ESC 2002 XX Congrès de l’European Society of Cardiology

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N F O R M A T I O N S
ESC 2002
XXIVe Congrès de l’European
Society of Cardiology
Berlin, 31 août-4 septembre 2002
LA CARDIOPATHIE ISCHÉMIQUE :
LE SYNDROME CORONAIRE AIGU
Le traitement de l’infarctus du myocarde aigu consiste à rétablir
une perfusion coronaire la plus précoce, la plus complète et la
plus durable possible. Pour ce faire, de nombreux moyens mécaniques et pharmacologiques sont à la disposition du clinicien afin
de permettre une prise en charge optimale.
Les communications au cours du congrès de l’ESC 2002 sur le
sujet ont été largement dominées par les différentes associations
thérapeutiques et la comparaison entre l’angioplastie et la thrombolyse à travers des études randomisées ou des registres.
Infarctus du myocarde aigu avec sus-décalage
du segment ST
Tableau II. PRAGUE 2.
Résultats de GRACIA (tableau I)
Cette étude, présentée par F. Aviles (Valladolid, Espagne), a pour
but de comparer à la phase aiguë de l’infarctus un traitement
conventionnel par thrombolytiques à une revascularisation percutanée 24 heures après une thrombolyse. Dans les suites d’une
randomisation de 500 patients à travers 23 centres espagnols et
portugais, on ne retrouve pas de différence significative en ce qui
concerne la mortalité entre les deux groupes à 30 jours, alors qu’il
existe un bénéfice pour les événements cardiaques (p < 0,03) et
la durée d’hospitalisation (p < 0,0001) à 30 jours en faveur du
groupe angioplastie 24 heures après une thrombolyse.
Tableau I. GRACIA.
Incidence
Angioplastie 24 h
après une thrombolyse Thrombolyse
p
Événements
cardiovasculaires
0,8 %
3,7 %
0,03
Durée de séjour
7,6 jours
11,2 jours
0,0001
2,4 %
7,6 %
NS
Saignements
majeurs
8
Résultats de PRAGUE 2 (tableau II)
P. Widimsky (Prague, République tchèque) rapporte les résultats
d’une étude randomisée tchèque de 850 patients souffrant d’un
infarctus du myocarde dans les 12 premières heures en comparant un traitement par thrombolyse (streptokinase) à un traitement
par angioplastie. Malgré une prise en charge plus tardive dans le
groupe traitement mécanique (277 minutes/245 minutes dans le
groupe thrombolyse), la mortalité totale à 30 jours, même si elle
n’est pas significative, est moins importante dans cette cohorte
(6,8 et 10 %). En revanche, dans le sous-groupe traitement entre
3 et 12 heures, la mortalité à 30 jours est significativement moins
importante dans le groupe angioplastie (p < 0,02). Il en est de
même pour les événements cardiaques à 30 jours (8 % et 15,2 %).
Mortalité à 30 jours Angioplastie (%)
Thrombolyse (%)
p
Totale
6,8
10
0,12
< 3 heures
7,3
7,4
–
6
15,3
< 0,02
Entre 3 et 12 heures
Résultats de MAGIC
Ce travail, réalisé par l’Institut cardiothoracique américain, a
pour but d’étudier les effets du sulfate de magnésium à la phase
aiguë de l’infarctus après une revascularisation par thrombolyse
ou angioplastie. Les 6 213 patients randomisés recevaient soit un
bolus de 2 g de sulfate de magnésium suivi d’une perfusion de
17 g sur 24 heures, soit un placebo. Aucun bénéfice n’a été
retrouvé à 30 jours en ce qui concerne la mortalité, les événements cardiovasculaires et les réhospitalisations.
Résultats de GIPS
L’étude hollandaise Glucose-Insuline-Potassium (GIPS), à travers 940 patients dans les suites d’une revascularisation mécanique à la phase aiguë de l’infarctus, compare une perfusion de
glucose, insuline et potassium (GIK) à un placebo. La mortalité
La Lettre du Cardiologue - n° 360 - décembre 2002
I
Résultats de DIRAMI
Cette étude polonaise comprenant 248 patients teste au cours
d’une angioplastie à la phase aiguë de l’infarctus un traitement
par stenting direct versus un traitement par stenting après prédilatation au ballon. Cette technique est réalisable dans 83 % des
cas. Le taux de mortalité est identique dans les deux groupes alors
que le temps de procédure et de scopie est significativement
moindre dans le groupe stenting direct (p < 0,001).
Les registres
Plusieurs sessions consacrées à la prise en charge de l’infarctus
dans les différents registres retrouvent des chiffres de mortalité
entre 5 % et 6 %, alors qu’il n’y a pas de différence entre la thrombolyse et l’angioplastie (Registre berlinois, USIC 2000...) malgré une revascularisation mécanique secondaire dans 50 % des
cas dans le groupe thrombolyse. En revanche, comme l’ont montré le registre suédois avec ASSENT 2 et le registre israélien avec
GUSTO V, le taux de mortalité est moindre dans les essais randomisés (1,9 %-4 % et 5,2 %-10 %). Cette différence montre bien
la gravité de l’état des patients au quotidien avec des facteurs de
risque cardiovasculaire plus importants que dans les études randomisées (âge, sexe, diabète, choc cardiogénique, antécédents de
coronaropathie...).
Commentaires
Ce congrès a été riche d’enseignements concernant la prise en
charge de l’infarctus du myocarde. On a pu voir que la thrombolyse seule (PRAGUE 2, DANAMI 2, Registres européens) ou en
association aux anti-GPIIb/IIIa (ASSENT 3, GUSTO V...) est
intéressante, mais insuffisante pour notre époque. À l’avenir, le
traitement optimal passera quasi systématiquement par la revascularisation percutanée plus ou moins associée en pré- ou perprocédure à des anti-GPIIb/IIIa (ADMIRAL, CADILLAC...), des
thrombolytiques, ou à leur combinaison. Plusieurs études sont en
cours pour confirmer cette stratégie.
Angor instable et infarctus sans sus-décalage
du segment ST
Résultats de RITA 3 (tableau III, figure 1)
K. Fox (Édimbourg, Écosse) rapporte les résultats d’une stratégie invasive par rapport à un traitement conservateur chez
1 810 patients souffrant d’un angor instable ou d’un infarctus sans
élévation du segment ST avec un risque modéré de mortalité cardiovasculaire. Tous les patients, à travers 45 centres du RoyaumeUni, recevaient de l’énoxaparine. Le critère de jugement principal qui comprend la mortalité, l’infarctus du myocarde aigu et
l’angor réfractaire à 4 mois est significativement moindre dans
le groupe invasif (p < 0,001). Le critère mortalité et infarctus du
myocarde au cours de la première année n’est pas significativement différent entre les deux groupes (p = 0,58). Le critère secondaire angor réfractaire explique cette différence avec un bénéfice
nettement significatif pour le traitement invasif (p < 0,0001) à
4 mois et pour la première année.
La Lettre du Cardiologue - n° 360 - décembre 2002
Tableau III. RITA 3.
Traitement Traitement
invasif
médical
RR (IC95)
p
Mortalité, infarctus
du myocarde, angor
réfractaire après 4 mois (%)
9,6
14,5
0,66
(0,51-0,85)
0,001
Mortalité après un an (%)
7,6
8,3
0,91
(0,67-1,25)
0,58
Angor réfractaire
après 4 mois (n)
39
85
0,47
(0,32-0,68)
< 0,0001
Angor réfractaire
après un an (n)
58
106
0,56
(0,41-0,76)
0,0002
Incidence cumulée
à 30 jours est significativement moindre dans le sous-groupe des
patients sans insuffisance cardiaque et recevant une perfusion de
GIK (1,2 % et 4,2 %).
N F O R M A T I O N S
20
18
16
14
12
10
8
6
4
2
0
traitement médical
14,5 %
traitement invasif
9,6 %
p = 0,001
RR : 0,66
(IC95 : 0,51-0,85)
0
4
12
Délai depuis la randomisation (mois)
Figure 1. Résultats de l’étude RITA 3. Incidence cumulée du critère combiné décès
+ IDM + angor réfractaire. La différence est significative dès le 4e mois.
Résultats de BEST
Cette étude, comprenant 254 patients dans trois centres en France,
compare le stenting quotidien à un stenting guidé par ultrasons
(IVUS). On ne retrouve pas de différence significative entre les
deux groupes pour le critère principal resténose à 6 mois, ainsi
que pour le critère composite mortalité, infarctus du myocarde,
angor instable et revascularisation.
