INTRODUCTION 1 L'herpès constitue un problème de santé publique préoccupant, c’est une affection virale en constante progression notamment l’herpès génital [1,2]. Les Herpesviridae humains sont regroupés en trois sous-familles, les Alphaherpesvirinae (dont l’herpès simplex virus (HSV) de type 1 et 2), les Bétaherpesvirinae et les Gammaherpesvirinae. Ce sont les HSV1 et HSV2 qui, seuls, nous intéresserons ici [3]. Classiquement, HSV1 infecte plutôt la partie supérieure du corps et HSV2 plutôt la région génitale, responsable d’une infection sexuellement transmise (IST) et de l’herpès du nouveau-né contaminé au passage de la filière génitale. Cette distinction n’est pas absolue car on peut isoler HSV1 de lésions génitales. L’herpès génital est actuellement la première cause d’érosion/ulcération génitale dans les pays développés. La contamination survient surtout dans les deux premières décennies de la vie sexuelle [4]. Parmi les objectifs de notre travail : Comprendre la physiopathologie de l’infection herpétique ; Connaitre les différentes méthodes utilisées pour le diagnostic clinique et virologique des différentes manifestations herpétiques ; Faire le point sur les différents moyens thérapeutiques utilisés pour le traitement et la prévention des primo-infections et des récurrences. 2 A - GENERALITES 3 1. CLASSIFICATION L’herpès fait intervenir les deux Herpès simplex virus, de type 1 (HSV1) et de type 2 (HSV2). Ses manifestations cliniques si diverses, dont quelquesunes dramatiques, sont en contradiction avec la dénomination d’herpes (simplex). HSV1 et HSV2 font partie des huit herpès virus humains (Figure 1) ceux-ci appartiennent à la vieille famille des herpesviridae, grands virus enveloppés à ADN [5,6]. Les herpesviridae humains sont regroupés en trois sous-familles : les α-herpesvirinae (dont l’herpès simplex virus (HSV) de type 1 et 2 et le virus de la varicelle et du zona (VZV) ; les β-herpesvirinae (Cytomégalovirus (CMV)) ; et les γ-herpesvirinae (Virus Epstein-Barr (EBV) et l’herpès virus humain 8 (HHV8)) [3,7]. Figure 1. Classification des herpès virus humains [5]. Les virus humains sont représentés en rouge. 4 2. STRUCTURE DU VIRUS HSV 2.1. Particule virale ou virion La morphologie des HSV est celle de tous les herpèsvirus. Le virion a 120 à 200 nm de diamètre (Figure 2). La capside, protéique, de 100 nm de diamètre, est icosaédrique (polyèdre régulier à 20 faces, 12 sommets, 30 arêtes); son nombre de triangulations T est égal à 16, avec 162 capsomères (5 par arête), dont 12 pentons (un par sommet) et 150 hexons (Figures 3 et 4). La structure icosaédrique confère aux capsides une énergie libre minimale et par là une grande stabilité. La VP5 (VP pour protéine constitutive de la particule virale ou virion), protéine majeure de capside des HSV (produit du gène UL19) entre dans la constitution des hexons et de 11 des 12 pentons. Un 12 e penton, constitué du produit du gène UL6, est le « portail », creusé d’un canal par où entre le génome viral lors de son encapsidation. Les capsomères sont reliés à leur base par un hétérotrimère constitué d’une molécule de VP19 (produit du gène UL38) et de deux molécules de VP23 (produit du gène UL18). L’enveloppe est faite d’une bicouche lipidique, dérivée par bourgeonnement de la lamelle interne de la membrane nucléaire puis des membranes cytosoliques de la cellule infectée ; elle porte un millier de courtes spicules formées d’au moins 12 glycoprotéines virales (gB à gM) et de plusieurs protéines virales non glycosylées. Le tégument, entre capside et enveloppe, de structure fibrillaire, est fait d’une douzaine de protéines [3,5]. 5 Figure 2. Particule virale complète d’HSV [8]. Figure 3. Icosaèdre [5]. 6 Figure 4. Structure schématique des herpesviridae [5]. 2.2. Enveloppe virale : élément de résistance ? À cause de sa bicouche lipidique d’origine cellulaire, c’est un élément, non pas de protection, mais de fragilité ; « talon d’Achille » des virus à enveloppe, elle rend compte de la sensibilité des Herpesviridae aux solvants des lipides, aux détergents, aux désinfectants usuels, aux pH extrêmes, à la chaleur et à la dessiccation. D’où leur inactivation rapide dans le milieu extérieur et dans le tube digestif. Les HSV sont donc transmis par des contacts interhumains intimes, oraux ou sexuels [5]. 7 2.3. Génome Le génome des herpès virus humains est un acide désoxyribonucléique (ADN) à double brin, enroulé autour de protéines basiques, l’ensemble constituant le nucléoïde ou core. Sa taille varie de 125 kbp pour le VZV à 230 kbp pour le CMV. Il code ainsi de 70 à 200 protéines. Il comporte, pour la plupart des virus, des séquences répétées, terminales et/ou internes, disposées selon six modes définissant les classes A à F (Figure 5). Le contenue du génome en guanine-cytosine (G-C) varie de 42% pour le CMV à 68% pour l’HSV1 et 69% pour l’HSV2 [5,9]. Figure 5. Les six classes de génomes d’Herpesviridae [5]. 8 Pour les HSV qui appartiennent à la classe E, le génome, de 152 kpb environ, comporte deux segments, long (L) et court (S), liés de façon covalente. Chaque segment a une séquence unique (UL et US) et des séquences répétitives inversées, terminales ou internes : ab et b’a’ de part et d’autre de l’UL, et a’c’ et ca de part et d’autre de l’US. L’orientation respective des segments L et S varie, ce qui conduit pour un même virus à faire coexister quatre populations de molécules isomériques [5,10]. 2.4. Les récepteurs cellulaires de HSV Comme tous les alphaherpesvirinae, l’HSV infecte in vitro une grande variété de types cellulaires, et de nombreuses espèces animales sont expérimentalement susceptibles à l’infection. L’étape initiale de l’interaction entre le virus et la cellule hôte est la liaison d’une glycoprotéine d’enveloppe, la gC, aux glycosaminoglycanes présents à la surface cellulaire, particulièrement les héparanes sulfates (HS) (Figure 6). Quatre glycoprotéines, les gB, gD, gH et gL, sont ensuite nécessaires à la fusion entre la membrane cellulaire et l’enveloppe virale, qui permet la pénétration du virus dans la cellule. Plusieurs molécules ont été tout récemment identifiées comme étant des récepteurs pour l’entrée du virus dans les cellules. Les récepteurs caractérisés à ce jour dans les cellules humaines, interagissent tous avec la gD. Les récepteurs identifiés appartiennent à des grandes familles de molécules non apparentées, qui jouent des rôles différents au cours de l’infection herpétique. Une de ces molécules, appelée initialement herpesvirus entry mediator (HVEM), puis herpesvirus entry protein A (HVEA), est un nouveau membre de la famille des récepteurs au facteur de nécrose tumorale (TNF). Ce récepteur ne permet l’entrée que d’un petit nombre de souches virales, et son expression est 9 restreinte à quelques types cellulaires (en particulier les lymphocytes) [11]. Deux autres protéines sont des membres de la superfamille des immunoglobulines (Ig) la nectine-1 et la nectine-2 [5]. Figure 6. Les récepteurs cellulaires de HSV [5]. 3. INFECTIONS HERPETIQUES ET REPONSE IMMUNE [12] 3.1. Réponse humorale La primo-infection herpétique, premier contact avec HSV, est suivie de l’apparition relativement tardive d’anticorps spécifiques : environ 10 jours pour les IgM, et 15 jours pour les IgG et les IgA. Les IgM disparaissent en 3 mois, alors que les IgG sont persistantes. Ces anticorps anti-HSV peuvent limiter l’infection, mais n’empêchent pas la diffusion du virus et ne protègent nullement l’individu contre les récurrences et les réinfestations. Ils ne jouent aucun rôle 10 dans l’infection latente. Cependant, dans les modèles animaux, ils limitent les réinfections par des souches exogènes, et jouent un rôle majeur en bloquant la diffusion du virus vers le système nerveux. Les anticorps anti-HSV1 apparaissent dans l’enfance, alors que les anticorps anti-HSV2 apparaissent dès le début de l’activité sexuelle, à partir de l’âge de 15 ans. L’intérêt diagnostique de la sérologie herpétique classique détectant les anticorps anti-HSV dirigés contre des antigènes communs aux deux types est limité, car elle ne permet pas de les distinguer. Seule une séroconversion a une valeur diagnostique au cours d’une primo-infection herpétique. La sérologie herpétique n’a aucun intérêt dans les récurrences. Les glycoprotéines d’enveloppe sont les antigènes essentiels impliqués dans l’immunité humorale. Les glycoprotéines gG, qui ont une homologie de séquence de 60 % entre les deux sérotypes HSV, sont utilisées dans des tests sérologiques spécifiques de type, récemment développés, utilisant comme antigènes les glycoprotéines d’HSV1 (gG1) et d’HSV2 (gG2) pour différencier les deux types d’infection virale. 3.2. Immunité cellulaire La réponse immunitaire cellulaire joue un rôle majeur dans le contrôle de la sévérité de l’infection par l’Herpès simplex virus, aussi bien lors de l’infection primaire que lors des récurrences. Chez les sujets immunodéprimés, les infections HSV sont plus sévères, chroniques ou disséminées, ce qui n’est pas le cas des déficits humoraux isolés. Des ulcérations chroniques sévères dues à HSV chez des patients infectés par le virus de l’immunodéficience humaine 11 (VIH) traduisent un profond déficit immunitaire (CD4<200/ml). Les lymphocytes CD4 prolifèrent en réponse à l’antigène HSV, mais la réponse cellulaire cytotoxique n’empêche pas la réactivation et les récurrences, au cours desquelles la réponse immune ne survient que lorsque des lésions cytopathiques se produisent au niveau de la peau : elle peut alors réduire l’intensité des lésions périphériques à un niveau infraclinique. 4. POUVOIR ONCOGENE Comme la plupart des herpèsvirus, les HSV ont un pouvoir transformant, mais il s’agit pour eux d’une propriété qui s’est avérée purement expérimentale : des fragments de génome viral sont capables de transformer en culture in vitro des fibroblastes de rat qui, greffés à l’animal, induisent des tumeurs. Cependant, il s’agit de fragments différents pour HSV1 et HSV2, sans séquence codante pour certains, ou de taille trop réduite pour cela, sans intégration dans le génome cellulaire. D’où l’hypothèse de lésions cancérigènes du génome cellulaire par l’action directe de fragments de génome viral ensuite éliminés, donc « en passant », par un mécanisme dit de « hit and run ». En fait, aucune tumeur humaine n’a pu être attribuée à l’HSV1 ni à l’HSV2, l’EBV et l’HHV8 étant les seuls herpèsvirus oncogènes chez l’homme. Désormais, la prévalence élevée des anticorps sériques anti-HSV2 chez les femmes atteintes de cancer du col utérin n’est plus considérée que comme un marqueur de comportement sexuel à risque, exposant à l’infection par les papillomavirus humains qui, eux, sont indubitablement en cause dans ce type de cancer [13,5]. 12 5. LA NEUROVIRULENCE La neurovirulence potentielle de HSV est à l’origine de pathologies rares mais sévères en clinique humaine : méningites, encéphalites, et rétinites. Les déterminants de la neurovirulence sont certainement multiples et interviennent à toutes les étapes de l’infection : entrée du virus, multiplication locale dans les tissus périphériques, dissémination vers le système nerveux, échappement à la réponse immune de l’hôte. Il existe probablement des facteurs d’hôte et des facteurs viraux qui participent à cette propriété. Parmi les premiers facteurs viraux impliqués dans la neurovirulence expérimentale, il faut citer les gènes codant les protéines liées à la réplication enzymatique, ADN polymérase (pol) et thymidine kinase (TK). Ces deux protéines sont essentielles à la réplication virale dans les neurones postmitotiques, qui ne possèdent pas l’équipement enzymatique nécessaire pour suppléer leurs fonctions : des mutations de ces deux protéines limitent la virulence de l’infection. Le mécanisme d’action d’un autre gène de virulence d’HSV a été récemment découvert et illustré dans un modèle d’interaction virus-hôte : il s’agit du gène γ34.5 codant la protéine ICP34.5 (ICP pour infected cell protein) [11]. 13 B - ÉPIDEMIOLOGIE 14 1. TRANSMISSION D’HSV L’HSV est un virus à ADN dont on connaît deux types, HSV1 et HSV2 [4]. L’HSV1 est responsable des herpès oral et oculaire, mais des infections HSV2 sont possibles dans cette localisation, tandis que HSV2 est responsable des lésions de la partie inférieure du corps (organes génitaux, fesses) et des infections néonatales. La proportion de l’HSV1 dans l’herpès génital varie en fonction des habitudes sexuelles. L’HSV1 se transmet par contact direct (le plus souvent contact oral) avec un sujet excrétant du virus lors d’une primo-infection, d’une récurrence ou d’une excrétion virale asymptomatique présente aussi dans la salive. L’excrétion virale qui suit une primo-infection orale dure 8 à 20 jours. Elle est plus élevée dans les premières heures de formation des vésicules, et décroît ensuite. Les sports de contact (lutte, rugby) sont des circonstances possibles de contamination. La fréquence accrue des pratiques orogénitales favorise l’infection génitale à HSV1 (15 à 40 %). La transmission d’HSV2 se fait par contact génital (La transmission directe du virus lors d’une insémination de sperme frais d’un donneur infecté à une receveuse séronégative a été rapportée) et aussi par contact orogénital, c’est une maladie sexuellement transmissible. La probabilité de transmission après un contact est inconnue, mais elle est beaucoup plus probable si les symptômes cliniques sont présents, qu’il s’agisse d’une primo-infection ou d’une récurrence. Cependant, l’excrétion virale asymptomatique est un facteur majeur de transmission d’HSV2. La femme apparaît plus exposée à la transmission sexuelle de l’herpès que l’homme, sans doute en raison d’une plus grande surface de la muqueuse génitale (la transmission est plus fréquente dans le sens 15 homme-femme [19 %] que dans le sens femme-homme [4,5 %]). Par ailleurs, 70% des contagions surviennent en période d’excrétion virale totalement asymptomatique. De plus, une infection HSV1 antérieure a un effet protecteur relatif vis-à-vis de la transmission d’HSV2 (antigénicité croisée) [8,14]. La transmission de l’herpès au nouveau-né se fait : – par passage transplacentaire lors d’un premier épisode sévère d'infection herpétique; – par voie transcervicale ascendante à partir de lésions du col utérin, favorisée par la rupture des membranes (les membranes peuvent toutefois être intactes). L'atteinte fœtale est alors corrélée à la durée d'exposition: rare avant 4 heures de rupture et constante après 24 heures de rupture; – par contact direct avec des lésions virales lors du passage dans la filière génitale ou durant le post-partum à l’occasion de manipulations du nouveau-né par un porteur de virus [15]. 2. RESERVOIR DE L’INFECTION A HSV Ces virus enveloppés, donc fragiles, et strictement humains, ont pour réservoir les personnes infectées qui les abritent dans les ganglions sensitifs (ganglion de Gasser pour HSV1 et ganglions sacrés pour HSV2), les excrètent par intermittence au niveau oral ou génital, et les transmettent par contacts interpersonnels rapprochés, intimes [5]. 3. LA PREVALENCE La prévalence des anticorps spécifiques, et donc de l’infection latente dans les populations, varie grandement selon l’âge, les mœurs, les pays et le type d’HSV [5]. 16 a. L’âge En ce qui concerne l’HSV1, l’infection survient tôt dans l’enfance dans les populations pauvres où, chez l’adulte, la prévalence des anticorps HSV1 varie de 70 % à 80 %, voire 95 % dans certains pays. Dans les populations aisées, l’infection, plus tardive, entraîne chez l’adulte une prévalence des anticorps HSV1 de 40 à 60 %. L’épidémiologie de l’HSV2 est celle d’une infection sexuellement transmissible : la prévalence des anticorps HSV2, nulle dans l’enfance, est chez l’adulte fonction du nombre de partenaires: de nulle pour les couples rigoureusement exclusifs et les personnes vierges, elle peut atteindre 90 % en cas de multipartenariat. Après 35 ans pour les femmes et 45 ans pour les hommes, on notait une stabilité de la prévalence vis-à-vis des deux types d’HSV [5]. b. Sexe La femme apparaît plus exposée à la transmission sexuelle de l’herpès que l’homme, sans doute en raison d’une plus grande surface de la muqueuse génitale. En France, une enquête nationale a indiqué une prévalence globale des anticorps anti-HSV2 de 13,7 % chez l’homme et de 17,9 % chez la femme [5, 16, 17]. c. Répartition géographique Au sein du monde développé, la prévalence de l’infection génitale à HSV est en hausse [18]. 17 La séroprévalence d’HSV2 varie entre pays développés et pays en voie de développement et entre même entre pays industrialisés : 5 à 15 % en Europe de l’Ouest et au Japon ; 10 à 30 % aux États-Unis, en Europe de l’Est, au Maroc, en Asie du Sud/Est, en Afrique de l’ouest ; 30 à 50 % en Amérique du Sud ; 40 à 80 % en Afrique Centrale et en Afrique du Sud [19]. Dans notre pays, la prévalence de l’herpès ne peut être définit en l’absence d’études faites à l’échelle nationale [20]. 