Actualités sur la prise en charge de l’obésité M

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É T A B O L I S M E
Actualités sur la prise en charge de l’obésité
Current events on management of fatness
● P. Henry*
Maladie chronique et récidivante, l’obésité relève d’un traitement au long cours ne se limitant pas à la simple prescription d’un régime. Il s’agit ici de hiérarchiser les priorités et d’établir un programme thérapeutique qui s’inscrive
dans la durée : la médecine de l’obésité est une approche
globale qui ne peut se réduire à l’application systématique
de tel ou tel outil thérapeutique (1). Ces dernières années
ont été marquées par l’apparition de nouveaux médicaments
(sibutramine, orlistat) dans le traitement pharmacologique
de l’obésité dont l’utilisation ne se conçoit que dans le cadre
d’une prescription médicale encadrée, avec des indications
précises et limitées, ainsi qu’une stratégie de prise en charge
à long terme adaptée à chaque patient.
qu’un tour de taille de plus de 90 cm chez la femme et de plus de
100 cm chez l’homme caractérise une obésité abdominale), un
examen clinique, une enquête alimentaire, ainsi qu’une évaluation du contexte psychosocial et de l’activité physique quotidienne. Enfin, le bilan biologique est limité initialement à
quelques éléments : glycémie à jeun, cholestérol total, triglycérides, cholestérol HDL et calcul du cholestérol LDL, acide urique
(compte tenu de la prévalence élevée du diabète, des dyslipidémies et des hyperuricémies chez les sujets obèses).
UNE PRIORITÉ :
FIXER DES OBJECTIFS THÉRAPEUTIQUES
Ils sont de plusieurs ordres : le contrôle du poids, la prévention
et le traitement des complications et, d’une manière plus globale,
l’amélioration de la qualité de vie.
Le contrôle du poids
UN ACCÈS AUX SOINS QUI VARIE
SELON LES SITUATIONS
Le recours aux soins varie fortement selon les individus, certains
consultant dès la phase de prise de poids, d’autres à un stade plus
avancé d’obésité constituée. Certains sujets ne consulteront que
lorsque les complications seront déjà apparues. Enfin, en cas
d’obésité morbide, on observe que le recours aux soins est au
mieux tardif, au pire inexistant (1).
UNE ÉVALUATION CLINIQUE COMPLÈTE
AVANT L’INSTAURATION DU TRAITEMENT
Il s’agit d’évaluer la demande du sujet et les différentes dimensions de son état de sa santé, afin de dégager des objectifs thérapeutiques le plus individualisés possible. L’examen inclut une
anamnèse pondérale (une obésité chez l’adulte est définie par un
index de masse corporelle égal ou supérieur à 30 kg/m2, alors
Les objectifs pondéraux doivent être à la fois réalistes et individualisés : la tolérance à la restriction alimentaire connaît des limites
physiologiques et psychologiques. Dans les dernières Recommandations de l’AFERO et de l’ALFEDIAM (2), il est rappelé
que “ces limites, dont le seuil est variable d’un individu à l’autre,
doivent être prises en compte dans la définition des objectifs pondéraux”. Ces objectifs pondéraux doivent également s’inscrire
dans la durée : après une perte de poids initiale obtenue au bout
d’environ 6 mois, l’objectif est son maintien à long terme.
En pratique :
✓ dans une grande majorité des cas, une perte de poids de
5 à 15 % par rapport au poids maximal constitue un objectif réaliste et entraînant déjà des bénéfices pour la santé ;
✓ une perte de poids de 20 % et plus peut être envisagée si
les moyens nécessaires pour y parvenir ne mettent pas en
cause l’équilibre nutritionnel, somatique, psychologique et
social de l’individu ;
✓ enfin, dans certains cas, éviter l’aggravation de l’obésité
(qui est une tendance naturelle spontanée) constitue le seul
objectif raisonnable en cas de mauvaise tolérance à la restriction alimentaire et quand les résistances biologiques à la
perte de poids sont trop importantes.
* Hôpital Lariboisière, Paris.