Résultats de PRAGUE 4 (tableau IV, p. 10)
La revascularisation chirurgicale de 400 patients sous circulation
extracorporelle (CEC) ou à cœur battant a été comparée dans une
étude tchèque. P. Widimsky remarque que la chirurgie à cœur battant est réalisable dans 84 % des cas et qu’il n’existe pas de différence entre les deux groupes pour la mortalité à 30 jours et pour
le critère composite mortalité, infarctus du myocarde, accident
vasculaire cérébral et hémodialyse à 30 jours. Il n’en est pas de
même pour les critères secondaires : la perte de sang peropératoire, le temps d’intubation, le séjour en réanimation et le
coût total sont significativement moindres dans le groupe cœur
battant.
9
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N F O R M A T I O N S
Tableau IV. PRAGUE 4.
Perte de sang
Intubation
Séjour en réanimation
Durée du séjour
Coût (euros)
CEC
Cœur battant
p
782 ml
12,9 h
39 h
6,8 jours
5 757
623 ml
4,5 h
29 h
5,8 jours
3 777
< 0,001
< 0,01
0,04
NS
0,01
Résultats de ACOS REGISTRY
Ce registre allemand étudie la prise en charge de l’infarctus sans
élévation du segment ST en comparant un traitement invasif précoce dans les 24 premières heures à un traitement par angioplastie réalisé ultérieurement. Les facteurs prédictifs positifs d’un
traitement dans les 24 premières heures sont les antécédents de
revascularisation, le sexe masculin et un âge inférieur à 70 ans,
alors que les facteurs prédictifs négatifs sont le diabète et les antécédents d’infarctus du myocarde. La mortalité hospitalière est en
faveur du groupe traitement invasif précoce avec un taux à 0,9 %
versus 7,2 % dans le groupe traitement invasif tardif (p < 0,01).
Commentaires
Comme l’avaient montré auparavant FRISC II et TACTICSTIMI 18, RITA 3 et les différents registres nous incitent à être
invasifs le plus précocement possible dans l’angor instable et l’infarctus sans élévation du segment ST, même chez les patients à
risque modéré. En ce qui concerne la revascularisation chirurgicale, la technique à cœur battant est aussi efficace que le pontage
sous CEC. Cette technique est à privilégier autant que possible
dans l’avenir.
lésions complexes. La resténose était de 7 % à 6 mois. Les données publiées au cours de ce congrès concernent le taux de mortalité et d’événements cardiovasculaires à 9 mois. On ne retrouve
pas de différence avec les stents non recouverts.
Résultats de STRIDE
Ce travail belge évalue l’effet d’un stent (Biodyvisio) recouvert
de dexaméthasone sur la resténose chez 71 patients. Le late-loss
est à 0,48 mm à 6 mois. Ce chiffre est significativement moindre
dans le sous-groupe angor instable. Une étude randomisée doit
confirmer ce résultat.
Résultats de COST-TRIAL
L’étude espagnole COST-TRIAL a comparé trois types de traitements sur des artères coronaires de petit calibre (d < 2,6 mm).
La randomisation de 600 patients a permis de réaliser soit un traitement au ballon seul, soit un traitement avec un stent (Jostent
Flex) non recouvert, soit un traitement avec un stent recouvert
d’héparine. Le MLD (minimal lumen diameter) à 6 mois est significativement moindre dans le groupe stent (p < 0,001), alors qu’il
n’y a pas de différence entre le groupe stent non recouvert et le
groupe stent hépariné pour la resténose.
Commentaires
RAVEL, SIRIUS et E-SIRIUS confirment la victoire contre la
resténose en montrant très clairement une efficacité de la stratégie de délivrance de produits antiprolifératifs. Les résultats avec
le paclitaxel sont très attendus à ce sujet, alors que ces données
sont à confirmer sur le long terme en raison du risque potentiel
de thrombose tardive et du risque de fragilisation de la paroi
artérielle. Quant aux stents héparinés, ils n’ont pas montré leur
efficacité dans la resténose.
S.E. Hassani
La cardiologie interventionnelle
Résultats d’ORBIT
Une prise orale de 2 mg par jour de rapamycine pendant 30 jours
a été instituée chez 30 patients recevant un stent. Après 6 mois,
on retrouve une resténose intrastent autour de 5 %. Un travail évaluant les effets indésirables en fonction de la dose est nécessaire
avant de commencer une étude randomisée pour confirmer ces
résultats préliminaires.
Résultats d’EUROSPAH
P. Serruys (Rotterdam, Pays-Bas) a présenté une étude évaluant
les effets de la sonothérapie intravasculaire sur la resténose.
Quatre cent trois patients, après la mise en place d’un stent, ont
bénéficié soit d’un traitement par sonothérapie intravasculaire,
soit d’un placebo. Aucune différence entre les deux groupes n’a
été retrouvée à 6 mois.
Suivi de RAVEL
Une année après le début de l’étude RAVEL, qui compare un stent
(BX Velocity) recouvert de sirolimus (rapamycine) à un stent non
recouvert dans des lésions simples (type A ou B1), on retrouve
toujours une différence significative en faveur du stent recouvert
pour les événements cardiovasculaires (6 % et 29 %, p < 0,001).
Suivi de SIRIUS et E-SIRIUS
Ces deux études ont pour but d’évaluer la resténose après la mise
en place d’un stent (BX Velocity) recouvert de sirolimus dans des
10
Le post-infarctus
Résultats d’OPTIMAAL (tableau V, figure 2)
Dans cette étude présentée par A. Dickstein, 5 477 patients présentant un infarctus du myocarde à haut risque (insuffisance cardiaque, infarctus antérieur ou récidive d’infarctus) ont été randomisés entre un traitement par captopril (150 mg/j) et un
traitement par losartan (50 mg/j).
Tableau V. OPTIMAAL.
Losartan
(%)
Captopril
(%)
RR (IC95)
p
18,2
16,4
1,13 (0,99-1,28)
0,069
14
13,9
1,03 (0,89-1,18)
0,722
Mortalité par infarctus
du myocarde
27,2
25,2
1,10 (0,99-1,22)
0,085
Mortalité cardiovasculaire
15,3
13,3
1,17 (1,01-1,34)
0,032
AVC
5,1
4,8
1,07 (0,84-1,36)
0,587
Mortalité
Récidive d’infarctus
du myocarde
La Lettre du Cardiologue - n° 360 - décembre 2002
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taire et de qualité de vie à 6 mois (p < 0,001). Cette différence
disparaît à 12 mois, car 46 % des patients du groupe médical ont
bénéficié d’une revascularisation.
Incidence de la mortalité (%)
25
losartan (n = 499 décès)
captopril (n = 447 décès)
20
15
10
12
5
risque relatif = 1,13 (0,99-1,28) ; p = 0,069
0
0
losartan (n) 2 744
captopril (n) 2 733
6
12
2 504
2 534
2 432
2 463
18
Mois
2 390
2 423
N F O R M A T I O N S
24
30
36
2 344
2 374
2 301
2 329
1 285
1 309
Figure 2. Courbes de mortalité globale dans les groupes losartan et captopril.
L’objectif de l'étude était de montrer une supériorité ou une équivalence du traitement par losartan par rapport au captopril sur la
mortalité globale. Il a été noté une tendance non significative à
une augmentation de la mortalité globale (p = 0,069) et subite
(p = 0,072) dans le groupe losartan. La mortalité cardiovasculaire
est significativement plus élevée dans le groupe losartan.
Cette étude plaide pour une utilisation des inhibiteurs de l’enzyme de conversion comme thérapie de premier ordre chez les
patients présentant un infarctus à haut risque.
Le losartan peut être utilisé si les IEC ne peuvent l’être.
À noter, la faible dose de losartan utilisée dans cette étude (la
dose utilisée dans les études LIFE et RENAL était de 100 mg/j).
M. Amara
Résultats d’ANTIBIO
La roxithromycine (macrolide) a été administrée à 3 922 patients
dans les suites d’un infarctus du myocarde pendant 6 semaines à
la dose de 300 mg par jour versus un placebo. Aucun bénéfice
n’a été retrouvé en termes de mortalité et de morbidité à 12 mois.
Commentaires
Après les résultats négatifs d’OPTIMAAL, avec une surmortalité d’origine cardiovasculaire, il n’y a actuellement pas de place
pour les ARAII dans le post-infarctus. Une des explications serait,
comme dans ELITE 2, une dose faible de losartan (50 mg) . Au
contraire d’ELITE 2 et de VAL-HeFT, l’interaction avec les bêtabloquants ne serait pas en cause dans ce travail . Le résultat des
autres études sur le sujet, comme VALIANT, avec différents
dosages d’ARAII sera très intéressant. Pour ce qui est de l’antibiothérapie, ANTIBIO confirme les études WYZARD et
ACADEMIC en montrant l’inefficacité des macrolides dans le
post-infarctus.