4. LES FACTEURS DE RISQUE D’INFECTION A HSV2 Les facteurs de risque d’infection à HSV2 sont : - la race noire ; - le sexe féminin ; - la précocité du premier rapport sexuel ; - le nombre de partenaires sexuels ; - les antécédents d’IST ; - l’infection à VIH (une sérologie VIH doit être systématiquement proposée à un patient consultant pour herpès génital) ; - un niveau socio-économique bas [4]. 5. CO-INFECTION HSV-VIH L’herpès génital est devenu l’IST la plus fréquente chez les personnes infectées par le VIH. On estime qu’une IST, ulcérative ou non, augmente le risque de transmission du VIH de 3 à 5 fois. 18 Cette co-infection fréquente VIH et HSV2 résulte pour une part du même mode de transmission sexuelle des deux virus, mais aussi de facteurs inflammatoires et tissulaires qui augmentent la contagiosité. Cette interaction entre les deux virus n’est pas seulement épidémiologique, mais clinique, évolutive et réciproque. L’infection HSV2 est susceptible de stimuler la réplication du VIH avec augmentation de la charge virale muqueuse et plasmatique. Réciproquement, il est bien établi que l’infection VIH aggrave, par l’immunodépression qui l’accompagne, la maladie herpétique en majorant la fréquence et l’expression clinique des récurrences (ulcération chronique) et en augmentant l’excrétion virale asymptomatique. Ces formes ulcéreuses chroniques et extensives touchent 15 à 30 % des patients infectés par le VIH [8,21]. La co-infection par le VIH modifie l’aspect classique des lésions. Plus l’immunodépression augmente, plus les lésions sont fréquentes, étendues, douloureuses, chroniques et récidivantes [22]. Le traitement suppressif de HSV2 pourrait réduire la transmission sexuelle du VIH-1 [23]. 6. HSV ET AUTRES MST Des antécédents de MST (gonococcie, chlamydiose, syphilis) sont fréquemment retrouvés chez les patients infectés par l’HSV2. Une séropositivité HSV2 est un marqueur de risque d’acquisition d’une MST en général [16]. Une infection HSV2 est aussi un facteur de risque pour l’acquisition d’une infection par le virus de l’hépatite C, comme une étude vient de le souligner [12]. 19 C - PHYSIOPATHOLOGIE 20 1. DEFINITIONS Avant d’aller plus avant, voici quelques définitions qui caractérisent les modalités de l’infection [3,19] : – primo-infection herpétique : premier contact infectant muqueux ou cutané, symptomatique ou asymptomatique, avec le virus HSV1 ou HSV2 ; – infection initiale non primaire : premier contact infectant symptomatique ou non avec le virus HSV1 ou HSV2, chez un sujet préalablement infecté par l’autre type viral ; – récurrence : expression clinique d’une réactivation virale chez un patient préalablement infecté par le même type viral ; – excrétion virale asymptomatique : détection d’HSV1 ou HSV2 en l’absence de signes fonctionnels ou de lésions visibles ; – réactivations : périodes de réplication virale, séparées par des périodes de latence, survenant soit sous la forme de récurrence clinique, soit sous la forme d’excrétion virale asymptomatique. 2. CYCLE EVOLUTIF DE L’INFECTION HERPETIQUE Ces virus neurotropes présentent la particularité de persister après la primoinfection. Après la lésion cutanéomuqueuse, le virus infecte les fibres cutanées des neurones sensitifs jusqu’au corps du neurone dans les ganglions spinaux. Ils y persistent à l’état quiescent (latence) et sont capables de se réactiver périodiquement [24]. Les manifestations de l’herpès se résument habituellement à des signes cutanéomuqueux avec leur séquence particulière (Figure 7): 21 La primo-infection ; La latence ; Les récurrences par réactivation virale [25]. Figure 7. Cycle évolutif de l’infection herpétique [8]. 22 2.1. Primo-infection La primo-infection survient généralement dans l’enfance par contact avec l’entourage familial pour l’HSV1 et à partir de la période d’activité génitale pour l’HSV2. Dans la majorité des cas, elle reste inapparente. Elle peut cependant entraîner des manifestations variées à type d’herpès néonatal disséminé, de stomatite du nouveau-né, d’encéphalite [26]. Elle correspond à un premier contact avec l’un des deux types viraux et s’accompagne d’une séroconversion, à la différence du premier épisode non primaire qui correspond au premier contact chez un sujet ayant déjà des anticorps anti-herpès dirigés contre l’autre type viral [16,27]. Au cours de la primo-infection, l’enveloppe fusionne avec la membrane cellulaire des kératinocytes muqueux ou épidermiques, la capside est transportée jusqu’aux pores nucléaires, le génome viral est libéré et transféré dans le noyau cellulaire où il est circularisé. C’est là que débute la réplication du virus, qui exprime 70 protéines au cours d’un cycle productif qui dure 18 à 20 heures [12]. Dans la primo-infection, la durée de l’excrétion virale est en moyenne de 8 jours mais peut atteindre 20 jours.Dans son repère ganglionnaire, le virus herpétique est très peu accessible au système immunitaire et aux thérapeutiques [4]. 2.2. Phase de latence Les herpès virus sont des causes d’infection latente chez les personnes immunocompétentes. Ils ont la capacité de persister à vie chez leur hôte, grâce au phénomène de latence virale [28]. À partir du site épithélial initialement infecté, le virus gagne rapidement les neurones des ganglions sensoriels concernés : ganglions de Gasser, cervical 23 supérieur, plexiforme et thoraciques pour HSV1 (Figure 8), lombosacrés pour HSV2. À une phase initiale de prolifération virale au sein des ganglions fait suite rapidement la phase de latence, en 15 jours. Le virus persiste alors à l’état déprimé, c’est-à-dire sans capacité à s’exprimer. Les immunités humorale et cellulaire interviennent pour limiter la prolifération virale. Cependant, ces mécanismes de protection se révèlent insuffisants en cas d’exposition aux facteurs déclenchants (Figure 9) [11,26]. Figure 8. Latence ganglionnaire de l’HSV1 [5]. 24 Figure 9. Latence des herpèsvirus [5]. La latence donne au virus un avantage majeur : il échappe à la réponse immune humorale et cellulaire de l’hôte infecté, mais également à l’action des drogues antivirales qui, à ce jour, agissent uniquement sur la réplication [11]. Durant l’infection latente, il n’y a ni réplication de l’ADN, ni expression de protéines virales, mais transcription d’ARN viraux particuliers, anti-sens, les LATs (pour latency associated transcripts). Ce sont des ARN sans queue de 3’ poly-adénines (A) et pourtant étonnamment stables, et accumulés en grand nombre dans le noyau des neurones [5,29]. La présence de LAT, semble participer au blocage de la maturation des transcrits ICP0 nécessaires à la réactivation virale [30,31]. 25 2.3. Réactivation, récurrences Après une infection aiguë initiale du ganglion avec forte réponse inflammatoire, le virus persiste à vie dans le noyau des neurones sous forme d’ADN épisomal, molécule circulaire, non intégrée aux chromosomes cellulaires, mais associée à des nucléosomes. Cette infection latente dans le ganglion sensitif donne des réactivations qui font intervenir la protéine α ICP0, par différents mécanismes conduisant à l’activation de la transcription des gènes β et γ : interviendraient une coopération avec l’ICP4, une dégradation de protéines cellulaires (corps ND10) liées aux ADN étrangers, viraux en l’occurrence, pour en réprimer l’expression. Le virus ainsi produit regagne alors la périphérie par voie neuronale centrifuge (antérograde) (Figure 10), porté par un nanomoteur à kinésine, pour donner au site de la primo-infection une réinfection endogène, soit symptomatique (récurrence), soit asymptomatique (simple excrétion salivaire ou génitale de virus) [5, 32, 33]. Figure 10. Réactivations de l’infection orale par HSV1 [5]. 26 2.4. Les facteurs de réactivation Les facteurs de réactivation connus sont : un épisode fébrile ; le stress, une anesthésie générale, un rapport sexuel (pour l’herpès herpès génital), une infection, les menstruations, un état d’immunosuppression (cancers, leucémies, infection par le VIH). Pour l’atteinte ophtalmologique : l’exposition aux ultraviolets, une chirurgie oculaire, un traumatisme oculaire, un traitement local par corticoïdes ou analogues de prostaglandines. Les b-bloquants sont en revanche connus comme favorisant la régression des lésions herpétiques [26]. 3. CYCLE DE REPLICATION D’UN HSV [5, 34-37] 3.1. Attachement et fusion-lyse L’attachement du virus fait intervenir les glycoprotéines d’enveloppe (Figure 11). La gB et la gC (produits des gènes UL27et UL44, respectivement) se lient aux glycosaminoglycanes présents à la surface cellulaire, puis la gD (gène US6) se lie à des corécepteurs cellulaires identifiés comme étant d’une 27 part des molécules appartenant à la superfamille des récepteurs au TNF, et d’autre part des molécules apparentées au récepteur des poliovirus, appartenant à la superfamille des immunoglobulines. La fusion entre enveloppe virale et membrane cytoplasmique nécessite ensuite la présence des gB, gH et gL (produits des gènes UL27, UL22 et UL1, respectivement). Figure 11. Cycle de réplication d’un HSV : attachement [5]. Ces deux opérations (attachement et fusion-lyse) font intervenir sur le versant viral des glycoprotéines d’enveloppe et sur le versant cellulaire des héparanes sulfates (HS), l’HVEM, membre de la famille des récepteurs du TNF, la nectine-1 et la nectine-2, membres de la superfamille des immunoglobulines, et des sites créés sur les héparanes sulfates par certaines 3-O-sulfotransférases. 28 3.2. Réplication à l’échelle de la cellule Après fusion le virus livre dans le cytoplasme la nucléocapside et les protéines tégumentaires (Figure 12). Parmi celles-ci, la protéine VHS (virion host shut-off, produit du gène UL41), agissant comme ARNase au niveau du cytoplasme, y dégrade les ARN messagers cellulaires, et donc interrompt les synthèses protéiques de la cellule, tandis que la VP16 ou a-TIF (trans-induction factor, produit du gène UL48) accompagne la nucléocapside qui, transportée le long des microtubules du cytosquelette, parvient à un pore de la membrane nucléaire, par où elle livre l’ADN viral au noyau. Figure 12. Cycle de réplication d’un HSV. La fusion-lyse [5]. 29 La fusion-lyse répand dans le cytoplasme les protéines tégumentaires (en violet), dont la VHS et l’α-TIF. La VHS dégrade les ARN messagers cellulaires, et donc interrompt les synthèses protéiques de la cellule. L’α-TIF accompagne la migration de la nucléocapside dans le cytoplasme jusqu’au pore nucléaire puis l’ADN génomique livré au noyau. Cette protéine y déclenche l’expression des gènes α, dont les produits (rectangles rouges) stimulent l’expression des gènes β. Les protéines β (rectangles gris) sont dévolues à la réplication de l’ADN viral. Les protéines γ sont essentiellement les protéines de structure provenant de l’expression des ADN néoformés. Ceux-ci, initialement sous forme de concatémères vont être encapsidés dans le noyau. Là, conformément au schéma général de la réplication des herpèsvirus, l’ADN viral, circularisé par le jeu des séquences répétitives inversées terminales, est transcrit par l’ARN pol II cellulaire et traduit en trois phases α, β et γ, régulées en cascade, la transcription des gènes α IE étant induite par l’α-TIF tégumentaire. Parmi les protéines α, l’ICP4 assure la progression vers la phase β, tout en réprimant la transcription des gènes α (dont le sien, α4, présent en deux exemplaires, sur les séquences répétitives inversées flanquant l’US). Parallèlement, l’ICP27 (gène UL54) bloque l’épissage des ARN messagers cellulaires et, par suite, leur traduction, tout en jouant le rôle de navette vis-à-vis des ARN messagers viraux, les exportant du noyau vers le cytoplasme en vue de leur traduction. Parmi les protéines β, HSV1 et HSV2 (ainsi que VZV) ont, en tant qu’Alphaherpesvirinae, l’heureuse particularité de compter une TK codée par le 30 gène UL23, enzyme qui s’avère indispensable à l’activation (par phosphorylation) de l’acycloguanosine ou aciclovir (ACV), antiviral de référence contre ces virus. TK et ribonucléotide réductase (produit de deux gènes, UL39 et UL40) qui sont des enzymes intervenant dans l’apport en nucléotides, ne sont pas indispensables à la réplication en culture de cellule in vitro, mais elles sont nécessaires pour la réplication en cellules neuronales. Quant à l’ADN pol, codée par le gène UL30, elle doit s’associer à cinq autres enzymes virales (et sans doute aussi à des protéines cellulaires) pour répliquer le génome viral : il s’agit notamment de protéines ayant pour rôle de reconnaître les trois origines de réplication (Ori) sur l’ADN viral (UL29), d’assurer les fonctions d’hélicase, de primase (synthèse d’une amorce d’ARN) (UL5, UL8 et UL52), et la processivité (rapidité) de la réaction (UL42 associée à UL29). TK, ADN pol et autres protéines β sont des protéines non structurales, restant dans la cellule infectée sans être incorporées à la particule virale. À noter que l’ADN pol est, contrairement à la transcriptase inverse du VIH ou aux ARN pol des virus à ARN, capable d’autocorrection, grâce à une activité exonucléasique, ce qui explique la relative stabilité génétique des herpèsvirus. L’expression des gènes γ ou tardifs (L pour late) aboutit principalement à la production des protéines structurales (faisant partie intégrante de la particule virale), protéines de la nucléocapside et glycoprotéines d’enveloppe. Les glycoprotéines d’enveloppe, après glycosylation dans l’appareil de Golgi, s’insèrent dans les membranes cellulaires. C’est dans le noyau que se fait la morphogenèse de la capside, dont VP5 (gène UL19) est la protéine principale (major capsid protein). Cela passe par une « procapside » arrondie, à brève 31 durée de vie, qui met en jeu, comme vu plus haut, une protéine d’échafaudage interne, VP22a (gène UL26.5), fonctionnant comme chaperonne, puis une protéase virale, VP24 (gène UL26), qui démonte cet échafaudage. C’est dans cette capside vidée, mature (icosaédrique), qu’entre l’ADN viral, par le pentonportail, constitué d’UL6. Cette encapsidation fait intervenir des signaux d’empaquetage pac1 et pac2 situés à chaque extrémité du génome, nécessaires à la reconnaissance de l’ADN viral et à son clivage en génomes unitaires à partir des longs concatémères produits initialement par le cercle roulant. Cette opération qui associe clivage et empaquetage met en jeu, au niveau du portail, un ensemble d’au moins sept produits de gènes viraux (Figure 13). Les nucléocapsides ainsi formées sont ensuite enveloppées par bourgeonnement à travers la membrane interne du noyau, au niveau d’un épaississement auquel participent transitoirement deux protéines virales (UL31 et UL34). Figure 13. Morphogenèse de la capside et encapsidation de l’ADN [5]. 32 La protéase est une cible potentielle pour de nouvelles chimiothérapies antivirales en cours d’exploration [5, 34-37]. 3.3. Enveloppement et libération des particules virales néoformées La sortie des virions hors de la cellule se fait à 18 heures d’infection par exocytose. Prévaut actuellement un modèle de désenveloppement- réenveloppement (Figure 14). Il rend compte de la présence de capsides sans enveloppe dans le cytosol. Il implique, après la formation de la première enveloppe à travers la membrane interne du noyau, un désenveloppement par fusion à la membrane externe de l’enveloppe nucléaire. Ces capsides sans enveloppe dans le cytosol seraient ensuite réenveloppées dans le réseau transGolgien, où s’accumulent les glycoprotéines virales matures ayant subi toutes les étapes de glycosylation. Les protéines du tégument, au nombre de quinze au moins, ont des localisations variables, et leur mode d’association aux particules virales est en cours d’exploration. Certaines s’associeraient à la capside au niveau du noyau, tandis que d’autres, présentes au niveau du cytosol ou du Golgi, ne s’incorporeraient qu’à un stade plus tardif. En tout cas, ce processus se prête au transfert des virus de cellule à cellule sans passage dans le milieu extracellulaire, évitant ainsi la rencontre des anticorps neutralisants, ce qui n’est qu’un des nombreux mécanismes d’échappement du virus aux défenses immunitaires humorales. 33 Figure 14. Enveloppement et libération des particules virales néoformées [5]. Un mécanisme de désenveloppement-réenveloppement est généralement retenu pour expliquer la présence de nucléocapsides nues dans le cytoplasme [5,34-37]. 