Chapitre 42

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42
c h a p i t re
Les interactions
entre
les organismes
■ MESSAGE PRINCIPAL
Les interactions entre les
organismes jouent un rôle
fondamental dans la détermination
de la distribution et de l’abondance
des organismes.
Les mantes religieuses à la démarche
pesante et les horribles parasites
O
n a vu des mantes religieuses avancer
jusqu’aux rives d’un fleuve, s’y jeter et s’y
noyer tout de suite après. Si elles réussissent à
se sauver et à sortir de l’eau, elles s’y rejettent à
nouveau immédiatement. Quelles sont les raisons
d’un tel comportement ?
Ce comportement bizarre ne semble pas être la
volonté des mantes elles-mêmes, mais celle d’un ver
parasite. Moins d’une minute après le saut d’une
mante religieuse dans l’eau, un ver jaillit de son anus.
Ce ver attaque et infecte les insectes terrestres, comme
les mantes religieuses, mais une partie de son cycle
vital dépend également d’un organisme hôte
aquatique. Le ver joue un mauvais tour intéressé : il a
obtenu au cours de l’évolution la faculté de faire
sauter son insecte-hôte dans un cours d’eau, cet acte
tue l’insecte mais augmente la chance du ver
d’atteindre ensuite son hôte aquatique.
Passant du bizarre à l’horrible, regardez les
photographies ci-dessous. Avant de tuer la fourmi, un
mycète s’est développé dans l’ensemble de son corps,
en décompose certaines parties et les consomme pour
se nourrir. Par la suite, ce mycète dissémine ses
structures reproductives (signalées par des flèches),
qui lui permettent de se propager et d’attaquer
d’autres fourmis. Les mycètes agressent de
nombreuses autres espèces, y compris des plantes
cultivées comme le maïs (photographie centrale).
Enfin, l’homme est lui aussi une bonne illustration de
ce type d’interaction : des centaines de millions de
personnes meurent chaque année des effets
pathologiques générés par des agressions parasitaires,
des mycètes et des animaux, et chacune d’entre elles a
des conséquences uniques et nocives sur le corps
humain.
Les parasites comme les vers qui infestent les
mantes religieuses et les mycètes qui décomposent le
corps des fourmis, sont des organismes qui vivent
dans ou sur d’autres organismes (que l’on désigne par
le terme de hôtes). Ils se nourrissent aux dépens de
leurs hôtes et leur portent préjudice, sans être
immédiatement fatal. Les effets des parasites sur leurs
hôtes illustrent un type important d’interaction entre
les organismes : un rapport dans lequel une espèce tire
bénéfice du phénomène et l’autre un préjudice.
Dans ce chapitre, nous découvrirons comment les
interactions écologiques, comme le parasitisme,
déterminent la distribution et l’abondance des
organismes. À la fin de ce chapitre, nous reviendrons
sur les parasites qui transforment le comportement de
leurs hôtes de manière bien plus particulière que
celles que nous venons de décrire.
674
PARTIE 6 Interactions avec l’environnement
■ CONCEPTS CLÉS
1. Deux espèces peuvent interagir entre elles d’une
manière profitable pour les deux espèces. Ce mutualisme
évolue quand, pour les deux espèces, les avantages de
cette interaction sont supérieurs aux coûts.
3. Dans la compétition, deux espèces qui partagent les
mêmes ressources ont un effet négatif l’une sur l’autre. La
compétition peut avoir comme conséquence une accentuation plus prononcée des différences entre les espèces.
2. Dans des interactions consommateur-victime, une
espèce est bénéficiaire (le consommateur) tandis que
l’autre est déficitaire (la victime). Les victimes ont acquis
au cours de l’évolution des moyens raffinés pour se
défendre contre leurs consommateurs.
4. Le mutualisme, les interactions consommateur-victime
et la compétition déterminent l’aire de distribution géographique des organismes et leur abondance.
C
omme nous l’avons vu depuis le début de cette
Partie, l’attention de l’écologie se porte sur les interactions entre les organismes et leur environnement.
L’environnement d’un organisme comprend les autres
organismes avec lesquels il cohabite. Ainsi, le sujet de ce
chapitre – les interactions entre les organismes – est fondamental pour la définition même de l’écologie.
Nous avons déjà vu à quel point les interactions entre les
organismes peuvent être capitales. Par exemple, le climat
détermine des limites essentielles de l’habitat des organismes, mais comme nous l’avons appris au Chapitre 40, les
interactions avec d’autres organismes peuvent aussi limiter
l’aire de distribution géographique des espèces (Figure 40.6).
De même, au Chapitre 41, nous avons vu comment la mite
Cactoblastis cactorum, qui se nourrit du cactus Opuntia, avait
entraîné la diminution des populations d’Opuntia en Australie. D’une façon générale, les interdépendances entre les
organismes ont une influence à tous les niveaux des études
écologiques.
Les millions d’espèces sur Terre peuvent interagir entre
elles de manières variées. Dans ce chapitre, nous effectuerons une classification des interactions entre les organismes
d’après l’effet bénéfique (+) ou nocif (–) pour chacune des
espèces impliquées. En outre, nous étudierons attentivement
les trois types d’interactions écologiques les plus fréquentes
et les plus importantes :
+/+ les interactions profitables pour les deux espèces (les
mutualismes)
+/– les interactions bénéfiques pour une espèce et nuisible
pour l’autre (les interactions consommateur-victime)
–/– les interactions nuisibles pour les deux espèces (la compétition)
Comme nous le verrons, chacun de ces trois types d’interactions entre les organismes joue un rôle principal et
déterminant pour l’habitat et l’abondance des espèces. Nous
découvrirons également comment les modifications des
interactions entre les organismes transforment les communautés écologiques.
5. Les interactions entre les organismes ont un effet
important sur les communautés et les écosystèmes.
Le mutualisme
Le mutualisme est un type d’interaction entre deux espèces
dans laquelle les deux espèces sont bénéficiaires (une interaction +/+). Les mutualismes sont courants et importants
pour la vie sur Terre : de nombreuses espèces tirent profit
et offrent des avantages aux autres espèces. Les bénéfices
mutualistes augmentent la survie et la reproduction des
espèces concernées.
Le mutualisme peut s’établir quand deux individus ou
plus d’espèces différentes vivent ensemble, cette association
est connue sous le nom de symbiose. Les insectes, comme
les aphides et les coccidés qui se nourrissent de sève végétale pauvre en nutriments, forment souvent une association mutualiste et symbiotique avec les bactéries qui infectent leurs cellules. Les bactéries trouvent chez les insectes
leur nourriture et un lieu pour vivre et les insectes reçoivent
en retour les aliments que les bactéries (mais non les insectes)
peuvent synthétiser à partir des sucres de la sève des plantes.