Les sujets âgés
Résultats de TIME
Cette étude, qui a inclus 305 patients de plus de 75 ans souffrant
d’un angor stable, avait montré la supériorité d’un traitement invasif par rapport à un traitement médical en termes d’angor réfracLa Lettre du Cardiologue - n° 360 - décembre 2002
Registre GRACE chez le sujet âgé
Le registre GRACE évalue la prise en charge du syndrome coronaire aigu à travers plusieurs pays. Dans le groupe des sujets âgés
de plus de 75 ans, on retrouve une surmortalité par rapport au
reste de la population, avec un taux à 10,6 % versus 5,3 %
(p < 0,0001). Ce chiffre n’est pas dû seulement à l’âge, mais aussi
à une utilisation moindre de revascularisation, de thrombolytiques
et d’anti-GPIIb/IIIa.
Registre de Florence
Une étude intéressante concernant la prise en charge de l’infarctus à la phase aiguë a été réalisée dans ce registre en comparant
la stratégie chez les plus de 70 ans et dans une population plus
jeune. On remarque une moindre revascularisation chez les plus
âgés (51 % et 73 %, p < 0,001), alors que la mortalité est plus
élevée dans ce groupe à 6 mois (17 % et 3 %, p < 0,001). En analyse multivariée, un âge supérieur à 70 ans est un facteur de surmortalité, alors que la revascularisation est un facteur protecteur
dans ce groupe.
Registre de São Paulo
Comme on l’a vu auparavant dans le registre italien, la revascularisation à la phase aiguë de l’infarctus dans cette analyse brésilienne n’intéresse que 30 % des sujets de plus de 70 ans. Dans
ce groupe, le taux de survie est significativement supérieur à celui
obtenu par un traitement conventionnel (75 % et 51 %, p = 0,035).
Commentaires
L’étude TIME et les différents registres nous rappellent que la
population âgée est sous-médicalisée, alors qu’elle représente un
groupe à haut risque. Les auteurs préconisent un traitement
“agressif” dans le syndrome coronaire aigu et dans l’angor stable
en raison d’un bénéfice majeur dans ce groupe.
S.E. Hassani
Autres études
L’étude Euro-SPAH (présentée par P. Serruys). Cette étude a
évalué l’effet préventif des ultrasons (sonothérapie) sur la prévention de la resténose intrastent.
Quatre cent trois patients ayant eu une primo-implantation de
stent ont été randomisés. La sonothérapie n’a pas démontré dans
cette étude de bénéfice sur le diamètre intrastent ni sur le taux
d’événements cardiaques majeurs. Cette technique pose de nombreux problèmes. En effet, son mécanisme d’action n’est pas parfaitement élucidé, et ses modalités d’administration (énergie délivrée, durée d’administration) doivent être mieux étudiées,
notamment sur des études animales.
L’étude INTERACT (présentée par S. Goodman)
Sept cent quarante-six patients ayant un syndrome coronaire aigu
sans sus-décalage du segment ST ont été randomisés entre eptifibatide + énoxaparine et eptifibatide + héparine. L’association
eptifibatide + énoxaparine entraîne une diminution significative
de l’ischémie électrocardiographique (14,3 % versus 25,4 %,
p = 0,0002). Sous cette association, sont également diminués
.../...
11
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N F O R M A T I O N S
.../...
l’incidence cumulée décès + infarctus (4 % versus 9 %,
p = 0,031), les récidives ischémiques à l’arrêt du traitement
(12,7 % versus 25,9 %, p < 0,0001) et le taux des complications
hémorragiques (1,8 % versus 4,6 % à 96 heures, p = 0,03).
✔ À long terme, le clopidogrel est maintenu seul si l’aspirine est
mal tolérée. L’association aspirine-clopidogrel peut être maintenue 9 mois (étude CURE).
Les recommandations de l’ESC sont résumées dans la figure 4.
L’Euro Heart Survey est une étude d’évaluation des pratiques,
notamment vis-à-vis de la maladie coronaire en Europe. Cette
étude a été menée sur 119 sites. L’angioplastie est la modalité
dominante de revascularisation des patients coronariens.
À noter que dans cette étude, dans les sténoses du tronc commun,
un pontage aortocoronaire n’est réalisé que dans 64 % des cas.
Étude plaidant pour l’utilisation du guide de pression
Cet outil utilisable en salle de cathétérisme a été évalué. Il permet de mesurer la réserve coronaire fractionnelle (FFR). Une
FFR > 0,75 signifie que la sténose est non coupable. Une
FFR < 0,75 signifie une sténose significative. La décision thérapeutique est prise en fonction du nombre de vaisseaux avec une
FFR < 0,75 (figure 3). La survie des patients suivant ce protocole semble similaire avec un taux d’événements cardiaques
majeurs identique entre les groupes.
2 coronaires n'incluant
pas l'IVA proximale
Haut risque
Ischémie
récurrente
Sous-décalage
du segment ST
Élévation de la
troponine I
DIABÈTE
Bas risque
2e mesure
de la troponine I
6 à 12 h
plus tard
Angioplastie
Figure 3. Décision thérapeutique suivant le nombre de troncs coronaires
avec FFR < 0,75.
Nouvelles recommandations sur le traitement antiplaquettaire des syndromes coronaires aigus sans
sus-décalage du segment ST
Les nouvelles recommandations de l’ACC/AHA ainsi que celles
de l’ESC ont été présentées par les Prs E. Braunwald et M. Bertrand. Elles seront publiées prochainement.
Pour le clopidogrel, les indications ACC/AHA de classe I sont
les suivantes :
✔ Les patients hospitalisés pour un syndrome coronaire aigu mais
ne pouvant prendre d’aspirine.
✔ Les patients hospitalisés pour un syndrome coronaire aigu et
pour lesquels une attitude non invasive est décidée : le clopidogrel est associé à l’aspirine pour une durée minimale d’un mois
et maximale de 9 mois (données issues de l’étude CURE).
✔ Quand une angioplastie est prévue, le traitement par clopidogrel doit être commencé dès que possible et poursuivi au moins
un mois et au maximum 9 mois si les patients ne présentent pas
de risque de saignement.
✔ L’arrêt du clopidogrel chez les patients devant avoir un pontage aortocoronaire doit se faire dans la mesure du possible au
moins 5 jours avant (7 jours de préférence).
Angioplastie ou PAC ou
traitement médical selon
l'angiographie et la clinique
Normale
Élevée
Pontage
aortocoronaire
1 coronaire
14
Héparine (HBPM ou HNF)
Aspirine
Clopidogrel (sauf si PAC prévu < 5 j)
Bêtabloquants
Dérivés nitrés
Anti-GPIIb/IIIa
+
coronarographie
3 coronaires
2 coronaires incluant
l'IVA proximale
SCA sans sus-décalage du ST
Délai de la coronarographie :
le plus tôt possible si
instabilité hémodynamique ou
respiratoire, sinon, dans les
4 à 48 h (TACTICS)
Tests non invasifs
avant la sortie ou
rapidement après
Coronarographie
à discuter
Figure 4. Recommandations de l’ESC pour les syndromes coronaires aigus sans
sus-décalage du ST.
La place du clopidogrel dans l’athérothrombose sera mieux précisée par deux études en cours :
✔ CLARITY/TIMI 28, qui est une étude randomisée clopidogrel
versus placebo dans l’infarctus aigu du myocarde thrombolysé ;
✔ CHARISMA, qui est également une étude randomisée clopidogrel versus placebo, mais qui concerne des patients présentant
des facteurs de haut risque de survenue d’athérothrombose.
M. Amara
RYTHMOLOGIE ET STIMULATION CARDIAQUE
Resynchronication dans l'insuffisance cardiaque (IC)
L’étude MUSTIC
Les résultats à deux ans de la stimulation biventriculaire chez les
patients en rythme sinusal inclus dans l’étude MUSTIC ont été
présentés par C. Leclercq.
Pour rappel, ont été inclus dans cette étude des patients en classe
NYHA 3 ou 4, sous traitement médical optimal, ayant une FEVG
35 %, un DTDVG 60 mm, une durée de QRS 150 msec et
une distance parcourue au test de marche de 6 minutes (6MWT)
< 450 m. Trente-neuf patients en rythme sinusal ont été suivis.
La Lettre du Cardiologue - n° 360 - décembre 2002
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On observe, sous stimulation biventriculaire, une diminution
significative du stade NYHA, des diamètres ventriculaires (DTD
et DTS) et une amélioration significative de la fraction d’éjection, de la consommation en oxygène du myocarde, de la qualité
de vie et de la distance au 6MWT (tableau VI).
