42 c h a p i t re Les interactions entre les organismes ■ MESSAGE PRINCIPAL Les interactions entre les organismes jouent un rôle fondamental dans la détermination de la distribution et de l’abondance des organismes. Les mantes religieuses à la démarche pesante et les horribles parasites O n a vu des mantes religieuses avancer jusqu’aux rives d’un fleuve, s’y jeter et s’y noyer tout de suite après. Si elles réussissent à se sauver et à sortir de l’eau, elles s’y rejettent à nouveau immédiatement. Quelles sont les raisons d’un tel comportement ? Ce comportement bizarre ne semble pas être la volonté des mantes elles-mêmes, mais celle d’un ver parasite. Moins d’une minute après le saut d’une mante religieuse dans l’eau, un ver jaillit de son anus. Ce ver attaque et infecte les insectes terrestres, comme les mantes religieuses, mais une partie de son cycle vital dépend également d’un organisme hôte aquatique. Le ver joue un mauvais tour intéressé : il a obtenu au cours de l’évolution la faculté de faire sauter son insecte-hôte dans un cours d’eau, cet acte tue l’insecte mais augmente la chance du ver d’atteindre ensuite son hôte aquatique. Passant du bizarre à l’horrible, regardez les photographies ci-dessous. Avant de tuer la fourmi, un mycète s’est développé dans l’ensemble de son corps, en décompose certaines parties et les consomme pour se nourrir. Par la suite, ce mycète dissémine ses structures reproductives (signalées par des flèches), qui lui permettent de se propager et d’attaquer d’autres fourmis. Les mycètes agressent de nombreuses autres espèces, y compris des plantes cultivées comme le maïs (photographie centrale). Enfin, l’homme est lui aussi une bonne illustration de ce type d’interaction : des centaines de millions de personnes meurent chaque année des effets pathologiques générés par des agressions parasitaires, des mycètes et des animaux, et chacune d’entre elles a des conséquences uniques et nocives sur le corps humain. Les parasites comme les vers qui infestent les mantes religieuses et les mycètes qui décomposent le corps des fourmis, sont des organismes qui vivent dans ou sur d’autres organismes (que l’on désigne par le terme de hôtes). Ils se nourrissent aux dépens de leurs hôtes et leur portent préjudice, sans être immédiatement fatal. Les effets des parasites sur leurs hôtes illustrent un type important d’interaction entre les organismes : un rapport dans lequel une espèce tire bénéfice du phénomène et l’autre un préjudice. Dans ce chapitre, nous découvrirons comment les interactions écologiques, comme le parasitisme, déterminent la distribution et l’abondance des organismes. À la fin de ce chapitre, nous reviendrons sur les parasites qui transforment le comportement de leurs hôtes de manière bien plus particulière que celles que nous venons de décrire. 674 PARTIE 6 Interactions avec l’environnement ■ CONCEPTS CLÉS 1. Deux espèces peuvent interagir entre elles d’une manière profitable pour les deux espèces. Ce mutualisme évolue quand, pour les deux espèces, les avantages de cette interaction sont supérieurs aux coûts. 3. Dans la compétition, deux espèces qui partagent les mêmes ressources ont un effet négatif l’une sur l’autre. La compétition peut avoir comme conséquence une accentuation plus prononcée des différences entre les espèces. 2. Dans des interactions consommateur-victime, une espèce est bénéficiaire (le consommateur) tandis que l’autre est déficitaire (la victime). Les victimes ont acquis au cours de l’évolution des moyens raffinés pour se défendre contre leurs consommateurs. 4. Le mutualisme, les interactions consommateur-victime et la compétition déterminent l’aire de distribution géographique des organismes et leur abondance. C omme nous l’avons vu depuis le début de cette Partie, l’attention de l’écologie se porte sur les interactions entre les organismes et leur environnement. L’environnement d’un organisme comprend les autres organismes avec lesquels il cohabite. Ainsi, le sujet de ce chapitre – les interactions entre les organismes – est fondamental pour la définition même de l’écologie. Nous avons déjà vu à quel point les interactions entre les organismes peuvent être capitales. Par exemple, le climat détermine des limites essentielles de l’habitat des organismes, mais comme nous l’avons appris au Chapitre 40, les interactions avec d’autres organismes peuvent aussi limiter l’aire de distribution géographique des espèces (Figure 40.6). De même, au Chapitre 41, nous avons vu comment la mite Cactoblastis cactorum, qui se nourrit du cactus Opuntia, avait entraîné la diminution des populations d’Opuntia en Australie. D’une façon générale, les interdépendances entre les organismes ont une influence à tous les niveaux des études écologiques. Les millions d’espèces sur Terre peuvent interagir entre elles de manières variées. Dans ce chapitre, nous effectuerons une classification des interactions entre les organismes d’après l’effet bénéfique (+) ou nocif (–) pour chacune des espèces impliquées. En outre, nous étudierons attentivement les trois types d’interactions écologiques les plus fréquentes et les plus importantes : +/+ les interactions profitables pour les deux espèces (les mutualismes) +/– les interactions bénéfiques pour une espèce et nuisible pour l’autre (les interactions consommateur-victime) –/– les interactions nuisibles pour les deux espèces (la compétition) Comme nous le verrons, chacun de ces trois types d’interactions entre les organismes joue un rôle principal et déterminant pour l’habitat et l’abondance des espèces. Nous découvrirons également comment les modifications des interactions entre les organismes transforment les communautés écologiques. 