Ces associations symbiotiques peuvent être étonnamment complexes. Les scientifiques ont
découvert récemment qu’une deuxième
espèce de bactéries vivait dans les bactéries
qui, elles-mêmes, se trouvent à l’intérieur
des cellules de coccidés infestant les citronCoccidé de citronniers
niers. On ne sait toujours pas si cette
deuxième espèce est bénéfique ou nuit aux
bactéries à l’intérieur desquelles elles vivent.
La question sans réponse sur l’influence de cette
deuxième espèce de bactéries constitue un point important.
Même si de nombreuses associations symbiotiques sont,
somme toute, bénéfiques pour les deux organismes impliqués (ce sont donc des exemples de mutualisme), il existe
aussi un grand nombre de cas de symbiose, pour lesquels
une espèce subsiste aux dépens des autres (interaction +/–).
De nombreux parasites passent toute leur vie ou la majeure
partie de leur vie à l’intérieur de leur hôte, alors qu’ils sont
plus néfastes que bénéfiques. En fait, selon certaines évaluations, presque la moitié des espèces animales sont des
parasites nuisibles à l’organisme dans lequel ils vivent.
CHAPITRE 42 Les interactions entre les organismes
Les types de mutualismes
De nombreux types de mutualismes existent dans la nature.
Dans les associations mutualistes du tractus intestinal, les
organismes, comme les bactéries qui vivent dans l’appareil
digestif d’un animal prennent leur nourriture chez leur hôte
tout en lui permettant de digérer ses aliments, comme du
bois ou de la cellulose, qui sinon, ne seraient pas assimilable
pour l’hôte. Lors du mutualisme de dispersion des graines,
un oiseau ou un animal, comme le coyote par exemple,
mange un fruit qui renferme les graines d’une plante et
évacue ensuite les graines loin de la plante parentale. Dans
cette section, nous examinerons les deux types de mutualisme les plus fréquents : le mutualisme comportemental et
le mutualisme pollinisateur.
Les mutualismes par lequel chaque associé a évolué pour
acquérir des comportements lui permettant de profiter de
l’autre espèce s’appellent les mutualismes comportementaux. Le rapport entre certaines crevettes et des poissons
comme les gobies est un bon exemple de mutualisme comportemental (Figure 42.1). Les crevettes du genre Alpheus
vivent dans un environnement riche en nourriture, mais pratiquement sans abri. Elles creusent un trou pour s’y enfouir,
mais y voient mal et sont donc vulnérables devant leurs prédateurs quand elles abandonnent leur trou pour chercher de
la nourriture. Ces crevettes ont formé une association fascinante avec des gobies : ces poissons sont « les yeux » des crevettes, ils les avertissent du danger quand elles sortent de
leurs trous pour aller s’alimenter. En contrepartie, les crevettes partagent leur trou avec les gobies, leur fournissant
ainsi un abri sûr.
Dans le cas des mutualismes pollinisateurs, un animal
comme une abeille transfère du pollen (qui renferme les cellules reproductrices masculines) d’une plante aux organes
reproductifs femelles d’une autre plante de même espèce
(voir le Chapitre 36). Ces animaux sont connus en tant
que pollinisateurs, et sans eux ces plantes ne
pourraient pas se reproduire. Pour assurer la
visite des pollinisateurs, les plantes offrent
une récompense sous forme de nourriture,
comme le pollen ou le nectar. Ainsi, les deux
espèces, l’abeille et la plante, tirent profit de cette
Abeille
Crevette
Gobie
À l’extérieur de son abri, la crevette touche le gobie
avec une antenne. Des mouvements brusques du
poisson avertissent la crevette d’un danger potentiel.
675
interaction. Les mutualismes pollinisateurs sont essentiels à
la fois dans les écosystèmes naturels et les agrosystèmes. Par
exemple, les oranges que nous achetons au supermarché
ne sont disponibles que parce que des abeilles ont pollinisé
les fleurs des orangers, pour leur permettre de produire leur
fruit.
Les mutualistes jouent le jeu
pour leur propre profit
Même si, dans une interaction mutualiste, les deux espèces
profitent de ce rapport, ce qui est bien pour une espèce peut
avoir un coût pour l’autre. Par exemple, une espèce peut utiliser de l’énergie ou augmenter son exposition aux prédateurs quand elle agit à l’avantage de son associé mutualiste. D’un point de vue évolutif, les mutualismes évoluent
quand les avantages de l’interaction sont supérieurs aux
coûts pour les deux espèces. Mais les mutualismes ne sont
pas sans prix et l’intérêt des deux espèces peut être contradictoire.
Prenez le cas du mutualisme pollinisateur entre les
plantes du yucca et la mite du yucca. La plante et son pollinisateur dépendent obligatoirement l’un de l’autre. Une mite
de yucca femelle récupère le pollen des fleurs de yucca, vole
sur un autre groupe de fleurs, et pond ses œufs à la base du
pistil (Figure 36.7) d’une fleur nouvellement ouverte. Après
avoir pondu ses œufs, la mite femelle s’élève vers le haut du
pistil et place délibérément le pollen qu’elle a collecté précédemment sur le stigmate de la fleur (Figure 42.2). Quand
les larves de mites éclosent, elles se nourrissent des graines
de yucca. Ainsi, la mite pollinise la plante et se nourrit de ses
graines.
Dans une situation sans coût pour la plante, la mite transporterait le pollen, mais ne détruirait pas les graines des
plantes. Dans une situation sans coût pour la mite, la mite
produirait le plus de larves possible et elle consommerait
plusieurs graines de la plante. En réalité, un compromis évolutif s’est mis en place. En effet, la mite ne pond normalement que quelques œufs par fleur et la plante tolère la perte
de quelques-unes de ses graines. Les yucca possède un mécanisme de défense qui participe à la préservation de ce compromis : si une mite pond trop d’œufs dans une des fleurs
de la plante, la plante peut sélectivement faire « avorter » les graines de cette
fleur, elle élimine ainsi les œufs ou les
larves de mite.
Figure 42.1 Le mutualisme
comportemental
Les crevettes du genre Alpheus creusent
des trous pour s’y abriter et elles les partagent avec les gobies. Quand ces crevettes
qui sont pratiquement aveugles abandonnent leur abri, les gobies leur offrent une
sorte de système d’alarme précoce en les
protégeant des dangers potentiels du
milieu.