Le taux de survie de ces patients à 750 jours est de 76 %, ce qui
est encourageant vu la gravité de la pathologie.
Tableau VI. Résultats à 1 et 2 ans chez les patients en rythme sinusal
stimulés en biventriculaire. (Toutes les différences sont statistiquement
significatives).
À l’ inclusion
À 1 an
À 2 ans
Fréquence cardiaque
(bpm)
75 ± 12
70 ± 10
70 ± 13
Classe NYHA
2,8 ± 0,4
2,1 ± 0,5
2,1 ± 0,6
Distance au 6MWT (m)
340 ± 97
418 ± 112
386 ± 150
FEVG (%)
24 ± 7,7
30 ± 22
Non disponible
VO2 max (ml/mn/kg)
14 ± 4,5
16,6 ± 3,6
Non disponible
L’étude MIRACLE
Des résultats complémentaires sur la morbidité issus de l’étude
MIRACLE ont été présentés par W.T. Abraham. Pour rappel, ont
été inclus dans cette étude des patients en classe NYHA 3 ou 4,
sous traitement médical optimal, ayant une FEVG 35 %, un
DTDVG 55 mm et une durée de QRS 130 msec. Les patients
ont tous reçu un stimulateur biventriculaire puis ont été randomisés. Le stimulateur biventriculaire était en marche dans un
groupe et pas dans l’autre.
Deux cent vingt-huit patients ont été inclus dans le groupe resynchronisation et 225 dans le groupe contrôle.
Dans le groupe resynchronisation, on observe une diminution du
nombre d’hospitalisations pour aggravation de l’insuffisance cardiaque et de la durée moyenne d’hospitalisation (3,4 versus
7 jours, p < 0,05). Le nombre total de jours d’hospitalisation pour
aggravation de l’insuffisance cardiaque est également diminué
(83 versus 363 jours, p < 0,02).
L.J. Dixon a présenté les résultats d’une étude médico-économique
Il évalue l’économie pour 22 patients stimulés en biventriculaire
sur une période de 6 mois à 44 000 euros, soit 4 000 euros/
patient-année, et cela essentiellement par le biais de la diminution du nombre et de la durée des hospitalisations pour aggravation de l'insuffisance cardiaque.
Ainsi, la stimulation multisite, outre ses bénéfices sur la morbidité, a un intérêt médico-économique.
Prévention de la mort subite
X. Jouven a montré qu’un terrain familial est retrouvé chez
20 % des sujets morts subitement
Le risque de mort subite est multiplié par deux en cas d’antécédent familial. En particulier, dans les morts subites du sujet
La Lettre du Cardiologue - n° 360 - décembre 2002
N F O R M A T I O N S
jeune à cœur macroscopiquement normal, il faut rechercher des
anomalies des canaux ioniques (syndrome du QT long, Brugada...).
Le diagnostic génétique est en train de devenir, à ce titre, un
outil très utile pour la prévention et pour la stratification pronostique.
A.J. Moss a présenté des résultats complémentaires de l'étude
MADIT2
Pour rappel, cette étude randomisée menée chez 1 232 patients
avait comme seuls critères d’inclusion un antécédent d’infarctus
du myocarde avec une fraction d’éjection 30 % (pas d’exploration électrophysiologique, pas d’âge limite).
Les patients étaient randomisés entre défibrillateur implantable
et traitement conventionnel. Cette étude a démontré un bénéfice
du défibrillateur sur la mortalité globale (mortalité de 14,2 % dans
le groupe défibrillateur versus 19,8 % dans le groupe contrôle,
soit une réduction relative du risque de 30 %, p = 0,016). Le bénéfice sur la survie est significatif dès le 9e mois.
Le bénéfice du défibrillateur se maintient quels que soient l’âge,
le sexe, la fraction d’éjection.
L’indication selon MADIT2 représenterait, d’après un registre
allemand présenté par D. Boecker et portant sur des patients suivis en ambulatoire par des cardiologues, 5 % de l'ensemble des
patients ayant eu un infarctus du myocarde.
Fibrillation auriculaire
L’étude ACE (Anticoagulation for Cardioversion using
Enoxaparine) a été présentée par C. Stellbrink
Elle a comparé l’efficacité et la tolérance de l’énoxaparine par
rapport à un “traitement conventionnel”. L’étude a inclus
496 patients ayant une fibrillation auriculaire non valvulaire et
qui ont été randomisés pour recevoir soit de l’énoxaparine SC,
soit de l’héparine non fractionnée suivie d’un traitement antivitamine K. Chez 431 patients (86,9 %), une échographie transœsophagienne a été réalisée préalablement à la cardioversion. Le critère de jugement principal était l’incidence cumulée des
événements emboliques + hémorragies majeures + décès. Sur ce
critère, l’énoxaparine est supérieure au traitement conventionnel
(3,2 % dans le groupe énoxaparine versus 5,7 % dans le groupe
conventionnel, p = 0,016, test de non-infériorité).
Cette étude est la première étude randomisée montrant que
l’énoxaparine est au moins aussi efficace et aussi bien tolérée que
le traitement conventionnel.
L’étude PAFAC, présentée par T. Fetsch
Elle a randomisé des patients ayant une fibrillation auriculaire
(FA) réduite entre sotalol versus quinidine + vérapamil pour prévenir la récidive de la FA. Les patients ont été suivis un an.
À noter que 70 % des récurrences de FA sont asymptomatiques.
À un an, 50 % des patients sont en rythme sinusal dans le groupe
sotalol versus 62 % dans le deuxième groupe (p < 0,05) (figure 5).
Des torsades de pointe sont survenues uniquement dans le groupe
sotalol (2,3 %). Les deux tiers des tachycardies ventriculaires sont
survenues avant la fin du 4e jour. L’association quinidine + vérapamil est donc supérieure au sotalol pour prévenir les récidives
de FA.
15
I
N F O R M A T I O N S
quinidine
+ vérapamil
Pourcentage de patients
en rythme sinusal
0,8
7 jours
0,6
0,4
sotalol
86 %
93 %
30 jours
70 %
69 %
180 jours
66 %
59 %
365 jours
62 %
50 %
720 jours
62 %
49 %
0,2
0,0
0
100
200
300
400
500
600
700
800
nombre de jours de suivi
Figure 5. Courbe actuarielle des patients sans récidive de fibrillation
auriculaire.
HYPERTENSION ARTÉRIELLE
L’étude SAMPLE, présentée par E. Agabati-Rosei
Cette étude a évalué, chez 206 patients hypertendus traités pendant un an par lisinopril, un inhibiteur de l’enzyme de conversion
de l’angiotensine, la régression de l’hypertrophie ventriculaire
gauche (HVG), et ces variations ont été corrélées aux changements de pression artérielle mesurée au cabinet, au domicile et
en ambulatoire. Le meilleur facteur prédictif de régression de
l’HVG est la modification de la PA mesurée en ambulatoire.
L’étude ELSA, présentée par E. Agabati-Rosei
Cette étude randomisée portait sur 2 255 patients atteints d’hypertension artérielle essentielle et suivis pendant 4 ans. Les
patients recevaient soit un inhibiteur calcique, la lacidipine, soit
un bêtabloquant l’aténolol.
La lacidipine est plus efficace que l’aténolol sur la diminution de
l’épaisseur intima-média, et ce, malgré une réduction plus
modeste de la pression artérielle.
Pourcentage d'événements
Des données complémentaires issues de l'étude PROGRESS
ont été présentées
Cette étude portait sur des patients ayant une maladie cérébrovasculaire, randomisés entre un traitement par perindopril + inda0,20
RR 28 %
IC95 17-38 %
p < 0,0001
0,15
0,10
0,05
Placebo
Traitement
1
2
Suivi (années)
3
4
Figure 6. Incidence cumulée des AVC dans l’étude PROGRESS.
16
pamide (en dehors d’une contre-indication aux diurétiques) et un
placebo. Elle a montré l’intérêt d'un traitement antihypertenseur
par perindopril + indapamide qui diminue de 28 % le risque
d’AVC (figure 6).
À noter que la tolérance tensionnelle est excellente avec une
incidence d’hypotension très faible, y compris chez les patients
initialement normotendus (< 3 %).
Des données complémentaires issues de l’étude LIFE
Cette étude randomisée, multicentrique, a porté sur 9 193 patients
hypertendus et ayant une hypertrophie ventriculaire gauche électrocardiographique. Les patients ont été randomisés entre losartan et aténolol. Le groupe losartan a, outre une diminution de
13 % du critère composite (mortalité cardiovasculaire + infarctus + AVC), une réduction relative du risque d’AVC de 40 %.