5. Les interactions entre les organismes ont un effet important sur les communautés et les écosystèmes. Le mutualisme Le mutualisme est un type d’interaction entre deux espèces dans laquelle les deux espèces sont bénéficiaires (une interaction +/+). Les mutualismes sont courants et importants pour la vie sur Terre : de nombreuses espèces tirent profit et offrent des avantages aux autres espèces. Les bénéfices mutualistes augmentent la survie et la reproduction des espèces concernées. Le mutualisme peut s’établir quand deux individus ou plus d’espèces différentes vivent ensemble, cette association est connue sous le nom de symbiose. Les insectes, comme les aphides et les coccidés qui se nourrissent de sève végétale pauvre en nutriments, forment souvent une association mutualiste et symbiotique avec les bactéries qui infectent leurs cellules. Les bactéries trouvent chez les insectes leur nourriture et un lieu pour vivre et les insectes reçoivent en retour les aliments que les bactéries (mais non les insectes) peuvent synthétiser à partir des sucres de la sève des plantes. Ces associations symbiotiques peuvent être étonnamment complexes. Les scientifiques ont découvert récemment qu’une deuxième espèce de bactéries vivait dans les bactéries qui, elles-mêmes, se trouvent à l’intérieur des cellules de coccidés infestant les citronCoccidé de citronniers niers. On ne sait toujours pas si cette deuxième espèce est bénéfique ou nuit aux bactéries à l’intérieur desquelles elles vivent. La question sans réponse sur l’influence de cette deuxième espèce de bactéries constitue un point important. Même si de nombreuses associations symbiotiques sont, somme toute, bénéfiques pour les deux organismes impliqués (ce sont donc des exemples de mutualisme), il existe aussi un grand nombre de cas de symbiose, pour lesquels une espèce subsiste aux dépens des autres (interaction +/–). De nombreux parasites passent toute leur vie ou la majeure partie de leur vie à l’intérieur de leur hôte, alors qu’ils sont plus néfastes que bénéfiques. En fait, selon certaines évaluations, presque la moitié des espèces animales sont des parasites nuisibles à l’organisme dans lequel ils vivent. CHAPITRE 42 Les interactions entre les organismes Les types de mutualismes De nombreux types de mutualismes existent dans la nature. Dans les associations mutualistes du tractus intestinal, les organismes, comme les bactéries qui vivent dans l’appareil digestif d’un animal prennent leur nourriture chez leur hôte tout en lui permettant de digérer ses aliments, comme du bois ou de la cellulose, qui sinon, ne seraient pas assimilable pour l’hôte. Lors du mutualisme de dispersion des graines, un oiseau ou un animal, comme le coyote par exemple, mange un fruit qui renferme les graines d’une plante et évacue ensuite les graines loin de la plante parentale. Dans cette section, nous examinerons les deux types de mutualisme les plus fréquents : le mutualisme comportemental et le mutualisme pollinisateur. Les mutualismes par lequel chaque associé a évolué pour acquérir des comportements lui permettant de profiter de l’autre espèce s’appellent les mutualismes comportementaux. Le rapport entre certaines crevettes et des poissons comme les gobies est un bon exemple de mutualisme comportemental (Figure 42.1). Les crevettes du genre Alpheus vivent dans un environnement riche en nourriture, mais pratiquement sans abri. Elles creusent un trou pour s’y enfouir, mais y voient mal et sont donc vulnérables devant leurs prédateurs quand elles abandonnent leur trou pour chercher de la nourriture. Ces crevettes ont formé une association fascinante avec des gobies : ces poissons sont « les yeux » des crevettes, ils les avertissent du danger quand elles sortent de leurs trous pour aller s’alimenter. En contrepartie, les crevettes partagent leur trou avec les gobies, leur fournissant ainsi un abri sûr. Dans le cas des mutualismes pollinisateurs, un animal comme une abeille transfère du pollen (qui renferme les cellules reproductrices masculines) d’une plante aux organes reproductifs femelles d’une autre plante de même espèce (voir le Chapitre 36). Ces animaux sont connus en tant que pollinisateurs, et sans eux ces plantes ne pourraient pas se reproduire. Pour assurer la visite des pollinisateurs, les plantes offrent une récompense sous forme de nourriture, comme le pollen ou le nectar. Ainsi, les deux espèces, l’abeille et la plante, tirent profit de cette Abeille Crevette Gobie À l’extérieur de son abri, la crevette touche le gobie avec une antenne. Des mouvements brusques du poisson avertissent la crevette d’un danger potentiel. 675 interaction. Les mutualismes pollinisateurs sont essentiels à la fois dans les écosystèmes naturels et les agrosystèmes. Par exemple, les oranges que nous achetons au supermarché ne sont disponibles que parce que des abeilles ont pollinisé les fleurs des orangers, pour leur permettre de produire leur fruit. Les mutualistes jouent le jeu pour leur propre profit Même si, dans une interaction mutualiste, les deux espèces profitent de ce rapport, ce qui est bien pour une espèce peut avoir un coût pour l’autre. Par exemple, une espèce peut utiliser de l’énergie ou augmenter son exposition aux prédateurs quand elle agit à l’avantage de son associé mutualiste. D’un point de vue évolutif, les mutualismes évoluent quand les avantages de l’interaction sont supérieurs aux coûts pour les deux espèces. Mais les mutualismes ne sont pas sans prix et l’intérêt des deux espèces peut être contradictoire. Prenez le cas du mutualisme pollinisateur entre les plantes du yucca et la mite du yucca. La plante et son pollinisateur dépendent obligatoirement l’un de l’autre. Une mite de yucca femelle récupère le pollen des fleurs de yucca, vole sur un autre groupe de fleurs, et pond ses œufs à la base du pistil (Figure 36.7) d’une fleur nouvellement ouverte. Après avoir pondu ses œufs, la mite femelle s’élève vers le haut du pistil et place délibérément le pollen qu’elle a collecté précédemment sur le stigmate de la fleur (Figure 42.2). Quand les larves de mites éclosent, elles se nourrissent des graines de yucca. Ainsi, la mite pollinise la plante et se nourrit de ses graines. Dans une situation sans coût pour la plante, la mite transporterait le pollen, mais ne détruirait pas les graines des plantes. Dans une situation sans coût pour la mite, la mite produirait le plus de larves possible et elle consommerait plusieurs graines de la plante. En réalité, un compromis évolutif s’est mis en place. En effet, la mite ne pond normalement que quelques œufs par fleur et la plante tolère la perte de quelques-unes de ses graines. Les yucca possède un mécanisme de défense qui participe à la préservation de ce compromis : si une mite pond trop d’œufs dans une des fleurs de la plante, la plante peut sélectivement faire « avorter » les graines de cette fleur, elle élimine ainsi les œufs ou les larves de mite. Figure 42.1 Le mutualisme comportemental Les crevettes du genre Alpheus creusent des trous pour s’y abriter et elles les partagent avec les gobies. Quand ces crevettes qui sont pratiquement aveugles abandonnent leur abri, les gobies leur offrent une sorte de système d’alarme précoce en les protégeant des dangers potentiels du milieu. 