676
PARTIE 6 Interactions avec l’environnement
Figure 42.2
Le mutualisme
pollinisateur
Le yucca et la mite de yucca
dépendent l’un de l’autre pour
leur survie.
et leur abondance sont fortement influencées par les
deux espèces. En second
lieu, le mutualisme peut
avoir des effets indirects sur
la distribution et l’abondance des espèces qui ne
sont pas concernées par une
interaction mutualiste. Les
récifs
coralliens,
par
exemple, sont l’habitat de diverses espèces de plantes et
d’animaux. Ainsi les nombreuses espèces qui vivent dans
ces récifs dépendent, indirectement, des interactions mutualistes entre les coraux, les bâtisseurs des récifs, et les algues.
Les mutualismes sont partout
Les mutualismes sont très fréquents. La plupart des espèces
de végétaux dominants dans les forêts, les déserts, les prairies et tous les autres biomes sont des mutualistes. Par
exemple, 80 % environ des espèces végétales ont des associations mutualistes avec des mycètes, appelées les mycorhizes (voir le Chapitre 3). Les mycètes aident les racines des
plantes à absorber les aliments et l’eau du sol et les plantes
fournissent aux mycètes les produits de la photosynthèse.
Comme cela a été mentionné dans les paragraphes précédents, de nombreuses espèces animales et végétales sont
impliquées dans des mutualismes pollinisateurs. Les spectaculaires récifs des océans tropicaux représentent d’autres
exemples de mutualisme impliquant les animaux (voir l’Encadré). Ces récifs sont édifiés par des coraux (organismes
animaux au corps souple), qui abritent des algues photosynthétiques – leurs associés mutualistes – à l’intérieur de
leurs corps. Les coraux offrent aux algues à la fois un abri
et plusieurs aliments essentiels, comme le phosphore, et les
algues fournissent aux coraux les hydrates de carbone issus
de la photosynthèse.
Les mutualismes peuvent déterminer
la distribution et l’abondance des espèces
Les mutualismes influencent la distribution et l’abondance
des organismes dans un écosystème de deux manières différentes. En premier lieu, puisque chacune des espèces impliquées dans une relation mutualiste survit et se reproduit
mieux à l’endroit où se trouve son associé, leur distribution
■ Les mutualismes évoluent quand les avantages de
l’interaction sont supérieurs aux coûts pour les deux
associés. Les mutualismes participent à la détermination de la distribution et de l’abondance des espèces
mutualistes ainsi que des autres espèces qui dépendent
directement ou indirectement des espèces mutualistes.
Les interactions consommateur-victime
Les interactions consommateur-victime sont des interactions
profitables pour une espèce (le consommateur) et nuisibles
pour l’autre (la victime) (des interactions +/–). Les consommateurs engagés dans ces interactions peuvent être répertoriés dans quatre groupes principaux :
1. Les prédateurs (appelés les carnivores) sont des consommateurs qui tuent leurs victimes (appelées les proies).
2. Les parasites sont des consommateurs qui, à la fois, s’alimentent avec le corps de leurs victimes et vivent dans
ou sur leurs victimes (que l’on nomme les hôtes).
3. Les agents pathogènes sont des organismes qui provoquent des maladies.
4. Les herbivores sont des consommateurs qui se nourrissent de plantes.
Ces quatre types principaux d’interactions +/– sont très
distincts les uns des autres. Par exemple, alors que les prédateurs (comme les loups) tuent leur proie instantanément,
ce n’est pas le cas des herbivores (comme les vaches) et des
parasites (comme les puces) (voir le Chapitre 32). Bien que
les quatre types d’interactions consommateur-victime présentent des différences évidentes et importantes, dans cette
section nous verrons quelques-uns des principes généraux
qui s’appliquent à chacun d’entre eux.
CHAPITRE 42 Les interactions entre les organismes
677
■ LA BIOLOGIE DANS LA VIE QUOTIDIENNE
S’efforcer d’arrêter l’utilisation du cyanure
L
es récifs coralliens sont parmi les
communautés naturelles les plus
belles et les plus biologiquement
diverses existant sur Terre. Malheureusement, certains récifs coralliens sont
menacés par un grand nombre d’activités humaines. La déforestation sur la
terre ferme entraîne l’érosion des sols
et par conséquent augmente l’envasement sur les récifs. La pollution industrielle et le réchauffement global ont
également des effets négatifs sur les
récifs dans le monde entier. Les récifs
coralliens dans certaines régions géographiques font face à une autre
menace mortelle : l’exposition au cyanure utilisé pour pêcher les poissons
destinés au commerce des animaux
marins d’aquarium.
Aux Philippines et en Indonésie,
85 % des poissons tropicaux qui se
retrouvent dans des aquariums d’eau
de mer sont pêchés en utilisant du cyanure pour immobiliser les poissons
récifaux et en faciliter la capture. Cepen-
dant, certains experts estiment qu’environ la moitié des poissons exposés au
cyanure meurent immédiatement et
que 40 % des survivants ne voient
jamais un aquarium. De plus le cyanure
n’est pas toxique uniquement pour les
poissons, en effet des concentrations
en cyanure, considérablement inférieures à celles utilisées pour la pêche,
sont mortelles pour 10 espèces différentes de coraux. Parmi elles, notamment, les espèces coralliennes essentielles à la construction du récif qui sont
extrêmement sensibles aux effets d’un
empoisonnement par le cyanure. Ainsi,
à long terme, l’usage du cyanure pour
la pêche met en danger la santé de la
communauté entière d’un récif corallien.
Puisqu’il est impossible d’élever la
plupart des poissons tropicaux marins
en captivité, l’avenir du commerce des
animaux marins d’aquarium dépend de
la préservation des récifs. À l’heure
actuelle, les efforts des pays exporta-
teurs de poissons tropicaux pour arrêter la pêche au cyanure n’ont eu que
très peu de réussites. En conséquence,
une approche différente a été adoptée
par une organisation internationale à
but non lucratif, le Marine Aquarium
Council (MAC ; Conseil des Aquariums
Marins). Cette organisation surveille
chaque étape du transport des poissons
des récifs coralliens jusqu’aux magasins locaux d’animaux de compagnie,
et utilise cette information pour repérer
par marquage les poissons qui ont été
collectés de façon acceptable au point
de vue environnemental. En outre, le
MAC éduque les collecteurs de poissons des pays exportateurs et leur
enseigne comment utiliser des filets
manuels comme alternative non létale
à la pêche au cyanure.
