MT. Les coûts de mise en œuvre d’une structure bouclable ne sont en général pas justifiés par rapport à l’amélioration de qualité de service qui en résulterait. Cela est d’autant plus vrai que l’utilisation de moyens mobiles de dépannage adaptés (groupe électrogène, câble BT volant) permet de diminuer notablement les délais de réalimentation de la clientèle. Néanmoins, en réseau souterrain, pour faciliter la localisation des défauts et réduire la longueur des tronçons indispensables, on peut installer des boîtes de coupure, tous les 200 m par exemple. Le système de protection d’un départ arborescent est relativement simple : fusible de départ ou disjoncteur BT au poste MT/BT. On peut remarquer que la structure arborescente autorise une exploitation simple, tout au moins lorsqu’il n’y a pas de boîtes de coupure, les manœuvres étant très réduites. 3.6.1.1 Généralités Face aux agressions diverses subies par les réseaux de distribution, le rôle de ces dispositifs est d’assurer la sauvegarde des matériels, tout en dégradant le moins possible la qualité de service. Les qualités essentielles d’un système de protection sont : — la fiabilité, car il doit fonctionner en cas de défaut, et seulement dans ce cas ; — la rapidité, pour éviter de détériorer les matériels ; — la sélectivité, l’élimination d’un défaut devant se traduire par la mise hors tension du seul élément de réseau affecté par le défaut ; — la sensibilité, car il doit éliminer des défauts difficiles à déceler, tels que les défauts résistants. Le lecteur pourra se reporter, dans ce traité à l’article Réseaux de distribution. Conception et dimensionnement [D 4 220] et, également, aux articles Protection des réseaux [D 4 800] [D 4 810] [D 4 815] [D 4 820] pour une description détaillée de ces dispositifs. On peut cependant aborder ici quelques grandes lignes concernant deux types de perturbations : les surtensions et les surintensités sur réseaux MT aériens. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie électrique D 4 210 − 19 RÉSEAUX DE DISTRIBUTION ______________________________________________________________________________________________________________ 3.6.1.2 Protection contre les surtensions Le système traditionnel pour la protection des réseaux aériens MT contre les surtensions atmosphériques est constitué par des éclateurs à cornes installés sur les chaînes d’isolateurs à proximité des installations à protéger. Ce système simple et peu onéreux présente cependant l’inconvénient de générer, avec le neutre mis à la terre, un courant de défaut dit de suite en cas d’amorçage dû à une surtension, qui ne peut être éliminé qu’en consentant une coupure brève (fonctionnement de la protection contre les surintensités). En France, avec l’amélioration souhaitée de la qualité de service, se généralise, depuis quelques années, un appareil qui ne possède pas cet inconvénient : le parafoudre à oxyde de zinc, qui permet une autoélimination du courant de suite en un temps très court (article Parafoudres [D 4 755] dans ce traité). 3.6.1.3 Protection contre les surintensités Le principe de base, utilisé notamment en France, s’appuie sur une organisation en cascade, de la source vers le réseau, des protections agissant sur les différents disjoncteurs. La détection des défauts est réalisée par des relais ampèremétriques (fonctionnant au-delà d’un seuil de courant) et la sélectivité est assurée par une temporisation croissante de l’aval vers l’amont (intervalles de temps fixes, relais à temps constant). Les relais ampèremétriques (2 relais à courant de phase et 1 relais homopolaire) autorisent la détection de défauts de toutes formes (polyphasés, monophasés et biphasés à la terre). Des automatismes de reprise de service peuvent venir compléter ce dispositif, notamment : — le système de réenclenchements rapides et lents, permettant d’éliminer les défauts fugitifs et semi-permanents ; — le système de recherche automatique des défauts résistants à la terre qui, lors d’une surintensité dans la connexion entre neutre et terre, explore par ouvertures successives les différents départs et élimine celui qui est affecté. Nota : avec la mise en œuvre, depuis quelques années, de la technologie protection sans alimentation auxiliaire, la détection du courant de défaut s’effectue non plus à travers la connexion entre neutre et terre, mais au niveau du départ lui-même, à l’aide de relais électroniques sensibles à temps inverse. 3.6.2 Automatismes Ces dispositifs, destinés à faciliter et à améliorer la conduite des réseaux, peuvent se regrouper en deux catégories : les automatismes de réglage et les automatismes de reprise de service. 3.6.2.1 Automatismes de réglage Dans cette catégorie, on peut citer notamment ceux qui suivent. ■ Régleurs en charge : ils règlent la tension MT en sortie de transformateurs HT/MT à une valeur de consigne en ajustant le nombre de spires de l’enroulement primaire. Cette consigne peut être la tension nominale, mais, pour compenser les chutes de tension sur le réseau, on peut utiliser un dispositif complémentaire, dit système de compoundage, qui agit sur la consigne en lui donnant une valeur variable, croissant avec la charge du réseau. ■ Commande automatique des batteries de condensateurs shunt : elle est destinée à compenser l’énergie réactive appelée, afin de diminuer les pertes et les chutes de tension sur les réseaux de transport et de répartition. Ce dispositif, installé dans les postes sources est constitué d’ensembles élémentaires de condensateurs appelés gradins, qui sont enclenchés ou déclenchés par un relais varmétrique en fonction de la puissance réactive appelée. D 4 210 − 20 ■ Automatismes de délestage : ils permettent, lorsqu’une production insuffisante entraîne des baisses de fréquence, de délester instantanément une ou plusieurs tranches de charge correspondant à des éléments de réseau fixés, par l’intermédiaire de relais fréquencemétriques réglés à différents seuils de fréquence. 3.6.2.2 Automatismes de reprise de service Ils permettent d’améliorer notablement la continuité de service. En plus de ceux évoqués dans les paragraphes précédents, on peut citer : — les permutateurs automatiques de transformateurs HT/MT lorsque le schéma du poste source comporte un appareil de réserve ; — les disjoncteurs réenclencheurs en réseaux (DRR), utilisés sur les réseaux de type nord-américain et en cours de validation en France, qui permettent de diminuer les longueurs des tronçons coupés en cas de défaut ; — le système automatique de reprise d’alimentation (SARA), qui commande automatiquement les IAT d’un départ lors d’un défaut ; il réalimente les tronçons sains, après avoir isolé l’élément défectueux. 3.6.3 Systèmes de téléconduite Ces systèmes permettent, en complément aux automatismes, de modifier la configuration du réseau par intervention humaine à distance (article Systèmes de téléconduite des postes électriques [D 4 850] dans ce traité). Développée à l’origine pour supprimer le gardiennage des postes sources, la téléconduite est l’un des instruments essentiels à l’obtention d’une bonne qualité de service, surtout si son action s’étend aux appareils du réseau MT. Au centre de conduite (appelé, en France, Bureau Central de Conduite), sont centralisées en permanence les informations relatives à l’état des réseaux MT (télésignalisations des positions d’organes, télé-alarmes, télémesures des puissances appelées). En fonction des événements se produisant sur le réseau, l’agent de conduite peut à tout moment, par télécommande, réaliser une configuration de réseau mieux adaptée à la nouvelle situation. L’intérêt essentiel réside dans l’accélération de la reprise de service en cas d’incident, mais le système de téléconduite permet aussi une efficacité accrue dans la gestion du réseau : augmentation de la sécurité d’alimentation, amélioration des niveaux de tension, réduction des pertes. Sur le plan technologique, les systèmes de téléconduite font largement appel aux techniques de l’informatique industrielle. Ils comportent trois composantes : — des équipements à base de micro-calculateurs ou minicalculateurs dans les postes asservis (postes sources et éventuellement sur le réseau HT) pour l’acquisition des données et le dialogue avec le centre de conduite ; — un réseau de télécommunication de haute fiabilité, par lignes téléphoniques ou radio, pour le transfert d’informations entre centre de conduite et postes asservis ; — au centre de conduite, des moyens informatiques d’autant plus importants que le nombre de postes asservis à gérer est plus élevé, associés à divers périphériques (imprimantes, écrans de visualisation graphique, etc.). Avec les évolutions de la technologie dans ce domaine, on assiste à un développement de fonctionnalités nouvelles, de plus en plus élaborées, mises à la disposition de l’exploitant : automatisation de séquences de manœuvres, optimisation des schémas d’exploitation, aide à la décision, analyse des événements sur le réseau... Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie électrique _____________________________________________________________________________________________________________ RÉSEAUX DE DISTRIBUTION 3.7 Évolution des réseaux de distribution Les durées de vie élevées des ouvrages de distribution et le poids des investissements correspondants font qu’il y a une grande inertie dans l’évolution des réseaux. Les options prises par le passé ont des effets qui se prolongent largement dans l’avenir et on ne peut, dans les choix de structures effectués aujourd’hui, faire table rase des réseaux existants. Or ceux-ci sont rarement des structures aussi pures que les structures types qui ont été présentées. Cela tient au fait que leur développement s’est souvent effectué sans ligne directrice stable, au fur et à mesure de l’apparition aléatoire des charges, en minimisant ponctuellement les dépenses. Suivant le contexte, l’évolution vers une nouvelle structure s’effectuera par substitution progressive ou bien par superposition d’un nouveau réseau au réseau existant. Dans les pays industrialisés, dont l’ensemble du territoire est électrifié depuis longtemps, les réseaux existants sont importants mais commencent à vieillir et nécessitent de mettre en œuvre des programmes de renouvellement ; dans ce cadre, une évolution des structures par substitution est souvent préférable, surtout dans un contexte de croissance ralentie. En revanche, dans les pays en voie de développement à croissance forte, où les réseaux existants sont peu étendus et réalisés avec de pauvres moyens initiaux, il peut être rentable à long terme de superposer un nouveau réseau plus performant reprenant progressivement les charges alimentées par l’ancien. Quoi qu’il en soit, il est clair que l’évolution des réseaux dans les années à venir est subordonnée à la prise en compte de deux facteurs essentiels dont l’importance ne fait que croître : le souci de la qualité du produit et l’intégration dans l’environnement. Les tendances, en ce qui concerne les ouvrages de puissance, sont à la simplification des structures, à la mise en œuvre de matériels fiables à maintenance réduite et à une plus forte fonctionnalisation des différentes composantes des réseaux. Mais c’est dans le domaine des courants faibles que s’opèrent les évolutions les plus notables. Ceux-ci permettent une automatisation de plus en plus poussée du fonctionnement des réseaux et conditionnent les choix de structure (IAT, bouclages...). Les progrès à venir seront favorisés par les évolutions technologiques rapides dans ce domaine (techniques numériques, transmissions par fibres optiques). De plus en plus, les réseaux de distribution doivent se concevoir comme un ensemble harmonieux associant, avec une importance égale, le contrôle-commande et les installations de transit d’énergie. 4. Planification des réseaux de distribution 4.1 Enjeux. Contexte politico-économique ■ L’électricité, par ses utilisations soit captives, soit concurrentielles, est une composante essentielle de l’économie moderne. Les répercussions socio-économiques des choix effectués en matière de développement de réseau de distribution peuvent être très importantes. Un réseau délivrant une énergie électrique de qualité insuffisante peut être à l’origine de préjudices graves subis par les utilisateurs (par exemple, perte de production industrielle à la suite de coupure). Cela peut, bien évidemment, influer sur les choix énergétiques de la clientèle. Le coût du réseau de distribution est également un élément important puisqu’il intervient pour une bonne part dans le prix de revient du kilowattheure. Il peut donc avoir une incidence sur les tarifs, ce qui, là encore, peut conditionner les choix de la clientèle. Par ailleurs, les performances des réseaux de distribution en matière de pertes électriques pèsent sur l’économie d’un pays, puisque ces pertes qu’il faut produire et transporter peuvent représenter quelques pour-cent à quelques dizaines de pour-cent de l’énergie transitée. De plus, les enjeux financiers liés aux choix effectués en matière de développement de réseaux électriques de distribution sont considérables. Le secteur électrique, et notamment la distribution, est un domaine de l’activité économique où les dépenses d’investissement sont particulièrement importantes. Cela est évident pour les pays en cours d’électrification, mais c’est également vrai pour les pays développés. En France, la part de la distribution électrique représente environ 5 % des investissements industriels. On conçoit que les choix mettant en œuvre de telles sommes ne peuvent que résulter de considérations stratégiques, au niveau du distributeur, mais aussi au niveau de l’État. La politique énergétique du pays conditionnera, en effet, largement les investissements à réaliser. Par ailleurs, l’État ne peut pas se désintéresser des flux financiers de cette ampleur, compte tenu des conséquences sur le plan du financement, des importations, des impôts, etc. Le degré d’intervention des pouvoirs publics est plus ou moins élevé, selon le système de relations institué entre l’État et le distributeur, mais il n’est jamais négligeable. Les orientations stratégiques du distributeur, définies dans ce cadre, seront la base de la détermination des choix de développement des réseaux. En général, ces orientations intègrent, avec des degrés et des priorités variables, les différents aspects évoqués au paragraphe 1.2.2 [réponse (voire incitation) à la croissance, souci de la qualité du produit, maîtrise des coûts], sans oublier les contraintes liées à la position de service public, telle que l’obligation de desservir tous les clients (§ 1.2.1). ■ Les objectifs à atteindre sont souvent difficiles à concilier et les choix qui doivent être faits pour y parvenir résultent de compromis à rechercher, ce qui n’est pas simple, si on regarde les spécificités inhérentes au système de distribution. — Les investissements sont très lourds, on l’a vu au paragraphe 3, et les économies générées par la mise en œuvre des solutions optimales de développement de réseau justifient, pour la recherche de ces solutions, l’utilisation d’une méthodologie élaborée et précise dans les résultats. — La durée de vie des ouvrages de distribution est très longue, souvent plus de 40 ans, et donc les choix effectués engagent largement l’avenir. Le long terme est donc à prendre en considération, mais, également, le poids résultant des choix passés. — Les décisions sont multiples et diverses. Si les investissements annuels sont très lourds, ils sont le résultat de l’agrégation de milliers de décisions d’importance variable (du simple raccordement d’un client au choix d’une grande option technique), prises à différents niveaux et disséminées sur l’ensemble du territoire où les problèmes peuvent se poser de manières différentes suivant les régions. La plupart des décisions ont en fait chacune un impact financier relativement faible. — Le fonctionnement des réseaux électriques est complexe du fait de l’interdépendance des ouvrages et du caractère aléatoire à l’origine des dégradations de fonctionnement (perte d’éléments de réseau sur défaut). — Les délais de réalisation des ouvrages ne sont pas négligeables. Le poids et la complexité de certains ouvrages nécessitent des durées de construction relativement longues. De plus, ces durées sont allongées par la nécessaire prise en compte des contraintes d’environnement (négociation avec les autorités compétentes, autorisations...). Les délais de réalisation peuvent être de plusieurs années, ce qui rend difficile la souplesse d’adaptation aux charges. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie électrique D 4 210 − 21 RÉSEAUX DE DISTRIBUTION ______________________________________________________________________________________________________________ — Les choix d’investissements des réseaux sont confrontés à un environnement futur incertain. Une composante essentielle de cet environnement est la demande de consommation future, en niveau et en localisation géographique. Il est évident que la prévision de cette demande ne peut qu’être entachée d’incertitude. Il est donc nécessaire d’avoir une vision stratégique. Toutes ces considérations font bien apparaître la nature des compromis à rechercher : entre le court et le long termes, entre investissements et coûts d’exploitation, entre dépenses sur le réseau et qualité du produit distribué, entre les différentes régions. ■ L’objet de la planification est donc de rechercher ces compromis et, en fonction de ceux-ci, de décider quels moyens devront être mis en œuvre, à quelles dates et à quels endroits. On conçoit que la complexité du problème nécessite de s’appuyer sur une démarche méthodologique adaptée. La planification des réseaux de distribution se prête bien au calcul technico-économique du fait de l’importance de la composante économique dans les choix à effectuer. Mais on voit bien que beaucoup d’éléments entrant en ligne de compte sont difficilement quantifiables : obligations de service public, contraintes d’environnement, contraintes d’exploitation, etc. En résumé, on peut dire que la planification des réseaux, dans son principe général, consiste à rechercher l’optimum économique sous contraintes, dans le cadre des politiques définies. Le planificateur placé devant un problème de développement de réseau choisira donc, parmi un ensemble de solutions techniques qui s’offrent à lui et répondent au problème posé, la meilleure selon un critère économique bien défini (§ 4.2). Cette solution devra permettre de satisfaire les contraintes de charge (§ 4.3) et les exigences de qualité du produit (§ 4.4). Elle sera déterminée à l’aide de méthodes et d’outils (§ 4.5) adaptés au contexte organisationnel (§ 4.6). Il est, en général, nécessaire d’exprimer tous ces coûts dans la même unité, si l’on veut être homogène dans les comparaisons chiffrées à des années différentes. On préférera donc exprimer les coûts en monnaie constante (en général à l’année 0) plutôt qu’en monnaie courante (entachée de l’inflation), ce qui n’empêche d’ailleurs pas de prendre en compte les dérives relatives de prix que l’on peut prévoir. 4.2.2 Critères de choix de stratégie Il existe différents critères de philosophies relativement différentes pour effectuer un choix entre plusieurs stratégies. 4.2.2.1 Temps de retour C’est le temps nécessaire T pour récupérer l’investissement initial I (0). Il est déterminé par : n=T ∑ Il s’agit de choisir l’investissement ayant le plus court délai de récupération. Ce critère, qui a l’avantage de la simplicité, ne tient pas compte des durées de vie des investissements ni des bénéfices postérieurs, et décourage les investissements de longue durée. Néanmoins, il est parlant et il peut donc être intéressant à titre indicatif, plus pour une estimation absolue de l’intérêt d’un projet que pour effectuer un choix entre stratégies. 