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INTRODUCTION
1
L'herpès constitue un problème de santé publique préoccupant, c’est une
affection virale en constante progression notamment l’herpès génital [1,2].
Les Herpesviridae humains sont regroupés en trois sous-familles, les
Alphaherpesvirinae (dont l’herpès simplex virus (HSV) de type 1 et 2), les
Bétaherpesvirinae et les Gammaherpesvirinae. Ce sont les HSV1 et HSV2 qui,
seuls, nous intéresserons ici [3].
Classiquement, HSV1 infecte plutôt la partie supérieure du corps et HSV2
plutôt la région génitale, responsable d’une infection sexuellement transmise
(IST) et de l’herpès du nouveau-né contaminé au passage de la filière génitale.
Cette distinction n’est pas absolue car on peut isoler HSV1 de lésions génitales.
L’herpès génital est actuellement la première cause d’érosion/ulcération
génitale dans les pays développés. La contamination survient surtout dans les
deux premières décennies de la vie sexuelle [4].
Parmi les objectifs de notre travail :
Comprendre la physiopathologie de l’infection herpétique ;
Connaitre les différentes méthodes utilisées pour le diagnostic clinique et
virologique des différentes manifestations herpétiques ;
Faire le point sur les différents moyens thérapeutiques utilisés pour le
traitement et la prévention des primo-infections et des récurrences.
2
A - GENERALITES
3
1. CLASSIFICATION
L’herpès fait intervenir les deux Herpès simplex virus, de type 1 (HSV1)
et de type 2 (HSV2). Ses manifestations cliniques si diverses, dont quelquesunes dramatiques, sont en contradiction avec la dénomination d’herpes
(simplex). HSV1 et HSV2 font partie des huit herpès virus humains (Figure 1)
ceux-ci appartiennent à la vieille famille des herpesviridae, grands virus
enveloppés à ADN [5,6].
Les herpesviridae humains sont regroupés en trois sous-familles :
 les α-herpesvirinae (dont l’herpès simplex virus (HSV) de type 1 et 2 et le
virus de la varicelle et du zona (VZV) ;
 les β-herpesvirinae (Cytomégalovirus (CMV)) ;
 et les γ-herpesvirinae (Virus Epstein-Barr (EBV) et l’herpès virus humain
8 (HHV8)) [3,7].
Figure 1. Classification des herpès virus humains [5].
Les virus humains sont représentés en rouge.
4
2. STRUCTURE DU VIRUS HSV
2.1.
Particule virale ou virion
La morphologie des HSV est celle de tous les herpèsvirus. Le virion a 120
à 200 nm de diamètre (Figure 2). La capside, protéique, de 100 nm de diamètre,
est icosaédrique (polyèdre régulier à 20 faces, 12 sommets, 30 arêtes); son
nombre de triangulations T est égal à 16, avec 162 capsomères (5 par arête),
dont 12 pentons (un par sommet) et 150 hexons (Figures 3 et 4). La structure
icosaédrique confère aux capsides une énergie libre minimale et par là une
grande stabilité. La VP5 (VP pour protéine constitutive de la particule virale ou
virion), protéine majeure de capside des HSV (produit du gène UL19) entre dans
la constitution des hexons et de 11 des 12 pentons. Un 12 e penton, constitué du
produit du gène UL6, est le « portail », creusé d’un canal par où entre le génome
viral lors de son encapsidation. Les capsomères sont reliés à leur base par un
hétérotrimère constitué d’une molécule de VP19 (produit du gène UL38) et de
deux molécules de VP23 (produit du gène UL18).
L’enveloppe
est
faite
d’une
bicouche
lipidique,
dérivée
par
bourgeonnement de la lamelle interne de la membrane nucléaire puis des
membranes cytosoliques de la cellule infectée ; elle porte un millier de courtes
spicules formées d’au moins 12 glycoprotéines virales (gB à gM) et de plusieurs
protéines virales non glycosylées. Le tégument, entre capside et enveloppe, de
structure fibrillaire, est fait d’une douzaine de protéines [3,5].
5
Figure 2. Particule virale complète d’HSV [8].
Figure 3. Icosaèdre [5].
6
Figure 4. Structure schématique des herpesviridae [5].
2.2.
Enveloppe virale : élément de résistance ?
À cause de sa bicouche lipidique d’origine cellulaire, c’est un élément,
non pas de protection, mais de fragilité ; « talon d’Achille » des virus à
enveloppe, elle rend compte de la sensibilité des Herpesviridae aux solvants des
lipides, aux détergents, aux désinfectants usuels, aux pH extrêmes, à la chaleur
et à la dessiccation. D’où leur inactivation rapide dans le milieu extérieur et dans
le tube digestif. Les HSV sont donc transmis par des contacts interhumains
intimes, oraux ou sexuels [5].
7
2.3.
Génome
Le génome des herpès virus humains est un acide désoxyribonucléique
(ADN) à double brin, enroulé autour de protéines basiques, l’ensemble
constituant le nucléoïde ou core. Sa taille varie de 125 kbp pour le VZV à 230
kbp pour le CMV. Il code ainsi de 70 à 200 protéines. Il comporte, pour la
plupart des virus, des séquences répétées, terminales et/ou internes, disposées
selon six modes définissant les classes A à F (Figure 5). Le contenue du
génome en guanine-cytosine (G-C) varie de 42% pour le CMV à 68% pour
l’HSV1 et 69% pour l’HSV2 [5,9].
Figure 5. Les six classes de génomes d’Herpesviridae [5].
8
Pour les HSV qui appartiennent à la classe E, le génome, de 152 kpb
environ, comporte deux segments, long (L) et court (S), liés de façon covalente.
Chaque segment a une séquence unique (UL et US) et des séquences répétitives
inversées, terminales ou internes : ab et b’a’ de part et d’autre de l’UL, et a’c’ et
ca de part et d’autre de l’US. L’orientation respective des segments L et S varie,
ce qui conduit pour un même virus à faire coexister quatre populations de
molécules isomériques [5,10].
2.4.
Les récepteurs cellulaires de HSV
Comme tous les alphaherpesvirinae, l’HSV infecte in vitro une grande
variété de types cellulaires, et de nombreuses espèces animales sont
expérimentalement susceptibles à l’infection. L’étape initiale de l’interaction
entre le virus et la cellule hôte est la liaison d’une glycoprotéine d’enveloppe, la
gC, aux glycosaminoglycanes présents à la surface cellulaire, particulièrement
les héparanes sulfates (HS) (Figure 6). Quatre glycoprotéines, les gB, gD, gH et
gL, sont ensuite nécessaires à la fusion entre la membrane cellulaire et
l’enveloppe virale, qui permet la pénétration du virus dans la cellule.
Plusieurs molécules ont été tout récemment identifiées comme étant des
récepteurs pour l’entrée du virus dans les cellules. Les récepteurs caractérisés à
ce jour dans les cellules humaines, interagissent tous avec la gD. Les récepteurs
identifiés appartiennent à des grandes familles de molécules non apparentées,
qui jouent des rôles différents au cours de l’infection herpétique.
Une de ces molécules, appelée initialement herpesvirus entry mediator
(HVEM), puis herpesvirus entry protein A (HVEA), est un nouveau membre de
la famille des récepteurs au facteur de nécrose tumorale (TNF). Ce récepteur ne
permet l’entrée que d’un petit nombre de souches virales, et son expression est
9
restreinte à quelques types cellulaires (en particulier les lymphocytes) [11].
Deux
autres
protéines
sont
des
membres
de
la
superfamille
des
immunoglobulines (Ig) la nectine-1 et la nectine-2 [5].
Figure 6. Les récepteurs cellulaires de HSV [5].
3. INFECTIONS HERPETIQUES ET REPONSE
IMMUNE [12]
3.1.
Réponse humorale
La primo-infection herpétique, premier contact avec HSV, est suivie de
l’apparition relativement tardive d’anticorps spécifiques : environ 10 jours pour
les IgM, et 15 jours pour les IgG et les IgA. Les IgM disparaissent en 3 mois,
alors que les IgG sont persistantes. Ces anticorps anti-HSV peuvent limiter
l’infection, mais n’empêchent pas la diffusion du virus et ne protègent nullement
l’individu contre les récurrences et les réinfestations. Ils ne jouent aucun rôle
10
dans l’infection latente. Cependant, dans les modèles animaux, ils limitent les
réinfections par des souches exogènes, et jouent un rôle majeur en bloquant la
diffusion du virus vers le système nerveux.
Les anticorps anti-HSV1 apparaissent dans l’enfance, alors que les
anticorps anti-HSV2 apparaissent dès le début de l’activité sexuelle, à partir de
l’âge de 15 ans.
L’intérêt diagnostique de la sérologie herpétique classique détectant les
anticorps anti-HSV dirigés contre des antigènes communs aux deux types est
limité, car elle ne permet pas de les distinguer. Seule une séroconversion a une
valeur diagnostique au cours d’une primo-infection herpétique. La sérologie
herpétique n’a aucun intérêt dans les récurrences.
Les glycoprotéines d’enveloppe sont les antigènes essentiels impliqués
dans l’immunité humorale. Les glycoprotéines gG, qui ont une homologie de
séquence de 60 % entre les deux sérotypes HSV, sont utilisées dans des tests
sérologiques spécifiques de type, récemment développés, utilisant comme
antigènes les glycoprotéines d’HSV1 (gG1) et d’HSV2 (gG2) pour différencier
les deux types d’infection virale.
3.2.
Immunité cellulaire
La réponse immunitaire cellulaire joue un rôle majeur dans le contrôle de
la sévérité de l’infection par l’Herpès simplex virus, aussi bien lors de
l’infection primaire que lors des récurrences. Chez les sujets immunodéprimés,
les infections HSV sont plus sévères, chroniques ou disséminées, ce qui n’est
pas le cas des déficits humoraux isolés. Des ulcérations chroniques sévères dues
à HSV chez des patients infectés par le virus de l’immunodéficience humaine
11
(VIH) traduisent un profond déficit immunitaire (CD4<200/ml). Les
lymphocytes CD4 prolifèrent en réponse à l’antigène HSV, mais la réponse
cellulaire cytotoxique n’empêche pas la réactivation et les récurrences, au cours
desquelles la réponse immune ne survient que lorsque des lésions cytopathiques
se produisent au niveau de la peau : elle peut alors réduire l’intensité des lésions
périphériques à un niveau infraclinique.
4. POUVOIR ONCOGENE
Comme la plupart des herpèsvirus, les HSV ont un pouvoir transformant,
mais il s’agit pour eux d’une propriété qui s’est avérée purement expérimentale :
des fragments de génome viral sont capables de transformer en culture in vitro
des fibroblastes de rat qui, greffés à l’animal, induisent des tumeurs. Cependant,
il s’agit de fragments différents pour HSV1 et HSV2, sans séquence codante
pour certains, ou de taille trop réduite pour cela, sans intégration dans le génome
cellulaire. D’où l’hypothèse de lésions cancérigènes du génome cellulaire par
l’action directe de fragments de génome viral ensuite éliminés, donc « en
passant », par un mécanisme dit de « hit and run ». En fait, aucune tumeur
humaine n’a pu être attribuée à l’HSV1 ni à l’HSV2, l’EBV et l’HHV8 étant les
seuls herpèsvirus oncogènes chez l’homme. Désormais, la prévalence élevée des
anticorps sériques anti-HSV2 chez les femmes atteintes de cancer du col utérin
n’est plus considérée que comme un marqueur de comportement sexuel à risque,
exposant à l’infection par les papillomavirus humains qui, eux, sont
indubitablement en cause dans ce type de cancer [13,5].
12
5. LA NEUROVIRULENCE
La neurovirulence potentielle de HSV est à l’origine de pathologies rares
mais sévères en clinique humaine : méningites, encéphalites, et rétinites. Les
déterminants de la neurovirulence sont certainement multiples et interviennent à
toutes les étapes de l’infection : entrée du virus, multiplication locale dans les
tissus périphériques, dissémination vers le système nerveux, échappement à la
réponse immune de l’hôte. Il existe probablement des facteurs d’hôte et des
facteurs viraux qui participent à cette propriété. Parmi les premiers facteurs
viraux impliqués dans la neurovirulence expérimentale, il faut citer les gènes
codant les protéines liées à la réplication enzymatique, ADN polymérase (pol) et
thymidine kinase (TK). Ces deux protéines sont essentielles à la réplication
virale dans les neurones postmitotiques, qui ne possèdent pas l’équipement
enzymatique nécessaire pour suppléer leurs fonctions : des mutations de ces
deux protéines limitent la virulence de l’infection.
Le mécanisme d’action d’un autre gène de virulence d’HSV a été
récemment découvert et illustré dans un modèle d’interaction virus-hôte : il
s’agit du gène γ34.5 codant la protéine ICP34.5 (ICP pour infected cell protein)
[11].
13
B - ÉPIDEMIOLOGIE
14
1. TRANSMISSION D’HSV
L’HSV est un virus à ADN dont on connaît deux types, HSV1 et HSV2
[4]. L’HSV1 est responsable des herpès oral et oculaire, mais des infections
HSV2 sont possibles dans cette localisation, tandis que HSV2 est responsable
des lésions de la partie inférieure du corps (organes génitaux, fesses) et des
infections néonatales. La proportion de l’HSV1 dans l’herpès génital varie en
fonction des habitudes sexuelles.
L’HSV1 se transmet par contact direct (le plus souvent contact oral) avec
un sujet excrétant du virus lors d’une primo-infection, d’une récurrence ou d’une
excrétion virale asymptomatique présente aussi dans la salive. L’excrétion virale
qui suit une primo-infection orale dure 8 à 20 jours. Elle est plus élevée dans les
premières heures de formation des vésicules, et décroît ensuite. Les sports de
contact (lutte, rugby) sont des circonstances possibles de contamination. La
fréquence accrue des pratiques orogénitales favorise l’infection génitale à HSV1
(15 à 40 %).
La transmission d’HSV2 se fait par contact génital (La transmission
directe du virus lors d’une insémination de sperme frais d’un donneur infecté à
une receveuse séronégative a été rapportée) et aussi par contact orogénital, c’est
une maladie sexuellement transmissible. La probabilité de transmission après un
contact est inconnue, mais elle est beaucoup plus probable si les symptômes
cliniques sont présents, qu’il s’agisse d’une primo-infection ou d’une
récurrence. Cependant, l’excrétion virale asymptomatique est un facteur majeur
de transmission d’HSV2. La femme apparaît plus exposée à la transmission
sexuelle de l’herpès que l’homme, sans doute en raison d’une plus grande
surface de la muqueuse génitale (la transmission est plus fréquente dans le sens
15
homme-femme [19 %] que dans le sens femme-homme [4,5 %]). Par ailleurs,
70% des contagions surviennent en période d’excrétion virale totalement
asymptomatique. De plus, une infection HSV1 antérieure a un effet protecteur
relatif vis-à-vis de la transmission d’HSV2 (antigénicité croisée) [8,14].
La transmission de l’herpès au nouveau-né se fait :
– par passage transplacentaire lors d’un premier épisode sévère d'infection
herpétique;
– par voie transcervicale ascendante à partir de lésions du col utérin, favorisée
par la rupture des membranes (les membranes peuvent toutefois être intactes).
L'atteinte fœtale est alors corrélée à la durée d'exposition: rare avant 4 heures de
rupture et constante après 24 heures de rupture;
– par contact direct avec des lésions virales lors du passage dans la filière
génitale ou durant le post-partum à l’occasion de manipulations du nouveau-né
par un porteur de virus [15].
2. RESERVOIR DE L’INFECTION A HSV
Ces virus enveloppés, donc fragiles, et strictement humains, ont pour
réservoir les personnes infectées qui les abritent dans les ganglions sensitifs
(ganglion de Gasser pour HSV1 et ganglions sacrés pour HSV2), les excrètent
par intermittence au niveau oral ou génital, et les transmettent par contacts
interpersonnels rapprochés, intimes [5].
3. LA PREVALENCE
La prévalence des anticorps spécifiques, et donc de l’infection latente
dans les populations, varie grandement selon l’âge, les mœurs, les pays et le type
d’HSV [5].
16
a. L’âge
En ce qui concerne l’HSV1, l’infection survient tôt dans l’enfance dans
les populations pauvres où, chez l’adulte, la prévalence des anticorps HSV1
varie de 70 % à 80 %, voire 95 % dans certains pays. Dans les populations
aisées, l’infection, plus tardive, entraîne chez l’adulte une prévalence des
anticorps HSV1 de 40 à 60 %.
L’épidémiologie de l’HSV2 est celle d’une infection sexuellement
transmissible : la prévalence des anticorps HSV2, nulle dans l’enfance, est chez
l’adulte fonction du nombre de partenaires: de nulle pour les couples
rigoureusement exclusifs et les personnes vierges, elle peut atteindre 90 % en
cas de multipartenariat.
Après 35 ans pour les femmes et 45 ans pour les hommes, on notait une
stabilité de la prévalence vis-à-vis des deux types d’HSV [5].
b. Sexe
La femme apparaît plus exposée à la transmission sexuelle de l’herpès que
l’homme, sans doute en raison d’une plus grande surface de la muqueuse
génitale. En France, une enquête nationale a indiqué une prévalence globale des
anticorps anti-HSV2 de 13,7 % chez l’homme et de 17,9 % chez la femme
[5, 16, 17].
c. Répartition géographique
Au sein du monde développé, la prévalence de l’infection génitale à HSV
est en hausse [18].
17
La séroprévalence d’HSV2 varie entre pays développés et pays en voie de
développement et entre même entre pays industrialisés :
 5 à 15 % en Europe de l’Ouest et au Japon ;
 10 à 30 % aux États-Unis, en Europe de l’Est, au Maroc, en Asie du
Sud/Est, en Afrique de l’ouest ;
 30 à 50 % en Amérique du Sud ;
 40 à 80 % en Afrique Centrale et en Afrique du Sud [19].
