G Y N É C O L O G I E E T S O C I É T É Du dossier médical au dossier du patient ● A. Proust* “Une loi n’est pas là pour dire le bien ou le mal, mais seulement le permis et le défendu.” André Comte-Sponville (1) L ‘ accès direct, par le patient, à son dossier médical a été sans contexte la partie la plus commentée de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Certes, il était de longue date autant souhaité par les associations de patients que craint par les praticiens. La publication très rapide d’un décret d’application, le 29 avril 2002 (2), a fait aboutir une réforme souhaitable du fait que la France était le seul pays d’Europe à ne pas l’avoir encore adoptée et nécessaire à la restitution du climat de confiance qui est la base du lien social devant présider à la relation médecin-malade. Ce dispositif vient d’être complété, le 5 mars 2004, par la publication d’un arrêté sur l’homologation des recommandations de bonnes pratiques relatives à l’accès aux informations concernant la santé d’une personne, et notamment l’accompagnement de cet accès (3). Ces recommandations, rédigées par l’ANAES, viennent achever le passage du dossier médical au dossier du patient faisant des notes médicales et autres documents des pièces essentielles tombant sous le coup du droit de la personne. Le patient peut désormais accéder à la quasi-totalité de son dossier médical, dans les conditions que nous allons décrire cidessous et dont il est indispensable de nous imprégner. La tenue et la conservation de nos dossiers en dépendent non pas, bien entendu, dans le but de voir se développer une médecine défensive, mais partant du principe simple que “ce qui est fait n’est plus à faire”. LE DOSSIER MÉDICAL Si le contenu du dossier d’un patient hospitalisé était réglementé depuis le décret du 30 mars 1992 (4) (tableau), le médecin consultant en ville était libre de tenir ou non un dossier, et de son contenu. Du fait de son opposabilité, tout “professionnel de santé” (5) est en devoir de constituer un dossier, de le tenir au fur et à mesure en notant les éléments de sa démarche diagnostique, de * Hôpital privé d’Antony, département de gynécologie obstétrique, maternité des Vallées, 1, rue Velpeau 92160 Antony. 8 Tableau. Un dossier médical est constitué pour chaque patient hospitalisé dans un établissement de santé public ou privé. Ce dossier contient au moins les documents suivants : • Les documents établis au moment de l’admission et durant le séjour, à savoir : – la fiche d’identification du malade ; – le document médical indiquant le ou les motifs de l’hospitalisation ; – les conclusions de l’examen clinique initial et des examens cliniques successifs pratiqués par tout médecin appelé au chevet du patient ; – les comptes rendus des explorations paracliniques et des examens complémentaires significatifs, notamment le résultat des examens d’anatomie et de cytologie pathologiques ; – la fiche de consultation préanesthésique, avec ses conclusions et les résultats des examens demandés, et la feuille de surveillance anesthésique ; – le ou les comptes rendus opératoires ou d’accouchement ; – les prescriptions d’ordre thérapeutique ; – lorsqu’il existe, le dossier de soins infirmiers. • Les documents établis à la fin de chaque séjour hospitalier, à savoir : – le compte rendu d’hospitalisation, avec notamment le diagnostic de sortie ; – les prescriptions établies à la sortie du patient ; – le cas échéant, la fiche de synthèse contenue dans le dossier de soins infirmiers. ses décisions thérapeutiques et en conservant les doubles des ordonnances ou tout au moins trace des prescriptions ainsi que des courriers et réponses aux courriers. Le support sur lequel doivent être archivées ces données est laissé libre à l’appréciation du médecin. LES ÉLÉMENTS TRANSMISSIBLES DU DOSSIER Dans l’esprit c’est simple, tous les éléments du dossier sont transmissibles de par l’article L.1111-7 du code de la santé publique issu de la loi du 4 mars 2002 dans son alinéa 1 que nous citons en totalité tant il se suffit à lui-même : “Toute personne a accès à l’ensemble des informations concernant sa santé, détenues par des professionnels et établissements de santé, qui sont formalisées et ont contribué à l’élaboration et au suivi du diagnostic et du traitement ou d’une action de prévention, ou ont fait l’objet d’échanges écrits entre professionnels de La Lettre du Gynécologue - n° 291 - avril 2004 G Y N É C O L O G I E santé, notamment des résultats d’examen, comptes rendus de consultation, d’intervention, d’exploration ou d’hospitalisation, des protocoles et prescriptions thérapeutiques mis en œuvre, feuilles de surveillance, correspondances entre professionnels de santé, à l’exception des informations mentionnant qu’elles ont été recueillies auprès de tiers n’intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers…” Les dernières recommandations de l’ANAES apportent des précisions sur ce que peut sous-entendre le terme de “notes personnelles” du professionnel de santé : “C’est dans la mesure où certaines des notes des professionnels de santé ne sont pas destinées à être conservées, réutilisées ou le cas échéant échangées, parce qu’elles ne peuvent contribuer à l’élaboration et au suivi du diagnostic et du traitement ou à une action de prévention, qu’elles peuvent être considérées comme “personnelles” et ne pas être communiquées : elles sont alors