4.2.2.2 Taux de rentabilité d’un projet C’est la valeur r qui satisfait à l’équation : n= 4.2 Calcul technico-économique 4.2.1 Généralités Le planificateur d’une entreprise confronté à un projet d’équipement doit mener une étude sur une période suffisamment longue ( années), pour que soient pris en considération les différents flux financiers consécutifs aux investissements projetés ; il peut envisager plusieurs stratégies sur cette période. Chaque stratégie est une succession d’états qui correspondent à des modifications du niveau d’équipement de l’entreprise (réalisation d’investissements). Sur le plan économique, une stratégie est donc caractérisée par les différents flux financiers qui interviennent à chaque année de la période (échéancier). Ces flux sont, à l’année n : — les investissements réalisés : I (n ) — les dépenses d’exploitation : D (n ) — les recettes : R (n ) (n ) = R (n ) – D (n ) — le bénéfice brut annuel : Remarque : dans le cas d’un distributeur d’électricité, les dépenses D (n ) comportent les coûts d’exploitation directs (conduite, entretien), mais aussi les coûts des pertes électriques ainsi que les coûts (fictifs) de non-qualité liés aux imperfections du produit électricité livré (§ 4.4.3). On définit aussi la valeur résiduelle ou valeur d’usage V ( ) des installations en fin de période. Elle correspond à la valorisation des services que ces installations pourraient encore rendre au-delà de l’année . D 4 210 − 22 (n ) = I(0) n=1 – ∑ n=1 I(n ) ---------------------+ ( 1 + r )n n= ∑ n=1 (n ) V () ---------------------+ ------------------------ = 0 ( 1 + r )n ( 1 + r ) Cela revient à dire que les bénéfices réalisés permettent de récupérer les investissements augmentés d’un revenu de taux r. Le critère qui en découle consiste à choisir entre deux projets celui qui a le taux de rentabilité le plus élevé. Pour réaliser ce projet, on exige aussi que ce taux soit supérieur à une valeur fixée par l’entreprise. Ce critère est très parlant, donc très utilisé. 4.2.2.3 Bénéfice actualisé On définit ainsi le bénéfice actualisé au taux a : n= a = – ∑ n=1 I(n ) ----------------------+ ( 1 + a )n n= ∑ n=1 (n ) V () ----------------------+ ------------------------( 1 + a )n ( 1 + a ) Le critère de choix associé à ce calcul consiste à retenir les projets ayant un bénéfice actualisé positif. Entre deux projets concurrents, on préférera celui qui présente le bénéfice actualisé le plus grand. On peut remarquer d’ailleurs que réaliser des projets dont le bénéfice actualisé au taux a est positif est équivalent à la recherche d’une rentabilité supérieure à a. Mais, néanmoins, les deux critères ne conduisent pas forcément toujours au même choix, comme le montre par exemple la figure 14. Le taux d’actualisation exprime la préférence pour le présent ; une somme S, disponible seulement à l’année n, n’aura qu’une valeur égale à S/(1 + a )n, si elle est considérée à l’année 0. Un taux d’actualisation faible privilégie les investissements importants effectués dans le présent, si toutefois ils sont générateurs de bénéfices ultérieurs, même lointains. À l’inverse, avec un taux fort, les compensations futures sont rapidement atténuées et ne justifient plus ces investissements. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie électrique _____________________________________________________________________________________________________________ RÉSEAUX DE DISTRIBUTION montant supérieur aux ressources dont dispose le distributeur. Il convient donc de pouvoir classer ces investissements par ordre de priorité, les moins prioritaires étant alors reportés à l’année suivante. Une solution à ce problème serait d’utiliser des taux d’actualisation variables en fonction des années. La fonction coût permettrait à la fois l’ajustement aux ressources et l’adaptation à la politique d’investissement. Mais cette méthode, compliquée dans les calculs, est peu opérationnelle à cause de la difficulté à prévoir les fluctuations de taux d’actualisation. On peut citer le critère a /I (quotient du bénéfice actualisé par l’investissement à classer), les affaires étant classées par ordre de a /I décroissant. Mais le critère le plus couramment utilisé, notamment à EDF, est le taux de rentabilité initial (TRI) : ∆D ( 1 ) TRI = ------------------I Figure 14 – Taux de rentabilité et bénéfice actualisé On voit donc que le taux d’actualisation est une variable stratégique qui oriente la politique d’investissement de l’entreprise. Il peut être aussi considéré comme un régulateur permettant d’ajuster les besoins d’investissement aux ressources disponibles. C’est pourquoi sa détermination est souvent externe à l’entreprise, en général au niveau des Pouvoirs Publics, en fonction de divers critères économiques à l’échelle du pays (taux de croissance, épargne,...). où ∆ D (1) est le gain obtenu sur les coûts d’exploitation, l’année qui suit la réalisation de l’investissement. Les affaires sont classées par TRI décroissant : — les affaires dont le TRI est supérieur au taux d’actualisation seront réalisées à l’année 0 comme prévu, dans les limites des ressources disponibles ; — en revanche, lorsqu’un investissement a un TRI inférieur au taux d’actualisation a, cela veut dire que la stratégie associée n’est pas optimale sur le plan du coût actualisé ; en effet, on montre facilement que la stratégie consistant à reporter cet investissement d’un an est d’un coût actualisé plus faible. Il y a donc lieu de décaler cet investissement d’un an, ou peut-être plus, même si les ressources permettaient de le réaliser à l’année 0. Par extension, le TRI permet donc, dans une stratégie, de déterminer la date optimale de changement d’état. La date optimale de création d’un ouvrage sera la première année n pour laquelle l’inéquation suivante sera respectée : ∆D ( n ) -------------------- a I Nota : sa valeur varie en général autour de 10 % (8 % à EDF, depuis 1985). 4.2.2.4 Critère retenu à EDF : coût total actualisé minimal Parmi les trois critères examinés précédemment, le bénéfice actualisé est généralement considéré comme le plus pertinent. Mais ce critère fait intervenir les recettes escomptées consécutives aux investissements. Or, dans le cas d’un distributeur qui est un service public, comme EDF, le choix d’un projet d’investissement sert généralement à apporter une réponse dans le cadre d’une demande de consommation fixée. L’examen des différentes stratégies fait alors apparaître des recettes identiques dans tous les cas. Même dans le cas où une stratégie permet de générer des ventes supplémentaires (ce qui est intéressant puisqu’allant dans le sens de la politique de l’entreprise), les gains associés sur les recettes ne seraient que fictifs dans une entreprise telle qu’EDF où la politique tarifaire est fondée sur la vente à coût marginal (article Principes de tarification de l’électricité en France [D 4 023] dans ce traité). On conçoit donc que l’on puisse simplifier le critère du bénéfice actualisé en supprimant les termes exprimant les recettes, sans que le choix entre les diverses stratégies en soit modifié. Le critère devient alors le coût total actualisé minimal : n= a = ∑ n=1 I(n ) ----------------------+ ( 1 + a )n n= ∑ n=1 D (n ) V ( ) ----------------------– ------------------------( 1 + a )n ( 1 + a ) 4.2.3 Critères d’ajustement conjoncturel Il arrive souvent que l’ensemble des investissements que l’on prévoit de réaliser à une année déterminée (§ 4.4.2) représente un 4.3 Connaissance des charges 4.3.1 Généralités La détermination des charges est une hypothèse essentielle dans la planification puisqu’elle est à la base du dimensionnement des réseaux. Il est à noter d’ailleurs que c’est la puissance maximale appelée qui dimensionne les réseaux et non les consommations d’énergie. Cependant, ces deux grandeurs sont étroitement liées. Connaissant l’une, on pourra obtenir l’autre, si l’on connaît la forme de la courbe de charge. Celle-ci est évidemment fonction du type d’utilisation de la clientèle (avec ou sans chauffage électrique, etc.). Il est souvent utile de la représenter sous forme de monotone de charge (figure 15), les puissances instantanées étant classées dans l’ordre décroissant. La connaissance des charges est nécessaire au planificateur à différents égards : — pour déterminer les transits de courant dans les divers éléments de réseaux ; — pour calculer les chutes de tension aux différents points du réseau ; — pour évaluer les pertes électriques ; — pour calculer l’énergie non distribuée (END) en cas de coupure (§ 4.4.3). La planification des réseaux nécessite de faire des prévisions de charge. Mais la connaissance des charges futures passe d’abord par la connaissance des charges actuelles, ce qui est déjà une difficulté. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie électrique D 4 210 − 23 RÉSEAUX DE DISTRIBUTION ______________________________________________________________________________________________________________ Les effets de la température, intervenant à des degrés divers selon les classes étudiées, sont également pris en compte. — Les puissances de chaque classe sont additionnées en tenant compte du foisonnement des courbes de charge. Celui-ci traduit le fait que la charge maximale sur le réseau est inférieure à la somme des charges individuelles maximales, à cause de la nonconcomitance de ces demandes individuelles. On conçoit aisément que ce type de calcul nécessite l’emploi de l’outil informatique (article Exploitation des réseaux de distribution : systèmes informatiques [D 4 240] dans ce traité), les informations à traiter étant issues des fichiers de facturation de la clientèle, mais aussi de bases de données comportant la description du réseau BT et le rattachement des clients sur ce réseau. 4.3.3 Prévision des charges futures Selon la nature du problème à résoudre, le planificateur est amené à effectuer des prévisions de natures diverses. Figure 15 – Deux types de monotones de charge annuelle Les deux caractéristiques essentielles d’une prévision de charge sont, d’une part, la date horizon à étudier, d’autre part, l’étendue géographique de la zone sur laquelle porte la prévision. Du reste, très souvent, plus la zone est étendue, plus l’échéance à prendre en compte peut être éloignée. La prévision de consommation d’électricité d’un pays à 20 ans (nécessaire par exemple pour orienter le choix d’une grande option technique ou établir un plan cible national à long terme) n’est pas comparable à l’estimation de l’évolution des charges à court terme d’un petit groupe de clients (pour un renforcement de réseau ponctuel, par exemple). 