R e t o u r d e ... XIII congrès de l’American Society

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Retour de congrès
XIIIe congrès de l’American
Society
of Hypertension
New York - mai 1998
Xavier Girerd*
L
e XIII e congrès de l’American Society of Hypertension
s’est tenu à New York du 13 au 16 mai 1998. Ce rendezvous traditionnel des médecins nord-américains spécialistes de l’hypertension artérielle a mis en avant la
recherche française avec la remise du prix Rober t
Tigerstedt au Pr Pierre Corvol, du Collège de France et de
l’hôpital Broussais, pour ses travaux sur le système rénineangiotensine. A cette occasion, le récipiendaire a donné
une “leçon” particulièrement brillante sur l’enzyme de
conversion de l’angiotensine, qui a permis à chacun de
découvrir tous les secrets de cette enzyme, cible privilégiée
d’une famille thérapeutique d’utilisation quotidienne chez
l’hypertendu. A côté de ce moment fort, de très nombreux
sujets cliniques ont été abordés, comme le veut la tradition
de ce congrès toujours à la pointe des nouveautés de la
formation médicale continue en hypertension artérielle.
Utilisation du Viagra® (sildéfanil)
chez l’hypertendu traité
Les troubles de l’érection sont une
plainte fréquente des hypertendus traités. L’efficacité du Viagra® (sildéfanil)
* Service de médecine interne,
hôpital Broussais, Paris.
Act. Méd. Int. - Hypertension (10), n° 6, juin 1998
chez ces patients a été étudiée sur une
cohorte de 3 413 sujets qui se plaignaient de troubles de l’érection. L’un
des sous-groupes était constitué de
1 218 sujets hypertendus traités par des
antihypertenseurs de toutes les familles
thérapeutiques. L’étude en double
aveugle a évalué l’efficacité du Viagra®
ou d’un placebo chez ces hommes d’un
âge moyen de 56 ans sur des durées
d’utilisation maximales de 6 mois. Le
Viagra® permet une amélioration statistiquement significative de trois cri-
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tères : la qualité de la pénétration, le
maintien de l’érection et l’amélioration de l’érection. Ces résultats positifs sont aussi observés chez l’hypertendu traité. Les bénéfices sont comparables, que les sujets prennent ou
non un traitement antihypertenseur.
La tolérance du traitement a été comparable entre les deux groupes. Il est
probable que, lorsque le Viagra® sera
disponible en France, les médecins
prenant en charge des hypertendus
seront particulièrement sollicités pour
prescrire cette thérapeutique.
Les IEC protègent-t-ils du cancer ?
Les conséquences de la prescription
au long cours des antihypertenseurs
sur le risque de cancer sont régulièrement discutées. Une étude de cohorte
réalisée par la clinique d’hypertension
de Glasgow a évalué le risque de cancer lié à la prescription des IEC. A
partir du suivi de 5 207 hypertendus,
sur une période de 16 ans, le groupe
des sujets, chez lesquels un IEC avait
été prescrit, a été comparé au groupe
n’en ayant pas reçu. Les taux ont été
comparés à l’incidence des cancers
survenue dans la population de
l’Ouest Ecossais pour la même période. Les résultats indiquent que le
risque-ratio est de 0,64 pour les utilisateurs d’IEC. Le bénéfice du traitement apparaît uniquement si la
durée de la prescription est supérieure
à 3 ans. Le risque diminue particulièrement chez la femme et pour les
cancers spécifiquement “féminins”.
La coprescription de l’IEC et d’autres
médicaments antihypertenseurs ne
modifie pas ces résultats, lesquels
nécessitent à l’évidence d’être confirmés par une étude portant sur une
autre population, mais doivent cependant nous conduire à poursuivre les
recherches sur le rôle joué par le sys-
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tème rénine-angiotensine-aldostérone
sur les phénomènes d’apoptose cellulaire.
L’hyperuricémie est un facteur de
risque : le retour
Au début des années 1980, l’hyperuricémie était considérée comme un facteur de risque de maladies cardiovasculaires, au même titre que l’hypertension ou le tabac. De nombreux
patients se sont vus, à cette époque,
prescrire un hypo-uricémiant en plus
de leur traitement antihypertenseur.