Les premiers résultats de ces efforts
sont encourageants : la contamination
par le cyanure des poissons collectés
aux Philippines a nettement diminué.
Les progrès à venir dépendront des
actions menées par les personnes qui
achètent ces poissons marins tropicaux ; en effet, si les aquariophiles refusent d’acheter des poissons capturés
grâce à l’utilisation d’une technique
d’empoisonnement par le cyanure, le
MAC pourra réussir à éliminer cette
pratique qui menace les communautés
des récifs coralliens du monde entier.
Un foyer construit par le mutualisme
La grande diversité de la vie dans les récifs
tropicaux dépend des coraux qui créent les
récifs dans lesquels, et autour desquels,
vivent de nombreuses espèces marines. Les
coraux qui bâtissent les récifs dépendent
d’un mutualisme avec les algues photosynthétiques.
Les consommateurs peuvent exercer
une puissante force de sélection
Comme nous l’avons vu au Chapitre 32, la présence de
consommateurs dans l’environnement a fait évoluer de nombreuses espèces qui ont développé des stratégies souvent
très élaborées pour éviter d’être consommées. De nombreuses plantes, par exemple, produisent des épines et des
produits chimiques toxiques pour se défendre contre les herbivores. Chez certaines plantes, la production de telles
défenses est directement stimulée par l’agression par des herbivores : il est plus probable qu’un certain cactus, qui a été
678
PARTIE 6 Interactions avec l’environnement
Pourcentage de cactus pourvus d’épines
Sur une île qui abrite du bétail, la
majorité des cactus porte des épines.
100
80
60
Sur deux îles sans bétail, un nombre
relativement petit de cactus porte des épines.
40
20
0
Îles pâturées
Îles non pâturées
Figure 42.3 Une espèce de cactus qui produit des
épines quand il est frôlé
Sur trois îles au large des côtes australiennes, le pourcentage de
cactus couverts d’épines est supérieur sur l’île avec du bétail par
rapport aux deux autres îles sans bétail. Les expériences de laboratoire et de terrain démontrent que, chez cette espèce de cactus, la
production d’épines est directement stimulée par le pâturage du
bétail.
partiellement consommé ou frôlé par un agresseur potentiel,
fabrique des épines et qu’un autre qui n’a pas été approché
en produise moins (Figure 42.3).
De nombreux organismes ont évolué en se couvrant de
coloris lumineux ou en prenant des aspects répulsifs qui
avertissent les prédateurs potentiels qu’ils sont fortement
équipés de mécanismes de défense, qui sont généralement
des moyens chimiques (Figure 42.4a). Ce type de coloration
d’alerte peut être très efficace. Les geais bleus, par exemple,
apprennent rapidement à ne pas consommer des papillons
monarques somptueusement colorés qui renferment des produits chimiques toxiques pour les oiseaux (Figure 42.4b).
D’autres proies évitent les prédateurs en se dissimulant, de
manière à rendre difficile leur découverte ou leur capture.
Enfin, les animaux se sont équipés, au cours de l’évolution,
de défenses moléculaires (systèmes immunitaires) qui les
aident à combattre les maladies et les infections parasitaires.
Le grand nombre et la variété des types de défense contre
les consommateurs chez leurs victimes potentielles indiquent
que les consommateurs appliquent souvent une forte pression de sélection sur celles-ci.
Certains consommateurs altèrent
le comportement de leurs victimes
L’histoire surprenante, décrite au début de ce chapitre, des
mantes religieuses qui sautent dans les cours d’eau pour y
mourir tout de suite après, illustre de façon spectaculaire la
façon dont les consommateurs peuvent altérer le comportement de leurs victimes. Mais il arrive que les interactions
consommateur-victime modifient le comportement de l’espèce victime de manière encore plus subtile.
Les prédateurs peuvent obliger les animaux à vivre ou à
se nourrir en groupe. Dans certains cas, plusieurs proies agissent ensemble pour échapper aux attaques des prédateurs
(Figure 42.5). De plus, de grands groupes de proies sont plus
efficaces pour donner l’alerte d’une attaque de prédateur.
Par exemple, comme davantage d’individus montent la
garde contre les prédateurs, une grande volée de pigeons
ramiers détecte l’approche d’un autour des palombes,
(rapace diurne) beaucoup plus tôt qu’un pigeon isolé. Le
taux de succès d’une attaque de l’autour des palombes passe
de presque 80 %, quand ces prédateurs s’attaquent à des
pigeons isolés à moins de 10 % quand ils s’en prennent à des
volées constituées de plus de 50 oiseaux (Figure 42.6).
Les consommateurs peuvent limiter
la distribution et l’abondance de leurs victimes
Le châtaigner américain était une espèce dominante dans la
plupart des états de l’Est de l’Amérique du Nord. En 1900,
cependant, un mycète (Endothia parasitica) qui cause la mala-
(a)
(b)
Figure 42.4 La coloration qui avertit
(a) Les couleurs intenses de cette grenouille poison dendrobate avertissent les prédateurs éventuels des composés chimiques mortels qu’elle possède. (b) Un geai bleu, sans expérience, régurgite après avoir mangé un papillon monarque.
679
Les consommateurs peuvent entraîner
la disparition de leurs victimes
Figure 42.5 Venez nous prendre !
Même si un bœuf musqué isolé peut être vulnérable lors d’une
agression de ses prédateurs, notamment les loups, un groupe qui
forme un cercle est difficile à attaquer.
die du chancre du châtaignier a été introduit dans la région
de la ville de New York. Ce mycète s’est propagé rapidement,
en tuant la plupart des châtaigniers en Amérique du Nord
orientale. Aujourd’hui, le châtaignier américain survit dans
toute son ancienne aire de distribution géographique mais
seulement en agrégats isolés, principalement sous forme de
pousses qui se développent à la base des troncs morts. L’effet de Endothia parasitica sur le châtaignier américain montre
comment un consommateur (le mycète) limite la distribution
et l’abondance d’une victime (le châtaignier) ; dans ce cas-ci,
une espèce d’arbre autrefois dominante a été presque totalement éradiquée sur la totalité de son aire de distribution géographique originelle.