Dans notre pays, la prévalence de l’herpès ne peut être définit en l’absence
d’études faites à l’échelle nationale [20].
4. LES FACTEURS DE RISQUE D’INFECTION A HSV2
Les facteurs de risque d’infection à HSV2 sont :
- la race noire ;
- le sexe féminin ;
- la précocité du premier rapport sexuel ;
- le nombre de partenaires sexuels ;
- les antécédents d’IST ;
- l’infection à VIH (une sérologie VIH doit être systématiquement proposée à un
patient consultant pour herpès génital) ;
- un niveau socio-économique bas [4].
5. CO-INFECTION HSV-VIH
L’herpès génital est devenu l’IST la plus fréquente chez les personnes
infectées par le VIH. On estime qu’une IST, ulcérative ou non, augmente le
risque de transmission du VIH de 3 à 5 fois.
18
Cette co-infection fréquente VIH et HSV2 résulte pour une part du même
mode de transmission sexuelle des deux virus, mais aussi de facteurs
inflammatoires et tissulaires qui augmentent la contagiosité.
Cette
interaction
entre
les
deux
virus
n’est
pas
seulement
épidémiologique, mais clinique, évolutive et réciproque. L’infection HSV2 est
susceptible de stimuler la réplication du VIH avec augmentation de la charge
virale muqueuse et plasmatique. Réciproquement, il est bien établi que
l’infection VIH aggrave, par l’immunodépression qui l’accompagne, la maladie
herpétique en majorant la fréquence et l’expression clinique des récurrences
(ulcération chronique) et en augmentant l’excrétion virale asymptomatique. Ces
formes ulcéreuses chroniques et extensives touchent 15 à 30 % des patients
infectés par le VIH [8,21].
La co-infection par le VIH modifie l’aspect classique des lésions. Plus
l’immunodépression augmente, plus les lésions sont fréquentes, étendues,
douloureuses, chroniques et récidivantes [22].
Le traitement suppressif de HSV2 pourrait réduire la transmission
sexuelle du VIH-1 [23].
6. HSV ET AUTRES MST
Des antécédents de MST (gonococcie, chlamydiose, syphilis) sont
fréquemment retrouvés chez les patients infectés par l’HSV2. Une séropositivité
HSV2 est un marqueur de risque d’acquisition d’une MST en général [16].
Une infection HSV2 est aussi un facteur de risque pour l’acquisition d’une
infection par le virus de l’hépatite C, comme une étude vient de le souligner
[12].
19
C - PHYSIOPATHOLOGIE
20
1. DEFINITIONS
Avant d’aller plus avant, voici quelques définitions qui caractérisent les
modalités de l’infection [3,19] :
– primo-infection herpétique : premier contact infectant muqueux ou cutané,
symptomatique ou asymptomatique, avec le virus HSV1 ou HSV2 ;
– infection initiale non primaire : premier contact infectant symptomatique ou
non avec le virus HSV1 ou HSV2, chez un sujet préalablement infecté par
l’autre type viral ;
– récurrence : expression clinique d’une réactivation virale chez un patient
préalablement infecté par le même type viral ;
– excrétion virale asymptomatique : détection d’HSV1 ou HSV2 en l’absence
de signes fonctionnels ou de lésions visibles ;
– réactivations : périodes de réplication virale, séparées par des périodes de
latence, survenant soit sous la forme de récurrence clinique, soit sous la forme
d’excrétion virale asymptomatique.
2. CYCLE EVOLUTIF DE L’INFECTION HERPETIQUE
Ces virus neurotropes présentent la particularité de persister après la primoinfection. Après la lésion cutanéomuqueuse, le virus infecte les fibres cutanées
des neurones sensitifs jusqu’au corps du neurone dans les ganglions spinaux. Ils
y persistent à l’état quiescent (latence) et sont capables de se réactiver
périodiquement [24].
Les manifestations de l’herpès se résument habituellement à des signes
cutanéomuqueux avec leur séquence particulière (Figure 7):
21
La primo-infection ;
La latence ;
Les récurrences par réactivation virale [25].
Figure 7. Cycle évolutif de l’infection herpétique [8].
22
2.1.
Primo-infection
La primo-infection survient généralement dans l’enfance par contact avec
l’entourage familial pour l’HSV1 et à partir de la période d’activité génitale pour
l’HSV2. Dans la majorité des cas, elle reste inapparente. Elle peut cependant
entraîner des manifestations variées à type d’herpès néonatal disséminé, de
stomatite du nouveau-né, d’encéphalite [26].
Elle correspond à un premier contact avec l’un des deux types viraux et
s’accompagne d’une séroconversion, à la différence du premier épisode non
primaire qui correspond au premier contact chez un sujet ayant déjà des
anticorps anti-herpès dirigés contre l’autre type viral [16,27].
Au cours de la primo-infection, l’enveloppe fusionne avec la membrane
cellulaire des kératinocytes muqueux ou épidermiques, la capside est transportée
jusqu’aux pores nucléaires, le génome viral est libéré et transféré dans le noyau
cellulaire où il est circularisé. C’est là que débute la réplication du virus, qui
exprime 70 protéines au cours d’un cycle productif qui dure 18 à 20 heures [12].
Dans la primo-infection, la durée de l’excrétion virale est en moyenne de 8 jours
mais peut atteindre 20 jours.Dans son repère ganglionnaire, le virus herpétique
est très peu accessible au système immunitaire et aux thérapeutiques [4].
2.2.
Phase de latence
Les herpès virus sont des causes d’infection latente chez les personnes
immunocompétentes. Ils ont la capacité de persister à vie chez leur hôte, grâce
au phénomène de latence virale [28].
À partir du site épithélial initialement infecté, le virus gagne rapidement
les neurones des ganglions sensoriels concernés : ganglions de Gasser, cervical
23
supérieur, plexiforme et thoraciques pour HSV1 (Figure 8), lombosacrés pour
HSV2. À une phase initiale de prolifération virale au sein des ganglions fait
suite rapidement la phase de latence, en 15 jours. Le virus persiste alors à l’état
déprimé, c’est-à-dire sans capacité à s’exprimer. Les immunités humorale et
cellulaire interviennent pour limiter la prolifération virale. Cependant, ces
mécanismes de protection se révèlent insuffisants en cas d’exposition aux
facteurs déclenchants (Figure 9) [11,26].
Figure 8. Latence ganglionnaire de l’HSV1 [5].
24
Figure 9. Latence des herpèsvirus [5].
La latence donne au virus un avantage majeur : il échappe à la réponse
immune humorale et cellulaire de l’hôte infecté, mais également à l’action des
drogues antivirales qui, à ce jour, agissent uniquement sur la réplication [11].
Durant l’infection latente, il n’y a ni réplication de l’ADN, ni expression
de protéines virales, mais transcription d’ARN viraux particuliers, anti-sens, les
LATs (pour latency associated transcripts). Ce sont des ARN sans queue de 3’
poly-adénines (A) et pourtant étonnamment stables, et accumulés en grand
nombre dans le noyau des neurones [5,29].
La présence de LAT, semble participer au blocage de la maturation des
transcrits ICP0 nécessaires à la réactivation virale [30,31].
25
2.3.
Réactivation, récurrences
Après une infection aiguë initiale du ganglion avec forte réponse
inflammatoire, le virus persiste à vie dans le noyau des neurones sous forme
d’ADN épisomal, molécule circulaire, non intégrée aux chromosomes
cellulaires, mais associée à des nucléosomes. Cette infection latente dans le
ganglion sensitif donne des réactivations qui font intervenir la protéine α ICP0,
par différents mécanismes conduisant à l’activation de la transcription des gènes
β et γ : interviendraient une coopération avec l’ICP4, une dégradation de
protéines cellulaires (corps ND10) liées aux ADN étrangers, viraux en
l’occurrence, pour en réprimer l’expression. Le virus ainsi produit regagne alors
la périphérie par voie neuronale centrifuge (antérograde) (Figure 10), porté par
un nanomoteur à kinésine, pour donner au site de la primo-infection une
réinfection endogène, soit symptomatique (récurrence), soit asymptomatique
(simple excrétion salivaire ou génitale de virus) [5, 32, 33].
Figure 10. Réactivations de l’infection orale par HSV1 [5].
26
2.4.
Les facteurs de réactivation
Les facteurs de réactivation connus sont :
un épisode fébrile ;
le stress,
une anesthésie générale,
un rapport sexuel (pour l’herpès herpès génital),
une infection,
les menstruations,
un état d’immunosuppression (cancers, leucémies, infection par le
VIH).
Pour l’atteinte ophtalmologique :
l’exposition aux ultraviolets,
une chirurgie oculaire,
un traumatisme oculaire,
un traitement local par corticoïdes ou analogues de prostaglandines.
Les b-bloquants sont en revanche connus comme favorisant la
régression des lésions herpétiques [26].
3. CYCLE DE REPLICATION D’UN HSV [5, 34-37]
3.1.
Attachement et fusion-lyse
L’attachement du virus fait intervenir les glycoprotéines d’enveloppe
(Figure 11). La gB et la gC (produits des gènes UL27et UL44, respectivement)
se lient aux glycosaminoglycanes présents à la surface cellulaire, puis la gD
(gène US6) se lie à des corécepteurs cellulaires identifiés comme étant d’une
27
part des molécules appartenant à la superfamille des récepteurs au TNF, et
d’autre part des molécules apparentées au récepteur des poliovirus, appartenant
à la superfamille des immunoglobulines.
La fusion entre enveloppe virale et membrane cytoplasmique nécessite
ensuite la présence des gB, gH et gL (produits des gènes UL27, UL22 et UL1,
respectivement).
Figure 11. Cycle de réplication d’un HSV : attachement [5].
Ces deux opérations (attachement et fusion-lyse) font intervenir sur le
versant viral des glycoprotéines d’enveloppe et sur le versant cellulaire des
héparanes sulfates (HS), l’HVEM, membre de la famille des récepteurs du TNF,
la nectine-1 et la nectine-2, membres de la superfamille des immunoglobulines,
et des sites créés sur les héparanes sulfates par certaines 3-O-sulfotransférases.
28
3.2.
Réplication à l’échelle de la cellule
Après fusion le virus livre dans le cytoplasme la nucléocapside et les
protéines tégumentaires (Figure 12). Parmi celles-ci, la protéine VHS (virion
host shut-off, produit du gène UL41), agissant comme ARNase au niveau du
cytoplasme, y dégrade les ARN messagers cellulaires, et donc interrompt les
synthèses protéiques de la cellule, tandis que la VP16 ou a-TIF (trans-induction
factor, produit du gène UL48) accompagne la nucléocapside qui, transportée le
long des microtubules du cytosquelette, parvient à un pore de la membrane
nucléaire, par où elle livre l’ADN viral au noyau.
Figure 12. Cycle de réplication d’un HSV. La fusion-lyse [5].
29
La fusion-lyse répand dans le cytoplasme les protéines tégumentaires (en
violet), dont la VHS et l’α-TIF.
La VHS dégrade les ARN messagers cellulaires, et donc interrompt les
synthèses protéiques de la cellule. L’α-TIF accompagne la migration de la
nucléocapside dans le cytoplasme jusqu’au pore nucléaire puis l’ADN
génomique livré au noyau. Cette protéine y déclenche l’expression des gènes α,
dont les produits (rectangles rouges) stimulent l’expression des gènes β. Les
protéines β (rectangles gris) sont dévolues à la réplication de l’ADN viral. Les
protéines γ sont essentiellement les protéines de structure provenant de
l’expression des ADN néoformés. Ceux-ci, initialement sous forme de
concatémères vont être encapsidés dans le noyau.
Là, conformément au schéma général de la réplication des herpèsvirus, l’ADN
viral, circularisé par le jeu des séquences répétitives inversées terminales, est
transcrit par l’ARN pol II cellulaire et traduit en trois phases α, β et γ, régulées
en cascade, la transcription des gènes α IE étant induite par l’α-TIF
tégumentaire.
Parmi les protéines α, l’ICP4 assure la progression vers la phase β, tout
en réprimant la transcription des gènes α (dont le sien, α4, présent en deux
exemplaires, sur les séquences répétitives inversées flanquant l’US).
Parallèlement, l’ICP27 (gène UL54) bloque l’épissage des ARN messagers
cellulaires et, par suite, leur traduction, tout en jouant le rôle de navette vis-à-vis
des ARN messagers viraux, les exportant du noyau vers le cytoplasme en vue de
leur traduction.
Parmi les protéines β, HSV1 et HSV2 (ainsi que VZV) ont, en tant
qu’Alphaherpesvirinae, l’heureuse particularité de compter une TK codée par le
30
gène
UL23,
enzyme
qui
s’avère
indispensable
à
l’activation
(par
phosphorylation) de l’acycloguanosine ou aciclovir (ACV), antiviral de
référence contre ces virus. TK et ribonucléotide réductase (produit de deux
gènes, UL39 et UL40) qui sont des enzymes intervenant dans l’apport en
nucléotides, ne sont pas indispensables à la réplication en culture de cellule in
vitro, mais elles sont nécessaires pour la réplication en cellules neuronales.
Quant à l’ADN pol, codée par le gène UL30, elle doit s’associer à cinq
autres enzymes virales (et sans doute aussi à des protéines cellulaires) pour
répliquer le génome viral : il s’agit notamment de protéines ayant pour rôle de
reconnaître les trois origines de réplication (Ori) sur l’ADN viral (UL29),
d’assurer les fonctions d’hélicase, de primase (synthèse d’une amorce d’ARN)
(UL5, UL8 et UL52), et la processivité (rapidité) de la réaction (UL42 associée
à UL29).
TK, ADN pol et autres protéines β sont des protéines non structurales,
restant dans la cellule infectée sans être incorporées à la particule virale. À noter
que l’ADN pol est, contrairement à la transcriptase inverse du VIH ou aux ARN
pol des virus à ARN, capable d’autocorrection, grâce à une activité
exonucléasique, ce qui explique la relative stabilité génétique des herpèsvirus.
L’expression des gènes γ ou tardifs (L pour late) aboutit principalement à
la production des protéines structurales (faisant partie intégrante de la particule
virale), protéines de la nucléocapside et glycoprotéines d’enveloppe. Les
glycoprotéines d’enveloppe, après glycosylation dans l’appareil de Golgi,
s’insèrent dans les membranes cellulaires. C’est dans le noyau que se fait la
morphogenèse de la capside, dont VP5 (gène UL19) est la protéine principale
(major capsid protein). Cela passe par une « procapside » arrondie, à brève
31
durée de vie, qui met en jeu, comme vu plus haut, une protéine d’échafaudage
interne, VP22a (gène UL26.5), fonctionnant comme chaperonne, puis une
protéase virale, VP24 (gène UL26), qui démonte cet échafaudage. C’est dans
cette capside vidée, mature (icosaédrique), qu’entre l’ADN viral, par le pentonportail, constitué d’UL6. Cette encapsidation fait intervenir des signaux
d’empaquetage pac1 et pac2 situés à chaque extrémité du génome, nécessaires à
la reconnaissance de l’ADN viral et à son clivage en génomes unitaires à partir
des longs concatémères produits initialement par le cercle roulant. Cette
opération qui associe clivage et empaquetage met en jeu, au niveau du portail,
un ensemble d’au moins sept produits de gènes viraux (Figure 13).
Les nucléocapsides ainsi formées sont ensuite enveloppées par
bourgeonnement à travers la membrane interne du noyau, au niveau d’un
épaississement auquel participent transitoirement deux protéines virales (UL31
et UL34).
Figure 13. Morphogenèse de la capside et encapsidation de l’ADN [5].
32
La protéase est une cible potentielle pour de nouvelles chimiothérapies
antivirales en cours d’exploration [5, 34-37].
3.3.
Enveloppement et libération des particules virales néoformées
La sortie des virions hors de la cellule se fait à 18 heures d’infection par
exocytose.
Prévaut
actuellement
un
modèle
de
désenveloppement-
réenveloppement (Figure 14). Il rend compte de la présence de capsides sans
enveloppe dans le cytosol. Il implique, après la formation de la première
enveloppe à travers la membrane interne du noyau, un désenveloppement par
fusion à la membrane externe de l’enveloppe nucléaire. Ces capsides sans
enveloppe dans le cytosol seraient ensuite réenveloppées dans le réseau
transGolgien, où s’accumulent les glycoprotéines virales matures ayant subi
toutes les étapes de glycosylation. Les protéines du tégument, au nombre de
quinze au moins, ont des localisations variables, et leur mode d’association aux
particules virales est en cours d’exploration. Certaines s’associeraient à la
capside au niveau du noyau, tandis que d’autres, présentes au niveau du cytosol
ou du Golgi, ne s’incorporeraient qu’à un stade plus tardif. En tout cas, ce
processus se prête au transfert des virus de cellule à cellule sans passage dans le
milieu extracellulaire, évitant ainsi la rencontre des anticorps neutralisants, ce
qui n’est qu’un des nombreux mécanismes d’échappement du virus aux défenses
immunitaires humorales.
33
Figure 14. Enveloppement et libération des particules virales néoformées [5].
Un mécanisme de désenveloppement-réenveloppement est généralement
retenu pour expliquer la présence de nucléocapsides nues dans le cytoplasme
[5,34-37].
34
D - CLINIQUE
35
1. PRIMO INFECTION HERPETIQUE HABITUELLE
1.1.
Primo-infection de l’herpès orofacial
Asymptomatique dans 90 % des cas, elle survient habituellement dans
l’enfance. Elle est bénigne le plus souvent, mais cliniquement plus sévère dans
ses manifestations cutanéomuqueuses et générales que l’herpès récurrent.