4.3.3.1 Méthodes de prévisions 4.3.2 Estimation des charges actuelles ■ Le moyen le plus direct consiste à effectuer des mesures sur le réseau. C’est en général ce que l’on fait pour les réseaux MT, les ouvrages à mesurer n’étant pas excessivement nombreux si l’on se limite aux postes sources et aux départs MT. La mesure de la puissance maximale et, éventuellement, des consommations est en général suffisante. Une périodicité annuelle est nécessaire si l’on veut disposer d’une chronique passée assez précise. Les résultats doivent être corrigés des effets dus à des conditions anormales ; ils doivent notamment être ramenés à une température dite normale, les charges étant fortement dépendantes des conditions climatiques. ■ En BT , compte tenu du nombre et de la dissémination des ouvrages, la mise en œuvre de mesures systématiques conduirait à des coûts prohibitifs. Cela est accentué par le fait qu’une fréquence importante serait nécessaire, l’impact relatif des mouvements de clientèle étant plus fort qu’en MT. C’est pourquoi d’autres méthodes ont été développées pour l’évaluation des charges des réseaux BT, notamment à partir de l’agrégation des données facturaires des clients rattachés aux tronçons de réseaux dont on veut estimer les charges ; le principe utilisé est indiqué ci-après. — Les clients rattachés au tronçon sont répartis en plusieurs classes suivant leur comportement (caractérisé par leur type d’abonnement), ces classes étant ainsi homogènes au niveau de leur courbe de charge. — Les puissances de chaque classe sont estimées à partir de modèles mathématiques, ceux-ci ayant été préalablement élaborés à partir d’études statistiques fondées sur des campagnes de mesures ponctuelles. On peut, par exemple, évaluer les puissances à partir des consommations annuelles E connues, en utilisant des formules du type : P = αE+β E D 4 210 − 24 Elles sont différentes selon les cas. ■ Pour des études locales à court terme, l’extrapolation du passé récent, associé à une connaissance du terrain (informations issues des services administratifs locaux, dates présumées d’apparition de charges ponctuelles...), permet d’obtenir assez aisément des prévisions suffisamment fiables. ■ Les prévisions de charges à long terme à l’échelle d’un pays ou d’une région font l’objet de méthodologies plus élaborées. Pour ces dernières, les méthodes économétriques globales liant la consommation d’électricité E à la croissance économique (du type E = k PIB + k ’, avec PIB produit intérieur brut) ont l’avantage de la simplicité, mais ne sont plus adaptées aux contextes actuels caractérisés par les incertitudes sur la croissance future et la pénétration forte de l’électricité dans les secteurs concurrentiels. C’est pourquoi on préfère les approches dites analytiques qui consistent à décomposer la consommation totale en composantes sectorielles (résidentiel, tertiaire, industrie), elles-mêmes découpées en sous-secteurs, qui font l’objet d’une modélisation spécifique (article Demande d’électricité et prévision à long terme [D 4 010] dans ce traité) : — pour l’industrie, par exemple, le degré d’analyse comporte les branches d’activités ; — pour le résidentiel et le tertiaire, une décomposition par usages peut être retenue (différents modes de chauffage, eau chaude, usages spécifiques...). Un effort prospectif important est nécessaire pour projeter les consommations des ménages, les parcs de biens d’équipement des consommateurs, les indices de production industrielle, les parts de marché et l’évolution de nombreuses données socio-économiques. Cette méthode de prévision se prête assez bien à l’élaboration de scénarios divers par le choix d’hypothèses sur ces paramètres socioéconomiques, sur les perspectives de pénétration de l’électricité, etc. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie électrique _____________________________________________________________________________________________________________ RÉSEAUX DE DISTRIBUTION Le passage des consommations aux puissances se fait par la reconstitution de la courbe de charge globale, à partir des courbes de charge types des différents sous-secteurs, pondérées des énergies correspondantes. On table soit sur une certaine stabilité de ces courbes de charge types, soit sur une évolution régulière et prévisible de leur forme dans le futur. La méthode analytique est également relativement bien adaptée à une décomposition régionale de la prévision nationale, à condition que l’on puisse régionaliser les différentes variables explicatives. Mais, quelles que soient les méthodes de prévision retenues, il est important de s’assurer d’une bonne cohérence aux niveaux tant spatial que temporel. Les prévisions décentralisées une fois agrégées doivent s’intégrer dans les prévisions effectuées sur des niveaux géographiques supérieurs et il doit y avoir continuité entre les prévisions à court, moyen et long termes. 4.3.3.2 Mise en œuvre des prévisions de charge Dans les études de réseaux, elle peut se faire utilement par la détermination de taux d’accroissement des charges, éventuellement différenciés par zones géographiques et pouvant varier au cours du temps. En tout état de cause, il faut souligner que, par nature, toute prévision est incertaine et que le planificateur doit pouvoir mesurer les risques qu’il prend, notamment lors du dimensionnement des ouvrages. Pour cela, il peut évaluer un écart-type d’aléa sur la prévision. Deux facteurs indépendants entrent en ligne de compte : — l’aléa climatique qui reflète les fluctuations de la consommation dues aux variations de la température extérieure autour de la température normale ; — l’aléa conjoncturel qui reflète non seulement une variation de la conjoncture, mais aussi l’incertitude due aux méthodes de prévision ; en première approximation, on peut considérer qu’il suit une loi de la forme k t où t est l’horizon de la prévision exprimé en années. L’écart-type d’aléa global est donc : σG = avec 2 2 σ c + g2 σ θ g gradient de puissance par rapport à la température variant avec le point horaire et le type de consommation, σ c écart-type conjoncturel dépendant de l’étendue de la zone d’étude considérée et de l’horizon de la prévision, σ θ écart-type de la température par rapport à la normale (défini par station météorologique). Ces éléments peuvent être accessibles à partir de tables préalablement élaborées. 4.4 Qualité du produit électricité On a vu (§ 4.3) comment le planificateur prend en compte l’aspect quantitatif de la fourniture à desservir. Il doit également se préoccuper de l’aspect qualitatif de cette fourniture. 4.4.1 Composantes de la qualité du produit La qualité du produit électricité, au point de raccordement du client, est caractérisée par ses deux composantes essentielles : continuité de la fourniture et qualité de la tension. — les coupures brèves (1 s < t < 1 min), en général dues à des fonctionnements soit de protections tels que les réenclenchements lents sur défauts semi-permanents, soit d’automatismes de reprise de service ; — les coupures longues (t > 1 min), qui peuvent durer jusqu’à quelques heures, voire plus en cas d’incidents généralisés ; elles peuvent être dues à un incident ou bien à des travaux programmés, auquel cas la clientèle est en principe préalablement informée et peut s’organiser en conséquence. ■ Qualité de la tension : la régularité de la tension s’apprécie par : — le niveau de son amplitude ; le distributeur est généralement tenu contractuellement de respecter une certaine plage de variation autour de la tension nominale ; en France, les cahiers des charges conduisent actuellement aux valeurs suivantes : • ± 7 % pour les clients MT, • ± 5 % pour les clients BT desservis par réseaux souterrains, • ± 10 % pour les clients BT desservis par réseaux aérien, et l’adoption de la tension BT normalisée recommandée par la CEI conduira à une fourchette de + 6 %, – 10 % ; — les distorsions de l’onde de tension, de natures et de causes diverses ; à la sinusoïde 50 Hz viennent se superposer des harmoniques, des à-coups de tension isolés (creux de tension, surtensions) ou répétitifs (flicker), des déformations du système triphasé. Ce sujet est développé, dans ce traité, dans l’article Qualité de la tension dans les réseaux électriques [D 4 260]. 4.4.2 Élaboration d’une politique de qualité du produit 4.4.2.1 Généralités Dans les pays développés, la recherche de qualité est une nécessité de ces dernières années, dans tous les secteurs. Cela est particulièrement vrai dans le domaine de l’énergie électrique, au niveau tant du distributeur que du consommateur. Celui-ci est de plus en plus exigeant, du fait de l’évolution des modes de vie et des applications de l’électricité de plus en plus sensibles à la qualité du kilowattheure. Le distributeur cherche à s’adapter, dans le cadre de sa mission de Service Public, mais aussi pour assurer son développement sur un terrain de plus en plus concurrentiel. En général, mis à part la tenue en tension, la qualité du kilowattheure ne fait pas l’objet de spécifications contractuelles précises (bien que des réflexions soient en cours sur ce sujet, notamment à EDF vis-à-vis de la clientèle MT). Il est donc nécessaire que soit définie, au niveau du distributeur, une politique claire pour prendre en compte ces exigences. La définition d’une politique de qualité du produit passe par les stades suivants : — connaissance des besoins et attentes de la clientèle (enquêtes, sondages, réclamations...) ; — évaluation des performances de l’outil de distribution (diagnostic effectué sur les réseaux), à partir d’indicateurs cohérents avec les attentes des clients ; — définition d’objectifs de performance, sur la base des mêmes indicateurs ; — détermination des actions à entreprendre et des règles de planification associées. 