34 D - CLINIQUE 35 1. PRIMO INFECTION HERPETIQUE HABITUELLE 1.1. Primo-infection de l’herpès orofacial Asymptomatique dans 90 % des cas, elle survient habituellement dans l’enfance. Elle est bénigne le plus souvent, mais cliniquement plus sévère dans ses manifestations cutanéomuqueuses et générales que l’herpès récurrent. La gingivostomatite aiguë (Figures 15 et 16) (due le plus souvent à HSV1) touche principalement l’enfant de 6 mois à 5 ans, plus rarement l’adulte. Après une incubation de 6 jours en moyenne (2 à 12 jours), un tableau bruyant, fébrile à 39-40° accompagne une gingivostomatite touchant la partie antérieure de la cavité buccale : la muqueuse est rouge, hémorragique et parsemée de multiples érosions aphtoïdes touchant les lèvres, qui sont érosives et croûteuses. On retrouve des adénopathies sous-angulomaxillaires, souvent bilatérales. Il y a une dysphagie et un refus d’alimentation avec parfois des vomissements pouvant conduire à une déshydratation, principale complication chez l’enfant. La guérison spontanée est obtenue en 10 à 15 jours et la durée considérablement raccourcie par l’ACV [8, 38, 39]. 36 Figure 15. Gingivostomatite Figure 16. Gingivostomatite herpétique, herpétique aiguë (enfant) [4]. adulte jeune : atteinte jugale [40]. 1.2. Primo-infection génitale L’herpès génital (HG) est une infection sexuellement transmissible (IST) extrêmement fréquente et en expansion continue dans les pays industrialisés [17]. La primo-infection génitale est le plus souvent asymptomatique (50 à 90%). Une primo-infection symptomatique peut être observée 2 à 20 jours après avoir été en contact avec le virus (6 à 7 jours en moyenne). Elle est plus fréquente et souvent plus sévère chez la femme (vulvite érosive). Une atteinte cervicale, volontiers asymptomatique est fréquente (80 % des cas) [16, 27, 41]. 37 Elle correspond le plus souvent à une infection à HSV2 (60 à 80 % des cas). L’infection à HSV1 (20 % des cas) est généralement moins sévère et les récurrences moins fréquentes [8, 42, 43]. Cependant, depuis l’épidémie du sida, et suite à des pratiques sexuelles orobuccales, les primo-infections génitales à HSV1 sont devenues très fréquentes [44]. a. Primo-infection génitale chez la femme (Figure 17) Souvent précédée de prodromes (douleurs, prurit, paresthésies, brûlures, dysurie, écoulement vaginal ou urétral), se développe chez la femme une vulvovaginite vésiculoulcéreuse avec œdème vulvaire, ulcérations extensives à toute la vulve, parfois à contour polycyclique, pouvant s’étendre sur le périnée et la racine des cuisses. Des signes généraux sont présents dans 30 à 60 % des cas, avec fièvre, myalgies, altération de l’état général et parfois même des signes méningés (méningite lymphocytaire aiguë spontanément résolutive). Plusieurs sites sont souvent concernés : atteinte vaginale, cervicite parfois asymptomatique ou érosive, une endométrite, une urétrite avec dysurie. Il y a des adénopathies inguinales douloureuses bilatérales [8]. 38 Figure 17. Primo-infection herpétique génitale chez la femme [45]. b. Primo-infection génitale chez l’homme (Figure 18) Chez l’homme, les symptômes locaux et régionaux sont le plus souvent moins bruyants et consistent essentiellement en érosions balanopréputiales avec adénopathies ou vésiculopustules érosives sur le fourreau de la verge [8]. Figure 18. Primo-infection herpétique génitale chez l’homme [45]. 39 La primo-infection génitale guérit en 8 à 15 jours. Cependant, une excrétion virale asymptomatique sur les muqueuses génitales, en particulier chez la femme, peut persister jusqu’à 20 jours, voire 3 mois après l’épisode initial [8]. Il persiste un haut risque de contagiosité jusqu’à cicatrisation des lésions [16]. c. L’herpès génital chronique L’herpès génital chronique (ulcération excédant un mois sans tendance à la guérison) peut être la première manifestation clinique de l’infection herpétique chez l’immunodéprimé et ne pas avoir été précédé par des épisodes cliniques antérieurs de récurrence ou de primo-infection [46]. 1.3. Primo-infection oculaire herpétique Elle s’accompagne de signes généraux à type de fièvre, d’asthénie, d’adénopathies préauriculaires douloureuses. Les signes oculaires sont limités dans la majorité des cas à une conjonctivite folliculaire pouvant s’associer à des vésicules du bord libre et des paupières. Le caractère unilatéral et l’hypoesthésie cornéenne sont deux éléments cliniques fortement en faveur de l’origine herpétique de la kératite. Une étude récente portant sur 544 cas de kératites herpétiques observe sept individus présentant une kératoconjonctivite bilatérale. Par rapport à ceux atteints de la forme classique unilatérale, ils ont plus fréquemment des pathologies oculaires associées : atopie, rosacée oculaire, ou une maladie immunitaire générale (maladie de Crohn). Environ 40 % des sujets atopiques présentent une forme bilatérale. L’atteinte herpétique est d’emblée plus sévère, en particulier à type de kératite stromale interstitielle. 40 Dans la majorité des cas, la primo-infection survient entre 6 mois et 5 ans, l’immunité d’origine maternelle protégeant les nourrissons. Les cas d’infections primaires néonatales sont rares et souvent plus graves, avec des cas de choriorétinites sévères. Dans deux tiers des primo-infections, une kératite superficielle apparaît. Elle est le plus souvent aspécifique : kératite ponctuée superficielle, microdendrites, ulcérations serpigineuses. Le plus souvent l’infection reste purement épithéliale, les mécanismes immunitaires n’étant pas encore enclenchés [26, 47]. 1.4. Herpès cutané Tous les sites cutanés peuvent être concernés par un herpès localisé pouvant correspondre à une primo-infection ou à une récurrence isolée. L’herpès gladiatorum est un herpès cutané diffus lié à la pratique d’un sport de contact (lutte, rugby). La transmission du virus se fait par contact cutané direct, exposant au risque d’herpès cutané ou de lésions érosives multiples aux sites de contact, pouvant s’accompagner de signes généraux parfois sévères (fièvre, altération de l’état général) [12]. Le panaris herpétique est une localisation peu fréquente de l’infection cutanée par HSV. Connue comme étant une infection nosocomiale ou professionnelle touchant le personnel soignant, en particulier les dentistes ou les malades exposés aux sécrétions orales contenant de l’HSV, l’herpès digital est également rencontré chez les enfants par auto-inoculation dans les suites d’une primoinfection type gingivostomatite herpétique (HSV1) [48]. 41 2. COMPLICATION 2.1. Localisations viscérales 2.1.1. Méningo-encéphalite herpétique La méningo-encéphalite herpétique est la plus fréquente des méningoencéphalites aiguës graves [49]. Il existe deux pics de fréquence : avant 20 ans dans un tiers des cas, en rapport avec une primo-infection, et après 50 ans dans 50 % des cas, lié à une réactivation du virus quiescent au niveau des ganglions trigéminés [50-52]. Encéphalite herpétique L’encéphalite herpétique (EH) due à l’HSV est rare puisque l’incidence annuelle, tous âges confondus, est de 1 cas pour 250 000 à 500 000 habitants/an aux États-Unis, de 2,5 cas pour 1000000 habitants/an en Suède. Il n’existe pas de variations selon la saison ou selon le sexe [53]. L’EH est provoquée par l’HSV1 dans la très grande majorité des cas (beaucoup plus rarement par le type 2) chez les immunocompétents [54]. L’HSV2 peut entraîner des méningites aseptiques de façon non rare, mais très rarement des encéphalites. En l’absence de traitement, la mortalité dépasse 70 %, la guérison sans séquelles n’est obtenue que chez 2,5 % des sujets. C’est la seule infection virale du système nerveux central pour laquelle existe un traitement d’efficacité démontrée de façon rigoureuse [53]. 42 La méningite herpétique La méningite herpétique se caractérise fréquemment par l’apparition brutale d’un syndrome méningé fébrile non spécifique associant céphalées, nausées, vomissements et photophobie. Parfois, la symptomatologie est plus frustre et ne se traduit que par des céphalées. La méningite herpétique est le plus souvent associée à des lésions génitales, qu’à des lésions orolabiales. L’évolution est habituellement spontanément favorable en trois à 14 jours sans séquelle neurologique [55]. 2.1.2. Encéphalite herpétique du nourrisson L’EH survient habituellement avant l’âge de 1 an (l’âge médian est de 7,5 mois), mais elle est possible jusque vers 3 ans. La notion d’un bouton d’herpès chez un proche est très inconstante. De même, les lésions cutanées d’herpès sont rares et ne doivent surtout pas écarter le diagnostic d’EH. Le début est progressif et peu évocateur : syndrome fébrile, troubles digestifs. En quelques jours, s’installe une somnolence qui évolue vers l’altération progressive de la conscience tandis que la fièvre reste élevée (40 °C). La survenue retardée, 2 à 3 jours après le début du syndrome infectieux, des convulsions est très évocatrice du diagnostic d’EH. Celles-ci sont typiquement focales, souvent brachiofaciales. Elles ont tendance à se répéter, de façon subintrante, évoluant volontiers vers un état de mal convulsif tandis que la conscience se dégrade parallèlement [53]. 2.1.3. Pneumopathie herpétique Les atteintes broncho-pulmonaires surviennent chez le sujet âgé ou lors de déficits immunitaires [4]. 43 La physiopathologie de l’atteinte pulmonaire n’est pas totalement élucidée. Il est probable que l’atteinte initiale soit une réactivation au niveau de la cavité oropharyngée, suivie par une contamination, colonisation puis infection de l’arbre trachéobronchique et des poumons. Plusieurs arguments indirects plaident pour cette hypothèse. Sur des données autopsiques, Nash et al. concluaient que la distribution anatomique de l’atteinte des voies aériennes suggérait que le mode de dissémination par inhalation et infection descendante était le plus probable. Bruynseels et al. retrouvaient HSV dans la gorge les jours précédant ou le jour de sa détection dans l’arbre trachéobronchique chez 72 % de leurs patients ayant du virus HSV dans l’arbre trachéobronchique. D’autres mécanismes physiopathologiques peuvent être évoqués : réactivation virale locale, pulmonaire, avec infection secondaire ; ou encore dissémination par voie hématogène. Ainsi, Bonadona et al. ont étudié la fréquence des réactivations herpétiques chez 53 malades présentant un Syndrome de Détresse Respiratoire Aiguë (SDRA). La prévalence de la détection d’HSV dans l’arbre trachéobronchique était de 42,3 %, et dans le sang de 41,5 %. Le délai d’apparition de la virémie était de 7 ± 5 jours contre 8 ± 7 jours pour la détection d’HSV dans l’arbre trachéobronchique. Les auteurs concluent que la dissémination hématogène pourrait être un mode d’infection dans leur population. La symptomatologie clinique de l’atteinte bronchopulmonaire herpétique n’est pas spécifique. Elle peut se traduire par une fièvre, une altération des échanges gazeux, des sécrétions trachéales purulentes. Cependant, la présence d’une atteinte cutanéomuqueuse (vésicule 44 labiale herpétique ou gingivostomatite) est fréquemment associée à une atteinte bronchopulmonaire et doit faire évoquer ce diagnostic. Les manifestations radiologiques de l’atteinte bronchopulmonaire herpétique sont non spécifiques, et associent des opacités alvéolo-interstitielles localisées ou diffuses, des atélectasies et plus rarement des épanchements pleuraux. La fibroscopie bronchique permet l’examen macroscopique de la muqueuse trachéale. En cas de bronchopneumonie herpétique, on peut observer des lésions érythémateuses ou des ulcérations non spécifiques, cependant la fibroscopie est le plus souvent non contributive et la muqueuse est normale ou œdémateuse. Facteurs de risque La plupart des patients présentant une bronchopneumonie herpétique ont une maladie sous jacente sérieuse ; immunosuppression médicamenteuse ou acquise, défaillance multiviscérale après chirurgie lourde, SDRA, brûlures étendues. La possibilité d’une telle atteinte a même été décrite au cours de la grossesse [56-58]. 2.1.4. L’hépatite herpétique L’hépatite est rare mais grave. Survenant au cours de la primo-infection ou de récurrence, elle atteint surtout la femme enceinte et les immunodéprimés [4]. Les deux types d’HSV peuvent induire indifféremment une hépatite sévère ou fulminante, bien que HSV2 soit plus fréquemment en cause chez les adultes en raison de sa transmission sexuelle [59]. 45 Elle peut, dans certains cas, atteindre des patients qui ne présentent pas de déficit immunitaire lié à une pathologie ou une thérapeutique. Quelque soit son mode de survenue, le diagnostic d’hépatite herpétique est rarement évoqué sur les seules données cliniques. En effet, l’éruption cutanéomuqueuse vésiculeuse, évocatrice d’une infection herpétique n’est pas constante ou parfois méconnue. Les autres signes cliniques ne sont pas spécifiques. Les plus couramment décrits associent une fièvre, une hépatomégalie et des douleurs abdominales. Les signes biologiques d’hépatite sont constamment marqués avec des transaminases qui peuvent dépasser 100 fois la valeur supérieure normale. Le nombre de leucocytes est normal ou diminué. La survenue d’une insuffisance hépatocellulaire est fréquente et celle d’une CIVD (coagulation intra-vasculaire Disséminée) n’est pas exceptionnelle. Miyazaki et al ont proposé plusieurs hypothèses permettant d’expliquer la dissémination et l’atteinte hépatique observée au cours de certaines infections herpétiques : (a) une grande quantité de virus dépasserait la capacité des systèmes de défense de l’organisme, (b) le déficit des fonctions des macrophages et des lymphocytes T cytotoxiques permettrait la diffusion de l’infection, (c) l’association d’une réactivation et d’une infection par une nouvelle souche augmenterait le potentiel infectant, (d) certaines souches virales auraient un tropisme hépatique avéré. La survenue d’une hépatite herpétique après l’administration de produits anesthésiques a déjà été rapportée. Le monoxyde d’azote pourrait altérer le système immunitaire, 46 notamment les phagocytes mononucléés et prédisposer ces patients à certaines infections. Chez l’animal, l’inhibition des fonctions des macrophages se traduit par une infection herpétique hépatique extensive alors que la déplétion lymphocytaire ou en cellules NK n’entraîne pas ou très rarement de telles lésions. Lorsque les fonctions des macrophages sont altérées, la mort par apoptose des hépatocytes infectés mais également sains représenterait le principal mécanisme de défense contre l’infection. Elle permet de limiter sa diffusion mais explique les vastes zones de nécrose observées sur les biopsies hépatiques. Malgré les traitements antiviraux par voie générale, l’évolution de l’hépatite herpétique est encore souvent fatale, même si des cas d’évolution favorable ont été rapportés [60-62]. 2.1.5. L’œsophagite herpétique L’œsophagite herpétique est une pathologie de l’immunodéprimé notamment infecté par le VIH [8]. Les principaux signes d'œsophagite herpétique, chez 34 patients avec SIDA, étaient une dysphagie (82 %), une douleur thoracique (68 %), la fièvre (44 %), un herpès extraœsophagien (38 %), et des érosions œsophagiennes à la fibroscopie (50 %) [63]. Chez l’immunocompétent, l’œsophagite herpétique évolue spontanément vers la guérison qui peut être accélérée par un traitement antiviral. Cependant des complications (hémorragie, perforation) sont possibles. 47 Bien qu’elle ne soit pas la première cause à évoquer chez l’immunocompétent, l’origine herpétique d’une œsophagite ne doit pas être ignorée et, une analyse virologique sur la biopsie devra être systématiquement réalisée [64]. 2.2. Herpès néonatal Les deux virus HSV1 et HSV2 sont en cause. L’infection de l’enfant s’observe beaucoup plus souvent lors d’une primo-infection maternelle à HSV2 (75 %) que lors d’une récurrence (2 à 5 %). La contamination intra-partum Il s’agit donc de la voie habituelle de l’herpès néonatal et les souches sont dans 70 % des cas de type 2. Les formes cliniques sont très variables, leur gravité est fonction de l’atteinte neurologique et du type viral, HSV 2 entraînant les séquelles les plus lourdes. La contamination post-natale Elle est responsable de 5 à 10 % des herpès néonatals. Il s’agit le plus souvent d’infections à HSV1 liées à une récurrence orale ou mammaire maternelle ou dans l’entourage. Rarement, une gingivostomatite de primoinfection maternelle est mise en cause [65]. L’infection néonatale disséminée à HSV est rare. Elle est suspectée chez un enfant né de mère aux antécédents herpétiques [66]. 2.3. Le syndrome de Kaposi-Juliusberg (Figures 19 et 20) Le syndrome de Kaposi-Juliusberg est une infection cutanée à HSV, sévère, disséminée, accompagnée de signes généraux [67,68]. Chez l’enfant surtout, mais parfois aussi le jeune adulte, survient le syndrome de Kaposi- 48 Juliusberg par greffe du virus herpétique sur un eczéma profus. Des vésiculobulles hémorragiques ou pustuleuses s’étendent rapidement du visage à l’ensemble du corps, dans un contexte d’altération de l’état général. L’évolution, souvent fatale autrefois chez le nourrisson, est actuellement favorable grâce aux thérapeutiques antivirales. Parfois subsistent quelques cicatrices varioliformes. Le syndrome de Kaposi-Juliusberg n’est pas le fait exclusif de la primoinfection herpétique, mais peut être dû parfois à des récurrences. Il est également observé au cours de diverses dermatoses (maladies bulleuses acquises ou congénitales...) ou encore de brûlures. Ce diagnostic doit être envisagé systématiquement devant l’aggravation, la rechute ou la résistance au traitement de toute dermatose vésiculeuse, bulleuse ou érosive [69]. Figure 19. Syndrome de Kaposi-Juliusberg chez un enfant [70]. 