La gingivostomatite aiguë (Figures 15 et 16) (due le plus souvent à
HSV1) touche principalement l’enfant de 6 mois à 5 ans, plus rarement l’adulte.
Après une incubation de 6 jours en moyenne (2 à 12 jours), un tableau bruyant,
fébrile à 39-40° accompagne une gingivostomatite touchant la partie antérieure
de la cavité buccale : la muqueuse est rouge, hémorragique et parsemée de
multiples érosions aphtoïdes touchant les lèvres, qui sont érosives et croûteuses.
On retrouve des adénopathies sous-angulomaxillaires, souvent bilatérales. Il y a
une dysphagie et un refus d’alimentation avec parfois des vomissements pouvant
conduire à une déshydratation, principale complication chez l’enfant. La
guérison spontanée est obtenue en 10 à 15 jours et la durée considérablement
raccourcie par l’ACV [8, 38, 39].
36
Figure 15. Gingivostomatite
Figure 16. Gingivostomatite herpétique,
herpétique aiguë (enfant) [4].
adulte jeune : atteinte jugale [40].
1.2.
Primo-infection génitale
L’herpès génital (HG) est une infection sexuellement transmissible (IST)
extrêmement fréquente et en expansion continue dans les pays industrialisés
[17].
La primo-infection génitale est le plus souvent asymptomatique (50 à
90%). Une primo-infection symptomatique peut être observée 2 à 20 jours après
avoir été en contact avec le virus (6 à 7 jours en moyenne). Elle est plus
fréquente et souvent plus sévère chez la femme (vulvite érosive). Une atteinte
cervicale, volontiers asymptomatique est fréquente (80 % des cas) [16, 27, 41].
37
Elle correspond le plus souvent à une infection à HSV2 (60 à 80 % des
cas). L’infection à HSV1 (20 % des cas) est généralement moins sévère et les
récurrences moins fréquentes [8, 42, 43].
Cependant, depuis l’épidémie du sida, et suite à des pratiques sexuelles
orobuccales, les primo-infections génitales à HSV1 sont devenues très
fréquentes [44].
a. Primo-infection génitale chez la femme (Figure 17)
Souvent précédée de prodromes (douleurs, prurit, paresthésies, brûlures,
dysurie, écoulement vaginal ou urétral), se développe chez la femme une
vulvovaginite vésiculoulcéreuse avec œdème vulvaire, ulcérations extensives à
toute la vulve, parfois à contour polycyclique, pouvant s’étendre sur le périnée et
la racine des cuisses. Des signes généraux sont présents dans 30 à 60 % des cas,
avec fièvre, myalgies, altération de l’état général et parfois même des signes
méningés (méningite lymphocytaire aiguë spontanément résolutive).
Plusieurs sites sont souvent concernés : atteinte vaginale, cervicite parfois
asymptomatique ou érosive, une endométrite, une urétrite avec dysurie. Il y a
des adénopathies inguinales douloureuses bilatérales [8].
38
Figure 17. Primo-infection herpétique génitale chez la femme [45].
b. Primo-infection génitale chez l’homme (Figure 18)
Chez l’homme, les symptômes locaux et régionaux sont le plus souvent
moins bruyants et consistent essentiellement en érosions balanopréputiales avec
adénopathies ou vésiculopustules érosives sur le fourreau de la verge [8].
Figure 18. Primo-infection herpétique génitale chez l’homme [45].
39
La primo-infection génitale guérit en 8 à 15 jours. Cependant, une
excrétion virale asymptomatique sur les muqueuses génitales, en particulier chez
la femme, peut persister jusqu’à 20 jours, voire 3 mois après l’épisode initial [8].
Il persiste un haut risque de contagiosité jusqu’à cicatrisation des lésions [16].
c. L’herpès génital chronique
L’herpès génital chronique (ulcération excédant un mois sans tendance à
la guérison) peut être la première manifestation clinique de l’infection
herpétique chez l’immunodéprimé et ne pas avoir été précédé par des épisodes
cliniques antérieurs de récurrence ou de primo-infection [46].
1.3.
Primo-infection oculaire herpétique
Elle s’accompagne de signes généraux à type de fièvre, d’asthénie,
d’adénopathies préauriculaires douloureuses. Les signes oculaires sont limités
dans la majorité des cas à une conjonctivite folliculaire pouvant s’associer à des
vésicules du bord libre et des paupières.
Le caractère unilatéral et l’hypoesthésie cornéenne sont deux éléments
cliniques fortement en faveur de l’origine herpétique de la kératite. Une étude
récente portant sur 544 cas de kératites herpétiques observe sept individus
présentant une kératoconjonctivite bilatérale. Par rapport à ceux atteints de la
forme classique unilatérale, ils ont plus fréquemment des pathologies oculaires
associées : atopie, rosacée oculaire, ou une maladie immunitaire générale
(maladie de Crohn). Environ 40 % des sujets atopiques présentent une forme
bilatérale. L’atteinte herpétique est d’emblée plus sévère, en particulier à type de
kératite stromale interstitielle.
40
Dans la majorité des cas, la primo-infection survient entre 6 mois et 5 ans,
l’immunité d’origine maternelle protégeant les nourrissons. Les cas d’infections
primaires néonatales sont rares et souvent plus graves, avec des cas de
choriorétinites sévères. Dans deux tiers des primo-infections, une kératite
superficielle apparaît. Elle est le plus souvent aspécifique : kératite ponctuée
superficielle, microdendrites, ulcérations serpigineuses. Le plus souvent
l’infection reste purement épithéliale, les mécanismes immunitaires n’étant pas
encore enclenchés [26, 47].
1.4.
Herpès cutané
Tous les sites cutanés peuvent être concernés par un herpès localisé pouvant
correspondre à une primo-infection ou à une récurrence isolée.
L’herpès gladiatorum est un herpès cutané diffus lié à la pratique d’un sport de
contact (lutte, rugby). La transmission du virus se fait par contact cutané direct,
exposant au risque d’herpès cutané ou de lésions érosives multiples aux sites de
contact, pouvant s’accompagner de signes généraux parfois sévères (fièvre,
altération de l’état général) [12].
Le panaris herpétique est une localisation peu fréquente de l’infection cutanée
par HSV. Connue comme étant une infection nosocomiale ou professionnelle
touchant le personnel soignant, en particulier les dentistes ou les malades
exposés aux sécrétions orales contenant de l’HSV, l’herpès digital est également
rencontré chez les enfants par auto-inoculation dans les suites d’une primoinfection type gingivostomatite herpétique (HSV1) [48].
41
2. COMPLICATION
2.1.
Localisations viscérales
2.1.1. Méningo-encéphalite herpétique
La méningo-encéphalite herpétique est la plus fréquente des méningoencéphalites aiguës graves [49].
Il existe deux pics de fréquence : avant 20 ans dans un tiers des cas, en
rapport avec une primo-infection, et après 50 ans dans 50 % des cas, lié à une
réactivation du virus quiescent au niveau des ganglions trigéminés [50-52].
 Encéphalite herpétique
L’encéphalite herpétique (EH) due à l’HSV est rare puisque l’incidence
annuelle, tous âges confondus, est de 1 cas pour 250 000 à 500 000 habitants/an
aux États-Unis, de 2,5 cas pour 1000000 habitants/an en Suède. Il n’existe pas
de variations selon la saison ou selon le sexe [53].
L’EH est provoquée par l’HSV1 dans la très grande majorité des cas
(beaucoup plus rarement par le type 2) chez les immunocompétents [54].
L’HSV2 peut entraîner des méningites aseptiques de façon non rare, mais très
rarement des encéphalites.
En l’absence de traitement, la mortalité dépasse 70 %, la guérison sans
séquelles n’est obtenue que chez 2,5 % des sujets. C’est la seule infection virale
du système nerveux central pour laquelle existe un traitement d’efficacité
démontrée de façon rigoureuse [53].
42
 La méningite herpétique
La méningite herpétique se caractérise fréquemment par l’apparition
brutale d’un syndrome méningé fébrile non spécifique associant céphalées,
nausées, vomissements et photophobie. Parfois, la symptomatologie est plus
frustre et ne se traduit que par des céphalées. La méningite herpétique est le plus
souvent associée à des lésions génitales, qu’à des lésions orolabiales.
L’évolution est habituellement spontanément favorable en trois à 14 jours sans
séquelle neurologique [55].
2.1.2. Encéphalite herpétique du nourrisson
L’EH survient habituellement avant l’âge de 1 an (l’âge médian est de 7,5
mois), mais elle est possible jusque vers 3 ans. La notion d’un bouton d’herpès
chez un proche est très inconstante. De même, les lésions cutanées d’herpès sont
rares et ne doivent surtout pas écarter le diagnostic d’EH. Le début est progressif
et peu évocateur : syndrome fébrile, troubles digestifs. En quelques jours,
s’installe une somnolence qui évolue vers l’altération progressive de la
conscience tandis que la fièvre reste élevée (40 °C). La survenue retardée, 2 à 3
jours après le début du syndrome infectieux, des convulsions est très évocatrice
du diagnostic d’EH. Celles-ci sont typiquement focales, souvent brachiofaciales.
Elles ont tendance à se répéter, de façon subintrante, évoluant volontiers vers un
état de mal convulsif tandis que la conscience se dégrade parallèlement [53].
2.1.3. Pneumopathie herpétique
Les atteintes broncho-pulmonaires surviennent chez le sujet âgé ou lors de
déficits immunitaires [4].
43
La physiopathologie de l’atteinte pulmonaire n’est pas totalement
élucidée. Il est probable que l’atteinte initiale soit une réactivation au niveau de
la cavité oropharyngée, suivie par une contamination, colonisation puis infection
de l’arbre trachéobronchique et des poumons. Plusieurs arguments indirects
plaident pour cette hypothèse. Sur des données autopsiques, Nash et al.
concluaient que la distribution anatomique de l’atteinte des voies aériennes
suggérait que le mode de dissémination par inhalation et infection descendante
était le plus probable. Bruynseels et al. retrouvaient HSV dans la gorge les jours
précédant ou le jour de sa détection dans l’arbre trachéobronchique chez 72 %
de leurs patients ayant du virus HSV dans l’arbre trachéobronchique. D’autres
mécanismes physiopathologiques peuvent être évoqués : réactivation virale
locale, pulmonaire, avec infection secondaire ; ou encore dissémination par voie
hématogène. Ainsi, Bonadona et al. ont étudié la fréquence des réactivations
herpétiques chez 53 malades présentant un Syndrome de Détresse Respiratoire
Aiguë (SDRA). La prévalence de la détection d’HSV dans l’arbre
trachéobronchique était de 42,3 %, et dans le sang de 41,5 %. Le délai
d’apparition de la virémie était de 7 ± 5 jours contre 8 ± 7 jours pour la détection
d’HSV dans l’arbre trachéobronchique. Les auteurs concluent que la
dissémination hématogène pourrait être un mode d’infection dans leur
population.
La symptomatologie clinique de l’atteinte bronchopulmonaire herpétique
n’est pas spécifique. Elle peut se traduire par une fièvre, une altération des
échanges gazeux, des sécrétions trachéales purulentes. Cependant, la présence
d’une
atteinte
cutanéomuqueuse
(vésicule
44
labiale
herpétique
ou
gingivostomatite) est fréquemment associée à une atteinte bronchopulmonaire et
doit faire évoquer ce diagnostic.
Les manifestations radiologiques de l’atteinte bronchopulmonaire
herpétique sont non spécifiques, et associent des opacités alvéolo-interstitielles
localisées ou diffuses, des atélectasies et plus rarement des épanchements
pleuraux.
La fibroscopie bronchique permet l’examen macroscopique de la
muqueuse trachéale. En cas de bronchopneumonie herpétique, on peut observer
des lésions érythémateuses ou des ulcérations non spécifiques, cependant la
fibroscopie est le plus souvent non contributive et la muqueuse est normale ou
œdémateuse.
Facteurs de risque
La plupart des patients présentant une bronchopneumonie herpétique ont
une maladie sous jacente sérieuse ; immunosuppression médicamenteuse ou
acquise, défaillance multiviscérale après chirurgie lourde, SDRA, brûlures
étendues. La possibilité d’une telle atteinte a même été décrite au cours de la
grossesse [56-58].
2.1.4. L’hépatite herpétique
L’hépatite est rare mais grave. Survenant au cours de la primo-infection
ou de récurrence, elle atteint surtout la femme enceinte et les immunodéprimés
[4]. Les deux types d’HSV peuvent induire indifféremment une hépatite sévère
ou fulminante, bien que HSV2 soit plus fréquemment en cause chez les adultes
en raison de sa transmission sexuelle [59].
45
Elle peut, dans certains cas, atteindre des patients qui ne présentent pas de
déficit immunitaire lié à une pathologie ou une thérapeutique. Quelque soit son
mode de survenue, le diagnostic d’hépatite herpétique est rarement évoqué sur
les seules données cliniques. En effet, l’éruption cutanéomuqueuse vésiculeuse,
évocatrice d’une infection herpétique n’est pas constante ou parfois méconnue.
Les autres signes cliniques ne sont pas spécifiques. Les plus couramment décrits
associent une fièvre, une hépatomégalie et des douleurs abdominales. Les signes
biologiques d’hépatite sont constamment marqués avec des transaminases qui
peuvent dépasser 100 fois la valeur supérieure normale. Le nombre de
leucocytes est normal ou diminué. La survenue d’une insuffisance
hépatocellulaire est fréquente et celle d’une CIVD (coagulation intra-vasculaire
Disséminée) n’est pas exceptionnelle.
Miyazaki et al ont proposé plusieurs hypothèses permettant d’expliquer la
dissémination et l’atteinte hépatique observée au cours de certaines infections
herpétiques :
(a) une grande quantité de virus dépasserait la capacité des systèmes de défense
de l’organisme,
(b) le déficit des fonctions des macrophages et des lymphocytes T cytotoxiques
permettrait la diffusion de l’infection,
(c) l’association d’une réactivation et d’une infection par une nouvelle souche
augmenterait le potentiel infectant,
(d) certaines souches virales auraient un tropisme hépatique avéré. La survenue
d’une hépatite herpétique après l’administration de produits anesthésiques a déjà
été rapportée. Le monoxyde d’azote pourrait altérer le système immunitaire,
46
notamment les phagocytes mononucléés et prédisposer ces patients à certaines
infections.
Chez l’animal, l’inhibition des fonctions des macrophages se traduit par
une infection herpétique hépatique extensive alors que la déplétion
lymphocytaire ou en cellules NK n’entraîne pas ou très rarement de telles
lésions. Lorsque les fonctions des macrophages sont altérées, la mort par
apoptose des hépatocytes infectés mais également sains représenterait le
principal mécanisme de défense contre l’infection. Elle permet de limiter sa
diffusion mais explique les vastes zones de nécrose observées sur les biopsies
hépatiques. Malgré les traitements antiviraux par voie générale, l’évolution de
l’hépatite herpétique est encore souvent fatale, même si des cas d’évolution
favorable ont été rapportés [60-62].
2.1.5. L’œsophagite herpétique
L’œsophagite herpétique est une pathologie de l’immunodéprimé
notamment infecté par le VIH [8].
Les principaux signes d'œsophagite herpétique, chez 34 patients avec
SIDA, étaient une dysphagie (82 %), une douleur thoracique (68 %), la fièvre
(44 %), un herpès extraœsophagien (38 %), et des érosions œsophagiennes à la
fibroscopie (50 %) [63].
Chez l’immunocompétent, l’œsophagite herpétique évolue spontanément
vers la guérison qui peut être accélérée par un traitement antiviral. Cependant
des complications (hémorragie, perforation) sont possibles.
47
Bien qu’elle ne soit pas la première cause à évoquer chez l’immunocompétent,
l’origine herpétique d’une œsophagite ne doit pas être ignorée et, une analyse
virologique sur la biopsie devra être systématiquement réalisée [64].
2.2.
Herpès néonatal
Les deux virus HSV1 et HSV2 sont en cause. L’infection de l’enfant
s’observe beaucoup plus souvent lors d’une primo-infection maternelle à HSV2
(75 %) que lors d’une récurrence (2 à 5 %).
 La contamination intra-partum
Il s’agit donc de la voie habituelle de l’herpès néonatal et les souches sont
dans 70 % des cas de type 2. Les formes cliniques sont très variables, leur
gravité est fonction de l’atteinte neurologique et du type viral, HSV 2 entraînant
les séquelles les plus lourdes.
 La contamination post-natale
Elle est responsable de 5 à 10 % des herpès néonatals. Il s’agit le plus
souvent d’infections à HSV1 liées à une récurrence orale ou mammaire
maternelle ou dans l’entourage. Rarement, une gingivostomatite de primoinfection maternelle est mise en cause [65].
L’infection néonatale disséminée à HSV est rare. Elle est suspectée chez
un enfant né de mère aux antécédents herpétiques [66].
2.3.
Le syndrome de Kaposi-Juliusberg (Figures 19 et 20)
Le syndrome de Kaposi-Juliusberg est une infection cutanée à HSV,
sévère, disséminée, accompagnée de signes généraux [67,68]. Chez l’enfant
surtout, mais parfois aussi le jeune adulte, survient le syndrome de Kaposi-
48
Juliusberg par greffe du virus herpétique sur un eczéma profus. Des
vésiculobulles hémorragiques ou pustuleuses s’étendent rapidement du visage à
l’ensemble du corps, dans un contexte d’altération de l’état général. L’évolution,
souvent fatale autrefois chez le nourrisson, est actuellement favorable grâce aux
thérapeutiques antivirales. Parfois subsistent quelques cicatrices varioliformes.