C’est en fait le diurétique prescrit
qui favorisait l’hyperuricémie, et
l’utilisation des méthodes statistiques
avec “ajustement” a fait disparaître
l’hyperuricémie de la catégorie des
facteurs de risque indépendants. M.
Alderman (New York) a apporté un
nouvel éclairage sur le rôle pronostique joué par l’hyperuricémie. A partir d’une cohorte de 7 906 hypertendus suivis pendant 7 ans, une analyse
multivariée a montré que l’uricémie
était bien un facteur de risque indépendant de survenue d’une cardiopathie coronaire. En effet, la relation
entre hyperuricémie et coronaropathie
persistait après avoir pris en compte
tous les facteurs de risque “classiques” de la maladie coronaire. Les
auteurs qui avaient signalé que le rôle
pronostique, apporté par l’uricémie,
restait modeste par rapport aux
autres facteurs de risque, ont calculé que ce rôle défavorable pouvait participer à la diminution de l’action protectrice des diurétiques vis-à-vis de la
prévention des coronaropathies. Ils
ont estimé que le “bénéfice” du traitement par diurétiques se trouvait diminué de 7 %, du fait de l’hyperuricémie
induite par ces traitements. En conclusion, M. Alderman ne recommandait
Act. Méd. Int. - Hypertension (10), n° 6, juin 1998
pas la prescription d’un hypo-uricémiant chez tous les hypertendus, mais
indiquait qu’il lui semblait justifié de
maintenir le dosage de l’uricémie
dans le bilan initial de l’hypertendu,
afin de dépister les sujets ayant une
élévation importante de l’uricémie.
Pour ces patients, il conseillait de ne
pas choisir un diurétique comme
traitement antihypertenseur de première intention.
Le contrôle de la pression artérielle
dans l’étude ALLHAT
L’étude ALLHAT est un “méga-essai”
mené aux Etats-Unis, incluant 35 000
hypertendus, chez lesquels sont comparés l’efficacité, sur la prévention des
complications coronaires, de l’amlodipine, de la chlortalidone, de la doxazosine
et du lisinopril. Cette étude est menée en
double aveugle, et le protocole se fixe
comme objectif tensionnel d’obtenir une
pression de consultation inférieure à
140/90 mmHg. Si la monothérapie est
insuffisante, l’aténolol, la réserpine, la
clonidine et l’hydralazine sont successivement ajoutés. La communication du
pourcentage des patients ayant atteint
l’objectif tensionnel, après un an de
suivi, est particulièrement intéressante.
Une pression < 140/90 mmHg est obtenue chez 53 % des sujets. Ce résultat
n’est que de 49 % dans le groupe des
Noirs et de 55 % chez les Caucasiens. Il
est de 56 % chez les sujets âgés de 55 à
59 ans et de 48 % chez les plus de 80 ans.
Si l’on ne considère que la PAD
(< 90 mmHg) pour définir les contrôlés,
le pourcentage est de 86 %. En revanche
si, pour définir les contrôlés, on ne tient
compte que de la PAS (< 140 mmHg), le
pourcentage tombe à 55 %. Il en ressort
que c’est sur le contrôle de la PAS que
les efforts thérapeutiques devraient
préférentiellement porter. Il est pos-
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sible que le choix des traitements puisse
influencer ce résultat. La suite de l’étude
ALLHAT apportera probablement des
réponses à ces questions essentielles.