intransmissibles et inaccessibles à la personne concernée comme aux tiers, professionnels ou non.” Cela montre combien toutes les parties seront, dans toute procédure y compris ordinale, attentives au respect de la transmission de toutes les pièces du dossier au patient qui en fera la demande. L’ACCÈS AU DOSSIER Le cas général Seule la personne peut, de son vivant, accéder aux éléments de son dossier détenus par un professionnel de santé, un établissement de santé ou un hébergeur agréé : “Elle peut accéder à ces informations directement ou par l’intermédiaire d’un médecin qu’elle désigne et en obtenir communication, dans des conditions définies par voie réglementaire.” Le décret de 2002 précise que la demande doit être faite par écrit en précisant son motif, si la personne souhaite consulter le dossier sur place, accompagnée ou non d’une tierce personne, ou si la copie du dossier doit lui être adressée à ses frais. Le délai dans lequel le médecin doit répondre est de huit jours à dater de la réception de la demande. Ce délai est porté à deux mois si la demande concerne une “information” datant de plus de cinq ans. Le rapport qui vient d’être publié par l’ANAES détaille l’ensemble de la procédure tout en donnant une multitude de détails pratiques que seule sa lecture complète peut permettre de rendre compte. Les cas particulier Après le décès d’une personne, les ayants droit peuvent demander, dans les mêmes conditions, la communication du dossier de par l’application de l’article 1110-4 du code de santé publique : “Le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations, concernant une personne décédée, soient délivrées à ses ayants droit, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt ou de faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant son décès.” Le décret précise que la demande doit être motivée et que le médecin peut, en fonction de celle-ci, refuser tout en motivant lui-même sa décision. La personne détenant l’autorité parentale ou la tutelle peut La Lettre du Gynécologue - n° 291 - avril 2004 E T S O C I É T É demander le dossier médical d’un mineur sauf si, comme le précise l’article 6 du décret : “La personne mineure qui souhaite garder le secret sur un traitement ou une intervention dont elle fait l’objet dans les conditions prévues à l’article L. 1111-5 du code de la santé publique peut s’opposer à ce que le médecin qui a pratiqué ce traitement ou cette intervention communique au titulaire de l’autorité parentale les informations qui ont été constituées à ce sujet. Le médecin fait mention écrite de cette opposition. Tout médecin saisi d’une demande présentée par le titulaire de l’autorité parentale pour l’accès aux informations mentionnées à l’alinéa ci-dessus doit s’efforcer d’obtenir le consentement de la personne mineure à la communication de ces informations au titulaire de l’autorité parentale. Si en dépit de ces efforts le mineur maintient son opposition, la demande précitée ne peut être satisfaite tant que l’opposition est maintenue.” L’article 4 du décret prévoit le cas où le médecin estime nécessaire la présence d’une tierce personne compte tenu de la nature des informations : “Lorsque la présence d’une tierce personne, lors de la consultation de certaines informations, est recommandée par le médecin les ayant établies ou en étant dépositaire, celles-ci sont communiquées dès que le demandeur a exprimé son acceptation ou son refus de suivre la recommandation. En cas d’absence de réponse du demandeur au terme d’un des délais prévus à l’article L. 1111-7 précité, les informations lui sont communiquées.” La demande doit être faite au responsable de l’établissement ou au médecin concerné. Les informations seront transmises par le médecin responsable de la structure concernée ou par la personne désignée pour le faire. Pour tous les autres établissements, c’est le médecin responsable de la prise en charge du patient qui doit répondre. Même si nous ne pouvons pas détailler dans ces pages tous les cas particuliers, disons que la parution de ce “guide” de bonnes pratiques relatives à l’accès aux informations concernant la santé d’une personne est, au-delà du décret d’application et de la loi, suffisamment simple et clair pour que nous ne nous retranchions pas derrière des interprétations nébuleuses pour refuser de les mettre en application et ce pour le bien de tout le monde. R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. La sagesse des Modernes, André Comte-Sponville, Luc Ferry p. 138 ; Robert Laffont, 1998. 2. Décret no 2002-637 du 29 avril 2002 relatif à l’accès aux informations personnelles détenues par les professionnels et les établissements de santé en application des articles L. 1111-7 et L. 1112-1 du code de la santé publique. JO n° 101 du 30 avril 2002, www.legifrance.gouv.fr. 3. Arrêté du 5 mars 2004, JO n° 65 du 17 mars 2004 : 5206, www.legi france.gouv.fr. 4. Loi hospitalière de juillet 1991 : Art. R. 710-2-1. 5. “La notion de professionnel de santé recouvre les professions suivantes, selon le code de la santé publique : médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme, pharmacien, préparateur en pharmacie, infirmier, masseur-kinésithérapeute, pédicure-podologue, ergothérapeute, psychomotricien, orthophoniste, orthoptiste, manipulateur”. Vous pouvez consulter le rapport publié par l’ANAES sur notre site Internet : http://www.vivactis-media.com. 9