676 PARTIE 6 Interactions avec l’environnement Figure 42.2 Le mutualisme pollinisateur Le yucca et la mite de yucca dépendent l’un de l’autre pour leur survie. et leur abondance sont fortement influencées par les deux espèces. En second lieu, le mutualisme peut avoir des effets indirects sur la distribution et l’abondance des espèces qui ne sont pas concernées par une interaction mutualiste. Les récifs coralliens, par exemple, sont l’habitat de diverses espèces de plantes et d’animaux. Ainsi les nombreuses espèces qui vivent dans ces récifs dépendent, indirectement, des interactions mutualistes entre les coraux, les bâtisseurs des récifs, et les algues. Les mutualismes sont partout Les mutualismes sont très fréquents. La plupart des espèces de végétaux dominants dans les forêts, les déserts, les prairies et tous les autres biomes sont des mutualistes. Par exemple, 80 % environ des espèces végétales ont des associations mutualistes avec des mycètes, appelées les mycorhizes (voir le Chapitre 3). Les mycètes aident les racines des plantes à absorber les aliments et l’eau du sol et les plantes fournissent aux mycètes les produits de la photosynthèse. Comme cela a été mentionné dans les paragraphes précédents, de nombreuses espèces animales et végétales sont impliquées dans des mutualismes pollinisateurs. Les spectaculaires récifs des océans tropicaux représentent d’autres exemples de mutualisme impliquant les animaux (voir l’Encadré). Ces récifs sont édifiés par des coraux (organismes animaux au corps souple), qui abritent des algues photosynthétiques – leurs associés mutualistes – à l’intérieur de leurs corps. Les coraux offrent aux algues à la fois un abri et plusieurs aliments essentiels, comme le phosphore, et les algues fournissent aux coraux les hydrates de carbone issus de la photosynthèse. Les mutualismes peuvent déterminer la distribution et l’abondance des espèces Les mutualismes influencent la distribution et l’abondance des organismes dans un écosystème de deux manières différentes. En premier lieu, puisque chacune des espèces impliquées dans une relation mutualiste survit et se reproduit mieux à l’endroit où se trouve son associé, leur distribution ■ Les mutualismes évoluent quand les avantages de l’interaction sont supérieurs aux coûts pour les deux associés. Les mutualismes participent à la détermination de la distribution et de l’abondance des espèces mutualistes ainsi que des autres espèces qui dépendent directement ou indirectement des espèces mutualistes. Les interactions consommateur-victime Les interactions consommateur-victime sont des interactions profitables pour une espèce (le consommateur) et nuisibles pour l’autre (la victime) (des interactions +/–). Les consommateurs engagés dans ces interactions peuvent être répertoriés dans quatre groupes principaux : 1. Les prédateurs (appelés les carnivores) sont des consommateurs qui tuent leurs victimes (appelées les proies). 2. Les parasites sont des consommateurs qui, à la fois, s’alimentent avec le corps de leurs victimes et vivent dans ou sur leurs victimes (que l’on nomme les hôtes). 3. Les agents pathogènes sont des organismes qui provoquent des maladies. 4. Les herbivores sont des consommateurs qui se nourrissent de plantes. Ces quatre types principaux d’interactions +/– sont très distincts les uns des autres. Par exemple, alors que les prédateurs (comme les loups) tuent leur proie instantanément, ce n’est pas le cas des herbivores (comme les vaches) et des parasites (comme les puces) (voir le Chapitre 32). Bien que les quatre types d’interactions consommateur-victime présentent des différences évidentes et importantes, dans cette section nous verrons quelques-uns des principes généraux qui s’appliquent à chacun d’entre eux. CHAPITRE 42 Les interactions entre les organismes 677 ■ LA BIOLOGIE DANS LA VIE QUOTIDIENNE S’efforcer d’arrêter l’utilisation du cyanure L es récifs coralliens sont parmi les communautés naturelles les plus belles et les plus biologiquement diverses existant sur Terre. Malheureusement, certains récifs coralliens sont menacés par un grand nombre d’activités humaines. La déforestation sur la terre ferme entraîne l’érosion des sols et par conséquent augmente l’envasement sur les récifs. La pollution industrielle et le réchauffement global ont également des effets négatifs sur les récifs dans le monde entier. Les récifs coralliens dans certaines régions géographiques font face à une autre menace mortelle : l’exposition au cyanure utilisé pour pêcher les poissons destinés au commerce des animaux marins d’aquarium. Aux Philippines et en Indonésie, 85 % des poissons tropicaux qui se retrouvent dans des aquariums d’eau de mer sont pêchés en utilisant du cyanure pour immobiliser les poissons récifaux et en faciliter la capture. Cepen- dant, certains experts estiment qu’environ la moitié des poissons exposés au cyanure meurent immédiatement et que 40 % des survivants ne voient jamais un aquarium. De plus le cyanure n’est pas toxique uniquement pour les poissons, en effet des concentrations en cyanure, considérablement inférieures à celles utilisées pour la pêche, sont mortelles pour 10 espèces différentes de coraux. Parmi elles, notamment, les espèces coralliennes essentielles à la construction du récif qui sont extrêmement sensibles aux effets d’un empoisonnement par le cyanure. Ainsi, à long terme, l’usage du cyanure pour la pêche met en danger la santé de la communauté entière d’un récif corallien. Puisqu’il est impossible d’élever la plupart des poissons tropicaux marins en captivité, l’avenir du commerce des animaux marins d’aquarium dépend de la préservation des récifs. À l’heure actuelle, les efforts des pays exporta- teurs de poissons tropicaux pour arrêter la pêche au cyanure n’ont eu que très peu de réussites. En conséquence, une approche différente a été adoptée par une organisation internationale à but non lucratif, le Marine Aquarium Council (MAC ; Conseil des Aquariums Marins). Cette organisation surveille chaque étape du transport des poissons des récifs coralliens jusqu’aux magasins locaux d’animaux de compagnie, et utilise cette information pour repérer par marquage les poissons qui ont été collectés de façon acceptable au point de vue environnemental. En outre, le MAC éduque les collecteurs de poissons des pays exportateurs et leur enseigne comment utiliser des filets manuels comme alternative non létale à la pêche au cyanure. Les premiers résultats de ces efforts