Le syndrome de Kaposi-Juliusberg n’est pas le fait exclusif de la primoinfection herpétique, mais peut être dû parfois à des récurrences. Il est également
observé au cours de diverses dermatoses (maladies bulleuses acquises ou
congénitales...) ou encore de brûlures. Ce diagnostic doit être envisagé
systématiquement devant l’aggravation, la rechute ou la résistance au traitement
de toute dermatose vésiculeuse, bulleuse ou érosive [69].
Figure 19. Syndrome de Kaposi-Juliusberg chez un enfant [70].
49
2.4.
Érythème polymorphe
Les récurrences d’herpès (le plus souvent HSV 1, mais parfois HSV 2)
sont la cause la plus fréquente d’érythème polymorphe (EP), en particulier dans
les formes récidivantes. Les poussées d’EP suivent de quelques jours (en
moyenne 7 à 10) les récurrences herpétiques. Toute récidive cliniquement
patente d’herpès n’est pas obligatoirement suivie d’une poussée d’EP. Certaines
poussées d’EP peuvent être déclenchées par des récidives herpétiques
asymptomatiques, dont on connaît la fréquence. Le lien de causalité herpès/EP
n’est donc pas toujours cliniquement évident [71].
L’éruption est constituée de maculopapules rouge foncé de 2 à 3 cm de
diamètre prenant l’aspect en cocarde caractéristique sur les sites cutanés (mains,
poignets, coudes, genoux, chevilles), et d’érosions ou ulcérations muqueuses
très douloureuses (lèvres, bouche).
L’évolution se fait par poussées successives souvent fébriles mais
rarement subintrantes. La récidive est possible à chaque récurrence, et justifie
alors une prophylaxie virale au long cours [12].
Le nombre de poussées d’EP est très variable d’un sujet à l’autre (de 1 à
plus de 10 par an) et, chez une même personne, la survenue d’un EP n’est pas
constante après une recrudescence herpétique. La pathogénie de l’EP postherpétique est discutée. Plusieurs équipes ont mis en évidence de l’ADN d’HSV
dans les lésions d’EP. L’EP serait la conséquence d’une réaction immunitaire à
médiation cellulaire dirigée contre l’ADN pol virale contenue dans les
kératinocytes [72].
50
3. HERPES RECURRENT
Dès la primo-infection, le virus établit une infection latente dans les
ganglions nerveux sensitifs. Le virus est ensuite capable de se réactiver,
entraînant des infections récurrentes qui peuvent devenir chroniques [73].
La majeure partie des récurrences surviennent cependant dans le territoire de
primo-infection [74].
Au moins 80 % de la population adulte héberge l’HSV à l’état latent et
seuls 20 % présentent des récurrences cliniques, favorisées par de nombreux
facteurs déclenchants :
 infection générale fébrile ;
 UV ;
 règles ;
 stress ;
 traumatisme ;
 chirurgie régionale ;
 injection de morphine intrathécale ;
 rapports sexuels (pour l’herpès génital) [4].
3.1.
Herpès génital récurrent
La fréquence des récurrences est très variable, parfois régulière chez un
même malade. Elles sont moins fréquentes avec HSV1 (60 %) qu’avec HSV2
(90 %). C’est parfois un sérieux handicap personnel et pour le couple lorsque les
récurrences sont mensuelles (Figure 20).
51
Plusieurs études ont établi l’importance du retentissement de l’herpès
génital sur la qualité de vie, l’impact psychologique et le rôle du stress et du
niveau anxiogène, qui sont des facteurs prédictifs des récurrences.
Précédée de prodromes et parfois de signes généraux modérés, l’éruption
typique est un bouquet de vésicopustules sur fond érythémateux (Figure 21),
évoluant vers des érosions et des ulcérations à contour polycyclique avec
adénopathies. Le siège est fixe pour un même malade : région génitale externe
ou peau périnéofessière. La durée de la récurrence est de 8 à 10 jours [8, 45, 75].
Figure 20. Herpès génital récurrent [8].
52
Figure 21. Herpès génital récurrent chez un homme [8].
Il existe des récurrences asymptomatiques qui sont mises en évidence par
l’excrétion d’HSV au niveau génital externe, et/ou cervical chez la femme, sans
lésion visible, ni symptômes cliniques, ni même d’antécédent connu d’herpès
génital [76].
3.2.
Herpès orolabial récurrent (Figure 22)
Des facteurs déclenchants sont souvent à l’origine d’une poussée d’herpès
labial. Le début est marqué par des signes fonctionnels : douleurs, prurit,
sensation de cuisson, localisés au niveau d’une lèvre. Puis apparaît une tache
rouge et très rapidement des vésicules groupées en bouquets, formant parfois
une phlyctène à contour polycyclique évoluant vers une ulcération croûteuse [8].
L’herpès orolabial représente un vaste réservoir de virus et les récurrences
sont fréquentes : elles représenteraient 95 % de l’ensemble des manifestations
herpétiques.
53
Les récurrences sont le plus souvent dues à des souches sensibles, car ce
sont les souches d’infection initiale et la plupart des virus résistants à l’ACV
n’ont pas la capacité de se réactiver [76].
Figure 22. Bouquet de vésicules commissurales d’un herpès labial récurrent
[77].
3.3.
Herpes oculaire récurrent [5, 26]
L’infection à HSV1 (ou plus rarement à HSV2) touche parfois l’œil. La
conjonctivite folliculaire, uni- ou bilatérale, peut se compliquer d’atteinte
cornéenne : c’est la kératite superficielle, typiquement dendritique (Figures 23
et 24) avec ulcération caractéristique en feuille de fougère, susceptible de guérir
sans séquelles, ou, plus grave, la kératite profonde, stromale, au fur et à mesure
des récidives et des réactions immunopathologiques qui s’y associent.
En effet, la production répétitive d’antigène viral au niveau de la cornée y
induit une réaction d’hypersensibilité à la fois humorale (anticorps neutralisant,
ADCC) et cellulaire (cellules NK, lymphocytes T CD4+, CD8+), avec dépôts de
complexes immuns, infiltration de cellules inflammatoires, néovascularisation.
54
Dans le cas particulier de la kératite disciforme (Figure 25), on observe
plusieurs cercles d’opacités concentriques (anneaux immunitaires de Wessely).
Par opacification de la cornée sous forme d’une taie en regard de la pupille,
l’herpès est, dans les pays industriels exempts de trachome, la première cause
infectieuse de cécité, à traiter par greffe de cornée lorsque les lésions sont
refroidies. L’herpès est plus rarement à l’origine d’uvéites, d’iridocyclites
récidivantes et d’un syndrome particulier et grave, la nécrose rétinienne aiguë
due aussi au VZV, et survenant généralement chez des personnes
immunocompétentes.
On retrouve donc au niveau de l’œil, sanctuaire immunologique en
relation avec le système nerveux central, le polymorphisme de l’herpès, ses
divers degrés de gravité et sa tendance à la récidive (y compris sur greffe de
cornée), à partir de l’infection latente du ganglion de Gasser.
Figure 23. Kératite herpétique superficielle, dendritique [26].
L’ulcération en feuille de fougère est très évocatrice d’herpès.
55
Figure 24. Kératite dendritique herpétique avec importante diffusion de ses
bords [26].
Figure 25. Kératite disciforme [5].
On distingue deux anneaux de Wessely qui entraînent un œdème
disciforme de la cornée. Ils surviennent suite à des récurrences répétées de
l’infection au niveau de la cornée, qui est gagnée par les anticorps et les cellules
immunes d’une réaction immunopathologique.
56
E - DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE
57
1. PRELEVEMENT
La technique de prélèvement et sa conservation conditionnent les
résultats. D’après les recommandations de la conférence de consensus sur les
herpes virus, le prélèvement doit être réalisé par le praticien ou le biologiste au
laboratoire.
Dans le cas d’une éruption vésiculeuse typique, le liquide vésiculaire et
les cellules du plancher des vésicules les plus fraîches doivent être prélevés à
l’aide d’un écouvillon par rotation ferme, sans faire saigner. Dans le cas
d’infections asymptomatiques orales ou génitales il faut écouvillonner largement
la surface de la muqueuse et recueillir les sécrétions. L’écouvillon ou les
sécrétions doivent être déchargés sur des lames pour le cytodiagnostic et le
diagnostic direct par immunofluorescence et dans un milieu de transport pour les
autres techniques. La totalité de l’écouvillon doit être mise dans le tube
contenant le milieu de transport. Si l’écouvillon est trop long le couper afin de
pouvoir fermer le tube hermétiquement.
Matériel nécessaire
– écouvillon stérile ;
– milieu de transport fabriqué au laboratoire de virologie contenant des
antibiotiques et des antifongiques. Milieu Eagle additionné de sérum de veau
fœtal (1 %) de glutamine et (1 %) d’antibiotiques (pénicilline-streptomycine).
Les milieux commercialisés comme le milieu de transport Multi-Microbe
Média (M4) prévus pour la survie des chlamydia et mycoplasma, peuvent être
utilisés pour les herpes virus [78, 79].
58
2. MODALITES DE TRANSPORT
Le délai de transport au laboratoire doit être court : entre 2 et 4 heures
pour avoir de meilleurs résultats. Les prélèvements peuvent être conservés dans
le milieu de transport entre + 4°C et 8°C jusqu’à 36 heures [78].
3. TECHNIQUES DE DIAGNOSTIC
3.1.
Culture cellulaire
L’isolement du virus en culture cellulaire constitue la méthode de
référence
du
diagnostic
d’herpès,
mais
actuellement
les
techniques
d’amplification génique PCR (polymerase chain reaction) sont plus largement
utilisées [75].
Les virus herpès sont cultivables sur un grand nombre de cellules (Véro,
Hep2, MRC5). Les cellules les plus couramment utilisées sont les cellules
diploïdes de fibroblastes humains MRC5.
Après filtration du prélèvement, le liquide filtré est mis en culture dans
des boites contenant les cellules (MRC5) et incubées à 37°C. Le délai
d’apparition de l’effet cytopathogène varie entre 24 heures et 15 jours. Il dépend
de la quantité de virus présente dans les lésions [78].
L’effet cytopathique (ECP) est fait initialement de foyers de cellules
rondes et réfringentes, tendant à s’empiler en grappe de raisin, foyers
rapidement confluents. À partir de liquide de vésicule fraîche, il est habituel
d’avoir en 24 heures un ECP évocateur. À l’isolement, les souches d’HSV2
donnent souvent quelques syncytiums à deux ou trois noyaux. En coloration, le
noyau est hypertrophié (ballonné), occupé par une vaste inclusion éosinophile
59
amorphe, tandis que le nucléole a disparu, et que la chromatine est marginée en
mottes basophiles sur la membrane nucléaire (Figure 26).
Figure 26. Effet cytopathique d’un HSV [5].
À côté de quelques cellules claires au noyau normal où l’on distingue le
réseau de chromatine et le nucléole, on observe dans les cellules plus colorées
l’ECP du virus. Il se traduit par l’augmentation de volume du noyau rempli par
une inclusion éosinophile homogène, par la disparition du nucléole et par la
margination de la chromatine le long de la membrane nucléaire qui apparaît
épaissie [5].
Avantages : c’est la méthode de référence, permettant non seulement de montrer
le caractère infectieux du virus, mais également de typer les virus.
Elle permet le diagnostic des infections asymptomatiques.
Inconvénients : technique réservée aux laboratoires équipés pour la culture
cellulaire. Le résultat est influencé par la qualité du prélèvement et le transport.
Le délai de rendu des résultats peut être long il dépend du délai d’apparition de
l’effet cytopathogène qui varie entre 24 heure et 2 semaines [78].
60
3.2.
Cytodiagnostic de TZANCZ
Le cytodiagnostic de TZANCZ est un outil important du diagnostic de
maladies bulleuses telles que l’herpès [80].
Il s’agit d’un examen cytologique permettant de visualiser après
coloration, des lésions cellulaires dues aux herpes virus. Ces lésions se
traduisent par la présence d’inclusions nucléaires éosinophiles entourées d’un
halo clair avec une margination de la chromatine au niveau de la membrane
nucléaire.
Avantages : coût faible, simplicité, rapidité (2 heures), permet d’éliminer
rapidement des diagnostics différentiels (ex : maladies bulleuses).
Inconvénients : ne permet pas de différencier les infections par HSV et VZV.
C’est un examen informatif non définitif [78].
La coloration de Tzanck n’est positive que dans 60 % des cas d’herpès et peut
aussi donner de fausses réactions positives [76].
3.3.
Microscopie électronique
La microscopie électronique sur liquide de vésicule, pour qui dispose de
l’appareil, permet le diagnostic rapide en quelques minutes d’éruption à
Herpesviridae, mais ne permet pas de différencier HSV, VZV et CMV [5].
3.4.
Détection du génome viral par PCR [78]
Les techniques d’amplification génique sont de plus en plus utilisées pour
le diagnostic des infections herpétiques. Plusieurs gènes peuvent être amplifiés,
le gène de l’ADN pol, de la TK ou des glycoprotéines gB, gD et gG.
61
Ce sont des techniques d’amplification génique suivie ou non de
technique d’identification par hybridation sur sonde spécifique. Les techniques
de PCR en temps réel automatisées, quantitatives ou qualitatives ont montré une
très bonne sensibilité et spécificité. La rapidité de ces techniques permet un
rendu de résultat dans les deux heures qui suivent le prélèvement.
La qualité des résultats est conditionnée par le choix de la technique
d’extraction, le type d’amplification (qualitative ou quantitative) et la méthode
de révélation.
Cette technique n’est actuellement utilisée que pour le diagnostic des
méningites et méningo-encéphalites herpétiques. Elle pourrait également être
appliquée
aux
autres
localisations
et
au
diagnostic
des
infections
asymptomatiques.
Avantages : technique la plus sensible, le résultat dépend moins des conditions
de transport et de conservation. Le prélèvement peut être congelé à - 20°C. Avec
la PCR en temps réel le résultat peut être rendu dans les deux heures qui suivent
le prélèvement.
Inconvénients : risque de contamination (faux positifs), présence d’inhibiteurs
(faux négatifs) dans certains prélèvements.
La PCR est remarquablement sensible, par exemple 3 à 4 fois plus
sensible que l’isolement par inoculation à des cellules en culture pour déceler
une sécrétion génitale asymptomatique. Cependant, positive, elle ne signifie pas
obligatoirement que le prélèvement contient du virus infectieux, la relation entre
quantité d’ADN viral appréciée par PCR en temps réel et contagiosité n’ayant
pas été établie [5].
62
3.5.
Recherche d’antigènes viraux [78]
Par immunofluorescence ou par ELISA (Enzyme Linked Immuno Sorbent
Assay) à l’aide de tests commercialisés.
3.5.1. Révélation par immunofluorescence [78]
Effectuée sur un frottis des cellules de la base de la vésicule herpétique ou
sur le culot cellulaire obtenu après centrifugation du prélèvement déchargé dans
le milieu de transport.
Après fixation avec l’acétone refroidie, les anticorps monoclonaux sont
déposés sur le frottis. Après incubation et lavage, le conjugué marqué à la
fluorescéine permet de révéler la réaction. La lecture microscopique montre une
inclusion nucléaire fluorescente au stade précoce de l’infection et une
fluorescence diffuse dans toute la cellule au stade tardif de l’infection.
Avantages : rapidité (1 à 2 heures), simplicité, typage possible de l’herpès
simplex.
Inconvénients : le résultat est interprétable que si le nombre de cellules
prélevées est supérieur à 20. La sensibilité varie entre 74 et 100 % selon les
auteurs par rapport à la technique de culture. Subjectivité de lecture, possibilité
de résultats faussement négatifs en présence d’anticorps anti-herpes dans les
produits biologiques. C’est une technique inadaptée au dépistage d’infection
asymptomatique.
63
3.5.2. Révélation par ELISA [78]
• Techniques automatisables
Le principe est basé sur une immunocapture de l’antigène sur un support
de plaque et une révélation par un deuxième anticorps marqué avec une enzyme.
Elles sont réalisables sur des liquides de vésicules, mais non adaptées au
dépistage des infections asymptomatiques.
Avantages : rapidité (délai 5 heures), lecture automatique de densités optique.
Inconvénients :
 possibilité de faux positifs nécessitant un test de confirmation.
 Prix de revient plus élevé que l’immunofluorescence.
 Possibilité de résultats faussement négatifs en présence d’anticorps
anti-herpès dans les produits biologiques.
3.6.
Titrage des anticorps
Le titrage dans le sérum des anticorps, communs aux deux types d’HSV
ou, depuis peu, spécifiques de type (anticorps anti-gpG1 et anticorps anti-gpG2)
est très utile aux études épidémiologiques [5].
3.6.1. Sérologie non spécifique de type
Les tests sérologiques non spécifiques de type utilisent comme fraction
antigénique des lysats de souches virales HSV1 et HSV2 et détectent les
anticorps communs aux deux types viraux. Fréquemment, seul un lysat de virus
HSV1 est utilisé pouvant alors réduire la sensibilité de la détection des anticorps
anti-HSV2.
64
Les trousses actuellement commercialisées révèlent la présence d’IgM ou
d’IgG par des techniques ELISA ou par immunofluorescence indirecte.
En effet, une séropositivité permet uniquement d’établir qu’un individu
est infecté par le virus HSV1 ou HSV2 ou les deux. Cette information est
généralement peu utile. Une sérologie négative éliminant une infection par l’un
ou l’autre des 2 virus est plus contributive, à condition que la sensibilité du test
soit identique vis-à vis des deux virus. En l’absence d’IgG et d’IgM, elle permet
d’exclure une étiologie herpétique dans un contexte d’ulcérations récurrentes.
Elle permet aussi d’établir un diagnostic de primo-infection herpétique en cas de
séroconversion lorsqu’on dispose de deux sérums distincts mais est
ininterprétable en présence d’une primo-manifestation.
La recherche des IgM doit être réservée au seul cas de suspicion de primoinfection et n’est interprétable que s’il existe un profil de séroconversion.
