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D I T O R I A L
Le consentement
(ou l’information) est-il néfaste ?
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e Conseil d’État, dans son jugement rendu le 5 janvier 2000, s’est aligné sur celui de la Cour de cassation (arrêts du 14 octobre 1997 et du 7 octobre
1998) : dorénavant, pour tous les médecins, hospitaliers et libéraux, les mêmes règles sont applicables,
à savoir informer préalablement les patients (ou les
malades) de tous les risques inhérents aux actes et gestes à
des fins diagnostiques et thérapeutiques. Le Conseil d’État
a assorti son jugement d’une précision : “si cette information n’est pas requise, en cas d’urgence, d’impossibilité ou
de refus du patient d’être informé, la seule circonstance que
les risques ne se réalisent qu’exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leurs obligations”.
Ce devoir d’informer est inscrit depuis longtemps, si ce
n’est dans les esprits, du moins dans le Code de déontologie. Le consentement obtenu, manifestation implicite de la
confiance que savent ou doivent entretenir médecins et
patients, affranchissait jusqu’alors de l’obligation de présentation d’un texte écrit.
L’écrit est un début de preuve. La preuve de l’information
est justement ce que recherche(ra) le juge si notre responsabilité civile est mise en cause.
La plupart des litiges, si l’on considère les jugements, qui
semblent de plus en plus nombreux, proviennent du manque
d’information, d’écrits, de réponses aux sollicitations et aux
inquiétudes. Les patients n’auraient-ils pas refusé le geste
médical prescrit à l’origine de leur dommage si on leur avait
au préalable, en prenant le temps de la compréhension et
celui de la réflexion, clairement expliqué les risques qu’ils
encouraient ?
Sera-t-il néfaste pour un patient de ne pas accepter une fibroscopie ou une IRM ? S’il a été légitimement informé, peutil nous reprocher l’aggravation d’une spondylodiscite due
au fait que, comme il a décliné notre proposition de biopsie discale, il a fallu choisir une association antibiotique
probabiliste, s’avérant inopérante et aux conséquences dramatiques, conduisant à une chirurgie obligée ?
Trèves*
Perte de chance ou refus de chance ?
Néfaste, plus encore, pour tous, car patients et médecins
vont en être les victimes : nous allons assister à la “judiciarisation” des pratiques médicales, phénomène qui prévaut depuis bien des années outre-Atlantique. La conséquence en est alors très simple : il vaut mieux ne plus
dispenser de traitement comportant un risque pour les
patients.
Cela n’ira pas sans conséquences économiques : moindres
coûts pour les organismes sociaux par la réduction des remboursements des examens complémentaires, actes thérapeutiques devenus moins nombreux et baisse du pouvoir
d’achat des médecins.
Il nous faut tous nous inquiéter de cette formidable évolution des mœurs médicales et judiciaires. La complexité de
la relation entre un médecin et un malade, déjà grande, va
se trouver accrue par l’irruption du juge ou par l’évocation
d’une éventuelle sanction judiciaire.
Nous avons des devoirs envers nos malades ; il nous faut
conserver leur confiance, mais eux aussi nous doivent la
leur.
À trop éclairer (et mal), à trop obtenir un consentement (parfois donné faute de vraie décision personnelle), on finira
par nuire aux malades.
!
P.S. La SFR, avec le concours de la Fédération de Rhumatologie, a créé une section “information aux patients” qui
a élaboré un très grand nombre de documents bientôt
disponibles pour tous les rhumatologues, dans un souci
d’homogénéité et de responsabilité collective.
À tous nos lecteurs, à tous nos abonnés
La Lettre du Rhumatologue vous souhaite un bel été
et vous remercie de votre soutien.
Le prochain numéro paraîtra en septembre.
* Service de rhumatologie, CHRU, hôpital Dupuytren, Limoges.
La Lettre du Rhumatologue - n° 263 - juin 2000
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