49 2.4. Érythème polymorphe Les récurrences d’herpès (le plus souvent HSV 1, mais parfois HSV 2) sont la cause la plus fréquente d’érythème polymorphe (EP), en particulier dans les formes récidivantes. Les poussées d’EP suivent de quelques jours (en moyenne 7 à 10) les récurrences herpétiques. Toute récidive cliniquement patente d’herpès n’est pas obligatoirement suivie d’une poussée d’EP. Certaines poussées d’EP peuvent être déclenchées par des récidives herpétiques asymptomatiques, dont on connaît la fréquence. Le lien de causalité herpès/EP n’est donc pas toujours cliniquement évident [71]. L’éruption est constituée de maculopapules rouge foncé de 2 à 3 cm de diamètre prenant l’aspect en cocarde caractéristique sur les sites cutanés (mains, poignets, coudes, genoux, chevilles), et d’érosions ou ulcérations muqueuses très douloureuses (lèvres, bouche). L’évolution se fait par poussées successives souvent fébriles mais rarement subintrantes. La récidive est possible à chaque récurrence, et justifie alors une prophylaxie virale au long cours [12]. Le nombre de poussées d’EP est très variable d’un sujet à l’autre (de 1 à plus de 10 par an) et, chez une même personne, la survenue d’un EP n’est pas constante après une recrudescence herpétique. La pathogénie de l’EP postherpétique est discutée. Plusieurs équipes ont mis en évidence de l’ADN d’HSV dans les lésions d’EP. L’EP serait la conséquence d’une réaction immunitaire à médiation cellulaire dirigée contre l’ADN pol virale contenue dans les kératinocytes [72]. 50 3. HERPES RECURRENT Dès la primo-infection, le virus établit une infection latente dans les ganglions nerveux sensitifs. Le virus est ensuite capable de se réactiver, entraînant des infections récurrentes qui peuvent devenir chroniques [73]. La majeure partie des récurrences surviennent cependant dans le territoire de primo-infection [74]. Au moins 80 % de la population adulte héberge l’HSV à l’état latent et seuls 20 % présentent des récurrences cliniques, favorisées par de nombreux facteurs déclenchants : infection générale fébrile ; UV ; règles ; stress ; traumatisme ; chirurgie régionale ; injection de morphine intrathécale ; rapports sexuels (pour l’herpès génital) [4]. 3.1. Herpès génital récurrent La fréquence des récurrences est très variable, parfois régulière chez un même malade. Elles sont moins fréquentes avec HSV1 (60 %) qu’avec HSV2 (90 %). C’est parfois un sérieux handicap personnel et pour le couple lorsque les récurrences sont mensuelles (Figure 20). 51 Plusieurs études ont établi l’importance du retentissement de l’herpès génital sur la qualité de vie, l’impact psychologique et le rôle du stress et du niveau anxiogène, qui sont des facteurs prédictifs des récurrences. Précédée de prodromes et parfois de signes généraux modérés, l’éruption typique est un bouquet de vésicopustules sur fond érythémateux (Figure 21), évoluant vers des érosions et des ulcérations à contour polycyclique avec adénopathies. Le siège est fixe pour un même malade : région génitale externe ou peau périnéofessière. La durée de la récurrence est de 8 à 10 jours [8, 45, 75]. Figure 20. Herpès génital récurrent [8]. 52 Figure 21. Herpès génital récurrent chez un homme [8]. Il existe des récurrences asymptomatiques qui sont mises en évidence par l’excrétion d’HSV au niveau génital externe, et/ou cervical chez la femme, sans lésion visible, ni symptômes cliniques, ni même d’antécédent connu d’herpès génital [76]. 3.2. Herpès orolabial récurrent (Figure 22) Des facteurs déclenchants sont souvent à l’origine d’une poussée d’herpès labial. Le début est marqué par des signes fonctionnels : douleurs, prurit, sensation de cuisson, localisés au niveau d’une lèvre. Puis apparaît une tache rouge et très rapidement des vésicules groupées en bouquets, formant parfois une phlyctène à contour polycyclique évoluant vers une ulcération croûteuse [8]. L’herpès orolabial représente un vaste réservoir de virus et les récurrences sont fréquentes : elles représenteraient 95 % de l’ensemble des manifestations herpétiques. 53 Les récurrences sont le plus souvent dues à des souches sensibles, car ce sont les souches d’infection initiale et la plupart des virus résistants à l’ACV n’ont pas la capacité de se réactiver [76]. Figure 22. Bouquet de vésicules commissurales d’un herpès labial récurrent [77]. 3.3. Herpes oculaire récurrent [5, 26] L’infection à HSV1 (ou plus rarement à HSV2) touche parfois l’œil. La conjonctivite folliculaire, uni- ou bilatérale, peut se compliquer d’atteinte cornéenne : c’est la kératite superficielle, typiquement dendritique (Figures 23 et 24) avec ulcération caractéristique en feuille de fougère, susceptible de guérir sans séquelles, ou, plus grave, la kératite profonde, stromale, au fur et à mesure des récidives et des réactions immunopathologiques qui s’y associent. En effet, la production répétitive d’antigène viral au niveau de la cornée y induit une réaction d’hypersensibilité à la fois humorale (anticorps neutralisant, ADCC) et cellulaire (cellules NK, lymphocytes T CD4+, CD8+), avec dépôts de complexes immuns, infiltration de cellules inflammatoires, néovascularisation. 54 Dans le cas particulier de la kératite disciforme (Figure 25), on observe plusieurs cercles d’opacités concentriques (anneaux immunitaires de Wessely). Par opacification de la cornée sous forme d’une taie en regard de la pupille, l’herpès est, dans les pays industriels exempts de trachome, la première cause infectieuse de cécité, à traiter par greffe de cornée lorsque les lésions sont refroidies. L’herpès est plus rarement à l’origine d’uvéites, d’iridocyclites récidivantes et d’un syndrome particulier et grave, la nécrose rétinienne aiguë due aussi au VZV, et survenant généralement chez des personnes immunocompétentes. On retrouve donc au niveau de l’œil, sanctuaire immunologique en relation avec le système nerveux central, le polymorphisme de l’herpès, ses divers degrés de gravité et sa tendance à la récidive (y compris sur greffe de cornée), à partir de l’infection latente du ganglion de Gasser. Figure 23. Kératite herpétique superficielle, dendritique [26]. L’ulcération en feuille de fougère est très évocatrice d’herpès. 55 Figure 24. Kératite dendritique herpétique avec importante diffusion de ses bords [26]. Figure 25. Kératite disciforme [5]. On distingue deux anneaux de Wessely qui entraînent un œdème disciforme de la cornée. Ils surviennent suite à des récurrences répétées de l’infection au niveau de la cornée, qui est gagnée par les anticorps et les cellules immunes d’une réaction immunopathologique. 56 E - DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE 57 1. PRELEVEMENT La technique de prélèvement et sa conservation conditionnent les résultats. D’après les recommandations de la conférence de consensus sur les herpes virus, le prélèvement doit être réalisé par le praticien ou le biologiste au laboratoire. Dans le cas d’une éruption vésiculeuse typique, le liquide vésiculaire et les cellules du plancher des vésicules les plus fraîches doivent être prélevés à l’aide d’un écouvillon par rotation ferme, sans faire saigner. Dans le cas d’infections asymptomatiques orales ou génitales il faut écouvillonner largement la surface de la muqueuse et recueillir les sécrétions. L’écouvillon ou les sécrétions doivent être déchargés sur des lames pour le cytodiagnostic et le diagnostic direct par immunofluorescence et dans un milieu de transport pour les autres techniques. La totalité de l’écouvillon doit être mise dans le tube contenant le milieu de transport. Si l’écouvillon est trop long le couper afin de pouvoir fermer le tube hermétiquement. Matériel nécessaire – écouvillon stérile ; – milieu de transport fabriqué au laboratoire de virologie contenant des antibiotiques et des antifongiques. Milieu Eagle additionné de sérum de veau fœtal (1 %) de glutamine et (1 %) d’antibiotiques (pénicilline-streptomycine). Les milieux commercialisés comme le milieu de transport Multi-Microbe Média (M4) prévus pour la survie des chlamydia et mycoplasma, peuvent être utilisés pour les herpes virus [78, 79]. 58 2. MODALITES DE TRANSPORT Le délai de transport au laboratoire doit être court : entre 2 et 4 heures pour avoir de meilleurs résultats. Les prélèvements peuvent être conservés dans le milieu de transport entre + 4°C et 8°C jusqu’à 36 heures [78]. 3. TECHNIQUES DE DIAGNOSTIC 3.1. Culture cellulaire L’isolement du virus en culture cellulaire constitue la méthode de référence du diagnostic d’herpès, mais actuellement les techniques d’amplification génique PCR (polymerase chain reaction) sont plus largement utilisées [75]. Les virus herpès sont cultivables sur un grand nombre de cellules (Véro, Hep2, MRC5). Les cellules les plus couramment utilisées sont les cellules diploïdes de fibroblastes humains MRC5. Après filtration du prélèvement, le liquide filtré est mis en culture dans des boites contenant les cellules (MRC5) et incubées à 37°C. Le délai d’apparition de l’effet cytopathogène varie entre 24 heures et 15 jours. Il dépend de la quantité de virus présente dans les lésions [78]. L’effet cytopathique (ECP) est fait initialement de foyers de cellules rondes et réfringentes, tendant à s’empiler en grappe de raisin, foyers rapidement confluents. À partir de liquide de vésicule fraîche, il est habituel d’avoir en 24 heures un ECP évocateur. À l’isolement, les souches d’HSV2 donnent souvent quelques syncytiums à deux ou trois noyaux. En coloration, le noyau est hypertrophié (ballonné), occupé par une vaste inclusion éosinophile 59 amorphe, tandis que le nucléole a disparu, et que la chromatine est marginée en mottes basophiles sur la membrane nucléaire (Figure 26). Figure 26. Effet cytopathique d’un HSV [5]. À côté de quelques cellules claires au noyau normal où l’on distingue le réseau de chromatine et le nucléole, on observe dans les cellules plus colorées l’ECP du virus. Il se traduit par l’augmentation de volume du noyau rempli par une inclusion éosinophile homogène, par la disparition du nucléole et par la margination de la chromatine le long de la membrane nucléaire qui apparaît épaissie [5]. Avantages : c’est la méthode de référence, permettant non seulement de montrer le caractère infectieux du virus, mais également de typer les virus. Elle permet le diagnostic des infections asymptomatiques. Inconvénients : technique réservée aux laboratoires équipés pour la culture cellulaire. Le résultat est influencé par la qualité du prélèvement et le transport. Le délai de rendu des résultats peut être long il dépend du délai d’apparition de l’effet cytopathogène qui varie entre 24 heure et 2 semaines [78]. 60 3.2. Cytodiagnostic de TZANCZ Le cytodiagnostic de TZANCZ est un outil important du diagnostic de maladies bulleuses telles que l’herpès [80]. Il s’agit d’un examen cytologique permettant de visualiser après coloration, des lésions cellulaires dues aux herpes virus. Ces lésions se traduisent par la présence d’inclusions nucléaires éosinophiles entourées d’un halo clair avec une margination de la chromatine au niveau de la membrane nucléaire. Avantages : coût faible, simplicité, rapidité (2 heures), permet d’éliminer rapidement des diagnostics différentiels (ex : maladies bulleuses). Inconvénients : ne permet pas de différencier les infections par HSV et VZV. C’est un examen informatif non définitif [78]. La coloration de Tzanck n’est positive que dans 60 % des cas d’herpès et peut aussi donner de fausses réactions positives [76]. 3.3. Microscopie électronique La microscopie électronique sur liquide de vésicule, pour qui dispose de l’appareil, permet le diagnostic rapide en quelques minutes d’éruption à Herpesviridae, mais ne permet pas de différencier HSV, VZV et CMV [5]. 3.4. Détection du génome viral par PCR [78] Les techniques d’amplification génique sont de plus en plus utilisées pour le diagnostic des infections herpétiques. Plusieurs gènes peuvent être amplifiés, le gène de l’ADN pol, de la TK ou des glycoprotéines gB, gD et gG. 61 Ce sont des techniques d’amplification génique suivie ou non de technique d’identification par hybridation sur sonde spécifique. Les techniques de PCR en temps réel automatisées, quantitatives ou qualitatives ont montré une très bonne sensibilité et spécificité. La rapidité de ces techniques permet un rendu de résultat dans les deux heures qui suivent le prélèvement. La qualité des résultats est conditionnée par le choix de la technique d’extraction, le type d’amplification (qualitative ou quantitative) et la méthode de révélation. Cette technique n’est actuellement utilisée que pour le diagnostic des méningites et méningo-encéphalites herpétiques. Elle pourrait également être appliquée aux autres localisations et au diagnostic des infections asymptomatiques. Avantages : technique la plus sensible, le résultat dépend moins des conditions de transport et de conservation. Le prélèvement peut être congelé à - 20°C. Avec la PCR en temps réel le résultat peut être rendu dans les deux heures qui suivent le prélèvement. Inconvénients : risque de contamination (faux positifs), présence d’inhibiteurs (faux négatifs) dans certains prélèvements. La PCR est remarquablement sensible, par exemple 3 à 4 fois plus sensible que l’isolement par inoculation à des cellules en culture pour déceler une sécrétion génitale asymptomatique. Cependant, positive, elle ne signifie pas obligatoirement que le prélèvement contient du virus infectieux, la relation entre quantité d’ADN viral appréciée par PCR en temps réel et contagiosité n’ayant pas été établie [5]. 62 3.5. Recherche d’antigènes viraux [78] Par immunofluorescence ou par ELISA (Enzyme Linked Immuno Sorbent Assay) à l’aide de tests commercialisés. 3.5.1. Révélation par immunofluorescence [78] Effectuée sur un frottis des cellules de la base de la vésicule herpétique ou sur le culot cellulaire obtenu après centrifugation du prélèvement déchargé dans le milieu de transport. Après fixation avec l’acétone refroidie, les anticorps monoclonaux sont déposés sur le frottis. Après incubation et lavage, le conjugué marqué à la fluorescéine permet de révéler la réaction. La lecture microscopique montre une inclusion nucléaire fluorescente au stade précoce de l’infection et une fluorescence diffuse dans toute la cellule au stade tardif de l’infection. Avantages : rapidité (1 à 2 heures), simplicité, typage possible de l’herpès simplex. Inconvénients : le résultat est interprétable que si le nombre de cellules prélevées est supérieur à 20. La sensibilité varie entre 74 et 100 % selon les auteurs par rapport à la technique de culture. Subjectivité de lecture, possibilité de résultats faussement négatifs en présence d’anticorps anti-herpes dans les produits biologiques. C’est une technique inadaptée au dépistage d’infection asymptomatique. 63 3.5.2. Révélation par ELISA [78] • Techniques automatisables Le principe est basé sur une immunocapture de l’antigène sur un support de plaque et une révélation par un deuxième anticorps marqué avec une enzyme. Elles sont réalisables sur des liquides de vésicules, mais non adaptées au dépistage des infections asymptomatiques. Avantages : rapidité (délai 5 heures), lecture automatique de densités optique. Inconvénients : possibilité de faux positifs nécessitant un test de confirmation. Prix de revient plus élevé que l’immunofluorescence. Possibilité de résultats faussement négatifs en présence d’anticorps anti-herpès dans les produits biologiques. 3.6. Titrage des anticorps Le titrage dans le sérum des anticorps, communs aux deux types d’HSV ou, depuis peu, spécifiques de type (anticorps anti-gpG1 et anticorps anti-gpG2) est très utile aux études épidémiologiques [5]. 3.6.1. Sérologie non spécifique de type Les tests sérologiques non spécifiques de type utilisent comme fraction antigénique des lysats de souches virales HSV1 et HSV2 et détectent les anticorps communs aux deux types viraux. Fréquemment, seul un lysat de virus HSV1 est utilisé pouvant alors réduire la sensibilité de la détection des anticorps anti-HSV2. 