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Prévention et traitement des complications
Amélioration de la qualité de vie
Le traitement des complications est un objectif primordial, et ce,
quelles que soient l’évolution pondérale et les difficultés à contrôler le poids. Le rôle important joué par le cardiologue est ici
à souligner, en particulier en ce qui concerne :
✓ le traitement de l’hypertension (mais aussi du diabète et/ou des
dyslipidémies),
✓ la prise en charge des complications respiratoires (syndrome
d’apnées du sommeil) et cardiovasculaires (insuffisance cardiaque
et coronaire).
Le tableau I résume les principales comorbidités et les objectifs
de leur traitement tels que définis par l’OMS (3).
Parmi les principaux objectifs psychologiques et sociaux
figurent : la réduction des perturbations de l’image du corps, de
l’estime de soi, de l’anxiété et de la dépression ; la limitation
des effets de la restriction alimentaire chronique ; l’amélioration
de la capacité à faire face aux situations conflictuelles (souvent
à l’origine des désordres alimentaires) ainsi que des difficultés
professionnelles et sociales liées à l’état d’obésité.
Tableau I. Traitement de comorbidités d’après l’OMS (3).
Comorbidités
Diabète et intolérance
au glucose
Objectifs et moyens thérapeutiques
Normalisation glycémique, lipidique et
tensionnelle selon les mêmes critères
que chez les sujets diabétiques non
obèses.
Régime, exercice, antidiabétiques
oraux ; insuline en cas d’échec.
Hypertension artérielle
Normalisation des chiffres tensionnels
selon les mêmes critères que dans la
population non obèse.
Exercice, antihypertenseurs, correction
du syndrome d’apnées du sommeil.
Hyperlipidémies
Normalisation du bilan lipidique
selon les mêmes critères que chez les
non obèses. Diététique, exercice,
hypolipémiants si les effets du régime
ne suffisent pas en prévention primaire
ou secondaire dans les conditions
prévues pour les sujets non obèses.
Dermatoses et troubles
veineux
Traitement des infections des plis,
contention veineuse des membres
inférieurs.
Syndrome d’apnées
du sommeil et complications
respiratoires
Pression positive nocturne,
vaccination antigrippale,
kinésithérapie respiratoire.
Complications articulaires
Kinésithérapie, mobilisation,
antalgiques, anti-inflammatoires,
traitement de l’hyperuricémie en cas
d’antécédents personnels ou familiaux
de goutte ou de lithiase rénale,
chirurgie orthopédique.
Troubles gynéco-endocriniens
et cancers
Dépistage des cancers du sein
et de l’endomètre, traitement
des affections bénignes de l’utérus.
Dépistage du cancer du côlon
et de la prostate.
Retentissement psycho-social
Amélioration de la qualité de vie,
de l’estime de soi, de l’image du corps,
lutte contre la discrimination et
l’anxiété, réinsertion sociale, prise en
charge de la dépression, psychothérapie.
Intolérance à l’exercice
Amélioration de la fonction
cardiorespiratoire et de la mobilité,
approche psychomotrice.
Risque opératoire
Traitement du syndrome d’apnées du
sommeil, prévention de la thrombose
veineuse, ventilation optimale, position
demi-assise et lever précoce.
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LES MOYENS THÉRAPEUTIQUES :
ÉTABLIR UN PROGRAMME
QUI S’INSCRIVE DANS LA DURÉE
L’activité physique
La pratique régulière d’une activité physique d’intensité modérée est bénéfique non seulement pour le contrôle du poids à long
terme, mais également pour l’amélioration de la situation métabolique. La première recommandation consiste à augmenter
le niveau d’activité physique dans les actes de la vie quotidienne et au cours des loisirs, la pratique d’une activité programmée deux à trois fois par semaine pouvant compléter cette
première mesure.
La prescription diététique
Elle vise à réduire les apports caloriques, tout en tenant compte
des habitudes alimentaires individuelles, et sans faire appel à des
restrictions alimentaires sévères.
En pratique, cette approche diététique (régime modérément restrictif) revient à :
✓ corriger un excès d’apports énergétiques et aider le sujet à trouver un équilibre alimentaire,
✓ évaluer les apports alimentaires et analyser l’importance des
prises alimentaires en dehors des repas (enquête alimentaire),
✓ conseiller une réduction d’environ 15 à 30 % des apports alimentaires par rapport à ceux évalués par l’enquête alimentaire,
✓ ou (ce qui revient souvent au même) conseiller des apports correspondant aux deux tiers de la dépense énergétique quotidienne
(calculée en tenant compte de l’âge, du sexe, du poids et du niveau
habituel d’activité physique).