Au cours de la primo-infection herpétique, les anticorps anti-HSV non
spécifiques de type apparaissent après le contact infectant dans un délai de 5 à
10 jours pour les IgM et de 1 à 2 semaines pour les IgG. Après la primoinfection, les IgM disparaissent en quelques semaines, alors que les IgG vont
persister toute la vie. Certaines récurrences peuvent néanmoins s’accompagner
d’une réapparition des IgM, notamment chez le sujet immunodéprimé mais la
présence d’IgM n’est pas toujours synonyme de réactivation [81, 82].
3.6.2. Sérologie spécifique de type
Pendant longtemps, la sérologie HSV non spécifique de type a été la seule
disponible, étant donné les difficultés de mise au point de tests permettant de
détecter spécifiquement les anticorps anti-HSV1 et anti-HSV2. Seules les
65
glycoprotéines gpG1 et gpG2 induisent des réponses qui ne présentent pas de
réactivité croisée entre HSV1 et HSV2 [82].
Les tests sérologiques spécifiques de type détectent les anticorps dirigés
contre les glycoprotéines d’enveloppe gpG1 et gpG2, spécifiques de HSV1 et
HSV2 respectivement. Les trousses actuellement commercialisées utilisent les
techniques Elisa ou immunoblot et la plupart révèlent exclusivement les IgG.
Lorsque le virus est isolé ou mis en évidence par PCR, la sérologie spécifique de
type n’a pas d’utilité. Dans le cas contraire, la sérologie permet d’infirmer ou de
confirmer le diagnostic, si aucun autre diagnostic microbiologique n’est évoqué
[83-85].
3.6.3. Western blot
Le western blot détecte des anticorps dirigés contre plusieurs dizaines de
protéines virales, glycoprotéines incluses : c’est un test d’une grande spécificité
et d’une excellente sensibilité [12].
Cette technique est réservée aux études cliniques ou épidémiologiques
pour l’interprétation des sérologies douteuses. Elle est toutefois moins sensible
que certaines techniques ELISA dans un contexte de primo-infection [82].
3.6.4. Interprétation des résultats de la sérologie
Séroconversion : L’existence d’une séroconversion, avec absence d’anticorps
sur un prélèvement précoce (réalisé dès les premiers symptômes) et présence
d’anticorps sur un prélèvement tardif permet de porter le diagnostic de primoinfection ou primo-manifestation.
Séropositivité : La présence d’anticorps sur un premier prélèvement indique
que le sujet a déjà été en contact avec le virus, sans qu’il soit possible de dater le
66
moment de la contamination. La sérologie non spécifique de type ne permet pas
de préciser le virus en cause et donc de faire la preuve d’un herpès génital. Avec
la sérologie spécifique de type, une séropositivité à HSV2 traduit presque
toujours un herpès génital car les herpès orofaciaux à HSV2 sont exceptionnels.
À l’inverse, une séropositivité à HSV1 peut aussi bien témoigner d’un herpès
génital que d’un herpès orofacial, compte tenu de la prévalence croissante des
herpès génitaux à HSV1 et de la fréquence élevée de la contamination orofaciale
par HSV1 dans la population générale (50 à 90 % chez les sujets adultes en
fonction des pays). Ainsi, pour HSV1, seule la mise en évidence du virus au
niveau du site permet de prouver la localisation génitale.
Séronégativité : L’absence d’anticorps élimine avec une très forte probabilité le
diagnostic d’infection herpétique [82].
4. INDICATIONS DES DIFFERENTES TECHNIQUES DE
DIAGNOSTIC [5]
Alors que le diagnostic clinique d’herpès labial récidivant va de soi,
l’herpès génital exige une confirmation virologique, au moins à l’occasion d’une
poussée, cela pour trois raisons :
• l’atypie fréquente des lésions ;
• les conséquences du diagnostic sur la vie du sujet, homme ou femme : il est
potentiellement contagieux pour tout partenaire sexuel, même en dehors de
récidives manifestes, par sécrétion asymptomatique ;
• l’intérêt pronostique de typer l’HSV lors d’une première poussée, le type 2
seul donnant les formes hautement récidivantes. Les formes graves
d’herpès, ou les formes résistantes au traitement, et les protocoles d’étude
exigent assurément le recours au laboratoire.
67
L’herpès fait partie des infections virales où les techniques de détection
directe du virus l’emportent largement sur les techniques sérologiques
(Tableau I).
Tableau I. Indications des différentes techniques de diagnostic des infections à
HSV [5].
Technique de détection directe du virus
Isolement en
culture de cellules
PCR
Immuno-cytodiagnostic
Elisa
Microscopie
électronique
Herpès oral ou
Lésions
génital
++
+
+
+
+
Kératoconjonc
Lésions
tivite
++
+
+
+
+
Uvéite,
iridocyclite,
nécrose
rétinienne
aiguë
Humeur aqueuse
+
++
0
0
0
Encéphalite
aiguë
postnatale
LCR
±
++
0
+
0
Herpès
néonatal
Lésions
Sécrétions
pharyngées
Larmes
LCR
Sang
Urines
++
++
++
++
+
+
+
+
+
++
+
+
+
0
0
0
0
0
+
0
0
+
0
0
+
0
0
0
0
0
Excrétion
asymptomatiq
ue
Salive
Sécrétions
génitales
++
++
+
+
0
0
0
0
0
0
Herpès
cutanéomuque Lésions
ux progressif
++
+
+
+
+
Eczéma
herpétisé
Lésions
++
+
+
+
+
Hépatite
herpétique
Sang
Urines
Salive
Sécrétions
génitales
++
++
++
++
+
+
+
+
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
Prélèvements
LCR : liquide céphalorachidien ; ++ examen primordial ; + examen utile ; ±examen souvent négatif ; 0 examen inutile.
68
5. DIAGNOSTIC DE L’HERPES GENITAL
Le diagnostic microbiologique de l’herpès génital n’est véritablement
utile que si le diagnostic clinique n’est pas formel. Les prélèvements doivent
être effectués directement au niveau de lésions récentes. La culture reste la
méthode de référence mais elle n’est pratiquée que par des laboratoires de
référence et les prélèvements sont fragiles et supportent mal le transport. En
outre, sa sensibilité est variable.
La détection des antigènes de l’herpès par immunofluorescence ou Elisa
est rapide, spécifique mais d’une sensibilité très variable.
Les techniques d’amplification génique type PCR ne sont réalisées que
dans quelques laboratoires spécialisés. Très sensibles et utilisables sur tous types
de prélèvements, ces techniques présentent cependant des risques de faux
positifs (contamination) et de faux négatifs (inhibiteurs) [17].
6. DIAGNOSTIC DE LA MENINGO-ENCEPHALITE
HERPETIQUE
• La ponction lombaire permet d’obtenir un LCR lymphocytaire (rarement plus
de 400 éléments/mm3), mais parfois normocytaire. La protéinorachie n’est pas
spécifique.
• L’examen TDM (tomodensitométrie) cérébral est souvent initialement normal,
mais il permet d’éliminer d’autres diagnostics (tumeur, abcès, thrombophlébite).
Après quelques jours, il permet de visualiser des lésions hypodenses,
correspondant à l’œdème, ou hyperdenses, correspondant à la nécrose et à
l’hémorragie. Ces images sont typiquement frontales et surtout temporales. Elles
peuvent être uni ou bilatérales. La sensibilité de cet examen est de 73 % en
69
période précoce, mais elle passe à 90 % ensuite. En ce qui concerne la
spécificité elle évolue de 89 à 92 % avec le temps.
• L’IRM (imagerie par résonance magnétique) permet de visualiser ces mêmes
lésions plus précocement, dès 24 heures souvent. Les lésions sont visibles en T1
(hyposignal) et en T2 (hypersignal), traduisant l’œdème. Dans les zones
hémorragiques, un hypersignal en T1 et T2 est constaté.
• L’électro-encéphalogramme est l’examen qui est le plus précocement perturbé,
mais souvent plus difficile à obtenir en urgence. Les anomalies peuvent être peu
spécifiques (ralentissement de l’activité électrique, variable dans le temps, puis
permanent) ou beaucoup plus typiques (décharges périodiques d’ondes lentes).
Dans un tiers des cas, il est possible d’observer des décharges épileptiques.
Quoiqu’il en soit, cet examen ne peut à lui seul établir le diagnostic étiologique
d’une encéphalite.
• Les sérologies sont de peu de secours : la séroconversion est trop tardive, la
sécrétion intrathécale d’anticorps est inconstante au début.
• La sécrétion d’interféron dans le LCR n’est que l’indicateur d’une infection
virale (30 % des encéphalites virales).
• La culture virale du LCR permet un diagnostic de certitude, mais le résultat en
est trop tardif.
• L’amplification génique par PCR, dans le meilleur des cas en temps réel, à
partir du LCR, est finalement le meilleur examen biologique de certitude : 95 %
de positivité dans la première semaine des symptômes. La sensibilité et la
spécificité de cet examen sont aux environs de 95 %. La positivité de la PCR est
70
précoce, dès les premiers signes cliniques. Il s’agit à l’heure actuelle de
l’examen de référence pour le diagnostic des encéphalites herpétiques [53,54].
7. DIAGNOSTIC DE L’HERPES OCULAIRE [26]
Le diagnostic ne nécessite pas toujours la réalisation d’un examen
biologique, en particulier devant un tableau de kératite dendritique typique.
7.1.
Recherche directe du virus herpétique
Le prélèvement doit se faire le plus précocement possible, avant tout
traitement antiviral. Il doit être réalisé par grattage de l’épithélium cornéen.
L’étalement sur lame permet de mettre en évidence le virus par recherche de ses
antigènes. Ce grattage doit contenir un nombre suffisant de cellules, ainsi le
scarificateur peut être adressé au laboratoire. La mise en évidence des antigènes
viraux se fait par immunofluorescence directe. Elle peut également être
effectuée sur les larmes, l’humeur aqueuse. La culture nécessite de préserver le
virus dans un milieu de transport spécifique. Cette culture se fait sur des lignées
cellulaires en culture qui sont examinées tous les jours et ce pendant 3 semaines.
D’autres techniques biologiques plus sensibles permettent de prouver la
présence d’une réplication virale.
7.2.
Mise en évidence d’une synthèse locale d’anticorps
Classiquement, la recherche d’anticorps se fait en présence d’une uvéite,
mais ces anticorps sont également retrouvés en cas de kératite herpétique, en
particulier en présence d’une néovascularisation cornéenne. La présence
d’anticorps dans l’humeur aqueuse peut résulter d’une synthèse locale ou d’un
passage d’anticorps d’origine sérique au travers de la barrière hématoaqueuse.
71
Deux coefficients sont donc employés afin de distinguer ces deux situations. Le
coefficient C est le rapport entre la charge virale de l’humeur aqueuse et du
sérum (la charge immunitaire étant le rapport entre la concentration d’anticorps
spécifiques et les anticorps totaux). Un rapport C supérieur à 3 est le témoin
d’une infection herpétique active. Le coefficient C’ est le rapport entre le taux
d’anticorps spécifiques de l’humeur aqueuse et du sérum.
7.3.
Recherche d’ADN viral
Elle se fait par PCR. Une positivité de ces tests ne témoigne pas toujours
d’une réplication active, il peut s’agir de l’expression d’un virus herpétique
quiescent.
La PCR en temps réel est une technique qui permet de quantifier l’ADN
viral amplifié. Elle permet d’évaluer la charge virale et sera donc utile pour
suivre de façon objective l’évolution de la maladie.
8. DIAGNOSTIC DES FORMES ATYPIQUES
Les formes atypiques rendent le diagnostic plus difficile : formes
atténuées ou éphémères, ou cliniquement atypiques. Le diagnostic repose
essentiellement sur la culture virale et la PCR [8].
72
F - TRAITEMENT
73
1. LES ANTIVIRAUX
1.1.
L'aciclovir et le valaciclovir
L’ACV (Cicloviral*, Revocir*, Zovirax*…) est un analogue de la 2–
désoxyguanosine qui devient actif seulement après une triphosphorylation dont
la première est strictement dépendante de la TK virale [86]. C’est un
médicament antiviral dont l’activité est limitée aux herpes virus, avec une
efficacité particulière contre HSV1 (Figure 27) [87].
Le valaciclovir (ValACV) est le L–valyl ester d’ACV (Figure 28). Il n’existe
que sous forme orale. Après ingestion, la molécule est rapidement transformée
en ACV par une hydrolase présente dans les sécrétions gastriques et également
dans le foie [88].
Figure 27. Structure chimique
Figure 28. Structure chimique du
de l’aciclovir [89].
valaciclovir [5].
74
1.2.
Penciclovir et famciclovir (Figure 29)
Le penciclovir (PCV) est une molécule de structure très proche de celle du
ganciclovir (molécule proche de l’ACV par l’adjonction d’un groupe
hydroxyméthyl dont l’activité antivirale majeure concerne le cytomégalovirus).
Le famciclovir (FCV) Oravir* est un analogue diacétylé du PCV. Après
administration par voie orale, son absorption est bonne et il est rapidement
métabolisé en PCV par déacétylation dans le tractus digestif et le foie [88].
Figure 29. Structure chimique du penciclovir et du famciclovir [5].
1.3.
Cidofovir
L’hydroxy-phosphonylméthoxypropyl-Cytosine ou cidofovir (CDV) est un
analogue phosphoné de nucléotide de sorte que son activation ne nécessite que
deux phosphorylations, celles-ci étant assurées par des kinases cellulaires
(Figure 30) [5].
75
Figure 30. Structure chimique du cidofovir [90].
1.4.
La vidarabine
C est un analogue de l’inosine (Figure 31). Il inhibe l'ADN pol induite par le
virus plus fortement que celle de l'organisme. Elle ne sert aujourd'hui qu'au
traitement local des infections à virus herpès [91].
Figure 31. Structure chimique du vidarabine [92].
76
1.5.
Le
Le foscarnet
foscarnet
Foscavir*
(phosphonoformate
trisodique
ou
PFA)
(Figure32) est un analogue pyrophosphaté de l’acide phosphonoacétique. Il
inhibe l’action de l’ADN pol virale en bloquant le site récepteur du
pyrophosphate empêchant ainsi le lien diester entre l’enzyme et le substrat
nucléosidique triphosphaté [88].
Figure 32.Structure chimique du foscarnet [5].
1.6.
Nouveaux antiviraux
La recherche de nouvelles molécules antivirales, au-delà des analogues de
nucléosides, concerne la famille des Herpesviridae, avec pour cibles potentielles
la protéase ou le complexe primase-hélicase. En matière d’anti-HSV cependant,
les performances remarquables de l’ACV - et de ses congénères -, son atoxicité,
son antériorité et la relative rareté en clinique des mutants résistants laissent peu
de place pour le moment à la commercialisation de nouvelles molécules [5,
93,94].
77
2. MECANISME D’ACTION DES ANTIVIRAUX
2.1. Aciclovir (Figure 33)
L’ACV est un analogue de la 2–désoxyguanosine qui, pour avoir un effet
antiviral, doit être transformé en ACV triphosphate.
La première étape de cette phosphorylation est la formation d’ACV
monophosphate catalysée par une TK dont la synthèse est induite par l’HSV
dans la cellule infectée. Des enzymes cellulaires agissent ensuite pour former
l’ACV bi– puis triphosphate. L’ACV triphosphate inhibe la synthèse d’ADN
viral par compétition avec la 2–désoxyguanosine triphosphate vis-à-vis de
l’ADN pol virale. Une fois incorporé dans l’ADN viral, l’ACV en bloque la
réplication. Cette incorporation est alors irréversible du fait de l’impossibilité
d’agir de l’exonucléase associée à l’ADN pol virale [88].
Figure 33. Mode d’action de l’aciclovir [5].
78
2.2. Valaciclovir
Le
ValACV est un ester de la valine de l’ACV. Il est entièrement
métabolisé en ACV par une hydrolase. Il agit donc comme un inhibiteur
spécifique des herpes virus avec une activité in vitro bien démontrée sur les
herpes simplex type 1 et 2. Après une phosphorylation en ACV triphosphate le
médicament inhibe la synthèse de l’ADN viral. La phosphorylation est
spécifique de l’enzyme virale (TK présente que dans les cellules infectées par le
virus) [87].
2.3. Foscarnet
Le PFA inhibe l’action de l’ADN pol virale en bloquant le site récepteur
du pyrophosphate empêchant ainsi le lien diester entre l’enzyme et le substrat
nucléosidique triphosphaté. Ce mécanisme d’action ciblant directement l’ADN
pol permet au PFA d’être actif sur des souches d’herpès virus résistant à l’ACV
par déficience en TK [88].
2.4. Penciclovir
Le métabolisme et le mécanisme d’action du PCV sont identiques à ceux
de l’ACV mais à la différence de cette dernière molécule le PCV triphosphate
n’empêche pas la poursuite de la synthèse de la chaîne d’ADN. In vitro, l’effet
inhibiteur du PCV sur HSV1 et HSV2 est similaire à celui de l’ACV [88].
2.5. Famciclovir
Le FCV est rapidement métabolisé en PCV (métabolite actif du FCV) par
désacétylation dans le tractus digestif et le foie [88].
79
2.6. Cidofovir
Le CDV constitue une seconde alternative en cas de résistance à l'ACV.
En effet, cet analogue de la cytidine ne nécessite pas de phosphorylation par la
TK virale. Il comporte un groupement phosphonate empêchant le clivage par les
estérases cellulaires. Cette forme phosphonate subit deux phosphorylations
successives par des kinases cellulaires, lui permettant ensuite de s'insérer dans
l'ADN viral et d'en stopper l'élongation [73].
3. PHARMACOLOGIE
D’une manière générale la pharmacocinétique systémique de l’ACV et du
PCV présente de nombreuses similitudes (Tableau II).
