T H É R A P E U T I Q U E S Aspects thérapeutiques des spondylarthropathies ! P o i n t s E. Toussirot, D. Wendling* f o r t s " Les spondylarthropathies regroupent des affections ayant certaines caractéristiques cliniques, biologiques, génétiques et évolutives communes. De même, elles ont en commun leur grande sensibilité aux AINS. " Les AINS restent la classe médicamenteuse de choix à utiliser en première intention dans la spondylarthrite ankylosante. " Un traitement de fond est indiqué dans les formes rebelles de spondylarthrite ankylosante et/ou résistantes aux AINS. Seule la sulfasalazine a démontré son efficacité dans cette pathologie. " La sulfasalazine a également démontré son efficacité dans les formes résistantes aux AINS et/ou d’évolution chronique de rhumatisme psoriasique et d’arthrite réactionnelle. " Parallèlement aux traitements médicamenteux, l’éducation et la rééducation occupent une place importante dans la prise en charge d’une spondylarthrite ankylosante. Mots-clés : Spondylarthropathie - Anti-inflammatoires non stéroïdiens - Sulfasalazine. * Service de rhumatologie, CHU hôpital Jean-Minjoz, Besançon. La Lettre du Rhumatologue - n° 261 - avril 2000 L es spondylarthropathies regroupent un ensemble d’affections présentant des caractéristiques cliniques, biologiques, génétiques et radiologiques communes. Elles ont également en commun quelques grandes lignes thérapeutiques, notamment leur sensibilité aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). Toutefois, les circonstances de survenue et l’évolution restent propres à chacune de ces affections, ce qui fait que la thérapeutique ne peut se généraliser à l’ensemble du groupe des spondylarthropathies. Dans ce chapitre seront évoqués les aspects thérapeutiques des trois principales spondylarthropathies rencontrées par le rhumatologue, c’est-à-dire la spondylarthrite ankylosante (SA), les arthrites réactionnelles (AR) et le rhumatisme psoriasique (RP). Le cas particulier des entérocolopathies inflammatoires sera également abordé. THÉRAPEUTIQUES DE LA SPONDYLARTHRITE ANKYLOSANTE La SA se caractérise par des poussées douloureuses intéressant le rachis dorso-lombaire et les articulations sacro-iliaques, pouvant aboutir au long cours à l’ankylose rachidienne, source de handicap fonctionnel entravant la qualité de vie du patient. Des atteintes périphériques sont également possibles, tout comme des atteintes extra-articulaires, dominées par les uvéites, les atteintes cardiaques et pulmonaires. Les objectifs du traitement sont donc de réduire les douleurs, de lutter contre les poussées douloureuses et la raideur rachidienne, ainsi que de dépister et prévenir les complications (1). Les thérapeutiques actuellement disponibles dans la SA comportent essentiellement les AINS et la rééducation (1-3). La plupart des médicaments disponibles et utilisés dans la SA ont démontré une efficacité sur la douleur et la raideur rachidienne ; toutefois, il n’est pas démontré que ces produits soient actifs sur l’évolution de la maladie, notamment sur les complications 39 T H É R A P E U T I Q U E S telles les ossifications rachidiennes progressives et la survenue de manifestations extra-articulaires (l’amylose rénale par exemple) (1, 4). Médicaments de la spondylarthrite ankylosante Les médicaments qui sont à la disposition du praticien pour traiter une SA peuvent être divisés en quatre groupes (1, 2) : – les AINS, qui restent la classe médicamenteuse de référence dans cette pathologie, – les traitements adjuvants tels les antalgiques, les myorelaxants, – les corticoïdes, – enfin, les traitements dits de fond, qui ont théoriquement un effet sur le cours évolutif de la maladie. Les AINS Ils restent les produits les plus utilisés dans cette maladie, et la sensibilité de la SA (et des autres spondylarthropathies) à ces médicaments fait même partie des critères diagnostiques des spondylarthropathies