sont encourageants : la contamination par le cyanure des poissons collectés aux Philippines a nettement diminué. Les progrès à venir dépendront des actions menées par les personnes qui achètent ces poissons marins tropicaux ; en effet, si les aquariophiles refusent d’acheter des poissons capturés grâce à l’utilisation d’une technique d’empoisonnement par le cyanure, le MAC pourra réussir à éliminer cette pratique qui menace les communautés des récifs coralliens du monde entier. Un foyer construit par le mutualisme La grande diversité de la vie dans les récifs tropicaux dépend des coraux qui créent les récifs dans lesquels, et autour desquels, vivent de nombreuses espèces marines. Les coraux qui bâtissent les récifs dépendent d’un mutualisme avec les algues photosynthétiques. Les consommateurs peuvent exercer une puissante force de sélection Comme nous l’avons vu au Chapitre 32, la présence de consommateurs dans l’environnement a fait évoluer de nombreuses espèces qui ont développé des stratégies souvent très élaborées pour éviter d’être consommées. De nombreuses plantes, par exemple, produisent des épines et des produits chimiques toxiques pour se défendre contre les herbivores. Chez certaines plantes, la production de telles défenses est directement stimulée par l’agression par des herbivores : il est plus probable qu’un certain cactus, qui a été 678 PARTIE 6 Interactions avec l’environnement Pourcentage de cactus pourvus d’épines Sur une île qui abrite du bétail, la majorité des cactus porte des épines. 100 80 60 Sur deux îles sans bétail, un nombre relativement petit de cactus porte des épines. 40 20 0 Îles pâturées Îles non pâturées Figure 42.3 Une espèce de cactus qui produit des épines quand il est frôlé Sur trois îles au large des côtes australiennes, le pourcentage de cactus couverts d’épines est supérieur sur l’île avec du bétail par rapport aux deux autres îles sans bétail. Les expériences de laboratoire et de terrain démontrent que, chez cette espèce de cactus, la production d’épines est directement stimulée par le pâturage du bétail. partiellement consommé ou frôlé par un agresseur potentiel, fabrique des épines et qu’un autre qui n’a pas été approché en produise moins (Figure 42.3). De nombreux organismes ont évolué en se couvrant de coloris lumineux ou en prenant des aspects répulsifs qui avertissent les prédateurs potentiels qu’ils sont fortement équipés de mécanismes de défense, qui sont généralement des moyens chimiques (Figure 42.4a). Ce type de coloration d’alerte peut être très efficace. Les geais bleus, par exemple, apprennent rapidement à ne pas consommer des papillons monarques somptueusement colorés qui renferment des produits chimiques toxiques pour les oiseaux (Figure 42.4b). D’autres proies évitent les prédateurs en se dissimulant, de manière à rendre difficile leur découverte ou leur capture. Enfin, les animaux se sont équipés, au cours de l’évolution, de défenses moléculaires (systèmes immunitaires) qui les aident à combattre les maladies et les infections parasitaires. Le grand nombre et la variété des types de défense contre les consommateurs chez leurs victimes potentielles indiquent que les consommateurs appliquent souvent une forte pression de sélection sur celles-ci. Certains consommateurs altèrent le comportement de leurs victimes L’histoire surprenante, décrite au début de ce chapitre, des mantes religieuses qui sautent dans les cours d’eau pour y mourir tout de suite après, illustre de façon spectaculaire la façon dont les consommateurs peuvent altérer le comportement de leurs victimes. Mais il arrive que les interactions consommateur-victime modifient le comportement de l’espèce victime de manière encore plus subtile. Les prédateurs peuvent obliger les animaux à vivre ou à se nourrir en groupe. Dans certains cas, plusieurs proies agissent ensemble pour échapper aux attaques des prédateurs (Figure 42.5). De plus, de grands groupes de proies sont plus efficaces pour donner l’alerte d’une attaque de prédateur. Par exemple, comme davantage d’individus montent la garde contre les prédateurs, une grande volée de pigeons ramiers détecte l’approche d’un autour des palombes, (rapace diurne) beaucoup plus tôt qu’un pigeon isolé. Le taux de succès d’une attaque de l’autour des palombes passe de presque 80 %, quand ces prédateurs s’attaquent à des pigeons isolés à moins de 10 % quand ils s’en prennent à des volées constituées de plus de 50 oiseaux (Figure 42.6). Les consommateurs peuvent limiter la distribution et l’abondance de leurs victimes Le châtaigner américain était une espèce dominante dans la plupart des états de l’Est de l’Amérique du Nord. En 1900, cependant, un mycète (Endothia parasitica) qui cause la mala- (a) (b) Figure 42.4 La coloration qui avertit (a) Les couleurs intenses de cette grenouille poison dendrobate avertissent les prédateurs éventuels des composés chimiques mortels qu’elle possède. (b) Un geai bleu, sans expérience, régurgite après avoir mangé un papillon monarque. 679 Les consommateurs peuvent entraîner la disparition de leurs victimes Figure 42.5 Venez nous prendre ! Même si un bœuf musqué isolé peut être vulnérable lors d’une agression de ses prédateurs, notamment les loups, un groupe qui forme un cercle est difficile à attaquer. die du chancre du châtaignier a été introduit dans la région de la ville de New York. Ce mycète s’est propagé rapidement, en tuant la plupart des châtaigniers en Amérique du Nord orientale. Aujourd’hui, le châtaignier américain survit dans toute son ancienne aire de distribution géographique mais seulement en agrégats isolés, principalement sous forme de pousses qui se développent à la base des troncs morts. L’effet de Endothia parasitica sur le châtaignier américain montre comment un consommateur (le mycète) limite la distribution et l’abondance d’une victime (le châtaignier) ; dans ce cas-ci, une espèce d’arbre autrefois dominante a été presque totalement éradiquée sur la totalité de son aire de distribution géographique originelle. Des expériences de laboratoire impliquant des protistes et des acarides ont montré que les prédateurs peuvent être responsables de la disparition de leurs proies. Les interactions consommateur-victime peuvent conduire à l’extinction de l’espèce victime même dans des écosystèmes naturels. L’effet de la rouille du châtaignier sur le châtaignier américain fournit un exemple clair : bien que ce châtaignier ne se soit pas éteint dans toute son aire de