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O S S I E R
Intérêt du TEP-TDM dans la prise en charge des cancers
de l’ovaire : expérience du centre Oscar-Lambret
The usefulness of FDG-PET in the management of ovarian cancer:
Experience of Oscar-Lambret center
● H. Kolesnikov-Gauthier(1), S. Taieb(2), F. Narducci(3), A. Lesoin(3), B. Castelain(4), E. Legrand(3), A. Chevalier(3),
S Moisan(2), D. Querleu(5), P. Carpentier(1), E. Leblanc(3)
L
a récidive du cancer de l’ovaire est souvent difficilement
identifiable par imagerie conventionnelle, ce d’autant
qu’il existe des remaniements postchirurgicaux au
niveau du pelvis ou de l’abdomen. La tomographie d’émission à
positons (TEP) au FDG peut détecter des anomalies métaboliques
plusieurs mois avant l’apparition de modifications anatomiques
visibles en imagerie conventionnelle (1), et parfois même avant
l’élévation de la concentration sérique des marqueurs (2). Les données de la littérature montrent qu’au cours des élévations isolées du
CA 125, la TEP au FDG permet de mettre en évidence une récidive avec une sensibilité supérieure à 90% (1, 3-9) et, dans un certain nombre de cas, de poser une indication chirurgicale potentiellement curatrice (10, 11).
Par ailleurs, dans le cadre du bilan d’extension préopératoire d’une
récidive connue, l’association de la TEP et de la tomodensitométrie (TDM) augmente la précision du bilan d’extension, permettant
de poser au mieux l’indication chirurgicale (11).
S’il y avait, dans les SOR 2002 (12), ni attitude standard ni option
concernant la place de la TEP au FDG dans le cancer de l’ovaire,
l’évolution rapide des connaissances a permis, dès 2003, l’apparition de la majoration suivante (13) : “La TEP au FDG peut être
proposée en cas de suspicion de récidives locales ou métastatiques
dans le cadre de protocoles évalués.”
La TEP-Nord-Pas-de-Calais a été opérationnelle en avril 2001, et,
à ce jour, 2533 examens ont été réalisés au centre Oscar-Lambret.
Le but de ce travail rétrospectif était d’évaluer les modifications de
la prise en charge induites par la TEP chez les patientes ayant une
suspicion de récidive de cancer de l’ovaire.
MATÉRIELS ET MÉTHODE
Quarante patientes (moyenne d’âge de 55 ans) suivies pour cancer de l’ovaire, ont eu une TEP au FDG avant une prise en
charge chirurgicale, cela dans l’idée d’une chirurgie secondaire.
Ces patientes étaient adressées pour :
– une augmentation isolée tardive du CA 125 (18) ;
– une suspicion de récidive en imagerie conventionnelle (12),
(imagerie douteuse associée ou non à une élévation du CA 125) ;
– un bilan préchirurgical d’une récidive connue (6) ;
1. Services de médecine nucléaire, 2. d’imagerie médicale, 3. de cancérologie
gynécologique, 4. de radiothérapie. Centre Oscar-Lambret, 3, rue FrédéricCombemale, 59000 Lille.
5. Département de chirurgie, institut Claudius-Regaud, 20, rue du Point-SaintPierre, 31052 Toulouse.
La Lettre du Gynécologue - n° 303 - juin 2005
– une évaluation d’une éventuelle poursuite évolutive après
traitement (4).
Les patientes ont eu une exploration TEP “corps entier” (du nez
jusqu’au pubis) une heure après l’injection de 370 MBq de 18FFDG sur une caméra dédiée (GE Advance). Toutes ces patientes
avaient une glycémie normale au moment de l’injection du traceur. Les images ont été reconstruites sans correction d’atténuation et avec correction d’atténuation et reconstruction itérative.
De façon rétrospective, nous avons évalué l’impact de la TEP
dans la prise en charge de ces patientes. La TDM et la TEP ont
été classées en vrais positifs/faux positifs/vrais négatifs/faux
négatifs en fonction du suivi évolutif et/ou des données chirurgicales. Les scanners abdominopelviens ont été interprétés de
façon prospective dans le cadre d’un recrutement mixte
(CRLCC/CHG/ville) ; la TEP a été relue en aveugle par un
spécialiste, puis en connaissance des résultats par le même
spécialiste. Des tomodensitométries complémentaires, notamment thoraciques, ont été demandées chaque fois que la TEP
montrait des anomalies susdiaphragmatiques.
RÉSULTATS
Comparaison des discordances TEP/TDM
La TEP a été faussement négative dans deux types histologiques particuliers : une tumeur de la granulosa et une tumeur
à cellules de Sertoli, ces deux patientes présentant une récidive
authentifiée par l’imagerie conventionnelle.
Un examen par TEP était faussement positif ; il s’agissait
d’une fixation digestive isolée qui a été considérée comme
probablement pathologique (“à contrôler”), ce qui a conduit à
la réalisation d’une coloscopie qui est restée négative. Neuf
mois plus tard, la patiente va bien avec un taux de CA 125 toujours élevé (40) mais stable.
