LIBÉRALE Prothèse d’épaule Une intervention moins rare Au mois de janvier se déroulait à Paris le Symposium international sur la prothèse d’épaule. Peu connue du grand public, cette dernière devient une intervention moins rare, avec une estimation de 2 700 prothèses posées par an en France. A près la pose de prothèses de hanches et du genou, celle d’une prothèse d’épaule est un acte chirurgical encore peu courant mais en augmentation. Considérée souvent comme une opération de la dernière chance, elle permet au patient de récupérer sa mobilité physiologique (90 % des cas), entamée à la suite d’un traumatisme ou d’une maladie chronique comme l’arthrose ou la polyarthrite rhumatoïde. Une articulation particulière L’articulation de l’épaule fonctionne grâce à une vingtaine de muscles et tendons qui travaillent en synergie les uns avec les autres. La partie supérieure de l’humérus s’articule dans la cavité de l’omoplate appelée glène ou cavité glénoïde. La coiffe des rotateurs, composée de quatre tendons, est un manchon qui entoure la tête de l’humérus. Son rôle est de stabiliser l’épaule, mais aussi de la faire bouger dans tous les sens. C’est elle qui donne la force musculaire. Les premiers essais de prothèse d’épaule datent de 1890. Les nouveaux concepts biomécaniques ont permis des progrès considérables. Actuellement apparaît en effet la troisième génération de prothèses à glissement. Il existe deux types de prothèse. D’une part, la prothèse humérale simple est constituée d’un seul implant fait d’une tige qui vient s’implanter dans l’humérus, et d’une tête humérale qui remplace la tête de l’humérus défectueuse. Avec un choix important quant à la variabilité des dimensions, les éléments métalliques des prothèses humérales sont en chrome-cobalt dans la majorité des cas. D’autre part, la prothèse totale d’épaule est composée de deux implants : le premier, celui de la prothèse humérale simple, est complété par un second appelé glénoïdien, scellé dans l’omoplate. Le composant glénoïdien est réalisé en polyéthylène. La difficulté réside dans l’exposition chirurgicale et la qualité de l’ancrage qui doit rester fiable à long terme. L’ancrage est souvent réalisé avec une quille triangulaire implantée et cimentée dans l’os cortical de l’omoplate. Pourquoi choisir l’une ou l’autre prothèse ? La décision est prise avant l’intervention, en fonction de la gravité de l’atteinte osseuse glénoïdienne et de l’état des tendons de la coiffe des rotateurs. Ces critères anatomiques sont parfaitement identifiés grâce à l’imagerie préopératoire. Seule l’imagerie peut mettre en évidence les contre-indications et il n’est pas concevable de proposer une prothèse sans un bilan d’imagerie. La mise en place de l’implant glénoïdien nécessite une bonne expérience de la chirurgie de l’épaule et de l’arthroplastie prothéique en particulier. L’intervention est contreindiquée quand il est impossible de réparer coude au corps une rupture des tendons de la coiffe des rotateurs et quand le stock osseux du massif glénoïdien est presque complètement détruit. Objectifs La mise en place d’une prothèse a pour objectifs de supprimer la douleur, d’améliorer la mobilité et la fonction, et d’assurer la stabilité de l’épaule. L’indication la plus fréquente est l’arthrose de l’épaule, souvent due à l’usure, mais aussi à un traumatisme. L’arthrose de l’épaule centrée primitive ou idiopathique à coiffe continente et fonctionnelle est l’indication la plus fréquente de prothèse totale. L’arthrose de l’épaule excentrée se définit, elle, par l’association d’une large rupture de la coiffe des rotateurs atteignant la totalité des tendons sus- et sous-épineux, une ascension de la tête humérale qui vient s’articuler avec la face intérieure de l’acromion, et des altérations cartilagineuses gléno-humérales. La rupture massive de la coiffe est une contre-indication formelle. Une prothèse humérale simple peut être posée avec, pour objectif, une épaule indolore mais dont la ●●● mobilité active restera limitée. 