4.4.2.2 Exemple de la France À cet égard, la démarche entreprise par EDF est intéressante à analyser. ■ Continuité de la fourniture : relèvent de cette catégorie toutes les imperfections entraînant une disparition totale de la tension (coupures). On distingue : — les microcoupures (t < 1 s), occasionnées par exemple par un réenclenchement rapide sur défaut fugitif ; Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie électrique D 4 210 − 25 RÉSEAUX DE DISTRIBUTION ______________________________________________________________________________________________________________ Avant 1985, le besoin de qualité fournie à la clientèle a longtemps été satisfait par une amélioration progressive de la continuité de service sur le plan de la durée cumulée des coupures. La politique consistait alors, en fonction des moyens disponibles, à optimiser le développement des réseaux dans ce sens ; les résultats de cette politique étaient alors bien mesurés par un indicateur très global : le critère B (temps de coupure moyen par client) : Σ (n t ) B = ------------------N avec n nombre de clients coupés, N nombre total de clients, t (min) temps de coupure. Mais les enquêtes effectuées, à cette époque, auprès de la clientèle ont montré que celle-ci, tout en étant de plus en plus exigeante sur le plan de la durée des coupures, était encore plus sensible à la fréquence des interruptions qu’à leur durée. Par ailleurs, les microcoupures et les coupures brèves, bien que généralement moins gênantes que les coupures longues, sont néanmoins vivement ressenties, dans l’industrie, par les pertes de production qu’elles entraînent. Pour se rapprocher du point de vue de la clientèle, EDF s’est doté d’un outil informatique (dossier DIAGNOSTIC), permettant une analyse fine de la qualité délivrée par les réseaux, en restituant, pour les divers paramètres qualité, des histogrammes donnant les pourcentages de clients en fonction de la valeur du paramètre étudié. La figure 16 montre, à titre d’exemple, un histogramme pour le paramètre nombre annuel de coupures longues. L’examen de toutes ces données, en 1985, a fait apparaître une forte dispersion autour des valeurs moyennes, les clients les plus défavorisés se situant largement au-delà des niveaux considérés comme acceptables. L’identification des causes sur les réseaux a montré que l’origine des niveaux de défaillance élevés se situait essentiellement sur les réseaux MT ruraux. À partir de ce constat, il a été décidé de mettre en œuvre une politique visant, à terme, une qualité de service qui ne soit pas inférieure à un niveau minimal représenté par des seuils, permettant ainsi de se rapprocher notablement des attentes actuelles de la clientèle. Le suivi de cette politique peut alors se mesurer par les indicateurs suivants, dont les valeurs doivent tendre vers 0 à l’horizon fixé, c’est-à-dire à l’échéance 1995 ; on désigne par : N c le nombre de clients subissant plus de 6 coupures longues ; N r le nombre de clients subissant plus de 70 réenclenchements rapides ; N t le nombre de clients subissant plus de 3 h de coupures sur incidents MT ; N u le nombre de clients subissant plus de 11 % de chute de tension BT ; T t l’écart entre le temps moyen d’interruption pour travaux (MT et BT) et la valeur objectif de 1 h en 1995. Un critère synthétique global, G, élaboré à partir de ces différents indicateurs partiels, permet de mesurer les progrès accomplis depuis 1987, sur une échelle de 0 à 1 : Nc Nr Nt Nu Tt G = 1 – 0,2 ------------------ + 0,2 ----------------- + 0,2 ----------------- + 0,2 ------------------ + 0,2 ---------------N c ( 87 ) N r ( 87 ) N t ( 87 ) N u ( 87 ) T t ( 87) 4.4.2.3 Mise en œuvre de la politique française Elle passe par divers types d’actions spécifiques payantes sur le plan de la qualité ; on peut les regrouper en trois grands domaines. ■ La structuration du réseau concerne principalement les réseaux ruraux MT (§ 3.2.4 et 3.3.1.3). En zone urbaine, compte tenu de la sensibilité particulière de la clientèle à la durée des coupures, il y a lieu de mener une action de sécurisation au niveau des postes sources. Cela entraîne la structuration des réseaux MT et l’installation d’automatismes appropriés, de manière à assurer une reprise de service rapide lors de la perte totale d’une source. ■ La fiabilisation des ouvrages est obtenue : — par l’entretien s’appuyant sur l’auscultation instrumentée des réseaux qui, permettant un meilleur diagnostic des points les plus faibles, conduit à agir plus efficacement et de manière ciblée, pour diminuer les coupures brèves et les incidents permanents ; — par une politique de renouvellement des ouvrages appuyée sur l’aide de systèmes experts identifiant mieux les actions à entreprendre, et privilégiant largement l’extension du réseau souterrain sur les ossatures MT rurales. Ces opérations sont d’ailleurs à combiner avec la recherche d’une efficacité accrue en matière de travaux sous tension, de façon à réduire les temps d’interruption pour travaux. ■ L’automatisation des réseaux, pour diminuer la durée des coupures et isoler plus rapidement le tronçon en défaut, est réalisée par l’intermédiaire d’un équipement en télécommandes, en indicateurs de localisation de défaut, en automatismes gérés à partir de systèmes informatisés de téléconduite (SIT). Figure 16 – Pourcentage de clients selon le nombre annuel de coupures longues : situation, en 1985, en France D 4 210 − 26 Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie électrique _____________________________________________________________________________________________________________ RÉSEAUX DE DISTRIBUTION Les décisions conduisant à la mise en œuvre décentralisée de toutes ces actions doivent être prises sur la base de principes d’optimisation technico-économique adaptés en conséquence (§ 4.4.3) et peuvent utilement être appuyées par des outils d’application utilisant ces principes et faisant appel à l’informatique (§ 4.5.2). 4.4.2.4 La qualité du produit à l’étranger À côté de la démarche volontariste engagée par EDF, il convient cependant de signaler que, dans les pays étrangers, les politiques de qualité du produit électricité sont plus ou moins formalisées. Il est intéressant de constater, par exemple, que dans des pays comme l’Allemagne, la Belgique ou les Pays-Bas, les distributeurs sont beaucoup moins préoccupés qu’en France par leur niveau de qualité qu’ils considèrent comme suffisante. Dans ces pays, la perception de la clientèle est en général satisfaisante et effectivement, bien qu’elle soit difficile à mesurer, faute d’indicateurs précis, on peut estimer que la qualité desservie est naturellement bonne. Cela tient au fait que les densités de consommation sont élevées, ce qui permet d’avoir des structures de réseaux performantes (départs MT courts, possibilités de secours) à des coûts raisonnables ramenés au kilowattheure vendu. Par ailleurs, les contraintes d’environnement, en général sévères, conduisent à enterrer la plupart des réseaux, ce qui est évidemment un facteur favorisant la qualité. Dans ces pays, l’optimisation économique (compromis qualitécoût) est moins recherchée qu’en France et les règles de planification sont souvent purement techniques (par exemple, garanties n –1, voire n –2 systématiques, § 3.2.3.2). Par contre, dans des pays comme la Grande-Bretagne et surtout l’Espagne, les distributeurs sont beaucoup plus soucieux de l’amélioration de leur qualité de service. Comme pour la France, ces pays sont caractérisés par des disparités importantes entre les différentes régions. Des politiques de qualité volontaristes sont mises en œuvre, sous la forme de plans d’investissements supplémentaires, pour une bonne part axés sur le renouvellement des réseaux. Concernant cette comparaison avec les pays étrangers, le tableau figurant en annexe B (§ 7), donne pour six pays européens, des indications globales sur la continuité de service, en regard des principales caractéristiques de leurs réseaux. 4.4.3 Valorisation de la qualité de service en planification Il est bien évident qu’un projet de développement de réseau est d’autant plus coûteux que le niveau de qualité souhaité est plus élevé. À la limite, une qualité parfaite (qui n’existe pas) conduirait à des investissements de coût infini. Le calcul économique est une réponse pour la détermination d’un compromis qualité-coût, dès lors que l’on sait donner une valeur économique aux imperfections du service générées dans les différentes stratégies étudiées. Dans les dépenses d’exploitation D, figurant dans le critère économique choisi, en général le coût total actualisé, on intègre alors un coût de non-qualité C encore appelé coût de défaillance. Ce coût peut être vu aussi comme l’évaluation de la gêne présumée subie par la communauté. On conçoit que la détermination d’une telle fonction C n’est pas simple, compte tenu du caractère subjectif attaché à la notion de qualité. En tout état de cause, elle doit permettre de traduire au mieux, par les choix stratégiques qu’elle entraîne, les volontés politiques du distributeur en matière de qualité. 4.4.3.1 Valorisation des interruptions de service ■ Pour la valorisation des coupures longues, la méthode la plus classique, approchée mais synthétique, consiste à attribuer un coût forfaitaire à chaque kilowattheure de l’énergie non distribuée (END) par suite de coupures : C1 = α1 END En général, le calcul se fait sur une année complète et l’on devra d’abord quantifier l’END annuelle, en sommant les END occasionnées par les différentes configurations possibles de réseaux (perte d’élément sur incidents) et pondérées par les probabilités d’occurrence de ces situations. Le coefficient α1 est un paramètre stratégique, résultant d’un compromis prenant en compte l’estimation des préjudices subis par la clientèle en cas de coupure et les ressources que le distributeur consent à employer pour atteindre un certain niveau de qualité. On peut, éventuellement, affiner la fonction C 1 en donnant à α1 des valeurs variables, suivant la durée et l’ampleur de la coupure ou selon la nature de la clientèle ou les régions. Remarque : on peut aussi, dans certains cas, s’affranchir de la valeur précise à accorder à α1 , en procédant à une démarche inverse. Si une solution de référence conduit à investir I et à accepter une défaillance END (en kilowattheures coupés), alors qu’une solution plus onéreuse en investissement coûte I + ∆I, mais conduit à une défaillance END – ∆END, on peut calculer un coût implicite α 1′ attaché à la décision d’engager la dépense supplémentaire ∆I, par le rapport : ∆I α 1′ = -----------------∆END On peut ainsi raisonner sur le caractère acceptable ou non de la valeur de α 1′ . On peut noter qu’une fonction de type C1 , avec α1 fixe, permet d’optimiser les moyens à mettre en œuvre dans une politique où serait recherchée uniquement l’amélioration globale de l’indicateur de qualité critère B. À EDF, la fonction C1 , bien qu’utilisée par le passé, est insuffisante pour traduire les orientations récentes de sa politique de qualité. Il a donc été ajouté un terme quadratique du nombre de coupures, afin de prendre en compte l’aspect de la fréquence des coupures et d’orienter, en priorité, les investissements sur les zones les plus perturbées. La défaillance est ainsi valorisée par une fonction C 2 : 2 C 2 = α 2 N p P + β 2 END avec Np P α 2 et β2 nombre de coupures permanentes par an, puissance moyenne considérée, paramètres économiques (en 1990, α 2 = 6,5 F/kW et β 2 = 15 F/kWh). ■ On peut aussi valoriser les coupures brèves, voire les microcoupures, relativement simplement, avec une fonction de type C 3 : C3 = α3 P Nb avec α 3 paramètre économique (pour les coupures brèves une valeur réaliste de α 3 se situe entre 1 et 2 F/kW), N b nombre de coupures brèves (ou microcoupures) par an, P puissance moyenne considérée. 