vie professionnelle v ie professionnelle Les usagers et leur hôpital public G. Mégret* L’octogénaire (1924) Fédération hospitalière de france (FHF) a une triple fonction à remplir : promotion de l’hôpital public et des établissements médico-sociaux ; information des professionnels ; représentation des établissements. À ce titre, elle vient de présenter sa deuxième enquête1, après celle de 2004, sur la perception qu’ont les Français de leur hôpital public (HP). Bien entendu, comme toujours en matière de sondages, il convient d’être prudent dans l’interprétation des chiffres, mais, pour autant, les résultats présentés ne manquent pas d’intérêt pour les acteurs quotidiens de la médecine hospitalière publique. Par ailleurs, à travers ce sondage, l’initiative de la FHF visant à concerner directement l’épicentre de toute politique de santé, le malade, mérite d’être saluée. La stabilité de l’opinion constitue la première information d’importance : les analystes “sondeurs” stigmatisent si souvent sa labilité qu’il convient de souligner pour une fois cette constance. En ce qui concerne les opinions favorables, 82 % pour l’appréciation générale sur l’HP (même chiffre qu’en 2004, avec une confortable avance sur l’hospitalisation privée) [figure 1] ; 72 % pour les services de maternité (71 % en 2004 ; 71 % pour l’accueil du patient (72 % en 2004) ; 68 % pour la prise en charge de la douleur (67 % en 2004) ; 67 % pour la prise en charge des personnes démunies (66 % en 2004). Fermant la marche, du moins pour les questions posées, le service des urgences (60 %/57 %), résultat déjà honorable, eu égard aux difficultés structurelles que rencontrent ces services dans la plupart des hôpitaux (figure 2). De plus, les sondeurs font remarquer que la satisfaction croît avec l’usage, puisque les 65 ans et au-delà (censés fréquenter plus souvent l’hôpital) sont 88 % à apprécier la qualité des soins, et 70 % la prise en charge des personnes âgées. D’après ce que vous en savez, avez-vous une bonne opinion ou une mauvaise opinion de la situation à l’hôpital public en ce qui concerne... ... la qualité des soins .... les services de maternité Mauvaise opinion Bonne opinion % 12 83 Rappel Cliniques 2004 privées Bonne opinion –7 – 13 +7 7 72 84 % 71 % ... l’accueil du patient 22 71 72 % ... la prise en charge de la douleur ... la prise en charge des personnes les plus démunies ... la prise en charge des personnes âgées 20 68 67 % –2 67 62 66 % – 36 53 % +9 –6 60 57 % –8 ... le service des urgences 13 21 33 Figure 2. Les principaux motifs de la satisfaction à l’égard de l’hôpital public. Vous, personnellement, avez-vous une bonne opinion ou une mauvaise opinion ? Bonne opinion Mauvaise opinion 2006 82 14 4% 2004 82 Des hôpitaux publics 15 3% 2006 74 12 14 % 2004 73 Des cliniques privées 14 13 % NR Figure 1. Les hôpitaux publics toujours plus appréciés que les cliniques privées. À l’exception des 18-24 ans, pour lesquels l’écart entre hôpital public et clinique privée s’est effacé, les hôpitaux publics et les cliniques privées enregistrant 68 % de bonne opinion auprès de cette classe d’âge. * Journaliste médical, médecin, Paris. 1 Sondage TNS SOFRES/FHFréalisé sur un échantillon national de 1 000 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, les 12 et 13 avril 2006. (Les diagrammes du présent article sont issus des résultats de ce sondage). 238 Seconde donnée remarquable, la très franche amélioration de la perception qu’ont les usagers de la diminution du risque d’infections nosocomiales (42 %/24 %). Peut-être ce progrès très significatif ne correspond-il pas à une diminution objective, quantitative, du nombre d’infections nosocomiales, sachant qu’il n’y a pas eu à cet égard de chiffres communiqués. Néanmoins, l’annonce d’une mise en place de structures de veille et le renforcement des mesures d’hygiène ont sans doute œuvré en faveur de cet optimisme grandissant des patients potentiels (figure 3). L’attachement au caractère public de l’hôpital et la chronicité de son manque de moyens dégagent aussi une forte majorité. Soixante-dix-sept pour cent des sondés refusent le principe d’une privatisation des HP, sachant que la couleur politique creuse une fois encore le fossé (86 % d’opposants à “gauche”, contre 68 à “droite”) [figure 4]. Quant à l’aide financière espérée, 85 % l’attendent encore des pouvoirs publics... pas de surprise véritable non plus. La Lettre du Pneumologue - Vol. IX - n° 6 - novembre-décembre 