Retentissement cardiaque de
l’hypertension
Obtenir une régression de l’hypertrophie cardiaque chez l’hypertendu est un
objectif que le clinicien cherche à
atteindre par le traitement pharmacologique de l’hypertension. G. Schillaci
(Perugia, Italie) a évalué les conséquences d’une normalisation des
chiffres tensionnels chez des hypertendus traités et suivis dans la cohorte
PIUMA depuis 3 ans. Il a comparé ces
patients à des normotendus de même
âge, de même sexe et de même morphologie. Les hypertendus étaient tous
contrôlés, avec une pression artérielle
< 140/90 mmHg en consultation et une
confirmation de la normalisation tensionnelle par une MAPA. La pression
artérielle sur 24 heures était comparable dans les deux groupes (120/
76 mmHg). La masse cardiaque a été
évaluée par échographie, et les auteurs
montrent que les hypertendus possèdent une masse ventriculaire gauche
supérieure en moyenne de 13 % à celle
des normotendus. Une géométrie du
ventricule gauche de type “hypertrophie concentrique” est plus fréquente
chez les sujets hypertendus. Les auteurs
concluent que, malgré un contrôle
tensionnel satisfaisant, il persiste une
hypertrophie cardiaque chez l’hypertendu traité. Des facteurs indépendants de la pression artérielle expliquent sans doute ce résultat. Il reste à
montrer que certaines thérapeutiques
antihypertensives pourraient agir sur
ces facteurs, qui ne sont malheureusement toujours pas identifiés.
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Quel est le risque cardiovasculaire
des hypertendus pris en charge :
Framingham donne des chiffres
Une des nouveautés du dernier JNC VI a
été de proposer de fixer la décision du
traitement antihypertenseur non plus
uniquement en fonction du niveau de la
pression artérielle, mais en estimant le
risque absolu du patient (la probabilité
qu’un sujet a de présenter une complication cardiovasculaire dans un intervalle
de temps donné). Pour évaluer ce risque
de façon très simple, un tableau a été mis
au point, définissant trois groupes à
risque en fonction des facteurs de risque
associés à l’hypertension artérielle, de
l’atteinte des organes cibles ou des manifestations cardiovasculaires cliniques.
Groupe A : Pas de facteurs de risque,
pas d’atteinte des organes cibles.
Groupe B : Au moins un facteur de
risque n’incluant pas le diabète. Pas
d’atteinte des organes cibles.
Groupe C : Diabète et/ou atteinte des
organes cibles ou manifestations cardiovasculaires.
La combinaison entre le groupe de risque
et le niveau de la pression artérielle fixe
l’attitude thérapeutique (tableau I).
Tableau II : Répartition des hypertendus de Framingham selon la classification du JNC VI.
Pression
artérielle
de consultation
(mmHg)
Groupe A
Groupe B
PAS : 130-139
PAD : 85-89
0,04 %
16 %
7%
PAS : 140 - 160
PAD : 90 - 100
0,04 %
15 %
8%
PAS ≥ 160
PAD ≥ 100
0,02 %
28 %
25 %
L’équipe de Framingham a voulu savoir
comment les hypertendus, issus d’une
population générale, se répartissaient
au sein de ce tableau à 9 cases. Un
groupe de 2 794 hypertendus de la
cohorte de Framingham a permis de
réaliser cette répartition. Les résultats
figurent dans le tableau II (exprimés en
% du total de la population).
Ces données quantitatives sont très
informatives, car elles montrent que
dans deux tiers des cas l’évaluation du
risque absolu du patient va conduire à
Tableau I : Classification des choix thérapeutiques selon le JNC VI.
Pression
artérielle
de consultation
(mmHg)
Groupe A
Groupe B
Groupe C
PAS : 130-139
PAD : 85-89
Modifications
du style de vie
PAS : 140 - 160
PAD : 90 - 100
Modifications
du style de vie
(pendant 12 mois)
Modifications
Traitement
du style de vie médicamenteux
(pendant 6 mois)
PAS ≥ 160
PAD ≥ 100
Traitement
médicamenteux
Traitement
médicamenteux
Modifications
du style de vie
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Traitement
médicamenteux
Traitement
médicamenteux
Groupe C
proposer un traitement antihypertenseur dès le début de la prise en
charge. Si la décision était fondée uniquement sur le seul niveau tensionnel,
en choisissant le niveau du stade 2
(PAS ≥ 160 ou PAD≥100), seulement
un patient sur deux se verrait proposer une thérapeutique médicamenteuse
dès le début de la prise en charge. Bien
que ces données quantitatives ne soient
pas exactement transposables à la situation rencontrée en France, elles apportent des arguments pour faire rentrer le
principe de risque absolu dans notre
mode de décision thérapeutique.