Tableau II. Caractéristiques pharmacocinétiques des antiherpétiques chez l’homme[94].
Valaciclovir
Famciclovir
Aciclovir
Penciclovir
54 (ACV)
77 (PCV)
15-30
<7
+++
+++
−
−
1
3
−
−
−
< 20 %
9-24
16
C max (µM) par voie orale
1000 mg x 3/j
8-32 (ACV)
500 mg
10-15 (PCV)
500 mg x S/j
4-16
−
Tmax (h)
0.8-2,1 (ACV)
0.5-1.0 (PCV)
1.6-2.6
−
−
−
0.7
0.9
2.5-3.5 (ACV)
2.0-2.5 (PCV)
2.5-3.5
2.0-2.5
72 % (PCV)
62-91 % (ACV)
91% (PCV)
6-désoxy-PCV
8.5-14 %
(9 CMMG)
3%
(6-désoxy-PCV)
Biodisponibilité (%)
Hydrolyse présystémique
Nombre d’étapes de la
métabolisation des prodrogues
Liaison aux proteines
plasmatiques (%)
Vdss (L/kg)
T1/2p (h)
Elimination urinaire
Métabolites
< 1% (ValACV)
80-85 % (ACV)
7-12 %
(9 CMMG)
Elimination dans les fèces
−
21 %
<2%
−
Clairance totale (L/h)
−
−
19.6
25.9
Clairance rénale (L/h)
−
−
14.9
22.4
9-CMMG : 9-carboxyméhoxyméhylguanine ; Vdss : volume de distribution à l’équilibre ;
T1/2p : demi-vie plasmatique.
80
3.1.
Biodisponibilité
L’ACV et le PCV se caractérisent d’abord par une biodisponibilité faible,
variable et dose-dépendante.
C’est pourquoi, dans chaque cas, il a été développé des promédicaments destinés
à améliorer leur résorption orale. C’est ainsi qu’il existe désormais le ValACV
qui est un valyl ester d’ACV et le FCV ou diacétyl-6-désoxy- PCV [94].
Ces deux molécules améliorent considérablement la biodisponibilité de
l’ACV qui passe à 54 % et celle du PCV qui approche les 77 % [95].
Après administration orale, le ValACV est rapidement hydrolysé en ACV alors
que le FCV est converti en PCV après trois transformations métaboliques
successives, deux désacétylations et une oxydation. La résorption intestinale du
ValACV est un processus actif qui met en œuvre un transporteur des dipeptides
saturable à des doses supérieures à celles couramment utilisées dans le
traitement de l’herpès (1 g x 3/j). C’est donc au-delà de la prise de 1 g en une
seule dose que l’on observera une légère diminution de l’aire sous la courbe
(ASC) de 1’ACV par rapport à la valeur attendue. Ce phénomène n’a pas de
conséquence clinique ; il a d’ailleurs été démontré qu’à la posologie de 2 g de
ValACV quatre fois par jour, l’ASC journalière obtenue en ACV est équivalente
à celle observée avec 10 mg/kg d’ACV par voie intraveineuse trois fois par jour
(109 contre 107 mg . h-l . L-l). La cinétique de résorption du FCV reste 1inéaire
entre 125 et 750 mg. La prise de repas n’affecte pas la résorption du ValACV ou
du FCV [94].
En raison de sa faible absorption orale, le PFA est administré par voie
intraveineuse [95].
81
3.2.
Distribution
Il n’apparait pas de différences significatives dans la distribution
corporelle de ces médicaments, leur liaison aux protéines plasmatiques est
particulièrement faible et leur volume de distribution à l’équilibre a été évalué à
50-60 L environ (de l’ordre de 0,7 L/kg), ce qui correspond globalement au
volume de l’eau corporelle totale. L’ACV diffuse dans le liquide
céphalorachidien où ses concentrations atteignent environ 50 % de leur valeur
plasmatique; la diffusion au niveau central du PCV n’est pas connue [94].
Le PFA diffuse dans les tissus. Sa demi-vie de distribution est de l'ordre
de 2 à 4 heures chez les patients à fonction rénale normale. Il est fortement fixé
au niveau de l'os et faiblement au niveau des protéines plasmatiques (< 20 %). Il
passe dans le LCR et des concentrations de l'ordre de 10 à 70 % de la
concentration plasmatique ont été retrouvées chez les patients infectés par le
VIH. Le volume de distribution total est de 5 l/kg [95].
3.3.
Métabolisme
La transformation des promédicaments (ValACV et FCV) en principes
actifs se fait dans le foie, mais en utilisant des enzymes cytosoliques différentes
pour chacune des molécules. Une fois formés, 1’ACV et le PCV ne sont que peu
métabolisés et leur élimination se fera presque totalement sous forme inchangée.
Les quantités de métabolites retrouvées ne dépassent pas 10 à 15 % de la dose
administrée pour 1’ACV et 3 % pour le PCV. Chez l’insuffisant hépatique, la
conversion de FCV en PCV n’est pas altérée mais ralentie, avec un T max
doublé. L’aire sous la courbe et la demi-vie restant inchangées, il n’est pas
nécessaire de modifier la posologie. Le même phénomène s’applique au
ValACV [94].
82
Le CDV pénètre dans les cellules, par un mécanisme d'endocytose, où il
est phosphorylé en monophosphate de CDV et ensuite en diphosphate de CDV.
Les effets antiviraux prolongés du CDV sont dus à la demi-vie de ses
métabolites ; le diphosphate de CDV subsiste à l'intérieur des cellules avec une
demi-vie de 17-65 heures et un dérivé phosphate-choline du CDV a une demivie de 87 heures.
Le PFA n'est pas métabolisé dans l'organisme. Il est actif sur tous les
herpesvirus, et n'ayant pas besoin d'être phosphorylé [95].
3.4.
Élimination
 L’élimination de l’ACV est rénale, associant la sécrétion tubulaire à la
filtration glomérulaire ; sa demi-vie plasmatique est de 2.2 à 3.5 h,
pouvant atteindre 20 h chez l’insuffisant rénal sévère.
 Le PCV s’élimine aussi par voie rénale, mais surtout par filtration
glomérulaire. Sa demi-vie plasmatique est de 2 à 2.5 h mais peut atteindre
10 h chez l’insuffisant rénal sévère. Une adaptation de posologie est donc
recommandée en cas d’insuffisance rénale [94].
 Le PFA est principalement éliminé au niveau rénal par filtration
glomérulaire et sécrétion tubulaire. La clairance rénale est d'environ
130 ml/min et est étroitement liée à la clairance de la créatine. La demivie plasmatique terminale est en moyenne de 80 heures. Le PFA est
dialysable.
 Le CDV est éliminé principalement par voie rénale sous forme inchangée,
à la fois par filtration glomérulaire et sécrétion tubulaire. Chez les patients
ayant une fonction rénale normale, 80 à 100 % de la dose intraveineuse
83
est retrouvé dans les urines sous forme de CDV inchangé dans les
24 heures. Aucun métabolite du CDV n'a été décelé dans le sérum ou les
urines des patients [95].
3.5.
Toxicité
3.5.1.
Toxicité de l'aciclovir
L’ACV est un antiviral globalement bien toléré avec un index
thérapeutique élevé. Ses effets secondaires sont peu nombreux grâce à son mode
d’action étroitement lié au virus. En effet sa première phosphorylation est sous
la dépendance de la TK virale. Parmi ses effets secondaires classiques, on
retrouve l’insuffisance rénale, induite par la cristallisation de la molécule au
niveau tubulaire [49, 95, 96].
Des troubles neuropsychiques sont également décrits en cas de surdosage,
particulièrement chez l'insuffisant rénal. Les autres toxicités concernent des
troubles gastro-intestinaux (nausées) et des effets cutanés dont la relation de
causalité reste cependant peu claire [97].
a. La néphrotoxicité
L'atteinte rénale est liée dans la quasi-totalité des cas à une cristallisation
intra-tubulaire d'ACV. La concentration tissulaire rénale peut atteindre 10 fois
les valeurs de concentration plasmatique.
L’ACV est soluble dans l'eau et la cristallisation peut se produire dans les
tubes collecteurs lorsque sa concentration urinaire dépasse sa concentration
maximale de solubilité (1,3 mg/ml). Ce phénomène peut induire une
insuffisance rénale de type obstructif. II est favorisé par un pH urinaire alcalin et
une réduction du débit urinaire.
84
De rares cas peuvent relever d'un mécanisme d'hypersensibilité. La
néphrotoxicité de l'ACV reste un effet rare qui se produit le plus souvent dans un
contexte d'insuffisance rénale préexistante. La très grande majorité des accidents
rénaux sont décrits après administration intraveineuse. Très rarement, elle peut
se manifester au décours d'une administration orale [97, 98].
La majorité des observations concerne des épisodes d'insuffisance rénale
aigue avec une augmentation importante de la créatinine, chez des patients
plutôt âgés. La survenue de l'insuffisance rénale est assez rapide après le début
d'un traitement par voie intraveineuse (1 à 2 jours après le début du traitement) à
des doses variant de 7,5 à 15 mg/kg/8 h. Des cas d'augmentation de la créatinine
ont également été décrits chez l'enfant. La toxicité peut se limiter à une
cristallurie (cristaux d'ACV) sans augmentation de la créatinine [97].
 Les facteurs de risques de la néphrotoxicité
Les facteurs de risques de la néphrotoxicité sont bien identifiés : doses
élevées, insuffisance rénale préexistante, apports hydriques insuffisants,
perfusion intraveineuse trop rapide (susceptibles de conduire à des pics
plasmatiques élevés) [97].
b. La neurotoxicité
La toxicité neurologique de l'ACV est souvent associée à la toxicité rénale
et s'observe préférentiellement chez les personnes âgées. Dans une série de 356
cas publies jusqu'en 1993, les facteurs de risque identifiés sont une insuffisance
rénale sous-jacente et l'association à des médicaments neuro- et néphrotoxiques.
La
symptomatologie
clinique
associe
une
encéphalopathie
non
infectieuse, avec délire ou hallucinations, agitation, confusion, troubles de la
85
conscience pouvant aller jusqu'à un coma. Les myoclonies sont rares. Le LCR
est normal [97].
c. Allergie
L’allergie de contact à des topiques contenant de l’ACV peut être liée au
propylène glycol ou à l’antiviral. Des réactions croisées, probablement liées à
l’existence d’un noyau commun 2-aminopurine, existent entre ACV, ValACV et
FCV. Ce noyau est aussi retrouvé dans le ganciclovir mais est absent dans le
PFA ou le CDV. Une sensibilisation topique à l’ACV contre-indique
l’administration systémique ultérieure d’ACV, de ValACV, FCV et ganciclovir.
Le PFA ou le CDV, après tests cutanés pourraient être une alternative en cas de
besoin d’antiviral systémique [99, 100].
3.5.2.
Toxicité du valaciclovir
Apres administration orale, le ValACV est rapidement absorbé et
hydrolysé en ACV et L-valine. La biodisponibilité du ValACV en ACV est de
54 %, soit trois à cinq fois plus importante que celle de l'ACV administré par
voie orale.
Le mécanisme d'action et le profil de toxicité sont donc similaires à ceux
de l'ACV (néphro- et neurotoxicité) [97, 101].
3.5.3.
Toxicité du Foscarnet
Le PFA est principalement éliminé par le rein par filtration glomérulaire et
sécrétion tubulaire. Ses effets secondaires rénaux sont multiples :
Insuffisance rénale aigue par nécrose tubulaire aigue : environ deux tiers des
malades traités par PFA en l’absence de mesures préventives présentent une
augmentation de la créatinine supérieure à 25 % par rapport aux chiffres de
86
base. Cette incidence est de l’ordre de 5 à 10 % lorsque les patients sont
hydratés. L’insuffisance rénale aigue s’explique par un effet néphrotoxique
direct
essentiellement
sur les
cellules
tubulaires
proximales
avec
vacuolisation et nécrose. Les manifestations rénales sont observées en
général entre la deuxième et la troisième semaine du traitement et dans 10 à
15 % des cas nécessitent la mise en œuvre d’une hémodialyse temporaire. La
protéinurie est en règle inférieure à 1 g/j.
L’insuffisance rénale est habituellement régressive sur une dizaine de jours
après l’arrêt du médicament mais dans certains cas, le retour de la créatininémie
à la normale ou aux chiffres de base peut prendre quelques mois, notamment
chez les sujets ayant une insuffisance rénale préexistante ;
Cristallurie : le PFA peut précipiter avec le calcium dans la lumière tubulaire
et entrainer une obstruction tubulaire qui peut être à l’origine d’une
insuffisance rénale ;
Cristaux dans les capillaires glomérulaires avec lésions prolifératives
associées : il s’agit de cristaux de PFA trisodique avec un sel composite de
calcium et de sodium.
L’hypothèse d’une « agression » provoquée par la présence des cristaux dans les
capillaires glomérulaires a été évoquée pour expliquer la survenue des lésions
prolifératives
glomérulaires
(croissants
cellulaires,
glomérulonéphrite
extracapillaire) ;
Altération du pouvoir de concentration des urines et diabète insipide
néphrogénique : cette anomalie se manifeste par une polyurie (diurèse
87
supérieur à 3 l/j) et une hypernatrémie (Na > 145 mmol/l) et s’explique
probablement par des lésions tubulaires du tube collecteur ;
Troubles hydroélectrolytiques : hypercalcémie, hypocalcémie, hypokaliémie,
hypomagnésémie, hyperphosphorémie et hypophosphorémie.
Pour limiter le risque d’apparition d’une néphrotoxicité au PFA, il est
recommandé de réaliser une perfusion de 2 l de soluté isotonique 24 heures
avant chaque administration et de la poursuivre pendant l’administration du
médicament [102].
Les autres effets secondaires sont :
Troubles gastro-intestinaux : nausées, vomissements, diarrhée, pancréatite.
Élévation de l'amylase sérique.
Ulcérations génitales : il s'agit de lésions uniques ou multiples qui
disparaissent à l'arrêt du traitement.
Rarement :
convulsions,
anémie,
céphalées,
vertiges,
asthénie,
thrombophlébite, allongement de l'intervalle QT pouvant être à l'origine de
troubles du rythme cardiaque [95].
3.5.4.
Famciclovir
Les effets indésirables sont rares, comparables à ceux de l'ACV et du
ValACV [97].
88
3.6.
Interactions médicamenteuses
3.6.1.
Aciclovir
L'association de l’ACV à doses élevées avec des traitements
néphrotoxiques, doit être prise en compte et justifie une surveillance régulière de
la fonction rénale (majoration de la néphrotoxicité) [103].
3.6.2.
Valaciclovir
Une étude effectuée sur un nombre limité de volontaires sains a permis de
montrer que l'absorption digestive du valaciclovir n'est pas modifiée par les
topiques gastro-intestinaux.
L'association de valACV à doses élevées avec des traitements néphrotoxiques,
notamment immunosuppresseurs, doit être prise en compte et justifie une
surveillance régulière de la fonction rénale [95].
3.6.3.
Foscarnet
L'élimination du PFA peut être modifiée par les médicaments inhibant la
sécrétion tubulaire rénale.
L'administration de médicaments néphrotoxiques potentialise la toxicité
rénale du PFA (aminosides, amphotéricine B, pentamidine IV).
L'administration concomitante de médicaments hypocalcémiants et de
pentamidine accentue le risque d'hypocalcémie sous PFA.
Précautions d'emploi : Surveillance de la calcémie et supplémentation si
nécessaire [95].
89
3.6.4.
Cidofovir
L'association du CDV avec des médicaments néphrotoxiques, doit être
prise en compte et justifie une surveillance régulière de la fonction rénale
(majoration de la néphrotoxicité) [103].
3.6.5.
Famciclovir
Malgré le nombre limité d'études d'interaction réalisées, le risque de
survenue d'une interaction médicamenteuse avec le FCV apparaît faible [95].
90
4. TRAITEMENT DES DIFFERENTES MANIFESTATIONS
DE L’HERPES
Le traitement des différentes manifestations de l’herpès est résumé dans
le Tableau III.
Tableau III. Traitement des différentes manifestations de l’herpès [5].
Herpès progressif des personnes immunodéprimées
Traitement de la poussée × 5 à 10 j ou plus, selon
l’immunodépression
Traitement préventif *
Lésions résistantes à l’ACV
Traitement de la poussée × 5 à 10 j ou plus, selon
ACV i.v. 5 mg/kg/8 h
En 1re intention PFA 40 mg/kg/8
l’immunodépression Traitement préventif * Lésions
ou ACV p.o. 200 mg × 4/j
h
résistantes à l’ACV
ou ValACV 500 mg × 2/j
± TFT ou cidofovir (CDV) en
ACV i.v. 5 à 10 mg/kg/8 h
ou FCV 500 mg × 2/j
topique
ou ACV p.o. 200 ou 400 mg × 5/j
durant l’immunodépression
En 2e intention CDV i.v.
ou ValACV 500 mg × 2/j
ou FCV 500 mg × 2/j
Herpès oral
Gingivostomatite
Herpès labial récidivant (intérêt limité)
ACV (suspension orale) 15 mg/kg ou 200mg × 4 à
5/j selon que
l’enfant a moins ou plus de 2 ans
Traitement de la poussée
comprimés pris dès les
prodromes × 5 j
ValACV 500 mg × 2/j
ou ACV 200 mg × 5/j
ou FCV 250 mg × 2/j
Traitement suspensif quotidien
p.o.