Des expériences de laboratoire impliquant des protistes et des acarides ont montré que les prédateurs
peuvent être responsables de la disparition de leurs
proies. Les interactions consommateur-victime peuvent conduire à l’extinction de l’espèce victime
même dans des écosystèmes naturels. L’effet de la
rouille du châtaignier sur le châtaignier américain
fournit un exemple clair : bien que ce châtaignier ne
se soit pas éteint dans toute son aire de distribution
géographique, de nombreuses populations locales ont disparu. De même, les mites de Cactoblastis ont entraîné l’extinction de nombreuses populations de cactus Opuntia en
Australie (voir le Chapitre 41).
Dans les cas où un prédateur consomme une seule espèce
proie, si le consommateur provoque l’extinction de la population de sa proie, il doit trouver une nouvelle population de
proies ou disparaître lui-même. C’est exactement ce qui est
arrivé à Cactoblastis en Australie orientale : cette mite est la
cause de l’extinction de la plupart des populations de cactus
Opuntia, et maintenant les deux espèces sont devenues très
rares.
■ Les consommateurs peuvent exercer une puissante
force de sélection, conduisant leurs victimes à évoluer
pour acquérir divers types de défense pour éviter d’être
consommées. Les consommateurs peuvent limiter la
distribution et l’abondance de leurs victimes, et dans
certains cas, provoquer leur propre extinction.
La compétition
Dans la compétition, chacune des deux espèces concernée
influence négativement l’autre espèce (interaction –/–).
Généralement, la compétition a lieu quand les deux espèces
partagent une ressource primordiale, comme la nourriture
ou l’espace, qui est difficile à obtenir. Quand les deux espèces
sont en compétition, chacune a un effet négatif sur l’autre
car toutes les deux utilisent les ressources (par exemple une
Dans des volées composées de plus source de nourriture) qui, dans le cas contraire, seraient utide 50 pigeons, des autours ont
lisées par le concurrent. Cela se vérifie même quand une
effectivement capturé un pigeon
espèce est tellement supérieure qu’elle occasionne finalement
pour moins de 10% de leurs attaques.
la disparition de l’autre espèce : jusqu’à sa réelle extinction,
le concurrent le plus faible continue à utiliser des ressources
qui pourraient être employées par le rival le plus fort. On
définit deux types principaux de compétition :
Succès d’attaque des autours (%)
100
80
60
40
20
0
1
2–10
11–50
>50
Nombre de pigeons dans la volée
Figure 42.6 La sécurité des grands nombres
Le succès des attaques des vautours sur les pigeons ramiers diminue considérablement à mesure que le nombre de pigeons augmente dans la volée.
1. Dans la compétition par interférence, un organisme
exclut directement les autres organismes de l’utilisation
d’une ressource ; par exemple, quand deux espèces d’oiseaux luttent pour installer leurs nids dans les trous d’un
même arbre qui pourraient être utilisés indifféremment
par les deux concurrents comme sites de nidification.
2. Dans la concurrence par exploitation, les espèces s’affrontent indirectement pour le partage d’une ressource
680
PARTIE 6 Interactions avec l’environnement
alimentaire, chacune réduit la quantité de ressource disponible pour l’autre. Par exemple, deux espèces de
plantes peuvent être en compétition pour une ressource
limitée, comme l’azote du sol.
La réalité de la compétition
La compétition entre les espèces est très fréquente et a souvent des effets importants sur les populations naturelles.
Le long des côtes écossaises, les larves de deux espèces de
bernacles, Balanus balanoides et Chthamalus stellatus, vivent
sur des rochers dans les parties hautes et basses du littoral.
Cependant, les adultes de Balanus apparaissent seulement
sur la partie basse du littoral, plus fréquemment recouverte
d’eau, et les adultes de Chthamalus apparaissent seulement
en hauteur, sur la partie qui est plus fréquemment exposée
à l’air.
En théorie, la distribution de Balanus et de Chthamalus
pourrait être déterminée par une compétition ou par des facteurs environnementaux. Cependant, dans une étude expérimentale, les écologues ont montré que Chthamalus pourrait
très bien vivre aux niveaux inférieurs du littoral, mais seulement en l’absence de Balanus (Figure 42.7). Par conséquent,
la concurrence avec Balanus empêche Chthamalus de vivre
dans des parties basses du littoral. La distribution de Balanus, d’autre part, dépend principalement de facteurs physiques : la chaleur et la sécheresse élevées, caractérisant les
niveaux plus élevés du littoral, empêchent Balanus de survivre dans cette zone particulière.
Dans certains cas, la compétition n’a pas lieu si les ressources partagées par les deux espèces sont suffisamment
abondantes et disponibles. Par exemple, la compétition entre
les insectes se nourrissant de feuilles est relativement rare.
La raison en est simple : une quantité énorme de matériel
foliaire est disponible pour les insectes et habituellement il
n’y a pas assez d’insectes pour que la nourriture soit limitée.
Balanus
Marée haute
Comme leur nourriture reste abondante, il y aura très peu
de compétition.
La concurrence peut limiter la distribution
et l’abondance des espèces
De nombreuses observations faites sur le terrain, comme
cette étude sur les bernacles, prouvent que la compétition
peut limiter la distribution et l’abondance des espèces. Un
deuxième exemple concerne les guêpes du genre Aphytis.
Ces guêpes attaquent d’autres insectes, les coccidés, qui peuvent sérieusement endommager des citronniers. Les guêpes
femelles pondent leurs œufs sur un coccidé, et quand les
larves de guêpe éclosent, elles percent le squelette extérieur
du coccidé et consomment certaines parties de son corps.
En 1948, la guêpe Aphytis lingnanensis a été introduite en
Californie méridionale pour limiter la destruction des citronniers due aux coccidés. Une guêpe étroitement apparentée,
A. chrysomphali, vivait déjà dans cette région. A. lingnanensis
a été introduite dans l’espoir de mieux contrôler les coccidés
que ne le faisait l’A. chrysomphali. L’A. lingnanensis s’est avéré
être un consommateur plus efficace (Figure 42.8) et a provoqué l’extinction de A. chrysomphali dans la plus grande
partie de la région, ce qui a donné, comme l’on avait espéré,
un meilleur contrôle des coccidés.