distribution géographique, de nombreuses populations locales ont disparu. De même, les mites de Cactoblastis ont entraîné l’extinction de nombreuses populations de cactus Opuntia en Australie (voir le Chapitre 41). Dans les cas où un prédateur consomme une seule espèce proie, si le consommateur provoque l’extinction de la population de sa proie, il doit trouver une nouvelle population de proies ou disparaître lui-même. C’est exactement ce qui est arrivé à Cactoblastis en Australie orientale : cette mite est la cause de l’extinction de la plupart des populations de cactus Opuntia, et maintenant les deux espèces sont devenues très rares. ■ Les consommateurs peuvent exercer une puissante force de sélection, conduisant leurs victimes à évoluer pour acquérir divers types de défense pour éviter d’être consommées. Les consommateurs peuvent limiter la distribution et l’abondance de leurs victimes, et dans certains cas, provoquer leur propre extinction. La compétition Dans la compétition, chacune des deux espèces concernée influence négativement l’autre espèce (interaction –/–). Généralement, la compétition a lieu quand les deux espèces partagent une ressource primordiale, comme la nourriture ou l’espace, qui est difficile à obtenir. Quand les deux espèces sont en compétition, chacune a un effet négatif sur l’autre car toutes les deux utilisent les ressources (par exemple une Dans des volées composées de plus source de nourriture) qui, dans le cas contraire, seraient utide 50 pigeons, des autours ont lisées par le concurrent. Cela se vérifie même quand une effectivement capturé un pigeon espèce est tellement supérieure qu’elle occasionne finalement pour moins de 10% de leurs attaques. la disparition de l’autre espèce : jusqu’à sa réelle extinction, le concurrent le plus faible continue à utiliser des ressources qui pourraient être employées par le rival le plus fort. On définit deux types principaux de compétition : Succès d’attaque des autours (%) 100 80 60 40 20 0 1 2–10 11–50 >50 Nombre de pigeons dans la volée Figure 42.6 La sécurité des grands nombres Le succès des attaques des vautours sur les pigeons ramiers diminue considérablement à mesure que le nombre de pigeons augmente dans la volée. 1. Dans la compétition par interférence, un organisme exclut directement les autres organismes de l’utilisation d’une ressource ; par exemple, quand deux espèces d’oiseaux luttent pour installer leurs nids dans les trous d’un même arbre qui pourraient être utilisés indifféremment par les deux concurrents comme sites de nidification. 2. Dans la concurrence par exploitation, les espèces s’affrontent indirectement pour le partage d’une ressource 680 PARTIE 6 Interactions avec l’environnement alimentaire, chacune réduit la quantité de ressource disponible pour l’autre. Par exemple, deux espèces de plantes peuvent être en compétition pour une ressource limitée, comme l’azote du sol. La réalité de la compétition La compétition entre les espèces est très fréquente et a souvent des effets importants sur les populations naturelles. Le long des côtes écossaises, les larves de deux espèces de bernacles, Balanus balanoides et Chthamalus stellatus, vivent sur des rochers dans les parties hautes et basses du littoral. Cependant, les adultes de Balanus apparaissent seulement sur la partie basse du littoral, plus fréquemment recouverte d’eau, et les adultes de Chthamalus apparaissent seulement en hauteur, sur la partie qui est plus fréquemment exposée à l’air. En théorie, la distribution de Balanus et de Chthamalus pourrait être déterminée par une compétition ou par des facteurs environnementaux. Cependant, dans une étude expérimentale, les écologues ont montré que Chthamalus pourrait très bien vivre aux niveaux inférieurs du littoral, mais seulement en l’absence de Balanus (Figure 42.7). Par conséquent, la concurrence avec Balanus empêche Chthamalus de vivre dans des parties basses du littoral. La distribution de Balanus, d’autre part, dépend principalement de facteurs physiques : la chaleur et la sécheresse élevées, caractérisant les niveaux plus élevés du littoral, empêchent Balanus de survivre dans cette zone particulière. Dans certains cas, la compétition n’a pas lieu si les ressources partagées par les deux espèces sont suffisamment abondantes et disponibles. Par exemple, la compétition entre les insectes se nourrissant de feuilles est relativement rare. La raison en est simple : une quantité énorme de matériel foliaire est disponible pour les insectes et habituellement il n’y a pas assez d’insectes pour que la nourriture soit limitée. Balanus Marée haute Comme leur nourriture reste abondante, il y aura très peu de compétition. La concurrence peut limiter la distribution et l’abondance des espèces De nombreuses observations faites sur le terrain, comme cette étude sur les bernacles, prouvent que la compétition peut limiter la distribution et l’abondance des espèces. Un deuxième exemple concerne les guêpes du genre Aphytis. Ces guêpes attaquent d’autres insectes, les coccidés, qui peuvent sérieusement endommager des citronniers. Les guêpes femelles pondent leurs œufs sur un coccidé, et quand les larves de guêpe éclosent, elles percent le squelette extérieur du coccidé et consomment certaines parties de son corps. En 1948, la guêpe Aphytis lingnanensis a été introduite en Californie méridionale pour limiter la destruction des citronniers due aux coccidés. Une guêpe étroitement apparentée, A. chrysomphali, vivait déjà dans cette région. A. lingnanensis a été introduite dans l’espoir de mieux contrôler les coccidés que ne le faisait l’A. chrysomphali. L’A. lingnanensis s’est avéré être un consommateur plus efficace (Figure 42.8) et a provoqué l’extinction de A. chrysomphali dans la plus grande partie de la région, ce qui a donné, comme l’on avait espéré, un meilleur contrôle des coccidés. La compétition peut augmenter les différences entre les espèces Comme l’avait conçu Charles Darwin quand il a formulé la théorie de l’évolution par la sélection naturelle, la compétition entre les espèces peut être intense lorsque la forme de deux espèces est très semblable. Par exemple, les oiseaux qui ont des becs de taille équivalente consomment des graines de même taille et se font ainsi une concurrence intense, alors que les oiseaux dont les becs ont une taille différente consomment des graines de différentes tailles et rivalisent moins intensément. La compétition intense entre des espèces Chthamalus semblables peut