GASTRO •11/00 30/08/02 9:53 Page 261 éditorial Éditorial Sigmoïdite diverticulaire : faut-il encore attendre la deuxième poussée ? G. Bellaïche* * Service de gastroentérologie, hôpital Robert-Ballanger, Aulnay-sous-Bois. L a diverticulose colique est l’affection colique la plus fréquemment rencontrée dans le monde occidental. Sa fréquence ne fait que s’accroître, probablement à cause de l’appauvrissement de l’alimentation en fibres. C’est dire que cette affection (et par conséquent ses complications infectieuses) est en pleine expansion depuis le début du XXe siècle et constitue actuellement l’un des sujets les plus débattus quotidiennement dans les réunions médicochirurgicales. Elle reste cependant asymptomatique dans 80 à 90 % des cas, souvent associée au syndrome du côlon irritable (1). Dans 10 à 20 % des cas survient une sigmoïdite diverticulaire qui touche le plus souvent un diverticule et qui reste imprévisible. Si la décision chirurgicale, en cas de péritonite généralisée ou de doute diagnostique avec un cancer colique qui ne peut être levé par l’endoscopie digestive, ne pose aucun problème, l’indication d’une chirurgie prophylactique après une première poussée suscite encore des controverses. L’échec du traitement médical bien conduit (jeûne, double antibiothérapie par voie parentérale) est également un motif chirurgical logique. Échec d’autant plus fréquent que le malade est immunodéprimé (séropositivité VIH, transplantation d’organe, cancer, traitement corticoïde) (2). En cas de fistules, la résection du segment colique atteint est habituellement effectuée à froid, après traitement médical (3). Dans la grande majorité des cas (plus de 70 %), il s’agit de malades ayant guéri médicalement après une première poussée de diverticulite. Si un consensus en faveur de la sigmoïdectomie semble établi après la deuxième poussée de sigmoïdite diverticulaire, la colectomie prophylactique après la première poussée reste discutée. Pour certains, la colectomie prophylactique après une première poussée n’est pas justifiée, même chez le malade jeune. Cependant, dans ces deux études, le recul (2, 5 ans) était insuffisant ou les conclusions des auteurs étaient en contradiction avec le risque réel de récidive de 39 % (4, 5). Or, plusieurs arguments plaident en faveur de la colectomie prophylactique après la première poussée, cela afin de prévenir une réci- 261 Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (14) - n° 9 - novembre 2000 GASTRO •11/00 30/08/02 9:53 Page 262 éditorial Éditorial dive ou une complication. Le diagnostic de diverticulite doit cependant être confirmé par le scanner, seul examen permettant de le poser avec certitude. Plusieurs études prospectives ont montré qu’au moins 25 % des malades récidivent après la première poussée, une fois sur deux dans les deux premières années après la première poussée (6, 7). De plus, la seule étude comparative effectuée (audit par questionnaire), sur 120 patients ayant eu une première poussée de sigmoïdite diverticulaire traitée médicalement, avec un recul évolutif de 5 ans, plaide pour la colectomie prophylactique après la première poussée chez tout patient opérable (8). Parmi les 77 patients qui ont eu une sigmoïdectomie prophylactique (emportant la charnière rectosigmoïdienne), seulement 2 patients (2,5 %) ont eu à distance une nouvelle poussée infectieuse, tandis que, chez les 43 patients non opérés, 37 patients (86 %) ont eu une complication de la maladie dans les 5 ans après la première poussée, dont 10 sont décédés d’une cause directement liée à la maladie. Certains facteurs de risque de la récidive de la diverticulite semblent bien établis : âge inférieur à 50 ans où la diverticulite est également plus sévère (9), sexe masculin (10), obésité (11), sévérité de la première poussée qui est corrélée à la présence d’un abcès au scanner abdominal ou à la présence d’air et/ou de contraste iodé situés en extraluminal lors du lavement à la gastrographine (9), prise prolongée d’anti-inflammatoires non stéroïdiens qui influence la survenue de complications septiques (12). D’autres arguments sont aussi à prendre en compte : il s’agit de la comparaison entre la morbidité faible de la colectomie à froid avec anastomose en un temps par rapport à une colostomie temporaire en cas de complication sévère, de la comparaison de la mortalité de 0 à 3 % en cas de colectomie prophylactique, contre 10 à 20 % en cas de chirurgie en urgence, pouvant atteindre 45 % en cas de péritonite généralisée (3), des progrès actuels et futurs de la chirurgie laparoscopique dans cette indication, de la présence de douleurs résiduelles de la fosse iliaque gauche plus fréquente en cas de diverticulite et régressant après colectomie (13) et surtout du caractère imprévisible de la poussée diverticulaire et de ses complications les plus sévères, en particulier la péritonite généralisée dont la mortalité est importante. Ainsi, même si le traitement médical est actuellement le traitement de référence de la poussée de diverticulite, seule la chirurgie permet la guérison définitive et durable de la maladie diverticulaire. Elle s’impose en urgence, essentiellement en cas de péritonite ou d’échec du traitement médical. La colectomie prophylactique, non discutable après la deuxième poussée, peut être proposée après une première poussée de diverticulite authentifiée par le scanner, chez un patient opérable, d’autant plus que le patient est jeune, obèse, immunodéprimé, de sexe masculin ou que la poussée était sévère, attestée par la présence d’un abcès au scanner abdominal. Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (14) - n° 9 - novembre 2000 262 GASTRO •11/00 30/08/02 9:53 Page 263 éditorial Éditorial Références 1. Ferzoco LB, Raptopoulos V, Silen W. Acute diverticulitis. N Engl J Med 1998 ; 338 : 1521-6. 2. Millat B, Fourati K, Larrieu H, Gayral F. 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