64 Les trousses actuellement commercialisées révèlent la présence d’IgM ou d’IgG par des techniques ELISA ou par immunofluorescence indirecte. En effet, une séropositivité permet uniquement d’établir qu’un individu est infecté par le virus HSV1 ou HSV2 ou les deux. Cette information est généralement peu utile. Une sérologie négative éliminant une infection par l’un ou l’autre des 2 virus est plus contributive, à condition que la sensibilité du test soit identique vis-à vis des deux virus. En l’absence d’IgG et d’IgM, elle permet d’exclure une étiologie herpétique dans un contexte d’ulcérations récurrentes. Elle permet aussi d’établir un diagnostic de primo-infection herpétique en cas de séroconversion lorsqu’on dispose de deux sérums distincts mais est ininterprétable en présence d’une primo-manifestation. La recherche des IgM doit être réservée au seul cas de suspicion de primoinfection et n’est interprétable que s’il existe un profil de séroconversion. Au cours de la primo-infection herpétique, les anticorps anti-HSV non spécifiques de type apparaissent après le contact infectant dans un délai de 5 à 10 jours pour les IgM et de 1 à 2 semaines pour les IgG. Après la primoinfection, les IgM disparaissent en quelques semaines, alors que les IgG vont persister toute la vie. Certaines récurrences peuvent néanmoins s’accompagner d’une réapparition des IgM, notamment chez le sujet immunodéprimé mais la présence d’IgM n’est pas toujours synonyme de réactivation [81, 82]. 3.6.2. Sérologie spécifique de type Pendant longtemps, la sérologie HSV non spécifique de type a été la seule disponible, étant donné les difficultés de mise au point de tests permettant de détecter spécifiquement les anticorps anti-HSV1 et anti-HSV2. Seules les 65 glycoprotéines gpG1 et gpG2 induisent des réponses qui ne présentent pas de réactivité croisée entre HSV1 et HSV2 [82]. Les tests sérologiques spécifiques de type détectent les anticorps dirigés contre les glycoprotéines d’enveloppe gpG1 et gpG2, spécifiques de HSV1 et HSV2 respectivement. Les trousses actuellement commercialisées utilisent les techniques Elisa ou immunoblot et la plupart révèlent exclusivement les IgG. Lorsque le virus est isolé ou mis en évidence par PCR, la sérologie spécifique de type n’a pas d’utilité. Dans le cas contraire, la sérologie permet d’infirmer ou de confirmer le diagnostic, si aucun autre diagnostic microbiologique n’est évoqué [83-85]. 3.6.3. Western blot Le western blot détecte des anticorps dirigés contre plusieurs dizaines de protéines virales, glycoprotéines incluses : c’est un test d’une grande spécificité et d’une excellente sensibilité [12]. Cette technique est réservée aux études cliniques ou épidémiologiques pour l’interprétation des sérologies douteuses. Elle est toutefois moins sensible que certaines techniques ELISA dans un contexte de primo-infection [82]. 3.6.4. Interprétation des résultats de la sérologie Séroconversion : L’existence d’une séroconversion, avec absence d’anticorps sur un prélèvement précoce (réalisé dès les premiers symptômes) et présence d’anticorps sur un prélèvement tardif permet de porter le diagnostic de primoinfection ou primo-manifestation. Séropositivité : La présence d’anticorps sur un premier prélèvement indique que le sujet a déjà été en contact avec le virus, sans qu’il soit possible de dater le 66 moment de la contamination. La sérologie non spécifique de type ne permet pas de préciser le virus en cause et donc de faire la preuve d’un herpès génital. Avec la sérologie spécifique de type, une séropositivité à HSV2 traduit presque toujours un herpès génital car les herpès orofaciaux à HSV2 sont exceptionnels. À l’inverse, une séropositivité à HSV1 peut aussi bien témoigner d’un herpès génital que d’un herpès orofacial, compte tenu de la prévalence croissante des herpès génitaux à HSV1 et de la fréquence élevée de la contamination orofaciale par HSV1 dans la population générale (50 à 90 % chez les sujets adultes en fonction des pays). Ainsi, pour HSV1, seule la mise en évidence du virus au niveau du site permet de prouver la localisation génitale. Séronégativité : L’absence d’anticorps élimine avec une très forte probabilité le diagnostic d’infection herpétique [82]. 4. INDICATIONS DES DIFFERENTES TECHNIQUES DE DIAGNOSTIC [5] Alors que le diagnostic clinique d’herpès labial récidivant va de soi, l’herpès génital exige une confirmation virologique, au moins à l’occasion d’une poussée, cela pour trois raisons : • l’atypie fréquente des lésions ; • les conséquences du diagnostic sur la vie du sujet, homme ou femme : il est potentiellement contagieux pour tout partenaire sexuel, même en dehors de récidives manifestes, par sécrétion asymptomatique ; • l’intérêt pronostique de typer l’HSV lors d’une première poussée, le type 2 seul donnant les formes hautement récidivantes. Les formes graves d’herpès, ou les formes résistantes au traitement, et les protocoles d’étude exigent assurément le recours au laboratoire. 67 L’herpès fait partie des infections virales où les techniques de détection directe du virus l’emportent largement sur les techniques sérologiques (Tableau I). Tableau I. Indications des différentes techniques de diagnostic des infections à HSV [5]. Technique de détection directe du virus Isolement en culture de cellules PCR Immuno-cytodiagnostic Elisa Microscopie électronique Herpès oral ou Lésions génital ++ + + + + Kératoconjonc Lésions tivite ++ + + + + Uvéite, iridocyclite, nécrose rétinienne aiguë Humeur aqueuse + ++ 0 0 0 Encéphalite aiguë postnatale LCR ± ++ 0 + 0 Herpès néonatal Lésions Sécrétions pharyngées Larmes LCR Sang Urines ++ ++ ++ ++ + + + + + ++ + + + 0 0 0 0 0 + 0 0 + 0 0 + 0 0 0 0 0 Excrétion asymptomatiq ue Salive Sécrétions génitales ++ ++ + + 0 0 0 0 0 0 Herpès cutanéomuque Lésions ux progressif ++ + + + + Eczéma herpétisé Lésions ++ + + + + Hépatite herpétique Sang Urines Salive Sécrétions génitales ++ ++ ++ ++ + + + + 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 Prélèvements LCR : liquide céphalorachidien ; ++ examen primordial ; + examen utile ; ±examen souvent négatif ; 0 examen inutile. 68 5. DIAGNOSTIC DE L’HERPES GENITAL Le diagnostic microbiologique de l’herpès génital n’est véritablement utile que si le diagnostic clinique n’est pas formel. Les prélèvements doivent être effectués directement au niveau de lésions récentes. La culture reste la méthode de référence mais elle n’est pratiquée que par des laboratoires de référence et les prélèvements sont fragiles et supportent mal le transport. En outre, sa sensibilité est variable. La détection des antigènes de l’herpès par immunofluorescence ou Elisa est rapide, spécifique mais d’une sensibilité très variable. Les techniques d’amplification génique type PCR ne sont réalisées que dans quelques laboratoires spécialisés. Très sensibles et utilisables sur tous types de prélèvements, ces techniques présentent cependant des risques de faux positifs (contamination) et de faux négatifs (inhibiteurs) [17]. 6. DIAGNOSTIC DE LA MENINGO-ENCEPHALITE HERPETIQUE • La ponction lombaire permet d’obtenir un LCR lymphocytaire (rarement plus de 400 éléments/mm3), mais parfois normocytaire. La protéinorachie n’est pas spécifique. • L’examen TDM (tomodensitométrie) cérébral est souvent initialement normal, mais il permet d’éliminer d’autres diagnostics (tumeur, abcès, thrombophlébite). Après quelques jours, il permet de visualiser des lésions hypodenses, correspondant à l’œdème, ou hyperdenses, correspondant à la nécrose et à l’hémorragie. Ces images sont typiquement frontales et surtout temporales. Elles peuvent être uni ou bilatérales. La sensibilité de cet examen est de 73 % en 69 période précoce, mais elle passe à 90 % ensuite. En ce qui concerne la spécificité elle évolue de 89 à 92 % avec le temps. • L’IRM (imagerie par résonance magnétique) permet de visualiser ces mêmes lésions plus précocement, dès 24 heures souvent. Les lésions sont visibles en T1 (hyposignal) et en T2 (hypersignal), traduisant l’œdème. Dans les zones hémorragiques, un hypersignal en T1 et T2 est constaté. • L’électro-encéphalogramme est l’examen qui est le plus précocement perturbé, mais souvent plus difficile à obtenir en urgence. Les anomalies peuvent être peu spécifiques (ralentissement de l’activité électrique, variable dans le temps, puis permanent) ou beaucoup plus typiques (décharges périodiques d’ondes lentes). Dans un tiers des cas, il est possible d’observer des décharges épileptiques. Quoiqu’il en soit, cet examen ne peut à lui seul établir le diagnostic étiologique d’une encéphalite. • Les sérologies sont de peu de secours : la séroconversion est trop tardive, la sécrétion intrathécale d’anticorps est inconstante au début. • La sécrétion d’interféron dans le LCR n’est que l’indicateur d’une infection virale (30 % des encéphalites virales). • La culture virale du LCR permet un diagnostic de certitude, mais le résultat en est trop tardif. • L’amplification génique par PCR, dans le meilleur des cas en temps réel, à partir du LCR, est finalement le meilleur examen biologique de certitude : 95 % de positivité dans la première semaine des symptômes. La sensibilité et la spécificité de cet examen sont aux environs de 95 %. La positivité de la PCR est 70 précoce, dès les premiers signes cliniques. Il s’agit à l’heure actuelle de l’examen de référence pour le diagnostic des encéphalites herpétiques [53,54]. 7. DIAGNOSTIC DE L’HERPES OCULAIRE [26] Le diagnostic ne nécessite pas toujours la réalisation d’un examen biologique, en particulier devant un tableau de kératite dendritique typique. 7.1. Recherche directe du virus herpétique Le prélèvement doit se faire le plus précocement possible, avant tout traitement antiviral. Il doit être réalisé par grattage de l’épithélium cornéen. L’étalement sur lame permet de mettre en évidence le virus par recherche de ses antigènes. Ce grattage doit contenir un nombre suffisant de cellules, ainsi le scarificateur peut être adressé au laboratoire. La mise en évidence des antigènes viraux se fait par immunofluorescence directe. Elle peut également être effectuée sur les larmes, l’humeur aqueuse. La culture nécessite de préserver le virus dans un milieu de transport spécifique. Cette culture se fait sur des lignées cellulaires en culture qui sont examinées tous les jours et ce pendant 3 semaines. D’autres techniques biologiques plus sensibles permettent de prouver la présence d’une réplication virale. 7.2. Mise en évidence d’une synthèse locale d’anticorps Classiquement, la recherche d’anticorps se fait en présence d’une uvéite, mais ces anticorps sont également retrouvés en cas de kératite herpétique, en particulier en présence d’une néovascularisation cornéenne. La présence d’anticorps dans l’humeur aqueuse peut résulter d’une synthèse locale ou d’un passage d’anticorps d’origine sérique au travers de la barrière hématoaqueuse. 71 Deux coefficients sont donc employés afin de distinguer ces deux situations. Le coefficient C est le rapport entre la charge virale de l’humeur aqueuse et du sérum (la charge immunitaire étant le rapport entre la concentration d’anticorps spécifiques et les anticorps totaux). Un rapport C supérieur à 3 est le témoin d’une infection herpétique active. Le coefficient C’ est le rapport entre le taux d’anticorps spécifiques de l’humeur aqueuse et du sérum. 7.3. Recherche d’ADN viral Elle se fait par PCR. Une positivité de ces tests ne témoigne pas toujours d’une réplication active, il peut s’agir de l’expression d’un virus herpétique quiescent. La PCR en temps réel est une technique qui permet de quantifier l’ADN viral amplifié. Elle permet d’évaluer la charge virale et sera donc utile pour suivre de façon objective l’évolution de la maladie. 8. DIAGNOSTIC DES FORMES ATYPIQUES Les formes atypiques rendent le diagnostic plus difficile : formes atténuées ou éphémères, ou cliniquement atypiques. Le diagnostic repose essentiellement sur la culture virale et la PCR [8]. 72 F - TRAITEMENT 73 1. LES ANTIVIRAUX 1.1. L'aciclovir et le valaciclovir L’ACV (Cicloviral*, Revocir*, Zovirax*…) est un analogue de la 2– désoxyguanosine qui devient actif seulement après une triphosphorylation dont la première est strictement dépendante de la TK virale [86]. C’est un médicament antiviral dont l’activité est limitée aux herpes virus, avec une efficacité particulière contre HSV1 (Figure 27) [87]. Le valaciclovir (ValACV) est le L–valyl ester d’ACV (Figure 28). Il n’existe que sous forme orale. Après ingestion, la molécule est rapidement transformée en ACV par une hydrolase présente dans les sécrétions gastriques et également dans le foie [88]. Figure 27. Structure chimique Figure 28. Structure chimique du de l’aciclovir [89]. valaciclovir [5]. 74 1.2. Penciclovir et famciclovir (Figure 29) Le penciclovir (PCV) est une molécule de structure très proche de celle du ganciclovir (molécule proche de l’ACV par l’adjonction d’un groupe hydroxyméthyl dont l’activité antivirale majeure concerne le cytomégalovirus). Le famciclovir (FCV) Oravir* est un analogue diacétylé du PCV. Après administration par voie orale, son absorption est bonne et il est rapidement métabolisé en PCV par déacétylation dans le tractus digestif et le foie [88]. Figure 29. Structure chimique du penciclovir et du famciclovir [5]. 1.3. Cidofovir L’hydroxy-phosphonylméthoxypropyl-Cytosine ou cidofovir (CDV) est un analogue phosphoné de nucléotide de sorte que son activation ne nécessite que deux phosphorylations, celles-ci étant assurées par des kinases cellulaires (Figure 30) [5]. 75 Figure 30. Structure chimique du cidofovir [90]. 1.4. La vidarabine C est un analogue de l’inosine (Figure 31). Il inhibe l'ADN pol induite par le virus plus fortement que celle de l'organisme. Elle ne sert aujourd'hui qu'au traitement local des infections à virus herpès [91]. Figure 31. Structure chimique du vidarabine [92]. 76 1.5. Le Le foscarnet foscarnet Foscavir* (phosphonoformate trisodique ou PFA) (Figure32) est un analogue pyrophosphaté de l’acide phosphonoacétique. Il inhibe l’action de l’ADN pol virale en bloquant le site récepteur du pyrophosphate empêchant ainsi le lien diester entre l’enzyme et le substrat nucléosidique triphosphaté [88]. Figure 32.Structure chimique du foscarnet [5]. 1.6. Nouveaux antiviraux La recherche de nouvelles molécules antivirales, au-delà des analogues de nucléosides, concerne la famille des Herpesviridae, avec pour cibles potentielles la protéase ou le complexe primase-hélicase. En matière d’anti-HSV cependant, les performances remarquables de l’ACV - et de ses congénères -, son atoxicité, son antériorité et la relative rareté en clinique des mutants résistants laissent peu de place pour le moment à la commercialisation de nouvelles molécules [5, 93,94]. 77 2. MECANISME D’ACTION DES ANTIVIRAUX 2.1. Aciclovir (Figure 33) L’ACV est un analogue de la 2–désoxyguanosine qui, pour avoir un effet antiviral, doit être transformé en ACV triphosphate. La première étape de cette phosphorylation est la formation d’ACV monophosphate catalysée par une TK dont la synthèse est induite par l’HSV dans la cellule infectée. Des enzymes cellulaires agissent ensuite pour former l’ACV bi– puis triphosphate. L’ACV triphosphate inhibe la synthèse d’ADN viral par compétition avec la 2–désoxyguanosine triphosphate vis-à-vis de l’ADN pol virale. Une fois incorporé dans l’ADN viral, l’ACV en bloque la réplication. Cette incorporation est alors irréversible du fait de l’impossibilité d’agir de l’exonucléase associée à l’ADN pol virale [88]. Figure 33. Mode d’action de l’aciclovir [5]. 78 2.2. Valaciclovir Le ValACV est un ester de la valine de l’ACV. Il est entièrement métabolisé en ACV par une hydrolase. Il agit donc comme un inhibiteur spécifique des herpes virus avec une activité in vitro bien démontrée sur les herpes simplex type 1 et 2. Après une phosphorylation en ACV triphosphate le médicament inhibe la synthèse de l’ADN viral. La phosphorylation est spécifique de l’enzyme virale (TK présente que dans les cellules infectées par le virus) [87]. 2.3. Foscarnet Le PFA inhibe l’action de l’ADN pol virale en bloquant le site récepteur du pyrophosphate empêchant ainsi le lien diester entre l’enzyme et le substrat nucléosidique triphosphaté. Ce mécanisme d’action ciblant directement l’ADN pol permet au PFA d’être actif sur des souches d’herpès virus résistant à l’ACV par déficience en TK [88]. 2.4. Penciclovir Le métabolisme et le mécanisme d’action du PCV sont identiques à ceux de l’ACV mais à la différence de cette dernière molécule le PCV triphosphate n’empêche pas la poursuite de la synthèse de la chaîne d’ADN. In vitro, l’effet inhibiteur du PCV sur HSV1 et HSV2 est similaire à celui de l’ACV [88]. 2.5. Famciclovir Le FCV est rapidement métabolisé en PCV (métabolite actif du FCV) par désacétylation dans le tractus digestif et le foie [88]. 