d’Amor. Selon les études, la majorité des malades atteints de SA prennent des AINS (1, 2, 5). De nombreuses études (ouvertes, contre placebo, comparatives, en cross-over) ont été réalisées, et il est donc difficile d’évaluer la supériorité de tel ou tel AINS par rapport à un autre. Selon les données de la littérature anglo-saxonne, l’indométacine, le naproxène, le piroxicam, le diclofénac seraient les AINS les plus utilisés par les patients. Ces données sont toutefois anciennes (1985) et ne permettent pas d’apprécier l’usage des AINS de nouvelle génération (1). L’efficacité de la phénylbutazone est bien connue au cours de la SA, et elle est même considérée comme un test diagnostique par certains. Toutefois, la tolérance de ce médicament reste médiocre, avec des effets secondaires hématologiques sévères qui restreignent son utilisation. Les AINS sont efficaces dans la SA, quelle que soit la forme, axiale ou périphérique, et quelle que soit l’ancienneté de la maladie. L’efficacité est constatée cliniquement sur la réduction des douleurs, de la raideur matinale et l’amélioration de la mobilité rachidienne. Certaines études rapportent un effet sur les marqueurs biologiques inflammatoires. La phénylbutazone pourrait, par ailleurs, retarder les phénomènes d’ossification au rachis (1, 2). Le principal écueil des AINS reste celui de leur tolérance. Les effets secondaires sont dominés par la gastrotoxicité et la néphrotoxicité. Les AINS de nouvelle génération, ou antiCOX-2 sélectifs, devraient permettre une utilisation plus facile, avec une efficacité identique et des effets secondaires moindres. Une administration au long cours des AINS n’est pas conseillée, la prescription étant plutôt réservée au traitement d’une poussée douloureuse. Les traitement adjuvants On peut ici regrouper les antalgiques et les myorelaxants (1, 2). Les antalgiques sont d’un apport appréciable en cas de mauvaise tolérance des AINS. Aucune molécule n’a fait la preuve de sa supériorité par rapport à une autre. Les myorelaxants sont, de la même façon, un traitement adjuvant permettant de lutter 40 contre la raideur rachidienne. L’amitriptyline a démontré son intérêt en tant que traitement de la douleur chronique (1). Les corticoïdes La corticothérapie par voie générale, et notamment sous forme de bolus intraveineux, a montré une efficacité dans certaines études, y compris sur les manifestations axiales (1). De faibles doses par voie orale ( 10 mg/j) peuvent être proposées en cas de contre-indications aux AINS, mais n’ont pas fait l’objet d’études contrôlées. Les traitements de fond Ils sont réservés aux formes évolutives qui résistent ou répondent insuffisamment aux AINS, ou aux formes avec atteinte extra-articulaire (2, 5). Dans ce groupe, la sulfasalazine tient une place de choix. La raison de son utilisation dans la SA repose sur l’association de cette maladie avec les entéropathies inflammatoires et la constatation fréquente de lésions inflammatoires de la muqueuse digestive iléale dans la SA. De nombreuses études (ouvertes puis contrôlées contre placebo) ont démontré l’efficacité de la sulfasalazine dans la SA (1, 2, 5, 6, 7). Ceci concerne surtout les formes actives, récentes et avec atteinte articulaire périphérique prédominante. L’amélioration est constatée sur les paramètres habituels, c’est-à-dire la douleur, la vitesse de sédimentation (VS) et la CRP, ainsi que le taux d’IgA circulant. Une méta-analyse réalisée en 1990 concluait à l’efficacité de la sulfasalazine dans la SA avec amélioration de la raideur matinale, de la douleur et de la VS (8). Toutefois, ces études ont, pour la plupart, été menées sur une période courte, ne permettant pas d’apprécier l’influence de la sulfasalazine sur le cours évolutif de la maladie. La tolérance reste habituellement bonne, avec des effets secondaires bien connus (gastrotoxicité, vertiges, céphalées, cytolyse hépatique, leucopénie, anémie