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e me fais l’interprète de la quarantaine de rhumatologues
universitaires ou libéraux réunis lors de notre séance de
bibliographie, à propos de l’article sur les infiltrations paru dans
La Lettre du Rhumatologue de décembre 1997 (p. 9).
Il est manifeste que cet article a été écrit par des gens qui n’ont
aucune pratique des infiltrations, et sa publication dans une revue
de rhumatologie risque d’apporter des arguments à d’éventuels
jugements ultérieurs concernant les complications des infiltrations. Certaines des personnes présentes ont remarqué que la photo
montre que la seringue d’infiltration était tenue par des mains gantées, alors que cette seringue avait été préalablement manipulée à
mains nues, certes bien lavées mais sans gant. Par ailleurs, l’antiseptique recommandé est, à côté de la Bétadine®, la chlorhexidine, qui est incolore, alors que je recommande depuis longtemps,
y compris par un article paru dans la Revue du Praticien en 1990,
de prendre un produit iodé, à la fois pour l’efficacité et pour la
coloration, dont le patient se souviendra forcément. Mais surtout
la fiche d’emploi de la chlorhexidine (Vidal® 1997) exclut formellement son usage dans la désinfection de la peau avant une
ponction. En outre, les rhumatologues libéraux m’ont fait remarquer que l’ensemble des pratiques indiquées dans cet article
entraîne des frais qui vont très au-delà du simple remboursement
de l’infiltration elle-même. J’ajoute enfin que, sur près de
15 000 infiltrations de corticoïdes faites à Bichat, nous n’avons
pas vu un seul cas d’infection à quelque germe que ce soit.
Je pense qu’il n’est pas possible de laisser les choses en l’état,
dans l’intérêt de notre spécialité.
Excusez le caractère quelque peu incisif de cette lettre ; je ne
défends pas mes propres intérêts, vous vous en doutez, mais ceux
de la spécialité entière.”
Pr M.F. Kahn, service de rhumatologie, Hôpital Bichat,
Paris, le 19 janvier 1998
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une petite minorité utilise des gants, pratiquement personne ne
met des gants stériles, et on ne connaît personne affirmant utiliser ou avoir utilisé le protocole décrit dans cet article, car il est
admis que la rapidité et la précision du geste sont les meilleurs
garants de sa sécurité (voir l’article du Pr Bernard Amor). Sans
vouloir se poser en hygiéniste ou en épidémiologiste, on peut
d’ailleurs se demander si l’utilisation, par tous, de précautions
exagérées ne serait pas à même, en sélectionnant les germes,
d’augmenter la fréquence (actuellement insignifiante) et la gravité des arthrites post-infiltrations.
e Bureau du Conseil National de Rhumatologie a été alerté
par de nombreux confrères rhumatologues au sujet d’un
article publié par les Drs Vassal, Malandin et Boutin dans La Lettre
du Rhumatologue et intitulé “Techniques de préparation d’une
infiltration articulaire et ses implications médico-légales”.
La lecture attentive de cette publication permet de relever plusieurs affirmations nécessitant une mise au point de la part des
utilisateurs de très loin les plus habitués à ces techniques, c’està-dire les rhumatologues, et notamment :
L
1. Bien qu’aucun élément ne le précise de façon claire, la technique décrite semble s’appliquer essentiellement à des patients
hospitalisés en milieu non stérile, où l’on connaît le risque et la
gravité des infections nosocomiales. La qualité des auteurs (unité
d’hygiène et de surveillance biologique des infections nosocomiales, CHU Rouen) ne laisse planer aucun doute sur leur compétence en matière d’asepsie et de prévention, les conduisant tout
naturellement à recommander des précautions quasi chirurgicales.
En matière d’infiltrations réalisées au cabinet du rhumatologue
libéral (et même en consultation externe hospitalière, dispensaire,
centre de santé, ou à domicile), chacun sait qu’il n’en va pas de
même, car la contamination du milieu ambiant n’a rien à voir
avec le cas précédent, au point que l’on peut raisonnablement
considérer la peau du patient comme l’élément le plus septique
de toute l’opération (et le seul qui sera en contact avec l’aiguille
d’injection).
