L Prise en charge des dispositifs médicaux dans les essais cliniques A

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Prise en charge des dispositifs médicaux
dans les essais cliniques
" J.R. Hazard*
L
e champ auquel appartiennent les dispositifs médicaux est particulièrement étendu. En effet, on entend
par “dispositif médical” : tout instrument, appareil,
équipement, matière ou autre article utilisé seul ou en association, y compris le logiciel nécessaire pour le bon fonctionnement de celui-ci, destiné par le fabricant à être utilisé chez
l’homme à des fins de :
! diagnostic, prévention, contrôle, traitement ou atténuation
d’une maladie ;
! diagnostic, contrôle, traitement, atténuation ou compensation d’une blessure ou d’un handicap ;
! études, remplacement ou modification de l’anatomie ou d’un
processus physiologique ;
! maîtrise de la conception,
et ce par des moyens ni pharmacologiques, ni immunologiques.
Notre exposé fera part de notre expérience des dispositifs
implantables, qui ne représentent qu’une faible part de ce
domaine étendu.
Trois directives européennes ont pour but d’assurer la libre circulation des dispositifs médicaux au sein du marché unique
européen. Ces directives stipulent que, pour pouvoir être mis
sur le marché, un dispositif médical doit satisfaire à des exigences essentielles de sécurité et de performances. Cette conformité permet d’apposer la marque CE (Communauté européenne). Pour prouver la conformité aux exigences essentielles,
* Directeur des affaires cliniques et publiques, Guidant SA.
La Lettre du Pharmacologue - Volume 15 - n° 6 - juin 2001
le fabricant doit prouver qu’il peut fabriquer qualitativement et
quantitativement de manière industrielle, et ce, grâce au respect de la série des normes ISO 9000. Il doit également se
conformer à des normes dites verticales, qui portent sur des dispositifs donnés, tels que les respirateurs ou les stents, et à des
normes générales, dites horizontales, qui portent sur les performances, la biocompatibilité, la durabilité, la stérilisation et
les essais cliniques. Cette norme (EN 540) fait, pour les aspects
éthiques, référence à la Déclaration d’Helsinki.
Mener à bien des essais cliniques de qualité implique le respect
de principes éthiques, de l’intérêt scientifique et de la logique
économique, qui concerne avant tout l’assureur et le promoteur. Ces trois contraintes sont conciliables dès lors que
le contexte juridique est adapté à la situation qu’il entend
organiser.
Or, un grand nombre de textes européens existent, et les textes
français se surajoutent à cet ensemble, notamment la loi
88-1138 du 20 décembre 1988, ou loi Huriet-Sérusclat, qui
constitue la transposition des principes éthiques de la Déclaration d’Helsinki. Cette loi avait été initialement conçue pour des
essais portant sur le médicament avant autorisation de mise sur
le marché, et a été étendue, lors de son adoption, à l’ensemble
des essais et expérimentations menés chez l’homme.
Distinguons de la loi une disposition réglementaire, non
voulue par le législateur : l’article R 2038, qui stipule que
“les objets ou matériels ainsi que les médicaments ou produits
mentionnés à l’article R 5123 sont fournis gratuitement, ou mis
gratuitement à disposition pendant le temps de l’essai par le
promoteur”.
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Dans le cas de dispositifs implantables dont le patient bénéficie au-delà de la fin de l’essai, la mise en pratique de l’article
R 2038 et du principe “mis gratuitement à disposition pendant
le temps de l’essai” peut, au terme de discussions avec l’administration hospitalière, aboutir à la facturation du dispositif
médical au prorata temporis, c’est-à-dire en réduisant le prix
d’un pourcentage correspondant au temps de l’étude par
rapport à la longévité du dispositif. La facturation peut avoir
lieu au début ou à la fin de l’essai. Cette solution est source de
confusion et aboutit souvent à une négociation commerciale
entre le service recherche du fabricant et la direction des achats
de l’hôpital, qui cherche à obtenir le rabais le plus important
possible. Après la fin de l’essai, le service des achats a parfois
du mal à se rappeler que le prix du dispositif était déterminé
par l’application d’un prorata temporis lié à la “mise à disposition gratuite pendant le temps de l’essai”. D’autre part, les
conventions de recherche sont conçues pour des essais portant
sur des médicaments, et leur adaptation requiert parfois un délai
supérieur au temps nécessaire à la réalisation de l’essai dans
les autres centres concernés.
Une solution alternative, de plus en plus souvent adoptée et qui
a la préférence des industriels, consiste à facturer le dispositif
au prix marché d’un dispositif comparable.
D’autre part, soulignons quelques aspects propres à l’évaluation des dispositifs médicaux, sans toutefois prétendre traiter
ce sujet :
! Il n’existe pas de phases I, II, III et IV. Les exigences
précliniques sont particulièrement importantes et ont pour but
de s’assurer de la sécurité et des performances du dispositif. En
revanche, les essais thérapeutiques ne constituent pas l’outil
adapté pour déceler des défauts de conception dont la fréquence
est rare ou la survenue tardive, et qui peuvent être identifiés
soit par un dossier préclinique rigoureux, soit par la matériovigilance.
! Ces produits ont un renouvellement très rapide, et il est possible de les modifier en fonction d’observations constatées en
pratique clinique.
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! L’influence de l’utilisateur et de l’environnement est particulièrement importante. Les résultats peuvent être excellents
avec un opérateur, médiocres, voire mauvais, avec un autre.
! Pour un certain nombre de dispositifs, la traçabilité est bonne,
voire même excellente.
! Enfin, les populations concernées sont souvent de très petite
taille (quelques milliers de patients dans un pays comme la France).
En d’autres termes, l’évaluation porte sur des stratégies ou pratiques thérapeutiques ayant recours à un dispositif, et non pas
sur le dispositif lui-même.
L’étude EVA-3S, dont l’AP-HP et la Délégation régionale à la
recherche clinique sont les promoteurs, illustre le fait que ce
n’est pas le dispositif lui-même mais des stratégies thérapeutiques qui sont évaluées. Cette étude exemplaire a pour but,
chez des patients ayant une sténose carotide serrée symptomatique, de comparer une stratégie thérapeutique ayant recours à
des dispositifs médicaux à la stratégie chirurgicale par endartériectomie, qui constitue le traitement de référence. En effet,
l’angioplastie carotide avec endoprothèse semble être une alternative intéressante, mais on ignore si cette procédure peut être
effectuée avec un risque similaire à celui de la chirurgie, et si
elle confère un degré de protection à long terme similaire. Les
patients éligibles sont randomisés dans le groupe angioplastie
ou le groupe endartériectomie. Seuls des stents destinés aux
sténoses carotides et dotés du marquage CE peuvent être achetés et utilisés par les hôpitaux participant à cette étude.
Afin d’adapter l’environnement juridique français à la spécificité de l’évaluation des dispositifs médicaux et aux contraintes
de la logique économique, nous recommandons :
! l’introduction d’un arrêté réglementaire spécifique pour
les produits non soumis à la procédure d’AMM, distinct de
l’arrêté R 2038 ;
! un amendement de la loi 88-1138 afin de l’adapter aux évaluations menées, non pas en vue de l’obtention d’une AMM,
mais dans le but d’évaluer et comparer des techniques et pratiques, chirurgicales ou non invasives, communément utilisées.#
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