mégaloblastique, lupus induit). D’autres traitements de fond ont été proposés dans la SA (Dpénicillamine, antipaludéens de synthèse, sels d’or, immunosuppresseurs [cyclophosphamide, ciclosporine]), donnant des résultats variables (1). Pour tous ces produits, aucune étude contrôlée n’est disponible, ne permettant ainsi aucune conclusion. Le méthotrexate a été essayé dans le cadre d’études ouvertes donnant des résultats intéressants, mais peu spectaculaires (1). Les gestes locaux dans la SA Les arthrites périphériques peuvent bénéficier d’une infiltration cortisonique, voire d’une synoviorthèse. De la même façon, certaines enthésopathies rebelles peuvent également être traitées par infiltration cortisonique. La talalgie de la SA pose parfois des problèmes difficiles et certaines formes rebelles aux AINS, infiltrations et orthèses plantaires, nécessitent parfois le recours à la radiothérapie anti-inflammatoire, qui reste cependant d’indication exceptionnelle. Des études ouvertes, puis contrôlées, ont démontré l’intérêt des infiltrations sous repérage scopique ou tomodensitométrique des articulations sacro-iliaques, dans le cas de douleurs persistantes malgré le traitement par voie générale (1) (figure 1, p. 42). .../... La Lettre du Rhumatologue - n° 261 - avril 2000 T H É R A P E U T I Q U E S .../... demment restent des traitements expérimentaux qui n’ont pas fait la preuve de leur efficacité. Une telle approche s’apparente beaucoup à la classique pyramide thérapeutique de la PR (1). THÉRAPEUTIQUES DU RHUMATISME PSORIASIQUE Figure 1. La rééducation La rééducation occupe une place importante dans la prise en charge thérapeutique de la SA (1, 3). Elle a pour but de lutter contre les douleurs, l’enraidissement et de permettre la poursuite de l’activité quotidienne du patient ou sa réadaptation socio-professionnelle. Un programme d’exercices quotidiens doit être défini et adapté à chaque patient. Des études ont démontré l’importance de cette prise en charge, avec pour résultat une amélioration significative des indices rachidiens, tels que la distance main-sol, l’indice de Schober et la distance occiput-mur. Les périodes inflammatoires font appel à des mesures appropriées pour diminuer les douleurs, alors que durant les périodes de rémission, il est indiqué de lutter contre l’ankylose rachidienne et thoracique, de diminuer les rétractions musculaires et d’éduquer le patient à la dynamique ventilatoire (3). Dans les formes graves et enraidies avec attitude vicieuse, l’utilisation d’un corset peut être indiquée. Prise en charge “globale” du patient atteint de spondylarthrite ankylosante Ces différentes mesures thérapeutiques doivent s’adapter au patient et aux caractéristiques propres de sa maladie. Une première approche concerne son éducation, comme cela est conseillé dans la polyarthrite rhumatoïde (PR). Le patient doit être mis au courant de sa maladie, de ses complications et des bases du traitement. Les fascicules d’information sur la SA sont à cet égard un apport important pour le malade (9), tout comme peuvent l’être les associations de malades (ACSAC : Association Contre la Spondylarthrite Ankylosante et ses Conséquences). La rééducation constitue la deuxième ligne thérapeutique, avant les AINS, qui correspondent à la classe médicamenteuse la plus utilisée dans la SA. Les antalgiques, myorelaxants et/ou une corticothérapie à faible dose ont un intérêt secondaire et ne sont que des adjuvants. C’est ensuite que doit se poser l’indication d’un traitement de fond en cas de formes rebelles aux mesures thérapeutiques précédentes, en proposant avant tout la sulfasalazine. Les autres traitements de fond cités précé42 Le rhumatisme psoriasique (RP) constitue une entité à part du fait de son expression clinique polymorphe, de son caractère évolutif jugé bénin en comparaison avec la PR et de sa place à mi-chemin entre la PR et la SA. Ce polymorphisme permet