4.4.3.2 Valorisation des imperfections de la tension Concernant l’amplitude de la tension, on peut considérer qu’il y a imperfection du service lorsque des seuils de tolérance sont dépassés. ■ Une méthode d’évaluation de la gêne occasionnée consiste à valoriser l’END qui résulterait d’un délestage fictif de puissance ∆ P, nécessaire pour maintenir la tension U au-dessus d’un seuil d’admissibilité : ∆P = P ∆U ---------U seuil 1 – ---------------------------∆U ---------U réel Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie électrique D 4 210 − 27 RÉSEAUX DE DISTRIBUTION ______________________________________________________________________________________________________________ ■ D’autres méthodes peuvent être utilisées. Citons, par exemple, celle dite du (%)2 kWh, qui consiste à considérer qu’au-delà d’un certain seuil de chute de tension, la gêne croît comme le carré de l’écart de tension : ∆U ∆U seuil 2 C 4 = α 4 ---------- – ------------------- Pt U U Dans cette formule, P est la puissance considérée avec un écart ∆U pendant le temps t et α4 est un paramètre économique. ■ Les autres imperfections de qualité de tension (flicker, harmoniques) sont particulièrement délicates à valoriser sur le plan économique. Leur prise en compte dans la planification se fera plutôt sous forme de seuils techniques à ne pas dépasser (dans ce traité, article Qualité de la tension dans les réseaux électriques [D 4 260]). Le plus souvent, mis à part des solutions de politique générale, comme l’augmentation de la puissance de court-circuit P cc , ces problèmes sont traités au cas par cas, souvent d’ailleurs par des actions spécifiques chez les clients concernés, perturbés ou perturbateurs. 4.5 Méthodologie. Outils informatiques 4.5.1 Méthode générale d’étude 4.5.1.1 Identification du problème. Anticipation Les problèmes à l’origine d’un projet de développement de réseau sont divers : contraintes dues à l’évolution des charges, qualité de service insuffisante, recherche de gains en frais d’exploitation (sur les pertes, par exemple). S’il est souhaitable que le problème soit clairement identifié, il est aussi indispensable qu’il le soit suffisamment à l’avance. Une anticipation de la part du planificateur est nécessaire, d’une part, parce que le délai entre le début de l’étude et la mise en service opérationnelle de l’ouvrage nécessite souvent plusieurs années (§ 4.1) et, d’autre part, pour effectuer une gestion prévisionnelle des ressources financières nécessaires. L’anticipation nécessite une veille permanente du planificateur, basée sur une bonne connaissance de l’état électrique du réseau, de la qualité délivrée, des charges existantes et futures, et de l’environnement externe (aménagement du territoire). 4.5.1.2 Hypothèses d’études. Modélisation Le problème étant identifié, il s’agit de rendre le contexte de l’étude accessible à l’analyse et au calcul. Pour cela, il convient d’effectuer différentes hypothèses. ■ Stylisation du réseau : elle consiste à trouver une représentation la plus simple possible, écartant en particulier toutes les informations qui ne sont pas susceptibles d’influer sur le résultat, compte tenu du problème posé. À chaque élément de réseau sont associées les caractéristiques descriptives nécessaires (par exemple, pour un départ MT, sa tension, sa longueur, sa section...). Par ailleurs, le réseau étant, dans la réalité, rarement isolé dans le contexte étudié, il convient de définir un modèle auquel ont été fixées des limites géographiques (séparabilité d’espace). Le problème de frontière doit être examiné de manière suffisamment approfondie, afin que la sensibilité des éléments que l’on néglige soit du second ordre par rapport à celle des éléments retenus. ■ Période d’étude : à côté de la séparabilité d’espace, il faut définir une séparabilité dans le temps, c’est-à-dire choisir une période d’étude suffisamment longue pour que l’incidence des ouvrages choisis dans telle ou telle solution soit négligeable au-delà de cette période. ■ Modélisation des charges : connaissant les charges présentes et leur évolution future, il convient de les rattacher aux différents éléments de réseaux concernés, venant ainsi compléter les D 4 210 − 28 caractéristiques électriques des ouvrages. La localisation des charges peut être individuelle, regroupée en un certain nombre de points de charges, ou répartie le long des ouvrages. 4.5.1.3 Détermination et sélection des stratégies possibles Dans une étude de réseaux, il s’agit d’imaginer plusieurs stratégies (§ 4.2.1) qui répondent au problème posé. De plus, elles doivent satisfaire à un certain nombre de contraintes : — normalisation et choix techniques ; — respect de la doctrine établie (règles de la planification en vigueur) ; — cohérence avec des études plus globales déjà effectuées (§ 4.6.2) ; — contraintes de charge, de chutes de tension, de continuité de service (sous forme de seuils à ne pas dépasser) ; — contraintes de réalisation (délais, obligations conditionnées par l’environnement). Pour certains types de contraintes, on peut avoir le choix entre une méthode qui consiste à respecter strictement la contrainte (optique déterministe) ou une méthode qui autorise, parfois, son dépassement, à condition qu’en soient valorisées les conséquences, notamment sur le plan de la qualité de service (optique probabiliste). Par exemple, une règle de planification qui consiste à assurer systématiquement une garantie n –1 ou n –2 (§ 3.2.3.2) relève d’une optique déterministe. En revanche, dans une optique probabiliste on valorise l’espérance mathématique de la défaillance dans les situations de perte d’un ou deux éléments de réseaux où la continuité de service n’est pas assurée. L’avantage des méthodes déterministes est de faciliter les études par des règles d’applications simplificatrices, mais elles conduisent généralement à des investissements plus coûteux que dans les méthodes probabilistes, qui permettent d’obtenir des compromis qualité-coût plus subtils. 4.5.1.4 Évaluation des coûts dans les différentes stratégies Cette évaluation est effectuée dans les différents états qui constituent chacune des stratégies à comparer. Il s’agit de prendre en compte les coûts d’investissement et les dépenses d’exploitation, notamment les pertes ainsi que la valorisation de la non-qualité. Pour les investissements, les coûts des matériels constitutifs sont en général bien connus, puisque ceux-ci sont normalisés. On procède généralement sur la base de coûts unitaires normatifs (transformateurs, prix du kilomètre de ligne, etc.). Le coût des pertes électriques est un élément qu’il est important de ne pas négliger, puisqu’il est du même ordre de grandeur que le coût des ouvrages, si l’on fait le calcul sur la durée de vie de ces ouvrages. Ce coût comporte les coûts d’anticipation des investissements de production et de transport, nécessaires pour alimenter ces pertes en période de pointe, ainsi que le combustible consommé pour compenser l’énergie perdue. Sans entrer dans le détail des calculs, signalons néanmoins que la valorisation peut s’effectuer, connaissant la valeur de pointe ( kW ) des pertes, par une formule du type : Cp = Kp avec coût des pertes, C p (F) K p (F/kW) coefficient économique, dépendant de la forme de la courbe de charge au point considéré et précalculé sur la base des coûts marginaux de production et de transport, tout au long de l’année. Nota : les valeurs les plus courantes de K p se situent entre 500 et 1 000 F/ kW. La valorisation de la non-qualité est calculée conformément au paragraphe 4.4.3. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie électrique _____________________________________________________________________________________________________________ RÉSEAUX DE DISTRIBUTION 4.5.1.5 Choix de la solution optimale Le calcul technico-économique, avec des critères tels que le coût total actualisé minimal, appliqué à l’optimisation des dates de changements d’état et à la détermination de la stratégie la moins coûteuse, permet de déterminer une solution optimale, eu égard aux hypothèses effectuées. Mais il importe de ne pas perdre de vue que la recherche de l’optimum s’effectue sur un modèle qui schématise la réalité et conserve une certaine incertitude. Aussi, lorsque les stratégies sont sensiblement équivalentes (par exemple avec des différences de coûts de l’ordre de quelques pourcent), il convient d’effectuer des analyses complémentaires avec les critères ci-après. ■ Souplesse d’adaptation : une qualité des solutions est leur aptitude à s’adapter à des réalités qui se révéleraient différentes des prévisions faites. Par exemple, concernant l’évolution des charges, on peut examiner l’incidence d’hypothèses qui consistent à choisir des variantes possibles autour du scénario central. ■ Situation des réseaux en fin de période d’étude : si, en fin de période, les réseaux ne sont pas identiques, il y a lieu de faire intervenir les valeurs d’usage. Or, la mesure de celles-ci est délicate et imparfaite. L’allongement de la période d’étude permet de réduire leur poids, par le jeu de l’amortissement et de l’actualisation. Le prolongement de l’étude peut s’effectuer dans un cadre plus global visant à comparer les grandes orientations de chaque stratégie. ■ Critères qualitatifs : on peut citer l’intégration dans l’environnement, certains aspects de la qualité qu’il aurait été difficile de quantifier dans l’étude, le souci de remettre à l’exploitant le réseau le plus facilement exploitable... Par ailleurs, les décisions de réalisation d’ouvrages qui peuvent être prises à la suite de l’étude ne doivent porter que sur les opérations à engager dans l’immédiat ou à court terme. Les décisions ultérieures devront tenir compte des éléments d’information intervenus entre temps, pouvant donner lieu à des études nouvelles. 