À noter : traiter 11 patients pendant 4,8 ans par losartan au lieu
d’aténolol permet d’éviter un AVC. La réduction du risque d'AVC
est encore plus importante chez les patients en fibrillation auriculaire.
Par ailleurs, chez les patients sous losartan, on observe une diminution relative de 25 % de la survenue de diabète.
Les avancées du programme de recherche sur l’irbésartan
ont été présentées par H.H. Parving et L.M. Ruilope
Le programme PRIME comprend deux études, l’étude IRMA 2
et l’étude IDNT.
L’étude IRMA 2 est une étude randomisée versus placebo menée
chez 590 patients hypertendus diabétiques de type 2 et ayant une
microalbuminurie, suivis pendant 2 ans.
Dix des 194 patients sous 300 mg d’irbésartan (5,2 %) et 19 des
195 patients sous 150 mg (9,7 %) ont développé une néphropathie diabétique, alors que 30 des 201 patients sous placebo
(14,9 %) l’ont développée. La pression artérielle moyenne est
sensiblement identique dans les trois groupes.
Dans cette étude, une dose de 300 mg/j d’irbésartan entraîne une
diminution de 70 % du risque relatif de développer une macroprotéinurie (p = 0,0004) par rapport au placebo.
Sur cette base, traiter 10 patients hypertendus diabétiques de type 2
par 300 mg/j d’irbésartan pendant 2 ans permet d’éviter à un
patient de développer une néphropathie diabétique plus avancée.
L’étude IDNT est une étude randomisée versus placebo menée
chez 1 715 patients hypertendus, diabétiques de type 2 et ayant
une protéinurie. Les patients étaient randomisés pour recevoir
soit 300 mg d’irbésartan, soit 10 mg d’amlodipine, soit un placebo. La pression artérielle cible devait être < 135/85 mmHg.
Le critère principal de jugement était un critère composite (doublement du taux de créatinine + insuffisance rénale terminale +
décès).
L’irbésartan entraîne une diminution de 20 % de ce critère composite versus placebo (p = 0,02) et une diminution de 23 % versus amlodipine (p = 0,006). Ces différences ne sont pas expliquées par des différences de pression artérielle.
Sur cette base, traiter pendant 3 ans par irbésartan 15 patients
hypertendus diabétiques de type 2 ayant une néphropathie
diabétique permet d'éviter à un patient une aggravation de sa
fonction rénale, ou le décès.
La Lettre du Cardiologue - n° 360 - décembre 2002
I
Par ailleurs, la place des inhibiteurs des récepteurs AT1 de l’angiotensine 2 (AA2) dans le traitement de l’insuffisance cardiaque
reste à déterminer avec précision.
En effet, les études IDNT et RENAAL menées chez des patients
ayant une néphropathie diabétique ont montré sous AA2 une diminution du taux d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque.
Une étude importante à venir dans l’insuffisance cardiaque à fonction systolique conservée est l’étude I-PRESERVE, qui est une
étude multicentrique randomisée irbésartan versus placebo.
M. Amara
INSUFFISANCE CARDIAQUE
Situations difficiles dans l’insuffisance cardiaque
L’insuffisance rénale
En cas d’insuffisance rénale, la prescription de certains médicaments doit être modifiée.
La posologie des IEC doit être adaptée à la clairance de la créatinine, avec une administration qui peut éventuellement se faire
un jour sur deux. Les IEC ne semblent pas être tous égaux : le
fosinopril a, par exemple, une accumulation moindre que celle
de l’énalapril. Si la clairance est vraiment trop basse, il est préférable de cesser la prescription d’IEC. La prescription d’antagonistes de l’angiotensine II ne semble pas apporter de bénéfice
en cas d’insuffisance rénale. En cas d’apparition ou d’aggravation brutale d’une insuffisance rénale, on doit penser à rechercher une sténose de l’artère rénale.
En ce qui concerne les bêtabloquants, la posologie en reste
inchangée.
La posologie des diurétiques de l’anse doit être augmentée. Enfin,
il n’existe pas d’argument en faveur de l’administration de spironolactone. En effet, dans l’étude RALES, l’insuffisance rénale
était un critère d’exclusion. On ne dispose donc pas d’études cliniques démontrant le bénéfice de la spironolactone chez l’insuffisant cardiaque souffrant d’insuffisance rénale. Les antagonistes
de l’adénosine pourraient être une classe de choix dans cette indication.
Pneumopathies et insuffisance cardiaque
Les pathologies pulmonaires peuvent être associées ou faire porter à tort le diagnostic d’insuffisance cardiaque. Les quatre principales pathologies pulmonaires sont les bronchopneumopathies
chroniques obstructives (BPCO), l’asthme, la fibrose pulmonaire
et l’apnée du sommeil.
Pour une BPCO, deux items simples permettent d’évoquer le
diagnostic : l’existence d’un tabagisme et une toux. Le traitement
est fonction du degré de la dyspnée, et on peut être amené à prescrire une oxygénothérapie, celle-ci pouvant améliorer le pronostic et la qualité de vie des patients.
L’asthme peut simuler une forme d’insuffisance cardiaque avec
bronchospasme. Le peak flow permet de poser le diagnostic.
En ce qui concerne la fibrose pulmonaire, les EFR et la tomodensitométrie thoracique permettent, en règle, de corriger le
diagnostic.
Pour les apnées du sommeil, certaines caractéristiques permettent d’évoquer le diagnostic : obésité, hypertension artérielle,
La Lettre du Cardiologue - n° 360 - décembre 2002
N F O R M A T I O N S
ronflement nocturne et endormissement diurne. Le diagnostic
est effectué par les enregistrements nocturnes, qui permettent
d’enregistrer une désaturation artérielle nocturne.
Une atteinte pulmonaire avec bronchospasme contre-indique
généralement l’utilisation des bêtabloquants. Pour les autres cas,
on pourra discuter de leur introduction selon la gravité de l’atteinte pulmonaire.
Les sujets âgés
L’incidence de l’insuffisance cardiaque augmente notablement
avec l’âge. Cette incidence plus élevée s’explique par les modifications cardiaques (hypertrophie et raréfaction myocytaire) et
vasculaires (prolifération des cellules musculaires lisses, augmentation du collagène) qui fragilisent le système cardiovasculaire. Environ la moitié des insuffisants cardiaques de plus de
65 ans ont une fonction systolique normale. Le pronostic de cette
forme d’insuffisance cardiaque semble être meilleur qu’en cas de
fonction systolique altérée, mais ce point n’est pas unanimement
reconnu.
Le traitement par IEC semble apporter un bénéfice identique chez
les sujets âgés. Même si, en pratique, on extrapole les résultats
des études effectuées chez des sujets notablement plus jeunes, il
reste à démontrer que la balance bénéfice/risque est conservée
chez les sujets âgés pour les bêtabloquants.
Diabète et insuffisance cardiaque
Le diabète est fréquent chez les insuffisants cardiaques. La plupart des études montrent une prévalence de l’ordre de 30 %.
L’existence d’un diabète aggrave le pronostic et l’atteinte fonctionnelle de l’insuffisance cardiaque. Cela peut s’expliquer par
une atteinte coronaire plus fréquente, mais également par l’existence d’une cardiomyopathie diabétique : facteur métabolique
vasculaire, dysfonction endothéliale précoce, atteinte diastolique
plus marquée... Moins le diabète est équilibré, plus l’insuffisance
cardiaque est fréquente. Le bénéfice des traitements utilisés dans
l’insuffisance cardiaque est conservé, voire meilleur, pour les
diabétiques, comme c’est le cas pour les IEC.
BNP, facteur prédictif d’événement
L’étude CARMEN a inclus des patients en insuffisance cardiaque
légère à modérée. Les auteurs ont étudié les facteurs pronostiques
(tableau VII). Le NT-pro-BNP a été corrélé significativement au
diamètre systolique ventriculaire gauche (p < 0,001), à la fraction d’éjection et au pronostic. Des résultats similaires sur
la valeur pronostique du BNP ont été retrouvés dans l’étude
Tableau VII. Facteurs pronostiques dans l’insuffisance cardiaque dans
l’étude CARMEN (analyse multivariée).
Âge élevé
Classe NYHA III ou IV
Fréquence cardiaque élevée
Créatininémie élevée
Fraction d’éjection basse
PA diastolique basse
17
I
N F O R M A T I O N S
Val-HeFT. De plus, dans cette étude, les variations du taux de
BNP plasmatiques étaient corrélées à une variation de la mortalité. Le taux de BNP est donc un paramètre dynamique qu’il est
nécessaire de contrôler. Sa valeur pronostique est meilleure que
celle de la norépinéphrine.
