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NUTRITION
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Psychotropes
La prise de poids peu prise en compte
Les patients sous psychotropes devraient être mieux informés du risque de prise de
poids iatrogène et incités à respecter quelques règles hygiéno-diététiques, voire à
consulter une diététicienne pour suivre des régimes non restrictifs. Cette prise de poids
expose à une morbi-mortalité liée à toute surcharge pondérale mais aussi à la nonobservance du traitement prescrit.
Graisse abdominale nocive
On sait depuis longtemps que les
patients sous antipsychotiques
présentent très souvent une prise
de poids au profit de la graisse
abdominale, c’est-à-dire celle qui
est la plus corrélée aux complications cardiaques et à l’insulinorésistance. Selon les patients, elle
atteint en moyenne 6 à 8 kg pendant les 6 à 12 premiers mois du
traitement. Si le traitement antipsychotique peut être arrêté (ce qui
est rare), cette prise de poids est
en général réversible. Plusieurs
phénomènes interviennent, à
savoir un effet orexigène par blocage des récepteurs à la dopamine, à la sérotonine et à l’histamine, une dysrégulation du poids
liée à l’action de l’hyper-prolactinémie sur les hormones stéroïdiennes et l’insulinorésistance,
l’augmentation de la soif secondaire à la sécheresse de la bouche
qui est induite par l’effet anticholinergique de ce type de médicaments, avec l’accroissement de
l’apport calorique par l’intermédiaire des sodas sucrés. Le risque
de prise de poids est particulièrement élevé avec la clozapine et
l’olanzapine (ces antipsychotiques
stimuleraient la sécrétion de l’insuline), modérée avec la rispéridone
et la chlorpromazine, et moindre
avec l’amisulpride et l’halopéridol.
Risque d’obésité
Il est aussi acquis que les patients
bipolaires sont plus à risque d’obésité que la population générale et
que le gain de poids est d’au moins
5 % chez deux tiers des patients
sous lithium et chez près de la moitié de ceux sous acide valproïque
ou carbamazépine. En ce qui
concerne le lithium, plusieurs
mécanismes sont évoqués : il
inhibe la synthèse des hormones
thyroïdiennes (d’où une hypothyroïdie patente ou a minima),
bloque les récepteurs dopaminergiques, ce qui entraîne un accroissement de l’appétit, augmente la
diurèse, accroît l’effet GABA (d’où
consommation accrue de glucides
et réduction du métabolisme de
base) et stimule les surrénales et la
sécrétion de glucocorticoïdes du
fait de son action noradrénergique
au niveau hypothalamique. Quant à
l’acide valproïque, la prise de poids
qu’il induit est en rapport avec l’accroissement de l’effet GABA et
avec une déficience en carnitine
qui serait responsable d’une réduction de l’oxydation des acides gras.
Chez les patients sous antidépresseurs, il faut distinguer la reprise de
poids perdu pendant la dépression
de la prise de poids iatrogène,
laquelle doit être soupçonnée lorsqu’elle est aggravée après la rémission complète de l’épisode dépressif. Cet effet indésirable, cause
majeure d’arrêt prématuré du traitement, est bien connu avec le miansérine (utilisé chez les sujets âgés)
et les antidépresseurs tricycliques
dont on sait qu’ils réduisent des
dépenses caloriques de base.
Le mécanisme reste mal expliqué,
il semble qu’il existe un ralentissement de la transmission sérotoninergique. Dans la classe des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la
sérotonine, toutes les molécules
n’ont pas les mêmes effets. Ainsi la
fluoxétine et la fluvoxamine réduisent l’appétit voire entraînent l’anorexie et font perdre du poids à
court terme, probablement par
activation des récepteurs 5-HT2c.
Ce qui n’est pas le cas de la
paroxétine et de la sertraline qui au
contraire augmentent l’appétit et
favorisent la prise de poids.
LC
18es Journées de nutrition pratique
Dietecom 2005
Focus sur l’obésité
Lutter contre l’obésité quelles
qu’en soient les causes s’impose
aujourd’hui comme une priorité.
Les personnes qui consultent
pour une pathologie doivent
faire l’objet de soins où l’aspect
de surcharge pondéral est pris
en compte. Il ne s’agit pas de
stigmatiser les personnes obèses, a fortiori si elles se soignent
pour des troubles psychologiques. La prise en charge doit
être globale c’est-à-dire médicale, psychologique et sociale,
ce qui est encore rarement le
cas. Au-delà d’une stratégie
médicale concernant la personne, il s’agit d’une stratégie de
santé publique intégrant le
concept de “santé durable”,
comme le souligne le députémédecin J.M. Le Guen.
>> DOSSIER
É
tant donné la difficulté à
retrouver un poids normal,
il paraît important de se
préoccuper de la prévention de la
prise de poids iatrogène dès le
début du traitement. Si le patient
est déjà en surcharge pondérale
ou présente des antécédents personnels ou familiaux, il convient
de choisir le médicament le
moins nocif sur ce plan dans la
classe thérapeutique.
Professions Santé Infirmier Infirmière N° 63 • mai 2005
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