ainsi d’individualiser plusieurs formes (polyarticulaire ressemblant à la PR, mono- ou oligoarticulaire, atteinte axiale prédominante ressemblant à la SA, atteinte des interphalangiennes distales et forme mutilante) (2, 5). Les thérapeutiques du RP doivent tenir compte de la forme clinique du patient et de l’atteinte cutanée concomitante qui contre-indique, ou du moins limite, l’usage de certains médicaments (10). Les traitements qui sont disponibles dans l’arsenal thérapeutique du RP sont nombreux et se subdivisent en traitements symptomatiques, traitements dits de fond, qui limitent et/ou contrôlent l’évolution de ce rhumatisme inflammatoire et certains traitements à visée dermatologique qui ont, parallèlement, une action sur les manifestations articulaires (2, 5). Les traitements symptomatiques Les antalgiques sont utiles pour contrôler et/ou limiter les douleurs. Une réserve doit être formulée pour les salicylés, accusés par les dermatologues de provoquer des poussées de psoriasis pustuleux (10). Les AINS sont efficaces et doivent être utilisés en première intention (2, 5, 11). Comme pour la SA, il n’existe pas de données quant à la supériorité d’une molécule par rapport à une autre. Certains produits (indométacine, phénylbutazone) sont susceptibles de provoquer des poussées de psoriasis, les rendant ainsi contre-indiqués pour les dermatologues (10). En fait, ces accidents sont rares, et il serait abusif d’interdire totalement tous les AINS dans le RP, d’autant qu’ils font preuve d’efficacité. Dans le même sens, la corticothérapie à faible dose peut déstabiliser un psoriasis et même provoquer une poussée de psoriasis pustuleux, accident heureusement exceptionnel qui ne doit pas interdire totalement l’usage de cette classe thérapeutique dans le RP (10). Des bolus de corticoïdes ont également été réalisés, donnant de bons résultats sur les manifestations articulaires (5, 11). Les traitements de fond Ils sont nombreux et la plupart des molécules utilisées dans la PR ont également été testées dans le RP (2, 5, 11). Certaines molécules ont fait l’objet d’études contrôlées (méthotrexate, sels d’or, sulfasalazine, D-pénicillamine), alors que pour d’autres (auranofine, antipaludéens, ciclosporine), seules des études ouvertes ont été réalisées jusqu’à présent. La Lettre du Rhumatologue - n° 261 - avril 2000 T Deux molécules dominent la scène thérapeutique dans le RP : il s’agit de la sulfasalazine (6, 12, 13) et du méthotrexate (14, 15). Chacune a démontré son efficacité dans des études contrôlées contre placebo, ainsi que sa bonne tolérance, sans exacerbation de la dermatose (15). La sulfasalazine pourrait même améliorer les plaques de psoriasis, et cette molécule est parfois utilisée en cas d’atteinte cutanée isolée. Concernant les lésions radiologiques, le méthotrexate ne semble pas ralentir leur progression (14). La ciclosporine est également un produit très actif dans le RP (agissant sur les articulations et la dermatose), mais aucune étude contrôlée n’a été réalisée (16). Les antipaludéens de synthèse sont très controversés et ne font pas l’unanimité dans les milieux dermatologiques, à cause du risque d’aggravation cutanée ; de plus, aucune étude contrôlée n’est actuellement disponible, ce qui ne plaide guère en faveur de leur utilisation (2, 5, 11). Les sels d’or sont également soupçonnés d’induire des réactions d’exacerbation du psoriasis, mais ces accidents sont rares (moins de 5 % des cas) et ce traitement reste efficace dans le RP (11). Citons également la colchicine, qui est une alternative intéressante aux AINS et la bromocriptine, qui a donné des résultats rapides dans des essais ouverts (2, 11). Certains immunosuppresseurs ont été essayés dans le RP (azathioprine, 6-mercaptopurine), mais les effets secondaires hématologiques graves limitent leur utilisation (11). Les traitements propres du psoriasis Outre leur efficacité sur la