Introduction `a la fonctorialité de Langlands

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Introduction à la fonctorialité de
Langlands
J.-P. Labesse
Institut Mathématique de Luminy
UMR 6206
1
Introduction
La fonctorialité de Langlands, appelée aussi théorie ou encore philosophie
de Langlands, est un ensemble de conjectures formulées pour la première fois
dans une lettre manuscrite à André Weil en 1967. Cette lettre, dont on peut
trouver le fac-similé sur le web :
http ://sunsite.ubc.ca/DigitalMathArchive/Langlands/functoriality.html
jette les bases d’une théorie qui n’a cessé de s’enrichir et se préciser depuis.
Langlands y propose un ensemble de conjectures qui généralise plusieurs
conjectures plus anciennes sur les fonctions L d’Artin et de Hasse-Weil. Il
conjecture l’existence de nouvelles fonctions L attachées aux représentations
automorphes, généralisant les fonctions L de Hecke pour les formes modulaires, possèdant un prolongement méromorphe et une équation fonctionnelle
et il conjecture que les fonctions L citées plus haut sont toutes attachées à des
représentations automorphes. De plus Langlands prédit l’existence de “fonctorialités” c’est-à-dire de correspondances entre représentations automorphes
pour des groupes différents.
Depuis 1967 de nombreux cas de fonctorialité ont été établis ; mais beaucoup reste à faire ! Nous tenterons de donner une idée de la problématique et
de quelques résultats.
La philosophie de Langlands utilise systématiquement le langage des
adèles. Nous allons les introduire maintenant en nous limitant aux corps
de nombres. L’adaptation de ce qui suit au cas des corps de fonctions est
laissé au lecteur.
1
2 Adèles, groupe de Weil et corps de classe
2
2
Adèles, groupe de Weil et corps de classe
Les adèles ont étés introduits par Chevalley pour reformuler la théorie du
corps de classe. Ceci à permis à Weil de construire le groupe qui porte son
nom. On en trouvera par exemple un exposé dans les notes d’Artin-Tate ; il
convient aussi de lire la thèse de Tate, ainsi d’ailleurs que le reste du livre de
Cassels et Fröhlich et on ne saurait trop recommander la lecture du très bel
exposé de Tate à Corvallis.
De fait on obtient ainsi une formulation de la théorie du corps de calsse
beaucoup plus agréable, rappelée ci-dessous, qui se révèle même incontournable pour sa généralisation par Langlands ; on peut dire que la théorie du
corps de classe dans le langage adèlique est la théorie de Langlands pour
GL(1).
2.1
Adèles et idèles
Soit F un corps de nombres c’est-à-dire une extension finie de Q.
Considérons tout d’abord le cas F = Q. On introduit l’anneau compact
Z = lim Z/nZ
←−
complétion profinie de l’anneau des entiers et pour tout nombre premier p
Zp = lim Z/pm Z
←−
l’anneau des entiers p-adiques. Le théorème chinois fournit l’égalité :
Y
Zp .
Z=
p
L’anneau des adèles finis Af de Q est obtenu en inversant les entiers dans Z
Af = Q ⊗Z Z = lim Q/nZ
←−
n
et l’anneau des adèles est le produit
A = R × Af .
C’est un anneau commutatif localement compact ; c’est le “produit restreint”
des complétions Qp lorsque p est un nombre premier et Q∞ = R, relativement
2 Adèles, groupe de Weil et corps de classe
3
aux sous-anneaux compacts Zp des entiers p-adiques i.e. :
Y
Y
A = lim AS
avec
AS = R ×
Qp
Zp
−→
S
p∈Sf
p∈S
/
où S = {∞} ∪ Sf et Sf parcourt les ensembles finis de nombres premiers.
Le groupe abélien Af est son propre dual de Pontryagin ; ceci résulte de
l’isomorphisme
1
Af = lim Q/nZ = lim lim Z/nZ .
←−
←− −→ m
Pour voir que A est auto-dual il suffit d’observer que R est auto-dual.
Soit F un corps de nombres. L’anneau des adèles of F est le produit
tensoriel
AF = F ⊗Q A = F ⊗Z (R × Z) .
C’est un produit restreint de corps locaux :
Y Y
AF = lim
Fv
Ov .
−→
S v∈S
v ∈S
/
Le corps F s’injecte dans AF avec image discrète et quotient compact. De
plus AF /F est le dual de Pontryagin du groupe discret F . la suite exacte
0 → F → AF → AF /F → 0
est auto-duale.
Le schéma en groupe multiplicatif Gm est défini par l’equation xy = 1.