Après une hospitalisation, le taux de BNP avant la sortie est un
excellent facteur pronostique de réhospitalisation ou de mortalité.
Pour l’introduction des bêtabloquants, un taux élevé de BNP est
un facteur de mauvaise tolérance. Les auteurs ont étudié des insuffisants cardiaques en classe II ou III de la NYHA. Globalement,
la tolérance des bêtabloquants a été excellente (89 %), avec une
titration qui s’est effectuée sur dix semaines. Les patients qui
avaient un taux élevé de BNP ont été ceux pour qui l’introduction de bêtabloquants a été la plus difficile. Cela ne signifie pas
que l’on doive renoncer à la mise en route de bêtabloquants chez
ces patients.
Le BNP est actuellement reconnu pour sa valeur diagnostique.
On doit néanmoins analyser les taux en fonction du patient. Les
sujets âgés ont tendance à avoir des taux plus élevés alors qu’ils
n’ont pas d’insuffisance cardiaque (faux positifs). Inversement,
les patients sous diurétiques ont tendance à avoir des taux plus
bas (faux négatifs) (figure 7).
Sans diurétique
Avec diurétique
Sensibilité
cardiaque à fonction systolique altérée. Des auteurs ont trouvé
une altération de la contractilité alors que la fonction systolique
globale était conservée. Cela remettrait en cause la distinction
entre fraction d’éjection normale et altérée. Mais ce point de vue
n’est actuellement pas encore admis par tous. Le BNP serait d’un
apport diagnostique important pour ces formes d’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection quasi normale.
Ph. Duc
Autres études
Étude TEN-HMS, présentée par J.G.H. Cleland
Il s’agit d’une étude randomisée menée dans 12 centres du
Royaume-Uni, des Pays-Bas et d’Allemagne.
Les patients inclus sont des insuffisants cardiaques avec une fraction d’éjection inférieure à 30 %, en classe NYHA II à IV et
prenant au moins 40 mg de furosémide par jour.
Les patients sont randomisés entre trois stratégies :
– prise en charge usuelle (groupe 1) ;
– surveillance téléphonique par des infirmières (groupe 2) ;
– télémonitoring des signes vitaux (poids, PA, ECG) qui sont
transmis, par l’intermédiaire d’une ligne téléphonique, à un
serveur Web, celui-ci étant contrôlé par un médecin deux fois
par jour (groupe 3).
Quatre cent vingt-huit patients ont été suivis sur une durée
moyenne de 450 jours.
La durée de survie moyenne des patients au bout de 400 jours de
suivi est de 295 jours dans le groupe 1 et de 340 et 347 jours dans
les groupes 2 et 3 respectivement.
Les patients en télémonitoring (groupe 3) ont des durées d’hospitalisation réduites de 15 à 20 % par rapport aux patients du
groupe 2.
Cette étude est la première montrant l’intérêt du télémonitoring
pour diminuer la durée d’hospitalisation de patients insuffisants
cardiaques.
1 – Spécificité
Figure 7. Courbes ROC de la valeur diagnostique du BNP en fonction du
traitement diurétique, chez des patients ambulatoires suspects d’insuffisance cardiaque.
Insuffisance cardiaque à fonction systolique
conservée
La définition retenue comporte trois items :
– symptômes ou signes d’insuffisance cardiaque ;
– fonction systolique normale ou peu altérée ;
– éléments en faveur d’une anomalie de la relaxation, du remplissage, de la diastole ou de la rigidité ventriculaire.
Chacun de ces items a été discuté. Il n’est pas nécessaire d’exiger la présence de symptômes et de signes. La présence de l’un
de ces deux items suffit.
Il est impératif que la fonction systolique soit peu altérée ou normale. En effet, dans le cas contraire, il s’agirait d’une insuffisance
18
Des données issues de l’étude COPERNICUS et concernant l’insuffisance cardiaque sévère ont été présentées par S.D. Anker
Il y a une diminution significative de la mortalité lorsque l’index
de masse corporelle (IMC) augmente (p < 0,0001). Pour chaque
augmentation d’un point de l’IMC, la mortalité baisse de 7,7 %.
Les bénéfices du carvédilol se maintiennent quel que soit l’IMC
(tableau VIII).
Tableau VIII. Mortalité selon l’IMC.
Mortalité annuelle
groupe placebo
Mortalité annuelle
groupe carvédilol
IMC < 22 (n = 279)
29,4 %
20,8 %
IMC 22 à < 25 (n = 567)
25,2 %
18,4 %
IMC 25 à < 30 (n = 932)
19,4 %
10,3 %
8,0 %
6,7 %
IMC 30 (n = 484)
La Lettre du Cardiologue - n° 360 - décembre 2002
I
Au bout d’un an de suivi, les patients sous carvédilol ont une augmentation moyenne de poids (en dehors de toute rétention hydrique)
de + 1,1 kg versus + 0,2 kg dans le groupe placebo (p < 0,05).
Le carvédilol entraîne donc une augmentation de l’IMC et une
moindre fréquence de la cachexie, ce qui pourrait contribuer à
son bénéfice dans l’insuffisance cardiaque sévère.
Une sous-étude de COPERNICUS prenant en compte la pression artérielle a été présentée par J.L. Rouleau
Deux mille deux cent quatre-vingt-neuf insuffisants cardiaques
sévères avaient été inclus dans cette étude évaluant l’efficacité du
carvédilol versus placebo. Cent trente-deux patients avaient, à
l’inclusion, une pression artérielle (PA) < 96 mmHg et 264 avaient
une PA de 96-105 mmHg. Les patients avec une PA basale basse
sont à haut risque d’événements cliniques. Le carvédilol diminue
le risque de décès et d’hospitalisation pour aggravation de l’insuffisance cardiaque dans tous les groupes de PA, et l’amplitude
du bénéfice est indépendante du niveau de PA (tableau IX).
Tableau IX. Événements cliniques selon le niveau de pression artérielle.
Mortalité globale
Niveau de PA
Décès ou hospitalisation
pour aggravation de
l’insuffisance cardiaque
Taux à 1 an
Hazard-ratio Taux à 1 an
Hazard-ratio
(placebo) carvédilol/placebo (placebo) carvédilol/placebo
< 96 mmHg
34 %
0,77
61 %
0,74
96-105 mmHg
25 %
0,61
43 %
0,75
106-115 mmHg
18 %
0,65
37 %
0,78
116-125 mmHg
17 %
0,61
40 %
0,54
> 125 mmHg
15 %
0,61
32 %
0,68
Le taux d’arrêt du médicament est similaire dans les deux groupes
placebo et carvédilol. Ces résultats montrent, pour la première
fois, que le carvédilol est efficace et bien toléré chez les patients
ayant une insuffisance cardiaque sévère et une pression artérielle
basse.
S. Di Luzio a montré, sur des donnée issues des études BRING
UP 1 et 2, que la prescription de bêtabloquants est en
augmentation en Italie depuis la publication de l’étude
COPERNICUS. Le pourcentage de patients en stade NYHA III
et IV ne recevant pas de bêtabloquants est passé de 58 % à 33 %
(p < 0,001). Ces données sont valables pour les sujets de plus de
70 ans.
Des données issues de l’étude EFICAT ont été présentées par
C.E. Angermann
Il s’agit d’une étude randomisée carvédilol versus placebo menée
chez des insuffisants cardiaques sévères candidats à une transplantation cardiaque (n = 118). Cette étude montre que, même
chez ces patients, le carvédilol améliore significativement la
FEVG (augmentation absolue de + 6 % dans le groupe carvédiLa Lettre du Cardiologue - n° 360 - décembre 2002
N F O R M A T I O N S
lol versus + 0,7 % dans le groupe placebo), et ce, quelle que soit
l’étiologie de l’insuffisance cardiaque.
Un sous-groupe de l’étude CAPRICORN a été présenté par
J. Lopez-Sendon Hentsch
Mille neuf cent cinquante-neuf patients ayant une dysfonction
ventriculaire gauche (FEVG < 40 %) après un infarctus aigu du
myocarde ont été randomisés entre carvédilol et placebo.
Le carvédilol diminue la mortalité globale de 23 % (p = 0,03),
les infarctus du myocarde non fatals de 41 % (p = 0,01). Cette
efficacité du carvédilol est retrouvée quels que soient l’âge, le
sexe et la localisation de l’infarctus, et qu’un moyen de revascularisation en urgence soit utilisé ou non.