La compétition peut augmenter les différences
entre les espèces
Comme l’avait conçu Charles Darwin quand il a formulé la
théorie de l’évolution par la sélection naturelle, la compétition entre les espèces peut être intense lorsque la forme de
deux espèces est très semblable. Par exemple, les oiseaux qui
ont des becs de taille équivalente consomment des graines
de même taille et se font ainsi une concurrence intense, alors
que les oiseaux dont les becs ont une taille différente consomment des graines de différentes tailles
et rivalisent moins intensément. La
compétition intense entre des espèces
Chthamalus
semblables peut avoir comme consé2 … et les Balanus sont exclues des
quence le déplacement du caractère
parties hautes du littoral en raison
ou le déplacement du phénotype,
des températures plus élevées et
signifiant que des formes semblables
de la sécheresse.
d’espèces en compétition évoluent et
se différencient au cours de temps. En
Distribution
réduisant une ressemblance de forme
des adultes
de Chthamalus
Distribution
des adultes
de Balanus
Marée basse
1 Des expériences ont montré que les
Chthamalus sont exclus des parties
basses du littoral à cause de leur
compétition avec les Balanus…
Figure 42.7
Qu’est ce qui les sépare ?
Sur la côte rocheuse de l’Écosse, les larves
de bernacles des genres Balanus et Chthalamus vivent sur les rochers dans des parties hautes et basses du littoral. Cependant, les Balanus adultes ne se trouvent
pas dans les parties hautes du littoral et
les adultes des Chthalamus ne vivent pas
dans les parties basses du littoral.
CHAPITRE 42 Les interactions entre les organismes
Les guêpes du genre Aphytis déposent leurs
ovules sur des coccidées. Quand un oeuf éclos,
la guêpe immature s’enfonce dans le coccidée
pour s’y nourrir.
Légende
ces oiseaux consomment, est plus variée sur les îles où les
deux espèces cohabitent que sur les îles où vit une seule de
deux espèces (Figure 42.9). Des expériences récentes avec
des poissons et des lézards suggèrent également que le
déplacement du caractère est un phénomène très répandu
dans la nature.
A. chrysomphali
A. lingnanensis
Santa Barbara
681
G. fuliginosa
San Fernando
La taille du bec est importante
car elle influence la dimension
des graines choisies par les
oiseaux pour se nourrir.
G. fortis
Taille
du bec
Riverside
Pinta Marchena
Long Beach
Escondido
Les tailles des becs de
Geospiza fuligineux et
G. fortis sont encore
plus diffèrent chez les
individus qui cohabitent
sur une même île.
40
1948
Santa Barbara
San Fernando
Riverside
Long Beach
Escondido
San Diego
1959
Figure 42.8 Le concurrent supérieur s’installe
Après avoir été introduite au Sud de la Californie en 1948, la
guêpe, Aphytis lingnanensis, a rapidement provoqué l’extinction
de son concurrent A. chrysomphali dans la plupart des sites californiens. Les deux espèces de guêpes se nourrissent d’insectes qui
endommagent les agrumes, comme les citronniers ou les orangers.
Pourcentage d’individus appartenant à chaque classe de taille
San Diego
20
0
G.
fuliginosa
8
10
12
14
Daphne
40
Quand elles vivent sur deux
îles éloignées, les deux
espèces ont des becs de
taille semblable.
20
G. fortis
0
8
10
12
14
Los Hermanos
40
20
G. fuliginosa
0
entre les espèces, le déplacement du caractère devrait réduire
l’intensité de la compétition. Cependant, comme cela a été
évoqué au Chapitre 20, les espèces ne peuvent évoluer de
cette façon que si leurs populations varient génétiquement
pour certains caractères, comme la taille du bec par exemple,
sur lesquels la sélection naturelle peut agir.
La preuve du déplacement du caractère provient d’observations dévoilant que les formes de deux espèces sont
plus différentes quand celles-ci vivent ensemble que quand
elles vivent dans des lieux séparés. Dans les îles Galápagos, par exemple, la taille du bec de deux espèces de pinsons
des Galápagos et, par conséquent, la taille des graines que
G. fortis
8
10
12
Taille du bec (mm)
14
Figure 42.9 Le déplacement du caractère
(déplacement phénotypique)
Le phénomène du déplacement du caractère est provoqué par
une compétition pour les mêmes ressources et résulte en des
divergences plus prononcées de certains caractères chez les
espèces au cours du temps. La compétition entre deux espèces de
pinsons de Galápagos, Geospiza fuliginosa et G. fortis, pourrait
être la force majeure qui provoque une différenciation de la taille
des becs chez les individus qui cohabitent dans une même île.
682
PARTIE 6 Interactions avec l’environnement
■ Dans la compétition par interférence, une espèce
exclut directement les autres pour l’utilisation des ressources. Dans la compétition par exploitation, les
espèces se font concurrence indirectement, chacune
réduit la quantité de ressources disponibles pour
l’autre. La compétition peut affecter la distribution et
l’abondance des espèces et faire évoluer des différences plus remarquables entre les concurrents au
cours du temps.
Les interactions entre les organismes
définissent la structure et la composition
des communautés et des écosystèmes
Au cours de ce chapitre, nous avons vu comment les interactions entre les organismes participent à la détermination
de leur distribution et de leur abondance. Les interactions
entre les organismes ont également de grands effets sur les
communautés et les écosystèmes dans lesquels vivent ces
organismes.
Par exemple, quand des prairies sèches sont surpâturées par du bétail, les herbes sont de moins en moins abondantes et les arbustes du désert peuvent alors se développer
(Figure 43.7). Ces changements de l’abondance en herbes et
en arbustes modifient l’environnement physique. Le taux
d’érosion du sol augmente, car les arbustes ne stabilisent pas
le sol comme le font les herbes. Enfin, si le bétail broute considérablement l’herbage, l’écosystème peut passer d’une prairie sèche à un désert
Il arrive que les changements des interactions entre les
organismes compliquent les effets sur les communautés
naturelles. Comme exemple, voyons ce qui s’est produit quand les hommes ont éliminé les dingos d’une
certaine région d’Australie pour les empêcher de
consommer les brebis. Les dingos sont les plus
grands prédateurs (non humains) du continent
australien. Là où les dingos ont été enlevés, la
population de leur proie préférée, les kangourous rouges, s’est considérablement accrue (166
fois). L’augmentation consécutive du pâturage
des kangourous a modifié les résultats de la comDingo
pétition entre les espèces de plantes et a entraîné
l’augmentation de l’abondance de certaines espèces
et la diminution de l’abondance d’autres espèces. De façon
générale, le déplacement des dingos a eu comme conséquence (1) une augmentation des kangourous rouges, (2) une
diminution des plantes consommées par les kangourous
rouges, (3) un changement dans les interactions compétitives
entre les plantes et (4) un bouleversement de la composition
des communautés végétales.