Les approches cognitivo-comportementales
et le soutien psychologique
En cas de difficulté d’application des mesures initiales (diététique
et activité physique) ou en cas de troubles du comportement alimentaire, des approches cognitivo-comportementales peuvent
être proposées.
Partie intégrante de la prise en charge de l’obésité, le soutien
psychologique constitue un élément fondamental, en sachant
qu’une psychothérapie pourra également être indiquée devant une
dépression, des troubles de l’image de soi ou des troubles du
comportement alimentaire.
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Les traitements médicamenteux
Le traitement pharmacologique de l’obésité ne doit être envisagé
qu’en cas d’échec des mesures précédentes, pour les patients dont
l’IMC est supérieur à 30 kg/m2, ou chez ceux ayant un IMC compris entre 25 et 30 kg/m2, mais qui présentent une anomalie clinique ou un risque de morbidité élevé en rapport avec l’excès de
poids.
Ces dernières années, si la fenfluramine a été retirée du marché
(en raison du risque de survenue d’une hypertension artérielle
pulmonaire primitive), deux nouvelles molécules (la sibutramine
et la tétrahydrolipstatine) sont apparues, dont l’efficacité a été
prouvée lors d’études randomisées versus placebo sur une période
de plus d’un an.
La poursuite du traitement au-delà du troisième mois n’est à envisager que chez les patients répondeurs (perte de poids supérieure
à 5 % de leur poids initial) au cours de la phase initiale de prescription.
■ La sibutramine a des effets satiétogènes (renforcement de la
sensation de satiété) dus à son action noradrénergique et sérotoninergique, inhibant la recapture neuronale de la noradrénaline
et de la 5-hydroxytryptamine, qui module l’appétit (4). En association avec un programme d’amaigrissement, la sibutramine (une
gélule de 10 à 15 mg/j) est indiquée dans le traitement de l’obésité (IMC 30 kg/m2) et du surpoids (IMC 27 kg/m2) quand
celui-ci est associé à d’autres facteurs de risque liés à l’obésité,
tels qu’un diabète de type 2 ou une dyslipidémie, après échec
d’un régime mené pendant au moins trois mois.
Les études cliniques menées versus placebo chez des patients
obèses suivant un régime restrictif ont montré (5) pour les patients
sous sibutramine 10 à 15 mg/j pendant 2 à 6 mois :
– une perte moyenne de 5 à 10 kg (versus 2 à 4 kg sous placebo),
– une perte de poids > 5 % chez 50 à 70 % des patients (versus
25-30 % dans le bras placebo),
– une perte de poids > 10 % chez 30 à 40 % des patients (versus
< 10 % sous placebo).
Chez des patients présentant un surpoids (IMC 27 kg/m2) et un
diabète de type 2 traité par antidiabétiques oraux, la sibutramine
administrée sur une période de 6 mois a permis une perte de poids
deux fois plus importante que dans le bras placebo (– 4,5 kg versus – 1,7 kg, p < 0,001) (6).
Concernant le maintien de la perte pondérale à moyen terme,
l’étude multicentrique européenne STORM (7) a randomisé en
deux groupes une population initiale de 605 patients dont l’IMC
était compris entre 30 et 45 kg/m2 et qui avaient perdu au moins
5 % de leur poids corporel au terme de 6 mois d’un traitement
par sibutramine associé à un régime. Ces deux groupes devaient
recevoir soit la sibutramine, soit un placebo pendant 18 mois. Les
résultats à la fin de la période de suivi montrent que 43 % des
patients du groupe sibutramine ayant complété la période de
l’étude ont stabilisé leur poids (versus 16 % dans le groupe placebo, p < 0,001).