M. Amara
SYMPOSIUMS SATELLITES
L’inhibition de l’absorption du cholestérol et le
futur du traitement hypolipidémiant*
Avec les statines, un immense progrès a été réalisé dans la prise
en charge des hypercholestérolémies et de l’athérosclérose. Toutefois, même si l’association avec un fibrate est parfois utilisée,
il n’est pas rare que la baisse du cholestérol ne soit pas atteinte.
Une nouvelle classe d’inhibiteurs de l’absorption du cholestérol
fait son apparition avec l’ézétimibe. Ce produit inhibe l’absorption intestinale du cholestérol alimentaire et biliaire. Les premières études où statines et ézétimibe ont été coadministrés semblent encourageantes. L’une d’elles, rapportée au Congrès
européen d’athérosclérose, a concerné 621 patients coronariens
à haut risque. Malgré 10 mg d’atorvastatine, ils gardaient un cholestérol LDL élevé (187 mg/l en moyenne). Chez eux, l’ajout
d’ézétimibe a entraîné une chute plus importante du LDL-cholestérol que le passage à 20 mg d’atorvastatine.
Ce produit est en cours de développement, et deux études importantes vont démarrer. L’une, européenne, concernera le rétrécissement aortique ; l’ézétimibe sera associé à la simvastatine. On
sait que le rétrécissement aortique calcifié du sujet âgé a les
mêmes facteurs de risque que l’athérosclérose. L’autre étude, en
majorité européenne, s’intéressera à l’épaisseur intima-média de
la carotide de sujets hypercholestérolémiques, et l’ézétimibe sera
testé versus placebo avec un traitement de base par simvastatine
(ENHANCE).
M.C. Aumont
Inhibition du courant if pour le traitement
des maladies cardiovasculaires**
Dans l’étude de Framingham, il a été montré, chez les hypertendus, qu’une élévation de la fréquence cardiaque était associée à
une augmentation de la mortalité cardiovasculaire. De même, il
existe un lien entre fréquence cardiaque et mortalité chez les coronariens. La rupture de plaque est le mécanisme physiopathologique à la base des syndromes coronaires aigus et de la pro* Symposium MSD-Schering Plough.
** Symposium Servier.
19
I
N F O R M A T I O N S
gression de l’athérosclérose. Plusieurs arguments suggèrent
qu’abaisser la fréquence cardiaque est bénéfique. On sait depuis
longtemps que les bêtabloquants améliorent le pronostic après
infarctus du myocarde. Plus récemment, il a été montré que le
traitement bêtabloquant améliorait le pronostic de l’insuffisance
cardiaque avec dysfonction systolique, et la bradycardie se révèle
être un mécanisme d’action majeur des bêtabloquants.
Chez le coronarien ayant un angor stable, l’amélioration des
symptômes peut être obtenue en augmentant le débit coronaire
et en diminuant les besoins myocardiques en oxygène. Un traitement bradycardisant, en augmentant la durée de la diastole,
accroît le débit coronaire sous endocardique ; parallèlement, il
diminue la demande myocardique en oxygène, puisque la fréquence cardiaque en est un déterminant essentiel.
L’ivabradine est le premier représentant d’une nouvelle classe thérapeutique qui abaisse la fréquence cardiaque en bloquant le courant if (funny), ou courant pacemaker, du nœud sinusal. Une stimulation ß+ augmente le courant if, tandis qu’une stimulation vagale
le diminue. L’ivabradine ralentit la dépolarisation diastolique du
nœud sinusal, entraînant une bradycardie au repos et à l’effort. Elle
allonge la durée de l’espace QT, mais ne modifie pas le QT corrigé.
Elle n’a aucun effet inotrope ou vasomoteur associé.
L’ivabradine ne bloque le canal que lorsqu’il est ouvert (open
channel blocker), ce qui signifie que la membrane doit être hyperpolarisée. À l’état normal, il n’y a pas de courant if dans les myocytes ventriculaires, mais une augmentation de l’expression de if
a été mise en évidence dans le ventricule hypertrophié.
L’ivabradine est en cours de développement dans l’angor. Ses
propriétés anti-ischémiques ont été évaluées dans une étude randomisée en double aveugle chez 360 patients. Pendant deux
semaines, ceux-ci ont reçu le placebo ou l’ivabradine 2,5 mg x 2,
5 mg x 2 ou 10 mg x 2. Les temps d’apparition du sous-décalage
de ST (1 mm) et d’une crise angineuse ont été mesurés lors d’un
test d’effort au pic d’action (et à la vallée) de l’ivabradine. Cette
molécule entraîne une réduction dose-dépendante de la fréquence
cardiaque (– 7 battements/mn à la dose de 2,5 mg, – 15 battements/mn à la dose de 10 mg). Aux doses de 5 mg x 2 et 10 mg x
2, l’ivabradine retarde l’apparition du sous-décalage de ST ; à la
dose de 10 mg x 2, elle retarde la survenue de l’angor. Il n’y a pas
de tolérance pharmacologique ni d’effet rebond. Les effets indésirables sont rares. Ce sont essentiellement des troubles visuels, qui
ont nécessité l’arrêt du traitement chez 8 patients.
Dans les études en cours, l’ivabradine est comparée à l’aténolol
(elle est aussi efficace et non supérieure) et à l’amlodipine. Son
interaction avec l’amlodipine est également évaluée en testant
l’association ivabradine + traitement de base (comprenant l’amlodipine) versus placebo + traitement de base.
La persistance d’une ischémie myocardique à l’effort est un élément péjoratif. On peut espérer que sa disparition contribuera à
améliorer le pronostic de ces patients. Ainsi, l’ivabradine se révèle
aussi efficace que l’aténolol et bien tolérée, mais son effet sur le
pronostic n’est pas encore connu.
Le ralentissement de la fréquence cardiaque pourrait aussi être
particulièrement bénéfique dans l’insuffisance cardiaque. En cas
de dysfonction systolique, l’ivabradine pourrait représenter une
alternative au traitement bêtabloquant, sans avoir l’inconvénient
d’un effet inotrope négatif. Le traitement de l’insuffisance
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cardiaque “diastolique” reste empirique, et un médicament bradycardisant devrait être bénéfique en prolongeant la durée de la
diastole. Enfin, dans l’insuffisance cardiaque aiguë, il pourrait
être particulièrement utile en association avec la dobutamine.
M.C. Aumont
Prise en charge optimale de la fibrillation auriculaire*
Depuis quelques mois, la question de la prise en charge de la
fibrillation auriculaire est redevenue d’actualité en raison des nouveaux essais cliniques (AFFIRM, par exemple) et de la nouvelle
classification de la fibrillation auriculaire. Cette réunion essaie
de répondre à cette question en proposant une conduite à tenir au
quotidien avec différents traitements. Les thérapies en cours de
développement seront aussi discutées.
Les avantages et les limites des recommandations (S. Hohnlosser, Allemagne)
La prévalence de la fibrillation auriculaire (FA) ne cesse d’augmenter dans la population générale, cette augmentation étant plus
importante encore chez les sujets âgés. Les nouvelles recommandations AHA/ACC/ESC ont été élaborées en fonction de la
physiopathologie et du pronostic de la FA. L’une des difficultés
reste la classification des patients selon le type de leur fibrillation auriculaire en paroxystique, persistante (récente) ou chronique. L’avantage de ces directives est de souligner l’importance
de l’anticoagulation et de la cardiopathie sous-jacente. De plus,
dans les FA permanentes asymptomatiques, le retour à un rythme
sinusal n’a apparemment pas de bénéfice en termes de morbimortalité (PIAF, AFFIRM, RACE).
FA permanente ou restauration à tout prix d’un rythme sinusal ? (D. Roy, Canada)
Retrouver un rythme sinusal permet d’obtenir une meilleure
hémodynamique, une amélioration des symptômes et une augmentation de la capacité physique. De plus, ce rétablissement prévient le risque d’accident vasculaire cérébral et le remodelage
atrial. De nouvelles thérapies pharmacologiques sont en cours de
développement, car les antiarythmiques actuels sont peu efficaces
pour maintenir un rythme sinusal, alors que leurs effets arythmogènes ne sont pas négligeables. Toutefois, ces différentes
drogues sont intéressantes pour ralentir une FA permanente, et
leur choix est fonction de la cardiopathie sous-jacente (insuffisance cardiaque, coronaropathie, hypertrophie ventriculaire
gauche, etc.). Les techniques d’ablation et de pacing peuvent aussi
être discutées dans cette indication. Malgré les résultats récents
d’études randomisées comme PIAF ou AFFIRM, qui relèvent une
absence de différence entre les groupes “rythme sinusal” et “FA
permanente” bien contrôlée en termes de morbi-mortalité, il est
nécessaire à l’avenir de savoir si le maintien du rythme sinusal
est indispensable pour un traitement optimal des patients souffrant d’insuffisance cardiaque – d’autant que les groupes de
patients n’étaient pas très importants.