avoir comme consé2 … et les Balanus sont exclues des quence le déplacement du caractère parties hautes du littoral en raison ou le déplacement du phénotype, des températures plus élevées et signifiant que des formes semblables de la sécheresse. d’espèces en compétition évoluent et se différencient au cours de temps. En Distribution réduisant une ressemblance de forme des adultes de Chthamalus Distribution des adultes de Balanus Marée basse 1 Des expériences ont montré que les Chthamalus sont exclus des parties basses du littoral à cause de leur compétition avec les Balanus… Figure 42.7 Qu’est ce qui les sépare ? Sur la côte rocheuse de l’Écosse, les larves de bernacles des genres Balanus et Chthalamus vivent sur les rochers dans des parties hautes et basses du littoral. Cependant, les Balanus adultes ne se trouvent pas dans les parties hautes du littoral et les adultes des Chthalamus ne vivent pas dans les parties basses du littoral. CHAPITRE 42 Les interactions entre les organismes Les guêpes du genre Aphytis déposent leurs ovules sur des coccidées. Quand un oeuf éclos, la guêpe immature s’enfonce dans le coccidée pour s’y nourrir. Légende ces oiseaux consomment, est plus variée sur les îles où les deux espèces cohabitent que sur les îles où vit une seule de deux espèces (Figure 42.9). Des expériences récentes avec des poissons et des lézards suggèrent également que le déplacement du caractère est un phénomène très répandu dans la nature. A. chrysomphali A. lingnanensis Santa Barbara 681 G. fuliginosa San Fernando La taille du bec est importante car elle influence la dimension des graines choisies par les oiseaux pour se nourrir. G. fortis Taille du bec Riverside Pinta Marchena Long Beach Escondido Les tailles des becs de Geospiza fuligineux et G. fortis sont encore plus diffèrent chez les individus qui cohabitent sur une même île. 40 1948 Santa Barbara San Fernando Riverside Long Beach Escondido San Diego 1959 Figure 42.8 Le concurrent supérieur s’installe Après avoir été introduite au Sud de la Californie en 1948, la guêpe, Aphytis lingnanensis, a rapidement provoqué l’extinction de son concurrent A. chrysomphali dans la plupart des sites californiens. Les deux espèces de guêpes se nourrissent d’insectes qui endommagent les agrumes, comme les citronniers ou les orangers. Pourcentage d’individus appartenant à chaque classe de taille San Diego 20 0 G. fuliginosa 8 10 12 14 Daphne 40 Quand elles vivent sur deux îles éloignées, les deux espèces ont des becs de taille semblable. 20 G. fortis 0 8 10 12 14 Los Hermanos 40 20 G. fuliginosa 0 entre les espèces, le déplacement du caractère devrait réduire l’intensité de la compétition. Cependant, comme cela a été évoqué au Chapitre 20, les espèces ne peuvent évoluer de cette façon que si leurs populations varient génétiquement pour certains caractères, comme la taille du bec par exemple, sur lesquels la sélection naturelle peut agir. La preuve du déplacement du caractère provient d’observations dévoilant que les formes de deux espèces sont plus différentes quand celles-ci vivent ensemble que quand elles vivent dans des lieux séparés. Dans les îles Galápagos, par exemple, la taille du bec de deux espèces de pinsons des Galápagos et, par conséquent, la taille des graines que G. fortis 8 10 12 Taille du bec (mm) 14 Figure 42.9 Le déplacement du caractère (déplacement phénotypique) Le phénomène du déplacement du caractère est provoqué par une compétition pour les mêmes ressources et résulte en des divergences plus prononcées de certains caractères chez les espèces au cours du temps. La compétition entre deux espèces de pinsons de Galápagos, Geospiza fuliginosa et G. fortis, pourrait être la force majeure qui provoque une différenciation de la taille des becs chez les individus qui cohabitent dans une même île. 682 PARTIE 6 Interactions avec l’environnement ■ Dans la compétition par interférence, une espèce exclut directement les autres pour l’utilisation des ressources. Dans la compétition par exploitation, les espèces se font concurrence indirectement, chacune réduit la quantité de ressources disponibles pour l’autre. La compétition peut affecter la distribution et l’abondance des espèces et faire évoluer des différences plus remarquables entre les concurrents au cours du temps. Les interactions entre les organismes définissent la structure et la composition des communautés et des écosystèmes Au cours de ce chapitre, nous avons vu comment les interactions entre les organismes participent à la détermination de leur distribution et de leur abondance. Les interactions entre les organismes ont également de grands effets sur les communautés et les écosystèmes dans lesquels vivent ces organismes. Par exemple, quand des prairies sèches sont surpâturées par du bétail, les herbes sont de moins en moins abondantes et les arbustes du désert peuvent alors se développer (Figure 43.7). Ces changements de l’abondance en herbes et en arbustes modifient l’environnement physique. Le taux d’érosion du sol augmente, car les arbustes ne stabilisent pas le sol comme le font les herbes. Enfin, si le bétail broute considérablement l’herbage, l’écosystème peut passer d’une prairie sèche à un désert Il arrive que les changements des interactions entre les organismes compliquent les effets sur les communautés naturelles. Comme exemple, voyons ce qui s’est produit quand les hommes ont éliminé les dingos d’une certaine région d’Australie pour les empêcher de consommer les brebis. Les dingos sont les plus grands prédateurs (non humains) du continent australien. Là où les dingos ont été enlevés, la population de leur proie préférée, les kangourous rouges, s’est considérablement accrue (166 fois). L’augmentation consécutive du pâturage des kangourous a modifié les résultats de la comDingo pétition entre les espèces de plantes et a entraîné l’augmentation de l’abondance de certaines espèces et la diminution de l’abondance d’autres espèces. De façon générale, le déplacement des dingos a eu comme conséquence (1) une augmentation des kangourous rouges, (2) une diminution des plantes consommées par les kangourous rouges, (3) un changement dans les interactions compétitives entre les plantes et (4) un bouleversement de la composition des communautés végétales. Dans les deux exemples cités plus haut, le changement d’une interaction entre les organismes a donné lieu à certains effets alternatifs ; il a modifié l’abondance des populations ainsi que la communauté des