4.5.2 Outils informatiques Compte tenu des quantités importantes d’ouvrages à traiter, de la complexité des systèmes électriques et des nombreux calculs nécessités par les méthodes de planification, il est difficilement concevable d’imaginer une planification des réseaux efficace sans l’utilisation d’outils informatiques. L’évolution rapide et récente des techniques permet d’ailleurs de rendre ces outils de plus en plus accessibles : — les niveaux actuels des rapports des coûts aux performances font qu’ils sont très largement rentables ; — la décentralisation permise par la micro-informatique permet de généraliser leur utilisation par les planificateurs locaux ; — les développements en matière de dialogue interactif et de représentation graphique autorisent des traitements conviviaux et aisés. L’article Exploitation des réseaux de distribution : système informatiques [D 4 240] décrit largement de tels systèmes ; on peut néanmoins souligner quelques principes importants. 4.5.2.1 Bases de données descriptives des réseaux Mis à part les outils scientifiques spécifiques et peu diffusés destinés à la modélisation des grands choix techniques et à la détermination des règles de planification, la plupart des applications nécessitent de disposer en entrée de données descriptives des réseaux existants. Afin de s’affranchir de la collecte des informations au cas par cas, il s’avère efficace de disposer de bases de données constituées préalablement et décrivant les caractéristiques électriques des réseaux existants. En France, de telles bases, appelées GDO (gestion des ouvrages), existent en MT et BT sur l’essentiel du territoire. Elles comportent les nœuds et les dipôles constitués par les composants divers (lignes, transformateurs, organes de coupure...), ainsi que les rattachements des points de charges. Le calcul des charges est effectué à partir des fichiers de facturation de la clientèle (§ 4.3.2). Ces bases de données, bien que coûteuses pour leur établissement et leur mise à jour, trouvent d’ailleurs une utilité au-delà du domaine de la planification (exploitation, conduite, cartographie, statistiques, gestion des transformateurs,...). En tant que référence en matière de connaissance des réseaux et de description des ouvrages, elles peuvent constituer le fondement commun de toutes les applications concernant les réseaux électriques et permettent ainsi d’assurer une certaine cohérence entre ces applications. Elles sont donc structurantes sur le plan organisationnel et elles sont à terme facteurs de gains de productivité. 4.5.2.2 Types de programme utilisés en planification À partir du noyau que constituent ces bases, et généralement sur des fichiers partiels qui en sont extraits, il existe divers types d’applications permettant d’assister le planificateur : — des logiciels utilitaires permettant de collecter, de transférer et de mettre en forme les informations (par exemple, mise à jour de la base de données ou extraction et modélisation d’une portion de réseau pour une étude donnée) ; — des outils de gestion statistique orientés vers la connaissance globale des ouvrages (diagnostic, analyse de la qualité de service délivrée à la clientèle) ; — des programmes de calculs de réseaux simulant le comportement électrique des réseaux existants et de leurs développements envisagés (transits, chutes de tension, pertes, optimisation en schémas normal et secours, calcul du niveau de défaillance...) ; — des outils de gestion de stratégies de développement (valorisation économique des stratégies, optimisation des dates de changement d’état...) ; — des programmes d’optimisation pour les calculs de schémas directeurs (§ 4.6.2). 4.6 Organisation et nature des études de planification 4.6.1 Nécessité d’une organisation décentralisée et cohérente Le développement d’un réseau de distribution résulte de décisions multiples et diverses (§ 4.1). Il convient donc que les études qui sont effectuées et les décisions prises le soient au niveau le plus adapté, là où les besoins se manifestent et où se posent les problèmes. Par exemple, les petits problèmes BT seront traités au plus près du terrain, les renforcements MT à un échelon local plus large, les créations de postes sources au niveau départemental ou régional et les grands problèmes doctrinaux au niveau central. Mais la décentralisation, quel que soit le niveau de décision, doit s’effectuer dans un cadre de cohérence rigoureusement établi au niveau central. Une autonomie totale des centres de décision ne serait pas efficace pour les raisons suivantes : — il ne serait pas rentable que des études identiques soient effectuées dans des centres de décision différents ; — il est nécessaire que toutes les actions portant sur le développement des réseaux convergent vers les objectifs communs traduisant la politique de la société ; — il est indispensable, pour des raisons de coût, qu’il y ait une normalisation des matériels et des techniques. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie électrique D 4 210 − 29 RÉSEAUX DE DISTRIBUTION ______________________________________________________________________________________________________________ Cette nécessaire cohérence se traduit, au niveau central, par l’établissement et la diffusion d’une doctrine, de choix techniques normalisés, de méthodes et d’outils d’application (programmes informatiques par exemple), qui, en limitant les investigations dans les recherches de solutions et en fournissant des moyens d’aide à la décision, permettent de faciliter l’optimisation des choix effectués au niveau local. 4.6.2 Nature des études de planification Compte tenu de la diversité des problèmes rencontrés, il convient d’adapter la méthodologie exposée au paragraphe 4.5.1, suivant la nature des problèmes posés. La complexité et le degré d’approfondissement d’une étude sont fonction de l’enjeu financier des opérations à engager sur le réseau. C’est d’ailleurs pourquoi il est nécessaire que, pour des opérations à faible impact financier, les planificateurs locaux disposent d’outils et de règles de planification décentralisés faciles à mettre en œuvre afin de simplifier les études. Pour conduire un développement cohérent et optimal de l’ensemble du réseau, il est essentiel d’organiser les études dans un ordre hiérarchique et chronologique. Dans cet ordre, on peut distinguer trois niveaux d’études, de natures différentes, nécessitant une adaptation propre de la méthodologie générale. 4.6.2.1 Études de détermination des grands choix techniques Elles ont des conséquences financières importantes et engagent largement l’avenir ; c’est pourquoi elles doivent être menées sur des périodes longues (20, 30 ans ou plus). Une grande difficulté de ces études, dont le but est de conduire à des règles d’application générale, réside dans la modélisation des réseaux et des charges. Dans ce domaine, trois types d’approches sont possibles : — le modèle échantillon, où l’on recherche, parmi les réseaux existants, les plus représentatifs, suivant des critères liés à la nature du problème abordé ; sur ces échantillons, on développe une étude théorique dans les conditions où s’effectuerait une étude pratique sur le même sujet ; — le modèle théorique géométrique, qui travaille dans le même espace que le modèle échantillon, mais le côté théorique est accentué par des éléments simplificateurs tels que symétries, répartitions uniformes de charges, etc. ; — le modèle statistique, ne s’appuyant sur aucun réseau effectif, qui opère dans un espace théorique caractérisé par des paramètres spécifiques issus de résultats moyens obtenus par analyse statistique ; les opérations classiques de développement des réseaux sont transposées dans cet espace ; la représentation théorique basée sur le paramétrage offre l’avantage de la souplesse, permettant de mesurer la sensibilité des stratégies envisagées aux variations des différents paramètres. La conduite de ces études spécifiques et peu fréquentes ne peut que rarement s’appuyer sur l’utilisation d’outils de planification standard et nécessite généralement l’élaboration d’une modélisation informatique au cas par cas. 4.6.2.2 Études de schémas directeurs Pour s’assurer de la cohérence spatiale et temporelle des décisions ponctuelles de réalisation prises à court et moyen termes, il est nécessaire d’avoir une vision à long terme, sur une zone géographique assez large, des grandes lignes du développement des réseaux. Ces grandes lignes sont traduites dans l’élaboration d’un schéma directeur qui concerne essentiellement le nombre et la localisation des futures sources ainsi que les grands axes des ossatures MT. Les réseaux BT et MT autres que les ossatures ne font en général pas l’objet de schéma directeur, compte tenu du caractère plus aléatoire de l’évolution des charges à ces niveaux et d’une séparabilité d’espace plus aisée. D 4 210 − 30 L’horizon à prendre en compte doit être suffisamment lointain pour que le réseau cible présente un paysage sensiblement différent du réseau actuel (doublement de la charge au moins). Sur le plan méthodologique, l’élaboration d’un schéma directeur peut se traiter en plusieurs phases ; par exemple, pour les zones rurales, on distingue : — la détermination du réseau cible où, ayant évalué les charges à l’année cible, il convient de déterminer la quantité optimale d’ouvrages correspondante en recherchant le meilleur équilibre technico-économique entre densité de postes sources et nombre de départs MT pour une qualité de service souhaitée ; la répartition des sources à créer s’effectue en comblant les vides laissés par les zones d’actions optimisées des sources actuelles ; — la détermination d’états intermédiaires par appauvrissement de l’état final ; un même niveau de consommation peut conduire à plusieurs solutions possibles pour la construction d’un état intermédiaire ; — la comparaison technico-économique des stratégies constituées par les images successives possibles du réseau ainsi déterminées. Exemple : les schémas directeurs en cours des réseaux de distribution français ont été établis en 1985 de manière décentralisée mais en s’intégrant dans une cohérence nationale d’ensemble (système de production – réseaux de transport – postes sources de distribution) et sont caractérisés par deux plans cibles, l’un intermédiaire à moyen terme dit plan 450 TWh (consommation initialement prévue à l’horizon 1995), et l’autre à long terme, plan 600 TWh (année théorique 2015). On rappelle qu’en 1990 la consommation française était de 349 TWh. Mis à part des réactualisations partielles, la fréquence des études de schémas directeurs est de l’ordre de 5 à 10 ans. En fait, il y a lieu de reconstruire un schéma directeur lorsque les hypothèses de base sur lesquelles il a été bâti sont sensiblement modifiées (hypothèses de charges, politique de qualité de service, apparition de nouvelles techniques...). 