79 2.6. Cidofovir Le CDV constitue une seconde alternative en cas de résistance à l'ACV. En effet, cet analogue de la cytidine ne nécessite pas de phosphorylation par la TK virale. Il comporte un groupement phosphonate empêchant le clivage par les estérases cellulaires. Cette forme phosphonate subit deux phosphorylations successives par des kinases cellulaires, lui permettant ensuite de s'insérer dans l'ADN viral et d'en stopper l'élongation [73]. 3. PHARMACOLOGIE D’une manière générale la pharmacocinétique systémique de l’ACV et du PCV présente de nombreuses similitudes (Tableau II). Tableau II. Caractéristiques pharmacocinétiques des antiherpétiques chez l’homme[94]. Valaciclovir Famciclovir Aciclovir Penciclovir 54 (ACV) 77 (PCV) 15-30 <7 +++ +++ − − 1 3 − − − < 20 % 9-24 16 C max (µM) par voie orale 1000 mg x 3/j 8-32 (ACV) 500 mg 10-15 (PCV) 500 mg x S/j 4-16 − Tmax (h) 0.8-2,1 (ACV) 0.5-1.0 (PCV) 1.6-2.6 − − − 0.7 0.9 2.5-3.5 (ACV) 2.0-2.5 (PCV) 2.5-3.5 2.0-2.5 72 % (PCV) 62-91 % (ACV) 91% (PCV) 6-désoxy-PCV 8.5-14 % (9 CMMG) 3% (6-désoxy-PCV) Biodisponibilité (%) Hydrolyse présystémique Nombre d’étapes de la métabolisation des prodrogues Liaison aux proteines plasmatiques (%) Vdss (L/kg) T1/2p (h) Elimination urinaire Métabolites < 1% (ValACV) 80-85 % (ACV) 7-12 % (9 CMMG) Elimination dans les fèces − 21 % <2% − Clairance totale (L/h) − − 19.6 25.9 Clairance rénale (L/h) − − 14.9 22.4 9-CMMG : 9-carboxyméhoxyméhylguanine ; Vdss : volume de distribution à l’équilibre ; T1/2p : demi-vie plasmatique. 80 3.1. Biodisponibilité L’ACV et le PCV se caractérisent d’abord par une biodisponibilité faible, variable et dose-dépendante. C’est pourquoi, dans chaque cas, il a été développé des promédicaments destinés à améliorer leur résorption orale. C’est ainsi qu’il existe désormais le ValACV qui est un valyl ester d’ACV et le FCV ou diacétyl-6-désoxy- PCV [94]. Ces deux molécules améliorent considérablement la biodisponibilité de l’ACV qui passe à 54 % et celle du PCV qui approche les 77 % [95]. Après administration orale, le ValACV est rapidement hydrolysé en ACV alors que le FCV est converti en PCV après trois transformations métaboliques successives, deux désacétylations et une oxydation. La résorption intestinale du ValACV est un processus actif qui met en œuvre un transporteur des dipeptides saturable à des doses supérieures à celles couramment utilisées dans le traitement de l’herpès (1 g x 3/j). C’est donc au-delà de la prise de 1 g en une seule dose que l’on observera une légère diminution de l’aire sous la courbe (ASC) de 1’ACV par rapport à la valeur attendue. Ce phénomène n’a pas de conséquence clinique ; il a d’ailleurs été démontré qu’à la posologie de 2 g de ValACV quatre fois par jour, l’ASC journalière obtenue en ACV est équivalente à celle observée avec 10 mg/kg d’ACV par voie intraveineuse trois fois par jour (109 contre 107 mg . h-l . L-l). La cinétique de résorption du FCV reste 1inéaire entre 125 et 750 mg. La prise de repas n’affecte pas la résorption du ValACV ou du FCV [94]. En raison de sa faible absorption orale, le PFA est administré par voie intraveineuse [95]. 81 3.2. Distribution Il n’apparait pas de différences significatives dans la distribution corporelle de ces médicaments, leur liaison aux protéines plasmatiques est particulièrement faible et leur volume de distribution à l’équilibre a été évalué à 50-60 L environ (de l’ordre de 0,7 L/kg), ce qui correspond globalement au volume de l’eau corporelle totale. L’ACV diffuse dans le liquide céphalorachidien où ses concentrations atteignent environ 50 % de leur valeur plasmatique; la diffusion au niveau central du PCV n’est pas connue [94]. Le PFA diffuse dans les tissus. Sa demi-vie de distribution est de l'ordre de 2 à 4 heures chez les patients à fonction rénale normale. Il est fortement fixé au niveau de l'os et faiblement au niveau des protéines plasmatiques (< 20 %). Il passe dans le LCR et des concentrations de l'ordre de 10 à 70 % de la concentration plasmatique ont été retrouvées chez les patients infectés par le VIH. Le volume de distribution total est de 5 l/kg [95]. 3.3. Métabolisme La transformation des promédicaments (ValACV et FCV) en principes actifs se fait dans le foie, mais en utilisant des enzymes cytosoliques différentes pour chacune des molécules. Une fois formés, 1’ACV et le PCV ne sont que peu métabolisés et leur élimination se fera presque totalement sous forme inchangée. Les quantités de métabolites retrouvées ne dépassent pas 10 à 15 % de la dose administrée pour 1’ACV et 3 % pour le PCV. Chez l’insuffisant hépatique, la conversion de FCV en PCV n’est pas altérée mais ralentie, avec un T max doublé. L’aire sous la courbe et la demi-vie restant inchangées, il n’est pas nécessaire de modifier la posologie. Le même phénomène s’applique au ValACV [94]. 82 Le CDV pénètre dans les cellules, par un mécanisme d'endocytose, où il est phosphorylé en monophosphate de CDV et ensuite en diphosphate de CDV. Les effets antiviraux prolongés du CDV sont dus à la demi-vie de ses métabolites ; le diphosphate de CDV subsiste à l'intérieur des cellules avec une demi-vie de 17-65 heures et un dérivé phosphate-choline du CDV a une demivie de 87 heures. Le PFA n'est pas métabolisé dans l'organisme. Il est actif sur tous les herpesvirus, et n'ayant pas besoin d'être phosphorylé [95]. 3.4. Élimination L’élimination de l’ACV est rénale, associant la sécrétion tubulaire à la filtration glomérulaire ; sa demi-vie plasmatique est de 2.2 à 3.5 h, pouvant atteindre 20 h chez l’insuffisant rénal sévère. Le PCV s’élimine aussi par voie rénale, mais surtout par filtration glomérulaire. Sa demi-vie plasmatique est de 2 à 2.5 h mais peut atteindre 10 h chez l’insuffisant rénal sévère. Une adaptation de posologie est donc recommandée en cas d’insuffisance rénale [94]. Le PFA est principalement éliminé au niveau rénal par filtration glomérulaire et sécrétion tubulaire. La clairance rénale est d'environ 130 ml/min et est étroitement liée à la clairance de la créatine. La demivie plasmatique terminale est en moyenne de 80 heures. Le PFA est dialysable. Le CDV est éliminé principalement par voie rénale sous forme inchangée, à la fois par filtration glomérulaire et sécrétion tubulaire. Chez les patients ayant une fonction rénale normale, 80 à 100 % de la dose intraveineuse 83 est retrouvé dans les urines sous forme de CDV inchangé dans les 24 heures. Aucun métabolite du CDV n'a été décelé dans le sérum ou les urines des patients [95]. 3.5. Toxicité 3.5.1. Toxicité de l'aciclovir L’ACV est un antiviral globalement bien toléré avec un index thérapeutique élevé. Ses effets secondaires sont peu nombreux grâce à son mode d’action étroitement lié au virus. En effet sa première phosphorylation est sous la dépendance de la TK virale. Parmi ses effets secondaires classiques, on retrouve l’insuffisance rénale, induite par la cristallisation de la molécule au niveau tubulaire [49, 95, 96]. Des troubles neuropsychiques sont également décrits en cas de surdosage, particulièrement chez l'insuffisant rénal. Les autres toxicités concernent des troubles gastro-intestinaux (nausées) et des effets cutanés dont la relation de causalité reste cependant peu claire [97]. a. La néphrotoxicité L'atteinte rénale est liée dans la quasi-totalité des cas à une cristallisation intra-tubulaire d'ACV. La concentration tissulaire rénale peut atteindre 10 fois les valeurs de concentration plasmatique. L’ACV est soluble dans l'eau et la cristallisation peut se produire dans les tubes collecteurs lorsque sa concentration urinaire dépasse sa concentration maximale de solubilité (1,3 mg/ml). Ce phénomène peut induire une insuffisance rénale de type obstructif. II est favorisé par un pH urinaire alcalin et une réduction du débit urinaire. 84 De rares cas peuvent relever d'un mécanisme d'hypersensibilité. La néphrotoxicité de l'ACV reste un effet rare qui se produit le plus souvent dans un contexte d'insuffisance rénale préexistante. La très grande majorité des accidents rénaux sont décrits après administration intraveineuse. Très rarement, elle peut se manifester au décours d'une administration orale [97, 98]. La majorité des observations concerne des épisodes d'insuffisance rénale aigue avec une augmentation importante de la créatinine, chez des patients plutôt âgés. La survenue de l'insuffisance rénale est assez rapide après le début d'un traitement par voie intraveineuse (1 à 2 jours après le début du traitement) à des doses variant de 7,5 à 15 mg/kg/8 h. Des cas d'augmentation de la créatinine ont également été décrits chez l'enfant. La toxicité peut se limiter à une cristallurie (cristaux d'ACV) sans augmentation de la créatinine [97]. Les facteurs de risques de la néphrotoxicité Les facteurs de risques de la néphrotoxicité sont bien identifiés : doses élevées, insuffisance rénale préexistante, apports hydriques insuffisants, perfusion intraveineuse trop rapide (susceptibles de conduire à des pics plasmatiques élevés) [97]. b. La neurotoxicité La toxicité neurologique de l'ACV est souvent associée à la toxicité rénale et s'observe préférentiellement chez les personnes âgées. Dans une série de 356 cas publies jusqu'en 1993, les facteurs de risque identifiés sont une insuffisance rénale sous-jacente et l'association à des médicaments neuro- et néphrotoxiques. La symptomatologie clinique associe une encéphalopathie non infectieuse, avec délire ou hallucinations, agitation, confusion, troubles de la 85 conscience pouvant aller jusqu'à un coma. Les myoclonies sont rares. Le LCR est normal [97]. c. Allergie L’allergie de contact à des topiques contenant de l’ACV peut être liée au propylène glycol ou à l’antiviral. Des réactions croisées, probablement liées à l’existence d’un noyau commun 2-aminopurine, existent entre ACV, ValACV et FCV. Ce noyau est aussi retrouvé dans le ganciclovir mais est absent dans le PFA ou le CDV. Une sensibilisation topique à l’ACV contre-indique l’administration systémique ultérieure d’ACV, de ValACV, FCV et ganciclovir. Le PFA ou le CDV, après tests cutanés pourraient être une alternative en cas de besoin d’antiviral systémique [99, 100]. 3.5.2. Toxicité du valaciclovir Apres administration orale, le ValACV est rapidement absorbé et hydrolysé en ACV et L-valine. La biodisponibilité du ValACV en ACV est de 54 %, soit trois à cinq fois plus importante que celle de l'ACV administré par voie orale. Le mécanisme d'action et le profil de toxicité sont donc similaires à ceux de l'ACV (néphro- et neurotoxicité) [97, 101]. 3.5.3. Toxicité du Foscarnet Le PFA est principalement éliminé par le rein par filtration glomérulaire et sécrétion tubulaire. Ses effets secondaires rénaux sont multiples : Insuffisance rénale aigue par nécrose tubulaire aigue : environ deux tiers des malades traités par PFA en l’absence de mesures préventives présentent une augmentation de la créatinine supérieure à 25 % par rapport aux chiffres de 86 base. Cette incidence est de l’ordre de 5 à 10 % lorsque les patients sont hydratés. L’insuffisance rénale aigue s’explique par un effet néphrotoxique direct essentiellement sur les cellules tubulaires proximales avec vacuolisation et nécrose. Les manifestations rénales sont observées en général entre la deuxième et la troisième semaine du traitement et dans 10 à 15 % des cas nécessitent la mise en œuvre d’une hémodialyse temporaire. La protéinurie est en règle inférieure à 1 g/j. L’insuffisance rénale est habituellement régressive sur une dizaine de jours après l’arrêt du médicament mais dans certains cas, le retour de la créatininémie à la normale ou aux chiffres de base peut prendre quelques mois, notamment chez les sujets ayant une insuffisance rénale préexistante ; Cristallurie : le PFA peut précipiter avec le calcium dans la lumière tubulaire et entrainer une obstruction tubulaire qui peut être à l’origine d’une insuffisance rénale ; Cristaux dans les capillaires glomérulaires avec lésions prolifératives associées : il s’agit de cristaux de PFA trisodique avec un sel composite de calcium et de sodium. L’hypothèse d’une « agression » provoquée par la présence des cristaux dans les capillaires glomérulaires a été évoquée pour expliquer la survenue des lésions prolifératives glomérulaires (croissants cellulaires, glomérulonéphrite extracapillaire) ; Altération du pouvoir de concentration des urines et diabète insipide néphrogénique : cette anomalie se manifeste par une polyurie (diurèse 87 supérieur à 3 l/j) et une hypernatrémie (Na > 145 mmol/l) et s’explique probablement par des lésions tubulaires du tube collecteur ; Troubles hydroélectrolytiques : hypercalcémie, hypocalcémie, hypokaliémie, hypomagnésémie, hyperphosphorémie et hypophosphorémie. Pour limiter le risque d’apparition d’une néphrotoxicité au PFA, il est recommandé de réaliser une perfusion de 2 l de soluté isotonique 24 heures avant chaque administration et de la poursuivre pendant l’administration du médicament [102]. Les autres effets secondaires sont : Troubles gastro-intestinaux : nausées, vomissements, diarrhée, pancréatite. Élévation de l'amylase sérique. Ulcérations génitales : il s'agit de lésions uniques ou multiples qui disparaissent à l'arrêt du traitement. Rarement : convulsions, anémie, céphalées, vertiges, asthénie, thrombophlébite, allongement de l'intervalle QT pouvant être à l'origine de troubles du rythme cardiaque [95]. 3.5.4. Famciclovir Les effets indésirables sont rares, comparables à ceux de l'ACV et du ValACV [97]. 88 3.6. Interactions médicamenteuses 3.6.1. Aciclovir L'association de l’ACV à doses élevées avec des traitements néphrotoxiques, doit être prise en compte et justifie une surveillance régulière de la fonction rénale (majoration de la néphrotoxicité) [103]. 3.6.2. Valaciclovir Une étude effectuée sur un nombre limité de volontaires sains a permis de montrer que l'absorption digestive du valaciclovir n'est pas modifiée par les topiques gastro-intestinaux. L'association de valACV à doses élevées avec des traitements néphrotoxiques, notamment immunosuppresseurs, doit être prise en compte et justifie une surveillance régulière de la fonction rénale [95]. 3.6.3. Foscarnet L'élimination du PFA peut être modifiée par les médicaments inhibant la sécrétion tubulaire rénale. L'administration de médicaments néphrotoxiques potentialise la toxicité rénale du PFA (aminosides, amphotéricine B, pentamidine IV). L'administration concomitante de médicaments hypocalcémiants et de pentamidine accentue le risque d'hypocalcémie sous PFA. Précautions d'emploi : Surveillance de la calcémie et supplémentation si nécessaire [95]. 89 3.6.4. Cidofovir L'association du CDV avec des médicaments néphrotoxiques, doit être prise en compte et justifie une surveillance régulière de la fonction rénale (majoration de la néphrotoxicité) [103]. 3.6.5. Famciclovir Malgré le nombre limité d'études d'interaction réalisées, le risque de survenue d'une interaction médicamenteuse avec le FCV apparaît faible [95]. 90 4. TRAITEMENT DES DIFFERENTES MANIFESTATIONS DE L’HERPES Le traitement des différentes manifestations de l’herpès est résumé dans le Tableau III. Tableau III. Traitement des différentes manifestations de l’herpès [5]. Herpès progressif des personnes immunodéprimées Traitement de la poussée × 5 à 10 j ou plus, selon l’immunodépression Traitement préventif * Lésions résistantes à l’ACV Traitement de la poussée × 5 à 10 j ou plus, selon ACV i.v. 5 mg/kg/8 h En 1re intention PFA 40 mg/kg/8 l’immunodépression Traitement préventif * Lésions ou ACV p.o. 200 mg × 4/j h résistantes à l’ACV ou ValACV 500 mg × 2/j ± TFT ou cidofovir (CDV) en ACV i.v. 5 à 10 mg/kg/8 h ou FCV 500 mg × 2/j topique ou ACV p.o. 200 ou 400 mg × 5/j durant l’immunodépression En 2e intention CDV i.v. ou ValACV 500 mg × 2/j ou FCV 500 mg × 2/j Herpès oral Gingivostomatite Herpès labial récidivant (intérêt limité) ACV (suspension orale) 15 mg/kg ou 200mg × 4 à 5/j selon que l’enfant a moins ou plus de 2 ans Traitement de la poussée comprimés pris dès les prodromes × 5 j ValACV 500 mg × 2/j ou ACV 200 mg × 5/j ou FCV 250 mg × 2/j Traitement suspensif quotidien p.o. ValACV 500mg × 1 voire 2/j ou ACV 200 mg × 4/j ou FCV 250 mg × 2/j Réévaluation du traitement et des doses après 6 mois ou 1 an Herpès oculaire Infection aiguë Prévention des récidives Topique : ACV / TFT / IdU / Ara-A / GCV / PCV/ Traitement suspensif quotidien p.o. × 12 mois BVdU / CDV + Traitement p.o. dans les cas sévères ACV 400 mg × 2/j ou ValACV 500 mg/j ACV ou ValACV 500 mg × 2/j Encéphalite aiguë nécrosante Traitement d’urgence ACV i.v. 15 (voire 20) mg/kg/8 h × 14 (voire) 21 j Traitement d’urgence ACV i.v. 20 mg/kg/8 h × 21 j Traitement de consolidation (?) ACV p.o. ou ValACV × 3 à 4 mois Herpès du nouveau-né Traitement de consolidation (?) ACV p.o. 15 mg/kg ou 200 mg × 4/j ou ValACV (hors AMM) × 3 à 4 mois En cas d’insuffisance rénale, toutes les doses indiquées sont à adapter à la clairance de la créatinine. * Des doses quotidiennes supérieures d’ACV (800 mg × 4) ou de ValACV (2000 mg × 4) sont utilisées pour prévenir l’infection par CMV des personnes immunodéprimées. TFT : trifluorothymidine ; IdU : iododésoxyuridine ; Ara-A : adénine arabinoside ; GCV : ganciclovir ; BVdU : bromovinyl désoxyuridine ; i.v. : intraveineux ; p.o : per os 91 4.1. Traitement de l’herpès du nouveau-né C’est une urgence thérapeutique, même dans les herpès initialement localisés sous forme de vésicules cutanées en bouquet au niveau de la présentation (de la tête ou du siège), en raison de la fréquence, de la rapidité et de la gravité d’une dissémination secondaire. Par ailleurs, il faut savoir évoquer l’herpès néonatal en l’absence de vésicules, et commencer le traitement devant certains troubles neurologiques ou même respiratoires chez le nouveau-né. En raison de résultats bien imparfaits – la mortalité à 1 an reste de 61 % pour une forme disséminée et de 14 % pour une forme localisée à l’encéphale, avec un développement normal à 3 ans chez 65 % et 45 % seulement des survivants à ces deux formes [5, 104]. L’ACV est le traitement de choix. Il empêche la multiplication virale, mais n’élimine pas le virus des corps cellulaires où il loge. La posologie recommandée en période néonatale et dans les formes sévères est de 60 mg/kg par jour en trois perfusions par voie veineuse. La durée du traitement est habituellement de 14 à 21 jours (sous surveillance de la clairance de la créatinine) [61]. 