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HÉORIES DE L
’
ÉVOLUTION
De l'Antiquité au19
ème
siècle, l’idée d'une transformation des espèces a été exprimée à plusieurs
reprises, de manière plus ou moins intuitive, ou en invoquant des mécanismes plus ou moins
cohérents. Depuis Darwin (1859) et sa formalisation du concept de modification dans la
descendance et du mécanisme de la sélection naturelle, les pièces du puzzle des faits se sont
progressivement mises en place, avec une harmonie qui, si elle n'est pas encore parfaite, ne laisse
planer aucun doute sur la réalité de l'évolution.
La publication par Charles Darwin De l’origine des espèces au moyen de la sélection naturelle en
1859 constitue donc un moment-clé de la biologie et de l’évolution. Darwin s’est penché sur les
questions primordiales en biologie : la grande diversité des organismes, leurs origines et leurs
relations, leurs ressemblances et leurs différences, leur distribution géographique et leurs adaptations
au milieu extérieur. Aucun de ces aspects ne s’explique en dehors de l’évolution. Par conséquent,
l’évolution constitue le principe fondamental de la biologie.
5.1 Avant le Darwinisme
Dans la culture judéo-chrétienne, le récit biblique de la Création ne laissait pas de place au concept
d’évolution. Le dogme créationniste selon lequel les espèces avaient été mises en place de manière
individuelle et définitive était fermement enraciné dans la pensée occidentale. Même à l’époque de
Darwin, les naturalistes européens et américains se réclamaient pour la plupart de la théologie
naturelle.
•
Les penseurs de l’Antiquité gréco-romaine n’ont pas élaboré l’idée d’une nature en évolution,
mais certains d’entre eux avaient tout de même émis à titre hypothétique des idées qui
s’approchent de quelques aspects de la théorie de Darwin. Le concept de l'évolution a
historiquement pris naissance avec les philosophes grecs :
Empédocle (493-433 av. J.C.) proposa la première théorie de l'évolution. Il formula
une théorie primitive de l'évolution, affirmant que les hommes et les animaux se sont
développés à partir de formes antérieures.
Aristote (384-322 av. J .C.) et Platon (427-347 av. J.C.), les deux philosophes grecs
qui ont eu le plus d'influence sur la science occidentale, croyaient à la fixité des espèces.
Les organismes sont parfaits, ils ont toujours existé et ils existeront toujours. La
philosophie de Platon nie l’évolution qui ne peut être que défavorable dans un monde
peuplé d’organismes idéaux, déjà parfaitement adaptés à leur milieu. Aristote, naturaliste
minutieux, reconnaissait que les organismes présentaient divers degrés de complexité. Il
pensait que toutes les formes vivantes pouvaient être classées selon une échelle, des plus
simples aux plus perfectionnées. Les espèces étaient fixes et permanentes ; elles
n’évoluaient pas. Cette vision subsista pendant plus de 2000 ans.
•
Carl von Linné (1707-1778) croyait aussi à la fixité des espèces selon la Création telle que
décrite dans la bible. Il est le père de la taxinomie, la science dont l’objet consiste à nommer
et classifier les formes vivantes. Il élabora la nomenclature binomiale, encore en usage de nos
jours, qui désigne chaque organisme par son genre et son espèce. Partisan de la théologie
naturelle, Linné croyait que les espèces étaient des créations permanentes, et son travail de
classification ne visait qu’à dévoiler le dessein de Dieu. Un siècle plus tard, par un curieux