La pression pulsée ambulatoire est un
marqueur du risque cardiovasculaire
La pression pulsée, c’est-à-dire la différence entre la pression systolique et
la pression diastolique est en passe de
devenir le nouveau paramètre tensionnel à prendre en compte pour déterminer le risque cardiovasculaire de l’hypertendu. Après la publication du rôle
pronostique indépendant de ce paramètre, à partir de plusieurs grosses
populations
(Framingham,
IPC,
SAVE), l’intérêt de la mesure de la
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pression pulsée, obtenue sur un enregistrement de MAPA, est avancé par
les résultats du suivi de la cohorte de
l’étude PIUMA. Chez 1 942 sujets suivis en moyenne depuis 3,6 années, la
MAPA a été enregistrée initialement,
et le rôle pronostique de la pression en
consultation comparativement à celui
des mesures ambulatoires a été évalué.
Lorsque le rôle pronostique de la
moyenne de la pression pulsée sur 24
heures est estimé sur l’ensemble des
complications cardiovasculaires, il
apparaît que le risque relatif est de
1,71 (CI 95 %, 1,20 à 2,42) chez les
sujets dont la pression pulsée est
supérieure à 53 mmHg. De plus, le
rôle pronostique de la pression pulsée
mesurée en ambulatoire est un
meilleur prédicteur que la pression
pulsée mesurée à la consultation. Ces
résultats sont bien évidemment obtenus après ajustement sur les facteurs
prédictifs usuels et en particulier sur
l’âge. Ce résultat est un argument supplémentaire pour considérer que la
pression artérielle évaluée en dehors
du cabinet médical apporte plus d’informations que celle mesurée en
consultation. Il conforte l’idée que la
pression pulsée est un indice simple et
informatif qu’il est probablement très
utile de calculer chez l’hypertendu.
La prescription d’un AINS a-t-il
vraiment une incidence sur
la pression artérielle ?
Il a été rapporté que la prescription
d’un anti-inflammatoire non stéroïdien
(AINS) pouvait s’accompagner d’une
élévation de la pression artérielle
chez l’hypertendu. Cette donnée n’est
toutefois pas confirmée dans une
méta-analyse regroupant les résultats
de 44 essais. Le groupe des enseignants français de thérapeutique de
l’APNET ont réalisé une étude qui a
été présentée oralement par X. Girerd
(Paris), dont l’objectif a été d’évaluer
l’impact de la prescription d’un AINS
sur la pression artérielle de patients
suivis par des spécialistes (médecins
internistes, cardiologues, rhumatologues) dans des hôpitaux universitaires. Cette étude a été réalisée sur le
mode d’une enquête “un jour donné”
par 22 médecins qui ont inclus tous les
Imprimé en France - Differdange S.A.
95110 Sannois Dépôt légal 2ème trimestre 1998 © janvier 1989 - Médica-Press
International
Act. Méd. Int. - Hypertension (10), n° 6, juin 1998
140
patients examinés au cours d’une
même consultation. Un questionnaire
comportant des données démographiques, médicales et le détail des
prescriptions médicamenteuses a été
rempli pour chaque patient quel que
soit le motif de la consultation. La
pression artérielle a été mesurée en
position assise en utilisant un manomètre à mercure. Un questionnaire
complet a été obtenu pour 259
patients. La population a été divisée
selon deux critères : la présence ou
l’absence d’une hypertension artérielle
traitée, et la présence ou l’absence de
prise d’un traitement AINS le jour de
la consultation. Les résultats indiquent
que la pression artérielle n’est pas
statistiquement différente en présence ou en l’absence de prise d’un
traitement AINS. Cette absence d’effet est observée dans le groupe des
hypertendus ainsi que dans celui des
normotendus. Ils suggèrent que l’interaction décrite entre les traitements
AINS et la pression artérielle chez certains patients n’a probablement pas de
conséquence clinique sur une population générale.
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