Si le profil de tolérance cardiovasculaire de la sibutramine apparaît globalement satisfaisant (8), il est cependant indispensable
d’en respecter les contre-indications (hypertension artérielle
insuffisamment contrôlée, c’est-à-dire supérieure à 145/90 mmHg,
antécédents de pathologie coronarienne, d’insuffisance cardiaque
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congestive, de tachycardie, d’artériopathie oblitérante des
membres inférieurs, d’arythmie ou de pathologie vasculaire cérébrale) et de surveiller attentivement la pression artérielle et la fréquence cardiaque chez l’ensemble des patients (tous les 15 jours
pendant les trois premiers mois, puis tous les mois entre le 4e et
le 6e mois, puis à intervalles réguliers ne dépassant pas trois mois).
Une étude récente (9) a par ailleurs montré qu’un traitement de
6 mois par la sibutramine n’avait pas eu d’impact négatif au niveau
valvulaire, au niveau du ventricule gauche ou sur les variables
électrocardiographiques.
■ L’orlistat, inhibiteur des lipases digestives, réduit l’absorption
des graisses en diminuant l’hydrolyse des triglycérides alimentaires (10). Il est indiqué en association à un régime hypocalorique dans le traitement de l’obésité (IMC 30 kg/m2) et du surpoids (IMC 28 kg/m2) associé à des facteurs de risque. Ce
traitement ne doit être entrepris que si un régime seul a précédemment permis une perte de poids d’au moins 2,5 kg en
4 semaines consécutives. La posologie recommandée est d’une
gélule à 120 mg avant, pendant ou jusqu’à une heure après chacun des principaux repas. Le patient doit suivre un régime modérément hypocalorique, bien équilibré sur le plan nutritionnel et
contenant environ 30 % de l’apport calorique sous forme de
graisses. Les résultats combinés de cinq études menées sur deux
ans ont montré qu’après un an de traitement associé à un régime
hypocalorique, 20 % des patients sous orlistat avaient perdu au
moins 10 % de leur poids (versus 8 % des patients sous placebo).
La différence moyenne de perte de poids entre le groupe traité et
le groupe placebo était de – 3,2 kg (11). Les effets indésirables
sont principalement d’ordre gastro-intestinal (traces de graisses
anales, gaz avec suintements, selles impérieuses, selles
grasses/huileuses, émissions de graisses, augmentation de volume
des selles, incontinences fécales) (11, 12).
■ Une revue récente (13) s’est intéressée à ces nouveaux agents
anti-obésité dans le traitement du diabète de type 2. Plusieurs
études contrôlées versus placebo montrent que ces deux médicaments favorisent la perte de poids chez les sujets obèses avec
diabète de type 2 traité par régime seul, sulfamides, metformine
ou insuline. Cet amaigrissement plus marqué par rapport au placebo s’accompagne d’une réduction significative des taux d’hémoglobine glycosylée et/ou des doses des agents hypoglycémiants classiques, en particulier chez les patients répondeurs,
c’est-à-dire ayant perdu au moins 10 % de leur poids initial. De
plus, les facteurs de risque cardiovasculaires sont également diminués après amaigrissement, plus spécifiquement les dyslipidémies avec l’orlistat. Ces agents anti-obésité peuvent également
contribuer à retarder ou à prévenir la progression de la diminution de la tolérance au glucose vers le diabète de type 2 avéré chez
des individus obèses à risque.
La chirurgie de l’obésité
Mesure exceptionnelle dont l’indication relève du spécialiste, la
chirurgie de l’obésité (pose d’un anneau gastrique) est obligatoirement pratiquée par un chirurgien formé dans ce domaine (et
au sein d’une équipe entraînée à l’anesthésie et à la surveillance
médicale périopératoire des patients présentant une obésité massive). Elle ne doit être envisagée que pour des obésités résistantes
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aux traitements conventionnels (échec d’une prise en charge
médicale spécialisée bien conduite sur une période d’au moins
un an) et exposant à des complications importantes, non contrôlées par le traitement médical. L’IMC doit ici être supérieur à
40 kg/m2 ou à 35 kg/m2 s’il existe des complications ou comorbidités associées menaçant le pronostic vital ou fonctionnel.