2006 À l’avenir, laquelle de ces deux solutions a votre préférence concernant l’organisation du système hospitalier en France ? Aujourd’hui, à l’hôpital, pensez-vous... ... qu’il y a plus de risques liés aux infections nosocomiales qu’il y a quelques années ... qu’il y a moins de risques liés aux infections nosocomiales qu’il y a quelques années % 2006 44 2004 42 63 24 NR INDICE 14 % –2 13 % – 39 + 37 Sans opinion Proximité Des centres hospitaliers de petite taillerépartis sur l’ensemble du territoire, de telle sorte qu’il y en ait forcément un proche de votre domicile, même si les équipes médicales sont limitées 6% 45 % Figure 3. Une très nette amélioration sur le front des maladies nosocomiales qui répond à l’exigence de qualité et de sécurité des soins. Êtes-vous très, assez, peu ou pas du tout favorable à la privatisation des hôpitaux ? Total “pas favorable” 77 % Total “favorable” 25 52 12 3 15 % NR = 8 % Une tendance qui ne s’inverse jamais, mais qui varie selon les préférences partisanes Partisans de gauche 86 % Partisans de droite 22 68 % Pas du tout 64 28 91 40 Peu 10 % NR = 4 % 19 4 23 % NR = 9 % Assez Très Figure 4. Un refus massif de la privatisation. Mais, in fine, les enseignements sans conteste les plus contributifs concernent les souhaits des futurs patients à propos de l’organisation du système hospitalier. Une fois encore, le questionnement peut, sinon biaiser, du moins modifier à la marge les réponses, mais les résultats n’en demeurent pas moins représentatifs d’une véritable dichotomie de l’opinion. Deux projets organisationnels furent proposés aux sujets interrogés : “grands hôpitaux bien équipés, mais un peu plus éloignés du domicile” et “structures de petite taille aux équipes médicales limitées, mais plus proches du domicile”. Résultats ? Sécurité Des grands hôpitaux équipés de manière optimale, avec tous les spécialistes nécessaires, pour assurer les soins en toute sécurité, quitte à ce qu’ils soient un peu plus loin de chez vous 49 % vie professionnelle v ie professionnelle Figure 5. Des Français plus partagés quant aux modèles d’organisation du système hospitalier. Très partagés, puisque 49 % souhaitent de grosses unités de soins, même distantes, tandis que 45 % se satisfont de structures moins bien équipées mais plus proches de leur lieu de vie (figure 5). Une étude plus segmentée conduit sans doute à une ébauche d’analyse de motivation permettant de sortir de ces deux blocs opposés quasi équivalents. En faveur des équipements “performants”, les moins de 25 ans (60 %/34 %), les résidents d’agglomérations de plus de 100.000 habitants (55 %/40 %) et les sympathisants de droite (58 %/37 %). Les petites structures sont en revanche privilégiées par les revenus modestes (moins de 1 200 euros) dans la proportion de 55 % contre 41 %. Pour autant, si l’on introduit cette fois des critères plus spécifiques et donc plus déterminants de prise en charge médico-chirurgicale, les deux grands favoris retenus par les sondés sont l’existence d’un service de néonatologie et de soins intensifs (pour 60 %), et une équipe performante en cas de césarienne (57 %), la proximité occupant alors la troisième place (53 %). Ces chiffres traduisent bien la demande de sécurité et d’efficacité, prioritaires pour la population française. Une telle enquête peut-elle servir de référentiel à l’élaboration d’une néocarte hospitalière plus conforme à la fois aux progrès techniques galopants, au dramatique déficit – déjà actuel – en praticiens hospitaliers et aux aspirations légitimes des futurs malades ? Il s’avère que la complexité du problème ne permet pas de faire l’impasse sur ces informations et que toutes les formes de contributions au débat, d’autant plus qu’elles ont un caractère contrôlé et significatif, doivent être les bienvenues. S’y ajoute enfin la forte implication des sujets sondés, puisque le taux de réponse, pour la plupart des questions, oscille entre 90 et 98 %. n Les articles publiés dans “La Lettre du Pneumologue” le sont sous la seule responsabilité de leurs auteurs. Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction par tous procédés réservés pour tous pays. © octobre 1998 - EDIMARK SAS - Imprimé en France - EDIPS - 21800 Quetigny - Dépôt légal : à parution Sont routés avec ce numéro : 3 le supplément “Nouvelles de l’hypertension pulmonaire artérielle” (16 p.) 3 l’encart Sanofi Pasteur MSD (4 p.) La Lettre du Pneumologue - Vol. IX - n° 6 - novembre-décembre 2006 239