Le groupe multiplicatif
A×
F = Gm (AF )
est appelé groupe des idèles de F . On voit que F × s’injecte dans A×
F avec
image discrète. Pour toute place v de F on dispose d’une valeur absolue | |v .
Pour x = (xv ) ∈ A×
F on a |xv |v = 1 pour presque toute place v ce qui permet
de définir
Y
|x| =
|xv |v
v
et x 7→ log |x| définit un homomorphisme surjectif
A×
F → R .
On note A1F son noyau. La formule du produit montre que F × est un sousgroupe discret A1F .
2 Adèles, groupe de Weil et corps de classe
4
Théorème 2.1: Le quotient A1F /F × est compact.
Preuve: Considérons le cas F = Q. Il est facile de voir que
×
A× = Q× . (R× × Z )
et donc l’application
×
Z → A1 /Q×
est surjective de noyau ±1. Pour le cas general on renvoie le lecteur à la
littérature.
2.2
Corps de classe et groupe de Weil
Soit F un corps local ou global. On pose
(
F×
si F est local
CF =
×
×
CF = F \AF si F est global
Soit maintenant E/F une extension galoisienne de degré n. La théorie du
corps de classe fournit un isomorphisme
CF /NE/F CE → Gal(E/F )ab
entre le quotient CF /NE/F CE où NE/F est la norme et le groupe de Galois
abélianisé Gal(E/F )ab . La formulation cohomologique de la théorie du corps
de classe fournit les deux assertions suivantes :
H 2 (Gal(E/F ), CE ) = 1
et
H 2 (Gal(E/F ), CE ) '
1
Z/Z
n
On appelle classe fondamentale l’élément uE/F ∈ H 2 (Gal(E/F ), CE ) qui
s’envoie sur 1/n par l’isomorphisme ci-dessus. Le groupe de Weil WE/F est
par définition l’extension
1 → CE → WE/F → Gal(E/F ) → 1
associée à la classe fondamentale uE/F . Son abélianisé n’est autre que CF et
on retrouve l’isomorphisme classique de la théorie du corps de classe. Par
2 Adèles, groupe de Weil et corps de classe
5
passage à la limite projective (pour des applications de transition dont la
définition est laissée en exercice au lecteur) on définit le groupe de Weil
absolu.
Il est facile, et utile, de décrire le groupe de Weil absolu dans le cas où F
est local.
Pour F = C on a WC = C×
Pour F = R le groupe WR = WC/R peut se représenter comme le groupe
de matrices de la forme
0 −z
z 0
ou
avec
z ∈ C×
z 0
0 z
c’est le sous groupe des matrices diagonales ou anti-diagonales dans le groupe
multiplicatif des quaternions de Hamilton.
Pour F local non-archimédien de corps résiduel Fq , le groupe de Galois
absolu vit dans la suite exacte
1 → IF → Gal(F /F ) → Gal(Fq /Fq ) → 1
On rappelle que
Gal(Fq /Fq ) ' Z
avec pour générateur topologique l’automorphisme de Frobenius :
Frq : x 7→ xq
Le groupe de Weil WF s’identifie avec l’image réciproque de Z dans le sousgroupe du groupe de Galois absolu Gal(F /F ) et on a donc une suite exacte
1 → IF → WF → FrZq → 1
on munit WF de la topologie qui rend le groupe d’inertie IF ouvert compact.
L’isomorphisme de la théorie du corps de classe se reformule comme suit
au moyen du groupe de Weil absolu :
Théorème 2.2: Soit F un corps local ou global l’application
WFab → CF
est un isomorphisme.
3 Fonctions L classiques
6
L’isomorphisme est choisi tel qu’en une place finie v un Frobenius F rv s’envoie
sur une uniformisante $v . Par passage au dual de Pontryagin on peut le
reformuler sous la forme suivante, dont la généralisation, conjecturale, est
l’essentiel de la philosophie de Langlands.
Théorème 2.3: Soit F un corps local. Il y a une bijection naturelle
Homc (WF , GL(1, C)) → Homc (GL(1, F ), C× )
Soit F un corps global. Il y a une bijection naturelle
Homc (WF , GL(1, C)) → Homc (GL(1, F )\GL(1, AF ), C× )
3
3.1
Fonctions L classiques
Fonction L de Hecke pour GL(1)
Soit F un corps global. Les fonctions L de Dirichlet, généralisées par
Hecke, sont attachées à un Größencharacter χ de F c’est-à-dire à une
représentation de dimension 1 de CF ; ce sont des produits eulériens de la
forme
Y
L(s, χ) =
Lv (s, χv )
v
où, si v est une place de F où χv finie et non ramifiée, on a
Lv (s, χv ) =
1
(1 − χv ($v ) qv−s )
où $v est une uniformisante en v et
Lv (s, χv ) = 1
si χv est ramifié. On laisse au lecteur le soin de définir les facteurs archimédiens. Ainsi complétées ces fonctions L possèdent un un prolongement
méromorphe avec une équation fonctionnelle du type
L(s, χ) = ε(s, χ)L(1 − s, χ−1 )
où ε est un facteur exponentiel.