Dans les deux exemples cités plus haut, le changement
d’une interaction entre les organismes a donné lieu à certains
effets alternatifs ; il a modifié l’abondance des populations
ainsi que la communauté des espèces vivant dans une aire
définie et même, dans le cas des prairies sèches, il a converti
un écosystème (prairie sèche) en un autre (paysage désertique). En général, les interactions entre les organismes peuvent affecter tous les niveaux de la hiérarchie écologique : les
différents organismes impliqués dans une interaction, les
populations auxquelles appartiennent ces organismes, les
communautés dans lesquelles ces organismes vivent et les
écosystèmes entiers.
■ Les interactions entre les organismes affectent les
individus, les populations, les communautés et les écosystèmes.
COUP DE PROJECTEUR
Les parasites qui altèrent
le comportement de leurs hôtes
Les parasites affectent leurs hôtes de manières variées allant
de la simple gêne (comme les puces) à la mort (les parasites
fongiques des fourmis). En outre, de nombreux parasites
induisent des comportements peu ordinaires ou même surprenants de leurs victimes, des comportements délétères
pour la victime, mais qui bénéficient au parasite. Un exemple
a été fourni par les vers que nous avons décrits au début de
ce chapitre, qui font que des mantes religieuses se jettent
dans des cours d’eau et s’y noient. De même, le protiste,
Toxoplasma gondii, provoque un comportement plus curieux
et tout aussi inquiétant chez les rats qui sont leurs hôtes. Ces
changements font des rats infectés une proie plus facile pour
les chats, autre hôte du protiste. Comme ces exemples le
montrent, des parasites entraînent de grands changements
comportementaux chez leurs hôtes, qui peuvent les rendre
imprudents ou provoquer leur déplacement vers un autre
habitat.
D’autres parasites entraînent des changements de comportement chez leurs hôtes beaucoup plus spécifiques. Par
exemple, une guêpe parasite appelée Hymenoepimecis attaque
l’araignée Plesiometa argyra. Une guêpe femelle pique l’araignée et la paralyse ainsi temporairement ; elle pond alors un
œuf sur son corps. L’araignée se remet rapidement et ses
comportements sont normaux pendant la semaine ou les
deux semaines suivantes (Figure 42.10a). Durant cette
période, l’éclosion a lieu et la larve s’alimente en absorbant
les fluides corporels (l’hémolymphe) de l’araignée. Ensuite,
la larve injecte un produit chimique dans l’araignée-hôte, en
l’incitant à former un singulier « cocon » (Figure 42.10b). Stimulée par l’attaque chimique de la larve de guêpe, l’araignée exécute de nombreuses fois une étape de son processus normal de construction de sa toile en supprimant
certaines autres étapes. Ainsi, la guêpe a acquis au cours de
l’évolution la capacité de provoquer un changement très particulier dans la façon dont l’araignée construit sa toile.
Pourquoi la guêpe change-t-elle ainsi le comportement
de l’araignée ? Pour répondre à cette question, voyons la
fin de l’histoire. Dès que l’araignée a fini la construction de
CHAPITRE 42 Les interactions entre les organismes
(a)
683
■ De nombreux parasites provoquent des changements relativement aspécifiques du comportement de
leurs victimes. D’autres parasites ont acquis la capacité d’entraîner des changements précis dans le comportement de leurs hôtes.
RÉSUMÉ
Le mutualisme
■
■
■
■
■
Le mutualisme est une interaction entre deux espèces dont
toutes les deux tirent des bénéfices (interaction +/+).
La symbiose est une association de deux espèces qui vivent
ensemble. Une symbiose peut être ou ne pas être mutualiste.
Les mutualismes évoluent quand l’avantage de l’interaction
est supérieur à son coût pour les deux associés.
Les mutualismes sont très fréquents dans la nature.
Les mutualismes influencent la détermination de la distribution et de l’abondance des espèces mutualistes aussi bien
que des autres espèces dépendant directement ou indirectement des espèces mutualistes.
Les interactions consommateur-victime
(b)
■
■
■
■
Les interactions consommateur-victime sont des interactions
profitables pour une espèce (le consommateur) et nuisibles
pour l’autre (la victime) (interactions +/–).
Les consommateurs comprennent les prédateurs, les parasites, les microbes pathogènes et les herbivores.
Les consommateurs peuvent constituer une puissante force
de sélection qui oblige les victimes à évoluer de manières à
éviter d’être consommées selon plusieurs stratégies.
Les consommateurs peuvent limiter la distribution et l’abondance de leurs victimes, ce qui peut amener ces dernières
jusqu’à l’extinction.
La compétition
■
■
■
Figure 42.10 Mon parasite m’a forcé à le faire
(a) Une toile d’araignée classique de l’araignée Plesiometa argyra.
(b) Un cocon fabriqué avec la toile d’araignée produite par P.
argyra et infectée par une espèce de guêpe parasite qui modifie
le mode de construction d’une toile par cette araignée. On peut
voir le cocon de la guêpe pendu vers le bas au centre de la toile
de cocon.
■
■
Les interactions entre les organismes définissent la structure et la composition des communautés et des écosystèmes
■
ce cocon, la larve tue l’araignée et la consomme. La larve crée
alors son propre cocon, dans lequel elle terminera son développement. La larve utilise le cocon de l’araignée comme
support solide pour y accrocher le sien, et se protège ainsi
de fortes pluies. En réalité, la guêpe non seulement
consomme l’araignée, mais la force également à lui
construire un abri sûr qui la protège contre les pluies torrentielles qui sont pour elle potentiellement mortelles.
Dans la compétition, chacune des deux espèces en interaction influence négativement l’autre espèce (interaction –/–).
Dans la compétition par interférence, une espèce exclue
directement les autres de l’utilisation des ressources.
Dans la compétition par exploitation, les espèces se font
concurrence indirectement, chacune réduit les ressources
disponibles pour l’autre.
La compétition peut avoir un effet considérable sur la distribution et l’abondance des espèces.
La compétition peut résulter de l’évolution des différences
les plus remarquables entre les espèces.
Les interactions entre les organismes affectent les individus,
les populations, les communautés et les écosystèmes.
Coup de projecteur : les parasites qui altèrent le comportement de leurs hôtes
■
■
Des nombreux parasites sont responsables de changements
relativement non spécifiques du comportement de leurs victimes. Par exemple, ils peuvent rendre leurs victimes moins
craintives ou causer leur déplacement d’un habitat à un autre.
D’autres parasites ont acquis au cours de l’évolution la capacité d’induire des changements particuliers du comportement de l’hôte.