Or, il est à noter que la seule étude publiée sur le risque septique
citée dans le texte (et qui remonte à plus de 25 ans) fait état d’un
sepsis pour 15 000 injections intra-articulaires, ce qui est largement inférieur aux infections constatées après la chirurgie, pour
laquelle les précautions sont encore plus draconiennes. Alors qu’il
est clair que si tous les rhumatologues se lavent les mains et désinfectent soigneusement la peau du patient avant d’injecter, seule
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2. Les auteurs abordent aussi l’aspect médico-légal, au motif que
la jurisprudence est actuellement en évolution, et dans un sens
plutôt défavorable aux médecins. Ils insistent à juste titre sur la
notion de “bonnes pratiques”, terme qui recouvre à la fois l’usage
le plus courant d’une technique et la volonté générale de réduire
au minimum les risques encourus par le patient, ce qui amène
deux réflexions :
– Les juges (et les experts), en cas de litige, chercheront à apprécier quelle est la bonne pratique en matière d’infiltrations, et se
référeront souvent à la littérature. Il est donc important d’avoir,
dans des publications sérieuses, une évaluation vraiment objective de ce qui se fait réellement, et du risque réel que l’on fait
prendre au patient (ainsi qu’au rhumatologue, et au personnel soignant).
– Les auteurs introduisent la notion pénale de “mise en danger
de la santé d’autrui”. Il ne faut pourtant pas oublier qu’aucune
technique (efficace) n’est complètement dénuée de risque ; par
ailleurs, l’obligation morale, et maintenant juridique, du médecin est d’avertir son patient du risque encouru, et non pas de
prendre des précautions disproportionnées qui finiraient par
dissuader patients et médecins d’avoir recours aux injections
intra-articulaires.
La Lettre du Rhumatologue - n° 239 - février 1998
On peut même se poser la question du danger de telles publications, qui risquent d’influencer la jurisprudence, d’une part en
faisant condamner plus facilement le médecin en cas d’aléa thérapeutique sans véritable faute, d’autre part en incitant des patients
prétendument “mis en danger”, et bien conseillés par des avocats
spécialisés, à traîner le praticien en justice, même en l’absence
de tout dommage.
Le rôle du Conseil National de Rhumatologie n’est certes pas de
provoquer ou d’entretenir une polémique avec des auteurs visiblement de bonne foi, ou avec une revue tout à fait estimable,
mais au contraire d’essayer, par une position raisonnable et
consensuelle, de faire évoluer la situation dans le sens de l’intérêt des patients et des rhumatologues. Aussi le Bureau a-t-il décidé
de confier immédiatement à la commission “Exercice au quotidien” une mission d’étude destinée à dégager, d’une part, quelles
sont exactement les pratiques de la profession en matière d’injections intra-articulaires, intrarachidiennes et d’infiltrations périarticulaires, et, d’autre part, quel est exactement le risque infectieux survenant dans les suites de ces gestes. Une conférence de
La Lettre du Rhumatologue - n° 239 - février 1998
consensus sera également organisée au plus haut niveau avec
toutes les parties concernées par le problème. On pourra ainsi
présenter une évaluation irréfutable du risque, très faible s’il est
pris par des mains expérimentées – personne en rhumatologie
n’en doute –, de techniques dont l’efficacité est un des fondements de notre spécialité.
Nous demandons à La Lettre du Rhumatologue de publier cette
réponse dans son prochain numéro, et nous lui promettons la primeur des résultats de notre étude.”
Dr O. Rossignol, président du CNR*,
Fontenay-sous-Bois, le 11 janvier 1998
* Conseil National de Rhumatologie
Association Française de Lutte Anti-Rhumatismale
Association des Rhumatologues Praticiens Hospitaliers Temps Plein
Collège Français des Enseignants en Rhumatologie
Fédération Française de Rhumatologie
Société Française de Rhumatologie
Syndicat National des Médecins Rhumatologues
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