4.2. Traitement de l’encéphalite herpétique postnatale Le traitement réduit la mortalité à 6 mois à 28 %, ce qui est encore trop. Pour donner au malade toutes ses chances de guérison complète, il doit débuter dès que le diagnostic est évoqué, lors de l’admission à l’hôpital, sans attendre le retour du résultat de la PCR sur le liquide céphalorachidien. Ici aussi ont été préconisés une augmentation des doses initiales d’ACV intraveineux (portées à 15 mg/kg/8 h, voire 20 mg/kg/8 h pour certains, si la clairance de la créatinine le 92 permet), une prolongation du traitement intraveineux sur 21 jours, et un relais oral sur 3 à 4 mois [5, 105]. 4.3. Traitement de l’herpès génital a. Traitement de la primo-infection En attendant les résultats de la culture virale et devant des lésions cliniquement typiques un traitement symptomatique et spécifique peut être prescris (Tableau. IV). Le traitement symptomatique comporte des bains de siège aseptisants, suivi d’un séchage doux puis l’application de crèmes émollientes voire d’une pommade anesthésiante sur les lésions. Un sondage urinaire peut être nécessaire pendant les premiers jours du soin. Le traitement spécifique par voie orale est le ValACV (500 mg), 2 comprimés par jour en deux prise ou l’ACV (200 mg) 1 comprimé cinq fois par jour pendant dix jours. La durée moyenne d’évaluation spontanée d’une primoinfection symptomatique est comprise entre cinq à dix jours (durée des douleurs) et neuf à dix jours en ce qui concerne le portage virale. L’efficacité de l’ciclovir, molécule historique, est indiscutable sur la durée de la douleur (réduction de un à cinq jours) et du portage viral (sept jours), plus marquée encore s’il s’agit d’une primo-infection vraie. Le traitement per os est équivalent au traitement par voie intraveineuse et il n’y a aucun bénéfice à associer un traitement par voie locale à un traitement par voie générale. Dans les essais comparés à l’ACV, le ValACV a montré une efficacité comparable que se soit à 1000 mg × 2/j pendant dix jours ou 500 mg × 2/j pendant sept jours. Enfin les rares essais ayant évalué 93 l’efficacité seule d’une créme à base d’ACV n’ont pas conclu à une supériorité par rapport au placebo (excipient). Le traitement de la primo-infection ne modifie pas en revanche l’histoire naturelle de la maladie (fréquence et intensité des récurrences) chez l’homme. Cependant, deux études chez l’animal ont montré que l’utilisation très précoce de fortes doses d’ACV administrées lors de la primo-infection pouvant aboutir à une réduction significative du nombre de neurones infectés de façon latente, du nombre de copies du génome viral par neurone, et d’épisodes de réactivations. Cet effet est clairement corrélé avec la précocité du traitement et s’estompe si le traitement a débuté au-delà de 72 heurs. Dans ce modèle, la fréquence de réactivation est étroitement corrélée à la quantité de neurones infectés de façon latente [106]. Tableau IV. Traitement de l’herpès génital [106]. Primo-infection Topique anesthésiant Antiviral ACV 1g/j en 5 prises pendant 10 jours ou ValACV 1g/j en 2 prises pendant 10 jours Récurrence Antiviral ACV 1g/j en 5 prises pendant 5 jours ou ValACV 1g/j en 1 ou 2 prises pendant 5 jours > 6 poussées/an Antiviral ACV 800 mg/j en 2 prises ou ValACV 500 mg/j en 1 ou 2 prises 94 b. Traitement des récurrences (Tableau. IV) Le traitement d’une récurrence herpétique comporte un traitement locale antiseptique et apaisant associé au traitement antiviral spécifique par ValACV (500mg), deux comprimés par jours en une ou deux prise ou ACV (200 mg) un comprimé cinq fois par jour pendant cinq jours. Le traitement antiviral permet de raccourcir la durée du portage viral (un à deux jours) de la phase symptomatique (un à deux jours) mais pas de la durée de la douleur. Il n’existe pas de différance d’efficacité entre l’ACV et le ValACV. Ce dernier traitement en raison d’une meilleure biodisponibilité, offre par contre l’énorme avantage d’une simplification des prises. En cas d’une récurrence ultérieure, et après diagnostic formel de l’origine herpétique, la patiente peut auto-initier le traitement antiviral dès apparition des prodromes ; la précocité de la prise du médicament en augmente en effet l’efficacité [106]. c. Traitement suppressif (Tableau. IV) En cas de récurrence invalidantes et fréquentes (>6 épisodes cliniques par an), le praticien peut être amené à proposé un traitement antiviral suppressif des crises de récurrences par prescription d’une prise quotidienne d’un comprimé de ValACV (500 mg) ou ACV 2 cp × 2 par jour pendant un an. Ce traitement continu permet de diminuer l’excrétion symptomatique (93%) et l’excrétion asymptomatique du virus (75%). A un an, le nombre de patients indemnes de récurrences est de 45 à 65% contre 0 à 5% en l’absence de traitement. Il n’y a pas, par contre, d’étude permettant d’évaluer l’effet d’un traitement préventif sur la transmission du virus, ni d’ailleurs l’efficacité d’un traitement prophylactique post-exposition. L’effet suppressif ne perdure pas après arrêt du traitement 95 antiviral. L’évolution de la maladie étant variable au cours de la vie pour un individu donné, il est possible d’arrêter le traitement continu au bout d’un an pour le réintroduire en cas de réapparition de crises invalidantes [106]. 4.4. Traitement de l’herpès oral La gingivostomatite herpétique se traite par administration d’une suspension orale d’ACV, aux doses de 15 mg/kg ou 200 mg × 4 ou 5 fois par jour (selon que l’enfant a moins ouplus de 2 ans), cela durant une semaine. La voie intraveineuse serait utilisée au début si l’intensité des lésions interdisait la voie orale. La prévention d’un herpès labial fortement gênant peut être justifiée, sur une période limitée (herpès solaire par exemple), par la prise quotidienne de 500 mg de valACV [5]. 4.5. Herpès cutanéomuqueux progressif des personnes immunodéprimées Sa gravité locale et générale (dissémination, surinfection bactérienne), et le risque de sélection de mutants résistants lors du traitement curatif, justifient le traitement préventif, particulièrement chez les personnes reconnues HSVséropositives. Pour ce traitement préventif, différentes posologies d’ACV se sont révélées efficaces : 5 mg/kg ou 250 mg/m2 en intraveineux toutes les 8 heures, 200 mg par voie orale 3 à 4 fois par jour. Ici comme ailleurs, la posologie est à adapter à la clairance de la créatinine. En fait, le valACV (ou le FCV) doit trouver en ce domaine une place de choix, d’autant que l’absorption digestive de l’ACV peut être particulièrement mauvaise chez les patients greffés de moelle ou atteints de sida. À noter que les traitements préventifs contre les infections à VZV ou CMV 96 couvrent également les HSV. La durée du traitement est celle de l’immunodépression. Le traitement curatif d’un herpès cutanéomuqueux progressif doit intervenir le plus tôt possible, et être poursuivi assez longtemps à doses suffisantes afin d’éviter la sélection de mutants résistants (généralement 7 à 10 jours). Les doses d’antiviral, pour ce qui est de l’ACV, sont, par voie veineuse 250 mg/m2 ou 5 mg/kg toutes les 8 heures, ou bien, pour les formes les moins sévères, par voie orale 200 à 400 mg 5 fois par jour, cela chez le sujet aux fonctions rénales normales. Pour le valACV, ce serait 1000 mg par jour [5]. 4.6. Traitement de l’herpès oculaire On dispose depuis longtemps de préparations topiques d’antiviraux antiherpétiques montrés actifs : l’ACV en pommade à 3 %, le ganciclovir en gel à 0,15 %, le PCV en pommade à 3 % Une surveillance ophtalmologique régulière recherche une éventuelle toxicité ou une hypersensibilité locales. Le débridement peut être nécessaire. L’adjonction au traitement antiviral topique d’un traitement antiviral oral (par exemple, valACV 1000 mg par jour) est pratiqué par certains. L’association de corticoïdes locaux, qui sont contre-indiqués pour les kératites superficielles (risque de perforation cornéenne), est au contraire conseillée dans les formes stromales et dans la nécrose rétinienne aiguë. Le choix de l’antiviral dépend du coût, des antécédents d’intolérance et de l’efficacité de traitements antérieurs, des habitudes du pays : l’IdU, bon marché, n’est pas toujours bien toléré et elle est tératogène chez le lapin ; la TFT est largement utilisée en première intention aux États-Unis, mais elle est contre-indiquée chez la femme enceinte ; l’ACV pénètre bien le stroma cornéen et la chambre antérieure de l’œil ; l’adénine 97 arabinoside peut être efficace sur des souches TK– résistantes à l’IdU et l’ACV, comme d’ailleurs la TFT et le CDV. La nécrose rétinienne aiguë, de par sa gravité, exige la mise en route en urgence d’un traitement antiviral intraveineux par ACV, voire par CDV si les fonctions rénales le permettent. L’administration d’ACV oral, 400 mg deux fois par jour sur 12 mois, réduit le risque de récidives, ce qui est particulièrement intéressant dans les kératites stromales dont on a vu que la répétition peut conduire à la cécité. Le valACV, à bonne pénétration oculaire, est également utilisable, à la dose de 500 mg par jour. Ainsi, la prise en charge de l’herpès oculaire, souvent délicate, est à faire en milieu spécialisé mais il appartient au médecin généraliste d’en reconnaître l’urgence et d’éviter la perforation cornéenne par l’administration inconsidérée de corticoïde sur un œil rouge [5, 107]. 5. RESISTANCE DES HSV AUX ANTIVIRAUX 5.1. Epidémiologie de la résistance Chez les patients immunocompétents, l’apparition d’une résistance à l’ACV est peu fréquente malgré sa large utilisation. La prévalence des souches résistant à l’ACV est estimée autour de 0,3 %. Les HSV résistants sont le plus souvent isolés au cours d’infections génitales. Quelques cas d’infections orolabiales dues à des souches résistant à l’ACV ont cependant été décrits. Dans la très grande majorité des cas, l’apparition d’une résistance à l’ACV survient chez les patients sous traitement. Ces souches résistantes ne constituent pas un réel problème en clinique, car elles sont 98 rarement associées à un échec thérapeutique et dans la plupart des cas, l’infection évolue favorablement. Chez les patients immunodéprimés, les infections à HSV peuvent être disséminées avec atteinte pulmonaire, hépatique ou encéphalique. Les cas de résistance à l’ACV sont marqués par la sévérité de l’infection associée à une augmentation de la morbidité et de la mortalité [73]. Les infections à HSV résistants peuvent survenir malgré un bon contrôle immunovirologique de l’infection VIH et sont favorisées par la prise d’antiviraux. Parmi les alternatives thérapeutiques, le FSC est le traitement le plus efficace à condition d’être utilisé aux doses recommandées [108]. Des cas de résistance à l’ACV sont observes chez 5 à 7 % des immunodéprimés en particulier les patients VIH traites au long cours pour des herpès chroniques [109]. Les souches ACV-R sont résistantes à tous les nucléosides dont l’activation, comme l’ACV, est dépendante de la TK virale (ValACV, FCV, PCV, et ganciclovir) [86]. 5.2. Mécanisme de la résistance La résistance à l’ACV peut être due à une perte totale de l’activité de la TK (TK déficient), une altération de la TK (TK altérée) ou une altération de l’ADN pol (ADN pol altérée). L’altération ou l’absence de TK se rencontre plus fréquemment en clinique, et concerne 95 % des cas de résistance parce que la TK n’est pas indispensable à la réplication virale contrairement à l’ADN pol. La présence de mutations sur l’un de ces deux gènes est à l’origine d’une modification de leur fonctionnalité [73]. 99 a. Mutations localisées sur le gène de la TK Les mutations qui surviennent sur le gène de la TK peuvent être des additions ou délétions ou bien des substitutions de nucléotides. Dans 50 % des cas de résistance impliquant la TK, les mutations sont constituées par une addition ou par une délétion de nucléotides. Ces additions ou délétions surviennent fréquemment sur des séquences d’homopolymères riches en guanines (G) ou cytidines (C), plus rarement en adénines (A). Un mauvais alignement des paires de bases est probablement à l’origine de ce mécanisme mutationnel et l’ADN pol n’insèrerait pas, au niveau de ces homopolymères, le nucléotide adéquat. Ces séquences répétitives constituent des points chauds pour la survenue de mutations sur le gène de la TK et cela quelle que soit leur localisation par rapport aux sites catalytiques. Le taux de mutations est proportionnel au nombre de nucléotides successifs identiques. Les deux homopolymères les plus longs du gène de la TK d’HSV1, constitués de sept G au niveau des codons 145 et 146, et de six C localisés au niveau des codons 184 et 185 subissent ainsi fréquemment des insertions ou des délétions. La mutation la plus décrite jusqu’à présent dans des isolats cliniques résistant à l’ACV est localisée au niveau des codons 145–146. L’addition ou la délétion d’un nucléotide conduit à un décalage du cadre de lecture entraînant, lors de la traduction, la synthèse d’une protéine non fonctionnelle, tronquée ou allongée [73]. Les mutants TK déficients les plus fréquents, n’ont plus d’activité TK, ils ont un pouvoir pathogène atténué du fait de leur incapacité à créer une infection latente et à se réactiver. Ils ne sont donc pas impliqués dans les formes récurrentes d’herpès [76]. 100 b. Mutations localisées sur le gène de l’ADN-polymérase Les souches résistant aux antiviraux comportent des substitutions de bases dans les régions conservées (II, III, VI) ou plus rarement dans les régions non conservées (entre I et VII) du gène de l’ADN pol. La résistance des HSV faisant suite à des mutations localisées sur le gène de l’ADN pol reste rare. La plupart de ces souches résistantes ont été sélectionnées au laboratoire. Les mutations survenant sur le gène de l’ADN pol peuvent être à l’origine d’une résistance au PFA, d’une double résistance à l’ACV et au PFA et parfois d’une résistance isolée à l’ACV. La région I de la sous-unité Pol inclut un motif Tyr–Gly–Asp– Thr–Asp–Ser largement conservé dans la sous-famille des alphaherpesvirinae qui est indispensable au maintien de la sensibilité aux antiviraux. Les régions II et III regroupent la plupart des mutations associées à la résistance à l’ACV et au PFA. Notamment, la mutation Ser724Asn (région II) est la plus fréquemment décrite et elle est à l’origine d’une double résistance ACV–PFA [73]. Les mutants ADN pol sont beaucoup plus rares. Les quelques souches dont les gènes ont été séquencés présentent des substitutions ponctuelles sur un nucléotide, dans une région conservée, qui induisent une modification d’un acide aminé. Toutes ces analyses génétiques du support de la résistance des HSV aux antiviraux ont montré : 1. Le polymorphisme du gène TK, plus important pour HSV1 que pour HSV2. 2. La fréquence des mutations de ce gène dont le nombre n’est sans doute pas fini et dont les conséquences sur le pouvoir pathogène, et la 101 réactivation sont variées. Ceci complique la détection génétique rapide des souches ACV – R et justifie le suivi épidémiologique moléculaire des souches résistantes in vitro et in vivo. 3. La résistance à l’ACV et produits dérivés amène à utiliser des antiviraux ayant un autre mécanisme d’action, en particulier le PFA actif sur l’ADN pol. Il en résulte que les mutations ADN pol peuvent être sélectionnées non seulement par l’ACV (rares) mais aussi par le PFA (fréquentes). Leur analyse génétique est encore débutante [76]. 