dermatose, ils présentent un certain intérêt pour l’atteinte articulaire concomitante. La puvathérapie permet ainsi une amélioration articulaire. Les rétinoïdes, utilisés dans le psoriasis et les troubles de la kératinisation, sont actifs sur les manifestations articulaires du RP. L’étrétinate, qui n’est actuellement plus disponible, a démontré une efficacité dans le RP (amélioration des indices articulaires). Toutefois, des études contrôlées sont nécessaires pour déterminer le réel intérêt de ces produits dans le RP (2, 5). La prise en charge du rhumatisme psoriasique Elle dépend de la forme clinique du patient et de la dermatose associée. Les formes mono- ou oligoarticulaires peuvent bénéficier de gestes locaux et des AINS. Les atteintes polyarticulaires périphériques peuvent être traitées par méthotrexate ou sulfasalazine, voire par sels d’or, si l’on reste vigilant sur l’état cutané. Les formes avec atteinte axiale prédominante, lorsqu’elles résistent aux AINS, sont des candidates à la sulfasalazine. L’usage de la ciclosporine doit être réservé aux formes particulièrement rebelles. De la même façon que dans la SA, la kinésithérapie est utile et nécessaire dans les formes avec atteinte axiale ; l’éducation du patient, avec notamment un abord psychologique, constitue également un point important de sa prise en charge. La Lettre du Rhumatologue - n° 261 - avril 2000 H É R A P E U T I Q U E S THÉRAPEUTIQUES DES ARTHRITES RÉACTIONNELLES Les arthrites réactionnelles (AR) et le syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter restent des affections peu fréquentes, ce qui explique les difficultés d’évaluation des traitements dans ce groupe. Elles surviennent classiquement au décours d’une infection génitale ou intestinale. En outre, la mise en évidence, ces dernières années, d’antigènes, voire d’acides nucléiques bactériens au sein du liquide et/ou tissu synovial, a relancé le débat sur la nature véritablement infectieuse de ces affections. L’évolution est relativement polymorphe, avec des patients évoluant en une seule poussée d’une durée variable, d’autres récidivant avec plusieurs poussées, ou enfin évoluant sur un mode chronique qui ressemble à la SA (17, 18). La thérapeutique est surtout fonction de cette forme clinique évolutive. D’autre part, l’infection déclenchante et la mise en évidence de fragments antigéniques bactériens au sein de l’articulation soulèvent le problème de l’antibiothérapie (18, 19). Ainsi, les traitements actuellement utilisés dans les AR se divisent en traitements symptomatiques, traitements de fond et les antibiotiques. Les traitements symptomatiques Il s’agit à nouveau des AINS, qui restent la classe médicamenteuse de référence dans cette pathologie (2, 5, 18). Comme pour les autres spondylarthropathies, il n’y a pas de données sur la supériorité d’une molécule par rapport à une autre, et ceci s’applique également à la phénylbutazone. Les traitements symptomatiques comportent également les antalgiques, qui limitent les phénomènes douloureux, et les gestes locaux, utiles en cas d’atteinte monoarticulaire. Les traitements de fond La sulfasalazine est efficace : cela a été constaté dans des études ouvertes, puis contrôlées contre placebo (2, 5, 18, 20). Ce traitement est, par ailleurs, bien toléré dans cette indication. Le méthotrexate a été essayé ponctuellement et donne des résultats dans les AR avec lésions cutanées florides. Il n’y a, en revanche, pas de données concernant les autres molécules habituellement utilisées dans les rhumatismes inflammatoires de l’adulte, comme les sels d’or ou la D-pénicillamine (2, 5). Les antibiotiques Les germes incriminés dans le déclenchement des AR étant le plus souvent des organismes intracellulaires, les antibiotiques de la classe des cyclines ont surtout été testés dans cette indication. Les résultats favorables concernent particulièrement les AR d’origine génitale. Les cyclines