4.6.2.3 Études décisionnelles Elles ont pour but de définir la date et la consistance exacte des renforcements à engager sur le réseau. Elles permettent de prendre les décisions de réalisations à court terme s’inscrivant dans le schéma directeur. Ces études consistent à simuler techniquement et économiquement le développement des réseaux sur une durée plus courte que dans le cas d’un schéma directeur (rarement plus de 10 ans) et sur une zone géographique plus restreinte (concernant seulement les éléments de réseau affectés par les ouvrages envisagés). Leur importance est variable, puisqu’elles vont de la création d’un poste source au simple renforcement du réseau BT. Dans le premier cas, il est nécessaire d’élaborer plusieurs stratégies relativement détaillées et d’en faire une étude comparative complète, alors que, dans le cas du renforcement BT, une simulation à court terme avec des règles d’applications simples suffit généralement. 4.7 Planification budgétaire des investissements Les investissements sur les ouvrages de distribution sont très lourds (§ 4.1). Par exemple, le montant des dépenses réalisées dans ce domaine par EDF s’élève à 13 milliards de francs sur la seule année 1989. On conçoit que la gestion de tels flux financiers passe nécessairement par une planification de ceux-ci. De plus, la détermination des niveaux d’investissements étant très généralement décidée sous la tutelle de la puissance publique, une bonne planification doit permettre d’aboutir à l’adéquation la plus satisfaisante possible entre expression des besoins et allocation des ressources, lors des négociations entre distributeur et pouvoirs publics. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie électrique _____________________________________________________________________________________________________________ RÉSEAUX DE DISTRIBUTION Ainsi, cette planification s’exerce à des échéances diverses : — à long terme, il s’agit de déterminer les coûts globaux liés à la mise en œuvre de telle ou telle politique pour atteindre des objectifs déterminés (par exemple, chiffrage d’un schéma directeur visant à obtenir un niveau de qualité souhaitée, ou bien d’un plan de renouvellement pour maintenir en état le patrimoine réseau) ; — à moyen terme, il convient de déterminer, dans le cadre d’une démarche pluri-annuelle, les dépenses nécessaires mais réalistes, lissées au mieux sur la période, en fonction des contraintes financières prévisibles. Une approche classique et très analytique consiste à lister les travaux et chantiers que l’on considère utiles et rentables de réaliser et de les répartir dans le temps par niveau de priorité. Mais cette approche, basée sur un découpage par type d’ouvrages ou de travaux, est éloignée des finalités poursuivies. Il semble plus efficace économiquement, lorsque les objectifs à atteindre sont clairement affichés, de procéder en recherchant et en optimisant des couples objectifs-moyens. On considère alors de grands types d’actions dont on peut estimer l’efficacité vis-à-vis des buts recherchés, et l’on sélectionne, parmi elles, celles qui minimisent les dépenses nécessaires pour atteindre les objectifs. On a d’ailleurs intérêt, dans la recherche des actions possibles, à associer les opérations d’exploitation (conduite, dépannage, entretien) susceptibles de contribuer à l’obtention des effets recherchés, ce qui conduit à l’optimum économique de l’ensemble des dépenses d’investissement et d’exploitation. Pour mener à bien cette approche par confrontation des objectifs et des moyens, il est souhaitable de s’appuyer sur un diagnostic effectué régulièrement. Celui-ci est un constat de la situation du réseau, qui permet non seulement d’évaluer la distance à parcourir pour atteindre les objectifs fixés, mais aussi de mesurer l’efficacité des actions déjà entreprises et donc d’envisager les actions correctrices éventuelles nécessaires. Dans la démarche pluri-annuelle, une attention particulière doit être accordée à l’année n + 1, surtout si l’allocation des ressources est annuelle. Une fois que celle-ci est connue, il convient alors, à court terme, d’établir un programme annuel de travaux s’intégrant dans l’enveloppe fixée. Ce programme est souvent constitué de liste de projets ayant fait l’objet d’études préalables, stockés en portefeuille et classés par efficacité décroissante. Dans l’élaboration des prévisions budgétaires, les dépenses peuvent être classées en deux groupes caractérisés par la notion d’obligation qui s’y rattache : — les dépenses imposées, qui ne peuvent en aucun cas être différées, car elles découlent des obligations liées aux cahiers des charges (raccordement de la clientèle) ou bien sont nécessitées par des contraintes d’environnement impérieuses (travaux de voirie par exemple) ; — les dépenses délibérées, qui concernent les renforcements et les renouvellements de réseau. C’est parmi celles-ci que seront sélectionnées celles qui pourraient être différées en cas de contraintes financières, l’ordre de priorité pouvant être déterminé par un indicateur économique du type TRI (§ 4.2.3). Tout distributeur ayant le souci de faire le meilleur emploi de ses ressources pour servir au mieux sa clientèle cherchera à se doter d’un réseau optimal à tout moment sur l’ensemble de son territoire. À cet égard, l’application de principes et de méthodes de planification bien pensés est indispensable, permettant d’assurer une cohérence à la fois géographique et temporelle des décisions prises. Mais il convient de les utiliser à bon escient et d’en mesurer les limites. Il est par exemple illusoire de vouloir obtenir des résultats très précis en se lançant dans des calculs complexes et coûteux, si les données de base sont entachées d’une trop forte incertitude. Il faut noter que, en planification, la démarche a autant d’importance que le résultat des calculs, et que celui-ci ne doit pas à lui seul dicter aveuglément la décision à prendre. Il est nécessaire de ne pas perdre de vue les hypothèses qui ont conduit à ce résultat et de ne pas oublier dans le choix final tous les facteurs qui échappent à la quantification. L’art du planificateur consiste à bien mesurer les poids relatifs de tous ces éléments. Il doit pour cela allier à la rigueur mathématique des qualités de bon sens et d’intuition, afin d’aboutir à des solutions adaptées aux réalités du terrain et ouvertes aux évolutions futures. Il importe également de bien garder à l’esprit les objectifs à atteindre, notamment en matière de qualité du produit. Toutes les solutions pouvant contribuer à la poursuite de ces objectifs, quelle que soit leur nature, doivent être envisagées, en considérant à chaque fois le rapport de la performance au coût. Si les investissements lourds de structure sont souvent nécessaires, la meilleure efficacité globale sera la plupart du temps obtenue en y associant des opérations plus légères de type entretien ou exploitation. 6. Annexe A : ouvrages de distribution EDF (statistiques au 1er janvier 1990) 5. Conclusion L’exposé précédent a mis en évidence le poids très important des réseaux de distribution dans la mise à disposition du produit électricité à la clientèle. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie électrique D 4 210 − 31 RÉSEAUX DE DISTRIBUTION ______________________________________________________________________________________________________________ 7. Annexe B : caractéristiques des réseaux et de la qualité du produit électricité (1986)(0) Pays Belgique Densité de la population (habitants/km2) 323 Tensions Régime du neutre MT Structure (kV) HT 11 ; 11,5 ; 12 ; à la terre par réactance 15 BT aérien = arborescent souterrain = maillable Réseau souterrain MT (%) Interruption de la fourniture (Estimation) 70 durée moyenne d’une interruption = 1 h 22 min 14 HT 15 ; 20 10 BT à la terre par résistance radiale ou maillée 12 temps de coupure annuel moyen par client : rural = 4 h 07 min urbain = 1 h 06 min France (EDF) 100 HT 15 ; 20 BT à la terre par résistance MT aérien = arborescent bouclable MT souterrain = coupure artère 17 Par an et par client : MT= 2 h 37 min BT = 5 h 22 min Pays-Bas 347 HT 10 BT 100 Par an et par client : MT= 26 min BT = 30 min Allemagne 248 HT 10 ; 15 ; 20 BT 54 Par an et par client : MT = 15,5 min Royaume-Uni 228 HT 11 ; 33 BT 42 Par an et par client : MT= 1 h 39 min BT = 2 h 45 min Finlande D 4 210 − 32 à la terre par résistance MT souterrain ou par réactance 50 % isolé 50 % à la terre bobine de Petersen par MT aérien = bouclable à la terre par : réactances ou bobines 11 kV = antenne de Petersen (rural) ou 33 kV = boucle résistances (urbain) Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie électrique