Diabète et corticoïdes.

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Diabète et corticoïdes.
Dr Florence LABROUSSE-LHERMINE
Service de Diabétologie-Maladies Métaboliques et Nutrition
CHU Rangueil.
Du fait de la variété de leurs indications, les corticoïdes sont fréquemment prescrits, en
médecine générale comme en milieu hospitalier. Certaines études laissent supposer que 0.5 %
de la population générale en bénéficie un jour ou l’autre. Pourtant, à côté des effets bénéfiques
anti-inflammatoires puissants, leurs effets secondaires sont nombreux, en particulier sur le
métabolisme glucidique. Comme le soulignent les Recommandations de l’afssaps-HAS
concernant le traitement du diabète de type 2, « les corticoïdes ont un effet hyperglycémiant
dose-dépendant, réversible et transitoire, qu’ils soient administrés par voie orale,
intraveineuse, intramusculaire ou intraarticulaire ». Les services d’Urgences et de
Diabétologie accueillent d’ailleurs fréquemment des patients présentant une hyperglycémie
majeure voire un coma hyperosmolaire alors qu’ils sont traités depuis peu par corticoïdes pour
une pathologie aiguë.
Tous les effets des glucocorticoïdes sur le métabolisme du glucose concourent en effet à
une hyperglycémie. Ils augmentent la production hépatique de glucose, notamment en
augmentant la disponibilité des précurseurs de la néoglucogenèse et en stimulant la sécrétion
de glucagon. Ils sont aussi à l’origine d’une insulinorésistance musculaire en diminuant
l’utilisation périphérique du glucose et son oxydation. Enfin ils ont un effet toxique direct sur
la cellule béta.
En pratique la prescription d’une corticothérapie peut être à l’origine de 2 situations :
- découverte d’un trouble du métabolisme glucidique chez un patient non connu pour
être diabétique. On parle alors de diabète cortico-induit, si l’HbA1c est normale,
permettant de faire la différence entre un authentique diabète induit par la
corticothérapie ou un diabète méconnu décompensé par la corticothérapie.
- aggravation d’un diabète pré-existant.
Diabète cortico-induit :
Malgré la fréquence du problème en pratique courante, la revue de la littérature retrouve
finalement assez peu d’études consacrées à la prévalence, au dépistage et au traitement du
diabète cortico-induit.
Nous montrerons lors de notre présentation orale, des résultats obtenus par la mesure
continue du glucose par Holter glycémique*, validant l’intérêt du dépistage du diabète corticoinduit par la glycémie post-prandiale de 14 heures, la glycémie à jeun étant souvent normale et
faussement trompeuse. Il faudra être d’autant plus vigilant que le patient présente un des
facteurs de risque classiquement reconnus :
- patient âgé
- antécédent de diabète cortico-induit
- antécédent de diabète gestationnel
- antécédent familial de diabète
- surpoids voire obésité, surtout si androïde.
- corticothérapie à forte posologie.
Une fois mis en évidence, la conduite à tenir devant un diabète cortico-induit dépend du
risque de déséquilibre glycémique majeur apprécié par la voie d’administration, la dose et la
durée envisagée de la corticothérapie. Le traitement du diabète cortico-induit n’a jamais été
évalué dans des études randomisées. Les objectifs glycémiques dépendront du contexte : âge,
pathologie sous-jacente…Il semble raisonnable de se fixer des objectifs glycémiques entre 1.5
et 2.5 g/l chez le sujet âgé, plus bas : < 1.2 g /l à jeun, < 1.6 g /l en post-prandial chez le sujet
jeune.
Les hypoglycémiants oraux agissant plus spécifiquement sur les glycémies postprandiales (Acarbose, Répaglinide, Sitagliptine) sont séduisants en théorie, mais souvent peu
efficaces en pratique quotidienne. La Metformine qui diminue la production hépatique de
glucose par diminution de la néoglucogénèse est séduisante en théorie, mais est fréquemment
contre-indiquée ou insuffisamment efficace chez ces patients. Même les Sulfamides,
hypoglycémiants puissants sont souvent dépassés ou contre-indiqués.
L’insulinothérapie semble rester le traitement de choix en débutant par des analogues de
l’insuline rapide ou des mélanges en comportant de fortes proportions (50 à 70 %) dont les
posologies sont variables, dépendant des doses de corticoïdes utilisées et du degré
d’insulinorésistance du patient.. Pour être efficace, le traitement impose d’être adapté aux
glycémies capillaires et donc une autosurveillance, surtout en post-prandial ce qui nécessite
souvent une collaboration entre le médecin généraliste et le diabétologue et l’aide d’une
infirmière.
Diabète pré-existant :
L’existence d’un diabète n’est plus une contre-indication à la corticothérapie. Elle
nécessite par contre l’instauration d’une autosurveillance chez les patients qui n’en pratiquent
pas ou son renforcement afin de juger si des modifications thérapeutiques sont nécessaires :
- introduction d’une insulinothérapie temporaire selon les schéma insuliniques décrits
ci-dessus en cas de déséquilibre glycémique si le patient est traité par
hypoglycémiants oraux,
- majoration surtout de l’insulinothérapie destinée à couvrir les repas (analogues
rapides ou bolus si pompe) si le patient était déjà insulinotraité.
Le traitement sera revu à chaque palier de décroissance de la corticothérapie.
* Holters glycémiques réalisés chez des patients hospitalisés au CHU de Purpan dans les
services de Médecine Interne du Pr Alric, de Médecine Interne du Pr P.Arlet, de Médecine
Interne du Pr Adoue, d’Hépato-Gastroentérologie du Pr Vinel et grâce au soutien des
Laboratoires Novo-Nordisk et Lifescan.
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