* Symposium Sanofi-Synthelabo.
La Lettre du Cardiologue - n° 360 - décembre 2002
I
Traitements des FA en 2002 (E. Aliot, France)
La restauration du rythme sinusal est le traitement le plus efficace des FA symptomatiques, alors que, pour les FA permanentes,
le contrôle de la fréquence permet de réduire l’incidence des complications. En ce qui concerne le traitement pharmacologique, il
existe depuis 10 ans un important développement de drogues
allant de la classe I à la classe III (ibutilide, dofélitide, azimilide,
dronédarone, etc.) avec une efficacité plus importante et des effets
arythmogènes acceptables pour ceux appartenant à la classe III.
La stratégie invasive est aussi en plein essor dans cette indication, avec des possibilités d’ablation au niveau des veines pulmonaires par voie percutanée et la mise en place de stimulateurs
cardiaques selon différentes programmations. Dans l’avenir, la
prise en charge optimale de la FA passera probablement par
un traitement hybride associant thérapie pharmacologique et
thérapie mécanique.
Trente-cinq ans d’amiodarone (P. Dorian, Canada)
Le 35e anniversaire de l’amiodarone a permis de rappeler que
depuis 1972, année de sa création, 3 000 publications (EMIAT,
CAMIAT, ALIVE, etc.) concernant cet antiarythmique de classe
III nous ont été rapportées. Elle est utilisée actuellement dans les
indications d’arythmies supraventriculaires et ventriculaires, alors
qu’elle a été introduite initialement pour ses propriétés antiangineuses grâce à son effet bradycardisant. Malgré ses effets secondaires non négligeables, elle a montré un bénéfice absolu dans
les décès d’origine rythmique et dans les morts subites. De nouvelles études sont encore à réaliser pour déterminer sa place par
rapport aux nouveaux antiarythmiques et aux défibrillateurs. Dans
l’avenir, une nouvelle molécule sans iode et analogue à l’amiodarone (dronédarone) va probablement déboucher sur de nouvelles indications.
M. Amara
La maladie coronaire : doit-on garder sous silence
cette pathologie qui tue ?*
Hypertension et maladie coronaire (F. Messerli)
L’HTA et la maladie coronaire sont souvent rencontrées chez les
mêmes patients : l’HTA augmente la postcharge et l’hypertrophie, et donc la consommation d’oxygène ; elle est un facteur de
risque indépendant de l’athérosclérose, et est souvent associée à
une augmentation de la fréquence cardiaque réduisant le temps
de remplissage coronaire.
Quels seraient les meilleurs traitements de cette association pathologique ? Les inhibiteurs calciques de type dihydropyridine se
sont révélés dangereux, car ils augmentent la réaction sympathique réflexe et la demande en oxygène. Les bêtabloquants n’ont
pas démontré leur efficacité en prévention primaire dans ce groupe
de patients. Les inhibiteurs calciques de longue durée d’action
de type vérapamil réduisent progressivement le niveau de pression artérielle, la fréquence cardiaque et l’HVG. Ils améliorent
* Symposium Abbott.
La Lettre du Cardiologue - n° 360 - décembre 2002
N F O R M A T I O N S
la fonction diastolique et le remplissage coronaire. Enfin, les IEC
sont les agents qui réduisent le plus le degré d’hypertrophie, et
également le degré de fibrose. Leur utilité en prévention primaire
et secondaire dans la maladie coronaire est bien démontrée.
Les changements démographiques : l’étude INVEST (C. Pepine)
Les études concernant l’HTA et ses traitements sont nombreuses.
Cependant, elles reposent sur des populations dont les caractéristiques épidémiologiques ont beaucoup évolué : elles s’intéressaient le plus souvent à des sujets mâles, avec peu de maladies associées, et des catégories de population sous-représentées ;
par exemple, les données acquises dans les années 70 sur le traitement de la maladie coronaire reposaient sur trois études qui
n’avaient inclus au total que 80 femmes.
L’étude INVEST (International Verapamil/Trandolapril Study) ,
quant à elle, compare un inhibiteur calcique (vérapamil) à un bêtabloquant (aténolol) ; les critères de jugement sont le contrôle de
la pression artérielle, la mortalité totale et la survenue d’un infarctus ou d’un AVC. L’addition du trandolapril et de l’hydrochlorothiazide est possible dans les deux groupes en fonction des facteurs de risque et du contrôle de la pression. Vingt-deux mille
cinq cent quatre-vingt-dix-neuf patients ont été inclus entre septembre 1997 et décembre 2000 en Amérique du Nord et en
Europe. Le suivi se poursuivra jusqu’en décembre 2002. Par rapport aux études antérieures, les patients sont plus âgés (âge moyen
= 64 ans), plus gros (BMI = 28), et il y a plus de femmes (52 %).
Tous les patients sont coronariens (épreuve d’effort anormale = 21 %,
antécédents d’IDM = 32 %, coronarographie anormale = 38 %,
angor clinique = 67 %), les minorités sont représentées (Caucasiens = 49 %, Hispaniques = 38 %, Noirs = 14 %,Asiatiques = 1 %).
Les comorbidités sont le diabète (27 %), une dyslipidémie (53 %),
un tabagisme (46 %). Cette population reflète donc mieux la
population contemporaine et va fournir des données utiles à l’établissement de nouvelles références.
L’utilisation des IEC dans la maladie coronaire (A. Maggioni)
De nombreuses études incluant près de 100 000 patients ont
démontré que l’introduction précoce (du 1er au 7e jour) d’IEC après
tous les infarctus était bien tolérée et efficace (5 vies sauvées pour
1 000 patients traités à 30 jours). Lorsque les patients ont une
dysfonction VG, l’introduction d’un IEC est plus efficace (44 vies
sauvées pour 1 000 patients traités). Il est donc recommandé de
prescrire des IEC précocement à tous les patients ayant subi un
infarctus, et de les maintenir après 30 jours à ceux qui présentent
une dysfonction VG.
Les IEC sont, en outre, efficaces dans la prévention des infarctus, des AVC ou des décès dans une large population à haut risque
(étude HOPE).
L’étude PEACE se propose également de déterminer si le trandolapril réduit le risque de mortalité cardiovasculaire, de survenue d’un infarctus, ou le recours à un geste de revascularisation
dans une population de sujets coronariens ayant une fonction ventriculaire gauche normale ; l’essai est dimensionné pour une
réduction du risque de 18 % et une différence dans le critère principal de 19 %. Le trandolapril a été choisi, car il a déjà fait la
preuve de son efficacité (étude TRACE), sa durée d’action est
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I
N F O R M A T I O N S
longue (16-24 heures), et il ne présente pas d’interaction avec les
autres médicaments. Le recrutement s’est terminé depuis le
30 juin 2000 et les données seront disponibles en 2004.
Les associations fixes de traitements sont-elles utiles ? (A. Benetos)
Plusieurs études de population ont montré que le pourcentage de
patients hypertendus contrôlés par le traitement était de l’ordre
de 20 à 25 % : or, les patients qui ne sont pas contrôlés ont un
risque cardiovasculaire doublé par rapport à ceux qui le sont. La
pression systolique est un bon indicateur de ce risque. Les résultats à un an de l’étude INVEST, qui compare deux stratégies,
l’une fondée sur l’utilisation du vérapamil et l’autre sur celle de
l’aténolol, montre que 64 % des patients ont une pression systolique contrôlée et 88 % une pression diastolique contrôlée, mais
que 80 % des patients ont nécessité une bithérapie. L’association inhibiteur calcique-IEC se révèle, à cet égard, intéressante,
car elle est synergique et dénuée d’effets métaboliques. L’ IEC
est cardio- et néphroprotecteur, et son intérêt est démontré chez
le diabétique ; l’inhibiteur calcique non dihydropyridique est
cardioprotecteur, il diminue la réaction sympathique réflexe à
l’hypotension et la fréquence cardiaque.
Ph. Abassade
Ont participé à la rédaction de ce compte-rendu :
Ph. Abassade, service de cardiologie, hôpital Saint-Michel, Paris
M. Amara, laboratoire génétique et insuffisance cardiaque, hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris
M.C. Aumont, service de cardiologie, hôpital Bichat, Paris
Ph. Duc, service de cardiologie, hôpital Bichat, Paris
S.E. Hassani, service de cardiologie, hospices civils de Strasbourg
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La Lettre du Cardiologue - n° 360 - décembre 2002
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