3 Fonctions L classiques
3.2
7
Fonction L d’Artin-Weil, Hasse-Weil
Soit maintenant une représentation galoisienne (continue par définition)
σ : Gal(F /F ) → GL(V )
où V est un espace vectoriel complexe de dimension finie. Artin à introduit
des fonctions L(s, V ) notées aussi L(s, σ) au moyen des produits eulériens de
la forme
Y
L(s, V ) = L(s, σ) =
Lv (s, σv )
v
où, si v est une place de F où σv finie
Lv (s, σv ) =
1
det (1 − σv (F rv ) qv−s |V Iv )
où V Iv est le sous espace de V des invariants sous l’inertie Iv . Ici encore on
laisse au lecteur la définition des facteurs aux places archimédiennes.
Plus généralement on associe par les mêmes règles une fonction L à toute
représentation du groupe de Weil de F (toujours supposée “admissible” c’està-dire continue et telle que σ(w) est semi-simple pour tout w ∈ WF ). Nous
les appellerons fonction L d’Artin-Weil. On voit alors la fonction L attachée
à un Größencharacter n’est autre que la fonction L d’Artin-Weil pour la
représentation de dimension 1 du groupe de Weil lui correspondant via 2.3.
On rappelle enfin que Hasse et Weil ont introduit des fonctions L(s, X)
pour les variétés algébriques X propres et lisses sur une corps global F au
moyen de produits eulériens dont les facteurs locaux aux places de bonne
réduction décrivent le nombre de solutions sur des corps finis. Compte tenu
des résultats de Grothendieck sur la formule de Lefschetz en cohomologie
étale on obtient une expression du type
Y
i
L(s, X) =
L(s, Vi )(−1)
où Vi est l’espace de cohomologie étale de degré i. Il s’agit ici de représentation
`-adiques, mais les définitions des facteurs locaux s’étendent à ce cas de façon
naturelle (si v est premier à `). Au surplus il est connu que les divers termes
ainsi obtenus sont indépendants du ` choisi pour définir la cohomologie étale...
Artin, Hasse et Weil ont conjecturé que leurs fonction L avaient un prolongement méromorphe avec une équation fonctionnelle généralisant celle bien
connue pour les fonction L de Dirichlet-Hecke.
3 Fonctions L classiques
3.3
8
Fonctions L de Hecke pour GL(2)
Une courbe elliptique E sur C considérée comme variété analytique est un
quotient E = C/Λ où Λ est un réseau de R2 ' C. On notera L l’ensemble des
réseaux. Un réseau Λ admet une base un couple de nombres complexes (z1 , z2 )
qui sont R-linéairement indépendants. L’ensemble des réseaux est isomorphe
au quotient de l’ensemble B des bases de C comme R-espace vectoriel, par
le groupe Γ = GL(2, Z) qui agit de façon simplement transitive sur les bases
d’un même réseau, ce qui fournit une bijection (non canonique) :
GL(2, Z)\GL(2, R) → Γ\B = L .
Par ailleurs les groupe multiplicatif des nombres complexes C× agit par
homothéties sur les réseaux. Deux réseaux homothétiques définissent des
courbes elliptiques isomorphes et on obtient une bijection entre l’ensemble
des classes d’homothétie de réseaux et l’ensemble E des courbes elliptiques :
E = L/C× = Γ\B/C× ' GL(2, Z)\GL(2, R)/C×
soit encore,
E = GL(2, Q)\GL(2, A)/K
avec
K = C× × GL(2, Z) .
Soit k un entier pair. Considérons le fibré en droites sur B/C× associé au
caractère λ 7→ λk :
(B × C)/C× → B/C×
la relation d’équivalence sur (B × C) étant
(λb, λk u) ' (b, u)
pour b ∈ B et u ∈ C. Une forme modulaire est une section holomorphe
Γ-invariante de ce fibré qui, de plus, est à croissance lente à l’infini.