ValACV 500mg × 1 voire 2/j
ou ACV 200 mg × 4/j
ou FCV 250 mg × 2/j
Réévaluation du traitement et des
doses après 6 mois ou
1 an
Herpès oculaire
Infection aiguë
Prévention des récidives
Topique : ACV / TFT / IdU / Ara-A / GCV / PCV/
Traitement suspensif quotidien p.o. × 12 mois
BVdU / CDV + Traitement p.o. dans les cas sévères
ACV 400 mg × 2/j ou ValACV 500 mg/j
ACV ou ValACV 500 mg × 2/j
Encéphalite aiguë nécrosante
Traitement d’urgence
ACV i.v. 15 (voire 20) mg/kg/8 h × 14 (voire) 21 j
Traitement d’urgence
ACV i.v. 20 mg/kg/8 h × 21 j
Traitement de consolidation (?)
ACV p.o. ou ValACV × 3 à 4 mois
Herpès du nouveau-né
Traitement de consolidation (?)
ACV p.o. 15 mg/kg ou 200 mg × 4/j
ou ValACV (hors AMM) × 3 à 4 mois
En cas d’insuffisance rénale, toutes les doses indiquées sont à adapter à la clairance de la
créatinine.
* Des doses quotidiennes supérieures d’ACV (800 mg × 4) ou de ValACV (2000 mg × 4)
sont utilisées pour prévenir l’infection par CMV des personnes immunodéprimées.
TFT : trifluorothymidine ; IdU : iododésoxyuridine ; Ara-A : adénine arabinoside ; GCV :
ganciclovir ; BVdU : bromovinyl désoxyuridine ; i.v. : intraveineux ; p.o : per os
91
4.1.
Traitement de l’herpès du nouveau-né
C’est une urgence thérapeutique, même dans les herpès initialement
localisés sous forme de vésicules cutanées en bouquet au niveau de la
présentation (de la tête ou du siège), en raison de la fréquence, de la rapidité et
de la gravité d’une dissémination secondaire. Par ailleurs, il faut savoir évoquer
l’herpès néonatal en l’absence de vésicules, et commencer le traitement devant
certains troubles neurologiques ou même respiratoires chez le nouveau-né. En
raison de résultats bien imparfaits – la mortalité à 1 an reste de 61 % pour une
forme disséminée et de 14 % pour une forme localisée à l’encéphale, avec un
développement normal à 3 ans chez 65 % et 45 % seulement des survivants à
ces deux formes [5, 104].
L’ACV est le traitement de choix. Il empêche la multiplication virale,
mais n’élimine pas le virus des corps cellulaires où il loge. La posologie
recommandée en période néonatale et dans les formes sévères est de 60 mg/kg
par jour en trois perfusions par voie veineuse. La durée du traitement est
habituellement de 14 à 21 jours (sous surveillance de la clairance de la
créatinine) [61].
4.2.
Traitement de l’encéphalite herpétique postnatale
Le traitement réduit la mortalité à 6 mois à 28 %, ce qui est encore trop.
Pour donner au malade toutes ses chances de guérison complète, il doit débuter
dès que le diagnostic est évoqué, lors de l’admission à l’hôpital, sans attendre le
retour du résultat de la PCR sur le liquide céphalorachidien. Ici aussi ont été
préconisés une augmentation des doses initiales d’ACV intraveineux (portées à
15 mg/kg/8 h, voire 20 mg/kg/8 h pour certains, si la clairance de la créatinine le
92
permet), une prolongation du traitement intraveineux sur 21 jours, et un relais
oral sur 3 à 4 mois [5, 105].
4.3.
Traitement de l’herpès génital
a.
Traitement de la primo-infection
En attendant les résultats de la culture virale et devant des lésions
cliniquement typiques un traitement symptomatique et spécifique peut être
prescris (Tableau. IV).
Le traitement symptomatique comporte des bains de siège aseptisants,
suivi d’un séchage doux puis l’application de crèmes émollientes voire d’une
pommade anesthésiante sur les lésions. Un sondage urinaire peut être nécessaire
pendant les premiers jours du soin.
Le traitement spécifique par voie orale est le ValACV (500 mg), 2
comprimés par jour en deux prise ou l’ACV (200 mg) 1 comprimé cinq fois par
jour pendant dix jours. La durée moyenne d’évaluation spontanée d’une primoinfection symptomatique est comprise entre cinq à dix jours (durée des douleurs)
et neuf à dix jours en ce qui concerne le portage virale. L’efficacité de l’ciclovir,
molécule historique, est indiscutable sur la durée de la douleur (réduction de un
à cinq jours) et du portage viral (sept jours), plus marquée encore s’il s’agit
d’une primo-infection vraie. Le traitement per os est équivalent au traitement
par voie intraveineuse et il n’y a aucun bénéfice à associer un traitement par voie
locale à un traitement par voie générale. Dans les essais comparés à l’ACV, le
ValACV a montré une efficacité comparable que se soit à 1000 mg × 2/j pendant
dix jours ou 500 mg × 2/j pendant sept jours. Enfin les rares essais ayant évalué
93
l’efficacité seule d’une créme à base d’ACV n’ont pas conclu à une supériorité
par rapport au placebo (excipient).
Le traitement de la primo-infection ne modifie pas en revanche l’histoire
naturelle de la maladie (fréquence et intensité des récurrences) chez l’homme.
Cependant, deux études chez l’animal ont montré que l’utilisation très précoce
de fortes doses d’ACV administrées lors de la primo-infection pouvant aboutir à
une réduction significative du nombre de neurones infectés de façon latente, du
nombre de copies du génome viral par neurone, et d’épisodes de réactivations.
Cet effet est clairement corrélé avec la précocité du traitement et s’estompe si le
traitement a débuté au-delà de 72 heurs. Dans ce modèle, la fréquence de
réactivation est étroitement corrélée à la quantité de neurones infectés de façon
latente [106].
Tableau IV. Traitement de l’herpès génital [106].
Primo-infection
Topique anesthésiant
Antiviral
ACV 1g/j en 5 prises pendant 10 jours
ou ValACV 1g/j en 2 prises pendant 10 jours
Récurrence
Antiviral
ACV 1g/j en 5 prises pendant 5 jours
ou ValACV 1g/j en 1 ou 2 prises pendant 5 jours
> 6 poussées/an
Antiviral
ACV 800 mg/j en 2 prises
ou ValACV 500 mg/j en 1 ou 2 prises
94
b.
Traitement des récurrences (Tableau. IV)
Le traitement d’une récurrence herpétique comporte un traitement locale
antiseptique et apaisant associé au traitement antiviral spécifique par ValACV
(500mg), deux comprimés par jours en une ou deux prise ou ACV (200 mg) un
comprimé cinq fois par jour pendant cinq jours. Le traitement antiviral permet
de raccourcir la durée du portage viral (un à deux jours) de la phase
symptomatique (un à deux jours) mais pas de la durée de la douleur. Il n’existe
pas de différance d’efficacité entre l’ACV et le ValACV. Ce dernier traitement
en raison d’une meilleure biodisponibilité, offre par contre l’énorme avantage
d’une simplification des prises.
En cas d’une récurrence ultérieure, et après diagnostic formel de l’origine
herpétique, la patiente peut auto-initier le traitement antiviral dès apparition des
prodromes ; la précocité de la prise du médicament en augmente en effet
l’efficacité [106].
c.
Traitement suppressif (Tableau. IV)
En cas de récurrence invalidantes et fréquentes (>6 épisodes cliniques par an), le
praticien peut être amené à proposé un traitement antiviral suppressif des crises
de récurrences par prescription d’une prise quotidienne d’un comprimé de
ValACV (500 mg) ou ACV 2 cp × 2 par jour pendant un an. Ce traitement
continu permet de diminuer l’excrétion symptomatique (93%) et l’excrétion
asymptomatique du virus (75%). A un an, le nombre de patients indemnes de
récurrences est de 45 à 65% contre 0 à 5% en l’absence de traitement. Il n’y a
pas, par contre, d’étude permettant d’évaluer l’effet d’un traitement préventif sur
la transmission du virus, ni d’ailleurs l’efficacité d’un traitement prophylactique
post-exposition. L’effet suppressif ne perdure pas après arrêt du traitement
95
antiviral. L’évolution de la maladie étant variable au cours de la vie pour un
individu donné, il est possible d’arrêter le traitement continu au bout d’un an
pour le réintroduire en cas de réapparition de crises invalidantes [106].
4.4.
Traitement de l’herpès oral
La gingivostomatite herpétique se traite par administration d’une
suspension orale d’ACV, aux doses de 15 mg/kg ou 200 mg × 4 ou 5 fois par
jour (selon que l’enfant a moins ouplus de 2 ans), cela durant une semaine. La
voie intraveineuse serait utilisée au début si l’intensité des lésions interdisait la
voie orale. La prévention d’un herpès labial fortement gênant peut être justifiée,
sur une période limitée (herpès solaire par exemple), par la prise quotidienne de
500 mg de valACV [5].
4.5.
Herpès cutanéomuqueux progressif des personnes
immunodéprimées
Sa gravité locale et générale (dissémination, surinfection bactérienne), et
le risque de sélection de mutants résistants lors du traitement curatif, justifient le
traitement préventif, particulièrement chez les personnes reconnues HSVséropositives. Pour ce traitement préventif, différentes posologies d’ACV se
sont révélées efficaces : 5 mg/kg ou 250 mg/m2 en intraveineux toutes les 8
heures, 200 mg par voie orale 3 à 4 fois par jour.
Ici comme ailleurs, la posologie est à adapter à la clairance de la
créatinine. En fait, le valACV (ou le FCV) doit trouver en ce domaine une place
de choix, d’autant que l’absorption digestive de l’ACV peut être
particulièrement mauvaise chez les patients greffés de moelle ou atteints de sida.
À noter que les traitements préventifs contre les infections à VZV ou CMV
96
couvrent également les HSV. La durée du traitement est celle de
l’immunodépression.
Le traitement curatif d’un herpès cutanéomuqueux progressif doit
intervenir le plus tôt possible, et être poursuivi assez longtemps à doses
suffisantes afin d’éviter la sélection de mutants résistants (généralement 7 à 10
jours). Les doses d’antiviral, pour ce qui est de l’ACV, sont, par voie veineuse
250 mg/m2 ou 5 mg/kg toutes les 8 heures, ou bien, pour les formes les moins
sévères, par voie orale 200 à 400 mg 5 fois par jour, cela chez le sujet aux
fonctions rénales normales. Pour le valACV, ce serait 1000 mg par jour [5].
4.6.
Traitement de l’herpès oculaire
On dispose depuis longtemps de préparations topiques d’antiviraux
antiherpétiques montrés actifs : l’ACV en pommade à 3 %, le ganciclovir en gel
à 0,15 %, le PCV en pommade à 3 %
Une surveillance ophtalmologique régulière recherche une éventuelle
toxicité ou une hypersensibilité locales. Le débridement peut être nécessaire.
L’adjonction au traitement antiviral topique d’un traitement antiviral oral (par
exemple, valACV 1000 mg par jour) est pratiqué par certains. L’association de
corticoïdes locaux, qui sont contre-indiqués pour les kératites superficielles
(risque de perforation cornéenne), est au contraire conseillée dans les formes
stromales et dans la nécrose rétinienne aiguë. Le choix de l’antiviral dépend du
coût, des antécédents d’intolérance et de l’efficacité de traitements antérieurs,
des habitudes du pays : l’IdU, bon marché, n’est pas toujours bien toléré et elle
est tératogène chez le lapin ; la TFT est largement utilisée en première intention
aux États-Unis, mais elle est contre-indiquée chez la femme enceinte ; l’ACV
pénètre bien le stroma cornéen et la chambre antérieure de l’œil ; l’adénine
97
arabinoside peut être efficace sur des souches TK– résistantes à l’IdU et l’ACV,
comme d’ailleurs la TFT et le CDV.
La nécrose rétinienne aiguë, de par sa gravité, exige la mise en route en
urgence d’un traitement antiviral intraveineux par ACV, voire par CDV si les
fonctions rénales le permettent. L’administration d’ACV oral, 400 mg deux fois
par jour sur 12 mois, réduit le risque de récidives, ce qui est particulièrement
intéressant dans les kératites stromales dont on a vu que la répétition peut
conduire à la cécité. Le valACV, à bonne pénétration oculaire, est également
utilisable, à la dose de 500 mg par jour.
Ainsi, la prise en charge de l’herpès oculaire, souvent délicate, est à faire
en milieu spécialisé mais il appartient au médecin généraliste d’en reconnaître
l’urgence et d’éviter la perforation cornéenne par l’administration inconsidérée
de corticoïde sur un œil rouge [5, 107].
5. RESISTANCE DES HSV AUX ANTIVIRAUX
5.1.
Epidémiologie de la résistance
Chez les patients immunocompétents, l’apparition d’une résistance à
l’ACV est peu fréquente malgré sa large utilisation.
La prévalence des souches résistant à l’ACV est estimée autour de 0,3 %.
Les HSV résistants sont le plus souvent isolés au cours d’infections génitales.
Quelques cas d’infections orolabiales dues à des souches résistant à l’ACV ont
cependant été décrits. Dans la très grande majorité des cas, l’apparition d’une
résistance à l’ACV survient chez les patients sous traitement. Ces souches
résistantes ne constituent pas un réel problème en clinique, car elles sont
98
rarement associées à un échec thérapeutique et dans la plupart des cas,
l’infection évolue favorablement.
Chez les patients immunodéprimés, les infections à HSV peuvent être
disséminées avec atteinte pulmonaire, hépatique ou encéphalique. Les cas de
résistance à l’ACV sont marqués par la sévérité de l’infection associée à une
augmentation de la morbidité et de la mortalité [73].
Les infections à HSV résistants peuvent survenir malgré un bon contrôle
immunovirologique de l’infection VIH et sont favorisées par la prise
d’antiviraux. Parmi les alternatives thérapeutiques, le FSC est le traitement le
plus efficace à condition d’être utilisé aux doses recommandées [108].
Des cas de résistance à l’ACV sont observes chez 5 à 7 % des immunodéprimés
en particulier les patients VIH traites au long cours pour des herpès chroniques
[109].
Les souches ACV-R sont résistantes à tous les nucléosides dont
l’activation, comme l’ACV, est dépendante de la TK virale (ValACV, FCV,
PCV, et ganciclovir) [86].
5.2.
Mécanisme de la résistance
La résistance à l’ACV peut être due à une perte totale de l’activité de la
TK (TK déficient), une altération de la TK (TK altérée) ou une altération de
l’ADN pol (ADN pol altérée). L’altération ou l’absence de TK se rencontre plus
fréquemment en clinique, et concerne 95 % des cas de résistance parce que la
TK n’est pas indispensable à la réplication virale contrairement à l’ADN pol. La
présence de mutations sur l’un de ces deux gènes est à l’origine d’une
modification de leur fonctionnalité [73].
99
a. Mutations localisées sur le gène de la TK
Les mutations qui surviennent sur le gène de la TK peuvent être des
additions ou délétions ou bien des substitutions de nucléotides. Dans 50 % des
cas de résistance impliquant la TK, les mutations sont constituées par une
addition ou par une délétion de nucléotides. Ces additions ou délétions
surviennent fréquemment sur des séquences d’homopolymères riches en
guanines (G) ou cytidines (C), plus rarement en adénines (A). Un mauvais
alignement des paires de bases est probablement à l’origine de ce mécanisme
mutationnel et l’ADN pol n’insèrerait pas, au niveau de ces homopolymères, le
nucléotide adéquat. Ces séquences répétitives constituent des points chauds pour
la survenue de mutations sur le gène de la TK et cela quelle que soit leur
localisation par rapport aux sites catalytiques. Le taux de mutations est
proportionnel au nombre de nucléotides successifs identiques. Les deux
homopolymères les plus longs du gène de la TK d’HSV1, constitués de sept G
au niveau des codons 145 et 146, et de six C localisés au niveau des codons 184
et 185 subissent ainsi fréquemment des insertions ou des délétions. La mutation
la plus décrite jusqu’à présent dans des isolats cliniques résistant à l’ACV est
localisée au niveau des codons 145–146. L’addition ou la délétion d’un
nucléotide conduit à un décalage du cadre de lecture entraînant, lors de la
traduction, la synthèse d’une protéine non fonctionnelle, tronquée ou allongée
[73].
Les mutants TK déficients les plus fréquents, n’ont plus d’activité TK, ils
ont un pouvoir pathogène atténué du fait de leur incapacité à créer une infection
latente et à se réactiver. Ils ne sont donc pas impliqués dans les formes
récurrentes d’herpès [76].
100
b. Mutations localisées sur le gène de l’ADN-polymérase
Les souches résistant aux antiviraux comportent des substitutions de bases
dans les régions conservées (II, III, VI) ou plus rarement dans les régions non
conservées (entre I et VII) du gène de l’ADN pol. La résistance des HSV faisant
suite à des mutations localisées sur le gène de l’ADN pol reste rare. La plupart
de ces souches résistantes ont été sélectionnées au laboratoire. Les mutations
survenant sur le gène de l’ADN pol peuvent être à l’origine d’une résistance au
PFA, d’une double résistance à l’ACV et au PFA et parfois d’une résistance
isolée à l’ACV. La région I de la sous-unité Pol inclut un motif Tyr–Gly–Asp–
Thr–Asp–Ser largement conservé dans la sous-famille des alphaherpesvirinae
qui est indispensable au maintien de la sensibilité aux antiviraux. Les régions II
et III regroupent la plupart des mutations associées à la résistance à l’ACV et au
PFA. Notamment, la mutation Ser724Asn (région II) est la plus fréquemment
décrite et elle est à l’origine d’une double résistance ACV–PFA [73].
Les mutants ADN pol sont beaucoup plus rares. Les quelques souches
dont les gènes ont été séquencés présentent des substitutions ponctuelles sur un
nucléotide, dans une région conservée, qui induisent une modification d’un
acide aminé.
Toutes ces analyses génétiques du support de la résistance des HSV aux
antiviraux ont montré :
1. Le polymorphisme du gène TK, plus important pour HSV1 que pour
HSV2.