L’évaluation préopératoire est menée par une équipe multidisciplinaire (nutritionniste, psychiatre, chirurgien, cardiologue et
anesthésiste) en collaboration avec le médecin traitant : analyse
de la motivation, recherche des contre-indications et évaluationprévention des risques opératoires. L’information délivrée au
patient (avantages, inconvénients, risques de l’intervention et de
ses suites) doit être claire et précise, insistant sur la nécessité
d’une surveillance médicale prolongée pendant plusieurs années.
Après amaigrissement, la chirurgie plastique et reconstructrice
peut parfois être justifiée afin de pratiquer l’exérèse des excès de
peau et de tissu adipeux sous-cutané. Cette décision n’est envisagée qu’en période de stabilité pondérale.
LES STRATÉGIES THÉRAPEUTIQUES
CHEZ L’ADULTE (1)
Différents éléments conditionnent ici les choix stratégiques : l’importance de l’obésité, ses déterminants et conséquences, les
comorbidités, l’influence des troubles du comportement alimentaire, ainsi que le stade évolutif. Le traitement des complications
représente également un objectif primordial et ce, quels que soient
l’évolution pondérale et les difficultés ou les échecs du contrôle
du poids.
Selon le degré d’obésité et les comorbidités
– Chez les sujets non obèses : la prise en charge doit être précoce, si possible au stade de constitution du surpoids. Une prise
de poids rapide et supérieure à 5 % du poids habituel doit être
prise en compte dans la prévention d’une éventuelle obésité.
– Chez les sujets dont l’IMC est compris entre 25 et
29,9 kg/m2 : en l’absence de complications propres à l’excès pondéral, l’objectif peut être d’éviter une prise de poids supplémentaire. Les conseils nutritionnels, l’activité physique et les adaptations comportementales sont les seules mesures appropriées. Il
faudra en revanche envisager une perte de poids s’il existe des
facteurs de risque vasculaire (par exemple diabète de type 2 ou
dyslipidémie) ou une affection associée dont l’évolution est
influencée par l’excès de poids, ainsi que dans les cas où l’excès
de poids est mal toléré.
– Chez les sujets dont l’IMC est 30 kg/m2 : l’objectif est ici
une perte de poids, puis une stabilisation à long terme, ainsi que
la prévention ou le traitement des complications. L’obésité non
compliquée relève de mesures diététiques associées à une augmentation de l’activité physique. Une approche comportementale peut être proposée lorsque la mise en place de ces mesures
s’avère difficile. Si les complications de l’obésité sont menaçantes
et non contrôlées par des mesures spécifiques, un traitement médicamenteux peut aussi s’envisager.
20
– En cas d’obésité morbide ou massive (IMC 40 kg/m2) : la
prise en charge en milieu hospitalier spécialisé, en collaboration
avec le médecin traitant, est nécessaire. Le traitement des complications (en particulier respiratoires) est une priorité. En cas
d’échec d’une prise en charge médicale bien conduite, l’option
chirurgicale peut être envisagée.
Influence des troubles du comportement alimentaire
D’une manière générale, les troubles du comportement alimentaire sont sous-estimés dans leur fréquence, leur gravité et leur
retentissement sur les possibilités thérapeutiques. Dans bien des
cas, le traitement de ces troubles est un préalable thérapeutique
incontournable, faute de quoi le patient risque d’être d’emblée en
situation d’échec (14).
Les différentes phases du traitement
La phase de perte de poids dure, en moyenne, de 12 à
24 semaines (plus longtemps après chirurgie), et la stabilisation
de la courbe de poids en plateau sera d’autant mieux acceptée que
des objectifs réalistes auront été fixés (15).
La phase de stabilisation est en rapport avec l’adaptation métabolique physiologique, caractérisée par la baisse de la dépense
énergétique due à la diminution de la masse maigre et à celle
de l’oxydation des lipides. Les difficultés rencontrées pour
adhérer complètement aux modifications comportementales
qu’exige le traitement ne doivent pas être sous-estimées : pour
maintenir son poids à un niveau inférieur, le sujet obèse doit
baisser durablement ses apports énergétiques par rapport à ses
apports antérieurs.
La prévention de la reprise pondérale reste primordiale.