Si Λ = Z ⊕ zZ avec z ∈ C − R, on pose f˜(z) = f (Λ). En particulier,
f˜(z + 1) = f˜(z) et compte tenu de l’holomorphie on a pour Im (z) > 0
X
f˜(z) =
an (f )e2iπnz
n∈Z
3 Fonctions L classiques
9
La condition de croissance à l’infini à pour conséquence que an (f ) = 0 pour
n < 0. On dit que f est cuspidale si de plus a0 (f ) = 0 et donc
X
f˜(z) =
an (f )e2iπnz
n>1
Soit f une forme modulaire de poids k cuspidale ; l’intégrale
Z ∞
dy
f˜(iy)y s
L(s, f ) =
y
0
absolument convergente pour Re(s) > k/2, admet un prolongement en une
fonction entière avec équation fonctionnelle
L(s, f ) = (−1)k/2 L(k − s, f ) .
Soit n un entier naturel. On note Tn f la fonction sur L obtenue en sommant
sur les Λ0 d’indice n dans Λ :
X
Tn f (Λ) =
f (Λ0 )
[Λ:Λ0 ]=n
Supposons que f soit fonction propre de tous les opérateurs de Hecke :
Tn f = λn f
P
En tenant compte que f˜ =
an q n on en déduit que
n1−k an = λn a1
et donc, si on suppose que a1 = 1 et si on pose
D(s) =
X nk−1 Tn
n>1
on a
ns
X an
.
ns
Le théorème chinois montre que Tm Tn = Tmn si m et n sont premiers entre
eux. Par ailleurs on voit que
D(s)f =
Tp Tpr = Tpr+1 + pR(p)Tpr−1
4 La fonctorialité de Langlands
10
où R(p) est l’opérateur d’homothétie de rapport p, en particulier, pour une
fome de poids k on a
(R(p)f )(Λ) = f (pΛ) = p−k f (Λ)
Ces relation équivalent à l’identité de série formelle
X Tn Y
1
=
ns
(1 − Tp p−s + R(p)p1−2s )
n>1
p
Si on suppose que f est une forme de poids k qui est fonction propre de tous
les opérateurs de Hecke et normalisée de sorte que a1 = 1 alors
X an
Y
1
−s
L(s, f ) = (2π)−s Γ(s)
=
(2π)
Γ(s)
s
−s
n
(1 − ap p + pk−1−2s )
n>1
p
Une telle fonction L a été ré-interprétée par Langlands (à une translation
près sur s) comme une fonction L attachée à une représentation automorphe
de GL(2) sur Q.
4
4.1
La fonctorialité de Langlands
Les représentations automorphes
Soit G un groupe réductif connexe défini sur un corps de nombre F . On
appelle forme automorphe une fonction sur
G(F )\G(AF )
qui vérifie des condition de régularité, de finitude et de croissance à l’infini.
Les formes automorphes cuspidales vérifient des conditions d’annulation de
leurs termes constants. Tout ceci généralise les conditions vérifiées par les
formes modulaires (resp. les formes modulaires cuspidales) mais que nous ne
préciserons pas ici, car trop techniques. Nous renvoyons le lecteur aux articles
de la conférence AMS de Corvallis en 1977 (Proc. Sympos. Pure Math., vol.
33).
On appelle représentation automorphe une représentation irréductible
de G(AF ) qui se réalise dans l’espace des formes automorphes. De telles
représentations permettent de décomposer en particulier l’espace de Hilbert
L2 (G(F )\G(AF ))
4 La fonctorialité de Langlands
11
Langlands a montré comment décrire l’ensemble du spectre au moyen des
représentations automorphes cuspidales, c’est-à-dire celles qui se réalisent
dans l’espace des formes cuspidales.
4.2
Le saut conceptuel
L’étude du prolongement méromorphe et des équations fonctionnelles satisfaites par les séries d’Eisenstein, nécessaire pour établir la décomposition
spectrale de
L2 (G(F )\G(AF )) ,
fait apparaı̂tre un opérateur d’entrelacement qui peut s’exprimer comme un
quotient de produits eulériens. Par exemple, dans le cas de GL(2), on reconnait un quotient de fonction L de Hecke pour GL(1).
Langlands a interprété ces produits eulériens comme des fonction L
d’un type nouveau attachées à des représentations automorphes de groupes
réductifs : il a conjecturé que l’on pouvait attacher une fonction
L(s, π, ρ)
à toute représentation automorphe π pour un groupe réductif connexe G
défini sur un corps de nombre F avec pour donnée supplémentaire une
représentation complexe de dimension finie ρ de son L-groupe :
ρ : L G → GL(V )
Nous ne définirons pas le L-groupe en général. Disons simplement que dans
le cas de GL(n)/F le L-groupe n’est autre que
L
G = GL(n, C) × WF
Bien entendu, comme pour les autres fonction L on conjecture l’existence
d’un prolongement méromorphe avec équation fonctionnelle du type
L(s, π, ρ) = ε(s, π, ρ)L(1 − s, π̃, ρ)
où π̃ est la contragrédiente de π. On retrouve les conjectures d’Artin-Weil
comme cas particulier en prenant G trivial.