5.3. Facteurs de risque d'acquisition de cette résistance Les principaux facteurs de risque d'acquisition de cette résistance sont un traitement antérieur par 1' ACV et un déficit profond de l'immunité cellulaire. Les mutants résistants sont présents en quantité peu importante dans une population sauvage et peuvent devenir dominant lors d'un traitement par ACV au long cours, d'autant plus que celui-ci est donné à doses insuffisantes et chez des patients fortement immunodéprimés. Ainsi, les souches résistantes à l'ACV sont isolées en moyenne après 38 jours (10 à 54 jours) de traitement par ACV contre trois jours (1 à 28 jours) pour les souches sensibles à l'ACV [63]. 6. TRAITEMENT DES SOUCHES RESISTANTES Des cas de résistance à l’ACV sont observés dans 5 à 7% des cas chez l’immunodéprimé, en particulier chez les patients infectés par le VIH traités au long cours pour des herpès chroniques [12]. L’alternative thérapeutique est alors, non pas le valACV, le FCV ni le PCV, également dépendants de la TK herpétique pour leur indispensable 102 phosphorylation mais le PFA qui, analogue de pyrophosphate, agit directement sur l’ADN pol virale [5]. En cas de résistance à l’ACV, le traitement par PFA est utile, mais coûteux avec risque de toxicité. Il est réservé aux cas avec infections cutanéomuqueuses extensives [110]. Il existe toutefois des souches mutantes d’herpès résistantes aux deux molécules (ACV et PFA) : le CDV peut être alors utilisé avec succès [86]. 7. PREVENTION 7.1. Prévention de l’herpès génital En l’état actuel, c’est celle de toute MST, qui repose sur l’éducation sexuelle -commençant dès l’enfance avec des relations psychoaffectives satisfaisantes – et par la suite, à défaut d’une fidélité réciproque et soutenue, sur l’usage de préservatifs en cas de rapports sexuels occasionnels. Éviter les rapports en cas de lésions génitales ne suffit pas, en raison de l’existence d’excrétions virales asymptomatiques. Dans le même sens, s’il a été prouvé, au sein de couples monogames discordants en matière d’HSV2, que l’administration quotidienne de valACV au partenaire souffrant d’herpès réduit significativement la transmission du virus au partenaire sensible (dépourvu d’anticorps HSV2), on ne saurait extrapoler ce résultat à la population générale et laisser croire qu’un large usage de l’ACV ou du valACV suffirait à y enrayer la progression de l’herpès génital [5, 111]. 7.2. Prévention des récurrences d’herpès oculaire Le risque de réactivation herpétique est déterminé par le nombre de neurones infectés de façon latente dans les ganglions nerveux, lui-même corrélé 103 à la dissémination du virus lors de la primo-infection. La meilleure prévention de la maladie oculaire serait donc de bloquer la réplication virale dès le contage, par exemple, en administrant de fortes doses d’antiviraux (ACV) dès le diagnostic porté [112]. 7.3. Prévention de l’herpès néonatal (Tableau. V) [5, 113-115] Elle repose sur quatre mesures dont la mise en œuvre est d’inégale difficulté. Les deux premières méritent d’être systématiques : • l’éducation des futurs pères et mères pour éviter qu’ils contractent l’herpès génital ; • la désinfection des voies génitales maternelles avant l’accouchement (polyvidone iodée ou chlorhexidine moussante, par exemple) ; En revanche, les deux autres - la césarienne et l’administration d’ACV à la mère et à l’enfant -, ne sauraient être considérées comme anodines et demandent du discernement clinique. En effet, la conduite à tenir dépend en fait de la situation de la mère, telle qu’elle est établie par un interrogatoire et un examen clinique minutieux des voies génitales lors du travail. Elle est représentée dans le (Tableau. V), inspiré par la conférence de consensus de la Société de pathologie infectieuse de Langue Française (SPILF) de 1993. 104 Tableau V. Herpès génital maternel : propositions pour éviter l’herpès néonatal [5]. Quatre situations maternelles I = Lésions d’infection génitale initiale, dans le mois avant l’accouchement II = Lésions d’herpès génital récidivant à l’accouchement III= Pas de lésions en prepartum, mais histoire d’herpès génital, chez la mère ou le conjoint Fréquence chez les mères d’enfant infecté Risque d’herpès pour l’enfant Rare Environ 50% ≤2 % + Conduite proposée Césarienne ACV, pour la mère et l’enfant Césarienne Pas d’ACV, sauf facteur de gravité ou cas particulier Environ ++ 1/1000 Préservatifs durant la grossesse Recherche d’une excrétion génitale de virus par culture lors du travail Puis désinfection vulvovaginale Et accouchement par voie basse, atraumatique IV = Aucune histoire d’herpès génital, chez la mère ni chez le conjoint +++ 2/3 des cas Environ 1/10000 Fidélité mutuelle et préservatifs durant la grossesse, et pas de contacts orogénitaux Désinfection vulvovaginale lors du travail Dans la situation I, la césarienne est à faire idéalement avant rupture de la poche des eaux, sinon dans les 4 à 6 heures qui suivent. Au-delà, elle ne serait cependant pas dénuée d’intérêt. Pourtant, même faite à temps, elle est prise en défaut une fois sur 10, en raison d’une infection in utero par voie ascendante transmembranaire ou par virémie transplacentaire, de sorte qu’on conseille systématiquement le traitement de l’enfant par ACV intraveineux 20 mg/kg/8 h. Il s’impose en cas de retard à la césarienne. Le traitement de la mère par ACV s’impose aussi quand un herpès génital sévère fait craindre dissémination du virus et hépatite maternelle. Dans la situation II, on autorise l’accouchement par voie basse dès que les lésions ne sont plus actives : « pas de lésion, pas de césarienne ». Sinon, c’est la 105 césarienne, sans ACV, sauf facteur de gravité ou cas particulier. Ces facteurs de gravité sont la prématurité, une rupture prématurée de la poche des eaux, la pose d’électrodes sur le scalp, d’importantes lésions cervicovaginales, un faible titre d’anticorps sériques anti-HSV au cas où on les doserait. Le remplacement de la césarienne par un traitement à l’ACV est à discuter, en cas de grossesse à venir loin d’une maternité (risque de rupture utérine) chez certaines femmes migrantes. Dans la situation III, la recherche hebdomadaire systématique durant le dernier mois de gestation est abandonnée, car elle ne donne pas d’information sur la présence ou l’absence de virus dans les voies génitales maternelles à l’accouchement. Les résultats de la culture parviendront quelques jours plus tard et, si positifs, l’enfant sera traité par ACV. La PCR donnerait des résultats quasi immédiats mais sa mise en œuvre systématique poserait des problèmes de faisabilité 24 h/24, et en termes de conduite à tenir (plus sensible que la culture, elle n’en a pas la signification en termes d’infectiosité). On évite, sauf risque vital, le monitorage par électrode de scalp qui a pu constituer une porte d’entrée pour le virus, de même que forceps ou ventouse. À la naissance, on conseille d’initier chez l’enfant un traitement antiviral oculaire (pommade ophtalmologique à l’ACV par exemple), de procéder, pour certains auteurs, à un bain (polyvidone iodée moussante aussitôt suivi de rinçage pour éviter une imprégnation iodée, ou chlorhexidine, et de rechercher, par inoculation en culture de cellules, la présence de virus 24 à 36 heures après la naissance (conjonctives, cavité buccopharyngée). Remise aux parents d’une fiche de surveillance à domicile, sur 1 mois. 106 Quant au traitement préventif des récurrences à l’accouchement (menant à la situation II), par ACV oral ou ValACV en fin de grossesse, il a fait l’objet d’essais. Il réduit effectivement excrétion et césarienne pour récurrences. Il apparaît pertinent au cas où la primo-infection est survenue en cours de grossesse. Des indications trop larges conduiraient à une généralisation de ce traitement (un quart des personnes, dans certaines populations, ont une histoire d’herpès génital), aux conséquences encore indéterminées. En tout cas, il ne saurait être « systématique ». Le traitement par ACV en cours de grossesse, théoriquement contreindiqué, n’a pas eu d’effets néfastes pour l’enfant à court terme sur 1246 cas colligés pour l’International acyclovir pregnancy registry, mais le recul insuffisant pour juger du long terme incite à la prudence. Chez les femmes à antécédent d’herpès génital (situation III), ont été entrepris des essais de traitement suspensif par ACV oral durant les dernières semaines de grossesse, pour éviter une récidive en prepartum (passage à la situation II) et par là une césarienne. Les conclusions sont en faveur du traitement dans le cas particulier où la première poussée d’herpès génital est survenue durant la grossesse en cours, mais elles sont moins claires dans le cas général où l’herpès génital est antérieur à la grossesse. À l’avenir, c’est le valACV qu’il faudrait évaluer, mais cela sur une très vaste échelle si l’on veut arriver à une conclusion utile, tâche d’autant plus malaisée qu’aucun cas d’herpès néonatal n’a été observé dans le groupe placebo des études de prophylaxie des récurrences conduites jusqu’à présent. D’autres voies mériteraient sans doute d’être explorées, comme l’administration durant la grossesse d’un vaccin inactivé ou d’anticorps monoclonaux neutralisants ou encore, perpartum, un traitement antiviral 107 relativement bref, à l’image de ce qui a pu être fait pour la prévention de la transmission du VIH de la mère à l’enfant lors de l’accouchement. Enfin, dans la situation IV, préservatifs (ou abstinence) sont à conseiller même aux couples fidèles, à partir de la 34e semaine d’aménorrhée (la 28e pour certains), les études sérologiques ayant montré des couples « virologiquement discordants » malgré des années de vie commune, chez qui l’induction d’une primo-infection maternelle peut survenir sans symptômes durant la grossesse. 7.4. Vaccination anti-herpétique 7.4.1. Les deux objectifs de la vaccination anti-herpétique Il s’agit soit de protéger un individu non encore infecté par l’un ou les deux types d’herpès (on parle alors de vaccin prophylactique), soit de diminuer le nombre de récurrences cliniques et virologiques chez un sujet déjà infecté (on emploie alors le terme de vaccin thérapeutique) (Tableau VI) [116]. Tableau VI. Objectifs d’un vaccin anti-HSV [116]. Vaccins prophylactiques Vaccins thérapeutiques Prévenir l’infection (la réplication virale) Prévenir ou réduire la capacité de latence Prévenir la primo-infection clinique Prévenir ou réduire les récurrences (symptomatiques et asymptomatiques) Réduire les symptômes cliniques des récurrences Réduire la fréquence des récurrences Réduire l’excrétion virale lors des récurrences (symptomatiques et asymptomatiques) a. Vaccin prophylactique Idéalement, ce type de vaccin devrait induire une immunité loco-régionale (stérilisante) pour protéger l’individu de la primo-infection à HSV1 et HSV2 en éliminant le virus au niveau des portes d’entrées (muqueuse génitale, nasale, 108 oropharynx, oculaire,…), avant qu’il ne pénètre dans le système nerveux périphérique pour y établir sa latence. Cependant, la plupart des études sur l’animal montrent que les vaccins prophylactiques actuellement disponibles, préviennent la primo-infection clinique, mais n’empêchent pas totalement l’entrée du virus dans le système nerveux et l’établissement d’une latence. Par contre, cette protection non optimale semble diminuer la fréquence et la sévérité des récurrences, probablement en diminuant l’intensité de la contamination virale initiale des cellules nerveuses [116]. b. Vaccin thérapeutique Ce type de vaccin peut se comparer à une immunothérapie. Il a pour objectif de contrôler les conséquences cliniques de la réactivation virale pour réduire le nombre et les symptômes cliniques des récurrences et donc d’améliorer la qualité de vie des patients présentant un herpès hautement récidivant. Cette stratégie exige sans doute des administrations répétées dans le temps mais ceci peut être mis en balance avec les traitements suspensifs au long cours. Théoriquement, ce type de vaccination appliqué aux patients souffrant d’un herpès génital, pourrait également diminuer le risque de transmission de cette MST [116]. 7.4.2. Un vaccin efficace contre l’herpès On aimerait disposer d’un vaccin contre l’herpès, pour prévenir les primoinfections, raréfier ou atténuer les récidives, éviter la transmission mère-enfant. En fait, nous en sommes toujours actuellement à des stades expérimentaux, qu’il s’agisse de vaccins inactivés à partir de cultures cellulaires infectées, de vaccins atténués génétiquement modifiés, de vaccins à base de 109 sous-unités constituées d’une ou plusieurs glycoprotéines d’enveloppe, ou de vaccins à base d’ADN viral nu. Il est a priori difficile de vacciner contre une infection virale localisée, à porte d’entrée sexuelle, capable de latence et n’empêchant pas, d’après certaines observations, des réinfections exogènes par des souches de même type. De fait, le dernier des grands essais de vaccin de phase III a donné des résultats mitigés. Il s’agissait du vaccin de GlaxoSmithKline administré contre l’herpès génital à titre prophylactique, à des personnes dont le conjoint avait une histoire d’herpès génital. C’était un vaccin subunitaire à base de la glycoprotéine d’enveloppe D de l’Herpès simplex virus de type 2 (gD2), sous forme recombinante tronquée ; il comprenait un adjuvant de type Th1, associant de l’alun et du lipide A monophosphorylé 3-désoxy-acétylé (3d-MPL-A). Cet essai comportait deux études. La première ne s’adressait qu’à des personnes dépourvues d’anticorps sériques contre les deux types d’HSV, tandis que pour la seconde n’intervenait aucune sélection selon le statut sérologique. Les témoins ne recevaient que de l’adjuvant. Si ce vaccin a été bien toléré et a suscité une réponse humorale et cellulaire, il n’a, au terme de 19 mois, entraîné de protection que des femmes séronégatives pour les deux types d’HSV (taux de protection de 73 et 74 % dans les deux études). L’absence de protection démontrée des femmes séronégatives pour l’HSV2 mais séropositives pour l’HSV1, ainsi que des hommes quel qu’en ait été le statut sérologique, déconvenue indéniable, fermait, en l’état, toute perspective de vaccination universelle contre l’herpès génital. 110 Par ailleurs, l’analyse des témoins de l’étude 2 avait confirmé la notion classique qu’une sérologie HSV1 positive réduit le risque ultérieur de poussée d’herpès génital. La différence des résultats selon le sexe a fait discuter le rôle de particularités concernant la voie de pénétration ou la réponse immunitaire chez la femme. Celle-ci offre en effet des surfaces muqueuses plus étendues, dépourvues de stratum corneum, mais baignées de sécrétions pouvant apporter anticorps et cellules immunes. D’autre part, la réponse immunitaire de type Th1 est généralement plus marquée chez elle que chez l’homme. On peut cependant considérer qu’un démenti vient d’être apporté à la prédiction pessimiste selon laquelle l’herpès génital échapperait à toute tentative de vaccination aisée par voie parentérale : c’est le succès récent des essais de vaccin contre les papillomavirus humains hautement oncogènes, annonçant à court terme la mise à disposition du deuxième vaccin contre le cancer. La quête du vaccin contre l’herpès n’est donc pas vaine [5, 117]. Mais il faut admettre que la vaccination contre l’herpès souffre de la concurrence, avec : le ValACV, qui réduit non seulement la fréquence des récurrences génitales, mais aussi le risque de contamination du partenaire ; le préservatif masculin, qui quoiqu’on ait pu en dire, a donné après des décennies d’utilisation empirique la preuve scientifique de son efficacité [118]. 111 CONCLUSION 112 Malgré la chimiothérapie antivirale, l’infection à herpes simplex virus HSV reste un problème de santé publique préoccupant, particulièrement l’herpès génital, du fait de ses conséquences sociales et psychologiques, et de sa contribution à l’herpès du nouveau-né, ainsi sans doute qu’à la propagation du VIH et du sida. L’infection herpétique la plus répandue est l’infection orale à HSV1, apparaît moins préoccupante, en ce qui concerne ses manifestations cliniques, malgré la gingivostomatite qui survient dans 10 % des primo-infections et les récurrences sous forme d’herpès labial récidivant, source d’inconfort important chez certaines personnes. Notons que dans les conditions naturelles, l’infection orale par HSV1, qui survient généralement dans l’enfance, donne ultérieurement vis-à-vis de l’infection génitale par l’HSV2 une protection partielle mais intéressante, se traduisant par une moindre intensité des manifestations cliniques lors de l’infection génitale initiale et par un moindre risque de transmission de l’infection génitale de la mère au nouveau-né. 113