Parmi les facteurs associés au succès thérapeutique, on peut
citer (3) : l’association, la complémentarité et la cohérence des
approches (diététique, activité physique, thérapie comportementale), la régularité de la surveillance clinique et la qualité
de l’accompagnement médical (l’intervalle entre deux consultations ne doit pas dépasser un mois, éventuellement compensé
par un suivi par téléphone ou raccourci en cas de désordres du
comportement alimentaire, ainsi qu’au début de la prise en
charge et dans les périodes de recrudescence des troubles) ; il
ne faut pas oublier le soutien psychologique et celui apporté
par l’entourage.
Les contre-indications à la perte de poids
Certaines situations particulières et certaines maladies constituent
des contre-indications absolues ou relatives à la perte de poids et
au régime restrictif :
– les maladies évolutives (infectieuses, par exemple) pouvant être
aggravées par la restriction calorique ;
– les états dépressifs sévères où le patient n’est pas en mesure de
supporter la contrainte supplémentaire que constitue le régime
restrictif (16) ;
– les maladies psychiatriques graves, névroses ou psychoses non
équilibrées par le traitement psychiatrique (16) ;
– les troubles graves du comportement alimentaire, au moins dans
un premier temps (17) ;
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– les obésités chez le sujet âgé, excepté si le traitement d’une
maladie associée justifie une réduction de l’excès de poids, et en
sachant que les régimes restrictifs (aggravant, chez ces sujets, la
diminution de la masse maigre) ne doivent pas être prescrits chez
les sujets âgés (18).
CONCLUSION : PRISE EN CHARGE DE L’OBÉSITÉ EN 2003 ;
É T A B O L I S M E
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LE CARDIOLOGUE AU CŒUR DU PROCESSUS DE SOINS
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Les études de morbi-mortalité les plus récentes mettent l’accent
sur l’importance de la prise en compte de l’obésité et de l’excès
de poids en tant que partie intégrante des facteurs majeurs de
risque cardiovasculaire. C’est ainsi que, dans une étude suédoise
(19) portant sur un large effectif (plus de 22 000 patients de sexe
masculin) suivis durant 23 ans, le risque d’événements coronaires
est augmenté de 24 % en cas de surpoids (IMC compris entre 25
et 29,9 kg/m2) et de 76 % chez les sujets obèses (IMC 30 kg/m2)
par rapport à des patients avec un IMC normal. Le risque lié à
l’obésité est ainsi considérablement augmenté, en particulier lorsqu’il est associé à d’autres facteurs d’athérosclérose comme le
tabagisme. Des résultats comparables ont été retrouvés dans une
autre étude (20), réalisée à partir de la cohorte de Framingham et
portant sur plus de 2 000 patients suivis sur une période de 16 ans :
une association de plus de deux facteurs majeurs de risque cardiovasculaire est ainsi retrouvée chez 56 % des hommes obèses
et 62,4 % des femmes obèses ayant présenté un événement coronaire au cours de la période de suivi. Enfin, dans une analyse (21)
également réalisée à partir de la cohorte de Framingham, le ratio
de risque de survenue d’un événement cardiovasculaire est augmenté, à la fois chez les patients en surpoids (RR : 1,21 chez les
hommes et 1,20 chez les femmes) et chez les sujets obèses (RR :
1,46 chez les hommes et 1,64 chez les femmes).
Les conclusions de ces études montrent qu’à côté de la lutte contre
les facteurs de risque cardiovasculaire classiques, la prise en
compte de l’excès de poids et de l’obésité est un enjeu tout aussi
important. Le cardiologue se trouve ainsi au cœur du processus
de soins et occupe une place de tout premier plan parmi les différents acteurs de la prise en charge de l’excès pondéral. Cela se
vérifie d’autant plus que, parmi les nouveaux médicaments mis
à disposition, certains, comme la sibutramine, ne peuvent être
prescrits que dans des conditions bien particulières : “initiation
de la prescription par un endocrinologue, un cardiologue ou un
interniste hospitaliers ou libéraux, avec renouvellement de la prescription par le médecin généraliste possible pendant un an”. Qu’il
s’agisse du dépistage précoce des complications liées à l’obésité,
de l’instauration ou du suivi d’un traitement médicamenteux, le
cardiologue est désormais amené à jouer un rôle prépondérant
■
dans la prise en charge de l’obésité et du surpoids.
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