On dira qu’une fonction L est automorphe si elle se réalise comme l’une
des fonctions L ci-dessus pour G = GL(n) sur un corps de nombres F avec
4 La fonctorialité de Langlands
12
pour ρ la représentation naturelle de GL(n, C) (de dimension n) étendue
trivialement sur WF ; on les note simplement L(s, π). Pour n = 1 et 2, on
retrouve les fonction L de Hecke.
Une construction des fonction L(s, π) avec prolongement méromorphe et
équation fonctionnelle, comme conjecturé par Langlands, a rapidement été
obtenue par Godement et Jacquet. On sait de plus que si π est cuspidale
alors L(s, π) est une fonction entière.
Le saut conceptuel le plus surprenant a été que Langlands a conjecturé
que toutes les fonction L classiques étaient automorphes et que les morphismes entre L-groupes donnaient naissance à des correspondances entre
représentations automorphes pour des groupes différents. C’est ce dernier
aspect qui est connu sous le nom de fonctorialité, au sens strict.
L’exemple le plus connu est celui du changement de base pour GL(2)
établi par Saito-Shintani dans le cadre classique et généralisé par Langlands.
Cela lui a permis de prouver la conjecture d’Artin pour les représentations
galoisiennes de dimension 2 de type A4 et S4 , ce qui à son tour a été une
étape clef pour la preuve par Wiles du fait que la fonction L de Hasse-Weil
des courbes elliptiques sur Q semi-stables était automorphe (modulaire dans
ce cas). Le fait que les fonctions L de Hasse-Weil sont automorphes a été
aussi vérifié pour certaines variétés de Shimura.
Dans le cas des corps de fonction des résultats spectaculaires ont été
obtenus par Drinfeld et Lafforgue entre autre.
4.3
Le cas GL(n) pour un corps local
Des conjectures locales pour GL(n), compatibles avec les conjectures globales ont aussi été formulées et sont maintenant des théorèmes. Le cas de
R et C a été traité rapidement par Langlands comme une reformulation des
résultats de Harish Chandra. Nous allons maintenant décrire le cas p-adique
pour G = GL(n).
Soit F un corps local non archimédien. On note Rep(WF , n) l’ensemble
des classes d’équivalence de représentations admissibles de dimension n de
WF et Irr(WF , n) le sous-ensemble des représentations irréductibles. On notera WF0 le groupe
WF × SU (2)
parfois appelé groupe de Weil-Deligne.
4 La fonctorialité de Langlands
13
On note A(GL(n), F ) l’ensemble des classes d’équivalence de représentations admissibles irréductibles de GL(n, F ), A2 (GL(n), F ) le sous-ensemble
des représentations de carré intégrable (modulo le centre) et A0 (GL(n), F )
le sous-ensemble des représentations super-cuspidales : ce sont celles dont
dont les coefficients matriciels sont à support compact modulo le centre. Le
théorème de Harris-Taylor et Henniart peut s’énoncer comme suit
Théorème 4.1: Soit F un corps local non archimédien. Il y a une unique
bijection
Irr(WF , n) → A0 (GL(n), F )
qui se prolonge en des bijections naturelles
Irr(WF0 , n) → A2 (GL(n), F )
et
Rep(WF0 , n) → A(GL(n), F )
“Naturelle” signifie, entre autre, que l’on exige que l’induction parabolique pour GL(n) à partir d’un sous-groupe parabolique dont le sousgroupe de Levi est du type GL(p) × GL(q) avec p + q = n corresponde aux
représentations du groupe de Weil-Deligne qui se décomposent en somme
directe de deux représentations de dimension p et q respectivement. On demande aussi une compatiblilité aux fonction L et ε de paires.
Mais beaucoup reste à faire. Pour les corps de nombres on espère encore
qu’il existe des applications injectives
Rep(WF , n) → A(GL(n), F )
mais elles ne seront pas surjectives. On espère en fait qu’il existe un groupe
LF admettant WF comme quotient et tel que
Rep(LF , n) → A(GL(n), F )
soit bijective. On ne sait que très peu de choses sur ce cas. Pire : on ne dispose
même pas de méthode pour attaquer ce problème....
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