instituées précocement ont en effet montré, chez les sujets ayant déjà souffert d’AR, un effet sur la diminution de la fréquence des poussées d’arthrite après une nouvelle infection génitale (19). D’autre part, la durée des AR induites par Chlamydia trachomatis est diminuée lors du traitement prolongé (3 mois) par lymécycline (18, 43 T H É R A P E U T I Q U E S 19). Pour les AR d’évolution chronique, les antibiotiques (cyclines ou fluoroquinolones) n’ont montré aucun intérêt. L’évolution des AR d’origine intestinale est peu modifiée par les antibiotiques (fluoroquinolones) (18). La prise en charge des arthrites réactionnelles Comme pour les autres spondylarthropathies, la prise en charge dépend de la forme clinique et évolutive. Les formes évoluant en une seule poussée relèvent d’un traitement AINS et de gestes locaux. Les formes récurrentes ou d’évolution chronique justifient la mise sous sulfasalazine, en cas d’échec ou d’insuffisance de réponse aux AINS. L’utilisation des antibiotiques reste controversée. Les données récentes suggèrent leur intérêt dans les AR d’origine génitale ou causées par Chlamydia trachomatis. Toutefois, hormis leur utilisation à visée curatrice de l’infection causale, l’usage des antibiotiques pour traiter l’AR n’est pas entré pour le moment dans les habitudes des praticiens et nécessite des lignes de conduite claires et précises, qui restent à établir. corticothérapie générale, l’azathioprine et le méthotrexate ont démontré leur efficacité sur les manifestations articulaires. Cependant, aucune étude contrôlée n’est disponible sur le versant rhumatologique pour ces molécules. La sulfasalazine représente là encore une option logique, active sur la maladie inflammatoire digestive, et sur les manifestations rhumatologiques, en particulier périphériques. Pour les spondylarthropathies indifférenciées, le traitement répond aux mêmes principes généraux que les affections précédentes : AINS en première ligne, traitements d’action lente en seconde intention. PERSPECTIVES THÉRAPEUTIQUES Des essais sont actuellement en cours avec le pamidronate et les agents anti-TNF (étanercept et infliximab) dans les formes sévères et/ou rebelles de SA et de rhumatismes psoriasiques respectivement. De même, la thalidomide a été essayée dans quelques cas de SA. L’efficacité, la tolérance et les indications de ces différentes molécules restent toutefois à préciser dans des études contrôlées. CAS PARTICULIERS DES ENTÉROCOLOPATHIES INFLAMMATOIRES ET DES SPONDYLARTHROPATHIES INDIFFÉRENCIÉES CONCLUSION Les spondylarthropathies peuvent être associées ou secondaires aux entérocolopathies. Ce terrain pose des problèmes thérapeutiques particuliers. En effet, l’utilisation des AINS doit être proposée avec la plus grande prudence et le plus grand discernement, car cette classe thérapeutique peut être à l’origine d’aggravation de la maladie intestinale, voire du déclenchement de poussées (21). Il est donc le plus souvent nécessaire de recourir à d’autres types de thérapeutiques. Le premier objectif global du traitement est d’obtenir la rémission de l’entérocolopathie qui, à côté de l’amélioration de la qualité de vie, exerce le plus souvent un effet tout à fait favorable sur l’évolution des arthrites périphériques. Dans ce contexte, la Les spondylarthropathies ne se limitent pas à ces affections mais comportent également le syndrome SAPHO et les spondylarthropathies du sujet âgé. Chaque affection a des particularités thérapeutiques, mais le groupe des spondylarthropathies s’individualise par sa grande sensibilité aux AINS et par sa réponse potentielle à la sulfasalazine en cas de nécessité d’un traitement de fond. La thérapeutique de ces spondylarthropathies ne se limite pas à ces médicaments, mais comporte également l’éducation des patients et la rééducation, qui doit être adaptée à chacun d’entre eux et à sa forme évolutive. Cette prise en charge globale conditionne l’amélioration du patient, lui permettant ainsi une qualité de vie satisfaisante. " Pour en 1. Toussirot E., Wendling D. Current guidelines for the drug treatment of ankylosing spondylitis. Drugs 1998 ; 56 : 225-40. 