Dans les autres cas, la TEP a reconnu les maladies évolutives,
mettant en évidence plus d’anomalies abdominales que la
TDM chez 10 patientes, avec, de plus, une extension susdiaphragmatique pour trois d’entre elles. De plus, pour une
patiente, la TEP a mis en évidence un cancer du sein.
La TDM abdominale a été faussement négative en première
lecture dans 8 cas, les lésions ayant été secondairement
authentifiées lors de la seconde relecture aidée de la TEP pour
7 patientes (six cas de carcinose, une adénopathie hilaire hépa17
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devant la négativité de la TEP au FDG, et le suivi à un an a
confirmé l’absence d’évolutivité. Enfin, pour une patiente,
l’absence de foyers hypermétaboliques après chimiothérapie a
conduit à maintenir les champs pelviens de radiothérapie initialement prévus, sans réaliser d’extension lombo-aortiques.
CONCLUSION
Figure.
tique). Pour la huitième patiente, il s’agissait de deux métastases spléniques visibles dès la première relecture de la TDM.
Impact de la TEP en fonction du contexte
Augmentation isolée du CA 125 (n = 18)
La TEP a été positive pour toutes les patientes (18/18). Dans 14
cas, cela a conduit à un changement de prise en charge : 10
patientes ont été mises sous chimiothérapie (dont 2 annulations de
laparoscopie [figure], et une adaptation pour cancer du sein associé), et 4 patientes ont pu bénéficier d’une chirurgie d’exérèse.
Dans 4 cas, la TEP n’a pas entraîné de modification de la prise
en charge initialement prévue :
• Deux “looks” prévus ont été maintenus et la TEP a montré,
dans les deux cas, moins d’anomalies qu’il n’en a été retrouvé
lors de la chirurgie.
• Chez une patiente, la TEP a montré une adénopathie paraœsophagienne et les conséquences d’une tentative de chirurgie
curatrice auraient été trop lourdes.
• Enfin, dans 1 cas, il a été décidé d’attendre… et la patiente a
évolué 6 mois plus tard.
Bilan préopératoire d’une récidive (n = 6)
La chirurgie a été annulée au vu des résultats de la TEP pour 4 des
6 patientes, qui ont été mises sous chimiothérapie. Pour une
patiente, la TEP a permis une adaptation de l’acte chirurgical.
Enfin, la TEP a été faussement négative dans le seul cas de
tumeur à cellules de Sertoli.
Doute en IC sur une récidive (n = 12)
Dans 9 cas, la TEP a induit un changement de prise en charge,
permettant deux chirurgies d’exérèse de métastases, une annulation de chirurgie avec mise sous chimiothérapie en raison de
l’extension des lésions visualisée à la TEP, et cinq autres instaurations de chimiothérapie. Enfin, pour une patiente, la TEP
a conduit à une simple surveillance devant l’absence de fixation du FDG au niveau de modifications postopératoires et,
deux ans plus tard, la patiente va bien. Pour 3 patientes, la TEP
n’a pas entraîné de changement de prise en charge. Dans un cas,
l’examen a été faussement négatif (tumeur de la granulosa) et la
chirurgie a été maintenue. Pour les deux autres, la TEP a
confirmé l’absence de fixation du FDG au niveau d’anomalies
douteuses et la surveillance prévue a été maintenue.
Suivi de traitement (n = 4)
Quatre patientes ont eu une TEP dans le cadre d’une l’évaluation post-thérapeutique. Pour deux d’entre elles, la persistance
de foyers hyperfixants a conduit à une reprise de la chimiothérapie. Dans un cas, une surveillance simple a été instaurée
18
La TEP a induit un changement dans la prise en charge de 77,5%
(31/40) des patientes. Cet examen paraît donc avoir un impact
majeur dans la prise en charge des patientes ayant une suspicion de récidive de cancer de l’ovaire ou dans le cadre du bilan
d’opérabilité de récidive connue.
La TEP au FDG permet :
– la mise en évidence de lésions de carcinose souvent plus
étendues que décrites par TDM ;
– dans le même temps d’examen, une exploration du “corps
entier”, permettant la découverte d’une éventuelle extension
extra-abdominale (pulmonaire, pleurale ou susclaviculaire) ;
– la mise en évidence d’une lésion unique devant une augmentation inexpliquée du CA 125, souvent plus précocement que
par imagerie conventionnelle.
Dans ces deux cas, il existe un gain en termes d’indications opératoires : chirurgie d’exérèse à visée curative ou, à l’inverse, récusation d’une chirurgie alors qu’il existe déjà une extension.
La TEP permet également l’instauration plus précoce d’une chimiothérapie devant une élévation isolée du CA 125, dont
l’impact en termes de survie et de qualité de vie doit être étudié. ■
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13. Recommandations pour la pratique clinique: Mise à jour 2003 des Standards,
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La Lettre du Gynécologue - n° 303 - juin 2005
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