espèces vivant dans une aire définie et même, dans le cas des prairies sèches, il a converti un écosystème (prairie sèche) en un autre (paysage désertique). En général, les interactions entre les organismes peuvent affecter tous les niveaux de la hiérarchie écologique : les différents organismes impliqués dans une interaction, les populations auxquelles appartiennent ces organismes, les communautés dans lesquelles ces organismes vivent et les écosystèmes entiers. ■ Les interactions entre les organismes affectent les individus, les populations, les communautés et les écosystèmes. COUP DE PROJECTEUR Les parasites qui altèrent le comportement de leurs hôtes Les parasites affectent leurs hôtes de manières variées allant de la simple gêne (comme les puces) à la mort (les parasites fongiques des fourmis). En outre, de nombreux parasites induisent des comportements peu ordinaires ou même surprenants de leurs victimes, des comportements délétères pour la victime, mais qui bénéficient au parasite. Un exemple a été fourni par les vers que nous avons décrits au début de ce chapitre, qui font que des mantes religieuses se jettent dans des cours d’eau et s’y noient. De même, le protiste, Toxoplasma gondii, provoque un comportement plus curieux et tout aussi inquiétant chez les rats qui sont leurs hôtes. Ces changements font des rats infectés une proie plus facile pour les chats, autre hôte du protiste. Comme ces exemples le montrent, des parasites entraînent de grands changements comportementaux chez leurs hôtes, qui peuvent les rendre imprudents ou provoquer leur déplacement vers un autre habitat. D’autres parasites entraînent des changements de comportement chez leurs hôtes beaucoup plus spécifiques. Par exemple, une guêpe parasite appelée Hymenoepimecis attaque l’araignée Plesiometa argyra. Une guêpe femelle pique l’araignée et la paralyse ainsi temporairement ; elle pond alors un œuf sur son corps. L’araignée se remet rapidement et ses comportements sont normaux pendant la semaine ou les deux semaines suivantes (Figure 42.10a). Durant cette période, l’éclosion a lieu et la larve s’alimente en absorbant les fluides corporels (l’hémolymphe) de l’araignée. Ensuite, la larve injecte un produit chimique dans l’araignée-hôte, en l’incitant à former un singulier « cocon » (Figure 42.10b). Stimulée par l’attaque chimique de la larve de guêpe, l’araignée exécute de nombreuses fois une étape de son processus normal de construction de sa toile en supprimant certaines autres étapes. Ainsi, la guêpe a acquis au cours de l’évolution la capacité de provoquer un changement très particulier dans la façon dont l’araignée construit sa toile. Pourquoi la guêpe change-t-elle ainsi le comportement de l’araignée ? Pour répondre à cette question, voyons la fin de l’histoire. Dès que l’araignée a fini la construction de CHAPITRE 42 Les interactions entre les organismes (a) 683 ■ De nombreux parasites provoquent des changements relativement aspécifiques du comportement de leurs victimes. D’autres parasites ont acquis la capacité d’entraîner des changements précis dans le comportement de leurs hôtes. RÉSUMÉ Le mutualisme ■ ■ ■ ■ ■ Le mutualisme est une interaction entre deux espèces dont toutes les deux tirent des bénéfices (interaction +/+). La symbiose est une association de deux espèces qui vivent ensemble. Une symbiose peut être ou ne pas être mutualiste. Les mutualismes évoluent quand l’avantage de l’interaction est supérieur à son coût pour les deux associés. Les mutualismes sont très fréquents dans la nature. Les mutualismes influencent la détermination de la distribution et de l’abondance des espèces mutualistes aussi bien que des autres espèces dépendant directement ou indirectement des espèces mutualistes. Les interactions consommateur-victime (b) ■ ■ ■ ■ Les interactions consommateur-victime sont des interactions profitables pour une espèce (le consommateur) et nuisibles pour l’autre (la victime) (interactions +/–). Les consommateurs comprennent les prédateurs, les parasites, les microbes pathogènes et les herbivores. Les consommateurs peuvent constituer une puissante force de sélection qui oblige les victimes à évoluer de manières à éviter d’être consommées selon plusieurs stratégies. Les consommateurs peuvent limiter la distribution et l’abondance de leurs victimes, ce qui peut amener ces dernières jusqu’à l’extinction. La compétition ■ ■ ■ Figure 42.10 Mon parasite m’a forcé à le faire (a) Une toile d’araignée classique de l’araignée Plesiometa argyra. (b) Un cocon fabriqué avec la toile d’araignée produite par P. argyra et infectée par une espèce de guêpe parasite qui modifie le mode de construction d’une toile par cette araignée. On peut voir le cocon de la guêpe pendu vers le bas au centre de la toile de cocon. ■ ■ Les interactions entre les organismes définissent la structure et la composition des communautés et des écosystèmes ■ ce cocon, la larve tue l’araignée et la consomme. La larve crée alors son propre cocon, dans lequel elle terminera son développement. La larve utilise le cocon de l’araignée comme support solide pour y accrocher le sien, et se protège ainsi de fortes pluies. En réalité, la guêpe non seulement consomme l’araignée, mais la force également à lui construire un abri sûr qui la protège contre les pluies torrentielles qui sont pour elle potentiellement mortelles. Dans la compétition, chacune des deux espèces en interaction influence négativement l’autre espèce (interaction –/–). Dans la compétition par interférence, une espèce exclue directement les autres de l’utilisation des ressources. Dans la compétition par exploitation, les espèces se font concurrence indirectement, chacune réduit les ressources disponibles pour l’autre. La compétition peut avoir un effet considérable sur la distribution et l’abondance des espèces. La compétition peut résulter de l’évolution des différences les plus remarquables entre les espèces. Les interactions entre les organismes affectent les individus, les populations, les communautés et les écosystèmes. Coup de projecteur : les parasites qui altèrent le comportement de leurs hôtes ■ ■ Des nombreux parasites sont responsables de changements relativement non spécifiques du comportement de leurs victimes. Par exemple, ils peuvent rendre leurs victimes moins craintives ou causer leur déplacement d’un habitat à un autre. D’autres parasites ont acquis au cours de l’évolution la capacité d’induire des changements particuliers du comportement de l’hôte. 684 PARTIE 6 Interactions avec l’environnement TERMES FONDAMENTAUX Compétition p. 000 Compétition par exploitation p. 000 Compétition par interférence p. 000 Déplacement du caractère p. 000 Herbivore p. 000 Mutualisme comportemental p. 000 Mutualisme dans le tractus digestif p. 000 Mutualisme de la dispersion des graines p. 000 Mutualisme pollinisateur p. 000 Interaction consommateurvictime p. 000 Parasite Mutualisme Prédateur p. 000 Symbiose p. 000 p. 000 p. 000 Pathogène p. 000 RÉVISION DU CHAPITRE Auto-évaluation 1. Parmi les déclarations suivantes concernant les consommateurs, laquelle est exacte ? a. Les consommateurs ne sont jamais la cause de l’extinction de leurs victimes. b. Les consommateurs ne sont pas importants dans les communautés naturelles. c. Les consommateurs peuvent appliquer une forte pression de sélection sur leurs victimes. d. Les consommateurs ne peuvent pas changer le comportement de leurs victimes. 