2. Jackson C.G., Clegg D.O. The seronegative spondylarthropathies (ankylosing spondylitis, Reiter’s syndrome, psoriatic arthritis). In : Weisman M.H., Weinblatt M.E. Treatment of the rheumatic diseases. Phidadelphia : Saunders 1995 : 79-92. 3. Calmels P., Baret G., Alexandre C., Minaire P. La rééducation de la spondylarthrite ankylosante. Concours médical 1989 ; 111-26 : 2239-42. 4. Laurent R. Are there any antirheumatic drugs that modify the course of ankylosing spondylitis ? Baillere’s Clin Rheumatol 1990 ; 4 : 387-400. 44 savoir plu s... 5. Cuellar M.L., Espinoza L.R. Management of spondylarthropathies. Current Opin Rheumatol 1996 ; 8 : 288-95. 6. Dougados M., Van der Linden S., Leirisalo-Repo M. et coll. Sulfasalasine in the treatment of spondylarthropathy. A randomized, multicenter, double-blind, placebo-controlled study. Arthritis Rheum 1995 ; 38 : 618-27. 7. Clegg D.O., Reda D.J., Weisman M.H., Blackburn W.D. et coll. Comparison of sulfasalasine and placebo in the treatment of ankylosing spondylitis. A department of Veterans’ affairs cooperative study. Arthritis Rheum 1996 ; 39 : 2004-12. .../... La Lettre du Rhumatologue - n° 261 - avril 2000 T H É R A P E U T I Q U E S .../... 8. Bosi-Ferraz M., Tugwell P., Goldsmith C.H., Atra E. Meta-analysis of sulfasalasine in ankylosing spondylitis. J Rheumatol 1990 ; 17 : 1720-6. 9. La spondylarthrite ankylosante en 100 questions. Institut de Rhumatologie, Groupe Hospitalier Cochin, NHA Communications Paris, 1998. 10. Griffiths C.E.M. Therapy for psoriatic arthritis : sometimes a conflict for psoriasis. Br J Rheumatol 1997 ; 36 : 409-12. 11. Goupille P., Valat J.P. Le traitement du rhumatisme psoriasique. Ann Med Interne 1994 ; 145 : 205-14. 12. Clegg D.O., Reda D.J., Mejias E. et coll. Comparison of sulfasalasine and placebo in the treatment of psoriatic arthritis. Arthritis Rheum 1996 ; 39 : 2013-20. 13. Combe B., Goupille P., Kuntz J.L. et coll. Sulfasalasine in psoriatic arthritis : a randomized multicentre, placebo-controlled study. Br J Rheumatol 1996 ; 35 : 664-8. 14. Abu-Shakra M., Gladman D.D., Thorne J.C. et coll. Longterm methotrexate therapy in psoriatic arthritis : clinical and radiological outcome. 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Rheum Dis Clin N Am 1998 ; 24 : 785- 813. AUTOQUESTIONNAIRE FMC 1. Dans la spondylarthrite ankylosante, la sulfasalazine : a. est surtout efficace dans les formes axiales b. peut provoquer une hépatite cytolytique c. ne doit jamais être associée aux AINS d. n’a jamais fait la preuve de son efficacité e. entraîne des gastralgies 2. Dans le rhumatisme psoriasique : a. la corticothérapie est strictement contre- indiquée, même à faible dose b. aucun traitement de fond n’est efficace c. les AINS sont très efficaces sur les manifestations articulaires d. la ciclosporine est indiquée dans les formes sévères et rebelles. e. le méthotrexate est un traitement actif à la fois sur la dermatose et les atteintes articulaires. RÉPONSES FMC 1. b, e ; 2. c, d, e. ERRATUM Dans l’article “Infiltrations périradiculaires lombaires (première partie : bases anatomiques et physiopathologiques)”, paru dans La Lettre du Rhumatologue n° 260 - mars 2000, il fallait lire : – p. 26 (bas de la première colonne) : “L’infiltration périradiculaire sera réalisée dans les deux cas à la sortie de la racine L5 du foramen intervertébral L5-S1.” – p. 28 (réponses à la question 2) : “Quel que soit le siège de la compression radiculaire, médiane ou latérale à l’étage inférieur, l’injection est située à l’issue de la racine douloureuse, donc à la sortie du foramen intervertébral L5-S1 pour la racine L5”. La Lettre du Rhumatologue - n° 261 - avril 2000 45