2. La fréquence des mutations de ce gène dont le nombre n’est sans doute
pas fini et dont les conséquences sur le pouvoir pathogène, et la
101
réactivation sont variées. Ceci complique la détection génétique rapide
des souches ACV – R et justifie le suivi épidémiologique moléculaire des
souches résistantes in vitro et in vivo.
3. La résistance à l’ACV et produits dérivés amène à utiliser des antiviraux
ayant un autre mécanisme d’action, en particulier le PFA actif sur l’ADN
pol. Il en résulte que les mutations ADN pol peuvent être sélectionnées
non seulement par l’ACV (rares) mais aussi par le PFA (fréquentes). Leur
analyse génétique est encore débutante [76].
5.3.
Facteurs de risque d'acquisition de cette résistance
Les principaux facteurs de risque d'acquisition de cette résistance sont un
traitement antérieur par 1' ACV et un déficit profond de l'immunité cellulaire.
Les mutants résistants sont présents en quantité peu importante dans une
population sauvage et peuvent devenir dominant lors d'un traitement par ACV
au long cours, d'autant plus que celui-ci est donné à doses insuffisantes et chez
des patients fortement immunodéprimés. Ainsi, les souches résistantes à l'ACV
sont isolées en moyenne après 38 jours (10 à 54 jours) de traitement par ACV
contre trois jours (1 à 28 jours) pour les souches sensibles à l'ACV [63].
6. TRAITEMENT DES SOUCHES RESISTANTES
Des cas de résistance à l’ACV sont observés dans 5 à 7% des cas chez
l’immunodéprimé, en particulier chez les patients infectés par le VIH traités au
long cours pour des herpès chroniques [12].
L’alternative thérapeutique est alors, non pas le valACV, le FCV ni le
PCV, également dépendants de la TK herpétique pour leur indispensable
102
phosphorylation mais le PFA qui, analogue de pyrophosphate, agit directement
sur l’ADN pol virale [5].
En cas de résistance à l’ACV, le traitement par PFA est utile, mais
coûteux avec risque de toxicité. Il est réservé aux cas avec infections
cutanéomuqueuses extensives [110].
Il existe toutefois des souches mutantes d’herpès résistantes aux deux
molécules (ACV et PFA) : le CDV peut être alors utilisé avec succès [86].
7. PREVENTION
7.1.
Prévention de l’herpès génital
En l’état actuel, c’est celle de toute MST, qui repose sur l’éducation
sexuelle -commençant dès l’enfance avec des relations psychoaffectives
satisfaisantes – et par la suite, à défaut d’une fidélité réciproque et soutenue, sur
l’usage de préservatifs en cas de rapports sexuels occasionnels. Éviter les
rapports en cas de lésions génitales ne suffit pas, en raison de l’existence
d’excrétions virales asymptomatiques.
Dans le même sens, s’il a été prouvé, au sein de couples monogames
discordants en matière d’HSV2, que l’administration quotidienne de valACV au
partenaire souffrant d’herpès réduit significativement la transmission du virus au
partenaire sensible (dépourvu d’anticorps HSV2), on ne saurait extrapoler ce
résultat à la population générale et laisser croire qu’un large usage de l’ACV ou
du valACV suffirait à y enrayer la progression de l’herpès génital [5, 111].
7.2.
Prévention des récurrences d’herpès oculaire
Le risque de réactivation herpétique est déterminé par le nombre de
neurones infectés de façon latente dans les ganglions nerveux, lui-même corrélé
103
à la dissémination du virus lors de la primo-infection. La meilleure prévention
de la maladie oculaire serait donc de bloquer la réplication virale dès le contage,
par exemple, en administrant de fortes doses d’antiviraux (ACV) dès le
diagnostic porté [112].
7.3.
Prévention de l’herpès néonatal (Tableau. V) [5, 113-115]
Elle repose sur quatre mesures dont la mise en œuvre est d’inégale
difficulté. Les deux premières méritent d’être systématiques :
• l’éducation des futurs pères et mères pour éviter qu’ils contractent l’herpès
génital ;
• la désinfection des voies génitales maternelles avant l’accouchement
(polyvidone iodée ou chlorhexidine moussante, par exemple) ;
En revanche, les deux autres - la césarienne et l’administration d’ACV à la mère
et à l’enfant -, ne sauraient être considérées comme anodines et demandent du
discernement clinique.
En effet, la conduite à tenir dépend en fait de la situation de la mère, telle
qu’elle est établie par un interrogatoire et un examen clinique minutieux des
voies génitales lors du travail. Elle est représentée dans le (Tableau. V), inspiré
par la conférence de consensus de la Société de pathologie infectieuse de
Langue Française (SPILF) de 1993.
104
Tableau V. Herpès génital maternel : propositions pour éviter l’herpès néonatal
[5].
Quatre situations maternelles
I = Lésions d’infection génitale initiale,
dans le mois avant l’accouchement
II = Lésions d’herpès génital récidivant
à l’accouchement
III= Pas de lésions en prepartum, mais
histoire d’herpès génital, chez la mère
ou le conjoint
Fréquence
chez les
mères
d’enfant
infecté
Risque
d’herpès
pour
l’enfant
Rare
Environ 50%
≤2 %
+
Conduite proposée
Césarienne
ACV, pour la mère et l’enfant
Césarienne
Pas d’ACV, sauf facteur de gravité ou cas
particulier
Environ
++
1/1000
Préservatifs durant la grossesse
Recherche d’une excrétion génitale de
virus par culture lors du travail
Puis désinfection vulvovaginale
Et accouchement par voie basse,
atraumatique
IV = Aucune histoire d’herpès génital,
chez la mère ni chez le conjoint
+++
2/3 des cas
Environ
1/10000
Fidélité mutuelle et préservatifs durant la
grossesse, et pas de contacts orogénitaux
Désinfection vulvovaginale lors du
travail
Dans la situation I, la césarienne est à faire idéalement avant rupture de la
poche des eaux, sinon dans les 4 à 6 heures qui suivent. Au-delà, elle ne serait
cependant pas dénuée d’intérêt. Pourtant, même faite à temps, elle est prise en
défaut une fois sur 10, en raison d’une infection in utero par voie ascendante
transmembranaire ou par virémie transplacentaire, de sorte qu’on conseille
systématiquement le traitement de l’enfant par ACV intraveineux 20 mg/kg/8 h.
Il s’impose en cas de retard à la césarienne. Le traitement de la mère par ACV
s’impose aussi quand un herpès génital sévère fait craindre dissémination du
virus et hépatite maternelle.
Dans la situation II, on autorise l’accouchement par voie basse dès que les
lésions ne sont plus actives : « pas de lésion, pas de césarienne ». Sinon, c’est la
105
césarienne, sans ACV, sauf facteur de gravité ou cas particulier. Ces facteurs de
gravité sont la prématurité, une rupture prématurée de la poche des eaux, la pose
d’électrodes sur le scalp, d’importantes lésions cervicovaginales, un faible titre
d’anticorps sériques anti-HSV au cas où on les doserait. Le remplacement de la
césarienne par un traitement à l’ACV est à discuter, en cas de grossesse à venir
loin d’une maternité (risque de rupture utérine) chez certaines femmes
migrantes.
Dans la situation III, la recherche hebdomadaire systématique durant le dernier
mois de gestation est abandonnée, car elle ne donne pas d’information sur la
présence ou l’absence de virus dans les voies génitales maternelles à
l’accouchement. Les résultats de la culture parviendront quelques jours plus tard
et, si positifs, l’enfant sera traité par ACV. La PCR donnerait des résultats quasi
immédiats mais sa mise en œuvre systématique poserait des problèmes de
faisabilité 24 h/24, et en termes de conduite à tenir (plus sensible que la culture,
elle n’en a pas la signification en termes d’infectiosité).
On évite, sauf risque vital, le monitorage par électrode de scalp qui a pu
constituer une porte d’entrée pour le virus, de même que forceps ou ventouse. À
la naissance, on conseille d’initier chez l’enfant un traitement antiviral oculaire
(pommade ophtalmologique à l’ACV par exemple), de procéder, pour certains
auteurs, à un bain (polyvidone iodée moussante aussitôt suivi de rinçage pour
éviter une imprégnation iodée, ou chlorhexidine, et de rechercher, par
inoculation en culture de cellules, la présence de virus 24 à 36 heures après la
naissance (conjonctives, cavité buccopharyngée). Remise aux parents d’une
fiche de surveillance à domicile, sur 1 mois.
106
Quant au traitement préventif des récurrences à l’accouchement (menant à
la situation II), par ACV oral ou ValACV en fin de grossesse, il a fait l’objet
d’essais. Il réduit effectivement excrétion et césarienne pour récurrences. Il
apparaît pertinent au cas où la primo-infection est survenue en cours de
grossesse. Des indications trop larges conduiraient à une généralisation de ce
traitement (un quart des personnes, dans certaines populations, ont une histoire
d’herpès génital), aux conséquences encore indéterminées. En tout cas, il ne
saurait être « systématique ».
Le traitement par ACV en cours de grossesse, théoriquement contreindiqué, n’a pas eu d’effets néfastes pour l’enfant à court terme sur 1246 cas
colligés pour l’International acyclovir pregnancy registry, mais le recul
insuffisant pour juger du long terme incite à la prudence. Chez les femmes à
antécédent d’herpès génital (situation III), ont été entrepris des essais de
traitement suspensif par ACV oral durant les dernières semaines de grossesse,
pour éviter une récidive en prepartum (passage à la situation II) et par là une
césarienne. Les conclusions sont en faveur du traitement dans le cas particulier
où la première poussée d’herpès génital est survenue durant la grossesse en
cours, mais elles sont moins claires dans le cas général où l’herpès génital est
antérieur à la grossesse. À l’avenir, c’est le valACV qu’il faudrait évaluer, mais
cela sur une très vaste échelle si l’on veut arriver à une conclusion utile, tâche
d’autant plus malaisée qu’aucun cas d’herpès néonatal n’a été observé dans le
groupe placebo des études de prophylaxie des récurrences conduites jusqu’à
présent. D’autres voies mériteraient sans doute d’être explorées, comme
l’administration durant la grossesse d’un vaccin inactivé ou d’anticorps
monoclonaux neutralisants ou encore, perpartum, un traitement antiviral
107
relativement bref, à l’image de ce qui a pu être fait pour la prévention de la
transmission du VIH de la mère à l’enfant lors de l’accouchement.
Enfin, dans la situation IV, préservatifs (ou abstinence) sont à conseiller même
aux couples fidèles, à partir de la 34e semaine d’aménorrhée (la 28e pour
certains), les études sérologiques ayant montré des couples « virologiquement
discordants » malgré des années de vie commune, chez qui l’induction d’une
primo-infection maternelle peut survenir sans symptômes durant la grossesse.
7.4.
Vaccination anti-herpétique
7.4.1.
Les deux objectifs de la vaccination anti-herpétique
Il s’agit soit de protéger un individu non encore infecté par l’un ou les deux
types d’herpès (on parle alors de vaccin prophylactique), soit de diminuer le
nombre de récurrences cliniques et virologiques chez un sujet déjà infecté (on
emploie alors le terme de vaccin thérapeutique) (Tableau VI) [116].
Tableau VI. Objectifs d’un vaccin anti-HSV [116].
Vaccins prophylactiques
Vaccins thérapeutiques
Prévenir l’infection (la réplication virale)
Prévenir ou réduire la capacité de latence
Prévenir la primo-infection clinique
Prévenir ou réduire les récurrences (symptomatiques et
asymptomatiques)
Réduire les symptômes cliniques des récurrences
Réduire la fréquence des récurrences
Réduire l’excrétion virale lors des récurrences
(symptomatiques et asymptomatiques)
a. Vaccin prophylactique
Idéalement, ce type de vaccin devrait induire une immunité loco-régionale
(stérilisante) pour protéger l’individu de la primo-infection à HSV1 et HSV2 en
éliminant le virus au niveau des portes d’entrées (muqueuse génitale, nasale,
108
oropharynx, oculaire,…), avant qu’il ne pénètre dans le système nerveux
périphérique pour y établir sa latence. Cependant, la plupart des études sur
l’animal montrent que les vaccins prophylactiques actuellement disponibles,
préviennent la primo-infection clinique, mais n’empêchent pas totalement
l’entrée du virus dans le système nerveux et l’établissement d’une latence. Par
contre, cette protection non optimale semble diminuer la fréquence et la sévérité
des récurrences, probablement en diminuant l’intensité de la contamination
virale initiale des cellules nerveuses [116].
b. Vaccin thérapeutique
Ce type de vaccin peut se comparer à une immunothérapie. Il a pour objectif
de contrôler les conséquences cliniques de la réactivation virale pour réduire le
nombre et les symptômes cliniques des récurrences et donc d’améliorer la
qualité de vie des patients présentant un herpès hautement récidivant. Cette
stratégie exige sans doute des administrations répétées dans le temps mais ceci
peut être mis en balance avec les traitements suspensifs au long cours.
Théoriquement, ce type de vaccination appliqué aux patients souffrant d’un
herpès génital, pourrait également diminuer le risque de transmission de cette
MST [116].
7.4.2.
Un vaccin efficace contre l’herpès
On aimerait disposer d’un vaccin contre l’herpès, pour prévenir les primoinfections, raréfier ou atténuer les récidives, éviter la transmission mère-enfant.
En fait, nous en sommes toujours actuellement à des stades
expérimentaux, qu’il s’agisse de vaccins inactivés à partir de cultures cellulaires
infectées, de vaccins atténués génétiquement modifiés, de vaccins à base de
109
sous-unités constituées d’une ou plusieurs glycoprotéines d’enveloppe, ou de
vaccins à base d’ADN viral nu.
Il est a priori difficile de vacciner contre une infection virale localisée, à
porte d’entrée sexuelle, capable de latence et n’empêchant pas, d’après certaines
observations, des réinfections exogènes par des souches de même type. De fait,
le dernier des grands essais de vaccin de phase III a donné des résultats mitigés.
Il s’agissait du vaccin de GlaxoSmithKline administré contre l’herpès génital à
titre prophylactique, à des personnes dont le conjoint avait une histoire d’herpès
génital. C’était un vaccin subunitaire à base de la glycoprotéine d’enveloppe D
de l’Herpès simplex virus de type 2 (gD2), sous forme recombinante tronquée ;
il comprenait un adjuvant de type Th1, associant de l’alun et du lipide A
monophosphorylé 3-désoxy-acétylé (3d-MPL-A).
Cet essai comportait deux études. La première ne s’adressait qu’à des
personnes dépourvues d’anticorps sériques contre les deux types d’HSV, tandis
que pour la seconde n’intervenait aucune sélection selon le statut sérologique.
Les témoins ne recevaient que de l’adjuvant. Si ce vaccin a été bien toléré et a
suscité une réponse humorale et cellulaire, il n’a, au terme de 19 mois, entraîné
de protection que des femmes séronégatives pour les deux types d’HSV (taux de
protection de 73 et 74 % dans les deux études). L’absence de protection
démontrée des femmes séronégatives pour l’HSV2 mais séropositives pour
l’HSV1, ainsi que des hommes quel qu’en ait été le statut sérologique,
déconvenue indéniable, fermait, en l’état, toute perspective de vaccination
universelle contre l’herpès génital.
110
Par ailleurs, l’analyse des témoins de l’étude 2 avait confirmé la notion classique
qu’une sérologie HSV1 positive réduit le risque ultérieur de poussée d’herpès
génital.
La différence des résultats selon le sexe a fait discuter le rôle de
particularités concernant la voie de pénétration ou la réponse immunitaire chez
la femme. Celle-ci offre en effet des surfaces muqueuses plus étendues,
dépourvues de stratum corneum, mais baignées de sécrétions pouvant apporter
anticorps et cellules immunes. D’autre part, la réponse immunitaire de type Th1
est généralement plus marquée chez elle que chez l’homme.
On peut cependant considérer qu’un démenti vient d’être apporté à la
prédiction pessimiste selon laquelle l’herpès génital échapperait à toute tentative
de vaccination aisée par voie parentérale : c’est le succès récent des essais de
vaccin contre les papillomavirus humains hautement oncogènes, annonçant à
court terme la mise à disposition du deuxième vaccin contre le cancer. La quête
du vaccin contre l’herpès n’est donc pas vaine [5, 117].
Mais il faut admettre que la vaccination contre l’herpès souffre de la
concurrence, avec :
le ValACV, qui réduit non seulement la fréquence des récurrences génitales,
mais aussi le risque de contamination du partenaire ;
le préservatif masculin, qui quoiqu’on ait pu en dire, a donné après des
décennies d’utilisation empirique la preuve scientifique de son efficacité
[118].
111
CONCLUSION
112
Malgré la chimiothérapie antivirale, l’infection à herpes simplex virus
HSV reste un problème de santé publique préoccupant, particulièrement l’herpès
génital, du fait de ses conséquences sociales et psychologiques, et de sa
contribution à l’herpès du nouveau-né, ainsi sans doute qu’à la propagation du
VIH et du sida.
L’infection herpétique la plus répandue est l’infection orale à HSV1,
apparaît moins préoccupante, en ce qui concerne ses manifestations cliniques,
malgré la gingivostomatite qui survient dans 10 % des primo-infections et les
récurrences sous forme d’herpès labial récidivant, source d’inconfort important
chez certaines personnes.
Notons que dans les conditions naturelles, l’infection orale par HSV1, qui
survient généralement dans l’enfance, donne ultérieurement vis-à-vis de
l’infection génitale par l’HSV2 une protection partielle mais intéressante, se
traduisant par une moindre intensité des manifestations cliniques lors de
l’infection génitale initiale et par un moindre risque de transmission de
l’infection génitale de la mère au nouveau-né.
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