2. Dans quel type de compétition les espèces se confrontentelles directement pour l’utilisation d’une ressource partagée ? a. la compétition par interférence b. la compétition par exploitation c. la compétition physique d. la compétition instabl 3. Les interactions entre les espèces a. n’influencent pas la distribution ou l’abondance des organismes. b. sont rarement avantageuses pour les deux espèces (c’est-à-dire que le mutualisme n’est pas fréquent). c. influencent fortement les communautés et les écosystèmes. d. ne peut pas conduire une espèce à l’extinction. 4. Les avantages dont bénéficie un associé dans une interaction mutualiste peuvent inclure : a. la nourriture b. la protection c. une augmentation de la reproduction d. toutes les réponses ci-dessus sont correctes 5. La forme de la mâchoire d’un poisson influence son alimentation. Les chercheurs ont constaté que les mâchoires de deux espèces de poissons se ressemblaient plus quand ils vivaient dans des lacs séparés que quand ils vivaient ensemble dans le même lac. La différence la plus prononcée de la structure des mâchoires quand les poissons vivent dans le même lac est un exemple potentiel a. de la coloration d’avertissement b. de déplacement de caractère c. de mutualisme d. d’une interaction consommateur-victime Questions de révision 1. Une interaction mutualiste génère généralement des coûts pour les deux espèces impliquées. Pourquoi, alors, le mutualisme est-il si fréquent ? 2. Comment une espèce qui est un concurrent inférieur peutt-elle avoir un effet négatif sur un concurrent qui lui est supérieur ? 3. Les lapins peuvent consommer une grande quantité de plantes, mais ils préfèrent certaines à d’autres. Supposez que les lapins vivant dans une prairie plantée d’une grande variété de végétaux préfèrent manger une espèce d’herbe qui se révèle être un concurrent supérieur dans la communauté végétale de la prairie. Si les lapins disparaissaient de cette région, quelle conséquence cela aurait-il sur la communauté en question ? a. La communauté de plantes serait moins riche. b. La communauté de plantes serait plus riche. c. La communauté de plantes demeurerait en grande partie inchangée. Expliquez votre réponse. CHAPITRE 42 Les interactions entre les organismes 685 42 Les loups et les hommes peuvent-ils vivre ensemble ? ALPES FRANÇAISES – Des années après que les loups aient été chassés jusqu’à pratiquement leur extinction, le hurlement des loups a été de nouveau entendu dans cette région montagneuse. Le retour naturel du loup en France a été salué avec beaucoup d’enthousiasme dans les cercles écologistes : le loup étant le régulateur par excellence des populations d’ongulés sauvages, avec son retour le milieu naturel retrouve son équilibre. Cependant, en été, les moutons en alpage constituent une partie de son régime alimentaire, ce qui occasionne de nombreux conflits avec les éleveurs. En effet, les éleveurs affirment que le loup a été réintroduit clandestinement et qu’il chasse les moutons, moins véloces que les ongulés sauvages. Malgré le fait que la thèse du retour naturel du loup ait été retenue comme hypothèse officielle par le gouvernement français, la thèse de la réintroduction des loups dans l’arc alpin, volontaire ou accidentelle, est fermement défendue par les représentants du monde agricole local. La scène pour un long conflit était mise en place. Dans une certaine mesure, ce conflit a eu lieu. Plusieurs loups ont été tués, et un résidant est actuellement jugé. Comme pour ajouter de l’huile sur le feu, les loups ont tué un certain nombre de veaux et de brebis depuis leur réintroduction. En conséquence, certaines personnes de la région déclarent que leurs craintes se sont vérifiées. Mais il y a également des signes d’espoir. Les biologistes savent que le retour du loup ne peut pas réussir sans l’appui de la communauté locale. Ils cherchent cet appui par une information dans les mairies et à travers des communiqués d’associations favorisant la réussite du retour naturel du loup en France. Ces efforts ont commencé à donner des résultats. Certaines personnes opposées à la réintroduction des loups ont adouci leur position après avoir été informées des arguments des biologistes et de la mise en place de moyens de protection des troupeaux (utilisation de chiens de surveillance, regroupement nocturne des troupeaux, etc.). Ces premières mesures ont montré leur efficacité. Elles doivent être développées et les éleveurs doivent continuer d’être aidés financièrement pour mettre en œuvre ces dispositifs. Des biologistes spécialistes de la faune sauvage déclarent : « Bien que la route puisse être parfois semée d’embûches, les hommes et les loups peuvent vivre ensemble. Nous travaillons dur pour assurer que les gens et les loups tirent bénéfice du retour du loup dans la région. » Questions soulevées par l’actualité 1. De quelles manières les gens pourraient-ils tirer bénéfice du retour du loup dans les régions où cette espèce a été conduite à l’extinction par la chasse ? 2. Si une région représente un habitat idéal pour une espèce en danger, qui, autrement, ne serait pas approprié, cette espèce doit-elle être réintroduite dans cette région en dépit de l’objection des habitants locaux ? Pourquoi ou pourquoi pas ? 3. Les hommes ont-ils une responsabilité morale dans le rétablissement d’une espèce conduite au bord de l’extinction par l’action humaine ? Si non, pourquoi ? Si oui, comment les besoins des espèces en danger devraient-ils être pris en compte relativement aux besoins des personnes ?