684
PARTIE 6 Interactions avec l’environnement
TERMES FONDAMENTAUX
Compétition
p. 000
Compétition par exploitation
p. 000
Compétition par interférence p. 000
Déplacement du caractère
p. 000
Herbivore
p. 000
Mutualisme comportemental
p. 000
Mutualisme dans le tractus
digestif p. 000
Mutualisme de la dispersion
des graines p. 000
Mutualisme pollinisateur
p. 000
Interaction consommateurvictime p. 000
Parasite
Mutualisme
Prédateur
p. 000
Symbiose
p. 000
p. 000
p. 000
Pathogène
p. 000
RÉVISION DU CHAPITRE
Auto-évaluation
1. Parmi les déclarations suivantes concernant les consommateurs, laquelle est exacte ?
a. Les consommateurs ne sont jamais la cause de l’extinction de leurs victimes.
b. Les consommateurs ne sont pas importants dans les
communautés naturelles.
c. Les consommateurs peuvent appliquer une forte pression de sélection sur leurs victimes.
d. Les consommateurs ne peuvent pas changer le comportement de leurs victimes.
2. Dans quel type de compétition les espèces se confrontentelles directement pour l’utilisation d’une ressource partagée ?
a. la compétition par interférence
b. la compétition par exploitation
c. la compétition physique
d. la compétition instabl
3. Les interactions entre les espèces
a. n’influencent pas la distribution ou l’abondance des
organismes.
b. sont rarement avantageuses pour les deux espèces
(c’est-à-dire que le mutualisme n’est pas fréquent).
c. influencent fortement les communautés et les écosystèmes.
d. ne peut pas conduire une espèce à l’extinction.
4. Les avantages dont bénéficie un associé dans une interaction mutualiste peuvent inclure :
a. la nourriture
b. la protection
c. une augmentation de la reproduction
d. toutes les réponses ci-dessus sont correctes
5. La forme de la mâchoire d’un poisson influence son alimentation. Les chercheurs ont constaté que les mâchoires
de deux espèces de poissons se ressemblaient plus quand
ils vivaient dans des lacs séparés que quand ils vivaient
ensemble dans le même lac. La différence la plus prononcée de la structure des mâchoires quand les poissons
vivent dans le même lac est un exemple potentiel
a. de la coloration d’avertissement
b. de déplacement de caractère
c. de mutualisme
d. d’une interaction consommateur-victime
Questions de révision
1. Une interaction mutualiste génère généralement des coûts
pour les deux espèces impliquées. Pourquoi, alors, le
mutualisme est-il si fréquent ?
2. Comment une espèce qui est un concurrent inférieur peutt-elle avoir un effet négatif sur un concurrent qui lui est
supérieur ?
3. Les lapins peuvent consommer une grande quantité de
plantes, mais ils préfèrent certaines à d’autres. Supposez
que les lapins vivant dans une prairie plantée d’une
grande variété de végétaux préfèrent manger une espèce
d’herbe qui se révèle être un concurrent supérieur dans la
communauté végétale de la prairie. Si les lapins disparaissaient de cette région, quelle conséquence cela aurait-il sur
la communauté en question ?
a. La communauté de plantes serait moins riche.
b. La communauté de plantes serait plus riche.
c. La communauté de plantes demeurerait en grande
partie inchangée.
Expliquez votre réponse.
CHAPITRE 42 Les interactions entre les organismes
685
42
Les loups et les hommes
peuvent-ils vivre ensemble ?
ALPES FRANÇAISES – Des années
après que les loups aient été chassés
jusqu’à pratiquement leur extinction,
le hurlement des loups a été de nouveau entendu dans cette région montagneuse. Le retour naturel du loup en
France a été salué avec beaucoup
d’enthousiasme dans les cercles écologistes : le loup étant le régulateur par
excellence des populations d’ongulés
sauvages, avec son retour le milieu
naturel retrouve son équilibre. Cependant, en été, les moutons en alpage
constituent une partie de son régime
alimentaire, ce qui occasionne de
nombreux conflits avec les éleveurs.
En effet, les éleveurs affirment que
le loup a été réintroduit clandestinement et qu’il chasse les moutons,
moins véloces que les ongulés sauvages. Malgré le fait que la thèse du
retour naturel du loup ait été retenue
comme hypothèse officielle par le
gouvernement français, la thèse de la
réintroduction des loups dans l’arc
alpin, volontaire ou accidentelle, est
fermement défendue par les représentants du monde agricole local.
La scène pour un long conflit était
mise en place. Dans une certaine
mesure, ce conflit a eu lieu. Plusieurs
loups ont été tués, et un résidant est
actuellement jugé. Comme pour ajouter de l’huile sur le feu, les loups ont tué
un certain nombre de veaux et de
brebis depuis leur réintroduction. En
conséquence, certaines personnes de
la région déclarent que leurs craintes
se sont vérifiées. Mais il y a également
des signes d’espoir. Les biologistes
savent que le retour du loup ne peut
pas réussir sans l’appui de la communauté locale. Ils cherchent cet appui
par une information dans les mairies et
à travers des communiqués d’associations favorisant la réussite du retour
naturel du loup en France. Ces efforts
ont commencé à donner des résultats.
Certaines personnes opposées à la
réintroduction des loups ont adouci
leur position après avoir été informées
des arguments des biologistes et de la
mise en place de moyens de protection des troupeaux (utilisation de
chiens de surveillance, regroupement
nocturne des troupeaux, etc.). Ces premières mesures ont montré leur efficacité. Elles doivent être développées
et les éleveurs doivent continuer d’être
aidés financièrement pour mettre en
œuvre ces dispositifs.
Des biologistes spécialistes de la
faune sauvage déclarent : « Bien que
la route puisse être parfois semée
d’embûches, les hommes et les loups
peuvent vivre ensemble. Nous travaillons dur pour assurer que les gens
et les loups tirent bénéfice du retour
du loup dans la région. »
Questions soulevées par l’actualité
1. De quelles manières les gens pourraient-ils tirer bénéfice du retour du
loup dans les régions où cette espèce a
été conduite à l’extinction par la
chasse ?
2. Si une région représente un habitat
idéal pour une espèce en danger, qui,
autrement, ne serait pas approprié,
cette espèce doit-elle être réintroduite
dans cette région en dépit de l’objection des habitants locaux ? Pourquoi
ou pourquoi pas ?
3. Les hommes ont-ils une responsabilité
morale dans le rétablissement d’une
espèce conduite au bord de l’extinction par l’action humaine ? Si non,
pourquoi ? Si oui, comment les
besoins des espèces en danger
devraient-ils être pris en compte relativement aux besoins des personnes ?
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