39 LIBÉRALE Schéma de prothèse totale d’épaule Pièce glénoïdienne en polyéthylène scellée dans l’omoplate Pièce humérale métallique (chrome-cobalt) scellée dans l’humérus Omoplate Humérus La polyarthrite rhumatoïde, maladie auto-immune invalidante, atteint souvent l’épaule. Les ruptures de la coiffe se voient dans 40 à 45 % des cas. Dix pour cent sont irréparables. La majorité des ruptures peut être reconstruite, mais demande une intervention plus précoce, avant que la destruction cartilagineuse et tendineuse ne compromette la biomécanique de l’épaule. L’ostéonécrose au stade II doit être traitée par une prothèse humérale simple alors qu’au stade IV, elle nécessite une prothèse totale. Les résultats sont bons au niveau de la douleur mais, sur la mobilité active et la fonction, ils ne le sont qu’à certaines conditions (avant 55 ans, pas d’antécédents chirurgicaux...). Les fractures se distinguent selon leur ancienneté. Pour les fractures récentes de l’extrémité supérieure de l’humérus, les résultats cliniques peuvent être considérés comme satisfaisants. Pour les fractures anciennes, les arthroplasties prothétiques donnent des résultats décevants, même si elles apportent une certaine amélioration. La rééducation postopératoire, poursuivie avec un kinésithérapeute jusqu’au sixième mois, intervient à 50 % dans le succès d’une prothèse d’épaule. Car il est illusoire d’envisager la réalisation d’une prothèse d’épaule si un programme spécifique de rééducation postopératoire n’a pas été préparé et pris en charge après l’intervention par une équipe patient-kinésithérapeute-chirurgien. Lucie Gallion D’après le symposium organisé par l’unité Épaule de l’Institut de la main, Paris. Suites postopératoires et rééducation La durée d’hospitalisation varie, mais elle est en moyenne de 10 jours. Le membre supérieur est placé dans une attelle amovible pour permettre la rééducation pendant une période qui varie suivant la pathologie. L’immobilisation de l’épaule est de 6 semaines, jour et nuit, après mise en place d’une prothèse pour fracture complexe de l’extrémité supérieure de l’humérus. L’immobilisation est plus courte lorsqu’il s’agit d’une pathologie dégénérative chronique (arthrose, polyarthrite rhumatoïde, nécrose). A partir du huitième jour et pendant 6 semaines, le patient ne porte plus son attelle que la nuit, afin d’éviter les faux mouvements pendant le sommeil, et la mobilisation active de l’épaule est entreprise. Le jour, les gestes de la vie quotidienne sont encouragés. Le programme de rééducation comprend deux périodes : la rééducation préopératoire et la rééducation postopératoire. Le kinésithérapeute doit être expérimenté dans le domaine de l’épaule qui demande un cer- 40 tain savoir-faire. Avant l’opération, son rôle est d’informer, de motiver et de former le patient pour lui faire entreprendre une auto-rééducation et établir un climat de confiance. Après l’intervention, débute, dès le deuxième jour, une rééducation passive. Ensuite, la mobilisation passive est associée à une mobilisation active aidée, puis intensifiée jusqu’à la visite du 45e jour postopératoire. La récupération des amplitudes articulaires se fait progressivement. Des exercices de musculation du deltoïde et des abaisseurs sont introduits du 45e au 90e jour. Lors de la visite du troisième mois, le patient est autorisé à conduire et à nager. La rééducation est poursuivie par un kinésithérapeute jusqu’au 6e mois. Au-delà, le patient peut continuer à faire seul deux ou trois séances d’autorééducation quotidienne. La fonction de l’épaule prothésée progresse jusqu’au 12e mois postopératoire. Une collaboration harmonieuse entre le chirurgien et le kinésithérapeute est fortement conseillée.